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Table ronde 5 « Les grandes lignes du droit des entreprises en difficulté » M. François-Xavier LUCAS Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne M. Maurice PICARD Président du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires ------------------------------------------- « La profession réglementée de mandataire de justice » M. Philippe FROEHLICH Vice-président du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires M. Xavier HUERTAS Président de la Commission Relations Internationales et Européennes du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires ------------------------------------------- « La garantie de rémunération des salariés » Mme Evelyne GALL Ancienne Présidente du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires ------------------------------------------- « Tentative d’analyse comparée du droit des entreprises en difficulté chinois et français » Me Lionel HANACHOWICZ Avocat, Associé du Cabinet Bignon Lebray & Associés, Professeur Associé à l’Université de Lyon III Jean-Moulin ------------------------------------------- « Aperçu du nouveau droit chinois des entreprises en difficulté » M. WANG Rui Juriste, Membre du Cabinet Bignon Lebray & Associés à Shanghai 1

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Table ronde 5

« Les grandes lignes du droit des entreprises en difficulté »M. François-Xavier LUCASProfesseur à l’Université Paris I Panthéon SorbonneM. Maurice PICARDPrésident du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires

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« La profession réglementée de mandataire de justice »

M. Philippe FROEHLICH

Vice-président du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires

M. Xavier HUERTASPrésident de la Commission Relations Internationales et Européennes du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires

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« La garantie de rémunération des salariés »

Mme Evelyne GALLAncienne Présidente du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires

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« Tentative d’analyse comparée du droit des entreprises en difficulté chinois et français »

Me Lionel HANACHOWICZAvocat, Associé du Cabinet Bignon Lebray & Associés, Professeur Associé à l’Université de Lyon III Jean-Moulin

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« Aperçu du nouveau droit chinois des entreprises en difficulté »

M. WANG RuiJuriste, Membre du Cabinet Bignon Lebray & Associés à Shanghai

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« Les grandes lignes du droit des entreprises en difficulté »

M. François-Xavier LUCAS

Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne

M. Maurice PICARD

Président du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires

Le droit français des procédures collectives qui datait d’une loi du 25 janvier 1985, modifiée en 1994, vient d’être réformé en profondeur. Une loi a été votée le 26 juillet 2005 (la loi de sauvegarde des entreprises). Elle a été intégrée dans le Code de commerce et est entrée en vigueur le 1er janvier 2006.

Pour brosser un tableau du droit français des entreprises en difficulté, il apparaît utile de rappeler la diversité de ses finalités (A) et de présenter la variété des outils qu’il met à la disposition des professionnels (B).

A – La diversité des finalités

Comme son nom l’indique le droit des entreprises en difficulté place aujourd’hui l’entreprise au cœur de ses préoccupations en cherchant à prévenir ou traiter ses difficultés (1°) ou en s’efforçant d’organiser sa liquidation lorsque l’échec est avéré (2°).

1°) Pré venir et traiter les difficultés

La loi nouvelle part du constat que le droit de la faillite ne parvient pas à sauver les entreprises : 95% des procédures collectives ouvertes en France se terminent par une liquidation. Le législateur a considéré que ces statistiques décourageantes n’étaient pas une fatalité et qu’un droit mieux adapté pourrait permettre de sauver plus d’entreprises, objectif évidemment favorable à l’économie française et à la volonté de sauver des emplois.

Pour parvenir à améliorer l’efficacité des procédures collectives, le législateur a adopté une idée simple : il faut anticiper le traitement des difficultés et faire en sorte que les mesures de sauvetage interviennent plus rapidement. Comme en médecine, il semble qu’en droit des entreprises en difficulté un traitement est plus efficace s’il est administré de façon précoce. Si autant d’entreprises sont finalement liquidées, c’est parce qu’elles ne peuvent pas être sauvées lorsque le tribunal commence à s’en occuper ; elles arrivent devant le juge dans un état de coma et il n’y a plus d’espoir de les redresser. Donc le droit ne peut devenir plus adapté que s’il permet d’anticiper le traitement des difficultés.

S’il faut résumer la réforme par un mot, c’est celui d’anticipation.

Pour y parvenir et pour faire en sorte que les débiteurs se préoccupent plus rapidement de trouver un remède à leurs difficultés, l’idée du législateur a été de dédramatiser la procédure collective et de la rendre moins inquiétante. Il s’agit d’inciter les débiteurs à se rendre plus rapidement au tribunal, sans avoir peur de subir les conséquences de la faillite.

On assiste à une révolution culturelle. Le droit des procédures collectives cesse d’être un droit contraignant, donnant un pouvoir très étendu au tribunal. Il devient un droit moins judiciaire, plus contractuel et plus abandonné à la liberté du débiteur et de ses créanciers.

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Pour cela la loi nouvelle encourage le recours à des procédures permettant une intervention plus rapide : le mandat ad hoc, la conciliation et la sauvegarde.

2°) Liquider l’entreprise et assurer la police de la vie des affaires

Malheureusement, le sauvetage de l’entreprise n’est pas toujours possible et un autre but doit parfois être assigné au droit des entreprises en difficulté : organiser la disparition des entreprises non viables en les liquidant. Tel est l’objet de la procédure de liquidation judiciaire.

Enfin, le droit des entreprises doit assurer la répression des comportements fautifs et la réparation des préjudices occasionnés. Longtemps, le but principal de cette matière a été d’assurer la répression, de punir les « faillis », ceux qui ne paient pas leurs dettes et causent ainsi un trouble à la vie des affaires. Ce volet répressif demeure car l’ouverture d’une procédure collective demeure l’occasion de rechercher les responsabilités de cet échec : le débiteur est exposé à des sanctions civiles, professionnelles voire pénales ; quant à ses partenaires, ils peuvent également être inquiétés au titre des fautes qu’ils ont pu commettre et qui ont contribué à créer les difficultés ayant débouché sur l’ouverture de la liquidation judiciaire.

B – La variété des outils

Il n’est pas inutile de rappeler ce qu’était le droit français avant le 1er janvier 2006 pour mieux comprendre ce qu’il est devenu depuis.

1°) Avant la réforme

Il existait deux techniques amiables de sauvetage des entreprises en difficulté.L’une, ignorée par la loi et inventée par la pratique, consistait à nommer un mandataire ad hoc, c’est-à-dire un professionnel chargé d’aider le débiteur à négocier un accord avec ses créanciers. Ce dispositif était purement amiable et confidentiel.

L’autre était le règlement amiable. Il consistait à obtenir la désignation d’un conciliateur chargé de négocier avec les créanciers. Mais à la différence du mandat ad hoc, cette procédure de règlement amiable n’était pas purement contractuelle, ni purement confidentielle. Le juge pouvait ainsi ordonner la suspension provisoire des poursuites pour faciliter la mission du conciliateur et contraindre les créanciers à négocier. L’accord conclu avec les créanciers pouvait être homologué par le président du tribunal, ce qui pouvait donner à la procédure un tour partiellement judiciaire.

Ces techniques de traitement amiable des difficultés n’ont pas connu le succès espéré. Le mandat ad hoc est la seule technique à avoir porté des fruits mais précisément il s’agissait d’une technique ignorée par la loi. A l’inverse, le règlement amiable a été peu utilisé. Les créanciers ne trouvaient aucun intérêt à participer à un tel accord qui pouvait même se révéler risqué. En effet si la procédure amiable échouait et si le débiteur était par la suite soumis à une procédure collective, l’accord de règlement amiable pouvait être annulé (y compris les sûretés accordées au créancier) s’il avait été passé au cours de la période suspecte. Par ailleurs, les créanciers pouvaient voir leur responsabilité engagée pour avoir participé à un accord amiable si le tribunal considérait qu’ils avaient abusivement soutenu leur débiteur. Tout cela n’était guère encourageant et guère propice au succès de cette procédure.

2°) Après la réforme

a) de nouvelles procédures s’ajoutant aux procédures traditionnelles

Le mandat ad hoc n’a pas été modifié par la loi. A l’inverse, le règlement amiable disparaît et est remplacé par une nouvelle procédure dite de « conciliation ». La plus grande

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nouveauté apportée par la réforme tient dans l’apparition d’une nouvelle procédure dite procédure de sauvegarde. Il s’agit d’une procédure collective qui présente l’originalité de ne pouvoir être ouverte qu’à l’initiative du débiteur. Le débiteur ne doit pas avoir cessé ses paiements. Le critère de déclenchement de la procédure sont des « difficultés que le débiteur n’est pas en mesure de surmonter, de nature à le conduire à a cessation des paiements ». La sauvegarde ne peut déboucher sur la cession de l’entreprise mais seulement sur l’adoption d’un plan de continuation de l’entreprise.

Enfin, la loi a maintenu les traditionnelles procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire. Ce sont des procédures collectives contraignantes que tout débiteur a l’obligation de déclencher lorsqu’il a cessé ses paiements depuis plus de 45 jours. Le redressement judiciaire peut déboucher sur un plan de continuation. Dans ce cas, le débiteur reste la tête de son entreprise et s’engage à payer son passif sur une période qui ne peut être supérieure à 10 ans. Mais la procédure de redressement judiciaire peut aussi aboutir à un plan de cession. Dans ce cas l’entreprise est vendue à un repreneur et les créanciers sont payés avec le prix de cession. Le débiteur est sacrifié puisqu’il perd son entreprise. Le plus souvent les créanciers sont eux-aussi sacrifiés. Tous ces sacrifices sont imposés au nom du sauvetage de l’entreprise.

La liquidation judiciaire est une procédure destinée à organiser la vente de tous les biens du débiteur pour payer les créanciers. Le débiteur est dessaisi et son patrimoine est géré par un liquidateur en attendant que tous ses biens soient vendus.

b) L’attrait des procédures de traitement anticipé des difficultés

L’un des axes de la réforme consiste à rendre les procédures d’autant plus attrayantes qu’elles seront anticipées, ce qui n’est aujourd’hui guère le cas avec le règlement amiable et encore moins avec le redressement judiciaire.

Le domaine de la conciliation est élargi, en amont et en aval, l’ouverture pouvant être plus précoce (l’entreprise pourra faire état « d’une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible ») mais aussi plus tardive (l’entreprise pourra avoir cessé ses paiements depuis moins de quarante-cinq jours). Le vrai changement est ailleurs. Il a consisté à tout faire pour rendre cette procédure séduisante tant pour le débiteur que pour ses créanciers. Ces derniers peuvent y trouver leur compte, en particulier ceux qui, ayant joué le jeu du sauvetage de l’entreprise au point de lui apporter un nouvel apport en trésorerie ou de lui fournir un nouveau bien ou service en vue d’assurer sa poursuite d’activité, bénéficieront d’un privilège particulièrement attractif. Le dispositif est véritablement incitatif et propre à faciliter la poursuite de l’activité. Les créanciers apprécieront aussi une innovation selon laquelle, « sauf cas de fraude », la date de cessation des paiements « ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l’article L. 611-8 ». La conciliation qui aboutit à un accord homologué présentera ainsi un grand intérêt pour les créanciers, celui de conjurer le risque de voir la période suspecte remonter au-delà de l’homologation de l’accord, avec tous les risques que comporte pour eux un tel report de la date de cessation des paiements. Là encore, la conciliation apparaît parée de toutes les qualités. Quant au débiteur, il peut lui aussi trouver son compte dans cette nouvelle conciliation, tant à raison des remises et délais que lui consentent ses créanciers dans l’accord, qu’à raison du cadeau fait à ses garants par l’article L. 611-10, alinéa 3 in fine, du Code de commerce. Aux termes de ce texte, « Les coobligés et les personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord homologué ». La règle a une grande portée car elle vaut pour tous les coobligés et garants, sans distinguer selon qu’il s’agit d’une personne physique ou morale1. Si le débiteur espère arracher quelques délais ou remises de dette à ses créanciers, mieux vaut pour lui que cette négociation intervienne dans le cadre d’un accord de conciliation homologué par le tribunal puisque ses garants profiteront des faveurs ainsi obtenues.

La même logique se retrouve dans la procédure de sauvegarde. Nouvelle procédure

1 A l’inverse en matière de sauvegarde, seuls les coobligés et garants, personnes physiques, peuvent se prévaloir des dispositions du plan (C. com., art. L. 626-11, al. 2).

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collective, imposant aux créanciers de celui qui en bénéficie de se soumettre à une discipline collective contraignante (obligation de déclarer leurs créances, arrêt des poursuites individuelles, etc.). son originalité tient au fait que, pour la première fois dans notre droit, il s’agit d’une procédure qui peut être déclenchée à la seule initiative du débiteur, avant qu’il ait cessé ses paiements. Inspiré du droit américain (la référence au chapter eleven du Bankruptcy Act est revenue tout au long des débats parlementaires), ce nouveau dispositif destiné « à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif » (C. com., art. L. 620-1) rompt définitivement avec un droit de la faillite comminatoire, pour faire de la procédure collective une technique de redressement de l’entreprise, abandonnée à la discrétion de son dirigeant qui n’est plus obligé d’attendre le quasi-coma qui accompagne la cessation des paiements pour bénéficier du traitement de choc que ces procédures autorisent.

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« La profession réglementée de mandataire de justice »

M. Philippe FROEHLICH

Vice-président du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires

M. Xavier HUERTASPrésident de la Commission Relations Internationales et Européennes du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires

Le traitement des difficultés des entreprises est confié, en France, à un corps de professionnels réglementé qui regroupe les métiers d’administrateur judicaire, chargé d’accompagner le redressement de l’entreprise, et celui de mandataire judiciaire, chargé de défendre les créanciers, de mettre en œuvre la garantie de paiement des salariés, et de liquider les entreprises.

Ce statut résulte d’une loi du 03.01.2003 qui est aujourd’hui intégrée dans le Code de Commerce Français sous les numéros 811 et suivants.

Au terme de ce statut, les professionnels exercent une activité indépendante, mais soumise à une très forte réglementation.

Ce choix, qui offre les avantages de l’entreprise privée et les garanties attachées aux contrôles de la puissance publique, s’explique par l’importance des enjeux qui sont confiés aux professionnels du droit des difficultés des entreprises.

Les grandes lignes de ce statut reposent sur la qualité du recrutement des professionnels (I), la protection des tiers (II), et l’existence d’un tarif (III).

I. LES GARANTIES DE COMPETENCE

A. Les conditions d’accès

L’accès aux professions d’administrateurs et de mandataires judiciaires suppose une qualification particulière, reposant au minimum sur une formation universitaire permettant de présenter un examen d’accès à un stage professionnel.

Cet examen permet d’exercer un stage d’une durée de 3 années, et qui est lui-même sanctionné par un examen de fin de stage.

La formation minimale des professionnels est donc de 7 années.

La profession attire en France des professionnels du droit, mais également, s’agissant particulièrement des administrateurs judicaires, des étudiants issus des grandes écoles de commerce et de gestion.

B. La formation continue

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Outre cette formation de base, les professionnels sont tenus à une formation permanente destinée à actualiser leurs connaissances en matière juridique, financière, et de gestion.

Cette formation revêt un caractère obligatoire, contrôlée par un ordre auquel appartiennent tous les professionnels.

Le système aboutit ainsi à une amélioration constante de la qualité des prestations rendues, de nombreux professionnels bénéficiant par ailleurs d’une certification de qualité.

II. LA GARANTIE DES TIERS

A. L’indépendance des professionnels

Le statut des professionnels français est un gage majeur de leur indépendance.

Ils ne sont ni dépendants de la puissance publique, ni liés à des intérêts privés.

Cette garantie est renforcée par l’interdiction qui leur est faite d’exercer une activité autre que celle d’administrateur ou de mandataire judiciaire.

Professionnels indépendants, ils sont néanmoins responsables pénalement et civilement de leurs actes.

B. L’assurance professionnelle

Les professionnels réglementés sont couverts par une assurance spécifique fournie par une caisse de garantie qui couvre les conséquences financières de leurs fautes dans l’exercice de leurs missions, ou d’une absence de représentation des fonds qui leur sont confiés.

Cette assurance protège les tiers des fautes et erreurs susceptibles d’être commises par les professionnels et offre la certitude de la représentation des fonds.

Ainsi, d’éventuelles erreurs dans la distribution des fonds provenant d’une liquidation, voire d’éventuels détournements sont sans conséquence pour les entreprises et leurs créanciers, les fonds étant reconstitués par l’assurance professionnelle.

C. Les contrôles

La profession de mandataire de justice est particulièrement contrôlée.

Le premier contrôle, et le plus important, repose sur l’intervention du juge, qui a seule autorité pour prendre les décisions les plus importantes.

C’est notamment le juge, ou le tribunal selon le cas, qui autorise la poursuite de l’activité de l’entreprise dans le but d’organiser sa liquidation ou son sauvetage, qui décide de sa vente à un éventuel repreneur, arrête un projet de continuation, autorise les ventes d’actif, ainsi que les transactions.

Le juge contrôle également l’application du tarif fixé par la loi, et c’est auprès du juge que les mandataires de justice rendent leurs comptes à l’issue de leur mission.

Par ailleurs, l’exercice lui-même de la profession est sévèrement contrôlé.

Les comptes des professionnels sont certifiés deux fois par an par un commissaire aux comptes.

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Les mandataires de justice font en outre l’objet d’un contrôle au minimum tous les trois ans effectué par d’autres professionnels et par un autre commissaire aux comptes.

Par ailleurs, le Ministère de la Justice, ainsi que les autorités judiciaires peuvent prescrire des contrôles occasionnels.

Enfin, la discipline est assurée par une commission indépendante qui a la possibilité de sanctionner, ou d’éliminer les professionnels indélicats ou incompétents.

III. LE TARIF

Bien que les professionnels du traitement des difficultés des entreprises exercent une profession indépendante, leur tarif n’est pas libre.

Il est en effet entièrement fixé par un décret qui a été récemment réformé en décembre 2006.

Ce tarif tient compte de l’importance de l’affaire, du travail accompli par le professionnel, et comporte de nombreuses incitations à la rapidité et à l’efficacité du traitement des dossiers.

Il tient ainsi compte des conditions dans lesquelles l’entreprise peut être redressée, mais incite également à vendre les actifs de l’entreprise aux meilleures conditions possibles.

Le coût de la procédure est supporté par l’entreprise ou prélevé sur la vente de ses actifs.

Enfin, un Fonds assure le paiement des professionnels dans les dossiers qui ne comportent aucun actif.

Le système mis en place en France est unique en Europe.

Il s’explique essentiellement par l’importance qui a été donnée très tôt par le législateur français au traitement des difficultés des entreprises, et en particulier au mécanisme de redressement des entreprises qui figure parmi les plus élaborés du monde.

De ce fait, les enjeux qui sont confiés aux professionnels sont considérables.

En 2006, ………………. procédures de défaillances d’entreprises ont été constatées par les tribunaux dont près de ………………… ont abouti à un redressement de l’entreprise, sauvegardant plusieurs dizaines de milliers d’emplois.

Enfin, l’existence de ce statut permet également aux professionnels d’assurer une véritable mission de service public dans le traitement de la situation des salariés des entreprises en difficulté.

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« La garantie de rémunération des salariés »

Mme Evelyne GALLAncienne Présidente du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires

Une des particularités du droit français des difficultés des entreprises réside dans le très haut niveau de protection qui est offert aux salariés qui bénéficient d’une importante garantie financière.

Celle-ci a été mise en place en 1973, après qu’à la suite d’une importante faillite plusieurs milliers de salariés soient restés sans percevoir le moindre salaire.

La protection ainsi mise en place n’a pas cessé de se développer depuis.

I. ETENDUE DE LA GARANTIE

En cas de défaillance de l’entreprise, les salariés bénéficient de la garantie de percevoir leurs salaires jusqu’à la date de l’ouverture de la procédure.

Cette garantie s’étend également à toutes les indemnités liées à la rupture du contrat de travail, y compris dans le cadre d’un sauvetage de l’entreprise.

Enfin, elle peut même couvrir les salaires dus après l’ouverture de la procédure collective, lorsque le redressement de l’entreprise échoue.

II. LE FINANCEMENT DE LA GARANTIE

Le financement est assuré par un Fonds spécialement créé à cet effet, le Fonds National de Garantie des Salaires.

Ce Fonds reçoit une partie des cotisations sociales assises sur les salaires.

Le lien entre le salarié et le Fonds de Garantie des Salaires est assuré par les mandataires de justice qui instruisent et présentent les demandes au juge de la faillite, lequel les valide.

Les fonds sont alors avancés au mandataire de justice qui les reverse aux salariés.

Une partie de ces fonds bénéficie d’une priorité de remboursement au profit du Fonds de Garantie des Salaires.

La garantie est plafonnée, à un niveau cependant très élevé qui représente plus de 50 fois le salaire minimum mensuel.

Le système ainsi mis en place assure une protection des salariés supérieure à celle connue dans les autres pays modernes.

Son coût est relativement limité (0,15 % de la masse salariale versée par l’employeur) et son utilisation est encadrée par le travail d’instruction fourni par les mandataires judiciaires et le contrôle du juge.

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Le système offre par ailleurs de nombreux avantages.

Il a totalement fait disparaître en France les situations dans lesquelles les salariés pouvaient se trouver sans rémunération à la suite d’une défaillance de l’entreprise.

Par ailleurs, il participe largement au redressement des entreprises.

La prise en charge des salaires, précédant le prononcé d’une procédure de redressement judiciaire, offre en effet à l’entreprise une trésorerie qui lui permet d’assurer sa continuité ou son redémarrage dans la perspective d’un sauvetage.

Bien plus, la prise en charge des coûts de la restructuration provoquée ou induite par le licenciement d’une partie du personnel permet à l’entreprise de bénéficier d’un financement à un moment où les établissements bancaires sont frileux.

Le système fait donc aujourd’hui partie intégrante du dispositif de redressement et de liquidation judiciaire des entreprises françaises et contribue incontestablement au fort taux de réussite dans le sauvetage des entreprises en procédure collective.

En participant le cas échéant au financement de la restructuration sociale, par la prise en charge des indemnités de licenciement, le système peut également favoriser le redressement des entreprises qui est l’un des objectifs majeurs de la loi de sauvegarde française.

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« Tentative d’analyse comparée du droit des entreprises en difficulté chinois et français »

Me Lionel HANACHOWICZ

Avocat, Associé du Cabinet Bignon Lebray & Associés, Professeur Associé à l’Université de Lyon III Jean-Moulin

A première vue, la loi chinoise apparaît moins complète que la loi française, la loi chinoise comprenant en effet 136 articles contre 196 dans la loi française auxquels s’ajoutent 76 articles dans le décret d’application.

Il apparaît qu’une large interprétation est laissée aux juges chinois quant à l’application pratique de la loi, ce qui était déjà le cas auparavant. Le juge français a moins de marge quant à l’application des textes sur la procédure collective étant précisé qu’une certaine latitude lui est toutefois laissée en ce qui concerne les sanctions pouvant découler de l’ouverture d’une procédure collective.

La présentation de ces deux lois est également très différente.

En effet, la loi française procède par étapes de la procédure (dans un sens chronologique : procédures de prévention, Sauvegarde, Redressement, Liquidation), tandis que les chapitres de la loi chinoise ne sont pas véritablement classés et semblent avoir été ordonnés en fonction de thèmes principaux.

Il peut ainsi être étonnant de constater que la question des frais de procédures (chapitre V) passe avant l’étude de la réorganisation (Redressement) du débiteur (Chapitre VIII) et que la conclusion d’un compromis avec les créanciers (chapitre IX) se situe après le redressement (ce qui souligne l’absence, dans la loi chinoise, de toute prévention ou d’accord amiable en amont de la procédure).

Pour faire une comparaison générale de ces deux lois, il convient de procéder à l’analyse successive des conditions de l’ouverture d’une procédure collective en France et en Chine, conditions qui permettront de découvrir les différents rôles des parties et organes de la procédure (I), puis du déroulement de la procédure collective et enfin de l’issue de celle-ci (II et III).

I. L’ouverture d’une procédure collective 破产程序的申请:

La principale différence se situe en amont de la procédure dans la mesure où la loi chinoise ne prévoit absolument aucune mesure de prévention (aucun mandat ad hoc, aucune conciliation préalable) alors que c’est au contraire le principal objectif du droit français qui veut inciter le dirigeant à anticiper au maximum les difficultés financières pour mieux les régler.

Cette différence d’objectif se constate tant en ce qui a trait aux conditions d’ouverture de la procédure (1) qu’en ce qui concerne le rôle des parties et organes de la procédure (2).

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1) Conditions d’ouvertures :

Comme énoncé plus haut, il est possible en droit français de faire appel à un tiers, le mandataire ad hoc ou le conciliateur, pour intervenir aux côtés du dirigeant dès que l’entreprise éprouve certaines difficultés économiques ou financières.

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde, qui se veut aussi préventive, est quant à elle conditionnée par l’absence d’état de cessation des paiements.

Le droit chinois ne prévoit aucune procédure similaire, aucun délai n’est imposé au débiteur pour solliciter l’ouverture d’une procédure auprès du tribunal. S’il ne remplit pas les conditions (assez floues) définies à l’article 2 de la loi, sa requête peut d’ailleurs être rejetée par le tribunal.

Le droit chinois pourrait cependant se rapprocher quelque peu de la procédure préventive française dans la mesure où il est possible pour le débiteur de demander directement au tribunal un compromis avec les créanciers (article 95). Le refus d’adopter le projet de compromis sollicité par le débiteur ou le non respect de ce compromis peut engendrer toutefois d’importantes conséquences puisque le débiteur sera déclaré immédiatement en faillite (articles 99, 104, sans réorganisation intermédiaire).

L’article 2 exige ainsi que le débiteur ne puisse plus honorer ses dettes exigibles, lorsque le montant de ses actifs ne suffit pas à les rembourser ou lorsqu’il est évident que l’entreprise manque de liquidités ou qu’elle va se retrouver en état d’insolvabilité.

Il semble alors que la société doive déjà être confrontée à de graves difficultés avant de pouvoir faire appel au juge, ce qui explique d’ailleurs peut être pourquoi le débiteur a le choix d’opter directement pour une liquidation judiciaire de l’entreprise plutôt que de tenter une réorganisation de celle-ci (Redressement).

Le moment où l’ouverture d’une procédure doit être demandée semble finalement difficilement déterminable. La requête en ouverture d’une procédure n’est obligatoire que lorsque la personne morale est dissoute sans avoir été liquidée (article 7). De son côté, le droit français prévoit un seul cas d’ouverture, avec une définition plus stricte, plus limitée (évitant les éventuelles hésitations) : la cessation des paiements (l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible) qui paraît plus facilement appréhendable.

La requête aux fins d’ouverture d’une procédure collective est accessible à plus de personnes en droit français : le tribunal (d’office) et le Ministère public ont ainsi la possibilité de faire une requête et pas seulement, comme en Chine, le débiteur et le créancier (article 8).

Le champ d’application de la loi sur les procédures collectives est également plus vaste en droit français puisque une personne physique peut désormais être également touchée par une procédure collective alors que seules les personnes morales sont concernées par la loi chinoise (article 2).

Une période suspecte est prévue en droit français (18 mois) comme en droit chinois. (6 mois, article 32) mais le risque de nullité des actes passés pendant cette période vient d’être limité pour les créanciers français grâce à la procédure de conciliation homologuée.

2) Rôle des parties à la procédure

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La procédure française fait intervenir plus de personnes que la procédure chinoise dans laquelle n’apparaissent ni juge commissaire, ni mandataire judiciaire.

On peut cependant constater dans les deux, une présence permanente du tribunal (ou de son représentant) qui reste détenteur du pouvoir décisionnaire.

Le débiteur français reste, en principe, assez autonome, la volonté du législateur français étant de lui laisser ses responsabilités, l’administrateur est même facultatif pour les petites entreprises. Le débiteur chinois, s’il peut conserver la gestion de son entreprise, demeure sous étroite surveillance de l’administrateur et du tribunal.

Les deux législations prévoient l’intervention d’un administrateur indépendant chargé de la surveillance et de la gestion de l’entreprise objet d’une procédure collective, l’administrateur judiciaire français est obligatoirement une personne physique remplissant les conditions d’admission à la profession (études, diplôme, serment…) alors que son homologue chinois peut être un groupe de liquidation composé des membres des organismes ou services administratifs relatifs, ou des intermédiaires sociaux tels qu’un cabinet d’avocats, de comptables et les sociétés de liquidation spécialisée ou l’un de leurs membres possédant une bonne maîtrise de la matière (article 24).

Si le législateur français confie un rôle important aux créanciers (comités des créanciers, contrôleurs…), ce rôle est majeur en Chine d’une part, car tous les créanciers sont membres de l’assemblée des créanciers prévue par la loi chinoise et, d’autre part, car l’accord de celle-ci est incontournable pour le redressement (articles 59 et 61 : vérification des créances, supervision de l’administrateur, adoption des différents plans…).

Le législateur français a toujours mis l’accent sur la protection des salariés dont la société est l’objet d’une procédure collective. La principale conséquence est le superprivilège dont ils bénéficient ainsi que l’intervention des AGS pour pallier toute éventualité de non-paiement des salaires.

Si les salariés chinois ne sont pas tenus de déclarer leurs créances, ils se voient également accorder une certaine importance (représentants présents et pouvant s’exprimer dans l’assemblée des créanciers (article 59). Le 1er objectif du tribunal reste la sauvegarde de leurs droits et intérêts ainsi que l’évaluation de la responsabilité des cadres de la société au regard de la situation d’insolvabilité (article 6).Pourtant leurs droits semblent avoir diminués par rapport à l’ancienne loi puisque les créances privilégiées priment désormais sur les créances salariales (article 132).

II. Le déroulement de la procédure :

A part quelques spécificités propres aux deux législations, la procédure de réorganisation chinoise ressemble beaucoup à la procédure de redressement judiciaire française.

Le droit chinois comme le droit français prévoit ainsi un délai de déclaration de créance : entre 30 jours (pas avant) et 90 jours (article 45) à compter de l’ouverture de la procédure par le tribunal en droit chinois, contre 2 mois à compter de la publication au BODDACC en droit français.

La sanction de l’absence de déclaration est différente puisqu’il n’y a pas de forclusion, les créances pouvant être déclarées avant la distribution définitive des propriétés/biens du débiteur (article 56) (ce que l’on peut tout de même rapprocher de la nouvelle loi française qui ne prévoit plus expressément la sanction de la forclusion).

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Un plan de réorganisation doit être soumis aux créanciers et au tribunal pour leur approbation. Les créanciers sont alors classés en différents groupes pour adopter le plan (article 82) et il peut alors être difficile de satisfaire aux intérêts de tous.

Pour favoriser au mieux l’adoption du plan, la loi chinoise prévoit un second vote avec une possibilité de renégociation du plan avec les créanciers qui ne seraient pas d’accord, le tribunal pouvant, en tout état de cause, passer outre le refus des créanciers d’adopter le plan si ledit plan remplit les conditions requises par la loi (article 87).

La procédure de liquidation judiciaire chinoise semble également être proche de la procédure française (articles 107 à 124).

La procédure de faillite d’une institution financière ou d’une entreprise d’état chinoise doit être en conformité avec les réglementations spécifiques du Conseil d’Etat (articles 133 et 134).

III. L’issue de la procédure :

Le droit chinois semble avoir ici le même objectif que le droit français : limiter les recours (personnes bénéficiant d’un recours et délais courts) en la matière pour préserver au maximum les intérêts de l’entreprise.

Les responsabilités pouvant découler de la procédure collective sont en revanche assez floues et pas très clairement définies en droit chinois (responsabilité civile classique mais qui, concrètement, semble ne pouvoir être établie qu’en matière de fraude avérée (articles 125 et suivants, dissimulation de biens… articles 31,32 et 33) alors que limitées par des conditions très strictes et précises en droit français (faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d'actif).

Il en est de même pour les sanctions qui sont au nombre de quatre :

- une interdiction d’exercer pendant un délai de 3 ans des fonctions de dirigeant (article 125), le droit français est plus sévère puisque l’interdiction de gérer peut être prononcée pour une période allant jusqu’à 15 ans,

- Le débiteur peut être condamné à une amende (refus de se soumettre aux interrogatoires de la procédure, fausses déclarations… articles 126 et 127),

- Il peut être également condamné à indemniser l’éventuelle perte subie par les créanciers (article 128),

- Le débiteur a également une obligation aux dettes sociales : « à la fin de la procédure de faillite, le garant et autres débiteurs conjoints impliqués dans la procédure ne sont pas déchargés de leur obligation de payer les dettes non réglées conformément à la procédure de liquidation » (article 124).

L’obligation aux dettes sociales prévues dans la loi française est au contraire entourée de conditions strictes (faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif ou fait d’avoir effectué des actes de commerce dans un intérêt personnel ou d’avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne

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morale…) et ne peut être cumulée avec une action en responsabilité pour faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif.

L’administrateur pourrait également être condamné à verser une amende s’il n’exerce pas ses fonctions et ne remplit pas ses devoirs avec loyauté et diligence (notions très vagues pouvant être interprétées largement ou strictement, article 130). Au contraire, la responsabilité de l’administrateur est entourée de conditions très strictes en droit français.

Il existe également dans les deux législations une possibilité de responsabilité pénale du débiteur. En France, il s’agit du délit de banqueroute. En Chine, il s’agit d’une violation de la loi d’une gravité telle qu’elle constitue un acte criminel.

CONCLUSION

Peut être encore trop organisée comme une procédure-sanction et non comme un véritable outil de prévention des difficultés des entreprises, la nouvelle loi chinoise sur les procédures collectives se rapproche désormais un peu plus du système français, tout en ayant encore des différences très significatives qui s’expliquent essentiellement par l’histoire économique de la Chine.

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« Aperçu du nouveau droit chinois des entreprises en difficulté »

M. WANG Rui

Juriste, Membre du Cabinet Bignon Lebray & Associés à Shanghai

Introduction

En Chine, le régime des entreprises en difficulté était fixé par la « Loi sur les faillites d’entreprises (à titre expérimental) » du 12 octobre 1986. 20 ans plus tard, elle vient d’être remplacée par une nouvelle loi portant le même titre, du 27 août 2006, entrée en vigueur le 1er juin 2007. L’indication de son caractère expérimental a été supprimée.

Par rapport à la Loi de 1986 qui a seulement 43 articles classés en six chapitres et un champ d’application restreint, la Loi de 2006 apparaît plus complète et plus détaillée. Pour bien comprendre l’évolution du droit des entreprises en difficulté en Chine, il convient de faire une brève présentation du régime antérieur, avant d’examiner le régime désormais en vigueur (I), pour tenter la comparaison avec le régime français (II).

Il faut rappeler qu’en 1986, le régime économique chinois était encore celui de l’économie planifiée, les acteurs principaux étaient les entreprises étatiques, et le système juridique chinois était beaucoup moins complet que maintenant, ce qui se traduisait souvent dans des secteurs juridiques précis par une rédaction de textes de base assez simplifiés et génériques, et puis au fur et à mesure, complétés par des modifications de la loi, des décrets, ou des interprétations de la Cour Suprême chinoise.

En droit des procédures collectives, c’était la même situation. La Loi de 1986 ne s’appliquait qu’aux entreprises étatiques se trouvant dans une situation déficitaire très grave causée par une mauvaise gestion et dans l’incapacité de faire face aux dettes échues.

L’entreprise débitrice qui voulait demander la faillite, devait obtenir préalablement l’accord de son autorité administrative supérieure de gestion (leur rattachement à une autorité administrative était l’une des caractéristiques des entreprises étatiques de l’époque), et c’était cette même autorité qui avait le droit de demander au tribunal saisi par l’entreprise débitrice de prononcer son redressement judiciaire et le cas échéant sa faillite

Le législateur a instauré un régime des procédures collectives applicable aux entreprises non étatiques avec la « Loi sur la procédure civile » du 9 avril 1991.

Ensuite, la Cour Suprême chinoise a publié des avis sur l’interprétation de la Loi sur les procédures collectives de 1986 et de la Loi sur la procédure civile de 1991, ainsi qu’un règlement concernant le traitement des dossiers des entreprises en faillite en juillet 2002 dans lequel était instauré pour la première fois un système de surveillance similaire à celui réservé à l’administrateur dans la Loi de 2006.

Depuis 10 ans, le législateur chinois a préparé la réforme de la Loi de 1986 qui a abouti au texte de 2006. La nouvelle loi sur les faillites d’entreprises est plus complète, ses textes ont été rédigés de façon plus précise et opérationnelle, ce qui appellera moins d’interprétations de la Cour Suprême. De plus cette Loi essaie d’uniformiser un régime des entreprises en difficulté provenant de diverses sources juridiques.

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I. LA LOI SUR LES FAILLITES D’ENTREPRISES DE 2006

A. Le champ d’application de la Loi

Dans l’article 2 de la Loi de 2006 concernant les personnes visées par cette dernière, le législateur utilise seulement une notion de « l’entreprise ayant la personnalité morale », ce qui inclut les entreprises étatiques, privées ou mixtes et les entreprises à investissement étranger qui n’étaient évidemment pas visées dans la Loi de 1986.

La Loi de 2006 envisage également la question des procédures collectives transfrontalières.

En effet, selon l’article 5 de cette loi, la procédure ouverte en Chine produit ses effets sur les actifs du débiteur situés à l’étranger ; et réciproquement toute procédure ouverte à l’étranger pourra être étendue aux actifs détenus par le débiteur en Chine, sous réserve que le jugement du tribunal étranger en charge de cette procédure, examiné par le tribunal chinois en vertu des traités bilatéraux ou internationaux signés par la Chine, ou en vertu du principe de réciprocité, ne soit pas considéré comme violant les principes fondamentaux du droit chinois ou susceptible de porter atteinte à l’intérêt social, à la sécurité et à la souveraineté nationale, ainsi qu’aux intérêts des créanciers sis en Chine.

B. Les conditions d’ouverture de la procédureB. 申请破产程序的条件

Selon l’article 2 de la Loi de 2006, lorsqu’une entreprise ne peut pas faire face aux dettes échues, et que son actif social ne suffit pas pour le remboursement de l’ensemble des dettes sociales, ou que son incapacité à les rembourser apparaît de manière évidente, elle aura le choix entre la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Si l’entreprise estime qu’elle a seulement une chance de perdre sa capacité de remboursement des dettes, elle pourra demander un redressement judiciaire auprès du tribunal.

Il faut préciser que sous la nouvelle loi, les entreprises étatiques n’ont plus besoin de l’approbation de leur autorité administrative de gestion, avant de déposer la demande d’ouverture de la procédure.

Les créanciers pourront également demander au tribunal de mettre en redressement ou liquidation judiciaire leur débiteur si celui-ci ne peut pas régler ses dettes échues.对于债权人而言,只要债务人不能清偿到期债务,他就可以向法院提出对债务人进行重整或者是破产清算。

C. Le rôle de l’administrateur

La Loi de 2006 prévoit la désignation d’un administrateur dans les procédures de faillite. Celui-ci sera nommé dès l’ouverture de la procédure par le Tribunal.

Il a les fonctions suivantes (article 25) :

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1) Prendre en charge la gestion des biens de l’entreprise, du cachet commercial, des livres des comptes et les autres documents du débiteur ;

2) Enquêter sur la situation du débiteur et établir un rapport sur celle-ci ;

3) Prendre les décisions relatives à la gestion interne du débiteur ;

4) Décider de la continuation ou de l’arrêt de l’activité du débiteur avant la première assemblée des créanciers ;

5) Disposer des biens du débiteur ;

6) Représenter le débiteur dans les procédures, l’arbitrage ou les autres instances judiciaires ;

Il exerce ses fonctions selon les dispositions de la Loi, doit rendre compte au tribunal, et se placer sous la surveillance de l’assemblée des créanciers et de sa commission.

L’administrateur désigné pourra être un cabinet d’avocats, de comptables, ou un cabinet spécialisé dans la gestion des faillites et liquidations. L’administrateur pourra également être une personne physique, mais dans tous les cas il devra être choisi sur la liste des administrateurs institutionnels qualifiés inscrits sur les registres établis par la Cour Supérieure locale.

La Cour Suprême a publié le 4 avril 2007 deux règlements sur l’administrateur : le « Règlement sur la désignation de l’administrateur dans le traitement des affaires de faillite d’entreprise » et le « Règlement sur la rémunération de l’administrateur désigné dans le traitement des affaires de faillite d’entreprise ».

L’administrateur est rémunéré en fonction d’un pourcentage fixé par le tribunal sur la valeur des biens cédés pour le remboursement des dettes, en vertu d’un barème prévu par le Règlement sur la rémunération de l’administrateur.

D. Le traitement des créanciers dans la procédure

1) La déclaration de créance

Pour faire valoir ses droits, le créancier doit déclarer sa créance entre les mains de l’administrateur désigné dans le délai fixé par le tribunal, qui ne peut pas être inférieur à 30 jours ni supérieur à 90 jours à partir de la publication de l’ouverture de la procédure.

Le seul cas où la Loi prévoit expressément la dispense de la déclaration concerne les créances salariales comme les salaires, les indemnités, ainsi que les cotisations sociales qui doivent entrer dans le compte des salariés.

Toutes les autres créances, y compris les créances d’indemnité nées à l’occasion de la rupture d’une relation contractuelle par l’administrateur ou le débiteur, doivent être déclarées.

A défaut de déclaration dans le délai imparti, le créancier n’est pas forclos. Il peut toujours faire sa déclaration avant la dernière distribution de l’actif du débiteur en faillite, mais il ne peut plus s’en prévaloir pour les distributions antérieures.

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Les créanciers n’ayant pas adressé leur déclaration selon les dispositions de la Loi, ne peuvent pas exercer leur droit au travers de la procédure.

2) L’assemblée des créanciers

Tous les créanciers ayant déclaré leur créance ont le droit de participer à l’assemblée des créanciers, et disposent d’un droit de vote. Les représentants des salariés et du syndicat doivent aussi participer à l’assemblée des créanciers, et s’y exprimer.

L’assemblée des créanciers a les fonctions suivantes (l’article 61) :

• Vérifier les créances ;

• Demander le changement de l’administrateur, vérifier les frais et la rémunération de l’administrateur ;

• Elire et changer les membres de la commission des créanciers ;

• Décider de la continuation ou de l’arrêt de l’exploitation du débiteur ;

• Approuver le plan de redressement ;

• Approuver le concordat ;

• Approuver le projet de distribution de l’actif du débiteur en faillite ;

La première assemblée des créanciers sera convoquée par le tribunal dans les 15 jours après l’expiration du délai de déclaration de créances. Les assemblées suivantes seront convoquées par le tribunal s’il l’estime nécessaire, ou par le président de l’assemblée désigné par le tribunal parmi les créanciers ayant le droit de vote, sur proposition de l’administrateur, de l’assemblée des créanciers, ou d’un créancier dont la créance représente plus de 25% du total des créances.

Sauf dispositions contraires de la Loi, l’Assemblée prendra ses décisions à une double majorité : d’une part il faut plus de la moitié des créanciers ayant le droit de vote présents ou représentés et d’autre part il faut que le montant total de leurs créances représente plus de la moitié des créances sans sûreté (chirographaires).

E. Le redressement judiciaire

Le redressement judiciaire est une nouvelle procédure. Sous la Loi de 1986, c’était l’autorité administrative de gestion du débiteur qui avait le droit de demander le redressement après l’ouverture de la procédure. Le débiteur n’avait aucun droit ni aucun choix en ce qui le concernait.

Avec la nouvelle loi, la procédure de redressement judiciaire devient une sorte de protection pour les entreprises en difficulté, car elle permet aux entreprises qui ne sont pas encore dans une situation de cessation des paiements, de s’engager afin d’anticiper les difficultés qui lui seraient fatales.

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De plus, même si le tribunal est saisi d’une demande de mise en liquidation du débiteur par un créancier, avant le prononcé de sa faillite, le débiteur ou l’associé ayant au moins 10% du capital social du débiteur pourra toujours demander au tribunal le redressement judiciaire.Pendant la période de redressement, après autorisation du tribunal sur requête du débiteur, celui-ci pourra conserver la gestion de l’entreprise, mais toujours sous la surveillance de l’administrateur.

Le débiteur ou l’administrateur dispose d’un délai de six mois, prorogeable une fois pour trois mois, à compter de l’ouverture de la procédure pour remettre au tribunal et à l’assemblée des créanciers le projet de plan de redressement. A défaut de déposer ce projet dans le délai imparti, le tribunal devra arrêter immédiatement la procédure de redressement et prononcer la liquidation du débiteur.

Le projet du plan de redressement doit comprendre :

1) Le compte d’exploitation prévisionnel du débiteur ; 2) Le classement des créances ;3) Le plan de correction des créances ;4) Le plan de remboursement des créances ;5) La durée d’exécution du plan de redressement ;6) La durée de surveillance de l’exécution du plan de redressement ;7) Les autres mesures favorables au redressement du débiteur.

Avant de devenir le plan exécutoire de redressement, le projet doit d’abord être approuvé par l’assemblée des créanciers qui seront répartis en quatre groupes :

- les créanciers avec sûreté - les créanciers salariés - les créanciers fiscaux- les autres créanciers

Chaque groupe doit voter à une majorité qualifiée, (plus de la moitié des créanciers présents ou représentés) et représentant plus de 2/3 des créances du groupe.

Une fois que le projet est approuvé par l’assemblée des créanciers, le débiteur ou l’administrateur dispose d’un délai de dix jours pour saisir le tribunal afin qu’il se prononce sur ce projet. Si le tribunal l’approuve, il ordonnera la fin de la procédure de redressement.

L’exécution du plan de redressement est à la charge du débiteur, sous la surveillance de l’administrateur pendant toute sa durée.

Le plan ne sera achevé qu’après apurement de la totalité du passif négocié.

Si le débiteur ne parvient pas à exécuter le plan de redressement, le tribunal devra sur la demande de l’administrateur ou de l’intéressé, ordonner la résolution du plan et prononcer la liquidation du débiteur.

Telles sont les grandes lignes de la nouvelle loi sur les faillites d’entreprises de 2006.

Il est évident que ce droit chinois des entreprises en difficultés n’en est encore qu’à ses débuts, même si cette dernière loi marque déjà un avancement considérable par rapport au régime juridique antérieur.

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