« LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6...

461
COUR DES COMPTES ___________ RAPPORT PUBLIC PARTICULIER « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE » JUIN 1999

Transcript of « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6...

Page 1: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

COUR DES COMPTES ___________

RAPPORT PUBLIC PARTICULIER

« LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE »

JUIN 1999

Page 2: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 2

DELIBERE INTRODUCTION CHAPITRE I : Les caractéristiques du système autoroutier français Section I - La prédominance du mode routier I - La répartition des trafics par mode de transport II - L’absence de politique globale des transports III - Les perspectives d’avenir Section II - Un système économique étroitement dépendant de l’Etat I - Les liens avec l’Etat II - Les pratiques comptables III - La pratique de l’adossement Recommandations de la Cour sur le chapitre I CHAPITRE II : Le processus de décision Section I - La planification des infrastructures autoroutières I - Les objectifs du schéma directeur routier national II - Les modalités d’élaboration du schéma directeur routier national III - L’état de réalisation du schéma directeur de 1992 IV - La politique routière V - Les futurs schémas de service Section II - La conduite des projets I - La procédure d’instruction des dossiers II - Les études préalables Recommandations de la Cour sur le chapitre II CHAPITRE III : L’impact économique et environnemental Section I - La portée des engagements de l'Etat Section II - le suivi I - Les bilans prévus par la LOTI II - Les observatoires autoroutiers Section III - L'impact économique I - Les effets directs sur l'emploi II - Les effets économiques induits III - Les mesures d'accompagnement IV - Les bilans a posteriori

Page 3: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 3

Section IV - L'impact sur l'environnement I - Le constat des observatoires écologiques II - Les bilans a posteriori Recommandations de la Cour sur le chapitre III CHAPITRE IV : Les dérives du sytème Section I - La détermination des choix en fonction du mode de financement I - Le choix entre le recours à la concession et le financement sur crédits budgétaires II - Les contraintes budgétaires III - Les biais introduits par le mode de financement Section II - La construction d'autoroutes sur des liaisons à faible trafic I - L'extension des concessions à des sections de moins en moins rentables II - Une tendance aggravée par l'accélération du programme autoroutier III - Le rôle des tutelles IV - La jurisprudence administrative V - Le droit européen Section III - L'endettement du secteur autoroutier I - L'évolution de la situation financière des SEMCA II - Le recours à l'emprunt III - Une structure financière hors normes IV - Le remboursement de la dette Section IV - Le projet de réforme du système autoroutier I - Les mesures envisagées II - Les incertitudes de la réforme et ses conséquences Recommandations de la Cour sur le chapitre IV Conclusion Annexes Réponses des administrations et des entreprises

Page 4: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 4

DÉLIBÉRÉ La Cour des comptes publie, sous la forme d’un fascicule séparé,

un rapport concernant LA POLITIQUE AUTOROUTIÈRE FRANÇAISE.

Conformément aux dispositions du chapitre VI du code des juridictions financières et de l’article 52 du décret du 11 février 1985, la Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil, a adopté le présent rapport public.

Ce texte a été arrêté au vu des projets qui avaient été communiqués au préalable aux administrations, collectivités et organismes concernés, et après qu’il a été tenu compte, quand il y avait lieu, des réponses fournies par ceux-ci. En application des dispositions précitées, ces réponses sont publiées ; elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.

Etaient présents : M. Joxe, premier président ; MM. Marmot, Logerot, Berger, Mignot, Ménasseyre, Collinet, Brunet, présidents de chambre, M. Bonnet, Morin, Lelong, présidents de chambre maintenus en activité ; MM. Maheu, Salmon-Legagneur, Ullmo, Siebauer, Vorms, Mathieu, Blondel, Perrin, Belle, Capdeboscq, Murret-Labarthe, Sallois, Carrez, Delafosse, Lescuyer, Giquel, Mme Legras, MM. Bénard, Billaud, Lagrave, Recoules, Paugam, Kaltenbach, Gravelin, Hespel, Houri, Richard, Devaux, Rossignol, Bayle, Adhémar, Gillette, Mme Boutin, MM. Benoist, Chabrol, Cieutat, Vanderchmitt, Martin, Bertrand, Mme Cornette, MM. Cardon, Déniel, Thérond, Mme Froment-Meurice, M. Ardouin, Mme Ruellan, MM. Mordacq, de Lapparent, Mme Bellon, MM. Gasse, Ritz, Mme Lévy-Rosenwald, M. Duchadeuil, Mme Cabana, MM. Raynal, Steyer, Lesouhaitier, Lefas, conseillers maîtres ; MM. Coëffe, Dischamps, Gros, Harel, Bresson, Monginet, Teyssier, conseillers maîtres en service extraordinaire, M. Guillard, conseiller maître, rapporteur général.

Etait présente et a participé aux débats : Mme Gisserot, procureur général de la République, assistée de M. Pouly, premier avocat général.

M. Ganser, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre du conseil.

Fait à la Cour, le 14 juin 1999

Page 5: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 5

INTRODUCTION

Conçue comme une voie rapide à carrefours dénivelés sans accès direct des riverains, la première autoroute du monde a été ouverte en 1924 entre Milan et Varèse. En 1935, 500 kilomètres d’autoroutes avaient déjà été construits en Italie. Mais c’est surtout l’Allemagne qui a développé son réseau autoroutier depuis 1924 en accélérant sa construction à partir de 1933 à des fins stratégiques.

En revanche, la France ne comptait en 1959 que 79,2 km

d’autoroutes. L’essentiel du réseau routier était à l’époque constitué de routes nationales dont, il est vrai, moins de 500 km approchaient du seuil de saturation fixé à 7 500 véhicules/jour et dont la qualité était reconnue.

La reprise de l’économie au milieu des années 50 et

l’intensification prévisible des échanges à l’intérieur du marché commun où la France entendait tenir une place centrale, tirant notamment parti de sa position géographique, ont conduit l’Etat à lancer un vaste programme d’autoroutes dans le souci de rattraper le retard pris par rapport aux principaux Etats voisins.

En 1960, le premier plan directeur routier prévoyait la

construction de 1 525 km d’autoroutes de liaison et de 273 km d’autoroutes de dégagement.

Au 1er juillet 1998, le réseau autoroutier comptait 8 813,5 km

de voies à statut autoroutier dont 7 812,3 km d’autoroutes interurbaines auxquelles s’ajoutaient 6 283 km de routes nationales aménagées à 2 x 2 voies.

La France s’est ainsi dotée d’un réseau autoroutier dont la

grande qualité de service en termes de fiabilité, de confort de conduite et de sécurité est reconnue et suscite, comme le montrent les enquêtes d’opinion, un taux de satisfaction élevé. Début 1996, plus de quatre Français sur cinq (81 %) se déclaraient satisfaits des autoroutes (dont 31 % très satisfaits) et 91 % si l’on prend en compte les seules personnes utilisant leurs véhicules en dehors des agglomérations 1. 1 CREDOC - Les conditions de vie et les aspirations des Français - Les Français et le réseau routier - Juillet 1996.

Page 6: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 6

Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la concession qui a permis de financer les infrastructures autoroutières par le produit des péages.

Depuis la Révolution française, l’usage du réseau routier est,

en principe, gratuit. La loi du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes, après avoir affirmé l’application de ce principe aux autoroutes, a autorisé l’Etat à en concéder, à titre exceptionnel et uniquement à des personnes publiques, la construction et l’exploitation. Ces restrictions ont été successivement levées par le décret du 4 juillet 1960 puis la loi de finances pour 1969 et le décret du 12 mai 1970. L’article L 122-4 du code de la voirie routière dispose que “ l’usage des autoroutes est, en principe, gratuit ”. Toutefois, peuvent être concédées par l’Etat soit la construction et l’exploitation d’une autoroute, soit l’exploitation d’une autoroute ainsi que la construction et l’exploitation de ses installations annexes telles qu’elles sont définies au cahier des charges. La convention de concession et le cahier des charges sont approuvés par décret en Conseil d’Etat. Ces actes “ peuvent autoriser le concessionnaire à percevoir des péages en vue d’assurer le remboursement des avances et des dépenses de toute nature faites par l’Etat et les collectivités ou établissements publics ; l’exploitation et, éventuellement, l’entretien et l’extension de l’autoroute ; la rémunération et l’amortissement des capitaux investis par le concessionnaire ”.

Dans la pratique, le régime de la concession est très vite

devenu le mode de financement de droit commun du programme autoroutier français. Comme la Cour l’a souligné à maintes reprises, “ l’extension éventuelle ” prévue par la loi de 1955 pouvait s’entendre comme un prolongement physique assez limité de la section concédée. A la suite d’une inflexion du sens de cette disposition, cette extension s’applique désormais à toute section nouvelle ajoutée au réseau déjà concédé quelles qu’en soient la longueur, la cohérence et la continuité avec les sections en exploitation... “ Cette interprétation particulièrement large de la loi, combinée avec le maintien dans la concession des autoroutes les plus rentables dont les emprunts ont été amortis et sur lesquelles les péages auraient dû être limités à la couverture des frais d’exploitation, permet de financer des actions nouvelles quelle qu’en soit la rentabilité ” 2

2 Cour des comptes - “ La politique routière et autoroutière : évaluation de la gestion du réseau national ” - 1992 (p. 78).

Page 7: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 7

En effet, dès lors que les disponibilités budgétaires se trouvaient limitées et, en tout état de cause, hors de proportion avec les sommes nécessaires à la construction et à l’entretien du réseau routier et autoroutier, le recours au système de la concession et la couverture des dépenses d’équipement et d’exploitation par la perception de droits de péage se sont imposés comme le moyen d’assurer, avec une relative facilité, le financement des infrastructures. La concession permet de lancer - et d’annoncer - de vastes programmes d’investissement sans impact pour le budget de l’Etat puisqu’elle transfère sur les sociétés - et donc sur les usagers - le financement des autoroutes.

Depuis le début des années 1980, l’Etat, qui auparavant leur

allouait des avances remboursables à long terme, n’accorde plus de contribution financière aux sociétés concessionnaires. En compensation, les concessions ont été reconduites pour 35 ans et les sociétés concessionnaires ont été autorisées à utiliser les excédents des sections amorties pour financer de nouvelles infrastructures par le mécanisme de “ l’adossement ”. Les investissements sont, pour l’essentiel, financés par des emprunts gagés sur les péages perçus auprès des usagers. En 1996, 90 % de dépenses du secteur autoroutier concédé ont été financées par emprunt, l’autofinancement représentant 7,5 % des ressources et le solde (2,5 %) correspondant à des participations diverses.

La France est le pays de l’Union européenne qui recourt le

plus à la concession mais, globalement, “ il existe une tendance en Europe vers la mise à péage ”3. (Annexe 1).

Le recours à la concession a permis le développement rapide

du programme autoroutier français avec une mise en service annuelle d’un linéaire moyen de 269,6 km d’autoroutes concédées de 1971 à 1980, de 178,2 km de 1981 à 1990 et de 165,7 km de 1990 à 1996 (contre respectivement 63,3 km, 36,6 km et 105,4 km d’autoroutes non concédées).

Les observations antérieures de la Cour

La Cour, tout en reconnaissant le dynamisme du secteur

autoroutier, a souligné de longue date les imperfections et les risques du système mis en place (annexe 2).

3 Direction des routes - Rapport sur le financement routier et les administrations routières en Europe - Septembre 1997.

Page 8: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 8

Les publications de la Cour des comptes concernant les routes

1973 Rapport public annuel p. 24 “ Les rapports entre l’Etat et les concessionnaires d’autoroutes ” 1986 Rapport public annuel p. 27 “ Le système autoroutier français et la situation des sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes ” 1990 Rapport public annuel p. 221 “ Les sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes et le développement du réseau autoroutier ” 1992 Rapport public particulier “ La politique routière et autoroutière : évaluation de la gestion du réseau national ” 1997 Rapport public annuel p. 371 “ La conctruction de l’autoroute A 14 Orgeval-La Défense ” 1998 Rapport public particulier : L’action des départements dans le domaine de la voirie routière4

Un régime dérogatoire et non régulé

La Cour a relevé que les modalités de fonctionnement du

secteur autoroutier étaient exorbitantes au regard du droit commun des concessions qui prévoit que les concessionnaires en assurent l’exploitation à leurs frais et risques. Elle a constaté qu’à l’exception d’une société à capitaux privés, la compagnie financière industrielle des autoroutes (COFIROUTE), les sociétés concessionnaires étaient, selon les termes du rapport public de 1990, des sociétés d’économie mixte “ largement fictives ”, caractérisées par l’insuffisance de leurs fonds propres et la faiblesse de leur autonomie de gestion. Les autorités de tutelle jouaient, en particulier, un rôle déterminant dans la détermination de leurs investissements tandis que les clauses de sauvegarde inscrites dans les conventions passées avec les sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroute (SEMCA) reportaient les risques sur l’Etat concédant.

Le rapport public particulier de 1992 relevait ainsi que

“ l’économie de la route qui échappe au jeu normal du marché (était) une économie largement administrée ” et ne pouvait guère “ bénéficier des mécanismes du marché pour que se réalisent les corrections nécessaires à son équilibre et à son développement ”.

4 Rapport établi par onze chambres régionales des comptes.

Page 9: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 9

Des décisions d’investissement éloignées de l’optimum

La Cour a constaté l’extension5 du réseau autoroutier à des sections de moins en moins rentables et a mis en garde contre “ un surinvestissement autoroutier au prix de l’affectation d’une part non négligeable de l’épargne nationale à des investissements éloignés de l’optimum économique et social ”6. Le rapport public particulier de 1992 a noté les faiblesses et les lacunes des calculs du bilan coûts-avantages pour la collectivité établis préalablement au choix des investissements. Il a souligné la non application des dispositions de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) du 31 décembre 1982 qui prescrit la mise en place d’une politique globale de transports dans le cadre de schémas de développement élaborés sur la base d’une approche intermodale ; les grands projets d’infrastructure devant être évalués sur la base de critères homogènes permettant des comparaisons à l’intérieur d’un même mode de transport et entre différents modes. Au sein même du mode routier, la Cour a observé que le type d’investissement retenu était choisi non pas en fonction de la voirie la mieux adaptée au trafic prévisionnel et au service attendu mais en fonction du mode de financement, devenu “ déterminant dans la décision de construire comme dans le parti d’aménagement, les caractéristiques techniques, l’échéancier des travaux ”. La Cour a souligné les dangers des facilités offertes par le recours à la concession qui incitent à la construction d’autoroutes sur des itinéraires où des voiries à caractéristiques moindres auraient suffi et s’était interrogée sur la capacité des autoroutes à irriguer le territoire, l’autoroute concédée comportant en raison du coût des barrières de péage moins d’échangeurs que les routes express. Cette interrogation est restée sans réponse puisque aucune infrastructure n’avait à l’époque donné lieu à l’établissement du bilan des résultats économiques et sociaux prévu par la LOTI.

Un équilibre financier différé et problématique

La Cour a, de longue date, critiqué la perpétuation abusive de pratiques comptables dérogatoires qui ont permis aux SEMCA de s’affranchir des normes comptables en différant la constatation de charges et de pertes et de reporter le retour à l’équilibre à une échéance sans cesse repoussée par les allongements successifs de la durée des concessions.

5 Rapport public 1986 p. 32 et 33. 6 Rapport public 1990 p. 235.

Page 10: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 10

Enfin, la Cour a réitéré les mises en garde concernant l’endettement croissant des sociétés précitées dont le montant était passé de 40 milliards de francs fin 1985 à 65,3 milliards de francs en 1990 et, selon les prévisions établies en 1992 par le Trésor, devait passer à 112 milliards de francs à fin 1999 dans l’hypothèse de la construction de 200 km par an voire à 144 milliards de francs à fin 2000 dans l’hypothèse d’un rythme de construction de 300 km l’an, avec le risque de peser sur les finances publiques, l’Etat ayant déjà été appelé au début des années 1980 à faire jouer sa garantie pour le remboursement d’une partie des emprunts de certaines sociétés concessionnaires confrontées à de graves difficultés de trésorerie.

Les réponses aux observations antérieures de la Cour

Dans leur réponse au rapport public particulier de 1992, le ministre de l’économie et des finances et le ministre du budget reconnaissaient que compte tenu de l’importance des investissements réalisés dans ce secteur et de l’impact de cette activité sur l’économie nationale, il leur paraissait “ primordial de veiller à ce que soient réunies les conditions d’une allocation optimale des ressources. Ils identifiaient trois enjeux déterminants :

“ - s’attacher à la cohérence des choix d’investissements, tant pour le réseau routier, malgré la dualité des modes de financement des routes et des autoroutes que pour l’ensemble des infrastructures de transports, dans le cadre d’une analyse intermodale ;

- disposer d’instruments d’étude et d’évaluation incontestables permettant de hiérarchiser les projets en fonction de leur utilité collective et, dans le cas des autoroutes, de leur rentabilité financière afin d’éclairer les choix publics ;

- maîtriser la situation financière des sociétés

concessionnaires d’autoroutes, dont les investissements doivent rester compatibles avec les capacités de financement. ”

Ils indiquaient, en particulier, leur souci de veiller, comme le recommandait la Cour, “ à ce que les équipements routiers soient adaptés à la nature et au volume des trafics et qu’ils soient correctement dimensionnés ”. Reconnaissant la nécessité de poursuivre l’effort d’amélioration du dispositif d’étude et d’évaluation des investissements routiers et autoroutiers afin de résoudre les divergences méthodologiques entre la direction des routes et la direction de la prévision, les ministres soulignaient que “ le choix des investissements devrait être guidé par un principe intangible : celui d’une évaluation économique et financière systématique ex ante sur la base d’un bilan coûts-avantages suivi d’un contrôle ex post de ces

Page 11: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 11

prévisions. La sélection optimale .......doit alors procéder par ordre de rentabilité économique et sociale et de rentabilité financière décroissant. Toute exception doit être justifiée et les surcoûts induits chiffrés de manière transparente afin d’éclairer les choix publics. A cet égard, il est vrai que l’utilisation de méthodes multicritères présente trop souvent le handicap de masquer l’absence de preuves quantifiées, inconvénient parfois renforcé par la redondance de critères imprécis ”. Tout en arguant de la “ modestie ” de son programme autoroutier, la direction des routes se disait “ consciente de la nécessité de faire progresser ses instruments d’évaluation et d’études pour renforcer la cohérence de la politique qu’elle met en oeuvre ” afin “ d’aboutir à un langage d’évaluation commun ” et “ d’assurer une meilleure transparence des résultats ”.

S’agissant de la situation financière du secteur autoroutier, les

ministres reconnaissaient que le mode de péréquation des excédents de trésorerie des SEMCA allait trouver ses limites dès lors que les sociétés excédentaires quitteraient le système après s’être acquittées de leurs dettes et que l’équilibre du dispositif était donc “ précaire ”. Compte tenu des perspectives de fort accroissement de la dette à long terme des sociétés qu’ils estimaient devoir plus que doubler de 1988 à la fin du siècle pour atteindre entre 110 et 150 milliards de francs, il incombait aux pouvoirs publics de “ fixer le niveau des investissements de manière à éviter une dérive globale du secteur mais aussi à veiller au cas par cas sur la situation financière des différentes sociétés ”, et ce, avec “ la plus grande vigilance ”. Par ailleurs, les ministres indiquaient que le conseil national de la comptabilité avait mandaté une commission en vue d’examiner l’ensemble des problèmes comptables soulevés par le régime de la concession et notamment celui des charges différées.

Les réformes mises en œuvre depuis la publication du dernier

rapport de la Cour

En novembre 1993, le gouvernement a décidé d’accélérer la mise en œuvre du programme autoroutier : les 2 600 kilomètres d’autoroutes concédées qui restaient à construire devaient être engagés en dix ans (1994-2003) et non pas en quinze ans comme prévu initialement. Mais les faiblesses de la structure financière des SEMCA, relevées par la Cour dans ses rapports successifs, empêchaient le système autoroutier de faire face à ce programme d’investissement, évalué à quelque 140 milliards de francs 1994, dans le délai ainsi imparti.

C’est pourquoi une réforme du système a été mise en œuvre

en 1994-1995.

Page 12: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 12

Le capital des SEMCA, qui représentait moins de 28 MF en 1993 pour un chiffre d’affaires de 17 milliards de francs et un endettement de 80 milliards de francs, a été porté à 1,63 milliard de francs par capitalisation des avances d’actionnaire reçues de l’Etat. Les SEMCA ont, de surcroît, été regroupées en trois pôles régionaux.

Le secteur autoroutier est ainsi composé d’une société privée,

COFIROUTE, et de 6 SEMCA regroupées comme suit : - Autoroutes du sud de la France (ASF) et sa filiale Estérel Côte

d’Azur, Provence, Alpes (ESCOTA) ; - Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (SAPRR) et sa filiale

Autoroutes de la région Alpine (AREA) ; - Société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France

(SANEF) et sa filiale, la société de l’autoroute Paris-Normandie (SAPN) ; A ces trois pôles s’ajoutent : La société “ Autoroutes et tunnel du

Mont-Blanc ” (ATMB) et la société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF).

En outre, des contrats de plan entre l’Etat et les sociétés

concessionnaires ont été conclus pour la période 1995-1999, afin de conférer aux dites sociétés une plus grande autonomie de gestion.

La Cour a poursuivi depuis 1992 ses investigations dans le

secteur autoroutier avec le contrôle des comptes et de la gestion de : - huit sociétés concessionnaires 7 ; - deux associations, l’association des sociétés françaises

d’autoroutes (ASFA) et l’union des sociétés françaises d’autoroutes à péage (USAP), dont elle avait constaté qu’elle faisait en large partie double emploi avec l’ASFA et qui a été mise en liquidation en 1995 avec transfert de l’actif et du passif à l’ASFA ;

- deux établissements publics, la Caisse nationale des

autoroutes (CNA) qui émet et gère les emprunts des sociétés concessionnaires et Autoroutes de France (ADF), établissement

7 ACOBA (société de l’autoroute de la côte basque absorbée depuis par ASF), AREA, ASF, ESCOTA, SANEF, SAPN, SAPRR, ATMB.

Page 13: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 13

institué par la loi de finances rectificative du 30 décembre 1982 pour mettre en œuvre un mécanisme de péréquation financière entre les SEMCA ;

- et du service d’études techniques des routes et autoroutes

(SETRA) rattaché à la direction des routes du ministère de l’équipement.

Ces enquêtes de la Cour aboutissent à un moment où le

degré d’exécution des projets d’infrastructures autoroutières, la nécessité d’une réflexion globale sur la satisfaction des besoins en matière de transport et l’édiction par l’Union européenne de nouvelles règles juridiques imposent aux pouvoirs publics de réviser la politique autoroutière de la France.

Or, en dépit de réformes limitées, l’économie d’ensemble du

système autoroutier est restée jusqu’à présent inchangée. Elle continue ainsi à appeler les mêmes critiques que par le passé tout en suscitant de nouvelles appréhensions dues à l’évolution des circonstances.

Page 14: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 14

CHAPITRE I

LES CARACTERISTIQUES DU SYSTEME AUTOROUTIER

FRANÇAIS

Page 15: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 15

Alors que l’autoroute contribue à accroître une prépondérance

mal contrôlée du mode routier sur les autres types de transport, le système autoroutier français continue d’échapper aux règles du marché et demeure largement administré.

SECTION I : LA PREDOMINANCE DU MODE ROUTIER

Le développement du système autoroutier doit être resitué dans le contexte général d’une politique des transports terrestres qui, depuis plusieurs décennies, privilégie très nettement le mode routier.

I. - LA REPARTITION DES TRAFICS PAR MODE DE

TRANSPORTS

Le transport routier représentait, en 1997, 89,5 % du trafic intérieur de voyageurs et 73,9 % du transport de fret (hors transit), en tonnes/kilomètres (mais près de 90 % en valeur) contre 71 % et 51 % en 19718. Ce constat n’est pas propre à la France. Tant sur le plan du transport de marchandises que sur celui du transport des personnes, la route est le mode dominant dans l’Union européenne.

La prédominance du mode routier, qui résulte pour une très

large part des avantages qu’il offre à l’échelle des décisions individuelles, a été fortifiée par les politiques publiques grâce à une fiscalité favorable (fiscalité du gazole, taxe à l’essieu ...) et à l’amélioration des infrastructures due en particulier au développement du réseau autoroutier.

A.- LE TRAFIC DE MARCHANDISES

Pour le trafic de fret, le transport routier a bénéficié au détriment du rail du changement de nature des trafics marqué par une diminution de la part des pondéreux, de la délocalisation des lieux de production qui est source d’une dispersion des flux de trafic (hors trafic international, 68 % des tonnes transportées par camion sont acheminées sur moins de 150 km et 48 % à moins de 50 km alors que le transport ferroviaire est adapté à des flux massifs sur longue

8 Commission des comptes des transports de la Nation - les transports en 1997.

Page 16: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 16

distance9) et du passage de nombreuses entreprises à une organisation de la production en flux tendus qui permet de réduire au minimum les frais de stockage, mais conduit à multiplier les transports avec des impératifs de délais de livraison très stricts. Cette évolution a d’autant plus favorisé le développement du mode routier que le transport ferroviaire de fret souffre d’une insuffisante qualité, notamment en termes de respect des délais d’acheminement.

Le rapport du Commissariat général au plan sur les

perspectives de la demande de transport à l’horizon 2015 (juin 1998) distingue trois phases. “ De 1970 à 1980, la croissance des parts de marché du mode routier est fortement dopée par l’extension du réseau routier national qui provoque un accroissement de la vitesse des acheminements et des gains importants de productivité (la longueur du réseau est passée de 1 125 km en 1970 à 4 700 km en 1980). Après 1980, ce phénomène tend à s’estomper. Le fer résiste mieux. Les nouvelles sections d’autoroutes mises en service s’avèrent moins favorables au développement du trafic de marchandises. A partir de 1985, la part du fer se dégrade à nouveau mais pour une autre raison : Le mode routier, dopé par la déréglementation et la forte baisse des carburants, voit ses prix moyens baisser fortement ”.

B. - LE TRAFIC DE VOYAGEURS

La croissance économique a favorisé une forte progression de la mobilité des individus et la croissance du parc automobile. Depuis 1970, le nombre de voitures particulières a plus que doublé passant de 11,9 millions à plus de 25 millions fin 199410. Par ailleurs, le développement urbain, marqué par l’expansion de périphéries urbaines peu denses, mal desservies par les transports en commun, a accentué la prépondérance de la route. La politique des villes nouvelles, également mieux desservies par la route, ne fait pas exception. De 1970 à 1995 le trafic routier a été multiplié par 2,3, la plus forte progression étant observée pour les autoroutes (multiplication par 3,5). Cette évolution a été favorisée par la politique publique. Selon une étude de l’institut national de recherche et

9 Ministère de l’équipement, des transports et du logement - Direction des transports terrestres, Association française du transport routier international - “ Pour une meilleure compétitivité du transport routier français ” - Mars 1998. 10 Ministère de l’équipement, des transports et du logement - service économique et statistique - “ Perspectives d’évolution de la demande de transport à l’horizon 2020 ”.

Page 17: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 17

d’étude des transports et de la sécurité (INRETS) de 199511, la croissance du trafic routier de voyageurs entre 1980 et 1992 s’expliquerait pour 48 % par la croissance économique, pour 34 % par l’amélioration du réseau routier et pour 17 % par la baisse du prix d’usage réel de l’automobile. Comme l’indique un rapport sur l’évaluation de la politique de maîtrise de l’énergie 12, la baisse de la fiscalité entre 1988 et 1993 et notamment l’abandon du taux majoré de TVA sur les automobiles, a ainsi amplifié les effets du contre-choc pétrolier.

II. - L’ABSENCE DE POLITIQUE GLOBALE DES TRANSPORTS

Contrairement aux principes fixés par la loi d’orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 (LOTI), les schémas directeurs routiers successifs ne se sont pas inscrits dans une politique globale des transports.

Les principes de la LOTI Aux termes de la LOTI, le système de transports intérieurs “ doit

satisfaire les besoins des usagers dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité. Il concourt à l’unité et à la solidarité nationale, à la défense du pays, au développement économique et social, à l’aménagement équilibré du territoire et à l’expansion des échanges territoriaux, notamment européens ” (art. 1). “ La mise en oeuvre progressive du droit au transport permet aux usagers de se déplacer dans des conditions raisonnables d’accès, de qualité et de prix, ainsi que de coût pour la collectivité... ” (art. 2).

“ La politique globale des transports des personnes et marchandises assure le développement harmonieux et complémentaire des divers modes de transports individuels et collectifs, en tenant compte de leurs avantages et inconvénients en matière de développement régional, d’aménagement urbain, de protection de l’environnement, de défense, d’utilisation rationnelle de l’énergie, de sécurité et de leur spécificité. Elle tient compte des coûts économiques réels liés à la création, à l’entretien et à l’usage des infrastructures, équipements et matériels de transport et des coûts sociaux, monétaires et non monétaires supportés par les usagers et les tiers ”. La politique des transports “ établit les bases d’une concurrence loyale entre les modes de transport et entre les entreprises, notamment en harmonisant leurs conditions d’exploitation et d’utilisation. Elle favorise leur complémentarité et leur coopération,

11 INRETS - Matisse, un modèle de trafic intégrant étroitement contexte socio-économique et offre de transport - Décembre 1995. 12 Comité interministériel de l’évaluation des politiques publiques - Rapport de l’instance d’évaluation sur la maîtrise de l’énergie - Janvier 1998.

Page 18: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 18

notamment dans le choix d’infrastructures et par le développement national des transports ” (art. 3).

Page 19: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 19

A cette fin, “ l’élaboration et la mise en oeuvre de la politique globale des transports sont assurés conjointement par l’Etat et les collectivités territoriales concernées dans le cadre d’une planification décentralisée, contractuelle et démocratique, avec la participation des représentants de tous les intéressés. Cette politique globale s’inscrit dans le cadre du plan de la nation et donne lieu à l’établissement de schémas de développement de transports, élaborés sur la base d’une approche intermodale, tenant compte des orientations nationales et locales d’aménagement ... ” (art. 4).

En juin 1992, le rapport du Commissariat général au plan

“ Transport 2010 ” relevait que ces dispositions n’étaient pas appliquées : “ alors que deux grands schémas d’infrastructures 13 ont été adoptés, il est à noter que, malgré les recommandations de la LOTI, les méthodes n’ont pas été harmonisées, les complémentarités ne sont pas exprimées et chacun des schémas a été développé en tenant compte de critères différents, à partir d’hypothèses peu homogènes ”. La situation n’a guère évolué depuis lors.

A. - LA PLANIFICATION DES TRANSPORTS

Pour l’approche intermodale, la France apparaît en retard par rapport à d’autres pays de l’Union européenne. En Allemagne, le programme fédéral multimodal élaboré par le gouvernement fédéral pour la période 1992-2012 répond à quatre objectifs : baisse du coût des transports, amélioration de leurs performances (rapidité, sécurité), équilibre du territoire, sauvegarde des paysages et préservation de l’environnement. La priorité a été donnée à la réduction des émissions de gaz d’échappement, du bruit et des effets de coupure. 47 % des investissements doivent aller au rail contre 46,2 % à la route et 6,7 % aux canaux. Aux Pays-Bas un schéma national intermodal est élaboré par les services du ministère des transports en liaison avec le ministère de l’environnement. Le projet est signé conjointement par les deux ministres avant consultation du public et du Parlement. L’Italie dispose d’un plan général des transports.

L’approche intermodale est l’un des principes directeurs de la

politique communautaire des transports : la décision du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 1996 sur les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport dispose que celui-ci doit “ inclure tous les modes de transport en tenant compte de leurs avantages comparatifs... être dans la mesure du possible interopérable à l’intérieur des modes de transport et favoriser l’intermodalité ”.

Page 20: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 20

B - LES STRUCTURES ADMINISTRATIVES

Les structures administratives du ministère chargé de l’équipement et des transports ne favorisent pas une réflexion globale sur la politique des transports. A cet égard, la situation n’a guère évolué depuis la parution du rapport public de 1992 qui notait que les cloisonnements au sein de l’administration des transports terrestres “ n’assur(ait) pas une préparation rationnelle des décisions ”. L’éclatement de l’ancienne direction générale des transports intérieurs, qui regroupait la direction des transports terrestres et une direction des routes et de la circulation routière, a pour effet de juxtaposer une direction des routes et une direction des transports terrestres responsable du dossier ferroviaire et des voies navigables. Dans son rapport public de 1998 14, la Cour a observé que “ le déséquilibre des capacités d’intervention des services du ministère de l’équipement, au sein duquel la direction des transports terrestres pèse beaucoup moins que la direction des routes ” concourait à expliquer les contradictions entre les objectifs initiaux de la politique des contrats de plan Etat-régions et les contrats signés. Alors qu’une instruction adressée le 6 août 1992 par le ministre de l’équipement, du logement et des transports aux préfets de régions avait défini comme priorité le développement du transport combiné et les déplacements urbains dans les grandes agglomérations, l’essentiel des crédits ont, en effet, été consacrés aux investissements routiers de rase campagne. Selon les chiffrages de l’Inspection générale des finances15, les modes de transport autres que routiers ne représentent que 5,075 milliards de francs des délégations prévisionnelles au titre des contrats de plan 1994-1999 sur 38,8 milliards de francs. Sur les 276 MF prévus au titre du transport combiné rail-route, 20 % seulement environ avaient été engagés au 31 décembre 1998.

A la suite du rapport “ Transport 2010 ” du Commissariat

général au plan puis des recommandations du rapport du groupe de travail présidé par M. Boiteux (“ transports : pour un meilleur choix des investissements ”), le ministère a officialisé en mars 1995 une instance qui existait déjà de façon informelle : le comité des directeurs “ transports ”. Le premier travail de cette instance a été de rédiger une instruction cadre relative aux méthodes d’évaluation économique des grands projets d’infrastructures de transport (diffusée par circulaire du 13 Schéma directeur routier et schéma directeur des TGV. 14 Rapport public 1998 p. 137 à 150. 15 Inspection générale des finances - Note sur l’évaluation du degré d’exécution des contrats de plan Etat-régions - Mars 1999.

Page 21: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 21

3 octobre 1995), qui vise notamment à harmoniser les études de rentabilité selon les modes. Ce comité aurait dû aussi mettre en cohérence les schémas d’infrastructures modaux en application de la loi d’aménagement du territoire du 4 février 1995. Le comité des directeurs “ transports ”, auquel s’est ajouté un comité des directeurs “ aménagement ”, est certes un progrès mais il est regrettable qu’il ait conduit le ministère à se dispenser d’une réforme de son organisation. Il faut aussi relever qu’en dépit des recommandations du rapport du groupe de travail précité du Commissariat général au plan, il n’a pas été mis en place de cellule d’évaluation intermodale.

C - LES ETUDES INTERMODALES

Les dossiers de projets autoroutiers soumis à enquête publique se conforment désormais à l’obligation de comparaison entre route et autoroute ainsi qu’avec les autres modes de transport. Mais les méthodologies utilisées restreignent la portée des comparaisons et, l’échelle du projet n’est souvent pas adaptée à l’approche intermodale qui pour être pertinente devrait, dans bien des cas, s’inscrire dans une réflexion plus globale telle que la desserte d’un axe.

Afin d’examiner les moyens de faire face aux perspectives

d’augmentation de trafic sur l’axe nord-sud, deux études par “ corridor ” ont toutefois été établies en 1992 sur l’axe A 7-A 9 (dit “ corridor sud ”)16 et en 1996 sur le “ corridor nord ” 17. Cependant ces études, dont la méthodologie demeure encore rudimentaire sur certains points, sont inégalement développées selon les projets et, en particulier, sont demeurées au stade des prémisses en ce qui concerne les modes autres que routiers alors même qu’elles reconnaissent que ceux-ci pouvaient avoir un impact significatif voire important sur le trafic de fret. L’étude sur le corridor sud estimait ainsi que les capacités de délestage de l’A 7 par des solutions non routières représentaient entre 49,6 % et 64 % du trafic de poids lourds à l’horizon 2010 et ce alors même que l’étude indiquait que la méthodologie utilisée pour les comparaisons de mode défavorisait les solutions non routières car les calculs ne tenaient pas compte de leur effet de délestage au nord de Lyon. Cette étude met par ailleurs en évidence que la construction de nouvelles infrastructures autoroutières n’apporte qu’une solution temporaire aux problèmes de

16 SETRA - L’axe A 7-A 9 à l’horizon 2010. Propositions intermodales - Avril 1992 17 Direction des routes - Direction des transports terrestres. Corridor nord étude intermodale à l’horizon 2010 - Juin 1996.

Page 22: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 22

congestion du réseau routier et autoroutier. Par ailleurs les études de corridors ne comportent pas de calculs d’évaluation de leur rentabilité économique et sociale (corridor nord) ou des calculs qui présentent des biais (corridor sud) faute notamment de prendre en compte les coûts externes notamment dans les domaines de l’environnement et de la sécurité (annexe 3).

Une réflexion intermodale apparaît particulièrement

nécessaire dans les zones dites sensibles, ainsi définies par la conférence CEE-ONU de novembre 1997 : “ zone(s) dont les écosystèmes sont particulièrement sensibles et où les conditions géographiques et la topologie risquent d’accroître la pollution et le bruit ou dans lesquelles il existe des ressources naturelles ou un patrimoine culturel unique ”.

Tel est notamment le cas des zones de montagne puisque,

comme le souligne un rapport du Conseil général des ponts et chaussées de mars 1998 sur la politique française des transports terrestres dans les Alpes : “ les transports sont tous plus agressifs en montagne qu’en plaine ”, du fait de consommations de carburant plus élevées et d’une combustion moins bonne accentuant la pollution, d’un impact sonore amplifié (moteurs plus bruyants, phénomène d’échos), de la vulnérabilité des cours d’eaux, des risques d’érosion et d’avalanches aggravés par les coupures liées aux infrastructures. “ Or les différences entre les modes sont plus prononcées en montagne qu’en plaine ”. Le différentiel entre les coûts externes de la route et du rail (effets sur l’environnement, accidents) s’accroît fortement en faveur du rail qui connaît, en revanche, une augmentation plus accusée des coûts d’infrastructures. S’il existe un consensus européen de principe sur la nécessité de transférer vers le rail le maximum de fret possible, les projets de nouvelles grandes infrastructures ferroviaires avec des tunnels de piémont, tels que celui de la ligne Lyon-Turin, supposent des financements publics élevés pour les travaux, voire pour l’exploitation, comme dans le cas du projet suisse “ d’autoroute roulante ” qui a été approuvé par votation en novembre 1998 (annexe 4).

Le rapport sur la politique française des transports terrestres

dans les Alpes estime que leur réalisation passe vraisemblablement par la remise en cause de certains des principes de la politique européenne des transports (principe de territorialité, principe de non transfert financier de la route vers le rail). Pour autant, si le concept “ d’autoroute roulante ” ferroviaire pour le trafic poids-lourds dans les Alpes est “ plus difficile à manier qu’il n’y paraît, il ne faudrait cependant pas lui retirer ses chances par une multiplication imprudente des passages routiers ”, ce qui irait d’ailleurs, pour les

Page 23: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 23

Alpes, à l’encontre des engagements souscrits dans le cadre de la convention alpine ratifiée par la France mais dont la portée demeure limitée, le protocole prévu sur les transports n’ayant pas encore été conclu.

Une réflexion intermodale analogue à celle amorcée depuis

peu pour les traversées alpines devrait être notamment conduite pour les Vosges ainsi que pour les Pyrénées, où l’on multiplie actuellement les axes routiers avec la construction des tunnels du Somport et de Puymorens et un projet dans le Val d’Aran en vue de délester les passages de Biriatou et du Perthus qui supportent actuellement l’essentiel des flux de transit aux deux extrémités de la chaîne (annexe 4).

Le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le

développement durable du territoire en cours d’examen (cf. III ci-après) dispose que “ les zones à environnement fragile peuvent faire l’objet de dispositions particulières comportant des restrictions, voire des interdictions d’accès afin d’en assurer la protection ”. Il prévoit, de surcroît, que “ pour les marchandises, le développement de l’usage du transport fluvial et ferroviaire et du cabotage maritime, notamment par le biais du transport combiné, revêt un caractère prioritaire (...). En particulier, pour le transit international franchissant les Alpes et les Pyrénées, les schémas de services collectifs de transport donnent priorité au mode ferroviaire ”. L’incendie du tunnel du Mont-Blanc vient confirmer tragiquement cette nécessité.

D - LES CONDITIONS DE CONCURRENCE ENTRE LES MODES

Une politique intermodale devrait harmoniser les conditions de concurrence entre les différents modes et prendre en compte des externalités positives et négatives.

1° L’HARMONISATION DES CONDITIONS DE CONCURRENCE

Comme le souligne un livre blanc présenté en juillet 1998 par

la Commission européenne18, “ la grande diversité qui caractérise les systèmes de tarification des infrastructures dans les différents modes de transport et dans les différents Etats-membres compromet

18 Livre blanc “ Des redevances équitables pour l’utilisation des infrastructures : une approche par étape pour l’établissement d’un cadre commun en matière de tarification des infrastructures de transport dans l’Union européenne ”.

Page 24: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 24

l’efficacité et la durabilité du système de transport européen ”. La France ne fait pas exception à ce constat général.

Page 25: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 25

L’augmentation de la part de marché du transport routier pour le fret a été accentuée par une intense concurrence par les prix (qui ont chuté de 25 % en francs constants de 1985 à 1993), à la faveur d’une forte baisse des prix des carburants et de gains de productivité. Le service économique et statistique (SES) du ministère de l’équipement, des transports et du logement estime, que sur la période 1986-1994, l’indicateur de productivité du capital s’est accru de 4,6 % par an. Il impute 60 % de ces gains de productivité à trois facteurs d’égale importance : la vitesse, l’augmentation de la taille des véhicules et l’amélioration de la gestion du véhicule (avec moins de camions retournant à vide et des taux de remplissage meilleurs). L’augmentation de la durée d’utilisation du véhicule (liée à la gestion du personnel roulant et donc à la productivité du travail) expliquerait les 40 % restants de ces gains de productivité. La durée d’utilisation des véhicules a augmenté de 16 % sur la période.

Une part, difficile à mesurer, des gains de compétitivité de la

route est liée à des comportements contraires à la législation et constitutifs de distorsions de concurrence. Les mesures correctives adoptées en 1992 et 1995 (loi du 31 décembre 1992 sur la sous-traitance, loi du 1er février 1995 visant à clarifier le contrat de transport et à améliorer les conditions d’exécution et de rémunération de l’ensemble des opérations de transport) n’ont pas eu les effets escomptés non plus que les aides économiques au regroupement d’entreprises et le contrat de progrès du 23 novembre 1994 qui prévoyait diverses mesures destinées à réduire la surcapacité : relèvement des conditions d’accès à la profession, incitation à l’élimination du matériel vétuste, amélioration des relations entre chargeurs et transporteurs, aides au départ des transporteurs âgés. Depuis lors d’autres mesures ont été prises à la suite de la grève de novembre 1996. Les protocoles sociaux signés en novembre 1996 comportent notamment des dispositions sur la limitation du temps de travail. Les sanctions pénales pour les infractions à la réglementation des temps de conduite et de repos ont été renforcées (loi du 1er février 1995, décret du 5 mai 1995). La loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat sanctionne la pratique de prix anormalement bas. La loi du 6 février 1998 établit de nouvelles conditions d’accès à la profession.

Cependant, selon le dispositif d’observation statistique des

conditions de travail dans le transport routier de marchandises, mis en place par le ministère des transports, les temps de service des conducteurs routiers de marchandises sont restés stables de 1995 à 1997 et près d’un chauffeur sur trois (31 %) travaille toujours plus de

Page 26: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 26

60 heures par semaine.19 Après une hausse au second semestre 1997 liée à l’essor de l’activité, la durée hebdomadaire moyenne du temps de service est revenue au premier semestre 1998 à un niveau (55,4 h) proche de celui constaté au premier semestre 1995 (55,5 h). Un récent rapport du Commissariat général au plan observe 20, de surcroît, “ qu’une forte incertitude s’attache au prix relatif du rail et de la route notamment dans la perspective de la mise en oeuvre des mesures prévues "au contrat de progrès" sur les conditions de travail des chauffeurs routiers. Des points d’interrogation s’y ajoutent concernant l’application à cette profession de la loi sur les 35 heures, sachant que pour des raisons de compétitivité internationale le patronat du secteur demande l’exemption de cette loi pour la profession, et les perspectives d’harmonisation européenne des conditions de travail ”.

Par ailleurs, le transport routier de marchandises bénéficie

d‘une fiscalité favorable qu’il s’agisse de la fiscalité sur le gazole dont le relèvement par la loi de finances pour 1999 n’a pas touché le trafic de marchandises en raison de la création d’un régime spécifique pour les véhicules utilitaires. ou de la taxe à l’essieu, instaurée en 1968 et dont les barèmes n’ont pas été revalorisés depuis 1971 ce qui place son niveau parmi les plus bas d’Europe. De surcroît, les péages autoroutiers acquittés par les poids lourds ne sont, compte tenu des conditions d’abonnement, que 1,8 fois plus élevés que ceux des véhicules légers alors qu’ils encombrent 2 à 4 fois plus les chaussées et les détériorent beaucoup plus dans un rapport proportionnel au poids à l’essieu, ce qui correspond à une dégradation plus d’un million de fois supérieure à celle provoquée par les véhicules légers.

Il est vrai que le rail bénéficie pour sa part de concours

financiers élevés de l’Etat, destinés à compenser les contraintes de service public et le coût du statut social des personnels de la SNCF.

Il n’existe pas de bilan économique et financier exhaustif des

différents modes qui prendrait en compte les financements directs, les mesures fiscales et tarifaires ainsi que les “ coûts externes ” actuellement méconnus par la tarification.

19 L’officiel des transporteurs 16 Mai 1998. 20 Rapport de l’atelier sur les orientations stratégiques de la politique des transports et leurs implications à moyen terme. “ Les perspectives de la demande de transport à l’horizon 2015 ” - Juin 1998.

Page 27: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 27

Le problème de l’harmonisation des conditions de concurrence entre les modes ne peut recevoir de réponse efficace que dans le cadre de l’Union européenne.

Dans le livre blanc précité, la Commission européenne

préconise une harmonisation progressive des principes de tarification de l’ensemble des modes de transport afin de permettre une concurrence loyale, tant entre les opérateurs nationaux concernés par un même mode de transport qu’entre les différents modes. Elle propose une tarification au “ coût marginal social ” basée sur le principe de “ l’utilisateur-payeur ”, suivant lequel tous les utilisateurs de transport doivent supporter l’ensemble des coûts qu’ils imposent aux gestionnaires d’infrastructures (coûts d’exploitation et coûts liés à la dégradation des infrastructures) comme à la collectivité, et ce, y compris les coûts pour l’environnement et les autres “ effets externes ” (encombrements, accidents ...).

2° LA PRISE EN COMPTE DES COUTS EXTERNES

En 199521, la Commission européenne soulignait que “ la non prise en compte des externalités compromet la distribution efficace des ressources entre les différents modes de transport ”. En outre, ainsi que l’observe un rapport de l’instance d’évaluation sur la maîtrise de l’énergie, “ à défaut d’une imputation de tous ces coûts aux usagers des transports, le volume des transports augmente au-delà de leur utilité économique et sociale réelle ” 22.

La Commission européenne évaluait à 250 milliards d’écus

les coûts externes liés aux transports dans l’Union européenne, soit 2 % du PIB des pays de l’Union pour les coûts dus aux encombrements - estimés à 120 milliards d’écus en 1995 pour les seuls encombrements routiers -, 1,5 % pour celui des accidents 23 et au moins 0,6 % du PIB pour la pollution de l’air et le bruit. L’estimation des coûts externes demeure très approximative. Cependant les

21 Livre vert “ vers une tarification équitable et efficace des transports ”. 22 Comité interministériel de l’évaluation des politiques publiques - Janvier 1998 23 En France l’observatoire national interministériel de sécurité routière évaluait le coût de l’insécurité routière à 119,6 milliards de francs en 1998 dont 59,6 milliards de francs au titre des accidents corporels.

Page 28: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 28

rapports de la Commission européenne et les études successives du Commissariat général au plan s’accordent à reconnaître que les coûts sociaux du transport routier de marchandises ne sont que partiellement pris en compte par la tarification et la fiscalité alors même que le mode routier est celui qui présente les coûts externes les plus lourds rapportés aux kilomètres parcourus tant en ce qui concerne les effets sur l’environnement que ceux sur la santé et la sécurité (annexe 5).

En préconisant une tarification au coût marginal social, la

Commission escompte que les utilisateurs de transport, qui devront supporter les coûts réels de leurs déplacements, seront incités à “ utiliser des véhicules qui dégradent moins les routes et qui soient moins polluants et plus sûrs ; à choisir des itinéraires et une organisation logistique permettant de réduire au minimum la dégradation des routes, les encombrements, les risques d’accidents et les impacts sur l’environnement ou à opter pour un mode de transport dont les impacts soient moindres ”. Dans son livre blanc de juillet 1998, la Commission annonce qu’elle va, en priorité, proposer un système communautaire pour la tarification des poids lourds assorti d’une classification de ceux-ci en fonction de leur impact sur l’environnement. Selon ses calculs, l’institution d’une redevance établie sur la tonne-kilomètre par camion dans l’ensemble de l’Union européenne et reflétant les coûts externes moyens du fret routier (à exclusion de ceux liés aux encombrements) entraînerait une baisse de 6,6 % du trafic de fret routier en 2010 par rapport à un scénario de référence “ au fil de l’eau ”.

III.- LES PERSPECTIVES D’AVENIR

A. - LES SCENARIOS D’EVOLUTION DE LA DEMANDE DE TRANSPORT

Selon les données du service économique et statistique du ministère de l’équipement, des transports et du logement (SES), la part des différents modes ne devrait pas s’infléchir de façon sensible d’ici 2020. L’impact de politiques contrastées en faveur de l’un ou l’autre mode resterait limité. Une politique combinant l’internalisation plus importante des coûts externes de la route, le renforcement de la réglementation sociale du transport routier et des efforts commerciaux et tarifaires du mode ferroviaire permettrait seulement de stabiliser les parts modales du transport de marchandises et d’amorcer l’augmentation de la part du transport ferroviaire de voyageurs.

Différentes hypothèses ont été étudiées. Un scénario A dit

“ au fil de l’eau ” extrapole les évolutions antérieures sans tenir

Page 29: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 29

compte des inflexions politiques récentes. Trois autres scénarios prennent en compte à des degrés divers des mesures de régulation des transports. Le scénario le plus volontariste (D) prévoit ainsi une augmentation du prix du gazole de 5 % par an en francs constants de 1998 à 2020, une baisse de 10 % des prix ferroviaires voyageurs, une légère hausse des prix du transport aérien et une application d’horaires de travail de 160 h par mois pour le transport routier de marchandises.

La part du transport routier de marchandises qui était de 80 %

en 1996 pourrait à l’horizon 2020 progresser jusqu’à 87 % (scénario A) ou se stabiliser à 81 % (scénario D). Pour les voyageurs, la part du transport par la route pourrait passer de 80 % en 1996 à 81,5 % (scénarios A) ou à 74 % (scénario D).

Le SES reconnaît toutefois que “ la méthode de projection

utilisée repose sur l’hypothèse du maintien des liens observés dans le passé entre les transports et leurs principaux déterminants et est, par conséquent, relativement conservatrice ”. En effet, “ la méthode suivie consiste à supposer que les acteurs économiques continueront de se déterminer au cours des vingt prochaines années de façon identique à ce qu’ils ont fait au cours des décennies passées ”. Un premier rapport du SES sur la demande de transports en 2015 admettait que “ les facteurs de rupture (étaient) mal pris en compte dans les hypothèses et les modèles utilisés ”24. Un scénario plus contrasté a été établi pour le document à l’horizon 202025. Pour autant, le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement fait valoir que le modèle retenu comporte diverses insuffisances et rigidités qui limitent le champ des analyses. Ainsi, par exemple, il ne permet pas de déconnecter l’évolution des prix du rail et de la route, ce qui conduit à répercuter sur le prix du rail les augmentations prévisionnelles du prix du fret routier dans l’hypothèse d’une prise en compte des coûts externes spécifiques à la route par la tarification. De même, s’il est vrai que pour le fret le transport ferroviaire ne peut concurrencer la route que sur les parcours à longue distance,26 le modèle ne prend pas en compte les améliorations potentielles de

24 Service économique et statistique - La demande de transport en 2015 - Octobre 1997. 25 SES - La demande de transport - Perspectives d’évolution à l’horizon 2020 - Octobre 1998. 26 Ainsi la distance de pertinence du transport combiné rail-route, est estimée, selon les auteurs, à plus de 500 à 600 km sauf en cas de pré ou post acheminement maritime.

Page 30: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 30

performance du mode ferroviaire, notamment en termes de qualité de service et de fiabilité des délais d’acheminement, qui pourraient lui permettre de prendre sa part de l’augmentation du trafic.

Page 31: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 31

Le document de cadrage élaboré par le comité stratégique interministériel sur les transports27 relève ainsi qu’il convient de “ souligner les limites des modèles utilisés. Ils reproduisent les comportements observés dans le passé en termes de consommation ou de sensibilité aux prix, comportements qui peuvent changer sensiblement au cours des 20 prochaines années. Ils ne prennent que partiellement en compte les modifications du positionnement et de l’efficacité des opérateurs, de même que l’impact des politiques d’aménagement du territoire, des politiques sociales ou encore de l’évolution des dispositifs réglementaires qui sont de nature à changer les données de la concurrence intermodale ”.

Le rapport du Commissariat général au plan sur les

perspectives de la demande de transport à l’horizon 2015 indique que le modèle du SES n’est en mesure de rendre compte que de la moitié de la progression du trafic ferroviaire constatée en 1996 et 1997, années au cours desquelles pour la première fois depuis vingt ans le fret ferroviaire a augmenté davantage que le fret routier avec une croissance de 3,8 % en 1996 et de 8,7 % en 1997 contre + 2,1 % et +2 %. Le résultat de l’année 1996 correspond cependant, pour partie, au rattrapage des effets de la grève qui a touché la SNCF en 1995 et s’était traduite par une régression du trafic de - 1,2 %. Par ailleurs, le modèle du SES ne prend pas en considération la volonté de l’Union européenne de “ revitaliser les chemins de fer communautaires ”28, dans la perspective d’une politique de mobilité durable.

Le Conseil de l’Union européenne a affirmé dans une

résolution du 19 juin1995 sa volonté de créer les conditions adéquates pour permettre de développer la place du transport ferroviaire et du transport combiné29 dans le système de transport de la communauté, considérant que les chemins de fer “ présentent des

27 Document de cadrage joint à la circulaire adressée le 22 Juillet 1998 par le ministre de l’équipement, des transports et du logement et la ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement. 28 Commission européenne - Livre blanc - Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires - Juillet 1996. 29 Le transport combiné est défini en droit communautaire comme le transport de marchandises pour lequel le camion, la remorque, la caisse mobile ou le conteneur utilisent “ pour la partie initiale ou terminale du trajet et pour le reste du trajet le chemin de fer, une voie navigable ou un parcours maritime, étant entendu que le parcours routier est le plus court possible ”.

Page 32: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 32

avantages indéniables du point de vue de la préservation de l’environnement de la sécurité et des économies d’énergie ”.

Page 33: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 33

La Commission observe, dans son livre blanc de juillet 1996 qu’en un temps où “ nul n’ignore l’aggravation des encombrements, les problèmes environnementaux, le bruit de la circulation et l’opposition croissante à la construction incontrôlée de nouvelles infrastructures routières ... Il est paradoxal de constater que la part du rail dans le marché des transports continue à décliner alors que bon nombre des problèmes qui pourraient être résolus par le chemin de fer s’aggravent ”.

L’assainissement des finances des sociétés de chemins de

fer, l’introduction des forces du marché dans les chemins de fer et l’intégration des systèmes nationaux sont les axes de la politique préconisée par la commission pour créer un secteur ferroviaire d’un type nouveau, “ avant tout géré comme une entreprise commerciale ”, capable de prendre sa part du marché des transports en particulier sur les longues distances. La Commission reconnaît que “ la mise en oeuvre de ces changements représente une véritable révolution culturelle ” mais souligne que “ le rail devra changer s’il veut rester au siècle prochain l’un des principaux moyens de transport (...) Seul un gain d’efficacité spectaculaire pourra garantir l’avenir à long terme des transports ferroviaires ” et de l’emploi dans ce secteur qui “ne pourra se stabiliser que si une action énergique est entreprise pour rétablir la compétitivité. Les emplois dans le secteur ferroviaire seront certes moins nombreux mais ils seront plus stables dans un secteur performant ”.

La directive 91/440 du Conseil européen du 29 juillet 1991

relative au développement des chemins de fer communautaire vise à faciliter leur adaptation aux exigences du marché unique et à accroître leur efficacité en garantissant l’indépendance de gestion des entreprises ferroviaires, en séparant la gestion de l’infrastructure ferroviaire et de l’exploitation des services de transport des entreprises ferroviaires, en assainissant la structure financière de ces entreprises et en garantissant des droits d’accès aux réseaux ferroviaires des Etats membres pour les regroupements internationaux et les entreprises qui effectuent des transports combinés internationaux de marchandises. Deux directives du 29 juin 1995 définissent les conditions de mise en oeuvre de cette dernière mesure. En 1997, la Commission est allée au-delà en promouvant la création de “ freeways ” ou “ corridors de fret ” fondés sur le principe de libre accès au réseau et de non discrimination dans l’attribution des sillons ferroviaires.

De surcroît, des aides communautaires sont accordées

depuis 1992 à “ des projets innovants qui contribuent à accroître l’utilisation du transport combiné de marchandises et à encourager le

Page 34: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 34

transfert du trafic de la route vers des modes de transport plus respectueux de l’environnement ”30. Par ailleurs, depuis 1970 la réglementation communautaire autorise les Etats membres à distribuer des aides au développement du transport combiné.

B. - LES ENGAGEMENTS EN FAVEUR D’UNE POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DURABLE

Les perspectives de croissance du trafic routier apparaissent difficilement compatibles avec les engagements internationaux de la France en faveur d’un développement “ durable ”.

Dans une perspective de croissance du PIB de 2,3 % en

moyenne annuelle, les évolutions de demande des transports entre 1996 et 2020 seraient en effet les suivantes pour le trafic interurbain.

Scénario A Scénario B Scénario C Scénario D Voyageurs réseau routier national chemin de fer (hors Ile-de-France) Lignes aériennes intérieures Marchandises route rail voie d’eau

+ 93 % + 47 %

+ 166 %

+ 100 % + 17 % - 30 %

+ 86 % + 51 %

+ 122 %

+ 83,5 % + 27 % - 21 %

+ 82 % + 64 %

+ 145 %

+ 80 % + 31 %

- 17,5 %

+ 40 % + 89 %

+ 100 %

+ 57 % + 49 % + 2 %

Source : circulaire du 22 juillet 1998

Selon le protocole adopté le 10 décembre 1997 à la

conférence de Kyoto sur le climat, les principaux pays industrialisés ont consenti un taux moyen de réduction de 5,2 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990, ce qui, si l’on tient compte de l’augmentation observée depuis lors, implique une réduction de 10 % par rapport au niveau atteint en 1997 et de près de 30 % d’ici 2010 par rapport à la croissance tendancielle des émissions observées aujourd’hui. D’ici 2010 et par rapport au niveau atteint en 1990, l’Union européenne s’est engagée à diminuer d’ici 2010 ses émissions de co2 de 8 %. La France doit pour sa part stabiliser ses émissions.

30 Règlement du Conseil européen du 1er Octobre 1998.

Page 35: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 35

Les transports représentent actuellement plus de 60 % du pétrole utilisé en France et près de la moitié de la consommation d’énergies fossiles. C’est le seul secteur dont la consommation d’énergie augmente de façon continue au taux moyen de 2 % par an. Il est responsable de 37 % des émissions de co2 dont 80 % pour le mode routier.

Comme le souligne le comité stratégique interministériel mis

en place pour étudier les perspectives de la politique des transports, “ l’engagement de politiques volontaristes est indispensable pour orienter la demande de transport vers des avenirs compatibles avec les exigences économiques, sociales et environnementales d’un développement durable, telles qu’elles résultent des choix nationaux et des engagements européens et mondiaux de notre pays ”31.

Tout retard dans l’adaptation du secteur des transports

accroîtra fortement la charge de l’effort pesant sur les autres secteurs de l’économie. Pour respecter les engagements de la conférence internationale de Kyoto sur le climat, le rapport précité du Commissariat général au Plan sur la maîtrise de l’énergie estime qu’il faudrait exiger entre 1990 (année choisie pour référence) et 2010 que le secteur industriel et énergétique réduise ses émissions de 33 % (contre + 18 % dans un scénario au fil de l’eau) et que le secteur du bâtiment stabilise les siennes (contre + 14 % au fil de l’eau) pour que le secteur des transports puisse accroître ses émissions de co2 de 16 % (contre + 43 % au fil de l’eau). Seul le scénario D précité est compatible avec les engagements de Kyoto.

C. - LE PROJET DE LOI SUR L’AMENAGEMENT ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

Le projet de loi pour l’aménagement et le développement durable du territoire, en cours d’examen, propose une nouvelle approche qui devrait conduire à réformer profondément la politique des transports.

La loi du 4 février 1995 prévoyait l’établissement d’un schéma

national d’aménagement et de développement du territoire. Ce schéma aurait dû fixer “ les orientations fondamentales en matière d’aménagement du territoire, d’environnement et de développement durable et établir les principes régissant la localisation des grandes infrastructures de transport, des grands équipements et des services 31 Document de cadrage joint à la circulaire adressée le 22 Juillet 1998 aux préfets de région pour l’élaboration des schémas de service collectifs de transport.

Page 36: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 36

collectifs d’intérêt national ”. “ Aux termes de la loi le schéma national propose une organisation du territoire fondée sur les notions de bassins de vie organisés en pays et de réseaux de villes. Il tient compte des solidarités interdépartementales, interrégionales et européennes ainsi que des spécificités et handicaps de chaque territoire. Il tient également compte de la nécessité de concilier le développement économique et la préservation des espaces milieux et ressources naturels ”. Les orientations de ce schéma national d’aménagement et de développement du territoire devaient être précisées par des schémas sectoriels. Ceux relatifs aux infrastructures de transport auraient dû “ comporter une approche plurimodale, intégrant ainsi le mode étudié dans une chaîne de transport et prenant en compte les capacités retenues pour les autres modes de transport ”. Ni le schéma national, ni les schémas sectoriels n’ont été réalisés.

Dans le cadre des nouvelles orientations de la politique

d’aménagement du territoire, le gouvernement a décidé de modifier l’approche des schémas d’aménagement afin que les questions soient d’abord posées en terme de service rendu à l’usager et à la collectivité et seulement ensuite traduites en mesures d’exploitation ou de création d’infrastructures sans qu’un mode soit a priori retenu plutôt qu’un autre.

Rompant avec la logique d’offre d’infrastructures et le principe

de maillage systématique posé par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, ce projet de loi prévoit “ une organisation multimodale des services de transport de voyageurs et de marchandises afin de répondre aux demandes de mobilité, de façon compatible avec les exigences du développement durable, en privilégiant l’optimisation des réseaux et équipements existants et en réalisant, lorsque nécessaire, des infrastructures nouvelles, tout en favorisant la complémentarité entre les modes de transport et la coopération des opérateurs ”. A cette fin, le projet prévoit l’établissement de deux schémas de service multimodaux de transport, l’un pour les voyageurs, l’autre pour les marchandises, fondés sur une analyse approfondie des services attendus par les usagers.

Le comité interministériel pour l’aménagement et le

développement du territoire du 15 décembre 1997 a arrêté le principe, la démarche et le calendrier d’élaboration des schémas de services relatifs aux transports. Une circulaire a été adressée le 22 juillet 1998 par le ministre de l’équipement, des transports et du logement et le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement aux préfets de régions afin de préciser les enjeux et les contraintes, les

Page 37: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 37

objectifs de l’Etat et la méthodologie à suivre pour l’élaboration de ces schémas.

La circulaire relève que “ les tendances actuelles de fort

accroissement des émissions de co2 dans le secteur des transports devront être fortement réduites à l’horizon 2010 (échéance de Kyoto) puis inversées à plus long terme, compte tenu de nouveaux engagements probables et des risques de tension sur le marché de l’énergie au niveau mondial. Il faudrait, en effet, selon l’OCDE, diminuer de 50 % dès 2030 par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre des transports pour espérer stabiliser le climat. Dans une perspective de croissance de la circulation routière totale (urbaine et interurbaine) de 50 % à 60 % à l’horizon 2020, de telles réductions ne pourront être atteintes par les seuls progrès techniques de diminution des consommations unitaires des véhicules. En effet, selon un groupe d’experts de l’OCDE, ces progrès ne pourraient que contribuer au mieux pour 30 à 40 % de la réduction nécessaire32. La circulaire souligne en conséquence que les réductions d’émissions de gaz à effet de serre “ nécessiteront des transferts entre modes de transport, une meilleure maîtrise de l’évolution des demandes et pourraient conduire à des modifications structurelles dans les modes de production et les modes de vie ”.

32 OCDE - Groupe d’experts du G8 “ Environnement et transports ” - Février 1998 .

Page 38: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 38

SECTION II - UN SYSTEME ECONOMIQUE ETROITEMENT DEPENDANT DE L’ETAT

Hormis COFIROUTE, le système autoroutier échappe aux modes de régulation du marché. En effet, les Sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes (SEMCA), étroitement dépendantes de l’Etat, ne sont pas soumises à des contraintes de rentabilité financière.

Pour ces sociétés, en effet, le dispositif d’adossement et

l’allongement des durées des concessions rendaient jusqu’à présent indolore la construction de sections nouvelles non rentables d’autant qu’elles bénéficient de la garantie de l’Etat et qu’un système comptable dérogatoire leur a permis de ne pas inscrire de pertes à leur compte de résultat.

I. - LES LIENS AVEC L’ETAT

A - LES CONTRATS DE PLAN ENTRE L’ETAT ET LES SOCIETES CONCESSIONNAIRES

La réforme de 1994-1995 a conféré une autonomie de gestion aux sociétés concessionnaires dans le cadre des contrats de plan passés avec l’Etat. Pour la période 1995-2000, ces contrats fixent des objectifs dans les principaux domaines de la politique autoroutière : investissements, politique tarifaire, objectifs financiers et indicateurs de gestion, politique sociale et emploi, service à l’usager, qualité architecturale des ouvrages et insertion dans l’environnement.

Dans le système antérieur, l’Etat déterminait chaque année

des modifications tarifaires. Sur une longue période, les tarifs ont évolué moins vite que l’inflation, ce qui a pénalisé les sociétés concessionnaires : ainsi sur une base 100 en 1980, le niveau des péages atteignait l’indice 186,9 en 1994 contre 201,8 pour l’indice INSEE, des prix à la consommation. Désormais les contrats de plan précisent pour chaque concessionnaire les évolutions tarifaires pour la durée du contrat. Conformément au décret du 24 janvier 1995, les tarifs de péage sont déterminés dans ces limites selon les règles définies aux cahiers des charges de leurs concessions. Dès lors, on observe un rattrapage tarifaire : depuis 1996, les péages augmentent plus vite que l’inflation. De 1995 à 1998 l’indice des prix à la consommation (base 100 en 1988) est passé de 119,5 à 123,7 cependant que l’indice des tarifs de péage progressait de 118,7 à 129,4. Les péages retrouvent ainsi en termes réels leur niveau de 1982. L’automobiliste paie en moyenne 42 centimes par kilomètre

Page 39: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 39

pour un véhicule léger. Cette moyenne recouvre des différences sensibles selon les sociétés en fonction de la configuration de leurs réseaux, de leurs programmes d’investissement et de leurs situations financières. Ainsi, pour les véhicules de classe 1, les taux kilométriques moyens en 1997 variaient de 35,5 ct/km pour la SAPN à 55,48 ct/km pour l’ATMB pour une moyenne de 40,63 ct/km. Les sociétés ont la possibilité de moduler les tarifs entre itinéraires pour améliorer la gestion du trafic. Le contrôle de l’Etat s’exerce a posteriori par la vérification du respect des règles tarifaires et des engagements pris.

Toutefois, en dépit de ces évolutions, le secteur autoroutier

demeure étroitement dépendant de l'Etat et les sociétés concessionnaires ne peuvent guère se sentir responsables des résultats de leur gestion.

B. - LE ROLE DETERMINANT DE L’ETAT

L’Etat, dans le cadre de ses responsabilités en matière d’aménagement du territoire, détermine le schéma directeur routier et établit l’ordre de réalisation des autoroutes. Il choisit les concessionnaires d’autoroutes et négocie les clauses techniques et financières de la concession. Il exerce la tutelle technique et financière sur les sociétés concessionnaires. Il autorise le programme annuel des dépenses d’investissements et d’emprunts dans le cadre du comité des investissements à caractère économique et social (CIES) qui a remplacé le fonds de développement économique et social (FDES) en application du décret du 27 novembre 1996 et où siègent le ministre de l'économie des finances et de l’industrie et les ministres chargés de l'aménagement du territoire, du budget, de l'environnement, de l’équipement, de la poste et des communications, du plan, des transports. Les autres ministres y participent pour les affaires relevant de leurs attributions. Le CIES est chargé d’examiner les programmes d’investissement des entreprises et organismes visés aux articles L 133-1 et L 133-2 du code des juridictions financières soit pour l’essentiel, les établissements publics de l’Etat à caractère industriel et commercial, les entreprises nationales, les sociétés d’économie mixte ou les sociétés anonymes dans lesquelles l’Etat possède la majorité du capital social. Après instruction des dossiers par un comité spécialisé et sur rapport du directeur du Trésor, “ il se prononce sur ces programmes, le rythme de réalisation des travaux et leur mode de financement, en fonction des orientations des politiques publiques, de la situation des entreprises et organismes concernés, des textes les liant à l’Etat, de la situation des finances publiques et des marchés financiers et de l’intérêt propre des projets examinés ”.

Page 40: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 40

Depuis 1996, cette procédure ne s’applique plus à la société privée COFIROUTE.

C. - DES SOCIETES A CAPITAUX PUBLICS

En outre, toujours à l'exception de COFIROUTE, l’Etat détient

pour les sociétés mères plus de 99 % du capital des SEMCA directement, à raison de 45 %, ou indirectement, par l’intermédiaire de l’établissement public “ Autoroutes de France ” (ADF) et de la Caisse des dépôts et consignations. La recapitalisation des SEMCA en 1994-1995 a, en effet, encore accru la part du capital détenue directement ou indirectement par l’Etat. Les sociétés concessionnaires ne sont ainsi que de pseudo-sociétés d’économie mixte.

Depuis la reconstitution par ADF du capital de la SFTRF fin

1998, seule l’ATMB a une part substantielle de son capital détenue par les collectivités territoriales et des intérêts privés (40 %).

En 1993, le capital cumulé des SEMCA représentait moins de

28 MF pour un chiffre d'affaires de 17 milliards de francs et un endettement de 80 milliards de francs. Il a été porté en 1994 à 1,63 milliard de francs. Cette augmentation s'est faite pour l'essentiel sans apport de capitaux privés. Les avances de l'Etat détenues par l'établissement public national Autoroute de France ont été transformées en capital social tandis que la Caisse des dépôts participait à l'augmentation de capital. En outre, les sociétés ont été regroupées en trois pôles régionaux par filialisation autour des sociétés dont l'assise financière était la plus solide. Parallèlement à la cession à l'Etat de 50 % de ses participations dans les sociétés mères, ADF a cédé à celles-ci la quasi-totalité de ses participations dans les sociétés filiales. Chaque société mère détient ainsi au moins 95 % du capital de sa filiale. Il a toutefois été décidé en 1994 de maintenir au sein des conseils d’administration une représentation des intérêts locaux plus que proportionnelle aux actions détenues par les collectivités territoriales et les chambres consulaires.

La répartition du capital des sociétés d’économie mixte

concessionnaires d’autoroutes (hors SFTRF) est la suivante depuis la réforme de 1995 :

Page 41: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 41

ASF ESCOTA SANEF SAPN SAPRR AREA ATMB Capital (en MF)

161,58

68,20

316,97

270,71

160,47

55,79

139,49

Part du capital (%) :

Etat 45,22 - 45,54 - 45,21 - 54,20 ADF 45,22 - 45,54 - 45,21 - Société-mère - 95 - 98,78 - 97,70 - CDC 8,50 1,15 8,50 0,13 8,50 0,54 5,59 Collectivités locales 0,85 13 0,37 1,01 0,83 1,73 22,74 Chambres consulaires 0,21 0,56 0,05 0,09 0,25 0,03 - Divers

- 0,16 - - - - 17,47

Source : SCETDAGO Depuis novembre 1998, la participation d’ADF à la SFTRF est

de 84 %, celle des collectivités locales de 11,5 %. A titre de comparaison, la société privée COFIROUTE

disposait au 31 décembre 1997 d’un capital social de plus d’1 milliard de francs pour un chiffre d’affaires de 4,25 milliards de francs.

D. - LE RÔLE DE LA CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS DANS

LA GESTION DES SEMCA La Cour avait relevé, notamment dans son rapport public pour

1986 que, sur le plan technique, les SEMCA demeuraient très dépendantes de la société centrale d'études et de réalisations routières (SCETAUROUTE) du groupe de la Caisse des dépôts et consignations. La SCETAUROUTE a exercé, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique, un quasi-monopole pour la maîtrise des travaux autoroutiers tout en se voyant déléguer par les SEMCA une partie de leurs responsabilités de maître d'ouvrage.

La société centrale pour l'équipement du territoire, direction

des autoroutes et grands ouvrages (SCETDAGO), dont la Caisse des dépôts est actionnaire majoritaire, assure la gestion financière et comptable des SEMCA (trésorerie, simulations financières en particulier).

La politique d'emprunt de celles-ci, encadrée par le CIES, est

mise en oeuvre par la Caisse nationale des autoroutes (CNA), établissement public géré par la Caisse des dépôts et consignations qui assure la totalité des financements des SEMCA et de l’ATMB sur les marchés financiers.

Page 42: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 42

Afin de préserver la qualité de la signature de la CNA, c'est un autre établissement public administratif -Autoroutes de France (ADF)- également géré par la caisse des dépôts et consignations qui a été chargé en 1983 de mettre en oeuvre un mécanisme de péréquation financière entre les SEMCA, pour remédier à la crise de trésorerie de certaines d’entre elles. L'Etat avait transféré à ADF ses créances sur les SEMCA. Les remboursements d'avances des sociétés excédentaires en trésorerie ont servi à financer le fonds de roulement de celles qui étaient déficitaires en trésorerie. Dans l'hypothèse où le cumul des déficits de trésorerie dépassait les ressources procurées par les excédents, ADF était autorisée à recourir à l'emprunt pour financer les besoins complémentaires, ce qu'elle a dû faire en 1985 et 1987. A la faveur de la reprise du trafic, les résultats des SEMCA se sont améliorés à compter de 1988 et ADF a été en mesure de rembourser progressivement les avances de l'Etat à compter de 1990. La réforme de 1994 a mis fin aux opérations de péréquation d'ADF, les équilibres de trésorerie étant désormais recherchés dans le cadre d'une solidarité de groupe au sein des pôles régionaux constitués par adossement des sociétés les plus fragiles à une société mère. De surcroît, les avances de l'Etat ont été remboursées en 1995 par anticipation, à l'exception de celles consenties à la SFTRF qui demeurait débitrice de 658 MF jusqu’en novembre 1998, date à laquelle les avances d’ADF ont été converties en participation au capital. La mission initiale confiée à ADF en 1983 n'a donc plus lieu d'être. Cependant la transformation des avances d'actionnaires en capital social a conduit ADF à devenir l'un des principaux actionnaires du secteur public autoroutier.

E. - UN SYSTEME DE FINANCEMENT ET DE GESTION

DERESPONSABILISANT POUR LES SEMCA La politique des “ contrats de plan ”, vise certes à

responsabiliser les sociétés à qui sont fixés des objectifs à moyen terme et avec lesquelles sont pris des engagements pour favoriser notamment leur efforts de productivité. Mais leur marge d’autonomie demeure extrêmement limitée. En effet, bien que fonctionnant théoriquement comme des entreprises, ces sociétés ne sont pas maîtresses des grands choix qui décident de leur activité, qu’il s’agisse de leur structure financière, de leur politique en matière de personnel (instruction ministérielle de recruter par contrats emploi-solidarité ou de limiter le développement de l’automatisation des péages afin de maintenir le niveau de leur effectif, par exemple) ou de salaires et surtout de leur programme d’investissement, déterminé par le FDES puis par le CIES. Au demeurant, les SEMCA ne sont pas toujours en mesure de se soustraire aux demandes de l’Etat, actionnaire majoritaire. Ainsi que la Cour l’avait noté dans son rapport

Page 43: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 43

public de 1990, “ même si les apparences d’une décision contractuelle sont sauvegardées, l’octroi de concessions nouvelles et l’imposition de charges diverses sont, en fait, très largement décidés par l’autorité de tutelle.... Cette pratique conduit les sociétés à assumer la réalisation de tronçons sans garantie de rentabilité et à supporter des charges sans lien manifeste avec leur activité principale ”. Ainsi, la SAPRR a pris la charge du tunnel de Sainte-Marie-les-Mines et la portion Bourges-Clermont-Ferrand de l’autoroute A 71, COFIROUTE ayant décliné la proposition alors même qu’elle gérait l’A 71 entre Orléans et Bourges. Comme le relevait la Cour dans son rapport public de 1986, ces choix “ apparaissent comme des pis-aller s’agissant de sections éloignées du réseau existant de leur société de rattachement et insérées entre des concessions confiées à d’autres titulaires aux méthodes d’exploitation différentes ”. A l’inverse, la société des ASF a refusé les concessions de la section Bourges-Clermont-Ferrand de l’A 71 et plus récemment le contournement de la Roche-sur-Yon.

En contrepartie, les SEMCA bénéficient de la garantie de

l’Etat. Les concessions conclues avec elles dérogent au droit commun selon lequel les concessionnaires devraient construire et exploiter les autoroutes à leurs risques et périls. Si les conventions passées avec les SEMCA prévoient que "la société s'engage à exécuter à ses frais, risques et périls, toutes les études, procédures, travaux et opérations financières se rapportant à la concession dans les conditions prévues au cahier des charges", elles comportent un article 37 qui dispose “ qu’à l’expiration de la concession l’Etat assume toutes les dettes et obligations de la société concessionnaire afférentes à la concession ; il est tenu de rembourser à la société concessionnaire la part de son capital social qui n’a pas été amortie ; le solde non remboursé des avances de l’Etat cessera d’être dû ”. Pour la SFTRF, le même article stipule que “ l’Etat assume toutes les dettes et obligations de la société concessionnaire afférentes à la concession ”. L’intégralité des risques est ainsi reportée sur l’Etat.

La loi de finances du 24 décembre 1969 avait, de surcroît,

introduit la possibilité d’une garantie de l’Etat pour les emprunts émis en vue de financer les opérations de construction d’autoroutes inscrites au plan d’amélioration du réseau routier national. Les emprunts des SEMCA ne sont officiellement plus garantis par l’Etat depuis 1977 pour les emprunts émis sur le marché intérieur et, depuis 1991, sur le marché international. Mais, compte tenu de la part de l’Etat dans le capital des Sociétés et de la qualité d’établissement public de la Caisse nationale des autoroutes, ces emprunts bénéficient d’une quasi-garantie qui les rend particulièrement attractifs pour les investisseurs. La dette des SEMCA, comme celle de la SNCF

Page 44: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 44

et pour les mêmes raisons, est cotée 3A alors que celle de COFIROUTE, n’est cotée que 2A bien que sa situation financière soit bénéficiaire à la différence de celle des SEMCA.

Le système des SEMCA n’est donc pas astreint à la

rentabilité financière ni à la distribution de dividendes. Il a été conçu pour que le produit des péages puisse être réinvesti, d’une part, et pour parvenir à l’équilibre à la date de fin des concessions, d’autre part. Ainsi affranchies de ces contraintes, les sociétés, y compris COFIROUTE, sont assujetties par l’Etat à des prélèvements spécifiques sur le produit des péages qui sont déconnectés de leurs produits financiers (voir ci-après chapitre IV).

En l’absence de régulation par le marché, le seul mécanisme

de maîtrise mis en place par les tutelles a été de calculer au plus juste, à l’initiative du Trésor, les allongements de la durée des concessions nécessaires du fait de l’extension du réseau. Selon la logique du mécanisme de l’adossement par lequel les sociétés concessionnaires utilisent les excédents des sections amorties pour financer de nouvelles infrastructures, ces allongements ont été calculés, non pas en fonction des perspectives de rentabilité de chacune des extensions et de la durée de vie des investissements correspondants, mais d’après la durée nécessaire à chacune des SEMCA pour résorber ses “ charges différées ” et rembourser sa dette à la fin de sa concession prise globalement. Les SEMCA se sont vu fixer des dates de fin de concession (2014 à 2019) plus rapprochées que COFIROUTE qui est soumise à un impératif de distribution de dividendes et dont la fin de concession a, en conséquence, été fixée à 2030 pour l’ensemble de son réseau, à l’exception de l’A 86 ouest qui vient de lui être concédée pour une durée de 70 ans.

II - LES PRATIQUES COMPTABLES

Ainsi que la Cour l’a observé à de nombreuses reprises, “ la faiblesse initiale du capital des SEMCA et les pertes des premiers exercices auraient dû contraindre les sociétés soit à reconstituer leur capital, soit à se voir mises en procédure de règlement judiciaire en application de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, dès leurs premières années d’existence. Afin de permettre la survie juridique des sociétés, seul l’usage d’un système comptable irrégulier

Page 45: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 45

a permis à cette situation de se développer sans qu’apparaisse l’évolution réelle de leur situation financière ” 33.

33 Rapport public particulier de 1992.

Page 46: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 46

L’activité des sociétés concessionnaires d’autoroutes se caractérise, en effet, par un décalage dans le temps, généralement très important, entre la construction d’infrastructures particulièrement coûteuses et le franchissement du seuil de rentabilité de ces équipements. Ainsi, les concessionnaires se trouvent confrontés à la nécessité de supporter pour des périodes de longue durée un excédent massif des charges de structures sur les produits d’exploitation, tout particulièrement au cours de la phase de montée en charge du réseau. L’application à ces sociétés des règles commerciales de droit commun en matière d’amortissements et d’imputation des résultats se traduirait, dans les premières années suivant la réalisation d’un investissement, par un déficit tel que leur existence même s’en trouverait compromise34.

Dès lors, les sociétés concessionnaires ont eu recours, avec

l’accord de la tutelle, à une formule validée par le guide comptable général des concessionnaires de 1975 et consistant à différer dans le temps la prise en compte des charges de structures de façon à éviter que leur montant soit imputé au titre des pertes.

Le Conseil national de la comptabilité avait admis en 1975 à

titre temporaire le recours à la formule des charges de structures différées à plusieurs conditions principales :

- l'inscription au bilan de charges différées interdit toute distribution de dividendes ;

- le mécanisme ne peut être appliqué qu’à deux catégories précises de charges, les amortissements de caducité et les charges financières liées à la construction ;

- “ un service de rentabilité raisonnable ” doit être assuré ;

- l’insuffisance de ressources dont souffre la société doit être temporaire, le seuil de rentabilité (c’est-à-dire la situation dans laquelle les produits couvrent à la fois les charges de structures de l’exercice et les charges d’exploitation) devant être atteint “ dans un délai raisonnable ”. C’est pour permettre l’appréciation de ce délai que les sociétés sont tenues de produire des comptes prévisionnels pluriannuels. Les tutelles ont accepté que cette condition soit interprétée de façon très souple : La durée des concessions est, en

34 En vertu de l’article 241 de la loi du 24 Juillet 1996, toute entreprise dont les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié de son capital social dispose de deux ans pour les reconstituer, faute de quoi sa dissolution doit être envisagée.

Page 47: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 47

principe, calculée de façon que l’ensemble des charges différées soit résorbé trois ans (marge de sécurité) avant la fin de celles-ci. Cette dernière prescription n'avait jusqu'ici guère eu de portée compte tenu de la pratique de prolongation de leur durée.

Dans son rapport public de 1990, la Cour soulignait que "la

prorogation, théoriquement indéfinie, de la durée de la concession englobant tous les tronçons, quelle que soit leur rentabilité, enlev(ait) toute signification à l'étude prévisionnelle demandée par le conseil national de la comptabilité et fai(sait) du mécanisme de différé des charges de structure un dispositif d'incitation permanente à la construction d'autoroutes nouvelles". Il en va désormais différemment puisque l'allongement des concessions est assimilé à l'octroi d'une concession au regard du droit communautaire et donc soumis à des conditions de publicité, le régime transitoire toléré par la Commission européenne ayant pris fin au 31 décembre 1997.

La pratique des charges différées a fait l’objet de critiques

répétées de la Cour35 au motif principal qu’elle retire aux comptes leur signification normale, masque la situation réelle de l’entreprise, est contraire au principe de l’image fidèle et constitue "une incitation à la facilité dans la mesure où les charges différées ont conduit les sociétés à s'affranchir sans limites de normes comptables parmi les plus fondamentales"36. Les charges différées demeurent le moyen d'équilibrer les comptes de la société et de rompre le lien comptable entre les décisions d'investissement et le résultat d'exploitation de la société qui perd dès lors toute signification économique.

Si le montant des charges différées apparaît dans les

comptes des sociétés, ceux-ci n’en produisent pas le détail. Elles correspondent, par construction, au solde d'exploitation de l'exercice sans qu'il soit possible de faire le partage des charges différées liées aux amortissements de caducité et aux emprunts et de celles qui peuvent être imputées à la dérive des coûts de construction. Dans un avis du 11 octobre 1988, le Conseil national de la comptabilité a, lui aussi, recommandé de mettre fin à ce système et appelé les pouvoirs publics à prendre des dispositions. Cet appel est resté sans suite à ce jour.

35 Voir notamment les rapports publics de 1986, 1990 et 1992. 36 Rapport public 1986.

Page 48: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 48

Comme l'observe la direction du Trésor dans une lettre de saisine du Conseil national de la comptabilité datée du 27 février 1998, "le système comptable actuel des sociétés concessionnaires publiques est, en partie, à l'origine des dysfonctionnements des modes de décision en matière d'investissements routiers. Il nuit à la clarté de la situation financière des sociétés. Toute révision à la baisse de la croissance du trafic par rapport aux prévisions ou tout dérapage des charges de la société ne se traduit pas par la dégradation d'un quelconque résultat, seul le stock des charges différées augmente, sans aucune contrainte créée par le niveau des fonds propres des sociétés". Le système des charges différées favorise ainsi une dynamique d'extension incontrôlée du réseau autoroutier concédé.

III - LA PRATIQUE DE L’ADOSSEMENT

Le système dit “ d’adossement ” a permis de financer la réalisation de nouvelles autoroutes par des emprunts gagés sur les recettes des concessions des sections autoroutières déjà amorties, dont la durée de concession a été, le plus souvent allongée pour compenser la prise en charge de la nouvelle liaison par la société désignée. Ce mécanisme est remis en cause par l’évolution des textes juridiques.

A. - LES FACILITES DE L’ADOSSEMENT

Comme la direction des routes l’a indiqué à la Cour : “ Jusqu’à présent, l’attribution des concessions obéissait, depuis la loi du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes, à deux principes directeurs : d’une part, l’Etat pouvait retenir librement et discrétionnairement le concessionnaire de son choix, suivant le principe de "l’intuitu personae" (c’est-à-dire en fonction de la personnalité du cocontractant), d’autre part, le choix de l’Etat était guidé par une logique géographique et de solidarité financière ”. La loi du 18 avril 1955 autorise l’affectation du produit du péage à l’extension de l’autoroute. La possibilité d’extension a été interprétée comme s’appliquant à toute section nouvelle quelle qu’en soit la longueur, la cohérence et la continuité avec les sections en exploitation.

Aux règles de concession d’origine, qui distinguaient des

sections autoroutières homogènes en concessions différentes ayant des dates d’expiration échelonnées ont, en effet, été substituées des concessions globales. Cette pratique, critiquée à de multiples reprises, renforce les effets de l’adossement. L’allongement de la concession équivaut à un apport financier ainsi que le reconnaissent

Page 49: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 49

d’ailleurs les dossiers du CIES. Comme l’a relevé la Cour à plusieurs reprises et notamment au rapport public particulier de 1992, “ l’interprétation particulièrement large de la loi de 1955 sur les concessions quant à l’extension des concessions, combinée avec le maintien dans ces concessions des autoroutes les plus rentables dont les emprunts ont été amortis et sur lesquels les péages auraient dû être limités à la couverture des frais d’exploitation, permet de financer des sections nouvelles quelle qu’en soit la rentabilité ”.

Ce mécanisme aboutit, de surcroît, à une fermeture du

marché puisque seules les sociétés déjà titulaires de concessions peuvent se porter candidates.

B. - LE NOUVEAU CONTEXTE JURIDIQUE

1° DES EXIGENCES NOUVELLES DE MISE EN CONCURRENCE La directive du Conseil des communautés européennes du

18 juillet 198937 modifiant la directive portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux soumet les nouvelles concessions de plus de 5 millions d'écus à des conditions de mise en publicité : les pouvoirs adjudicateurs doivent faire connaître au moyen d'un avis indicatif, les caractéristiques essentielles des marchés de travaux qu'ils entendent passer lorsque les montants égalent ou dépassent le seuil de 5 millions d'écus. Les Etats membres devaient transposer en droit interne les dispositions de cette directive avant le 22 juillet 1990.

En France, cette prescription n’a été appliquée qu’avec retard.

Il a fallu d’abord attendre la loi du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés. Le décret d'application qui définit notamment les mesures de publicité à respecter, n'a été pris que le 31 mars 1992 soit vingt mois après l'expiration du délai de transposition. Cependant, dans un arrêt du 6 février 1998, le Conseil d'Etat a annulé la délibération du 18 juillet 1991 du Conseil de la communauté urbaine de Lyon approuvant le contrat de concession et la décision de son président en date du 19 juillet 1991, de signer la convention de concession du boulevard périphérique nord de Lyon, au motif que la délibération attaquée avait été prise en l'absence de publicité, sur le fondement de règles de droit incompatibles avec le droit communautaire. Cette obligation de mise en concurrence a été confirmée par la loi relative à la prévention de la

37 A laquelle s’est substituée une directive du 14 Juin1993.

Page 50: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 50

corruption et à la transparence de la vie publique dite loi “ SAPIN ” du 29 janvier 1993.

Page 51: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 51

Il est clair que ce nouveau régime juridique ne permettra plus au système d’adossement de fonctionner à l’avenir, du moins tel qu’il a été pratiqué jusqu’à présent, puisque l’Etat est soumis à une obligation de mise en publicité dans le respect des règles et principes d’égalité de traitement et de non discrimination. La loi du 3 janvier 1991 précise, en effet, dans son article 38 que la mise en publicité doit permettre “ la présentation de plusieurs offres concurrentes ”.

Publié en 1998, le rapport de la commission d’enquête

sénatoriale, chargée d’examiner le devenir des grands projets d’infrastructures terrestres d’aménagement du territoire dans une perspective de développement et d’insertion dans l’Union européenne, estime que “ la suppression du mécanisme d’adossement n’apparaît nullement comme une conséquence certaine ” de la directive “ travaux ” “ qui ne traite en rien des modalités de financement des travaux publics en question.38. ”.

Mais, en réponse à une question d’un député, le ministre de

l’équipement, des transports et du logement a souligné que “ si l’adossement financier n’(était) ni autorisé, ni interdit par la directive dont ce n’est pas l’objet, l’égalité de traitement, que les concédants doivent assurer entre les candidats, (était) de nature à remettre en cause ce mode de financement ” 39.

En fait, comme l’observe l’avis présenté à l’Assemblée

nationale au nom de la commission de la production et des échanges sur le projet de loi de finances pour 1999 “ l’adossement ne constitue pas en soi une entrave à la concurrence. En revanche, ses conditions de mise en oeuvre peuvent entraîner une inégalité de traitement des candidats ”. Ainsi, en Grande-Bretagne les projets de Dartfort Tunnel ou du pont sur la Severn ont été financés par adossement : “ le concessionnaire s’est vu remettre, en échange de la construction et de l’exploitation du projet nouveau, l’exploitation pour l’avenir d’une infrastructure existante. Mais cet adossement était ouvert à tous les candidats ”. De même, il ressort des entretiens menés par les rapporteurs de la commission d’enquête du Sénat auprès de la 38 Sénat - Commission d’enquête chargée d’examiner le devenir des grands projets d’infrastructures terrestres d’aménagement du territoire, dans une perspective de développement et d’insertion dans l’Union européenne. Rapport n° 479 Fleuve-Rail-Route - Pour des choix nationaux ouverts sur l’Europe - Juin 1998. 39 Réponses aux questions parlementaires. Réponse à la question 16779 du 13 Juillet 1998 - JO du 30 Novembre 1998 p. 6570.

Page 52: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 52

Commission européenne que “ si l’attribution de concession porte à la fois sur un ouvrage non rentable et un ouvrage rentable, l’un et l’autre peuvent faire l’objet d’une mutualisation ”. En revanche, l’adossement par allongement de la durée des concessions, tel qu’il était pratiqué jusqu’ici, en France, ne paraît pas conciliable avec l’égalité de traitement des candidats.

Comme l’observe la direction des routes, “ en modifiant les

“règles d’attribution des concessions, la directive ″Travaux″, sur le “plan communautaire, ainsi que la loi du 29 janvier 1993 en droit “national, imposent une évolution du système de mise en concession “lui-même, tel qu’il a fonctionné jusqu’à présent. La mise en publicité “suppose, en effet, que soit instauré un mode d’attribution “garantissant un égal accès des candidats à la concession. Dans ces “conditions, sans être explicitement interdit par les textes, “l’adossement pratiqué jusqu’à présent soulève des difficultés.

“ Il importe ainsi, pour assurer l’égalité entre les candidats, que “chacun bénéficie des mêmes conditions de traitement de la part du “concédant :

Chaque candidat devrait donc avoir accès, si la section mise “en publicité n’est pas rentable, à une subvention officialisée de “nature à équilibrer la concession.

“ Il apparaît pratiquement impossible que cette subvention “passe par l’allongement de la concession existante d’un candidat. “Certes, il serait a priori possible de comparer deux offres, l’une “demandant une subvention immédiate, l’autre un allongement de la “concession existante, dans la mesure où ces deux offres peuvent “être évaluées financièrement en millions de francs actualisés. “Cependant, l’adossement par allongement présente des risques “juridiques importants et des difficultés majeures :

- l’Etat peut être soupçonné de favoriser le candidat en place ; - La comparaison des deux offres serait très complexe et

source de contentieux. Il suffit, en effet, de changer quelques paramètres d’une concession (hypothèses de trafic, de tarifs ...) pour qu’un an d’allongement change de ″valeur″.

La Commission européenne estime que tout allongement de concession s’assimile à une concession nouvelle et doit faire l’objet d’une mise en publicité spécifique en bonne et due forme. ”

La Commission a diffusé le 24 février 1999 pour consultation

un projet de communication interprétative sur les concessions en droit communautaire des marchés publics.

Page 53: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 53

2° LE SYSTEME DES “ CONCESSIONS DE PRINCIPE ”

Un système ″transitoire″ a fonctionné jusqu’au 31 décembre

1997 pour certaines sections dont le concessionnaire avait été désigné de façon informelle, par lettre du ministère de l’équipement avant l’entrée en vigueur de la directive et qui avaient été intégrées sous forme de simple mention dans les cahiers des charges des concessions après le 22 juillet 1990 sans publicité préalable : un décret du 21 février 1994 a dispensé de l'obligation de publicité les contrats dont le titulaire avait été “ pressenti ” avant le 22 juillet 1990 et avait, en contrepartie, engagé des études et des travaux préliminaires. Dans un arrêt du 20 février 1998, le Conseil d'Etat a jugé que les dispositions transitoires introduites par le décret du 21 février 1994 n’étaient pas entachées d'illégalité, car elles n’étaient pas incompatibles avec les objectifs de la directive ″travaux″ du 18 juillet 1989. Il a toutefois annulé le décret d'approbation de la concession accordée à la société COFIROUTE pour le bouclage de l'autoroute A86 entre Versailles et Rueil-Malmaison au motif que les conditions posées par le décret du 21 février 1994 n'étaient pas réunies en l'espèce, les études et travaux préliminaires ayant été engagés et financés de sa propre initiative par la société et non pas en contrepartie de la décision du ministre pressentant la société comme concessionnaire par lettre du 18 juillet 1990.

Dans bon nombre de cas, les concessions ont été attribuées

à une société sans que les projets aient été véritablement définis. Les sections ont été intégrées dans les cahiers des charges sous forme de “ concession de principe ” par une simple mention, les conditions techniques et financières de leur réalisation étant renvoyées à des avenants ultérieurs. Une grande partie des projets inscrits au schéma directeur national routier a été concédée dans ce cadre comme l’indique le tableau en annexe 6-1.

Ce système a été finalement toléré par la Commission

européenne. La Commission a souhaité que sept ans après l’entrée en vigueur de la directive, toutes les concessions de “ principe ” soient régularisées, c’est-à-dire que soient enfin intégrées dans les cahiers des charges des concessions les caractéristiques techniques et financières de réalisation de ces sections, notamment l’allongement de concession nécessaire.

Page 54: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 54

L’accord dit “ Pons-Monti ” entre l’Etat français et la Commission européenne

En 1995, la commission a été saisie d’une plainte relative à

l’extension de la concession de COFIROUTE par le décret du 21 avril 1994 approuvant l’avenant n° 7 à son contrat. Le ministre français de l’équipement, du logement, des transports et du tourisme a fait valoir la notion de “ concessionnaire pressenti ” et fait connaître l’importance attachée par le gouvernement français à ce dispositif.

En octobre 1996, la commission a indiqué que la validité de cette

notion paraissait pouvoir être admise mais a demandé “ des garanties contre la mise en place d’une dérogation illimitée dans le temps ”. Elle s’interrogeait, par ailleurs, sur la conclusion d’un huitième avenant à la concession de COFIROUTE qui en prolongeait la durée de 15 ans et estimait qu’une telle extension de durée constituait en réalité une nouvelle concession.

Le 10 février 1997, le ministre de l’équipement, du logement, des

transports et du tourisme indiquait que cette extension était une des contreparties financières des nouveaux travaux concédés par le septième avenant. Il déclarait toutefois comprendre que “ la Commission ne (pouvait) admettre un décalage indéfini dans le temps entre l’attribution d’une section à un concessionnaire pressenti avant l’entrée en vigueur de la directive et la prise en compte, dans les textes de la concession, des conditions techniques et financières de cette liaison ”. Aussi, pour clarifier la situation, “ le gouvernement français s’engage à ce que soient approuvés par décret avant le 31 décembre 1997, tous les avenants intégrant les conditions techniques et financières des sections concédées depuis 1990 sans publicité européenne, sur le fondement du pressentiment exprimé avant l’entrée en vigueur de la directive. Pour toutes les opérations dont la concession n’aura pu être menée à son terme à cette date, le pressentiment sera réputé caduc, l’Etat français en assumant alors toutes les compétences ”.

La Commission, en la personne du commissaire Monti, a pris acte le 21 avril 1997 de l’engagement de la France et, sur cette base, a classé les procédures engagées dans le cadre du dossier COFIROUTE.

Quatre avenants sont ainsi intervenus entre septembre et fin

décembre 1997 pour dix sections d’autoroutes40. Ces avenants devraient, en principe, être les derniers à utiliser la pratique de l’adossement par allongement de la concession, du moins telle qu’on l’employait jusqu’ici.

40 A 16 entre Amiens et Boulogne, A 29 Neufchâtel-Amiens-Saint-Quentin, A 87 Angers-La Roche-sur-Yon, A 83 Oulmes-Niort, A 66 Toulouse-Pamiers, A 645 Bretelle du Val-d’Aran, A 89 Bordeaux-Clermont-Ferrand, A 51 Grenoble - Col du Fau, A 406 contournement de Mâcon, A 432 contournement de Satolas.

Page 55: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 55

Il est à souligner que parmi les sections bénéficiant de la pratique de l’adossement au titre de la régularisation des “ coups partis ” figurent des liaisons dont la rentabilité financière prévisionnelle est des plus faibles et dont le ministère de l’économie et des finances a réclamé à maintes reprises le report (A 29 Amiens - Saint-Quentin, A 87) ou l’abandon (A 51 Grenoble - Col du Fau, A 89 Bordeaux - Clermont-Ferrand, A 83 Oulmes - Niort, A 87 pour la section Les Essarts - la Roche-sur-Yon). Certains avenants portent sur des projets qui ne figurent pas au schéma directeur de 1992 (A 645 Bretelle du Val d’Aran et A 432 Pusignan-Saint-Laurent de Muse dont les longueurs sont inférieures à 25 km). De façon générale, les concessions ont souvent été passées avant même que les liaisons concernées soient déclarées d’utilité publique 41.

3° LES MISES EN PUBLICITE

Dans une lettre adressée le 3 juillet 1996 à la Commission européenne, le ministre chargé des transports a souligné que “ toutes les mises en concession nouvelles pour lesquelles aucun engagement antérieur au 22 juillet 1990 ne liait l’Etat français, (avaient) été réalisées dans le strict respect des dispositions communautaires ”. De même, la direction des routes indique que “ depuis avril 1993, les appels à candidature pour la concession de nouvelles sections autoroutières ont respecté strictement les dispositions de la directive travaux ”.

Au 31 décembre 1998, dix avis de mise en publicité avaient

été publiés au Journal officiel des communautés européennes dont neuf avant le 31 décembre 1997 (voir annexe 5-2).

Sur ces dix procédures, deux ont été abandonnées après le

choix d’un concessionnaire : le gouvernement a finalement décidé d’aménager la RN 10 sans recourir à la concession et la déclaration d’utilité publique de l’A 400 a été annulée par le Conseil d’Etat.

41 Fin Juillet 1998, les opérations suivantes étaient ainsi en cours de procédure préalable à la DUP : A 19 Artenay-Courtenay, A 89 Balbigny-Lyon, A 870 Cholet-Mauléon, A 645 bretelle du Val d’Aran, A 432 Pusignan-Saint-Laurent de Muse. De même, les liaisons A 16 La Courneuve-L’Isle Adam et A 4 contournement sud de Reims n’ont pas été déclarées d’utilité publique.

Page 56: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 56

Deux autres procédures sont stoppées. Pour le contournement de la Roche-sur-Yon, les deux candidats admis à présenter une offre ont renoncé compte tenu du défaut de rentabilité du projet. Pour le projet de l’A 585 (Val de Bléone, antenne de Digne-les-Bains), la procédure n’a pas été poursuivie compte tenu à la fois des perspectives financières et des oppositions locales au projet (voir chapitre IV).

Par ailleurs, le ministre de l’équipement, des transports et du

logement “ considère qu’il est indispensable de lancer un nouvel avis de publicité pour la mise en concession de l’A 19, afin d’assurer toute sécurité juridique ”. En effet “ les dernières analyses des experts juridiques interrogés indiquent que l’attribution à la SAPRR de la concession de l’A 19 dans les conditions de la consultation en cours serait très fragile au regard des dispositions du droit européen ”42.

Dans trois cas, les procédures ont abouti à la conclusion d’un

avenant de concession : l’A 29 section Pont de Normandie - A 13 à la SAPN, l’A 77 (Boismorand-Cosne) à la SAPRR, l’A 10 (St. André de Cubzac-Bordeaux) aux ASF.

Pour les deux premiers projets ayant fait l’objet d’une mise en

publicité (A 29 section Pont de Normandie - A 13 et A 67 Boismorand-Cosne), il est à noter que la commission consultative de choix n’a pas été réunie. Dans le cas de l’A 67, les directions du Trésor et du Budget ont toutefois été informées de la candidature unique de la SAPRR et des termes de sa proposition auxquelles ils n’ont pas fait objection.

En outre, il apparaît que la portée de la directive "travaux" a

été mésestimée. Ainsi la concession de la liaison Pont de Normandie - A 13 est financée par adossement avec allongement de trois ans de la concession de la SAPN. En effet, l’offre de la SAPN indiquait qu’une concession isolée serait constamment déficitaire, générant des charges différées atteignant 1 900 MF en 2012 et un besoin de refinancement de la trésorerie de 1 880 MF en 2012, “ les recettes de la section permettant seulement d’assurer l’équilibre d’exploitation dit “petit équilibre” ”. Pour obtenir l’équilibre en fin de concession, il aurait fallu fixer les tarifs de péage à un niveau tel (près de 80 F pour 16 km) qu’il aurait eu vraisemblablement un impact considérable sur l’affectation du trafic. Par ailleurs, les analyses financières de la SAPN

42 Réponse aux questions parlementaires - Sénat - séance du 30 Mars 1999.

Page 57: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 57

menées sur la base de l’étude bilan 199243 montraient que si l’on intégrait la liaison Pont de Normandie - A 13 dans le périmètre global de la concession, il en résulterait une dégradation très sensible des comptes prévisionnels. L’année de résorption des charges différées était repoussée de 2009 à 2012, c’est-à-dire l’année de fin de concession, et la trésorerie ne devenait excédentaire qu’en 2011 contre 2002 antérieurement, la société devant recourir à des emprunts de refinancement à partir de 1999. La SAPN indiquait, en conséquence, qu’elle ne saurait “ accepter de s’engager dans une opération rendant sa situation prévisionnelle globalement négative jusqu’à la dernière année, ne laissant ainsi aucune marge pour les aléas qui peuvent survenir, tant sur cette opération que sur les autres opérations de la concession ” et que la seule solution réaliste était d’allonger la concession globale d’une durée permettant de ne pas recourir à un refinancement externe.

Pour l’A 41, l’offre d’un groupe de travaux publics a été

écartée pour des raisons tenant à la faisabilité juridique du montage financier proposé associant le groupe et une SEMCA non explicitement nommée (AREA) ainsi qu’au niveau élevé des tarifs de péage demandé. Quant à l’offre de l’ATMB, qui revoyait à la baisse les hypothèses de trafic du SETRA, elle soulignait que “ cette autoroute considérée isolément ne pourrait faire face à ses obligations financières ” compte tenu d’un coût d’investissement de 4,5 milliards de francs (3,6 de travaux, 0,3 de dérive des coûts sur la période de construction et 0,6 de frais d’émission et d’intérêts intercalaires) qui “ s’il était financé entièrement par emprunt représenterait une charge de 9 milliards de francs courants, 4,5 milliards de francs de principal et 4,5 milliards de francs de frais financiers ”. “ Si elle peut assurer le petit équilibre, soit la couverture des charges d’exploitation, à aucun moment elle n’est en mesure de couvrir les frais financiers liés aux emprunts nécessaires au financement de l’opération ”. L’ATMB a demandé en conséquence un adossement avec allongement de cinq ans de la durée des concessions de l’autoroute A 40 et du tunnel du Mont-Blanc.

43 Chaque année, les sociétés concessionnaires doivent produire à l’appui de leurs comptes des “ études-bilans ” qui permettent de prévoir l’évolution de leurs situations financières d’ici la fin de leurs concessions, et d’apprécier leurs capacités à résorber leurs charges différées.

Page 58: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 58

La signature de l’avenant a été différée depuis lors dans l’attente d’un avis du Conseil d’Etat qui a été saisi le 30 octobre 1998 d’une demande du ministre de l’équipement, des transports et du logement sur “ la légalité d’opérations liant la réalisation d’une nouvelle section et l’exploitation de sections déjà réalisées ”.

Il apparaît, en effet, nécessaire de clarifier l’analyse juridique

afin d’examiner dans quelles conditions un adossement est éventuellement possible et de bien distinguer la notion d’adossement de l’offre de type “ corporate ” comme en témoigne le dossier de l’A 86 ouest.

La concession de l’A 86 ouest La société COFIROUTE a été retenue comme concessionnaire

conformément aux recommandations de la commission consultative de choix. Dans son rapport d’analyse des offres, celle-ci a souligné que ses conclusions se sont fondées non sur les différences quant à la conception technique, les conditions de réalisation, l’exploitation et la politique commerciale des deux offres en concurrence, ces différences ne lui apparaissant “ ni négligeables, ni décisives ”, mais sur les conditions de financement.

L’offre présentée par le groupement ARYS dont le mandataire

est la société Bouygues repose, selon la commission, sur une implication financière “ particulièrement faible des partenaires engagés par le projet ” avec un capital social qui ne représente que 2,8 % du coût du projet et “ a contrario une forte sollicitation de financements extérieurs ” qui équivaut à une subvention de l’Etat de 11,7 milliards de francs.

L’offre présentée par COFIROUTE pour une durée de

concession beaucoup plus longue (70 ans contre 28 pour l’offre d’ARYS) est qualifiée par la commission d’offre “ corporate ”. “ Cela correspond au cas d’une entreprise qui élargit son périmètre d’activités en finançant son développement grâce aux revenus tirés de l’ensemble de ses activités en France et à l’étranger, avec toutes les garanties qui en résultent pour l’offre ”.

Le groupement ARYS estime qu’il y a eu adossement et a introduit une requête à fin de référé précontractuel auprès du tribunal administratif de Paris qui a été rejetée en avril 1999. Le groupement a fait appel devant le Conseil d’Etat.

Page 59: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 59

Les facilités du recours au système autoroutier concédé

concourent à renforcer encore la prépondérance du mode routier au détriment de la mise en oeuvre d’une politique durable des transports. Elles influent sur les choix d’investissements entre les modes et au sein même du mode routier.

Bien qu’étroitement dépendant de l’Etat, le secteur autoroutier

se révèle en effet mal maîtrisé par des autorités de tutelle dont les positions sont dépourvues d’unité.

Les contraintes budgétaires incitent la direction des routes à

être favorable à l’extension du secteur autoroutier concédé qui lui permet de mettre en oeuvre le schéma directeur routier dans des délais qui satisfont les voeux des élus.

La direction du Trésor, garante des intérêts de l’Etat

actionnaire, assure le secrétariat général du CIES et doit veiller à ce que la politique d’emprunt du secteur public et parapublic corresponde à une affectation satisfaisante de l’épargne nationale. Cependant, le CIES intervient tardivement dans la procédure, à un stade où, compte tenu de l’état d’avancement des dossiers, la remise en cause des choix d’investissement initiaux apparaît politiquement difficile. Les services du ministère des finances ne disposent pas non plus, comme on le verra, de tous les éléments d’information nécessaires pour expertiser les évaluations de rentabilité socio-économique et financière des projets présentés par la direction des routes.

Jusqu’à ce que la “ directive travaux ” commence à être

appliquée, le secteur autoroutier “ d’économie mixte ”, exorbitant du droit commun des concessions, a ainsi échappé tant aux contraintes de rentabilité financière du secteur privé qu’aux contraintes budgétaires.

Compte tenu des facilités de financement procurées par le

mécanismes d’adossement, le réseau autoroutier s’est donc développé de façon quasi “ indolore ” pour l’ensemble des partenaires qu’il s’agisse :

- de l’Etat qui n’engage pas de crédits budgétaires,

contrairement à la situation observée pour les autres voies du réseau national, et dont la dette publique n’est pas grevée par les emprunts contractés pour financer la construction d’autoroutes ;

Page 60: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 60

- des collectivités territoriales qui réclament d’autant plus souvent des liaisons autoroutières qu’elles ne participent pas à leur financement alors qu’elles sont conduites à contribuer de façon croissante à celui du reste de la voirie nationale dans le cadre des contrats de plan ;

- des sociétés d’autoroutes qui bénéficient, s’agissant des

SEMCA, d’un financement par emprunts, de facto garantis par l’Etat et ne sont pas soumises à des contraintes de rentabilité financière hormis pour la seule société à capitaux privés, COFIROUTE.

- des usagers qui acceptent généralement bien le principe du

péage compte tenu des prestations autoroutières, d’autant que les augmentations de charge sont en large partie reportées sur les usagers futurs par le biais de l’allongement de la durée des concessions.

Le recours aux concessions a permis à l’Etat de réaliser, par

l’intermédiaire de sociétés étroitement dépendantes, un programme d’investissement de grande ampleur.

Ce mécanisme, déjà critiqué par la Cour dans son rapport

public de 1990, aurait dû faire l’objet d’une surveillance à la mesure des facilités qu’il offrait. Il n’en a rien été car l’extension du réseau autoroutier s’est faite de façon autonome sans s’inscrire dans une véritable planification intermodale et concertée des infrastructures de transport. Cette dynamique a été d’autant moins contrôlée que la procédure de décision et les études préalables étaient loin d’éclairer suffisamment des décisions largement déterminées par le mode de financement.

Page 61: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 61

RECOMMANDATIONS DE LA COUR SUR LE CHAPITRE I

- Organiser les transports dans une approche intermodale

fondée sur une logique de service aux usagers plutôt que sur une offre d’infrastructures et respectant les engagements internationaux de la France pour un développement durable.

- Améliorer l’évaluation et la prise en compte des coûts

externes et harmoniser les conditions de la concurrence entre les modes de transport.

- Coordonner la politique routière nationale entre secteur

concédé et secteur non concédé, au point de vue des investissements, de l’exploitation, de l’entretien et de la sécurité. Réorganiser les structures de l’administration centrale du ministère de l’équipement en conséquence.

- Mieux articuler le réseau routier national et les réseaux

locaux. - Attribuer les concessions autoroutières dans le respect des

règles de mise en concurrence.

Page 62: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 62

CHAPITRE II

LE PROCESSUS DE DECISION

Page 63: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 63

Les décisions de construction de grandes infrastructures de

transport comme les autoroutes comportent des enjeux majeurs compte tenu de leur coût de construction et plus encore, s’agissant d’infrastructures de longue durée de vie dont certains effets sont irréversibles, de leur impact sur l’aménagement du territoire.

Elles posent, de surcroît, le problème de l’arbitrage entre deux

demandes difficiles à concilier voire contradictoires : d’une part, la demande croissante de transport liée à l’augmentation de la mobilité des personnes et au développement des échanges et d’autre part les préoccupations grandissantes de préservation de l’environnement tant au plan local (qualité des paysages et des écosystèmes mais aussi de l’environnement sonore, le bruit de la circulation affectant en France 7 millions de personnes) que planétaire compte tenu de l’incidence des choix de modes de transport sur les émissions de gaz à effet de serre.

C’est pourquoi ces décisions requièrent une évaluation

préalable approfondie des projets et une concertation poussée à tous les stades de la procédure afin d’éclairer les choix et de garantir la transparence de la prise de décision.

Dans ses rapports publics de 1990 et 1992, la Cour avait

critiqué les insuffisances du processus de planification des infrastructures et de l’évaluation des projets et souligné la nécessité de clarifier les critères de décision. Ce constat reste très largement d’actualité tant en ce qui concerne la planification des infrastructures que la conduite des projets autoroutiers.

SECTION I. - LA PLANIFICATION DES INFRASTRUCTURES

AUTOROUTIERES

La planification des infrastructures autoroutières s’inscrit, du moins en principe, dans le cadre des schémas directeurs routiers nationaux successifs. Ainsi qu’il a été noté, les dispositions de la LOTI sur la définition d’une politique globale des transports demeurent inappliquées. L’évaluation approfondie des partis d’aménagement et la concertation avec le public sont renvoyées au stade ultérieur de l’examen des projets et ne portent pas sur les grandes options du choix du type d’infrastructure.

Page 64: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 64

I.- LES OBJECTIFS DU SCHEMA DIRECTEUR ROUTIER NATIONAL

Le schéma directeur routier national constitue le cadre à long terme des infrastructures interurbaines dans lequel doivent s’inscrire les actions programmées dans les contrats de plan Etat-régions et les budgets annuels dès lors qu’elles dépassent 25 km ou que leur coût est égal ou supérieur à 545 MF conformément au décret du 17 juillet 1984 modifié portant application de la LOTI. Ainsi, l’A 645, bretelle autoroutière du Val d’Aran raccordée à l’A 64, opération disjointe en 1991 de la procédure de déclaration d’utilité publique de l’A 64 à la suite d’un avis défavorable de la commission d’enquête sur son tracé, l’A 404 antenne d’Oyonnax (13 km), l’A 680 antenne de Verfurie et l’A 707 antenne de Lussat (7 km) n’y figurent pas.

Le schéma directeur classe les itinéraires du réseau national

en quatre catégories : - ceux qui doivent être aménagés directement en autoroutes

généralement concédées compte tenu des contraintes budgétaires ; - les liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier

(LACRA) réalisées sous forme de liaisons à 2 x 2 voies continues avec carrefours dénivelés qui ont vocation à recevoir à terme le statut d’autoroute tout en restant hors péages mais dont “ à titre transitoire ” les aménagements nécessaires peuvent être adaptés plus strictement aux besoins du trafic constaté pour permettre d’améliorer l’itinéraire de façon homogène sur une plus grande longueur ;

- les autres grandes liaisons d’aménagement du territoire

(GLAT) constituées des routes nationales aménagées en priorité afin d’assurer une desserte équilibrée du territoire ;

- le reste des liaisons nationales “ aménagées plus

progressivement en fonction des besoins du trafic pour assurer notamment la permanence du service rendu aux usagers et leur sécurité ”.

D’abord axés sur les grandes radiales centrées sur l’Ile-de-

France, les schémas directeurs ont, par la suite, porté sur les liaisons transversales entre les grandes métropoles régionales avec la définition de nouvelles priorités : desserte de la façade atlantique, désenclavement des zones montagneuses, raccordement aux grands réseaux européens (voir cartes couleur n°s I à IV).

Page 65: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 65

Le schéma directeur de 1971 avait essentiellement pour objectif de définir un réseau d’intérêt national (28 000 km) parmi les 82 000 km de routes alors à la charge de l’Etat. Il prévoyait 17 000 km de grandes liaisons d’aménagement du territoire (GLAT) notamment 3 grandes liaisons interrégionales Nord-Sud et six grandes liaisons Est-Ouest ne passant pas par Paris. En raison de leur “ rôle d’entraînement, ces liaisons étaient susceptibles d’être aménagées par anticipation sur les besoins du trafic constaté ”. Par ailleurs, le 10 juin 1977 le comité d’aménagement du territoire a adopté un programme autoroutier à réaliser, pour l’essentiel, en six ans.

Le schéma directeur de 1986 prévoyait un réseau de

6 760 km d’autoroutes interurbaines complété par 2 700 km de liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier (LACRA) et 6 400 km d’autres grandes liaisons d’aménagement du territoire. Par rapport au programme défini en 1977, ce schéma marquait l’abandon de 1 590 km d’autoroutes.

Le schéma directeur du 18 mars 1988 prévoyait le lancement

en 10 ans de 2 800 km d’autoroutes concédées (soit 1 700 km de liaisons en sus des 1 100 km non encore engagés du précédent schéma) ainsi que 600 km supplémentaires de LACRA. Le gouvernement décidait que les LACRA étaient destinées à être intégrées dans la catégorie des autoroutes tout en restant hors péage. Ce schéma visait à créer de nouvelles liaisons directes performantes entre grandes métropole de province, à désenclaver la façade maritime et les régions montagneuses et à mieux raccorder la France à l’Europe.

Le comité interministériel d’aménagement du territoire

engageait le 18 novembre 1988 une révision de ce schéma directeur. Un nouveau projet était soumis pour avis aux régions. Ce projet prévoyait l’inscription de 739 km d’autoroutes à péage et de 34 km de LACRA supplémentaires et le classement de 22 km de routes nationales en GLAT. Les régions et le conseil national des transports ayant formulé des demandes complémentaires, le comité interministériel d’aménagement du territoire du 5 novembre 1990 a décidé d’ajouter au projet de novembre 1988 : 165 km d’autoroutes concédées ; 165 km d’autoroutes sans péage (LACRA) ; 165 km de grandes liaisons d’aménagement du territoire. Ces décisions ont été formalisées par la révision du schéma directeur routier.

Dernier en date, le schéma approuvé par le décret du 1er avril

1992 prévoit que le réseau national doit être porté à 37 700 km dont 9 540 km d’autoroutes de liaison, 2 580 km de LACRA et 4 410 km de GLAT dont la fonction est d’assurer une armature structurante du

Page 66: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 66

territoire et qui “ à ce titre bénéficieront pour leur aménagement d’une attention prioritaire pouvant conduire à anticiper les stricts besoins du trafic ”.

Le gouvernement a retenu en novembre 1993 l’objectif d’un

lancement en 15 ans de la totalité du programme qui prévoit 1 103 km d’autoroutes supplémentaires dont 904 à péage, 199 km de LACRA et 91 km de GLAT.

Les schémas directeurs routiers s’inscrivent dans une logique

de développement structurant par l’offre de transport. Selon cette conception, les investissements n’ont pas seulement à anticiper le développement de la demande de transport mais jouent un rôle déterminant dans le développement économique. Cette option volontariste préside au schéma de 1992 qui “ définit les grands axes du réseau autoroutier et routier national dans un objectif de desserte équilibrée et de désenclavement de l’ensemble du territoire quels que soient les trafics constatés ”. De même, l’article 17 de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 dispose qu’en 2015 aucune partie du territoire français métropolitain continental ne devra être située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d’automobile, soit d’une autoroute ou d’une route express à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d’une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse. Les schémas sectoriels relatifs aux infrastructures de transport établis dans le cadre du schéma national d’aménagement et de développement du territoire doivent prendre en compte les orientations nationales de développement du territoire, les trafics constatés n’étant pas le seul critère de choix.

II. - LES MODALITES D’ELABORATION DU SCHEMA DIRECTEUR ROUTIER NATIONAL

Le décret du 17 juillet 1984 pris pour l’application de la LOTI précise que le rapport assorti de documents graphiques qui constitue le schéma directeur doit faire apparaître “ la situation existante, les différents partis d’aménagement envisagés par l’auteur du schéma, les objectifs à atteindre et leur justification, les priorités à réaliser ainsi que les caractéristiques et les conditions essentielles de fonctionnement des infrastructures ”.

Préparé par les services de la direction des routes, le schéma

directeur routier est approuvé par décret après avis des régions, des comités régionaux des transports et du conseil national des transports. Son élaboration ne s’est jusqu’à présent pas appuyée sur

Page 67: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 67

une analyse préalable approfondie de la rentabilité économique et sociale des projets retenus.44

Le processus de décision fait une bien moindre place à la

concertation que dans nombre d’autres Etat européens. La France est l’un des rares pays de l’Union européenne où le Parlement n’est pas consulté pour les schémas de transport. En Autriche, en Suisse, en Espagne, en Suède, les schémas directeurs sont soumis à une validation parlementaire. Aux Pays-Bas, le schéma national intermodal est, après consultation du public, transmis au Parlement qui peut procéder à un vote si le document soulève une opposition dans le pays. En Suisse, les schémas de transport sont adoptés par consultation populaire. Ils doivent recueillir les voix de la majorité de la population et de la majorité des cantons. Par votation du 20 février 1994, le peuple suisse a ainsi approuvé l’initiative populaire “ pour la protection des régions alpines contre le trafic de transit ” (annexe 4). En Allemagne, le réseau routier fédéral est développé selon un plan à long terme, revu tous les cinq ans, adopté par voie législative et accompagné d’une programmation financière pluriannuelle.

Les adjonctions sont opérées de façon informelle sans

respecter la procédure de révision du schéma directeur. Ainsi plusieurs tracés non inscrits au schéma directeur, du moins comme autoroutes ou comme LACRA, ont été annoncés par les comités d’aménagement du territoire successifs et mis à l’étude45. Ainsi l’A 45 Lyon-Saint-Etienne (50 km) et l’A 831 Fontenay-le-Comte-Rochefort (55 km) ont donné lieu à concertation locale en vue du choix du fuseau du kilomètre. Le projet d’autoroute A 65 entre Langon et Pau a fait l’objet d’études préliminaires de même que le projet d’autoroute A 32 entre Toul et la frontière luxembourgeoise pour laquelle un débat public devrait être lancé au début de 1999.

44 Les travaux préparatoires à la mise au point des projets de schémas de service qui devraient selon le projet de réforme de la loi d’aménagement du territoire se substituer aux actuels schémas directeurs intègrent, selon les services du ministère de l’équipement, des évaluations socio-économiques. 45 Pau-Langon, Langres-Territoire de Belfort, Bourges-Auxerre, Fontenay-le-Comte-Rochefort, Toul, frontière luxembourgeoise, doublement de l’A 31 entre Nancy et Metz, A 45 Lyon et St-Etienne, Nice Cunéo.

Page 68: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 68

Alors qu’elles ne figurent à aucune rubrique du schéma directeur routier national (pas même au titre de l’aménagement des routes nationales), certaines liaisons (Langon-Aire-sur-l’Adour, Nice-Cunéo) ont même été inscrites au schéma routier transeuropéen.

Le schéma routier transeuropéen

Le projet de réseau routier transeuropéen a été défini après

analyse des propositions des Etats membres par décision conjointe du Parlement européen et du conseil du 23 juillet 1996 sur les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport. Il porte sur des “ autoroutes et routes de haute qualité ”, existantes, nouvelles ou à aménager “ garantissant aux usagers un niveau de services, de confort et de sécurité élevé, homogène et revêtant un caractère de continuité ”.

L’inscription au schéma transeuropéen est une condition

d’éligibilité à un soutien financier communautaire qui a bénéficié, par exemple, à l’élargissement du tunnel de Chamoise et des viaducs de Nantua et de Neyrolles, à l’autoroute A 39 entre Lons-le-Saunier et Bourg-en-Bresse ou à l’A 6 entre Amiens et Boulogne.

Le schéma directeur n’est pas un document de programmation. La hiérarchie des priorités établie par le document arrêté en 1992 reste d’ailleurs des plus floues. A la rubrique “ priorités de mise en oeuvre du schéma directeur ” est ainsi seulement indiqué : “ l’objectif est d’assurer le lancement en 15 ans de la totalité du programme ainsi augmenté. Les projets seront programmés dans un ordre qui tiendra compte de leur rentabilité économique pour la collectivité et des améliorations de capacité du réseau en particulier dans la perspective européenne qu’ils permettent. La programmation tiendra également compte de leur impact sur l’environnement, mais aussi de la possibilité qu’ils offrent de capter le trafic des axes les plus chargés et, par là, d’améliorer la qualité de la vie ainsi que de leur intérêt pour une meilleure sécurité pour les usagers et pour développer une politique appropriée d’aménagement du territoire ”.

III. - L’ETAT DE REALISATION DU SCHEMA DIRECTEUR DE 1992 La décision, prise en novembre 1993 d’accélérer la réalisation

du schéma directeur routier approuvé le 1er avril 1992, a conduit à lancer en moyenne 260 km par an alors que la moyenne annuelle avait été de l’ordre de 185 km entre 1980 et 1993. Les lancements de 1994 à 1997 correspondent à un rythme annuel encore supérieur, voisin de 330 km, si l’on prend en compte des liaisons qui ne figurent pas au schéma directeur : l’A 404 antenne d’Oyonnax 13 km, l’A 680 antenne de Verfeuil 9 km, l’A 707 antenne de Lussat 7 km, l’A 63 Belin Béliet-Saint-Geours (mise aux normes autoroutières de la RN 10) 90 km.

Page 69: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 69

Au 30 juin 1998, sur les 9 535 km d’autoroutes de liaison inscrites au schéma directeur, 7 310,3 km soit 76,7 % étaient en service et 820,7 km (8,6 %) en travaux 46. A ce réseau s’ajoutaient 898,4 km de LACRA avec statut autoroutier et 6 265,3 km de routes aménagées à 2 x 2 voies, 1 240,8 km de LACRA sans statut autoroutier, 1 243,3 km de grandes liaisons d’aménagement du territoire et 3 781,2 km d’autres routes. Le réseau national comptait ainsi 8 208,7 km d’autoroutes.

En nombre de kilomètres d’autoroutes, la France se situe au

troisième rang de l’Union européenne. La direction des routes et la commission d’enquête sénatoriale chargée d’examiner le devenir des grands projets d’infrastructures terrestres d’aménagement du territoire dans une perspective de développement et d’insertion dans l’Union européenne47 observent que la desserte du réseau autoroutier français ne se classe cependant qu’au neuvième rang au sein de l’Union européenne en longueur de réseau par km2 ou par million d’habitants. La commission d’enquête sénatoriale raisonne en terme de densité superficiaire et en déduit qu’il faudrait près de 30 000 km d’autoroutes pour que la France soit au niveau des Pays-Bas. Mais ce voeu ignore les différences de densité de population et de répartition des activités (voir carte de l’INSEE n° V cahier couleur).

Comme le note la direction de la prévision, la France se

trouve au même niveau que le Royaume-Uni en terme de maillage du territoire (kilomètres d’autoroutes par kilomètres carrés) alors que sa densité démographique est deux fois plus faible. De surcroît, la France est au même niveau que l’Allemagne ou les Pays-Bas pour ce qui est du nombre de kilomètres d’autoroutes par habitant.

46 Par ailleurs, au 1er janvier 1998, 142 kilomètres avaient fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique sans être concédés. 47 Sénat - “ Fleuve, rail, route : Pour des choix nationaux ouverts sur l’Europe ” - Juin 1998.

Page 70: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 70

Réseaux autoroutiers européens en 1995

Pays de l’UE Autoroutes

Population Surface Densité AR Densité AR

Unités km millions d’hab. 1 000 km2 km/million d’hab.

Km/km2

Irlande

72

3,6

70,3

20,0

1,0

Grèce 420 10,5 131,9 40,0 3,2 Grande-Bretagne 3 308 58,6 230,0 56,5 14,4 Portugal 687 9,9 88,9 69,4 7,7 Finlande 394 5,1 338,0 77,3 1,2 Allemagne 11 190 81,7 357,0 137,0 31,3 France 8 275 58,1 551,0 142,4 15,0 Pays-Bas 2 208 15,5 41,2 142,5 53,6 Suède 1 262 8,8 411,1 143,4 3,1 Italie 8 860 57,3 301,3 154,6 29,4 Danemark 830 5,2 43,0 159,6 19,3 Belgique 1 666 10,1 30,5 165,0 54,6 Autriche 1 596 8 83,9 199,5 19,0 Espagne 8 133 39,2 504,7 207,5 16,1 Luxembourg 123 0,4 2,6 307,5 47,7 Union européenne : Total moyenne

49 024

372,1

3 337,0

131,7

14,7

Source : Eurostat DG VII Commission européenne 1997

IV. - LA POLITIQUE ROUTIERE

La France dispose d’un réseau routier particulièrement dense. Cependant le cloisonnement des financements et les faiblesses des procédures de coordination nuisent à la cohérence de la politique routière. Faute d’une réflexion globale sur les besoins de transport routier, la politique suivie en la matière n’obéit à aucune directive d’ensemble intégrant les options relatives aux infrastructures et les prescriptions concernant l’exploitation et la sécurité. Elle est marquée par la prépondérance de l’offre d’infrastructures sur une logique de réponse à la demande de services aux usagers. Par ailleurs, la complémentarité entre le réseau national et les réseaux relevant des collectivités territoriales est insuffisante.

A. - LE RESEAU NATIONAL

Le développement du réseau autoroutier concédé et celui du reste du réseau national s’opèrent de façon non coordonnée et aboutissent à des investissements en partie redondants avec une autoroute à péage et une route nationale mise à 2 x 2 voies au tracé parfois plus direct. C’est en particulier le cas de la N 4 par rapport à l’A 4 Paris-Reims-Strasbourg et de la N 10 Poitiers-Angoulême-Bordeaux par rapport à l’A 10 entre Poitiers et Bordeaux.

Page 71: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 71

Lors de la séance du 22 octobre 1998 de l’Assemblée nationale, le député de la Charente a ainsi souligné que le tracé de l’autoroute A 10 au sud de Poitiers rallongeait le parcours vers Bordeaux et vers l’Espagne si bien que nombre de poids lourds empruntaient la RN 10, plus directe et de surcroît gratuite, avec des risques pour les usagers et les riverains sur les sections encore à deux voies. Le ministre de l’équipement, des transports et du logement a indiqué en réponse qu’il avait confié au Conseil général des ponts et chaussées une mission d’expertise sur les mesures à prendre afin de réduire le trafic poids lourds de grand transit sur la RN 10 et inciter les poids lourds à emprunter l’autoroute A 10.

Parmi les opérations en cours, on peut relever les exemples

de l’A 89, de l’aménagement partiel à 2 x 2 voies de la RN 89, de l’A 19 entre Artenay et Courtenay et de la mise à 2 x 2 voies de la RN 60 sur la plus grande partie de son tracé. Parmi les considérants ayant motivé l’annulation de la déclaration d’utilité publique des travaux de construction de l’autoroute A 400 entre Annemasse et Thonon-les-Bains, le Conseil d’Etat a ainsi pris en compte le fait “ que les villes d’Annemasse et de Thonon sont reliées par la route nationale 206 puis, soit par la route nationale 5 soit par la route départementale 903, ces deux trajets ayant une longueur égale ou inférieure à celle de l’autoroute projetée et comportant déjà des tronçons à deux fois deux voies ” 48.

La même incohérence a pu être observée en ce qui concerne

les contrats de plan Etat-régions. La Cour a ainsi constaté que “ ce n’(était) pas les régions qui avaient le plus de retard à combler (en matière de transports) qui avaient reçu le plus de moyens ”49.

Par ailleurs, le budget de la direction des routes a privilégié

jusqu’à 1998 le développement de nouvelles liaisons au détriment de l’entretien, de la réhabilitation et de la mise en sécurité du réseau existant. La conservation du patrimoine routier, l’entretien du réseau, l’exploitation des moyens de circulation ne sont généralement pas considérés comme prioritaires en termes de budget, d’utilité sociale, de valorisation des personnels affectés à ces tâches. Le retard pris dans la conservation du patrimoine du fait de l’insuffisance chronique de crédits d’entretien (malgré une tendance au redressement à partir de 1998) 50, présente pour l’Etat un sérieux risque financier pour 48 Arrêt “ Association contre le projet de l’autoroute transchablaisienne et autres ” Mars 1997. 49 Rapport public annuel 1998. 50 Chapitre IV, section IV.

Page 72: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 72

l’avenir, car l’on sera confronté à des réhabilitations onéreuses (voies, ouvrages d’art, dépendances) là même où souvent un entretien régulier l’eut évité. L’on notera, de surcroît, que le coût prévisionnel de l’entretien n’est en pratique pas pris en compte lors des décisions d’investissement sur des voies nouvelles.

Comme on l’a déjà relevé, les structures administratives du

ministère chargé de l’équipement ne favorisent pas la cohérence de la politique routière dont la mise en oeuvre demeure partagée entre la direction des routes et la direction de la sécurité et de la circulation routière. La signalisation est, par exemple, partagée entre la direction des routes, responsable du marquage au sol, et la direction de la sécurité et de la circulation routières qui est chargé des messages “ mobiles ” (feux, panneaux d’informations variables).

B. - L’ARTICULATION ENTRE LE RESEAU NATIONAL ET LES RESEAUX

DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Le schéma directeur routier national devrait s’articuler avec les schémas directeurs des réseaux des collectivités territoriales 51. La LOTI prévoit dans son article 14 que “ dans le cadre des orientations nationales et locales de la planification et de l’aménagement, des schémas directeurs d’infrastructure sont établis respectivement par l’Etat, en concertation avec les régions et par les collectivités territoriales ou leurs groupements, notamment pour assurer la cohérence à long terme des réseaux définis pour les différents modes de transport et pour fixer les priorités en matière de modernisation, d’adaptation et d’extension des réseaux ”.

Ces dispositions restent largement inappliquées. La Cour

avait souligné dans son rapport de 1992 que la prise de décisions non coordonnées conduisait à altérer la cohérence des opérations réalisées par l’Etat et les collectivités territoriales sur des itinéraires contigus ou complémentaires. La Cour observait qu’il n’était en conséquence “ pas exceptionnel de voir apparaître des partis d’aménagement concurrents ou contradictoires ” aboutissant parfois à un dimensionnement inadapté des ouvrages 52.

51 Selon les statistiques émanant des préfectures et communiquées par la direction générale des collectivités locales, les longueur des voiries départementales et communales en métropole étaient respectivement de 358 374,3 km et 579 367,5 km au 1er Janvier 1998. 52 Rapport public particulier sur la politique routière et autoroutière 1992 p. 40.

Page 73: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 73

Depuis lors, la situation n’a guère évolué. Les contrats de plan Etat-régions ont favorisé l’augmentation des financements croisés, qui rendent très difficile un suivi comptable, sans pour autant assurer la cohérence des projets. Ainsi, dans le rapport public particulier consacré à l’action des départements dans le domaine de la voirie routière53, il est est observé que les départements n’ont, contrairement aux obligations fixées par l’article précité de la LOTI, “ pas défini de véritables schémas directeurs, en cohérence avec les actions conduites par l’Etat ou les communes. La fixation d’objectifs n’est, par ailleurs, pas systématique ”.

Certes, le rapport observe que l’importance stratégique de la

voirie nationale a conduit les départements à définir pour partie l’aménagement de leur propre réseau en fonction de celle-ci. Pour autant, la complémentarité des réseaux n’est pas recherchée de façon systématique et ce d’autant moins que les projets des départements ne donnent le plus souvent pas lieu à une véritable évaluation de leur intérêt économique et à une analyse précise des reports de trafic entre les axes. Ce défaut de coordination conduit dans certains cas à des infrastructures redondantes.

Le ministère de l’aménagement du territoire et de

l’environnement a demandé à maintes reprises la “ mise à plat ” de l’ensemble des projets d’aménagement routiers et autoroutiers intéressant une zone géographique.

De surcroît, en dépit du rôle joué par les directions départementales de l’Equipement auprès des collectivités territoriales, aucun document global d’orientation n’assure la cohérence de l’entretien du réseau routier national et des réseaux locaux.

V. - LES FUTURS SCHEMAS DE SERVICE

Dans la perspective du projet de loi sur l’aménagement et le développement durable du territoire le schéma directeur routier national a vocation à être refondu dans le cadre des schémas de service.

53 Cour des comptes - Rapport public particulier “ L’action des départements dans le domaine de la voirie routière ” Novembre 1998 p. 15 et suivantes.

Page 74: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 74

Comme l’indique la circulaire du 22 juillet 1998, la démarche des schémas multimodaux de service de transport consiste à :

- s’interroger sur les objectifs de services à l’usager que l’on

recherche avant d’envisager les moyens d’y parvenir. Une infrastructure nouvelle n’est pas un objectif en soi, mais un moyen parfois indispensable, mais pas nécessairement le plus efficace pour atteindre un objectif d’amélioration du service ;

- évaluer les avantages et inconvénients des différentes actions envisageables, selon les principes de l’instruction-cadre relative à l’évaluation des grands projets d’infrastructure de transport (circulaire du 3 octobre 1995) et des instructions spécifiques aux différents modes de transport, actualisés pour tenir compte des acquis les plus récents en matière d’appréciation des effets ...

- comparer les différents moyens d’améliorer un service en s’appuyant sur les résultats de ces évaluations et en privilégiant les actions les moins coûteuses en contributions publiques. Avant de proposer un investissement lourd et coûteux, comme une infrastructure nouvelle, il est essentiel d’examiner toutes les évolutions à moindre coût, en utilisant au mieux les possibilités d’adaptation des infrastructures existantes, des modes de transport alternatifs, de la réglementation et de la tarification.

L’élaboration des schémas de service se fera de manière

concertée en associant les collectivités territoriales intéressées, les organismes socioprofessionnels représentatifs et les associations...” .

Aux termes du projet de loi pour l’aménagement et le

développement durable du territoire tel qu’approuvé par le conseil des ministres de juillet 1998, les schémas nationaux et régionaux de transport “ déterminent, dans une approche multimodale, les différents objectifs de services de transport aux usagers, leurs modalités de mise en oeuvre ainsi que les critères de sélection des actions préconisées, notamment pour assurer la cohérence à long terme des réseaux définis pour les différents modes de transport et pour fixer leurs priorités en matière d’exploitation, de modernisation, d’adaptation et d’extension ; ils évaluent les évolutions prévisibles de la demande de transport et définissent les moyens permettant d’y répondre dans des conditions économiques, sociales et environnementales propres à contribuer au développement durable du territoire, et notamment à la lutte contre l’effet de serre ; ils comprennent notamment une analyse globale des effets des différents modes de transport sur l’environnement et sur la santé ; ils récapitulent les principales actions à mettre en oeuvre dans les différents secteurs du transport en termes de meilleure utilisation des

Page 75: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 75

réseaux existants, d’amélioration de leurs interfaces et de création d’infrastructures nouvelles. Ils prennent en compte les orientations en matière de réseaux de transports européens. Tout grand projet d’infrastructures doit être compatible avec les schémas de services collectifs de transport ”.

Ces schémas “ assurent l’accès du territoire aux échanges

mondiaux. A cet effet, ils favorisent le développement des liaisons aériennes notamment internationales à partir de quelques plates-formes aéroportuaires interrégionales et le renforcement de la compétitivité des places portuaires d’envergure internationale. Ils veillent aussi à poursuivre l’amélioration de l’accessibilité aux diverses parties du territoire français, par le développement d’axes reliant les grandes aires urbaines entre elles et aux grands pôles européens et dans les zones d’accès difficile, par l’amélioration qualitative des services de transport destinés à faciliter l’accès aux grandes villes et aux réseaux rapides. Dans les grandes aires urbaines, ils favorisent les modes de transport alternatifs à la route, les transports collectifs, l’interconnexion des réseaux et, au besoin, les infrastructures de contournement ”. Enfin, comme on l’a vu, “ les zones à environnement fragile peuvent faire l’objet de dispositions particulières comportant des restrictions, voire des interdictions d’accès afin d’en assurer la protection. En particulier, pour le transit international franchissant les Alpes et les Pyrénées, les schémas de services collectifs de transport donnent priorité au mode ferroviaire ”.

Enfin, le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le

développement durable du territoire réaffirme l’objectif de cohérence déjà inscrit dans la LOTI qui dispose : “ En tenant compte des orientations nationales et locales d’aménagement, les autorités compétentes pour l’organisation des transports et la gestion des infrastructures coordonnent leurs actions et harmonisent leur politique au niveau régional ; elles privilégient une approche globale des déplacements notamment dans les zones urbaines ”. “ Les schémas de services de l’Etat et le schéma régional de transport ont pour objectif prioritaire d’optimiser l’utilisation des réseaux et équipements existants et de favoriser la complémentarité entre les modes de transport et la coopération entre les opérateurs, en prévoyant lorsque nécessaire la réalisation d’infrastructures nouvelles ”. Cependant, le projet de loi ne prévoit pas de dispositif de coordination visant à garantir l’application de ces principes.

Jusqu’à présent, faute de débats fondés sur une analyse

approfondie des besoins de transport et des réponses les mieux adaptées, sur une base intermodale et en comparant, au sein même du mode routier, les scénarios d’aménagement, la planification des

Page 76: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 76

infrastructures autoroutières procède de façon empirique en réponse aux demandes des élus des collectivités territoriales. Le parti d’aménagement autoroutier résulte souvent, comme on le verra plus loin, de la volonté de satisfaire ces demandes, dans des délais rapides, incompatibles avec les disponibilités budgétaires. L’examen de la rentabilité économique et sociale du scénario d’aménagement et le débat public sont renvoyés à la phase aval du projet.

SECTION II. - LA CONDUITE DES PROJETS

La conduite des projets est assurée sous la responsabilité des services de l’équipement selon une procédure qui, compte tenu de la complexité des dossiers et de l’importance des enjeux, s’étend souvent sur une dizaine d’années entre les premières études et la mise en service. En dépit des améliorations apportées, cette procédure présente des insuffisances persistantes.

De surcroît, les études qui doivent éclairer la décision de

réalisation de l’infrastructure manquent fréquemment de rigueur et de transparence.

I. - LA PROCEDURE D’INSTRUCTION DES DOSSIERS

A la différence de la situation observée pour les lignes électriques et des conduites de gaz dont la procédure est fixée par décret, 54 les modalités d’instruction des dossiers d’autoroutes sont fixées par simples circulaires.

En dépit de certaines améliorations, la coordination entre les

administrations demeure insuffisante, la concertation avec le public n’intervient encore le plus souvent qu’à un stade avancé de la procédure et les projets autoroutiers sont instruits et décidés de façon trop fractionnée.

A - LA REALISATION D’UNE AUTOROUTE CONCEDEE

La procédure de décision pour la réalisation d’une autoroute concédée comprend les étapes suivantes :

1° Etudes préliminaires

- Etude comparative par le (ou les) CETE des grandes familles de solutions (premiers éléments techniques, économiques, sur l’environnement, le trafic, les coûts).

54 Décret du 11 juin 1970 modifié.

Page 77: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 77

- Débat prévu par la circulaire du 15 décembre 1992 du ministre de l’équipement dite “ circulaire Bianco ”

- Etablissement du cahier des charges de l’étude d’un fuseau de 1 000 m arrêté par le ministre de l’équipement.

2°. - Avant-projet sommaire (APS)

(circulaire de la direction des routes du 27 octobre 1987)

- Etude du fuseau de 1 000 m par le ou les CETE sous l’autorité du SETRA. Etude technique des variantes de tracé, des impacts sur l’environnement et les paysages, des échanges et fonctions, des coûts. Consultation des services administratifs locaux, des élus et des responsables économiques concernés par le préfet assisté du/des) directeurs du CETE et du/des directeur régional (aux) et départemental (aux) de l’équipement.

- Choix du fuseau de 1 000 m par décision ministérielle.

- Etude de l’APS proprement dit .

- Etude de la bande de 300 m par le ou les CETE et le SETRA. Choix d’un tracé avec variantes locales. Affinement des études d’impact, des séquences d’aménagement, du statut juridique, des coûts. Constitution des annexes techniques au cahier des charges de la concession. Nouvelle consultation des élus et responsables locaux.

- Choix de la bande des 300 m par décision ministérielle après avis des DDE, DRE, CETE, SETRA, des Inspecteurs généraux spécialisés de l’équipement.

3°- Déclaration d’utilité publique

- Constitution du dossier d’enquête publique (notamment étude d’impact en application de la loi du 18 juillet 1976 de protection de la nature et du décret du 25 février 1993, et évaluation économique et sociale).

- Enquête préalable à la déclaration d’utilité publique et parallèlement instruction mixte à l’échelon central.

- Publication du dossier des engagements de l’Etat.

- DUP par décret en Conseil d’Etat.

4° - Suivi

- Mise en place d’un comité de suivi (circulaire du 15 décembre 1992).

Page 78: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 78

5°. - Avant-projet autoroutier (APA) (établi par la société concessionnaire)

- Définition géométrique de l’emprise, des échangeurs, des rétablissements de voiries, des ouvrages d’art.

- Procédures d’autorisation (enquêtes parcellaires, application de la loi sur l’eau ...).

6°. - Travaux

- Acquisitions foncières, remembrements, choix des entreprises.

- Réalisation des travaux;

- Inspection avant mise en service.

7° - Mise en service

8° - Bilan

- Bilan économique, social et environnemental (article 14 de la LOTI, circulaire du 15 décembre 1992) :

- intermédiaire (un an après la mise en service) ;

- final (trois à cinq ans après la mise en service).

9° - Publication du bilan B. - LA COORDINATION ENTRE LES ADMINISTRATIONS

La consultation des services déconcentrés de l’Etat intéressés (agriculture et forêt, sites, architecture et affaires culturelles, environnement, protection civile, défense nationale, industrie et mines, santé) est prévue dès le démarrage des études d’avant-projet sommaire pour définir, dans un premier temps, la carte des contraintes d’utilisation des sols à partir de laquelle s’effectue la recherche des variantes du tracé qui peuvent être envisagées. Cependant, la concertation interministérielle reste peu satisfaisante.

Les modalités de l’instruction mixte sont organisées par des

textes anciens (loi du 25 novembre 1952 ; décret du 4 août 1955 portant règlement d’administration publique) qui se fondaient sur des considérations de défense nationale et n’ont pas été actualisés. Les arrêtés prévus par le décret de 1955 ne sont jamais intervenus.

L’instruction mixte à l’échelon central (IMEC) est organisée à

un stade très avancé de la procédure alors que le tracé autoroutier est déjà enserré dans une bande de 300 mètres. L’IMEC est engagée concomitamment à l’enquête publique préalable à la déclaration

Page 79: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 79

d’utilité publique. Le tracé soumis à l’enquête publique peut, de ce fait, donner lieu à un avis défavorable de certaines administrations lors de l’IMEC. Cette pratique rend en outre sans objet le contrôle de l’étude d’impact présentée à l’enquête publique par l’administration centrale de l’environnement. Comme l’indique le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, “ cette situation a pu conduire, lors de l’entrée en vigueur de l’article 19 de la loi sur l’air 55, à constater a posteriori que certaines études d’impact n’étaient pas conformes à la nouvelle réglementation d’où l’alternative de prendre une DUP susceptible d’annulation ou de recommencer l’enquête ”.

La direction des routes reconnaît que, dans certains cas, les

faiblesses de la concertation administrative ont conduit à remettre en cause des choix à un stade avancé de la procédure, imputant la responsabilité de cet état de fait à une insuffisante remontée d’information des services locaux vers les administrations centrales. Aussi le ministère de l’équipement a-t-il engagé depuis plusieurs années une consultation informelle des ministères intéressés dès le stade des études préliminaires du projet et du choix du fuseau du kilomètre. Le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement observe toutefois que si le nombre de réunions s’est multiplié aux différentes étapes d’élaboration des projets, la portée de ces consultations est limitée par les délais souvent très tendus de préparation des réunions et une “ rigueur insuffisante dans le traitement des désaccords ” dont “ la résolution est parfois différée jusqu’au stade ultime de la procédure ”.

Or la prise en compte insuffisante des enjeux

environnementaux dans la phase amont d’élaboration des projets favorise les contentieux et conduit à des retards de réalisation comme la Cour l’a relevé pour l’A 14 56 pour aboutir à des compromis souvent peu satisfaisants comme en témoigne l’exemple du contournement de Langeais par l’A 85.

La liaison Angers-Tours a fait l’objet dès le début des années

70 de nombreuses études relatives tant au choix du tracé qu’aux caractéristiques et au statut à donner à la future voie. Le CETE de Nantes, chargé des études préalables a produit en décembre 1975 une analyse qui comparait trois familles de tracés et concluait, au regard du trafic escompté et des difficultés d’ordre technique, que la variante par la vallée de la Loire était la moins intéressante. Les

55 L’article 19 de la loi sur l’air du 30 décembre 1996 prescrit de nouvelles obligations. 56 Rapport public 1997 p. 371 à 382.

Page 80: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 80

divergences entre les élus du Maine-et-Loire et ceux d’Indre-et-Loir, relatives au choix du tracé et au statut à donner à la voie, vont durer plus de 10 ans : une enquête publique, sur un projet de route expresse longeant la Loire et empiétant sur le lit du fleuve au droit de Langeais, se déroule du 12 au 20 janvier 1987 ; les impacts d’ordre hydrologique et hydraulique conduisent le ministère de l’environnement à donner un avis défavorable. Le Conseil d’Etat donne un avis défavorable en s’appuyant sur un vice de forme (publications dans la presse non conformes) et le ministère de l’équipement abandonne la procédure.

La question du statut rebondit et une seconde enquête sur la

liaison Angers-Tours, avec statut autoroutier mais sans péage entre St. Patrice et Tours, est lancée le 25 mai 1989 : au droit de Langeais, le dossier comporte une comparaison avec un tracé passant au nord de l’agglomération. Le tracé proposé ne diffère pas sensiblement du précédent. Dans son avis, la commission d’enquête préconise l’étude d’un tracé nord en raison des difficultés d’insérer l’autoroute entre la ville de Langeais et la Loire, le tracé proposé à l’enquête passant en particulier entre le château de Langeais et le fleuve. Lors de la procédure administrative, le ministre de l’environnement donne un avis défavorable en raison du passage dans le lit mineur de la Loire et des risques que ferait peser un tel projet sur la nappe phréatique à l’ouest d’Ingrandes de Touraine, dans le secteur du Val d’Authion. Le Conseil d’Etat donne également un avis défavorable, mais après arbitrage des services du Premier ministre, la déclaration d’utilité publique est prise le 7 janvier 1991. Concernant la section Angers-Ingrandes de Touraine, le remblai de l’autoroute pouvant entraîner en cas de rupture de la digue de la Loire une augmentation de la gravité des inondations, des travaux de protection ont du être entrepris et des seuils réalisés sur l’autoroute pour faciliter l’écoulement des crues. Le surcoût dans le Val d’Authion est estimé par le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement à 300 MF. Par ailleurs, une des zones d’emprunts de matériaux est localisée dans une zone humide avec nappe phréatique affleurante qui sert à l’alimentation en eau potable de 300 000 personnes.

A la mi-1993, les oppositions persistantes à la partie du tracé

située au droit de Langeais, conjuguées à la mise en oeuvre du plan Loire, conduisent le Ministre de l’Environnement à remettre en cause ce tracé, puisqu’il passe encore dans le lit de la Loire et nécessite la construction d’une digue de 600 mètres. Le dossier des “ engagements de l’Etat ” établi par la direction des routes indique que “ après la déclaration d’utilité publique, les études plus fines du tracé entre Saint Patrice et l’est de Langeais, situé en bord de Loire, ont montré les limites de l’optimisation de l’intégration du tracé autoroutier

Page 81: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 81

dans un environnement paysager, patrimonial et humain particulièrement sensible. C’est pourquoi, il est apparu souhaitable de réexaminer le projet autoroutier sur cette section ”.

Un communiqué des ministres de l’équipement, de

l’économie, de la culture et de l’environnement en date du 9 mars 1994, annonce la décision, prise après avis du Conseil d’Etat, de mettre à l’enquête une solution de contournement de Langeais par le nord qui se raccorderait au projet initial à Ingrandes de Touraine à l’ouest et à l’est sur l’ouvrage récemment terminé qui franchit la Loire à Cinq Mars la Pile, la DUP de 1991 restant valide pour le reste du tracé.

Cette section de contournement nord de Langeais a été

déclarée d’utilité publique par décret du 5 janvier 1996 nonobstant l’avis défavorable de la commission d’enquête. Les services du ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement indiquent que “ le tracé nord n’est pas exempte d’impacts environnementaux : insertion paysagère délicate liée au double franchissement du coteau, traversée sur le plateau de zones naturelles sensibles dont la vallée de la Roumer, atteinte de quelques parcelles d’appellation contrôlée ” et nécessite des mesures de sauvegarde d’un site archéologique.

La DUP du contournement nord de Langeais fait l’objet d’un

recours contentieux auprès de la Cour européenne de justice pour atteinte à des secteurs biologiques sensibles.

L’autoroute A 85 est ainsi révélatrice des conséquences de

l’insuffisance des études préliminaires. Comme l’indique le ministère de l’environnement, “ il est certain que dans ce dossier préalablement “financé dans le cadre des contrats de plan, où l’avis des élus joue un “grand rôle, les arbitrages de l’Etat n’ont pas été facilités. Toutefois on “peut regretter que des études de faisabilité, des reconnaissances “géotechniques n’aient pas été entreprises dès les études amont. “Outre une meilleure information des élus au moment de la phase de “consultation, elles auraient permis de limiter les impacts sur la “ressource en eau et les dérives financières de ce projet ”. Quel que soit le tracé définitivement retenu, qui est désormais contraint par le tracé retenu en amont et en aval de Langeais, il ne peut que tenter de minimiser les conséquences du choix initial de passage par la Vallée de la Loire dont les incidences n’avaient pas été suffisamment étudiées.

Page 82: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 82

Les sociétés d’autoroutes elles-mêmes auraient tout intérêt à une concertation accrue des administrations dans la phase amont d’étude des projets. L’association des sociétés françaises d’autoroute observe à ce propos dans un rapport de juillet 1996 relatif à la maîtrise des coûts de construction : “ La directive du 27 octobre 1987 (relative “à la construction et à l’aménagement des autoroutes concédées) “indique que l’objectif à atteindre est que le tracé adopté à l’issue des “études préliminaires d’APS ne soit pas remis en cause à l’occasion “de l’instruction mixte à l’échelon central (IMEC). Cet objectif est “primordial mais l’expérience de ces dernières années a montré à “plusieurs reprises qu’il n’était pas toujours atteint. Il apparaît donc “souhaitable, pour éviter des remises en cause ultérieures de la “bande d’étude d’un kilomètre retenue par décision ministérielle, que “les administrations centrales les plus concernées (à définir au cas “par cas par la direction des routes) soient systématiquement “consultées sur la base d’un document formalisant la première phase “des études d’APS et que cette consultation soit formalisée par un “procès-verbal de clôture ... Au cas où il n’y aurait pas de consensus “entre administrations, il serait nécessaire de requérir un arbitrage au “niveau du Premier ministre, mais il ne s’agirait pas d’une perte de “temps par rapport à la situation actuelle, bien au contraire puisque “l’arbitrage interviendrait en amont et économiserait éventuellement “toute la durée d’une étude d’APS sur un tracé qui n’aurait in fine pas “été retenu ”.

A la différence de la procédure en vigueur pour les canaux et

les voies navigables, la déclaration d’utilité publique se suffit à elle-même et n’a pas à être suivie d’autorisations de travaux. Or, d’importantes modifications sont parfois constatées au stade de l’avant projet autoroutier par rapport au projet soumis à l’instruction mixte et présenté à l’enquête publique. C’est pourquoi le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement réclame l’institution d’une procédure d’autorisation globale de travaux postérieure à la DUP.

C. - LA CONCERTATION AVEC LE PUBLIC

Comme on l’a vu précédemment, l’élaboration du schéma

directeur routier a jusqu’à présent donné lieu à la consultation des régions, des comités régionaux des transports et du conseil national des transports mais sans que soit ouvert un véritable débat associant le public et portant sur le parti d’aménagement dans une approche intermodale après analyse des besoins et de la rentabilité économique et sociale des projets.

Page 83: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 83

La concertation reste également insuffisamment développée au stade de l’élaboration des projets.

1° LES DEBATS PREALABLES

Dans une circulaire du 19 décembre 1992, le ministre de l’équipement avait décidé de “ préciser les conditions d’un débat transparent et démocratique pour la conception et la réalisation des grandes infrastructures décidées par l’Etat ”. Cette circulaire, dite circulaire“ Bianco ” s’applique aux lignes ferroviaires à grande vitesse et aux autoroutes sans préjudice d’extension à d’autres grands projets d’infrastructures.

La procédure prévue par la circulaire du 5 décembre 1992

“ Une première phase de débat sur les grandes fonctions de l’infrastructure envisagée doit être organisée dès la conception du projet et en tout cas en amont des études de tracé. Cette phase permettra aux élus, aux forces sociales économiques, associatives, à chaque citoyen de s’informer et de débattre des enjeux économiques, sociaux, environnementaux du projet. Elle doit préciser les interrogations et les divergences ”.

Le débat mené sous la conduite d’un préfet coordonnateur, doit être préalable à l’enquête d’utilité publique et porter sur les grandes fonctions de l’infrastructure dans une approche intermodale : intérêt économique et social, conditions de valorisation de l’aménagement des territoires desservis, impact sur l’environnement humain et naturel des espace traversés, amélioration des conditions de transport de la population.

La circulaire précise que “ lorsque le projet constitue un maillon d’une liaison plus importante ”, le débat doit porter sur l’ensemble de l’itinéraire.

Afin d’assurer la transparence du débat, une commission de suivi, constituée auprès du préfet coordonnateur jusqu’au lancement de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, doit veiller à la qualité et à la pertinence des informations portées à la connaissance du public et à l’existence de débats ouverts et pluralistes. Cette commission peut faire des suggestions pour la conduite des études et de la concertation, doit veiller à ce que les questions posées par des partenaires de la concertation reçoivent en temps utile des réponses argumentées et peut proposer des expertises externes financées par le maître d’ouvrage. Au terme de cette phase de débat, le gouvernement doit arrêter le cahier des charges de l’infrastructure qui définit les finalités du projet, justifie les choix envisagés vis-à-vis des solutions et modes alternatifs, analyse les enjeux d’aménagement et d’environnement et précise les modalités de conduite du projet. Ce document doit être joint au dossier soumis à enquête préalable à la DUP.

La procédure s’applique à “ l’ensemble des projets

(dépassant les seuils fixés par la LOTI) pour lesquels l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique n’a(vait) pas été lancée,

Page 84: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 84

tout en prenant en compte les études et les débats déjà menés ”. Cependant pour l’A 400, le débat “ Bianco ”, bien que demandé par les associations n’avait pas été jugé utile par le ministre de l’équipement ; pour l’A 51, le processus a été interrompu alors que 30 communes en demandaient l’application. La direction des routes indique avoir organisé des débats de ce type “ dès lors que l’administration n’avait pas eu à engager avant la parution de la circulaire des consultations précises sur les tracés avec les populations ”. Elle fait valoir que dans les cas précités le ministre de l’équipement avait déjà arrêté le fuseau du kilomètre. Pour autant, la fixation de ce fuseau est déterminé au terme de l’étude préliminaire d’avant-projet sommaire bien avant l’enquête d’utilité publique citée par la circulaire “ Bianco ”, à un stade où il n’y a pas eu de concertation avec le public au sens de ladite circulaire mais seulement avec les services administratifs locaux, les représentants des principaux intérêts économiques et les élus (parlementaires, conseillers généraux et maires) 57.

La qualité des débats organisés en application de la circulaire

“ Bianco ” est contestée par les services du ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement. Un rapport de la cellule prospective et stratégie du ministère, sur le thème “ débat public et infrastructures de transport ”, de juillet 1996 observe notamment que le champ du débat est fréquemment restreint, sans réel examen de propositions alternatives. Surtout, le niveau juridique du texte, une simple circulaire, est peu contraignant.

La loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la

protection de l’environnement confère force législative à l’organisation d’un débat public en amont des décisions d’aménagement. Elle prévoit la création d’une commission nationale du débat public qui peut être saisie par les ministres et notamment par le ministre de l’environnement, par au moins vingt députés ou vingt sénateurs et par les conseils régionaux territorialement concernés par le projet ainsi que par les associations agréées de protection de l’environnement exerçant leur activité sur l’ensemble du territoire national. En outre, un conseil départemental de l’environnement doit être institué dans chaque département. Des comités régionaux similaires peuvent être créés.

Le décret d’application sur les conseils départementaux n’est

pas publié. Quant à la commission nationale du débat public, il a fallu

57 Ministère de l’équipement - Direction des routes - Circulaire du 27 Octobre 1987.

Page 85: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 85

attendre le 10 mai 1996 pour qu’intervienne le décret d’application qui indique que la procédure de débat public est applicable à l’ensemble des opérations présentant un fort enjeu socio-économique ou ayant un impact significatif sur l’environnement. La commission n’a été installée que le 4 septembre 1997. Elle a ouvert ses travaux par l’examen du dossier du port du Havre et a été saisie par des parlementaires du projet A 32 de doublement de l’autoroute A 31 (Metz-Nancy). Les dispositions de la loi du 2 février 1995 ne sont toutefois toujours pas prises en compte par les circulaires de la direction des routes définissant les procédures. La circulaire du 11 mars 1996, intervenue avant le décret d’application de la loi du 2 février 1995, se borne à évoquer la nécessité d’adapter à l’avenir les circulaires de la direction des routes

2° L’ENQUETE PUBLIQUE

Jusqu’à présent, la consultation du public n’intervient

systématiquement qu’à un stade avancé du processus de décision, celui de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique alors que les principaux choix ont d’ores et déjà été arrêtés. A ce stade une bande de terrain de 300 mètres a déjà été déterminé par arrêté ministériel. Le rapport d’évaluation sur l’enquête publique58 établi par Mme Bouchardeau, ancien ministre, à la demande du ministre de l’environnement en 1993, soit dix ans après la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement, constate les limites de cette procédure compte tenu de l’ambiguïté du rôle du commissaire enquêteur et des résistances de l’administration et des maîtres d’ouvrages à communiquer les expertises. Ce rapport signale qu’en violation des dispositions du décret du 23 avril 1985, les commissaires enquêteurs se sont vu refuser la communication de documents. Un rapport de 1996 de la cellule de prospective et stratégie du ministère de l’environnement relève de même que dans le cas de l’A 8 bis les experts nommés par le préfet n’ont pas pu obtenir de l’administration le dossier d’évaluation économique et sociale du projet pourtant prévu par la LOTI. Surtout le rapport observe que l’enquête se place à un stade où le processus d’élaboration du projet touche à sa fin et où ses principales caractéristiques sont déjà fixées.

58 Rapport de Mme Bouchardeau, ancien ministre.

Page 86: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 86

D. - LE FRACTIONNEMENT DES PROJETS

La procédure d’instruction et de déclaration d’utilité publique des liaisons autoroutières est fractionnée par section. Cette pratique s’explique par l’ampleur des dossiers autoroutiers, l’importance des dépenses à engager et les degrés différents d’avancement des études sur les différents tronçons envisagés. Mais elle peut porter préjudice à la rationalité et à la transparence des décisions comme en témoigne le cas de l’autoroute A 51.

Ce dossier illustre les conséquences négatives de décisions

successives prises sans concertation suffisante sur le projet global. En effet, la procédure d’enquête publique est morcelée par tronçon et le schéma-directeur routier qui présente l’ensemble de la liaison ne donne lieu qu’à une concertation restreinte.

Le principe de la construction d’un axe Genève, Grenoble,

Sisteron, Marseille, a été inscrit aux schémas directeurs de 1988 et 1992. L’autoroute A51 se situe dans la continuité de l’autoroute A 39. Le schéma routier de 1992 indique qu’elle a vocation à délester l’axe A 6 – A 7 tout en irriguant de nouvelles régions. Le schéma directeur du 1er avril 1992 a fixé comme priorité la réalisation des autoroutes A 75 et A 51 dont la fonction première est d’être des itinéraires alternatifs à la vallée du Rhône, les prévisions de trafic indiquant une saturation de l’axe A 6 – A 7 avec à l’horizon 2010, 60 000 à 70 000 véhicules jour (100 à 140 000 en période estivale). La section Marseille-Sisteron a été mise en service en juin 1991. Les travaux de construction sont en cours sur la section Grenoble - Col du Fau, déclarée d’utilité publique le 31 décembre 1993.

Dans un arrêt du 10 novembre 1995, le Conseil d’Etat a rejeté

la demande d’annulation de la déclaration d’utilité publique de la section Grenoble-Col du Fau au motif notamment qu’elle “ constitue un ouvrage autonome et que ni l’article R 11-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ni aucune autre disposition n’imposait que fut soumise à enquête la totalité du projet futur de cette autoroute ”. Si l’administration n’était pas juridiquement tenue à l’époque59 de soumettre à enquête publique la totalité de la liaison, pour autant une analyse d’ensemble eut été de bonne politique.

Reste, en effet, le problème de la section médiane (Col du

Fau - La Saulce) dont le dossier a été mis à l’étude postérieurement aux autres sections dont il constitue pourtant le maillon central. A 59 Le décret du 25 Février 1993 a modifié sur ce point les textes (voir ci-après).

Page 87: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 87

l’issue d’une première phase de consultation des élus locaux en janvier 1988 et à la demande de ceux-ci, le ministre de l’équipement a décidé en avril 1988 de retenir l’option par Gap. Cette option a été confirmée en janvier 1989.

Après avoir reçu en novembre 1990, les principaux élus des

Hautes-Alpes, le ministre de l’équipement a décidé de retenir : le principe d’un barreau autoroutier Sisteron-La Bâtie Neuve, le lancement rapide des études et des procédures sur cette section ainsi que sur la section Grenoble-Col du Fau, et l’approfondissement sur la section médiane des études comparatives entre le passage par le col de la Croix Haute et le passage par Gap. Après une nouvelle concertation avec les élus locaux, les acteurs socio-économiques et les associations de protection de l’environnement, le ministre a confirmé en décembre 1991 le tracé par l’est de Gap et décidé le lancement rapide des procédures sur les sections Grenoble-Col du Fau et Sisteron-La Saulce pour satisfaire les demandes des élus locaux.

Cependant, comme l’indique la direction des routes, “ les

études qui ont été engagées sur ces orientations ont mis en évidence certaines difficultés pour la recherche d’un tracé à l’est de Gap ainsi qu’une moins bonne attractivité de ce point d’aménagement vis-à-vis de l’autoroute A 7 ”.

Le tracé retenu pour des raisons d’aménagement du territoire,

diminue fortement l’intérêt du projet comme itinéraire de délestage de la vallée du Rhône (mais il est vrai que l’on peut s’interroger sur la nécessité de deux itinéraires de délestage puisque l’A 75 remplit cette fonction à l’ouest du Rhône). De surcroît, le dossier d’étude d’impact souligne l’importance des contraintes topographiques et géologiques et la sensibilité des tracés envisagés du point de vue paysager et environnemental. Ce projet exigerait la construction d’une centaine d’ouvrages dont 25 “ pas courants ” (22 viaducs dont le viaduc sur l’Ebron qualifié d’“ ouvrage tout à fait exceptionnel ” et 3 tunnels) en terrain particulièrement difficile. L’étude d’impact met notamment en évidence des difficultés géologiques (érosion, glissements de terrain, difficultés de fondation des viaducs). Par ailleurs, le tracé prévu traverse des espaces à forte sensibilité écologique et paysagère (milieux aquatiques sensibles, habitats remarquables au sens de la directive européenne “ habitat ”, ZICO60 de la Durance, ZNIEFF61). Le

60 ZICO : zone d’importance communautaire pour les oiseaux. 61 Une dizaine de ZNIEFF (zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique) sont situées dans la zone d’étude.

Page 88: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 88

plateau Bayard, par exemple, présente 50 % des espèces d’orchidées recensées en France.

Le rapport sur la politique française des transports terrestres

dans les Alpes remis en mars 1998 par le Conseil général des ponts et chaussées recommande de “ remettre à plat ” les études d’ici fin 1999 en portant au même degré de précision que la solution par l’est de Gap l’examen d’un passage par Lus-la-Croix-Haute et l’aménagement progressif de la N 75 en autoroute à péage ouvert ainsi qu’en prenant en compte le problème du contournement de Grenoble62 et la desserte de Gap et des stations alpines. Il souligne la nécessité de réduire les coûts par rapport au projet initial (9,6 milliards de francs dont 6 milliards de francs devrait faire l’objet d’une subvention de l’Etat), en envisageant par exemple une infrastructure réservée à la circulation des véhicules légers, le tracé (100 km à plus de 800 m d’altitude) apparaissant de toute façon peu adapté au trafic des poids lourds.

Compte tenu de ce constat, les ministres concernés ont

convenu de relancer l’étude de solutions alternatives au projet actuel dans une approche globale sur l’Arc alpin, selon une perspective multimodale et d’aménagement du territoire et se sont engagés à procéder à une large concertation préalable à toute prise de décision.

On peut regretter et s’étonner que de telles analyses et

concertations n’aient pas été faites plus tôt et que les difficultés posées par la section centrale du projet de liaison autoroutière Grenoble - Marseille n’aient pas été prises en compte dès la conception dudit projet. Les décisions de déclaration d’utilité publique des sections Marseille - Sisteron et Grenoble - Col de Fau ont, en effet, été prises sur la base d’études de rentabilité socio-économique fondées sur des hypothèses de trafic conditionnées par la réalisation de l’ensemble de la liaison.

Le décret du 25 février 1993 relatif aux études d’impact et au

champ d’application des enquêtes publiques a apporté au décret du 12 octobre 1977 des modifications visant à réduire les inconvénients

62 La réalisation de la tangentielle nord-sud de Grenoble (dont le coût provisionnel est estimé à 6 milliards de francs) a été prise en compte dans la situation de référence mais non dans le projet alors que cette tangentielle ne sera nécessaire que si l’A 51 est construite. La mission recommande en conséquence de considérer le projet dans son ensemble et préconise une solution moins coûteuse pour le contournement de Grenoble.

Page 89: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 89

d’un tel découpage des projets. Il dispose que “ lorsque la réalisation d’un programme est échelonnée dans le temps, l’étude d’impact de chacune des phases de l’opération doit comporter une appréciation des impacts de l’ensemble du programme ”. Encore faut-il que l’étude d’impact sur les autres portions de l’itinéraire soit suffisamment détaillée pour éclairer utilement la prise de décision. Plus encore, faut-il que la notion de “ programme ” apparaisse c’est-à-dire, en l’occurrence, que la liaison autoroutière, objet de l’enquête publique, soit mise en perspective. Or l’examen de la carte des autoroutes en construction ou en projet amène à s’interroger sur certaines sections qui s’interrompent sans logique apparente, comme par exemple pour l’A 87 l’antenne de Mauléon et la bretelle de Peyhorade sur la section Pau-Bayonne de l’A 64-E 89.

De surcroît, s’agissant du réseau non concédé, les

aménagements consistent, compte tenu des contraintes budgétaires, en une succession d’opérations dont la Cour relevait en 1992 que la cohérence n’était pas toujours assurée. Depuis cette date, une procédure dite d’avant-projet sommaire d’itinéraire (APSI) définie par une circulaire du 15 novembre 1991 est appliquée au réseau des LACRA et des GLAT en vue d’examiner l’aménagement d’une liaison dans son ensemble. Réalisés globalement par itinéraire, les APSI prennent en compte les aspects fonctionnels, socio-économiques et d’environnement et ont vocation à définir à échéance de 15 ans, le parti d’aménagement ainsi que les tracés correspondants. Cette procédure se déroule en deux phases. Paradoxalement la procédure suivie pour définir le parti d’aménagement d’ensemble est totalement déconcentrée. La seconde phase porte sur les projets, en général calibrés selon les tranches de financement, et relève souvent d’une procédure d’IMEC. Le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement regrette que les choix stratégiques relatifs au parti d’aménagement ne soient pas discutés au niveau central.

Pour la vallée de l’Ariège qui se situe sur le projet d’axe

européen E 9 Toulouse-Barcelone inscrit au schéma routier transeuropéen, le parti d’aménagement arrêté par décision ministérielle le 8 novembre 1993 après une étude d’APSI porte sur une autoroute Toulouse-Pamiers, une route express à 2 x 2 voies sur la liaison Pamiers-Ax et au-delà des aménagements (contournement de villages ...). Par ailleurs, le tunnel de Puymorens concédé à la société des ASF a été mis en service en octobre 1994. Si le degré d’avancement des opérations, leur financement pour certaines au titre d’un contrat de plan Etat-régions, et leur fonctionnalité ont conduit à des procédures d’enquêtes publiques distinctes, une étude socio-économique de l’ensemble du projet a été menée.

Page 90: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 90

En outre, le découpage des projets a parfois eu lieu en

violation des dispositions de la LOTI relatives à l’obligation d’évaluation des grands projets d’infrastructure.

En revanche, la procédure suivie pour la liaison entre Pau et

le Somport illustre les conséquences préjudiciables d’une insuffisante cohérence dans l’aménagement d’un axe même si, à la suite d’une mission d’expertise menée en 1993, un cahier des charges a été toutefois approuvé par les ministres de l’équipement et de l’environnement le 14 janvier 1994 afin d’assurer un fil directeur pour les aménagements de la RN 134 et les mesures de protection de l’environnement et d’insertion paysagère63.

Pour cette liaison, qui se situe sur l’axe européen E7, ont été

examinés de façon disjointe le projet d’autoroute Pau-Oloron, qui paraît s’inscrire dans la perspective d’une liaison Bordeaux-Pau inscrite au schéma transeuropéen de transport mais qui ne figure pas au schéma directeur routier de 1992, un réaménagement de la RN 134 - que, compte tenu de la sensibilité de l’environnement de la vallée d’Aspe, les pouvoirs publics se sont engagés à limiter à un élargissement de la route à deux voies avec exceptionnellement trois voies - et le percement du tunnel routier international du Somport. Le dossier soumis à l’enquête publique pour le tunnel n’a pas comporté d’évaluation socio-économique assortie d’une étude intermodale sur les partis d’aménagement. La direction des routes a considéré que le coût du projet était inférieur au seuil à partir duquel la LOTI rend cette évaluation obligatoire (525 MF à l’époque en ne prenant en compte que les finanements à la charge de la France). Pour un coût total de 1 100 MF, la charge à payer était répartie entre la France et l’Espagne au prorata de la longueur des sections du tunnel situées sur leur territoire, soit 370 MF pour la France. La première DUP du tunnel prise par arrêté préfectoral du 13 août 1991 a été annulée pour insuffisance de l’étude d’impact qui n’avait pas pris en compte les effets indirects de la réalisation du tunnel, contrairement à ce que prévoyaient le décret de 1977 sur les études d’impact et la directive communautaire 85/337/CEE. Une nouvelle DUP a été prise par décret du 18 octobre 1993 après une étude d’impact portant sur l’ensemble du programme tunnel - RN 134 - Pau-Oloron.

63 Les problèmes rencontrés sur différentes sections ont conduit les ministres à confier en mai 1998 au Conseil général des ponts et chaussées une mission d’évaluation de la mise en oeuvre dudit cahier des charges.

Page 91: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 91

Le Conseil d’Etat a annulé le 23 octobre 1998 le décret du 6 septembre 1995 déclarant d’utilité publique les travaux d’aménagement (en partie réalisée) de la section de la RN 134, reliant Urdos et Les Forges d’Abel, en l’absence de mise en oeuvre des dispositions de la LOTI. En effet, aux termes de l’article 2 du décret du 17 juillet 1984 pris pour l’application de la LOTI, le seuil de 545 MF à partir duquel il est obligatoire d’établir une évaluation “ sur la base de critères homogènes permettant de procéder à des comparaisons à l’intérieur d’un même mode de transport et entre différents modes ou combinaisons de mode ” doit, lorsqu’un projet est susceptible d’être réalisé par tranches successives, être apprécié au regard de la totalité du projet et non de chacune de ses tranches et l’évaluation doit être préalable à la réalisation de la première tranche. En l’occurrence, le Conseil d’Etat a jugé que : “ alors même qu’il se décomposait en plusieurs opérations distinctes, le projet de réaménagement de la RN 34 entre Oloron et les Forges d’Abel devait être regardé comme un grand projet d’infrastructure au sens des dispositions précitées de la loi du 30 décembre 1982 et du décret du 17 juillet 1984 ”. Or le dossier soumis à l’enquête publique pour les travaux à exécuter entre Urdos et les Forges d’Abel ne comportait pas l’évaluation prescrite.

Les hypothèses de trafic présentées au public ont fluctué. Les

études de 1988 sur le tunnel du Somport, prévoyaient à l’horizon 2013, 3 740 véhicules/jour dont 1 060 poids lourds au tunnel. En 1992 une nouvelle étude de trafic menée par le CETE de Bordeaux pronostiquait à ce même horizon 2013, 2 400 véhicules/jour dans le tunnel dont 500 poids lourds et dans la vallée d’Aspe (à la hauteur de Bedous) 5 600 véhicules/jour dont 630 poids lourds. L’étude de trafic menée en 1993 pour la deuxième enquête publique du tunnel indiquait une estimation de 800 poids lourds au tunnel. Ces études prenaient en compte la réalisation de l’autoroute Langon-Pau non inscrite au schéma directeur. La nouvelle estimation du SETRA qui revoit à la baisse les prévisions repose sur la non réalisation de cette liaison. Les estimations pour 2015 ainsi établies seraient d’au plus 5 000 véhicules/jour dans la vallée d’Aspe dont 14 % de camions. En 1996, le trafic dans la vallée d’Aspe passait de 5 900 véhicules/jour pour la section Oloron-Asasp à 800 véhicules/jour pour la section Urdos-Col du Somport.

La direction des routes en conclut “ qu’aujourd’hui rien ne

permet d’affirmer que la vallée d’Aspe sera transformée en un couloir à camions ” comme le craignent les associations de protection de

Page 92: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 92

l’environnement64. Pour autant, si les estimations ont été revues à la baisse par le SETRA, l’impact d’un trafic moyen journalier de 700 poids lourds (soit près d’un par minute sur la base de la durée journalière moyenne de circulation des poids lourds retenue par le SETRA65) ne saurait être mésestimé. Ce trafic serait certes bien moindre que ceux enregistrés en 1997 aux tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus qui ont vu passer chacun quelque 2 100 poids lourds/jour mais la vallée d’Aspe est particulièrement étroite. Par ailleurs, les projections du SETRA ne prennent pas en compte le projet d’autoroute A 65 Langon-Pau non inscrit au schéma directeur de 1992 mais mis à l’étude et s’inscrivant dans la perspective de l’axe E 7 du schéma de transport routier transeuropéen.

L’on perçoit mal la cohérence du dispositif alors que la France

a fait inscrire l’axe Bordeaux-Pau-Oloron au schéma transeuropéen de transport et que la directive du Parlement européen et du conseil européen sur “ les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport ” (23 juillet 1996) dispose que le réseau routier transeuropéen doit garantir aux usagers “ un niveau de services, de confort et de sécurité élevé, homogène et revêtant un caractère de continuité ”.

II. - LES ETUDES PREALABLES

Le dossier soumis à enquête publique synthétise l’ensemble des études préalables. En application de la loi de 1976 modifiée sur la protection de la nature. Il doit comprendre une étude d’impact sur l’environnement ainsi qu’une évaluation économique et sociale dont l’objet est notamment de procéder, comme le prévoit la LOTI à des comparaisons à l’intérieur d’un même mode de transport et entre différents modes ou combinaisons de modes.

A. - L’ETUDE D’IMPACT

En adoptant le 12 octobre 1977, en application de la loi de 1976 sur la protection de la nature, le décret sur les études d’impact, 64 Fédération des Clubs alpins français, Amis de la nature, Association pour le respect du site du Mont-Blanc, CIPRA France, Fédération nationale des associations d’usagers des transports, France nature environnement, Initiative Transport Europe, Mountain Wilderness. Rapport “ transport international en montagne - sortir de l’impasse ” - mai 1997. 65 Durée estimée à 18,2 heures par le guide des études de trafic interurbain établi en Mai 1992 par le SETRA.

Page 93: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 93

la France était le premier pays d’Europe à se doter d’une telle réglementation qui correspondait à une pratique que les Etats-Unis avaient instaurée dès 1969.

Page 94: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 94

L’étude d’impact doit présenter successivement :

- une analyse de l’état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ;

- une analyse des effets sur l’environnement et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, les milieux naturels et les équilibres biologiques et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l’hygiène et la salubrité publique ainsi que, depuis le décret du 25 février 1993 qui transpose en droit français la directive du conseil des Communautés européennes du 27 juin 1985 “ concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ”, sur le sol, l’eau, l’air, le climat, la protection des biens et le patrimoine culturel ;

- les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d’environnement, le projet présenté a été retenu parmi les partis envisagés ;

- les mesures envisagées par le maître d’ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables sur l’environnement ainsi que l’estimation des dépenses correspondantes.

Lors du colloque sur le 20è anniversaire des études d’impact

(18 novembre 1997), le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, indiquait que “ sur le plan quantitatif, la France est championne d’Europe puisqu’elle produit plus de 5 000 études d’impact par an soit autant que tous les autres pays de la communauté ”66. Cependant le dispositif présente diverses insuffisances.

Le champ des thèmes abordés dans l’étude d’impact a suivi

l’évolution de la réglementation en matière d’environnement même si les textes fondateurs de l’étude d’impact (loi de 1976 et décret du 12 octobre 1977) avaient donné dès le départ à celle-ci le contenu le plus large.

66 Tous projets soumis à étude d’impact confondus dont pour l’essentiel les installations classées et les infrastructures de transport.

Page 95: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 95

Dans les dossiers des études d’impact relatives à l’ A 86, l’ A 89, l’ A 51, l’ A 75, les études détaillées ne concernent que le tracé retenu au stade de l’avant-projet sommaire et non les variantes primitivement envisagées qui font seulement l’objet d’un rappel synthétique. Par ailleurs, elles ne portent que sur les seuls tracés autoroutiers et ne comprennent pas d’analyse de l’incidence des emprunts (extractions de matériaux) corrélés à sa construction, non plus d’ailleurs que de celle des dépôts sauf lorsque ceux-ci sont effectués sur l’emprise de l’autoroute. De surcroît, les études ne prennent pas en compte, sauf de façon allusive, l’incidence des travaux connexes et des remembrements dont l’impact est, le plus souvent, bien supérieur à celui du tracé autoroutier stricto sensu. Les observations a posteriori font ainsi ressortir que l’impact sur l’environnement est largement sous-estimé par les études préalables (voir chapitre III).

Le décret du 23 février 1993 qui modifie le décret du

12 octobre 1977, a explicitement précisé, conformément à la directive du conseil des Communautés européennes du 27 juin 1985 “ concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ”, que l’analyse devait porter sur les effets induits et indirects, temporaires et permanents du projet sur l’environnement. Comme l’indique la circulaire d’application du 27 septembre 1993, “ ces notions ne définissent pas à proprement parler des exigences nouvelles, elles constituent plutôt une explication dont l’énoncé doit conduire les auteurs de l’étude d’impact à traiter de manière exhaustive la nature, l’intensité, l’étendue et la durée de tous les impacts d’un projet ”.

La circulaire du 27 septembre 1993 souligne que “ l’étude

d’impact ne doit pas se limiter aux seuls effets directement attribuables aux travaux et aménagements projetés. Elle doit aussi tenir compte des effets indirects, notamment de ceux qui résultent d’autres interventions destinées à prolonger ou corriger les conséquences directement imputables à la réalisation des travaux. Ces effets indirects sont généralement différés dans le temps et dans l’espace. Un des exemples les plus courants est celui des impacts paysagers et écologiques liés au réaménagement agricole et rural des territoires traversés par une infrastructure linéaire et notamment provoqués par les travaux connexes qui accompagnent le remembrement. Il ne s’agit pas à ce stade de détailler les impacts du remembrement avec le même degré de précision que dans la procédure de remembrement proprement dite mais d’indiquer, en fonction de l’ampleur des travaux prévisibles et de la sensibilité des milieux concernés, les enjeux écologiques et les risques potentiels liés à un remembrement et à ses travaux connexes dans les

Page 96: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 96

territoires concernés... La circulaire rappelle par ailleurs que “ les impacts liés à l’extraction et au transport des matériaux nécessaires à la construction des ouvrages doivent être traités dans l’étude d’impact de l’aménagement principal, au même titre que ceux qui sont liés notamment au traitement et au stockage des déchets, au dépôt de matériaux résiduels ... ”.

La circulaire du 11 mars 1996 de la direction des routes,

l’instruction jointe et le guide du SETRA sur “ les études d’environnement dans les projets routiers ” reprennent ces directives.

Pour autant, le ministère de l’aménagement du territoire et de

l’environnement estime que “ l’analyse des effets directs et indirects reste faible lorsqu’elle n’est pas quasiment inexistante.. ”. Il observe “ que cette sous-estimation des effets à long terme est particulièrement nette dans le cas des infrastructures en agglomération, dont l’impact sur l’étalement urbain et sur la mobilité n’est pas pris en compte ”.

Comme on l’a noté précédemment, le rapport sur la politique

française des transports terrestres dans les Alpes souligne quant à lui que, dans les zones les plus fragiles, les études actuelles ne prennent pas en compte les effets cumulatifs particulièrement forts dans les zones de montagne car les inversions de température constituent de véritables barrières à l’ascension verticale des polluants 67. Une étude financée par l’ADEME, les collectivités territoriales et l’ATMB fait ainsi apparaître que la haute vallée de l’Arve (Chamonix) subit des émissions d’ozone et de suies qui dépassent les normes internationales. En outre, en raison de difficulté de répertorier les effets externes et d’en prévoir l’ampleur, le rapport préconise de recourir au principe de précaution fondé sur la notion de risque.

De même, la mise en œuvre de l’article 19 de la loi sur l’air du

30 décembre 1996 se révèle laborieuse. Cet article prescrit que l’étude d’impact doit être complétée “ par une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu’une évaluation des consommations énergétiques résultant de l’exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu’elle entraîne ou permet d’éviter ”. Cette disposition reste encore inégalement appliquée.

67Association pour le contrôle de la pollution de l’air de la région de Grenoble. Etudes d’investigations de la qualité de l’air sur le département de la Haute-Savoie - résultats de la campagne de mesures effectuées du 23 Mars 1995 au 3 Juillet 1996.

Page 97: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 97

Or, comme il a été noté précédemment, l’administration centrale du ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement n’est pas à même de contrôler le contenu de l’étude d’impact avant qu’elle soit soumise à l’enquête publique. Le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement a ainsi observé à diverses reprises dans des avis émis dans le cadre de l’IMEC que l’étude présentée à l’enquête était incomplète. L’avis du 23 juin 1998 sur la bretelle autoroutière A 645 du Val d’Aran (Haute-Garonne), par exemple, indique que “ l’analyse de la réalisation de l’A 645 est systématiquement renvoyée aux études d’APA ”.

L’échelle du projet est, au demeurant, inadaptée au regard de

certaines incidences sur l’environnement (effets cumulatifs ou globaux) comme la pollution de l’air et surtout l’impact sur le climat. L’obligation de prendre en compte ces incidences, posée par le décret de 1993, résulte, là encore, de la transposition de la directive communautaire précitée. Mais la réflexion au niveau du projet n’est pas à l’échelle du problème. Comme le soulignait la ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement le 18 novembre 1997 lors du colloque sur le 20ème anniversaire des études d’impact, “ si l’on veut prendre effectivement en compte les effets globaux - je pense tout particulièrement à la veille de Kyoto, à l’effet de serre - il convient d’agir en amont à des stades stratégiques de planification ”.

Ainsi que le souligne un rapport du ministère de

l’environnement de 1995 sur l’évaluation environnementale des politiques, plans et programmes, “ en matière d’aménagement et d’ouvrages, les études d’impact permettent d’améliorer marginalement les choix géographiques et techniques, mais très rarement de les remettre en question ”. En 1992, un rapport du Conseil général des ponts et chaussées recommandait la prise en considération des préoccupations d’environnement “ dès les premiers stades de la planification puis de manière continue à mesure de l’étude, de la mise au point et de l’exécution du projet ”68.

La loi sur l’air du 30 décembre 1996 complète la LOTI du

30 décembre 1982 en indiquant que les schémas directeurs d’infrastructures de transport doivent comprendre une analyse globale des effets sur l’environnement et sur la santé. Cette approche est déjà mise en oeuvre en Allemagne où, lors de l’élaboration du schéma national de transports, une évaluation des risques écologiques est effectuée pour les projets routiers de plus de 10 km ou dont le coût

68 Rapport du groupe de travail “ Transports et environnement ”.

Page 98: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 98

dépasse 350 MF et vient compléter les études socio économiques. Un ratio coût/avantage est calculé pour chaque projet ; seuls les projets dont le ratio est supérieur à un peuvent être inscrits au schéma. Le projet d’une autoroute entre Pirmasens et Landau en Rhénanie-Palatinat, qui devait traverser une forêt, a ainsi été abandonné.

Un projet de directive européenne vise à généraliser le

recours aux études stratégiques d’impact sur l’environnement, applicables non plus aux seuls projets d’infrastructures mais aussi aux plans et programmes nationaux, en s’inspirant de la pratique développée aux Etats-Unis.

B. - L’EVALUATION ECONOMIQUE ET SOCIALE

La LOTI prévoit dans son article 14 que “ les choix relatifs aux

infrastructures, équipements et matériels de transport et donnant lieu à financement public, en totalité ou partiellement, sont fondés sur l’efficacité économique et sociale de l’opération. Ils tiennent compte des besoins des usagers, des impératifs de sécurité, des objectifs du plan de la Nation et de la politique d’aménagement du territoire, des nécessités de la défense, de l’évolution prévisible des flux de transports nationaux et internationaux et plus généralement des coûts économiques réels et des coûts sociaux ”. La LOTI précise que “ les grands projets d’infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes permettant de procéder à des comparaisons à l’intérieur d’un même mode de transport et entre différents modes ou combinaisons de modes ”. Ces évaluations doivent être rendues publiques avant l’adoption définitive des projets. Le décret du 17 juillet 1984 a précisé le champ de cette évaluation et les principaux éléments qu’elle doit comporter.

L’évaluation des grands projets d’infrastructure

L’article 4 du décret du 17 juillet 1984 indique que “ l’évaluation

des grands projets d’infrastructures comporte : - Une analyse des conditions et des coûts de construction,

d’entretien, d’exploitation et de renouvellement de l’infrastructure ; - une analyse des conditions de financement et, chaque fois que

cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière ; - les motifs pour lesquels, parmi les partis envisagés par le

maître d’ouvrage, le projet présenté a été retenu ; - une analyse des incidences de ce choix sur les équipements de

transport existants ou en cours de réalisation, ainsi que sur leurs conditions d’exploitation, et un exposé sur sa compatibilité avec les schémas directeurs d’infrastructures applicables ;

Page 99: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 99

- le cas échéant, l’avis prévu à l’article 1869. L’évaluation des grands projets d’infrastructures comporte

également une analyse des différentes données de nature à permettre de dégager un bilan prévisionnel, tant des avantages et inconvénients entraînés, directement ou non, par la mise en service de ces infrastructures dans les zones intéressées que des avantages et inconvénients résultant de leur utilisation par les usages. Ce bilan comporte l’estimation d’un taux de rentabilité pour la collectivité calculée selon les usages des travaux de planification. Il tient compte des prévisions à court et à long terme qui sont faites, au niveau national ou international, dans les domaines qui touchent aux transports, ainsi que des éléments qui ne sont pas inclus dans le coût du transport tels que la sécurité des personnes, l’utilisation rationnelle de l’énergie, le développement économique et l’aménagement des espaces urbain et rural. Il est établi sur la base de grandeurs physiques et monétaires ; ces grandeurs peuvent ou non faire l’objet de comptes séparés.

Les diverses variantes envisagées par le maître d’ouvrage d’un

projet font l’objet d’évaluation particulières selon les mêmes critères. L’évaluation indique les motifs pour lesquels le projet présenté a été retenu ”.

La Cour a constaté que ni la rentabilité économique et sociale

ni la rentabilité financière des investissements autoroutiers ne sont correctement évaluées.

1° LA RENTABILITE ECONOMIQUE ET SOCIALE

En 1992, le rapport de la Cour avait relevé les fortes

disparités, allant parfois du simple au triple, entre les évaluations de la direction des routes et de la direction de la prévision et souligné la nécessité d’une rénovation concertée des outils de calcul économique, fondée sur une transparence des méthodes et des hypothèses de travail (projections de trafics notamment) qui conditionnent, dans une large mesure, les résultats. Il soulignait en outre l’insuffisante quantification des effets induits, et faisait observer

69 Aux termes de cet article, tout grand projet d’infrastructures doit être compatible avec les schémas directeurs d’infrastructures correspondants lorsqu’ils existent. Lorsqu’un tel projet affecte l’économie générale d’un ou de plusieurs schémas directeurs, il est soumis aux autorités qui les ont adoptés. Celles-ci disposent d’un délai de trois mois pour donner leur avis ; cet avis ou mention de la demande d’avis restée sans réponse est inséré dans le dossier d’évaluation. L’adoption du projet entraîne la mise en révision du ou des schémas directeurs d’infrastructure.

Page 100: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 100

notamment que “ la relation de cause à effet entre infrastructures routières et aménagement du territoire est toujours invoquée : elle est rarement théorisée et, en tout cas, elle n’est pas clairement établie. La fréquence de l’argumentation a pour contrepartie la faiblesse de la preuve quantifiée après réalisation ”.

La Cour avait recommandé d’exposer “ publiquement,

clairement et complètement ” les techniques et les modèles qui auraient été retenus par consensus après confrontation et examen critique des méthodes et des résultats. Elle avait, sur ce point noté l’orientation annoncé par la direction des routes “ vers une plus grande transparence des calculs, une mise à jour du modèle et l’appel à des expertises extérieures ”. En dépit des améliorations apportées par différentes instructions jusqu’à celle du 20 octobre 1998 70, le constat de la Cour reste très largement d’actualité.

Le bilan pour la collectivité, obtenu par sommation des bilans

des différents agents, résulte de la comparaison de l’avantage net global du scénario d’aménagement (calculée sur la durée de vie de l’opération prise égale à l’infini) à son coût d’investissement.

Comme pour l’étude d’impact, certaines limites tiennent au

stade auquel intervient l’évaluation. Ainsi que le soulignent une instruction provisoire de novembre 1997 et celle du 20 octobre 1998, “ l’évaluation concerne l’évaluation du projet ; aussi ne traite-t-elle pas des enjeux globaux tels que l’organisation spatiale, la mobilité et le développement durable dont la prise en compte s’opère au niveau de l’évaluation globale de la politique des transports et d’aménagement du territoire dans laquelle s’inscrit l’évaluation du projet ”. En fait, en l’absence d’évaluation stratégique des plans des schémas directeurs de transport, les effets cumulatifs et globaux n’ont jusqu’à présent pas été pris en compte.

Il apparaît que les conditions dans lesquelles les études sont

faites présentent des irrégularités et ne garantissent pas leur objectivité. De surcroît, les paramètres et les évaluations retenues pour le calcul des avantages des projets semblent sur bien des points contestables cependant que leurs coûts se révèlent sous-estimés.

70Qui applique au mode routier l’instruction cadre du ministre de l’équipement du 3 octobre 1995 relative aux méthodes d’évaluation économique des grands projets d’infrastructure de transport.

Page 101: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 101

a) Les conditions de réalisation des études

Au stade amont de la procédure qui précède la déclaration

d’utilité publique et la désignation du concessionnaire, la responsabilité des études incombe à deux catégories de services du ministère chargé de l’équipement : le service d’études techniques des routes et autoroutes (SETRA) et les Centres d’étude technique de l’équipement (CETE)71 sur lesquels le SETRA exerce, en principe, une tutelle technique.

L’enquête de la Cour a fait apparaître que de nombreuses

études de trafic avaient été confiées par le SETRA à des sociétés privées, y compris pour la modélisation de scénarios d’aménagement du réseau routier national.

Pour les deux marchés de prévision de trafic attribués en

1995 et 1996 qui portent sur des enjeux majeurs : la modélisation du réseau routier national, et les prévisions de trafic à l’horizon 2015 en vue de la révision du schéma directeur routier national, la procédure suivie par le SETRA a été marquée par de nombreuses anomalies : les délais de publicité ont été anormalement courts (dix jours au plus et ce en pleine période estivale alors que le code des marchés publics fixe un délai minimum de 21 jours) et n’ont permis la présentation que d‘un petit nombre de candidatures. Il n’y a pas eu d’appels d’offres72 et, au-delà, de réelle mise en concurrence. Si un appel public à candidatures a bien été organisé, le SETRA n’a consulté à chaque fois qu’une seule et même société après avoir éliminé les autres candidats. La société retenue n’est pas un bureau d’études indépendant mais est liée à un grand groupe de travaux publics. Pour le marché portant sur les prévisions de trafic en vue de la révision du schéma directeur national, le SETRA a écarté les offres de trois entreprises malgré les compétences reconnues d’au moins deux

71 Les CETE sont au nombre de sept (Nord-Picardie, Est, Normandie-Centre, Ouest, Sud-Ouest, Lyon, Méditerranée). Leur mission est assurée en Ile-de-France par la direction régionale de l’équipement. 72 Le montant plafond de chacun des deux marchés est très proche du seuil de 700 000 F au-delà duquel il est obligatoire, aux termes des dispositions du code des marchés publics, d’organiser un appel d’offres. Le SETRA a franchi de 12,8 % le seuil de l’appel d’offres en prolongeant en 1997 par un bon de commande le deuxième marché conclu en 1996.

Page 102: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 102

d’entre elles dans le domaine de la modélisation et de l’évaluation de la demande de transport.

Page 103: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 103

Au cours de la période 1995-1997, le SETRA a confié de

nombreuses études de projets routiers et autoroutiers à des entreprises pour une dépense globale de près de 9,16 MF. En raison d’un fractionnement systématique des commandes, ces études n’ont fait l’objet d’aucun marché, malgré leurs montants, et ont donc échappé à toute mise en concurrence.

L’analyse systématique des bons de commande passés sur la

période met en lumière la fréquence des commandes proches du seuil des marchés et de nombreux cas de commandes attribués le même jour sur le même projet. Huit projets ont dépassé le seuil de l’appel d’offres (700 000 F) et trois autres celui des marchés (300 000 F).

Le seuil des marchés publics a été franchi dans plusieurs cas

pour une même société. En transgression des prescriptions du code des marchés publics, de nombreuses commandes ont été aussi réparties entre des sociétés relevant d’un même groupe.

L’absence de mise en concurrence sur les études de projets

autoroutiers et routiers a profité avant tout aux bureaux d’études liés aux sociétés d’autoroute et à des grands groupes de travaux publics (dont SCETAUROUTE). Il en a été ainsi pour les études de projet de l’A 79 Lyon-Narbonne, ainsi que de la RN 19 Langres-Belfort et des liaisons franco-suisses ; les études de trafic et de rentabilité économique de la liaison nouvelle Paris-Normandie, pour les études générales de modélisation du trafic et l’ensemble des études d’environnement du grand contournement de Bordeaux.

Une autre société est présente, directement ou par ses

sociétés apparentées, sur plusieurs projets, soit en association avec des grands groupes (liaison Paris-Normandie, RN 19 Langres-Belfort), soit comme principal prestataire d’études (desserte du pays de Gex, grand contournement de Tours et d’Orléans, prolongement de l’A 24 vers Rocroi et la Belgique, liaison Bourges-Chateauroux, bilan des études économiques de révision du schéma directeur routier national). Cette société est d’ailleurs, en crédits d’études, le premier bénéficiaire des commandes du SETRA sur les projets routiers : plus de 1,4 MF en trois ans.

La concentration des études des projets routiers les plus

importants sur des groupes de sociétés est, révélatrice de la pratique de découpage organisé des commandes, avec, le plus souvent, dépassement du seuil des marchés chaque année.

Page 104: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 104

En outre, comme la Cour l’a déjà relevé à plusieurs reprises,

les études préalables aux projets autoroutiers ont fréquemment été mises à la charge des sociétés des autoroutes en préjugeant la décision de concession. Par exemple, par lettre du 4 juin 1993, la société ESCOTA, concessionnaire pressenti, a été priée de financer pour 12 MF des études préliminaires concernant la partie sud de la section médiane du projet Pellafol-La Saulce sur l’A 51. Dans d’autres cas, les études sont commandées à SCETAUROUTE et le concessionnaire pressenti invité à les financer. Ainsi le 31 août 1989, le directeur des routes écrivait au président de la société des ASF : “ L’extension du réseau autoroutier et l’accélération de sa programmation qui ... constituent une priorité du gouvernement, ont rendu urgentes la réalisation d’un programme très important d’études des projets et de préparation des procédures des DUP. Dans ce cadre afin de pouvoir tenir les délais, les CETE ont été amenés à développer leurs prestations propres et à procéder à d’importantes sous-traitances notamment à SCETAUROUTE. La charge financière qui en résulte ne pouvant être supportée par l’Etat seul, les sociétés concessionnaires, qui sont par ailleurs étroitement associées à cette phase des études, sont invitées à prendre en charge les prestations de SCETAUROUTE et à contribuer à une partie de celles des CETE ”. La société des ASF a ainsi financé les études préliminaires de la liaison Bordeaux-Périgueux ; les études d’APS des liaisons Nantes-Niort, Balbigny-Lyon, Arles-Salon-de-Provence, Périgueux-Clermont, du contournement de Valence, des bretelles autoroutières du Val d’Aran et de Peyrehorade ; les études de trafic de l’A 9 bis ; les études d’APS, d’évaluation socio-économique en application de la LOTI et les études préalables à la DUP de la liaison Toulouse-Pamiers. La société AREA a été chargée en 1991 d’assumer le coût des études d’avant projet du tronçon Aiton-Epierre de l’autoroute de Maurienne. La société a confié à SCETAUROUTE la réalisation de l’avant projet pour 11,7 MF auquel il convient d’ajouter 4,75 MF pour le paiement de prestations sous-traitées à des intervenants extérieurs.

Il est même arrivé que la conduite des études soit confiée à la

société future concessionnaire. Pour le bouclage de l’A 86, la direction des routes a ainsi pressenti COFIROUTE par lettre du 18 juillet 1990 qui précisait que “ par dérogation au chapitre I de la circulaire du 27 octobre 1997, les études seront effectuées par COFIROUTE en liaison étroite avec l’administration. Une attention toute particulière sera portée à la concertation locale, menée par

Page 105: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 105

COFIROUTE en liaison avec la DREIF 73 et sous l’autorité des préfets concernés, ainsi qu’à la concertation avec les différentes administrations. Le coût des études sera pris en charge par COFIROUTE ”. Qui plus est, après l’annulation par le Conseil d’Etat d’une première attribution de la concession de cette section à COFIROUTE, la prise en charge financière des études d’ores et déjà réalisées a été l’une des conditions du cahier des charges de la mise en publicité de l’A 86 Ouest.

Ainsi, les études préalables aux décisions de l’Etat relatives

au parti d’aménagement sont fréquemment confiées à ceux-là mêmes qui ont le plus intérêt à ce que le projet soit réalisé.

b) Le calcul de l’avantage net global

L’avantage net global attendu de la réalisation du projet est la

somme actualisée des avantages pour les usagers routiers, la puissance publique, les opérateurs du réseau concédé et éventuellement les usagers des autres modes de transport. De cet ensemble sont soustraites les dépenses d’entretien et d’exploitation et, éventuellement les pertes de recettes, réduites des économies d’exploitation et d’entretien, des opérateurs des autres modes de transport. Le chiffrage des avantages fait intervenir des paramètres qui apparaissent assez réducteurs. Ainsi par exemple, les dépenses prévisionnelles d’entretien ne prennent pas en compte le gros entretien et pour l’entretien courant ne correspondent pas au coût réel et complet. En outre, les valeurs des paramètres sont sensibles aux hypothèses relatives au trafic.

Les avantages pour les usagers de la route

La prise en compte des intérêts des usagers de la route est

privilégiée. L’instruction provisoire de novembre 1997 et celle du 20 octobre 1998 estiment que “ la rationalité économique dans l’analyse conduit à ne pas confondre l’essentiel et l’accessoire : les investissements routiers trouvent d’abord leur justification dans le service qu’ils rendent aux usagers ainsi qu’aux riverains dans le cas de traversées d’agglomérations, sous réserve du respect du cadre de vie des nouveaux riverains éventuels ”. “ Les avantages pour les usagers routiers se décomposent en gains de temps, en amélioration du confort pour les véhicules légers, en variation des frais de fonctionnement des véhicules légers et du produit des péages éventuels ”. Certains paramètres pris en compte comme la variation

73 Direction régionale de l’équipement d’Ile-de-France.

Page 106: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 106

des frais de fonctionnement des véhicules (entretien courant, pneumatiques, lubrifiants, consommation de carburant, dépréciation des véhicules) conduisent à valoriser des éléments qui, du moins pour les véhicules légers, ne paraissent pas constituer pour l’usager un critère de décision d’utiliser l’infrastructure. Comme l’indique le rapport précité du Commissariat général au plan sur le choix des investissements dans les transports, le différentiel des frais kilométriques pour les utilisateurs est, au demeurant, négatif à de rares exceptions près, le surcoût de vitesse entraînant un surcroît de consommation de carburant. Le modèle de la direction des routes applique une valeur “ d’inconfort ” aux autres voies que les autoroutes. Cette valeur forfaitaire (31 ct/km pour une route nationale ordinaire à 7 m74) couvre près de 75 % du tarif du péage pour les véhicules légers. La notion d’amélioration du confort de conduite entre pour une part parfois importante dans le calcul des avantages économiques procurés par le projet. Ainsi pour l’A 75 (Clermont Ferrand-Béziers) l’amélioration du confort compte pour 20 % de l’avantage total, et près de 24 % des avantages pour les usagers à l’horizon de mise en service.

Les calculs de rentabilité économique et sociale sont très

sensibles aux hypothèses : valorisation des gains de temps, trafic attendu, importance des flux de trafic détournés des voiries existantes. Or il apparaît que des dossiers présentés à l’enquête publique à des dates voisines se fondent sur des barèmes différents. Ainsi en application de l’instruction du ministère de l’équipement du 28 juillet 1995, par exemple, le coût des tués est estimé à 3,7 MF dans le dossier de l’A 86 soumis à l’enquête publique de mars à mai 1997 alors que le dossier de l’A 89 présenté à l’enquête en mai 1996 prend une valeur de 1,6 MF fondée, elle, sur l’instruction de mars 1986, faute de mise à jour des études d’APS déjà anciennes, compte tenu de la durée de la procédure. En outre, bien souvent, les hypothèses de calcul ne sont pas précisées dans le dossier d’enquête publique. La valorisation des gains de temps se fait sur une base forfaitaire, censée évoluer comme la consommation des ménages par tête. La valeur du temps n’a pas fait l’objet de nouvelle étude depuis 1985 75 et ne prend pas en compte l’hétérogénéité de la catégorie 74 0,18 ct/km pour une 7 m express, 0,13 ct/km pour une artère interurbaine, 0,04 pour une 2 x 2 voies express. 75 La valeur du temps retenu dans l’instruction de Juillet 1995 de la direction des routes est pour les liaison interurbaines de 74 F (1994) pour les véhicules légers (ce qui correspond à la valeur de 50 F 1985 retenue dans l’instruction de Mars 1986) et de 193 F pour les poids lourds.

Page 107: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 107

que représentent les usagers de la route. Les études les plus récentes sur le consentement à payer en matière de péages constatent ainsi que celui-ci varie selon qu’il s’agit d’un déplacement contraint ou non, selon la fréquence des déplacements, selon la distance. Le modèle Matisse de l’INRETS estime ainsi que le consentement à payer varie de 50 F par heure sur les distances inférieures à 80 km à 120 F par heure pour les distances supérieures à 300 km. On peut aussi s’interroger, comme l’avait fait le rapport précité du Commissariat général au plan, sur le bien-fondé de la valorisation de la somme de très petits gains de temps, parfois inférieurs à la minute pour chacun des usagers. Un récent rapport de ce service sur les perspectives de la demande de transport à l’horizon 201576 souligne à nouveau que la valorisation des gains de temps, dont résulte l’essentiel des avantages socio-économiques, “ est sujette à caution dans la mesure où elle résulte de travaux anciens qui mériteraient d’être mis à jour et validés ”.

En Ile-de-France, la valeur officiellement retenue de 75 F par

heure conduirait ainsi à estimer le coût du temps passé dans les transports à 300 milliards de francs soit une somme une fois et demi supérieure à la totalité des dépenses de transport et 14 % du PIB d’Ile-de-France.

Les avantages pour l’Etat et les collectivités publiques Le bilan pour l’Etat et les collectivités publiques est la somme

actualisée des variations de recettes fiscales et des gains de sécurité.

Les recettes fiscales Le bilan prend en compte la fiscalité des carburants, la taxe

sur la valeur ajoutée appliquée aux travaux, aux frais de fonctionnement des véhicules qui empruntent l’autoroute et aux péages ainsi que les autres taxes payées par les opérateurs du réseau concédé à l’Etat et aux collectivités territoriales.

La sécurité routière

Le renforcement de la sécurité est l’un des arguments

majeurs invoqués pour développer le réseau autoroutier. La proportion d’accidents y est, en effet, nettement moindre que sur le

76 Commissariat général au plan - Rapport de l’atelier sur les orientations stratégiques de la politique des transports et leurs implications à moyen terme présidé par M. Bonnafous – Juin 1998.

Page 108: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 108

reste de la voirie nationale. Rapportée aux parcours effectués la proportion de tués était en 1997 de l’ordre de 5 par milliard de km parcouru contre 25,9 pour le réseau national classique (voir annexe 7).

Page 109: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 109

Pour autant, ces données ne doivent pas faire oublier que les

comportements des conducteurs, vitesse excessive, non respect des distances de sécurité, consommation d’alcool, de médicaments ou autres substances psychotropes, restent le facteur de risque majeur. L’analyse dans le cadre du programme REAGIR de 20 000 rapports d’accidents mortels survenus entre 1983 et 1996 fait ainsi apparaître que 95 % desdits accidents comportent des facteurs se rapportant à l’usager contre 47 % à l’infrastructure. La vitesse intervient ainsi dans 59 % des accidents de motos, 44 % des accidents de véhicules de tourisme, 22 % des accidents de poids lourds. Le renforcement de la qualité des infrastructures ne doit donc pas faire perdre de vue la nécessité de responsabiliser les conducteurs. Or, d’après la direction des routes, ceux-ci attendraient des autoroutes et en particulier des autoroutes concédées de “ pouvoir circuler à grande vitesse à tous moments par tous temps ”. Comme l’observe le rapport général présenté au Sénat au nom de la Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 199977, “ ce comportement des conducteurs se traduit par un paradoxe : à toute amélioration du réseau correspond une diminution du nombre d’accidents, mais cette amélioration peut aussi entraîner une augmentation des vitesses pratiquées et donc de la gravité des accidents ”. De même, les effets de l’amélioration de la sécurité des véhicules sont pour partie neutralisés par le comportement des conducteurs. La dégradation des statistiques de sécurité routière sur les autoroutes observée en 1997 et 1998 apparaît à cet égard révélatrice et inquiétante (voir annexe 7). L’accroissement de la gravité des accidents coïncide, en effet, avec une forte augmentation des vitesses pratiquées sur les autoroutes, d’une part, et de l’alcoolémie des conducteurs, d’autre part.

Les comparaisons internationales sont délicates compte tenu

de la diversité des facteurs géographiques et socio-économiques. Elles font toutefois apparaître que l'insécurité routière 78 est près de deux fois plus élevée en France qu'au Royaume-Uni qui dispose d'une densité autoroutière 2,7 fois moins élevée en km/million d'habitants (voir annexe 7).

77 Document annexé au procès-verbal de la séance du 19 Novembre 1998 du Sénat. 78 Pour les besoins de comparaisons, les données sont calculées sur la base des personnes décédées dans les 30 jours alors qu’en France les statististiques de tués ne portent que sur les personnes décédées dans les 6 jours.

Page 110: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 110

Les effets socio-économiques

Comme le relevait le rapport précité du Commissariat général

au plan79, “ l’aménagement du territoire a pris une importance considérable dans la sélection des projets et la définition des schémas d’infrastructure ”. Elle est même devenue la justification principale de la construction de certaines sections autoroutières dont les trafics prévisionnels sont faibles.

L’instruction cadre du 3 octobre 1995 indique que “ les effets

de redistribution spatiale (désertification économique, valorisation des potentiels de développement local, par exemple par développement du tourisme) et toutes les autres préoccupations d’aménagement du territoire et de développement de l’emploi ne sont pas pris en compte dans cette approche limitée ”. Elle dispose néanmoins qu’il conviendra de préciser les effets précités dans “ une étude spécifique et d’indiquer les mesures économiques d’accompagnement qui pourraient être opportunes pour favoriser le développement de l’emploi. On devra notamment s’interroger sur les conséquences sur l’emploi de choix technologiques en matière de maintenance et d’exploitation. L’évaluation permettra de présenter au décideur, parmi les variables étudiées, celles ayant le meilleur bilan socio-économique et le surcoût de celles qui permettent de satisfaire au mieux telle ou telle préoccupation d’emploi ou d’aménagement du territoire ”.

La nouvelle instruction relative aux méthodes d’évaluation

économique des investissements routiers en rase campagne, datée du 20 octobre 1998 affine sur ce point une analyse jusqu’à présent très sommaire. Elle définit des méthodes d’investigations pour tenter de prévoir les effets sur l’activité et le fonctionnement des entreprises (enquêtes socio-économiques auprès des entreprises, enquêtes de circulation et analyse des statistiques d’échanges de marchandises). Elle intègre la stratégie des acteurs publics locaux et l’impact des mesures d’accompagnement.Toutefois les impacts sur le développement économique régional ou local (effets liés à la construction, à l’entretien et à l’exploitation et effets économiques induits) ne sont pas monétarisés et n’entrent pas dans le calcul des divers indicateurs de rentabilité du projet. La situation demeure sur ce point inchangée par rapport à l’instruction de mars 1980 qui relevait : “ Il n’est, dans l’état actuel de nos connaissances, pas possible de

79 “ Transports : pour un meilleur choix des investissements ” - Novembre 1994.

Page 111: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 111

donner aux avantages socio-économiques une valeur monétaire permettant leur intégration dans le calcul des avantages ”.

Page 112: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 112

c) Les prévisions de trafic

Le calcul des avantages pour la collectivité (usagers, Etat,

collectivités territoriales) comme celui de la rentabilité financière est largement déterminé par les hypothèses de trafic à l'horizon de référence.. “ L’élément majeur du processus d’évaluation, mais en même temps celui dont la fragilité a les plus lourdes conséquences, est la prévision des trafics ” 80

Or, comme par le passé, la validité des prévisions de trafic

souffre de nombreuses faiblesses. La situation de référence qui sert de base à la comparaison entre les scénarios d’aménagement et qui conditionne la fiabilité des prévisions de trafic a été jusqu’à présent déterminée selon une méthodologie peu rigoureuse et peu transparente. Les hypothèses de trafic sont insuffisamment constrastées et le logiciel d’affectation des trafics utilisé n’a quasiment pas été modifié depuis 1992 alors même que ses défauts sont reconnus. Enfin les mesures prises pour réguler les trafics demeurent exceptionnelles.

La situation de référence

La situation de référence est la configuration supposée du

réseau à la date présumée de mise en service du projet. Ainsi que l’observe l’instruction cadre relative aux méthodes

d’évaluation économique des grands projets d’infrastructures de transport, “ la pertinence de cette situation dépend du soin apporté à la résolution des questions associées à chaque étape de sa définition : cohérence de l’environnement économique, consistance de l’offre de référence, évaluation du trafic de référence, concurrence intermodale ”.

Or, comme le souligne le Commissariat général au plan, “ le

statu quo est rarement la situation de référence la plus adaptée. En effet, des investissements seront souvent nécessaires, en l’absence du projet, pour maintenir la qualité de service à un niveau raisonnable : dans ce cas ils doivent constituer des éléments de la situation de référence. C’est ce raisonnement qui implique la prise en compte d’investissements “ éludés ” comme l’a fait, par exemple, la SNCF pour les calculs concernant les TGV sud-est et atlantique. A

80 Commissariat général au plan. “ Transports : pour un meilleur choix des investissements ” - Novembre 1994.

Page 113: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 113

l’inverse, la direction des routes porte à l’avantage des autoroutes projetées les gains de temps pour les automobilistes continuant à emprunter le réseau existant, résultant de l’amélioration des conditions de circulation sur celui-ci. Implicitement la situation de référence correspond ici à une dégradation progressive de la qualité de service ”. Si les deux méthodes sont équivalentes pour un transfert marginal de trafic à condition que la situation de référence soit elle-même optimale, elles peuvent toutes deux conduire à des évaluations de projets erronées, soit que les investissements éludés aient été trop largement dimensionnés, soit que “ la dégradation supposée de la qualité de service (ait été) excessive, faute d’avoir pris en compte des possibilités d’aménagement sur place ”.

L’instruction du 20 octobre 1998 a pris acte de ces éléments.

Elle préconise de retenir les perspectives d’aménagement ou de gestion du réseau existant (contournements de villages, élargissements ponctuels sur les routes nationales, mesures tarifaires sur les autres liaisons autoroutières ...) de même que, le cas échéant, les projets d’infrastructures d’autres modes. “ Sont à intégrer dans la situation de référence : les “ coups partis ”, les opérations du contrat de plan en cours, tout projet ou mesure d’exploitation dont la probabilité de réalisation avant le projet étudié est forte et ne devrait pas être remis en cause par le projet étudié, plus généralement tout élément extérieur au projet ayant une influence notable sur ce dernier. Outre les opérations mentionnées, la situation de référence peut aussi comporter un certain nombre d’autres opérations qui seront maintenues, modifiées, différées ou abandonnées, si on réalise le scénario d’aménagement ... Il conviendra donc de bien réfléchir aux opérations qui pourraient ne pas être réalisées si on fait le scénario d’aménagement et à celles qui seront réalisées impérativement, indépendamment du scénario d’aménagement ”.

Tel n’a souvent pas été le cas jusqu’ici, ce qui a pu conduire à

surestimer les trafics.

Les enquêtes de trafic Les enquêtes de trafic sont lourdes et complexes. Leur

fiabilité est conditionnée par la validité des hypothèses retenues pour chacun des multiples paramètres qui interviennent dans les prévisions.

Page 114: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 114

L’étude suppose en premier lieu de définir l’ensemble des sections de routes concernées par le projet. Le “ réseau d’étude ” doit englober selon les recommandations du SETRA81 “ l’ensemble des tronçons de route existants ou projetés pour lesquels l’une ou l’autre des solutions envisagées est susceptible d’exercer une influence sur le trafic ”. Il comprend l’ensemble des itinéraires susceptibles d’être empruntés par le flux de trafic origine-destination “ concernés directement ou indirectement par le projet ”. Ce réseau d’étude doit être décomposé en tronçons homogènes et ses caractéristiques (largeur de la chaussée, déclivité, visibilité, nombre de carrefours, de feux tricolores ...) doivent être mesurées.

C’est à partir de ces caractéristiques que sont estimées la

vitesse des véhicules et leur consommation de carburant. Les niveaux de trafic à la date de l’étude sont appréciés par extrapolation à partir de comptages ou d’enquêtes. Là encore la fiabilité des estimations est fonction de la pertinence des méthodes utilisées notamment pour estimer le débit journalier annuel d’une section à partir de données partielles et des redressements effectués. De surcroît, la composition du trafic (poids lourds, véhicules légers) demeure mal connue pour le réseau national non autoroutier82 et plus encore pour les réseaux départementaux. Ainsi par exemple les études les plus récentes sur le trafic de transit de poids lourds remontent à 1993 et ne permettent pas de distinguer les trafics par type de voie.

L’étude doit ensuite apprécier les conditions de circulation sur

le réseau d’études (durée des trajets, appréciation de la saturation, confort de conduite, sécurité). Compte tenu de l’étendue du réseau d’étude et de la diversité des paramètres à prendre en compte, les études procèdent souvent pour de nombreux paramètres non par observations de terrain mais par prise en compte de valeurs moyennes.

Les projections de croissance du trafic constituent une étape

fondamentale de l’étude de trafic. Comme l’indique le SETRA, “ les hypothèses retenues en la matière seront lourdes de conséquences puisqu’elles vont orienter les choix des solutions étudiées alors que les incertitudes sont très importantes ”. Ces prévisions se fondent sur des hypothèses de taux de croissance qui peuvent dans certains cas spécifiques s’écarter des taux prévus pour le réseau national. Elles prennent en compte le trafic susceptible d’être “ induit ” par le projet

81 Guide des études de trafic interurbain - Mai 1992. 82 Des recensements manuels sont en principe effectués tous les cinq ans sur les sections où se trouvent les postes de comptage permanents.

Page 115: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 115

soit par l’application de modèles mathématiques, qui de l’avis même du SETRA conduisent à une surestimation ; soit par l’application de valeurs moyennes ou la transposition d’observations passées dans des configurations analogues.

Enfin, l’on procède à l’affectation des trafics : chaque flux de

trafic caractérisé par une origine et une destination est réparti entre les itinéraires concurrents qu’il est susceptibles d’emprunter en utilisant le logiciel ARIANE décrit ci-après.

Compte tenu de la diversité des paramètres en compte et de

l’étendue de l’aire d’étude concernée par les projets d’infrastructures autoroutières, les études de trafic procèdent sur de nombreux points de façon empirique en “ recalant ” les estimations ce qui fragilise leur fiabilité.

Le logiciel ARIANE

A partir de la définition de la situation de référence et des

enquêtes de trafic, le logiciel ARIANE affecte les trafics prévus et les trafics induits pour chaque flux défini par son origine et sa destination selon un processus itératif. Le logiciel utilise des courbes débit-vitesse et une loi d’affectation des trafics dite “ loi d’Abraham ” selon laquelle, quand deux itinéraires sont en concurrence pour aller d’un point A à un point B, les trafics se répartissent en fonction du rapport entre les coûts de circulation.

Ce logiciel a déjà fait l’objet de critiques de la Cour en 1992.

“ Le modèle ARIANE, compliqué et peu explicite dans les seuls documents accessibles, ne facilite pas la compréhension des problèmes posés. Les écarts qu’il révèle avec les calculs de la direction de la prévision paraissent dus à des divergences dans les prévisions de trafic, dans la valorisation du temps gagné par les usagers et surtout dans l’estimation des gains de temps bénéficiant aux usagers du réseau local, où la circulation s’améliore en raison de la construction des autoroutes ”. La Cour relevait par ailleurs que “ les outils de calcul internes au modèle ARIANE n’(avaient) pas été actualisés ”. De surcroît, “ les CETE (avaient) pris une autonomie croissante dans les évaluations sans qu’une cohérence d’ensemble soit assurée par des travaux économétriques centralisés ”. La Cour concluait : “ Il est clair que les outils de calcul doivent être rénovés sans retard ” et recommandait de dégager un langage commun entre le ministère de l’équipement et celui de l’économie et des finances, ajoutant que “ le Commissariat général au plan pourrait jouer un rôle déterminant dans la conduite de cette réflexion ”.

Page 116: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 116

En 1994, le rapport “ Transports : pour un meilleur choix des investissements ” avait souligné “ que, depuis la fin des années 70, presque rien n’avait été fait pour actualiser les données de base et tenter de remédier aux imperfections des outils ”. Il recommandait notamment d’adapter les paramètres de la loi d’affectation des trafics à la prise en compte de périodes de temps différentes correspondant à des différences de comportement des automobilistes comme le font les allemands (semaine, week-end, été-hiver...), d’actualiser les courbes “ débit-vitesses ”, de moduler la valeur du temps. Surtout, il soulignait la nécessité d’exposer clairement les méthodes et hypothèses de calcul des estimations de trafic, condition indispensable pour que soient réglées les divergences persistantes entre la direction des routes et la direction de la prévision (voir annexe 8-I).

La situation n’a quasiment pas évolué depuis lors bien que les

services de l’équipement reconnaissent les défauts du modèle. Le guide des études de trafic interurbain établi par le SETRA

en mai 1992 relève déjà que “ la loi d’affectation en puissance 10 est très sensible. Un faible écart sur les coûts de circulation entraîne un écart important des affectations lorsque les coûts des itinéraires sont voisins ”. Cette méthode entraîne, de surcroît, “ une sous-estimation du trafic autoroutier à longue distance et une surestimation du trafic à courte distance ”, ce qui conduit à introduire des correctifs qui varient au demeurant selon les CETE.

Le SETRA admet encore dans un document de 1996, qui met

à jour son plan stratégique de 1991, que les méthodes utilisées ne sont plus adaptées à la complexité et à la diversité des aménagements. Si les aménagements ponctuels du réseau (opérations de sécurité, aménagements de carrefours, créneaux de dépassement, déviations d'agglomération ...) ne posent pas de problèmes particuliers, il n'en va pas de même pour l'aménagement d'un itinéraire ou la création d'un nouveau barreau. "Dans ce cas le problème se complexifie car on observe des reports importants qui se produisent d'un itinéraire à l'autre avec des effets en chaîne, des trafics induits qui ne sont plus liés à une activité particulière, des concurrences entre modes de transport qui doivent être prises en compte... L'impact de l'aménagement peut suivant les cas se limiter à une zone géographique relativement restreinte ou, au contraire, être très vaste et nécessiter la manipulation d'un volume très important de données ”. Le SETRA reconnaît que, dans ces conditions, “ les méthodologies de prévisions de trafic des années passées doivent être considérées comme obsolètes et les nouvelles ne sont pas encore arrivées à maturité. Un chemin important reste à parcourir

Page 117: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 117

pour répondre aux attentes de la direction des routes". Les outils disponibles ne permettent notamment pas une analyse satisfaisante des situations de congestion et des itinéraires où se mêlent trafic interurbain et urbain. La modélisation de la demande et l’affectation des trafics doivent être améliorées par des recherches visant à mieux connaître les critères de choix des usagers avec notamment une analyse plus fine de la demande pour les véhicules légers et les poids lourds, une segmentation par motifs (de déplacement -professionnel, loisir, domicile-travail) et une segmentation temporelle (jour/nuit, semaine/fin de semaine, été/hors été). “ Un autre grand domaine d’investigation est l’impact des politiques (investissement, fiscales, tarifaires, économiques) sur l’évolution en volume et en répartition modale de la demande de transport ”, domaine sur lequel les études existantes donnent parfois des résultats discordants. En outre, "les problèmes autres que techniques (refus de communiquer les données pouvant intéresser un mode concurrent) concernant la réalisation d'une matrice des modes ne sont pas résolus à ce jour". Enfin, les pratiques des CETE en matière d’estimation de trafic ne sont que partiellement harmonisées, ainsi que la Cour l’avait déjà relevé en 1992.

Dans une note sur le rapprochement entre les méthodes

d’évaluation du ministère de l’équipement et celles du ministère de l’économie, la direction des routes a indiqué en mars 1998 qu’était à l’étude la comparaison entre le modèle utilisé par le logiciel ARIANE et les modèles d’affectation “ prix-temps ” comme celui de la SNCF qui détermine le partage du trafic entre le fer et l’air à partir du coût généralisé de chacun des deux modes. Ce coût généralisé tient compte du prix et du temps complet de transport. Ces données sont des valeurs constatées à la différence de la plupart de celles utilisées dans le modèle de la direction des routes qui sont des valeurs dites “ tutélaires ”, c’est-à-dire non révélées par des enquêtes, ou des valeurs “ révélées ” mais non remises à jour. Une position aurait dû être arrêtée à la fin de 1998. De même, était étudié l’intérêt des logiciels disponibles dans le commerce par rapport au logiciel ARIANE.

Les critiques récurrentes formulées à l’encontre du logiciel

ARIANE, auraient justifié que la révision du schéma directeur national routier fût précédée par celle de ce logiciel. Il est d’autant plus anormal que l’utilisation du logiciel ARIANE ait été l’une des conditions du cahier des charges des marchés de modélisation du réseau routier national et de prévision de trafic à l’horizon 2015 pour la révision du schéma directeur routier national, ce qui a conduit à exclure les offres présentées par les candidats qui avaient développé d’autres modèles de prévision.

Page 118: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 118

Page 119: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 119

La circulaire du 20 octobre 1998 de la direction des routes et l’instruction jointe transposent aux méthodes d’évaluation économique des investissements routiers en rase campagne l’instruction cadre du 3 octobre 1995 et prennent en compte les recommandations de divers travaux du Commissariat général au plan en ce qui concerne la définition des critères de décision et la monétarisation de certains effets sur l’environnement. Mais, s’il est vrai que certaines améliorations ont été apportées afin de faciliter l’utilisation du modèle (interface graphique, utilisation sur un micro-ordinateur), le “ coeur ” du modèle ARIANE n’a toujours pas été modifié. Préconisé par le Commissariat général au plan, le groupe de travail composé des représentants de la direction des routes et de ceux de la direction de la prévision n’a même pas été mis en place.

La circulaire du 20 octobre 1998 reconnaît pourtant, dans son

annexe méthodologique consacrée aux trafics, que le logiciel ARIANE a “ ses limites qui tiennent notamment au modèle d’affectation utilisé ”. Il ne prend notamment pas en compte la signalisation “ bien qu’il s’agisse d’un paramètre important dans le choix d’un itinéraire pour l’usager ” et il est “ peu adapté au cas de déviations d’agglomérations ”. Elle ajoute enfin “ qu’il conviendra de mettre à jour les outils ” en tenant compte des relations entre le débit et la vitesse, du modèle d’affectation du trafic, de la valorisation du temps et de l’estimation du trafic induit.

Les prévisions de trafic à la mise en service

Selon le SETRA, les prévisions de trafic établies dans le

passé se sont révélées raisonnablement fiables compte tenu des difficultés de l’exercice. Cette argumentation s’appuie sur la comparaison entre les trafics prévus et constatés sur 35 liaisons concédées ouvertes à la circulation en totalité entre juin 1974 et décembre 1994. Le tableau produit fait ressortir à l’année d’horizon, des écarts de 25 % pour 33 % des prévisions tandis que le différentiel est inférieur à 10 % pour 23 % des prévisions. Le SETRA souligne que 20 prévisions sur 35 se sont révélées sous-estimées dont quatre très fortement (voir annexe 8-II).

L’examen des statistiques produites fait cependant apparaître

que pour dix des quatorze liaisons mises en service entre 1974 et 1985, l’année d’horizon retenue pour la comparaison (1990) n’est pas celle qui figure au dossier d’avant projet sommaire. Une note du SETRA indique que les prévisions dont l’horizon d’étude était antérieur à 1990 ont été prolongées jusqu’en 1990 en appliquant le taux annuel de croissance prévu par la circulaire en vigueur à la date de l’étude, la seule exception étant l’A 52, au demeurant, la seule

Page 120: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 120

liaison dont l’horizon de prévision n’a pas été modifié. Si l’on rectifie le tableau pour comparer les prévisions et les réalisations à l’année d’horizon retenue dans le dossier d’APS, soit, selon les cas, 1980, 1981 ou 1985, on s’aperçoit que, contrairement aux conclusions du SETRA, les prévisions étaient surestimées pour la quasi-totalité des liaisons ouvertes entre 1974 et 1985 sauf pour les liaisons pour lesquelles on disposait d’une prévision en 1985 et 1990 (A 11, A 81, A 31, A 72) et ce, dans des proportions atteignant parfois 60 % et plus (A 4 Paris-Metz, A 1 Grenoble-Chambéry, A 48 Coiranne-Grenoble).

La comparaison par section entre les trafics prévus et

constatés sur autoroutes concédées présentée dans le tableau du SETRA (annexe 8-2) est ainsi faussée par la modification de l’année d’horizon. La note précitée de ce service justifie ce changement en indiquant que “ pour un certain nombre de liaisons, les hypothèses de réseau et de localisation des échangeurs faites au moment de l’étude diffèrent de la réalité constatée en 1990 ” et que, de ce fait, “ en comparant de façon brutale prévisions et réalisations en 1990, on surestimerait l’écart dû à la méthode d’affectation ” (voir annexe 8-II).

L’échantillon retenu correspondant “ à un ensemble de

sections fonctionnelles, c’est-à-dire de sections continues ouvertes à la circulation ”, les écarts entre les prévisions et les résultats constatés témoigneraient ainsi dans plusieurs cas d’une mauvaise appréciation de la situation de référence.

Les prévisions de croissance du trafic

Comme l’observe la direction de la prévision, le taux de

croissance du trafic pèse toutefois bien plus que le trafic à l’ouverture. De son côté, la direction des routes souligne que les trafics

autoroutiers se sont accrus plus fortement que ne le prévoyaient les projections faites en 1987. Pour les routes nationales, la croissance enregistrée entre 1987 et 1997 est légèrement inférieure aux prévisions (21 % contre 25 %). En revanche, pour les autoroutes, la croissance prévue en hypothèse haute (50 % en dix ans) a été dépassée tant sur les autoroutes non concédées (+ 72 %) que sur le réseau concédé. La direction des route explique cet écart au moins en partie par l’hypothèse retenue en 1987 d’une hausse continue du prix du pétrole qui ne s’est pas vérifiée.

Pour l’avenir, la direction des routes mise jusqu’à 2015 sur un

taux annuel de croissance moyen du trafic routier compris entre 2 % et 3,1 % (base 1995) avec une hypothèse moyenne à 2,5 %. De 2015 à 2025, la croissance est estimée à la moitié des taux ci-dessus (base

Page 121: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 121

1995). Ces estimations s’appuient sur les projections établies par le service économique et statistique du ministère des transports (SES), le SETRA et l’INRETS, dans le cadre de l’élaboration des schémas de services collectifs de transport, projections qui sont très sensibles aux hypothèses sur le taux de croissance économique.

1995-2015

Hypothèse

basse Hypothèse moyenne

Hypothèse haute

Revenu des ménages - Taux de croissance annuel moyen

+ 1,9 %

+ 2,3 %

+ 2,6 %

- Taux de croissance annuel moyen par tête + 1,7 % + 2,1 % + 2,4 %

Produit intérieur brut Taux de croissance annuel moyen

+ 1,9 %

+ 2,4 %

+ 2,9 %

Prix moyen pondéré des carburants Taux de croissance annuel moyen

+ 1,28 %

+ 0,95 %

+ 0,57 %

Parc automobile Croissance 1995-2015

+ 26 %

+ 26 %

+ 26 %

Les hypothèses de croissance retenues par le SES et les

travaux du Commissariat général au plan 83 s’appuient sur les travaux du BIPE. Est retenue une hypothèse médiane de 2,4 % de croissance annuelle du PIB encadrée par une hypothèse basse de 1,9 % et une hypothèse de croissance forte de 2,9 %. Ces valeurs se calent sur les résultats observés au cours des dernières décennies (+ 2,2 % de croissance entre 1973 et 1993). Le rapport établi en juin 1998 par le Commissariat au plan sur les perspectives de la demande de transport à l’horizon 2015 qualifie cependant d’“ opportune ” la révision à la baisse des taux retenus dans les scénarios afin de tenir compte de l’arrivée à l’âge de la retraite en 2005 de la génération d’après guerre.

Les données préparatoires à la conférence nationale sur

l’emploi, les salaires et le temps de travail de décembre 1997 pronostiquaient une croissance moyenne de 2,25 % jusqu’en 2005 et de 1,75 % au-delà en tenant compte tant de l’évolution de la population active que de la croissance tendancielle de la productivité. Les derniers travaux de la direction de la prévision, en vue de l’évaluation par le Commissariat général au plan de la situation financière des régimes de retraite à l’horizon 2040, prévoient que, selon les hypothèses sur le taux de chômage d’équilibre et la

83 Commissariat général au plan “ Les perspectives d’économie des transports à l’horizon 2015 ” - Juin 1998.

Page 122: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 122

croissance de la productivité du travail, la croissance du PIB variera par exemple en 2010-2014 entre 2,7 % et 0,7 %. Dans un scénario médian (avec un taux de chômage d’équilibre de 9 %) la croissance du PIB est de 1,6 % par an de 2010 à 2014.

Les scénarios du SES se fondent, en outre, dans toutes les

hypothèses, sur une croissance de 26 % du parc automobile jugée élevée par la cellule de perspective et de stratégie du ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, compte tenu du taux d’équipement des ménages et des perspectives démographiques. Le parc automobile qui a connu une croissance très forte entre 1950 et 1990 voit, en effet, sa courbe de croissance s’infléchir et devrait évoluer vers une stabilisation.

Les prévisions de croissance de trafic par section

apparaissent encore plus sujettes à caution, comme en témoignent les exemples retenus dans deux tableaux présentés en annexe 8-3.

L’insuffisante prise en compte de l’incertitude

Le plus souvent, les prévisions établies au stade des études

préalables à l'avant projet sommaire ne sont pas revues par la suite. “ Pour chaque opération, les prévisions de trafic sont effectuées par les services de l'Etat au stade des études préliminaires et des études d'APS. Les données de prévision sont donc identiques au moment de l'APS, de la DUP et de la décision d'inscription de l'opération au FDES ”. Compte tenu de la durée de la procédure, les prévisions de trafic qui servent de base au calcul peuvent ne plus être pertinentes lorsque l'évaluation économique et sociale est publiée dans le cadre du dossier soumis à l'enquête publique. C'est ainsi que les calculs de rentabilité socio-économique des autoroutes en cours de DUP ne prennent pas en compte le ralentissement de la croissance du trafic intervenue depuis 1989 (voir annexe 8-4) et se fondent sur des hypothèses de croissance élevées.

Les taux de croissance du trafic retenus dans les études

d’APS sur la période 1986-1998 étaient de 2 % par an linéaire jusqu’en 2005 et 1 % au-delà (base 1995) pour la circulaire de mars 1986 de la direction des routes. Une circulaire de février 1989 avait revu à la hausse ces prévisions avec une hypothèse moyenne de 4 % par an linéaire (base 1987) jusqu’en 2000 puis de 3 % de 2001 à 2010. Pour les dossiers présentés au comité spécialisé “ autoroutes ” du Comité des investissements à caractère économique et social le 7 mai 1997, l'hypothèse retenue pour le taux de croissance du trafic longue distance sur la période 1987-2010 est, par exemple, de 5 % pour l'A 51 Grenoble-Sisteron. Pour l'A 89, elle est de 4 % l'an pour le

Page 123: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 123

trafic longue et moyenne distance entre 1987 et 2015 dans le dossier de DUP. Ce sont ces mêmes prévisions, établies à la fin des années 1980, qui ont servi de base aux études de phasage présentées pour l’A 89, le 25 mai 1998, à ce Comité qui avait demandé à l’automne 1997 que soit étudié le phasage optimal de réalisation des sections restant à réaliser de l’autoroute Bordeaux-Clermont-Ferrand. Cette étude devait rechercher la meilleure programmation, sans remettre en cause les décisions déjà prises, au vu des évaluations disponibles des coûts et des trafics84. Or les prévisions au plan national ont été depuis lors revues à la baisse par la direction des routes avec une perspective de croissance moyenne de 2,5 % l’an.

La direction des routes indique que, dans la mesure du

possible, ces taux de croissance sont corrigés pour chacune des sections nouvelles en fonction de leurs caractéristiques propres : section isolée, section complétant une liaison ou créant un maillage, etc . Mais ce souhait n’est que rarement réalisé.

Par ailleurs, les études d’APS n’ont pas recouru jusqu’à

présent, sauf exception, à des méthodes de scénarios contrastés. Ainsi le dossier d’APS de l’A 51 (Grenoble-Sisteron) retient une hypothèse moyenne de croissance pour le trafic de grand transit. Quant à l’étude d’APS de l’A 41, établie en 1994, elle se fonde sur une seule hypothèse de trafic, alors même que les trafics prévisionnels des autres autoroutes alpines se sont révélées surestimées : il s’agit de l’hypothèse haute de l’évolution générale de trafic retenue à l’époque par la direction des routes, et retient une croissance de 4 % en linéaire jusqu’en 2010 sur la base 1992 pour l’ensemble des trafics locaux et d’échange et de 8 % en linéaire pour les trafics internationaux. En revanche, le dossier d’APS de l’A 89 (décembre 1995) examine trois hypothèses de niveau de trafic “ compte tenu des fortes incertitudes à long terme sur la croissance des grands courants d’échange, notamment pour le trafic de poids lourds en transit sur échange international et pour les véhicules susceptibles de bénéficier d’effets de réseau de par le maillage autoroutier du réseau national ”.

L’insuffisante transparence des études de trafic

Les projections de trafic apparaissent ainsi très sensibles aux

paramètres pris en compte et aux hypothèses de calcul.

84 Ce n'est qu’à l’automne 1999 que le CIES disposera d'éléments plus précis sur les coûts d'objectifs et des résultats des enquêtes de trafic qui devaient être réalisées au printemps et à l'été 1998.

Page 124: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 124

Page 125: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 125

C’est pourquoi, comme le soulignait la Cour en 1992 puis le Commissariat général au plan en 1994, la transparence des méthodes et hypothèses des calculs de rentabilité qui servent de base aux décisions de choix des investissements est indispensable. Les modèles de prévision de trafic par origine-destination requièrent, comme on l’a vu, l’entrée de multiples paramètres concernant l’ensemble du réseau routier affecté par l’ouverture d’une autoroute et portant tant sur les flux de trafic que sur les caractéristiques des voies existantes. En outre, la pertinence de la situation de référence conditionne le bien-fondé de l’évaluation socio économique. L’instruction cadre relative aux méthodes d’évaluation économique des grands projets d’infrastructure de transport du 3 octobre 1995 indiquait d’ailleurs que, si nécessaire, sur proposition d’un directeur d’administration centrale ou du “ comité des directeurs transport ”, cette situation de référence pourrait être validée au niveau ministériel. Il est donc essentiel pour la transparence des choix d’investissement de pouvoir contre-expertiser, selon les termes de l’instruction cadre du 3 octobre 1995 “ la crédibilité et le réalisme du scénario de référence ”.

Les exemples précités montrent que cette recommandation

est restée sans suite. La direction de la prévision a, en effet, relevé à maintes reprises une insuffisante transparence des calculs de la direction des routes qui produit des estimations globales sans exposer les hypothèses qui les sous-tendent. Pour l’A 87 Angers-La Roche-sur-Yon, “ l’avant-projet de la direction des routes ne se prêtant pas à une analyse critique car seuls les résultats globaux sont présentés ”, la direction de la prévision a dû recalculer l’ensemble des coûts et des avantages. Pour l’A 85 Tours-Vierzon, elle observe que le taux de rentabilité immédiate en l’an 2000 avancé par la direction des routes (10,4 %) paraît élevé et qu’une expertise serait nécessaire. “ Comme aucun détail du calcul de la rentabilité de la direction des routes n’(était) fourni ”, elle a estimé à nouveau l’ensemble des avantages, comme pour l’A 63, “ étant donné les difficultés qu’(aurait posé) l’expertise de l’APS liées à un manque de transparence de celui-ci ”.

Le rapport de la mission de l’Inspection générale des finances

et du Conseil général des ponts et chaussées sur la société française du tunnel routier du Fréjus estime que les hypothèses de trafic sont dans certains cas manifestement élaborées de façon à obtenir des prévisions favorables ou moins défavorables. Les études de trafic prévoyaient à tort une très vive croissance du trafic poids lourds au tunnel entre 1995 et 2000 avec une hausse d’augmentation annuelle de 7,5 %. En outre, alors même que le trafic poids lourds se révélait en 1997 inférieur de 25 % aux prévisions, des “ taux d’augmentation

Page 126: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 126

annuels paraissant démesurés ont été prévus pour les années 1998-2000 afin de retrouver, ou peu s’en faut, le niveau de trafic prévu initialement en 2001 ”.

Par ailleurs, les potentialités d’une gestion dynamique et

cordonnée des trafics ont été très insuffisamment prises en compte.

L’insuffisance des mesures destinées à réguler le trafic Jusqu’à présent, la tarification autoroutière a été conçue avant

tout comme un instrument de financement de l’extension du réseau dans le cadre du système d’adossement et non comme un moyen d’optimiser l’utilisation des infrastructures routières. Dans certains cas le montant élevé des péages freine d’ailleurs le report de trafic souhaité pour des raisons de sécurité notamment s’agissant des poids lourds, vers l’autoroute.

En 1992, la Cour avait déjà préconisé une politique plus

différenciée des péages afin de favoriser une meilleure utilisation des ouvrages qui inciterait les usagers à prendre des itinéraires alternatifs ou à éviter les périodes de forte circulation. Les modulations tarifaires sont désormais pratiquées de deux façons :

- La mise en oeuvre de hausses annuelles de péage différenciées dissuade d’emprunter les axes les plus fréquentés. Le niveau des péages par section d’autoroute tient compte de l’amortissement des emprunts contractés pour la construction de l’autoroute. Ce mode de tarification n’est pas dénué d’inconvénients comme le reconnaît la direction des routes : “ Les sections les plus anciennes (ex. axe Nord-Sud A 1, A 6, A 7, A 8, A 9) bénéficient d’une tarification inférieure à la moyenne qui ne tient pas compte des coûts liés à leur forte fréquentation (perte de temps, problèmes de sécurité, pollution). En revanche, une tarification supérieure est appliquée à certains axes récents appelés à décharger l’axe Nord-Sud ce qui s’explique par leur coût de construction plus onéreux lié à des taux d’intérêt élevés et au renforcement des normes d’aménagement ”. Afin de corriger ces effets, la hausse des péages appliquée sur les axes anciens en voie de saturation est supérieure à celles appliquées à certains axes récents qui ont vocation à jouer le rôle d’itinéraire de substitution.

- Les expériences de modulation dans le temps ont pour objet d'atténuer les pointes de trafic. Les opérations de modulation tarifaire sont encadrées par les cahiers des charges annexés aux conventions de concession. Les écarts de tarifs doivent s'inscrire dans certaines fourchettes et les opérations doivent être menées à recettes constantes, toute majoration de tarif sur une plage horaire ou un

Page 127: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 127

itinéraire devant être compensée par une minoration de tarif équivalente sur une autre plage ou un autre itinéraire.

Ces expériences restent cependant l'exception (voir annexe 9). La seule opération de modulation horaire toujours en usage porte sur l’axe A1 Lille-Paris pour les retours sur Paris le dimanche. Pourtant, de l'avis de la direction des routes, les modulations tarifaires, “ constituent actuellement l'instrument le plus efficace pour la régulation des trafics sur autoroutes à péage ”. En effet, "l'on constate des reports de trafic variant de 8 à 20 % et des réductions de bouchons pouvant aller jusqu'à 50 à 60 %".

Le développement des systèmes d’information devrait

concourir à une gestion coordonnée du réseau autoroutier et routier. Il conviendrait à cette fin de poursuivre les efforts d’interconnexion des réseaux de télécommunications et de partage des infrastructures correspondantes. La situation apparaît à cet égard encore très inégale, d’autant que les pratiques conjuguées de l’adossement et de l’allongement de la durée des concessions reportaient jusqu’à présent l’essentiel de la charge de la construction de nouvelles sections sur les usagers futurs.

De fait, comme le relevait déjà la Cour en 1992, “ compte tenu

du mode de détermination des péages des sociétés d’autoroutes, l’ajustement entre l’offre et la demande tend à se réaliser par l’accroissement physique de l’offre et non par une adaptation de la tarification ”. Ainsi, la logique dominante a été de privilégier systématiquement l’extension du réseau.

Comme le souligne la direction des transports de la

Commission européenne dans un rapport sur le financement du réseau routier transeuropéen, “ avant de construire de nouvelles infrastructures de transport, il faut examiner comment utiliser les infrastructures plus efficacement ”. Cette analyse est désormais largement partagée par l’opinion comme l’indiquent les résultats d’une enquête du CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) publiée en juillet 199685.

Les Français sont globalement satisfaits de leur réseau

autoroutier (plus de 80 %). Si les taux de satisfaction exprimés pour les autres réseaux routiers sont eux aussi élevés, (79 % des Français étaient satisfaits des routes nationales dont 20 % très satisfaits, 63 % étaient satisfaits des réseaux départementaux et locaux) ce taux 85 CREDOC - Enquête sur les conditions de vie et les aspirations des français - Les français et le réseau routier - Juillet 1996.

Page 128: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 128

augmente pour le réseau autoroutier avec le kilométrage effectué dans l’année : 89 % des personnes effectuant régulièrement des trajets de plus de 50 kilomètres sont très ou assez satisfaits des autoroutes. Parmi celles qui parcourent 19 000 km ou plus dans l’année, 88,4 % sont très ou assez satisfaites du réseau autoroutier. Les services annexes offerts sur le réseau autoroutier sont également très appréciés (73 % de satisfaits dont 21 % de très satisfaits), en particulier concernant les aires de repos (91 %) et l’information des usagers (72 %).

“ Pour la circulation sur longue distance, les Français

semblent de plus en plus sensibles à l'idée - comme si les besoins de base étaient couverts - de mieux utiliser le réseau existant, plutôt que de le développer. La lutte contre les bouchons lors des grands départs passe d'abord pour les français par une meilleure utilisation du réseau : 43 % jugent que l'étalement des départs est la mesure la plus adaptée pour atténuer les inconvénients et 29 % proposent une exploitation maximale de toute l'infrastructure existante avec le choix du développement d'itinéraires bis. Au total plus de 7 personnes sur 10 privilégient donc une de ces deux mesures... Dans le même ordre d'idées, on note que le principe d'une modulation du prix du péage en fonction de l'affluence, très critiquée voici sept ans, semble avoir fait son chemin, 45 % des Français s'y déclarent favorables contre 14 % en 1989. Face à l'augmentation générale de la circulation routière sur longue distance, une nette majorité de Français préconisent aujourd'hui de mettre en place une politique d'incitation à utiliser d'autres modes de transports que la route... On note là par rapport à 1992, une nette inversion de tendance : le développement du réseau autoroutier, préféré voici quatre ans pour réguler l'accroissement de la circulation routière, n'est plus aujourd'hui préconisé que par 38 % de la population. ”

Neuf Français sur dix jugent préoccupants les problèmes de

circulation en ville. Le développement des transports en commun constitue la solution la plus consensuelle (plus de neuf personnes sur dix trouvent cette mesure souhaitable). 76 % des français sont favorables à la limitation de la circulation des véhicules privés dans les centres villes contre 62 % il y a six ans. "La solution de création de nouvelles voies de circulation, par opposition, même si elle regroupe encore une majorité d'avis favorables, est en net recul (- 24 points). ” Les péages urbains sont rejetés par une large majorité.

“ Les Français paraissent maintenant plaider pour une

certaine stabilisation des constructions routières plutôt que pour leur développement incessant ”.

Page 129: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 129

Il n’existait pas jusqu’à présent de méthodologie homogène pour apprécier la saturation qui n’était, au demeurant, que rarement évaluée. La circulaire n° 98-99 du 20 octobre 1998 relative aux méthodes d’évaluation économique des investissements routiers en rase campagne reconnaît, pour la première fois, la nécessité de “ prendre en compte des mesures de gestion du trafic, dont la modulation des tarifs de péage dans l’espace et dans le temps, en vue de tirer le meilleur parti du réseau existant ”. L’instruction jointe prévoit qu’en première analyse le scénario d’aménagement devra examiner les potentialités offertes par une gestion avisée du trafic et du réseau et définit une méthodologie en ce domaine. Elle annonce la mise en place d’un logiciel destiné à calculer le nombre de jours avec saturation86, le nombre d’heures saturées, le nombre et le pourcentage de véhicules gênés, et le temps d’attente moyen.

De même, le document de cadrage adressé le 22 juillet 1998

aux préfets de régions en vue de l’élaboration des schémas de service souligne que si “ des augmentations de capacité par la réalisation d’investissements développant les réseaux demeurent nécessaires ” pour faire face aux perspectives d’évolution des trafics, “ compte tenu de la difficulté objective et des coûts associés à la réalisation de nouvelles infrastructures dans les zones denses les plus menacées par les risques de congestion, la mise en oeuvre de politiques d’exploitation adaptées, utilisant notamment les nouvelles technologies d’information, doit devenir l’une des priorités des schémas de service ”.

d) Les coûts

Les coûts externes des projets et les coûts des investissements sont sous-évalués.

Les coûts externes

Comme toute activité économique, le secteur des transports

entraîne des coûts et des avantages pour les usagers et pour la collectivité. Certains ne sont pas “ internalisés ” par le marché et ne sont pas répercutés sur l’usager. Ces externalités positives, tels que les effets sur l’activité économique ou négatives, tels les effets sur l’environnement et les accidents, devraient être prises en compte pour permettre de comparer avec justesse les modes de transports ainsi

86 Aux termes de l’instruction, “ Les périodes saturées sont celles où la circulation s’effectue en bouchons tels que définis par les centres régionaux d’information sur la circulation routière ”.

Page 130: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 130

que l’indiquent le livre vert de la Commission européenne “ Vers une tarification équitable et efficace des transports ” de 1995 et le livre blanc qui lui a fait suite en 1998.

Dans son rapport précité, le Commissariat général au plan

relevait la difficulté d’évaluer en termes monétaires les externalités positives sur la croissance économique ou l’aménagement du territoire dans la mesure où l’on n’est jamais certain que les effets obtenus ne résultent pas d’autres facteurs que les infrastructures de transport.

Les coûts externes n’ont, jusqu’à une date récente, pas été

intégrés dans les calculs de rentabilité. Conformément aux recommandations du Commissariat général au plan, l’instruction cadre d’octobre 1995, l’instruction interne de novembre 1997 et la récente instruction du 20 octobre 1998 prennent en compte sous forme monétaire certains effets externes comme la pollution de l’air, l’effet de serre, et le bruit. Il s’agit là d’un progrès bien que cette valorisation reste incomplète.

Actuellement, l’évolution de la perception des dommages

causés à l’environnement est supposée varier dans le temps comme la consommation finale des ménages par tête, augmentée de 1 %, pour marquer l’augmentation de la sensibilité des ménages à l’environnement à mesure que leurs revenus croissent. Mais les modes de calcul utilisés négligent le principe de précaution adopté en 1992 lors de la convention de Rio sur le climat et transcrit en droit français par la loi du 2 février 1995 sur le renforcement de la protection de l’environnement. La traduction économique de ce principe voudrait que l’on applique une rente de rareté aux actifs environnementaux non renouvelables, tels par exemple que le climat ou les ressources pétrolières. Le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement plaide en conséquence pour que le prix des actifs environnementaux non renouvelables croisse au moins au taux d’actualisation du plan (8 %). Il estime que la valorisation des coûts externes liés à l’émission des gaz à effet de serre, monétarisés sur la base du projet d’éco-taxe de l’union européenne, soit 450 F par tonne de carbone, n’est pas à la hauteur du problème et recommande une valeur de 1 000 F/tonne de carbone à porter progressivement à 2 000 F/tonne de carbone.

Le ministère de l’équipement, des transports et du logement

conteste la traduction économique du principe de précaution. Sa direction des affaires économiques et internationales fait valoir que son application aux effets irréversibles “ détériorer(ait) complètement le niveau de la rentabilité économique par le jeu du taux

Page 131: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 131

d’actualisation et retire(rait) tout intérêt au calcul économique en surdéterminant le résultat ”. La direction des routes récuse l’application économique du principe de précaution, estimant que “ le risque à très long terme n’est pas mesurable car il est mal connu ” et, en conséquence, “ qu’il n’est pas possible, sauf à prendre une loi de probabilité subjective, fondée uniquement sur les connaissances dont on dispose aujourd’hui, de déterminer un optimum selon le principe de l’analyse coûts-avantages ”, misant sur “ la possibilité qu’à l’horizon de très long terme considéré, l’évolution des techniques aura permis de réduire ou maîtriser les risques encourus par les générations futures ”.

Quant à la consommation de pétrole, elle n’est pas retenue

dans les coûts externes mais bien au contraire dans les avantages pour la puissance publique au titre des recettes sur les produits pétroliers (TIPP) et de TVA, alors qu’il s’agit d’une ressource non renouvelable située de plus en zone géopolitiquement sensible. La loi du 30 décembre 1996 sur la qualité de l’air dispose que “ pour les infrastructures de transport, l’étude d’impact comprend une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu’une évaluation des consommations énergétiques résultant de l’exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu’elle entraîne ou permet d’éviter ”. L’instruction de novembre 1997 renvoie sur ce point à des instructions ultérieures à rattacher aux études d’impact, ce qui exclut donc que les coûts énergétiques figurent dans le bilan monétaire économique et social.

En outre, les coûts externes liés au bruit apparaissent sous-

évalués : alors que les Français classent le bruit comme la principale nuisance des transports après la pollution de l’air, la pollution sonore est prise en compte sur une base six fois moindre qu’en Suède.

Les autres effets externes, tels que l’effet de coupure,

l’occupation d’espace particulièrement sensible en zone urbaine, l’impact sur la diversité biologique et sur les paysages, ne sont pas monétarisés.

La circulaire précitée de la direction des routes du 20 octobre

1998 reconnaît qu’il faut mettre à jour les valeurs monétaires des conséquences des projets sur l’environnement. Elle indique que l’instruction jointe est un document appelé à intégrer, selon un rythme approprié, les progrès de la connaissance dans les différents domaines de l’évaluation des projets routiers.

Page 132: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 132

Page 133: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 133

Les coûts des investissements A l’occasion du contrôle des comptes et de la gestion des

différentes sociétés concessionnaires d’autoroutes, la Cour a très souvent relevé une dérive importante des coûts.

Elle a ainsi constaté que le coût de la section Le Havre-Yvetot de l’autoroute A 29 était passé de 2 635 MF au stade de l’avant projet sommaire approuvé par décision ministérielle du 10 novembre 1989 à 5 930 MF en juin 1995 soit une hausse de 89 % en francs constants. Pour une part, ce surcoût correspond à l’adjonction, approuvée par décision ministérielle du 15 février 1994, de travaux complémentaires chiffrés par la direction des routes à 341 MF. Le renchérissement est de l’ordre de 70,7 % depuis l’approbation de l’estimation révisée par la direction des routes. Dans le cas de la mise aux normes autoroutières des huit km de la bretelle de Louviers (RN 154), l’estimation financière du projet avait d’ores et déjà doublé entre l’APS en 1990 (267 MF en 1995) et l’avant projet autoroutier (537 MF en 1995 pour une mise en service intégrale prévue fin 1996). Pour l’autoroute A 14, le montant de l’opération est passé de 3 000 MF (valeur 1993) en 1987 à 4 070 MF (valeur 1993) 87. Quant au tunnel de Puymorens, un avant-projet approuvé par lettre du ministre de l’équipement et du logement du 26 janvier 1989 fixait la dépense à 542 MF TTC (francs 1988) y compris 62 MF pour les accès. Un nouvel avant-projet sommaire modificatif approuvé par décision ministérielle du 2 mai 1990 portait le coût de l’ouvrage à 690 MF TTC (valeur janvier 1989). L’avant-projet d’ouvrage d’art approuvé par décision modificative du 21 décembre 1990 a renchéri ce coût à 738 MF (valeur juillet 1989) en ajoutant des clauses techniques supplémentaires, soit une hausse de 36 % par rapport à la première APS. En 1995, à la date de l’enquête de la Cour (1995), les coûts, qui n’étaient pas arrêtés définitivement, atteignaient 891,4 MF. Le coût définitif s’élève selon la direction des routes à 905 MF TTC en valeur F 1989 (soit + 31 % par rapport à l’APS modificatif de 1990). Cette augmentation serait liée pour 23 % aux difficultés rencontrées lors du creusement du tunnel et pour 8 % à des prestations complémentaires non prévues par l’avant-projet d’ouvrage d’art.

Afin de disposer de données exhaustives sur les coûts de

construction, la Cour a demandé à la direction des routes de produire un tableau comparatif détaillé par tronçon autoroutier des coûts prévisionnels au stade de l’APS et du coût effectif (voir annexe 10).

87 Cour des comptes - rapport public 1997.

Page 134: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 134

Mais ce service n’a pas été en mesure d’établir cette comparaison pour un tiers des opérations mises en service entre 1976 et 1991, d’autant que les sections ouvertes ne concordent pas avec les sections déclarées d’utilité publique. Les coûts de réalisation sont parfois incomplets et faussent les comparaisons. Parmi les sections mises en service entre 1976 et 1991, les surcoûts les plus importants sont constatés pour la liaison Poitiers-Sud-Saint-André (+ 45 %) et Mâcon-Lyon-Annemasse (+ 55 % alors même que le coût de réalisation transmis par la SAPRR ne prend pas en compte la liaison Chatillon - Annemasse). Pour les 14 liaisons ou sections faisant l’objet de données comparatives, la variation du coût de réalisation par rapport au coût d’APS est dans huit cas supérieure ou égale à 20 %.

La circulaire du 27 octobre 1987 relative à la construction et à

l’aménagement des autoroutes concédées avait délégué au président de la société concessionnaire la responsabilité d’approuver l’avant projet autoroutier, sous réserve que l’estimation reste dans la limite de celle de l’APS majorée d’une marge de 15 % correspondant aux incertitudes d’évaluation et aux aléas de construction ; une décision ministérielle modifiant l’APS devant être sollicitée au-delà. La plupart des opérations mis en service entre 1991 et 1994 n’ont pas fait l’objet de réévaluation et les dépassements constatés rapportés au km atteignent au plus 17,68 %. En revanche, des dépassements beaucoup plus importants sont observés pour certaines des opérations, mises en service en 1996 et 1997 : A 14, + 39,1 %, A 29 + A 131 - Yvetot, + 115,4 %, A 54 Arles - Salon-de-Provence, + 39,1 %, A 64 Toulouse - Muret, + 168,54 %, A 43 Aiton - Sainte-Marie-de-Cuines, + 41,7 %, A 404 Antenne d’Oyonnax, + 63,86 %. Pour l’autoroute A 43 (vallée de la Maurienne) le coût prévisionnel s’élevait à fin 1996 à 8 500 MF TTC (valeur 1993), en hausse de 52 % par rapport au coût présenté dans le dossier de l’APS de 1990 (5 626 MF TTC) et même en hausse de 30 % par rapport au dernier APS modificatif approuvé par la direction des routes le 3 juin 1996. Ces surcoûts sont liés à la difficulté du projet et aux accidents géologiques, à des rétablissements des réseaux publics plus délicats que prévus, à des aménagements paysagers ainsi qu’à la réalisation d’un centre d’exploitation pour l’entretien qui n’avait pas été envisagé, enfin à un surcoût de 150 MF pour la maîtrise d’ouvrage (suivi du chantier, architectes ...). En effet, comme le souligne le rapport de la mission d'enquête de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des ponts sur la SFTRF, les frais de maîtrise d'ouvrage n'avaient pas été pris en compte dans le chiffrage du coût de l'APS. Alors même que la dernière section (Saint-Michel - Le Fresnay) était à peine commencée, son coût prévisionnel par kilomètre s’élevait déjà, fin 1996, à 199 MF (valeur 1993) selon la direction de la prévision, ce qui est bien supérieur à la moyenne des coûts de

Page 135: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 135

construction des autoroutes concédées en zone de montagne qui s’établissait en 1997 à 120 MF pour une autoroute à 2 x 2 voies.

Ainsi qu’il est noté ci-dessus, les dérives des coûts

s’accentuent. Daté de juillet 1997, un rapport du Conseil général des ponts-et-chaussées, consacré aux dépassements de coûts de construction des opérations autoroutières, souligne que “ la réalisation actuelle des autoroutes concédées se trouve dans une situation paradoxale. On construit maintenant les sections d’autoroutes les moins rentables alors que les coûts unitaires augmentent et que des dérapages dans les estimations très importants sont parfois constatés entre l’avant projet et sa réalisation. Ainsi, pour huit demandes de réévaluations récentes totalisant 404 km d’autoroute, le coût moyen de l’avant projet sommaire qui était de 33,4 MF/km est passé à 46,7 MF/km soit une augmentation moyenne de 40 %".

Dans un document de juillet 1996 intitulé “ maîtrise des coûts

de construction des autoroutes nouvelles ”88, l’Association des sociétés françaises d’autoroutes (ASFA) fait état, de son côté, d’une augmentation moyenne des coûts de 30 % entre l'estimation initiale de l'APS et la mise en service due pour près de la moitié à des sous-estimations de l’APS.

Il y a peu de dispersion quant à l'évolution des coûts en phase

de travaux mais, en revanche, une dispersion très forte entre les opérations quant aux évolutions constatées entre l'APS et l'APA : 25 % des opérations connaissent une hausse inférieure à 10 % voire une variation négative ; 45 % ont une évolution comprise entre 10 et 30 % ; 30 % présentent une hausse supérieure à 30 %.

La sous-estimation des coûts au stade de l’APS

La direction des routes observe que “ le coût d’APS

représente le chiffrage d’un projet de référence à l’intérieur de la bande de 300 m qui est imposée à la société concessionnaire. Ce projet ne correspond pas a priori au projet qui sera effectivement conçu par la société concessionnaire qui peut résulter de l’IMEC 89 et

88 Le document de l’ASFA se fonde sur une analyse menée par SCETAUROUTE à partir d’une enquête approfondie portant sur 31 opérations, soit la totalité des opérations autoroutières neuves des SEMCA depuis la circulaire du directeur des routes du 27 Octobre 1987 relative à la construction et à l’aménagement des autoroutes concédées. 89 Instruction mixte à l'échelon central.

Page 136: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 136

des procédures de DUP. Le coût d’APS ne peut donc pas représenter une évaluation exacte du projet ”. Il n’en demeure pas moins que la marge d’erreur, qui pourrait être réduite, tend au contraire à croître.

Selon les résultats de l'enquête de SCETAUROUTE reprise

par l'ASFA, le poids des sous-estimations récurrentes des APS est estimé à 47 % des variations globales de coûts entre APS et mise en service ; le chiffre de 47 % est une moyenne, le premier décile est de 22 % et le dernier de 78 %. Ces résultats qui correspondent à une sous-estimation moyenne de 14 % des montants d'APS concordent avec ceux du SETRA. Selon le document de l'ASFA, l'application d'une note du SETRA aux CETE datée de mai 1995 conduirait à augmenter l'estimation de l'APS pour un même projet d'environ 15 % en moyenne. Ces sous-estimations sont de la responsabilité de ces centres.

De façon générale, les estimations des CETE, qui servent de

base au chiffrage des APS, manquent de fiabilité. Le rapport précité du Conseil général des ponts et chaussées souligne que “ les CETE sont amenés à étudier pendant plusieurs années de nombreuses variantes avec chaque fois des évaluations assez sommaires. Quand enfin une variante est retenue, la sortie du dossier d’APS et du dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique est considérée comme urgente et le CETE ne dispose que de quelques semaines pour les établir. En conséquence, le temps consacré aux évaluations plus détaillées sur la variante retenue est sans doute insuffisant ”. Le diagnostic de l'ASFA corrobore ce constat. L'ASFA propose, en effet, de “ n'arrêter au sein des CETE l'estimation d'APS qu'après une analyse sérieuse du dossier ” qui “ peut prendre de l'ordre de 4 à 5 semaines suivant le projet ”. En outre, le rapport du Conseil général des ponts et chaussés observe que “ les références des CETE sont parfois anciennes, les retours de chantiers quand ils existent étant beaucoup trop longs ”. Le document de l'ASFA recommandait à ce propos en juillet 1996 d'actualiser les ratios utilisés.

Selon ces diverses études, les APS sous-estiment le coût des

études 90 et de la surveillance des travaux, les acquisitions foncières, les frais de dégagement des emprises (déplacements de réseaux, fouilles archéologiques 91), et omettent fréquemment certains frais

90 Notamment par non prise en compte des études d'architectes et de paysagistes. 91 Les dépenses de fouilles archéologiques sont passées de 300 000 F à 700 000 F/km ou plus.

Page 137: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 137

tels que ceux liés à l’installation du chantier, à la démolition des maisons acquises, au renforcement des voiries utilisées pour les besoins du chantier et à la remise en état en fin de chantier, aux terrassements, aux équipements d’exploitation et de sécurité ainsi que les coûts induits par l’application de la loi sur l'eau. L’ASFA note ainsi qu’une vingtaine de sous-postes sont actuellement oubliés. Le coût des ouvrages d'art "courants" est aussi sous-estimé : sous-estimation du nombre de passages agricoles et pour la faune, sous-évaluation des surfaces de tablier et des ouvrages SNCF. Quant aux viaducs, tunnels et tranchées couvertes, l'ASFA observe que l'APS n'est pas suffisant pour évaluer sérieusement le coût des ouvrages à plus ou moins 15 % près, "ce coût ne pouvant être apprécié avec une marge d'incertitude acceptable qu'au stade de l'étude de projet d'ouvrage d'art (EPOA)".

Les sociétés concessionnaires imputent certains surcoûts à

des aléas : intempéries qui provoquent un allongement du chantier, difficultés géologiques, comme pour l’A 43 où la découverte d’une faille importante non décelée lors des études d’APS a entraîné des études, terrassements et ouvrages d’art supplémentaires importants. On peut souvent douter du caractère imprévisible de tels surcoûts qui, en réalité, résultent fréquemment d’une sous-estimation des coûts au stade de l’APS. Ainsi, pour la section Le Havre-Yvetot de l’A 29, la direction des routes reconnaît que “ la SAPN a sous-estimé les difficultés techniques rencontrées à cause d’un relief karstique et de la présence de nombreuses marnières qui ont contraint la société à procéder à un traitement tout particulier des marnières et des karsts identifiés, par la mise en place notamment de géotextiles préventifs dans les zones délicates afin de tendre à une absence totale de risque d’effondrements (80 MF) ”. Pour l’antenne d’Oyonnax, la direction des routes indique que l’importante dérive constatée est due en grande partie à une mauvaise évaluation au stade de l’APS des difficultés de cette section en site montagneux. Pour l’A 64, elle reconnaît que “ les très grandes difficultés techniques de ce projet ont été insuffisamment appréhendées lors de l’APS : difficultés d’un projet péri-urbain présentant des interférences nombreuses et complexes avec la voirie urbaine, travaux sous circulation en présence de flux très importants, difficultés d’ordre géotechnique, besoins en équipements d’exploitation de cette autoroute urbaine rattachée au réseau de voirie urbaine rapide de l’agglomération toulousaine ”. De même pour l’A 46, “ les conséquences de l’intégration dans un réseau dense avaient été mal estimées ” par l’APS. Un constat analogue contribue à expliquer les dépassements de coût de l’A 43 (“ travaux préparatoires plus importants que prévus en raison de l’importance des réseaux à dévier ”), ce qui n’avait rien d’imprévisible. Des

Page 138: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 138

insuffisances d’estimation au stade de l’APS sont aussi relevées pour l’A 54.

Page 139: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 139

Globalement, les estimations de coûts des APS apparaissent sous-évaluées et ce particulièrement pour les sections dont les trafics prévisionnels sont faibles. Cette défaillance est d'autant plus critiquable que ces coûts sont pris en compte dans les calculs de rentabilité des projets qui participent ou devraient participer aux critères de décision. Des dépassements analogues sont observés pour la réalisation de travaux routiers supplémentaires menés par les sociétés concessionnaires à la demande de l’Etat ou des collectivités territoriales. Ainsi, pour l’aménagement de la RN 532 (mise à 2 fois 2 voies) entre Bourg-de-péage et Valence, l’écart entre le coût prévisionnel et le coût réel est de 50 %. Le ministère avait indiqué à la Cour qu’ “ il ne pouvait que regretter que des omissions ou erreurs, aussi importantes que la non prise en compte de l’évaluation des déblais ou un prix de grave bitume anormalement bas, aient été commises ”.

L'incidence des décisions postérieures à l'APS

Après l’APS, la concertation ministérielle au stade de

l’instruction mixte paritaire et la concertation publique préalable à la déclaration d’utilité publique conduisent fréquemment à des modifications du projet qui renchérissent les coûts en raison des exigences accrues en matière d’insertion dans l’environnement, de travaux annexes, de réaménagement des voiries et de bretelles d’accès.

Les décisions de l'Etat postérieures aux APS ont une

incidence financière importante, soit en moyenne 20 % du total des variations de coûts. Ces décisions découlent notamment des procédures d'enquête publique et d'instruction mixte, qui conduisent à des engagements supplémentaires de l'Etat, d’une part, et des évolutions législatives et réglementaires, d’autre part.

A la demande des collectivités territoriales ou des riverains,

les sociétés concessionnaires et l’Etat sont amenés à accepter des dépenses supplémentaires afin de faciliter l’implantation locale du chantier. Ainsi, par exemple, le poste des acquisitions foncières doit fréquemment être réévalué de façon importante. Le bilan a posteriori de la construction de l’autoroute A 49 Grenoble - Valence fait, ainsi apparaître que les terres agricoles ont été acquises à un prix moyen de 130 000 F/ha pour les 326 ha achetés hors opérations de remembrement et à 220 000 F/ha pour les 394 ha acquis dans le cadre du remembrement.

Page 140: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 140

Estimations APS Coûts réels

Vergers Noyeraies Terre à tabac Terre agricole

90 000 F/ha 80 000 F/ha

50 000 F/ha

180 000 F/ha 275 000 F/ha 150 000 F/ha 75 000 F/ha

Ces coûts d’acquisition, très supérieurs aux estimations de

l’APS sont en outre sans commune mesure avec les cours habituels des prix des terres, soit environ 20 000 F à l'hectare ; ils ont entraîné un surcoût de 61 MF.

Les collectivités territoriales réclament souvent, quant à elles,

des échangeurs et des passages supplémentaires ainsi que des améliorations des voiries et des réseaux dérivés plus coûteux que prévu. Il est vrai que depuis quelques années leur demandes sont examinées par la direction des routes. Si la rentabilité de l'investissement demandé n'est pas assuré pour le concessionnaire, elles sont alors appelées à apporter une participation financière. De façon générale, le rapport du Conseil général des ponts et chaussées constate que “ la plupart des acteurs locaux, administrations, collectivités locales, associations diverses, ont tendance à considérer que les sociétés concessionnaires d’autoroutes sont riches et que l’on peut donc exiger beaucoup d’elles à l’occasion de la construction d’une autoroute". Le rapport précité de la mission d'enquête sur la société française du tunnel routier de Fréjus mené par l'inspection générale des finances et le Conseil général des ponts et chaussées (janvier 1998) observe, par exemple, que "le caractère régional de la société l'a poussée à engager d'importantes dépenses d'aménagement du territoire (à hauteur de 20 % des surcoûts) et à répondre favorablement aux demandes locales" (reconstruction de la N6 au-delà de ce qui était prévu, suppression de friches industrielles, enrochement des rives de l'Arc, création et aménagement de plans d'eau, aménagement de carrefours giratoires).

La direction des routes et le Conseil général des ponts et

chaussées relèvent la fréquence des dépassements de coûts liés à la prise en compte de l’environnement (protection des eaux, dispositifs de réduction des nuisances sonores, passages pour la faune, traitement individualisé des ouvrages d’art en vue d’une meilleure intégration dans le paysage...). Pour les autoroutes mises en service après 1994, ces dépassements tiennent en large partie au

Page 141: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 141

renforcement des normes législatives92 et réglementaires, intervenues entre l’approbation de l’APS et la réalisation des travaux. Cependant l'ASFA relève que l'évolution des textes en matière d'environnement a eu une incidence moins directe - seule la loi sur le bruit et ses textes d'application ont fixé de nouvelles normes techniques à la différence de la loi sur l'eau et de la loi de 1976 sur la protection de la nature - qu'indirecte, en modifiant les exigences des services administratifs concernés et, pourrait-on ajouter, des citoyens et des associations. Les exigences des services de l'eau se sont notamment fortement accrues. Cependant "ceux-ci manquant d'instructions, ont d'un département à l'autre des prescriptions tout à fait différentes pour des situations techniquement analogues". Le Conseil général des ponts et chaussées observe, de même, que les réglementations nationales font souvent l’objet d’applications locales très diverses dans les départements ou les régions, selon l’appréciation plus ou moins autonomes des responsables des administrations concernées dont les demandes entraîneraient parfois des surcoûts disproportionnés par rapport à l’intérêt des mesures prescrites. Il estime, par exemple, déraisonnable d’exiger comme cela a été fait dans certains endroits, que le niveau de rehaussement de la crue centennale qui serait provoqué par l’autoroute soit inférieur à 2 cm, les modèles ne permettant pas une telle précision. De même, il observe qu’il est superflu d’imposer la récupération séparative des eaux de surface en période de crue centennale dans l’hypothèse d’un accident de poids lourds transportant des matières dangereuses miscibles, tellement sont faibles les probabilités de survenue concomitante de tels événements.

Il est donc souhaitable que le prix de ces mesures soit chiffré

de façon à ce que le rapport entre leur coût et leur avantage éclaire les choix des services.

Pour autant, le renchérissement des coûts, induit par le

renforcement des normes juridiques et l’élévation du niveau d’exigence des riverains et des associations, ne fait que traduire une amorce d’appréciation des coûts externes traditionnellement négligés, car les espaces naturels ont été souvent considérés comme dépourvus de valeur économique et, donc, propices à l’implantation d’infrastructures de transport. Constatant que “ l'intégration de la prise en compte de l'environnement dans la conception de l'ensemble des ouvrages des infrastructures (et pas seulement l'addition d'ouvrages

92 En particulier des lois du 3 Janvier 1992 sur l’eau, du 31 Décembre 1992 relative à lutte contre le bruit, du 8 Janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages.

Page 142: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 142

ayant une fonction environnementale) est une tendance lourde ” et que “ l'on a tout lieu de penser que cette évolution n'est pas terminée ”, l'ASFA recommande, pour éviter des surprises, que les ratios d'estimation des projets ne soient pas simplement établis sur les coûts, constatés mais intègrent cette évolution dès la publication des textes ou instructions du SETRA, sans attendre de constater l'augmentation des coûts dans les décomptes définitifs.

Si les considérations d’environnement ne sont pas

suffisamment prises en compte au stade de l’APS, il n’est pas étonnant de constater par la suite des dépassements très sensibles. Tel a été le cas de l’aménagement de l’A14 dont, en définitive, plus de la moitié du coût a été consacré à des aménagements et à des équipements destinés à limiter son impact sur le site.93

La variation des coûts en phase de travaux

Le poids des variations de coût liées à la phase de travaux

est, selon le rapport de l'ASFA, qui se fonde sur les analyses de SCETAUROUTE, en moyenne de 8 % du total des variations de coûts entre l'APS et la mise en service. Le chiffrage de l'avant-projet autoroutier serait donc assez fiable, sauf aléa majeur comme l'effondrement du tunnel de Puymorens qui a renchéri les coûts de 51 %.

Les surcoûts peuvent être liés à une mauvaise gestion du

chantier. La direction des routes relève ainsi, pour la section A 131 - Yvetot de l’A 29, que la nature des sols et du sous-sol réclamait que les travaux de terrassement puissent être étalés sur deux saisons estivales. Or “ la saison estivale de l’année 1993 a été complètement perdue pour des raisons inexpliquées ... Cette année 1993 n’a pas non plus été mise à profit pour réaliser un chantier d’essais de terrassement, ce qui aurait vraisemblablement permis de préparer les campagnes ultérieures et de définir plus économiquement les spécifications de la couche de forme ”. La direction des routes note qu’ “ outre une diminution du taux de réemploi des déblais et une augmentation du volume et du coût des traitements à la chaux et au ciment ”, le démarrage tardif des travaux a créé une “ réelle tension ” pour les responsables du chantier soucieux de respecter les échéances de mise en service et que “ cet impératif a pu les gêner pour la prise de décisions techniques ou la gestion des marchés d’entreprise ”. Le rapport du Conseil général des ponts et chaussées observe, de même, que “ dans certains cas les terrassements sont

93 Rapport public 1997 pages 371 à 382.

Page 143: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 143

exécutés à la mauvaise saison, interdisant la réutilisation des déblais qu’il faut mettre en dépôt et nécessitant l’apport de bons matériaux beaucoup plus coûteux à transporter sur de grandes distances. C’est parfois le résultat d’une mauvaise maîtrise du planning des procédures et des travaux ou bien le résultat du respect aveugle des délais imposés ou que la société s’est fixés alors qu’il serait peut être préférable économiquement de retarder la mise en service ”.

La direction des routes constate aussi que “ l’étroite

imbrication de la maîtrise d’oeuvre et de la maîtrise d’ouvrage dans le système autoroutier d’économie mixte a pu, dans certains cas, ne pas aboutir à des choix optimaux ”, comme elle le reconnaît pour l’A 29, Le Havre-Saint-Saëns, et l’A 51, Sisteron-le-Saulce.

En effet, jusqu’à l'entrée en vigueur de la loi du 29 janvier

1993, le code des marchés publics ne s’imposait pas aux SEMCA. La SCETAUROUTE, dont la majorité du capital leur appartient, a bénéficié d’un quasi-monopole pour la maîtrise d’oeuvre des travaux autoroutiers. N’exerçant pas ses missions comme un maître d’oeuvre ordinaire, elle se voyait déléguer par les SEMCA une partie de leurs responsabilités de maître d’ouvrage. Cette mission d’assistance à maître d’ouvrage comprenait l’aide aux opérations foncières sur l’ensemble de l’emprise de l’opération, l’assistance aux études, au contrôle des travaux et à leur réception, la participation aux études paysagères et architecturales, les liaisons avec les sous-concessionnaires dans le cadre de leur installation, les relations publiques, la représentation locale du maître d’ouvrage.

Pour l’A 14, la Cour a relevé au rapport public de 1997 que le

choix des contractants ne s’était pas opéré selon des modalités permettant d’obtenir les meilleures conditions financières. Le ministère chargé de l’équipement avait pourtant procédé à une consultation formalisée des entreprises, alors qu’elle n’était pas obligatoire. Mais, en renonçant à susciter de nouvelles offres bien que le projet initial eût été substantiellement modifié “ le ministre de l’équipement entérinait en définitive les choix techniques et financiers des candidats. Ce faisant, il se privait de la possibilité d’opérer dans des conditions satisfaisantes, notamment sur une base comparative, la validation des coûts annoncés par les opérateurs qu’il décidait de retenir ”.

L’application des règles édictées par la loi précitée du

29 janvier 1993, et l’annulation par le Conseil constitutionnel de la clause excluant les principes de publicité et de concurrence des marchés d’étude et de maîtrise d’oeuvre passés par les sociétés d’économie mixte lorsque le capital est contrôlé directement ou

Page 144: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 144

indirectement par l’Etat, a imposé aux SEMCA de mettre en concurrence la maîtrise d’oeuvre de leurs opérations dont la consultation est engagée postérieurement au 1er septembre 1993. Désormais, “ tous les contrats de travaux, d’études et de maîtrise d’oeuvre conclus par les sociétés d’économie mixte sont soumis aux principes de publicité et de mise en concurrence prévus par le code des marchés publics ”. Le rapport de la mission d'inspection sur la Société française du tunnel routier du Fréjus a cependant mis en évidence diverses anomalies et infractions concernant l'attribution des marchés de l'A 43.

Le ministère n’est souvent pas averti des dépassements de

coûts qu’il découvre en fin de chantier, trop tardivement pour pouvoir préconiser les mesures adaptées pour contenir leur progression (voir annexe 10). Ainsi, en 1996, lorsque la Cour a contrôlé la SAPN, cette société estimait pour l’A 28 (Rouen-Alençon), au vu des travaux de quatre bureaux d’études sur des marchés de définition, que le coût évaluatif du projet au stade de l’APS serait dépassé de 25 % au minimum alors même que les travaux de construction ne débuteraient qu’en 1999. La direction de routes n’avait pas été avisée de l’ampleur des dépassements prévus94. Pour l’A 64 Toulouse-Muret et l’A 54 Arles-Salon, la direction des routes souligne qu’elle n’a été saisie d’une demande de réévaluation que quelques mois avant l’achèvement des travaux, “ ce qui ne permettait pas d’action correctrice et rendait leur approbation inutile ”. De même, le rapport précité sur la SFTRF concessionnaire de l’autoroute de Maurienne (A 43) estime tardive l’information du conseil d’administration sur les augmentations de coûts et observe que “ dans ces conditions, les autorités de tutelle (n’)ont été informées de manière claire sur les surcoûts (qu’)à un moment où il n’était plus possible d’agir pour redresser la situation ”95.

Afin d’améliorer la maîtrise des coûts, la direction des routes a

pris en décembre 1997 un certain nombre de dispositions dont on peut regretter le caractère tardif et dont il était encore trop tôt, lors de l’enquête de la Cour, pour en mesurer l’efficacité.

94 Voir la réponse de la SAPN. 95 Voir en annexe des réponses du ministère de l’équipement et des sociétés.

Page 145: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 145

Les mesures correctives décidées par la direction des routes

Fiabilisation des estimations des CETE En décembre 1997, un groupe de travail, dirigé par la direction des routes et comprenant notamment le SETRA, a reconnu qu’il était “ indispensable d’aboutir à une plus grande fiabilité des estimations des CETE ” par “ une actualisation régulière des ratios de coûts utilisés ”, “ un affichage des marges d’incertitude ”, “ une explicitation des hypothèses sur lesquelles repose l’estimation ”, “ la mise en place d’actions complémentaires de type démarche-qualité ”.

Evaluation et maîtrise des coûts induits par les nouvelles réglementations

Afin de maîtriser les coûts induits par l’application des nouvelles réglementations, les mesures ci-après ont été décidées en décembre 1997. Une recherche visera à identifier les procédures de décision et les dispositions techniques permettant une bonne application des textes au meilleur coût ainsi qu’à évaluer leur coût et leur efficacité dans le temps ; les préfets seront sensibilisés à l’impact de ces réglementations sur les coûts ; la rédaction des engagements de l’Etat devra porter dans la mesure du possible sur des objectifs de résultat et non des obligations de moyens. La notion de ticket modérateur pour les collectivités qui demandent des dispositions allant au-delà de la réglementation doit être mise en oeuvre comme c’est déjà le cas pour les échangeurs.

La définition d’infrastructures adaptées

Le groupe de travail précité a reconnu en décembre 1997 que “ les nouvelles infrastructures devaient être adaptées d’une part aux contraintes financières, d’autre part aux fonctions qu’elles doivent assurer ” et que “ les autoroutes classiques peuvent apparaître surdimensionnées au regard de ces deux aspects ”. La direction des routes a lancé une réflexion sur les normes techniques et la typologie routière.

Le contrôle des sociétés concessionnaires d’autoroute Pour les opérations déjà concédées, la direction des routes a arrêté les dispositions ci-après : - fixation d’un coût d’objectif après DUP : Par lettre du 27 mars 1996 la direction des routes a informé les sociétés concessionnaires de la prise en place d’une nouvelle procédure. La marge de tolérance de 15 % prévue par la circulaire du 27 octobre 1987 est supprimée. Après signature de la DUP et mise au point du dossier des engagements de l’Etat, l’auteur de l’APS doit procéder à une nouvelle estimation financière du projet qui est soumise à la société concessionnaire. Après discussion, la direction des routes fixera le coût d’objectif retenu pour la réalisation du projet.

Page 146: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 146

- Observatoire des coûts : la direction des routes prévoit de mettre en place un observatoire des coûts. Pour chaque opération, la société concessionnaire devra communiquer semestriellement une évaluation du coût final, ventilé par grand poste. Si le coût prévisionnel dépasse le coût d’objectif, la société devra proposer les adaptations techniques nécessaires au respect de ce coût plafond. Les coûts finaux des opérations serviront de base statistique aux mercuriales de l’administration. - Contrôle en conseil d’administration : le point sur le coût des projets sera demandé à chaque conseil d’administration des SEMCA. - Contrôle intégré : Par ailleurs, la direction des routes expérimente sur l’A89 une méthode de contrôle intégré afin de contenir les dérives en s’assurant, lors des études d’APA, que les choix techniques du concessionnaire prennent en compte la contrainte de minimisation du coût. Pour les opérations qui seront concédées en application de la directive travaux, la fixation d’un coût d’objectif sera un élément fondamental de la négociation de la concession.

Cependant, comme le relève le rapport précité du Conseil

général des ponts et chaussées sur les dépassements de coûts de construction des opérations immobilières “ tout porte au renchérissement des nouvelles autoroutes ”.

Après une phase de décroissance des coûts de construction

jusqu'en 1983, on a observé un renversement de tendance (voir annexe 10). Pour les autoroutes interurbaines à 2 x 2 voies, le coût moyen TTC est passé de 29 MF/km (moyenne 1975-1983) à 33 MF/km (moyenne 1984-1994) et à 46 MF/km (estimation 1995-1999) soit une croissance de 39 % par rapport à la période 1984-1994 et de 58 % par rapport à 1975-1983. Cette augmentation vaut pour tous les sites d'autoroutes. Ainsi, en site facile, l'estimation du coût moyen des autoroutes actuellement en cours de lancement des travaux est, selon l'ASFA, supérieure de plus de 30 % au coût moyen constaté en site facile pour les sections achevées jusqu’en 1995. Le coût kilométrique moyen d'une autoroute à 2 x 2 voies en site facile ou moyennement difficile était en 1996 de 44 MF selon l'ASFA. Les données produites par le SETRA indiquent un coût kilométrique moyen qui s'échelonne de 35 MF en plaine à 120 MF en montagne pour les autoroutes concédées et est sensiblement inférieur pour les autoroutes non concédées compte tenu de moindres prestations de services annexes (aires de repos et de services ...). En zone urbaine le coût kilométrique peut être encore bien supérieur (259 MF pour l’A 14 section Orgeval-La Défense et plus de 590 MF en moyenne pour les opérations non concédées) (annexe 10).

Page 147: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 147

Page 148: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 148

Comme le souligne le rapport du Conseil général des ponts et chaussées, on peut se demander “ s’il est raisonnable de consacrer des sommes importantes à des autoroutes dites d’aménagement du territoire dont le niveau de trafic prévisible est faible ” sachant que le coût moyen de construction des autoroutes est bien supérieur à celui des voies rapides ordinaires dans un rapport qui, selon les sites, varie du simple au double ou au triple en plaine et de un à six en montagne.

L'ASFA préconise le phasage des investissements en

fonction de l'évolution du trafic après la mise en service (profil en travers, dimensionnement des gares de péage, des aires de repos et de service, des protections contre le bruit, des équipements d'exploitation, des structures de chaussées ...) comme le pratiquent d’ailleurs déjà la société COFIROUTE et la SANEF.

La direction des routes a défini, le 15 novembre 1996, au vu

de critères de coûts et de sécurité une série de mesures qui pourraient être appliquées aux nouvelles liaisons autoroutières dont le trafic prévu à la mise en service est faible : couplage des aires annexes avec les diffuseurs, phasage des ouvrages d’art non courants, réduction de la largeur des voies.

Une réforme des normes autoroutières est aussi envisagée et

une refonte de l’instruction sur les conditions techniques d’aménagement des autoroutes de liaison (ICTAAL) est en cours. Le rapport du Conseil général des ponts et chaussées sur les dépassements des coûts de construction des opérations immobilières, qui préconise la progressivité des investissements, estime, en effet, que “ pour les autoroutes à faible trafic les caractéristiques découlant de l’ICTAAL donnent des objets routiers qui peuvent paraître surdimensionnés ”. Il recommande d’imaginer un nouveau type d’autoroute adapté aux faibles trafics : chaussée à trois voies avec marquage à l’italienne jusqu’à 10 000 véhicules par jour, voire une seule chaussée bidirectionnelle avec créneaux régulièrement espacés pour permettre le doublement des poids lourds et des véhicules lents ; vitesse limitée à 110 voire 90 km/h. En zone urbaine en banlieue de Lyon, ce type d’ouvrage aurait pu faire face à des débits de plus de 30 000 véhicules/jour.

La diminution du coût de construction de ces liaisons

abaisserait le seuil de trafic d’équilibre dans une proportion qu’il convient de ne pas surestimer puisque les tarifs de péage ne pourront vraisemblablement pas être du même niveau que sur les autoroutes classiques. Comme en convenait la direction des routes, en dépit de coûts inférieurs à ceux des autoroutes classiques, ces concessions devraient être subventionnées par l’Etat dans le nouveau cadre

Page 149: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 149

juridique qui ne permet plus d’adosser des sections non rentables à des sections rentables sans mise en publicité. L’ASFA a calculé un seuil d’équilibre de 6 000 véhicules/jour pour un coût de construction de 23 MF/km TTC (2 x 1 voie), un tarif moyen VL-PL de 40 centimes par km et un taux de subventionnement de 50 %.

La réduction des coûts liée à ce nouveau type d’autoroute

laisse entière la question de l’opportunité de construire des liaisons autoroutières à faible trafic.

Compte tenu du coût de construction et d’exploitation des

péages, la perception d’un péage est peu voire non rentable sur les sections à très faible trafic.

Par ailleurs dans un avis rendu le 6 juillet 1993 sur

l’éventualité de la mise à péage de la RN 10 dans les Landes, le Conseil d’Etat a souligné qu’il résultait de l’article L 122-4 du code de la voirie routière que la mise en service d’une autoroute à péage ne devait pas avoir pour effet de priver les usagers de toute possibilité de relier gratuitement les points desservis par la nouvelle autoroute, “ à moins que le relief fasse obstacle au passage de deux voies soumises à des statuts différents ”. Le Conseil d’Etat admet, il est vrai, que l’axe de substitution soit relativement éloigné s’agissant du trafic de transit. Quant au trafic local, la mise en oeuvre d’un système de péage “ ouvert ” lèverait l’objection, les usagers locaux pouvant circuler gratuitement sur l’autoroute entre deux barrières. Le système dit “ ouvert ”, par rapport à un système “ fermé ”, consiste à intercepter le trafic en certains points de l’itinéraire pour soumettre l’usager au péage. Celui-ci est perçu sans détermination de l’origine ou de la destination des véhicules et n’est donc plus proportionnel à la distance parcourue. Le recours au péage ouvert est admis par le Conseil d’Etat s’il “ existe entre les diverses catégories d’usagers (payants et non payants) des différences de situations appréciables et qu’en outre, le choix d’un système de péage ouvert répond à une nécessité d’intérêt général. ”.

Il n’en demeure pas moins qu’une liaison autoroutière a une

finalité différente d’une route nationale. Tous les véhicules n’y ont pas accès. Les échanges avec la voirie locale sont réduits. L’autoroute est, en conséquence, adaptée à des trafics à moyenne et à longue distance et non pas à la desserte locale. En particulier sur les liaisons peu fréquentées, il reste légitime et souhaitable de comparer le choix de construire une autoroute, même à caractéristiques réduites, ou d’aménager le réseau existant par contournement d’agglomérations, dénivellation de certains carrefours et résorption des points noirs,

Page 150: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 150

élargissement des sections les plus fréquentées pour tenir compte de la segmentation des flux de transport.

2° LA RENTABILITE FINANCIERE

L’évaluation de la rentabilité financière pour la société

concessionnaire n’était pas prévue par l’instruction de mars 1980 sur les méthodes d’évaluation des effets économiques des investissements routiers en rase campagne qui, comme son intitulé l’indique, ne portait que sur la rentabilité socio-économique. Le décret du 17 juillet 1984 rend obligatoire une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière.

L’instruction de la direction des routes de 1986 prévoyait

qu’un “ bilan financier pour les sociétés concessionnaires ” devait être établi par la direction des routes sans donner aucune précision. Il a fallu attendre l’instruction interne de novembre 1997 reprise par celle du 20 octobre 1998 pour que la méthodologie d’évaluation économique des investissements routiers en rase campagne consacre des développements à l’évaluation de la rentabilité financière d’une opération à péage et à la faisabilité financière au niveau du réseau concédé.

En fait, les dossiers d’évaluation économique présentés à

l’enquête publique se bornaient à indiquer que l’investissement serait essentiellement financé sur emprunts et ne porterait pas préjudice à l’équilibre à terme du secteur autoroutier. En effet, comme l’indique la direction des routes, dans le cadre du régime d’adossement des concessions de nouvelles sections sur les concessions anciennes en vigueur jusqu’au 31 décembre 1997, “ ce n’est pas la rentabilité de l’autoroute prise isolément, mais l’équilibre de long terme de la concession globale éventuellement rallongée, qui a été examinée à l’occasion de leur concession ”. Les études bilan, réalisées chaque année à partir des résultats de l’année écoulée prennent en compte la réalisation de la totalité des sections prévues dans les conventions de concessions des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Elles permettent de suivre l’évolution à long terme de leur situation financière et servent, en outre, aux commissaires aux comptes pour apprécier la capacités des sociétés à résorber leurs charges différées avant la fin de la concession.

C’est seulement depuis la réforme du FDES que des

éléments d’analyse de rentabilité financière sont demandés, mais à un stade très tardif, postérieur à la DUP, alors que la remise en cause des choix initiaux est politiquement difficile.

Page 151: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 151

L’article 1er du décret du 27 novembre 1996 dispose que le

CIES “ se prononce sur ces programmes, le rythme de réalisation des travaux et leur mode de financement en fonction de la situation financière des entreprises et organismes concernés ”. En application de cet article, une note conjointe de la direction de la prévision et du commissariat général au Plan du 29 octobre 1996 a précisé les données relatives à l’évaluation économique des projets qui doivent être fournies pour l’examen des programmes d’investissements. Cette note prévoit en particulier le calcul de la rentabilité financière de chaque opération nouvelle d’un montant supérieur à 500 MF.

La première application de ces directives a été faite en mai

1997 et a donné lieu à la production de données relatives à sept sections d’autoroutes.

Une analyse systématique de la rentabilité financière dans le

cadre des études préalables à la DUP est prévue “ pour l’avenir ” par la direction des routes. En effet, le nouveau cadre juridique, lié à l’entrée en application de la directive “ travaux ” de la Commission européenne, suppose que l’on calcule le montant de la subvention nécessaire pour équilibrer le financement d’une section non rentable puisque l’Etat devra désormais faire un appel public à candidature en précisant les termes économiques de la concession. L’instruction du 20 octobre 1998 précise que l’évaluation de la rentabilité financière d’une opération à péage devra désormais être effectuée par le maître d’oeuvre de l’étude en “ supposant l’ouvrage pris en compte isolément, comme s’il devait être exploité par un nouvel opérateur dans des conditions normalisées ” et en faisant apparaître la subvention nécessaire à l’équilibre financier des nouvelles sections concédées. “ Le maître d’oeuvre devra calculer l’apport du concédant dans l’hypothèse où les risques sont assumés sans recours par le concessionnaire ”. Un logiciel qui s’inspire des recommandations de la commission 96 sera mis à la disposition du maître d’oeuvre des études pour les calculs de rentabilité financière. Cet outil financier devra permettre de calculer la valeur actualisée nette du projet. Le coût du financement de l’ouvrage inclura les frais d’émission des emprunts et les intérêts intercalaires qui majorent le coût de construction, le taux de rentabilité interne et la subvention nécessaire

96 Commission européenne - Direction générale des transports - Financement du réseau routier transeuropéen (1994) Annexe 6 du cahier des charges pour le développement d’un outil de simulation financière d’une concession autoroutière.

Page 152: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 152

pour équilibrer la concession ainsi que la durée d’exploitation nécessaire pour équilibrer la concession sans apport externe.

Jusqu’à présent, le processus de décision a manqué de la

transparence et de la rigueur qu’auraient requises des décisions d’investissement aussi importantes du point de vue des politiques des transports et de l’aménagement du territoire et dont le montant se chiffre en dizaines de milliards de francs.

En dépit des prescriptions déjà anciennes de la LOTI, la

planification des infrastructures autoroutières ne s’était jusqu’à présent pas inscrite dans une réflexion globale et concertée sur la politique de transports. La coordination entre les administrations et la consultation du public restent insuffisantes et tardives.

Les calculs de rentabilité socio-économique demeurent,

sommaires et souvent pas même explicites. Les hypothèses qui les sous-tendent (valeur du temps, prévisions de trafic, coûts prévisionnels) sont fréquemment dépourvues de fiabilité et ne sont pas réajustées. Les modèles utilisés par le SETRA et les CETE rendent insuffisamment compte de la complexité des données ; les méthodologies adoptées pour apprécier la valeur du temps sont encore aléatoires ; les modèles de trafic n’intègrent pas de façon suffisamment fine les trafics induits et les interférences entre itinéraires. Le calcul des avantages retenus par le bilan socio-économique aboutit donc à multiplier l'une par l'autre des données présentant une forte marge d'incertitude sans que des études de sensibilité soient menées et des scénarios contrastés élaborés. Les avantages ainsi calculés sont rapportés à des coûts qui se révèlent nettement sous-estimés. Quant aux études de rentabilité financière, elles ont, comme on l'a vu, fait défaut jusqu’à la réunion du CIES de mai 1997.

Des expertises ont pu ainsi être faites sur la base

d’hypothèses économiques, techniques et financières sans lien suffisant avec la réalité des projets et leurs perspectives d’avenir. La Cour a, par exemple, relevé dans son rapport public de 1997, que la décision de construire l’autoroute A 14 entre Orgeval et la Défense avait été prise sur le fondement d’études, comportant “ une sous-estimation manifeste du coût des travaux, une évaluation trop favorable du trafic attendu et des prévisions irréalistes quant au montant du péage ”, “ hypothèses progressivement corrigées une fois acquises les décisions sur la réalisation de l’ouvrage et sur sa configuration technique finale ”. De même, le rapport de l’Inspection

Page 153: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 153

générale des finances et du Conseil général des ponts et chaussées sur la société française du tunnel routier du Fréjus (janvier 1998) a observé que les hypothèses inscrites dans la concession étaient “ irréalistes ”. La direction du Trésor avait demandé que la date de 2015 soit retenue comme terme de la concession avec “ l’idée que le recours à des dates d’échéance tendues introduirait une forme de ressort de rappel dans un système faiblement incitatif. Il s’avère toutefois que l’incitation voulue a été contre-productive, dans la mesure où les hypothèses ont été déterminées sur mesure pour s’ajuster à la date de 2015 ”. Le rapport note à ce propos “ la fixation délibérée de tarifs irréalistes ” et une surestimation des trafics.

L’instruction jointe à la circulaire de la direction des routes du

20 octobre 1998 prévoit désormais diverses dispositions de nature à améliorer la qualité des études telles que l’établissement systématique d’études de rentabilité financière, l’analyse de la saturation et de l’impact potentiel de mesures de gestion du trafic et la prise en compte de l’incertitude. Elle recommande l’utilisation d’hypothèses haute et basse d’évolution générale du trafic, combinant des scénarios macro économiques et de politique des transports contrastés, la variation du coût d’investissement, selon une amplitude déterminée en fonction des aléas techniques possibles et du niveau amont ou aval de l’étude ; la prise en compte de plusieurs situations de référence le cas échéant ainsi que des incertitudes sur le taux d’actualisation. Elle suggère de calculer en tant que de besoin des “ valeurs de basculement ”, c’est-à-dire les valeurs de certains paramètres (coût d’investissement, niveau du trafic à l’ouverture, valeur des externalités) qui annulent le bénéfice actualisé. Elle préconise “ la définition d’un large éventail de solutions, entre lesquelles il est recommandé de ne pas discriminer trop tôt, comprenant les possibilités des autres modes ainsi que les mesures de gestion du trafic ... . En présence de multiples options le processus d’évaluation consiste à mettre en évidence celles qui sont financièrement et techniquement réalisables, et qui présentent un intérêt collectif, sans suggérer de choix a priori. En effet, compte tenu de l’incertitude, des options écartées prématurément peuvent s’avérer pertinentes, à une étape ultérieure du processus d’évaluation ... ”. Enfin, “ compte tenu de la forte irréversibilité des grands projets d’infrastructure et des enjeux économiques, financiers et environnementaux associés, il peut être préférable de différer le choix en attendant de disposer d’une meilleure lisibilité de l’avenir, ou de ne poursuivre l’instruction que des solutions préservant celui-ci ”.

Cette volonté de réforme est positive et sa mise en oeuvre

demandera d’être suivie avec attention.

Page 154: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 154

Pour autant, le SETRA observe “ qu’enfin et peut-être surtout, pour avoir de bonnes études il ne suffit pas qu’elles soient techniquement possibles, il faut aussi que les différents acteurs soient motivés. Actuellement, les techniciens chargés des études de trafic ont parfois l’impression que leur travail, dans les faits (même si le discours est différent), ne contribue pas au processus de décision. Cette impression s’appuie sur des délais d’études imposés très court, sur des choix d’aménagement sans corrélation avec le niveau de trafic, sur l’absence de contrôle de leur production. De la part des “ décideurs ”, cette attitude peut être liée à des contraintes externes qui font qu’effectivement l’étude de trafic n’est pas prise en compte, à des doutes sur la crédibilité des résultats, à un intérêt insuffisant porté par les divers intervenants dans la chaîne de production des projets aux études de trafic ”. Le SETRA rejoint ainsi le constat établi en 1992 par la Cour qui notait que “ la nécessaire rénovation des outils serait cependant peu efficace si on n’assignait pas en même temps un rôle réel aux indicateurs de rentabilité dans le processus de décision ”.

Or, compte tenu des spécificités du secteur autoroutier et

notamment des facilités de financement qu’il offrait jusqu’à présent, les décisions d’investissement ont souvent fait abstraction des critères de rentabilité.

Page 155: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 155

RECOMMANDATIONS DE LA COUR SUR LE CHAPITRE II - En ce qui concerne les projets d’infrastructures dites

d’aménagement du territoire, privilégier les solutions alternatives (aménagement du réseau existant et construction de voies rapides) moins coûteuses que les autoroutes.

- Assurer la coordination des services de l’Etat, en particulier

dès le stade des études préliminaires du projet autoroutier et du choix du fuseau du kilomètre, notamment en réformant l’instruction mixte à l’échelon central (IMEC).

- Instituer une procédure d’autorisation globale des travaux

après la déclaration d’utilité publique. - Mettre en oeuvre les décrets d’application de la loi sur le

débat public pour mieux organiser la concertation avec le public. - Assurer une meilleure information du Parlement sur la

politique des transports, les programmes autoroutiers et la situation financière des sociétés concessionnaires.

- Remédier aux insuffisances des études préalables et, en

particulier, mieux évaluer les incidences des projets sur l’environnement et prendre en considération au plus tôt les conséquences financières des textes existants.

- Assurer la transparence du choix des hypothèses de travail

et la fiabilité des études sur lesquelles se fondent les décisions d’investissement : hypothèses de trafic, situation de référence, critères divers etc ..

- Assurer la régularité des procédures relatives à la réalisation

des études par le SETRA. - Disposer d’un logiciel de prévision des trafics rénové et

adapté pour s’assurer de la validité des hypothèses retenues et donner des bases plus solides aux calculs de rentabilité des projets.

- Assurer l’exploitation optimale du réseau et notamment

privilégier l’utilisation plus efficace du réseau autoroutier concédé, par exemple en adaptant et en diversifiant la tarification.

Page 156: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 156

- Remédier à la sous-évaluation des coûts par l’intégration des coûts externes, la réduction des marges d’erreur au stade de l’APS et la meilleure maîtrise de l’exécution des travaux.

Page 157: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 157

CHAPITRE III

L’IMPACT ECONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTAL

Page 158: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 158

Le réseau autoroutier joue un rôle de plus en plus important dans l’économie des transports. En facilitant et en accélérant les transports routiers, il a favorisé le passage des entreprises à une organisation en flux tendus et a contribué à la croissance sans précédent des échanges dans le cadre communautaire.

Postulant que les grandes infrastructures de transport

induisent le développement économique, la loi d’aménagement du territoire du 4 février 1995 et le schéma directeur routier fixaient pour objectif un maillage homogène de l’ensemble du territoire “ quels que soient les trafics constatés ”. Les effets attendus sur l’activité économique et l’aménagement du territoire justifiaient ainsi la construction de tronçons durablement non rentables sur des sections à faible trafic.

Cependant, les bilans ex-post des investissements

autoroutiers font apparaître qu’il n’y a pas de relation d’automaticité entre la mise en service d’une autoroute et le développement local et que les effets socio-économiques sont souvent moins favorables qu’annoncés à l’échelle des territoires traversés.

L’incidence sur l’environnement dépasse, pour sa part,

généralement les prévisions de l’étude d’impact présentée à l’enquête publique.

Afin de limiter les effets indésirables de l’infrastructure

autoroutière sur l’environnement et sur le tissu économique et social, l’Etat s’engage à prendre à l’issue de l’enquête publique, un certain nombre de mesures correctives ou compensatoires et à mettre en place une procédure de suivi. La portée de ces engagements doit cependant être fortement relativisée. Quant aux obligations de suivi, elles n’ont été que très partiellement respectées.

SECTION I - LA PORTEE DES ENGAGEMENTS DE L’ETAT En application de la circulaire du 15 décembre 1992,

l’établissement d’un dossier des engagements de l’Etat concerne, depuis 1996, tous les projets routiers. Ce document, diffusé à l’occasion de la publication de l’acte déclaratif d’utilité publique, présente au public les suites qui ont été données aux observations recueillies lors de l’enquête publique et récapitule les engagements prévus par le projet soumis à enquête ou pris à l’issue de l’enquête dans le cas de l’instruction mixte à l’échelon central ou local ainsi que, le cas échéant, devant le Conseil d’Etat. Pour les projets autoroutiers, le dossier des engagements porte sur l’environnement,

Page 159: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 159

l’aménagement du territoire, le développement local. Un comité de suivi de la mise en oeuvre des engagements de l’Etat doit être constitué par le préfet avec les responsables locaux concernés (voir section II).

La portée de ces dispositions, inégalement appliquées, reste

en fait limitée et la valeur juridique des engagements doit être relativisée.

Le guide méthodologique du dossier des engagements de

l’Etat, établi en août 1996 par le SETRA et le centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques, distingue de façon arbitraire deux types d’engagements :

“ - les engagements ayant conditionné la décision de l’Etat : ce sont les engagements précis sur des points importants, qui ont manifestement joué un rôle essentiel dans l’appréciation que le public et l’auteur de la décision ont pu se faire de l’opération et qui étaient annoncés au moins dans leur principe dans le dossier d’enquête, en particulier dans l’étude d’impact 97 (...).

- les autres engagements : ce sont ceux liés à la poursuite d’objectifs non chiffrés (effort d’insertion dans le paysage, mesures diverses de précaution) et ceux relatifs aux mesures compensatoires ou d’accompagnement dont la mise en oeuvre dépend de l’accord d’autres intervenants (élus, associations, particuliers ...). Le maître d’ouvrage ne serait alors critiquable que si aucune mesure concrète (études, démarches auprès des parties concernées ...) n’était prise .

97 Le décret du 12 OCTOBRE 1977 précise que l’étude d’impact doit présenter “ les mesures envisagées par le maître d’ouvrage ou le pétionnaire pour supprimer, réduire et si possible compenser les conséquences dommageables du projet sur l’environnement ainsi que l’estimation des dépenses correspondantes ”. Le terme “ envisager ” indique que le maître d’ouvrage n’est pas lié. La législation a estimé, semble-t-il, qu’il fallait laisser au stade de l’APS une certaine marge de manoeuvre au maître d’ouvrage. Cependant le juge administratif sanctionne l’absence de réalisation d’une mesure prévue dans l’étude d’impact lorsque cette mesure a conditionné la décision. Ainsi, le tribunal administratif de Nantes a annulé le 4 MARS 1991 un arrêté préfectoral déclarant d’utilité publique la création d’un aérodrome, l’avis de la commission d’enquête n’étant favorable qu’à condition que les déboisements prévus soient compensés par des reboisements de surface équivalente, lesquels n’ont pas été effectués (arrêt Association de défense contre l’aéroport d’Angers-Seiches-sur-le-Loir).

Page 160: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 160

Page 161: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 161

En réalité, nombre des dispositions présentées dans le dossier des engagements de l’Etat n’ont d’autre valeur que celle d'une pétition de principe. Tel est, en particulier, le cas des dispositions visant à minimiser les effets indirects de l’autoroute et notamment ceux du remembrement induit en application de l’article 10 modifié de la loi du 8 août 1962. Les dossiers soumis à enquête publique et les dossiers d’engagement de l’Etat comportent fréquemment des mentions visant à préserver les secteurs bocagers ou les milieux humides. Le dossier des engagements de l’Etat de l’A 64 (section Pinas-Martres-Tolosane) dispose ainsi que “ dans le cas où un remembrement sera décidé, il sera tenu compte des zones sensibles recensées dans le cadre de l’étude d’impact, notamment des prairies humides bocagères des fonds de vallons et des bois feuillus du plateau ”. De même, le dossier des engagements de l’Etat de l’A 39 Dôle-Bourg-en-Bresse dispose, pour la traversée de la vallée du Sevron, que “ les services de l’Etat et les concessionnaires s’attacheront à préserver les secteurs bocagers sensibles dans le cas des remembrements induits ”. Celui de l’A 89 comporte des dispositions sur la conservation des haies.

En fait, les engagements du concessionnaire s’arrêtent aux

limites de l’emprise de l’autoroute. Si les sociétés concessionnaires d’autoroutes financent les remembrements connexes, elles n’ont aucune maîtrise de ces opérations qui relèvent de commissions communales où prévalent les considérations agricoles. Les directions régionales de l’environnement (DIREN) ne sont pas davantage associées aux opérations de remembrement. L’Etat ne s’est pas doté des moyens d’assurer le respect de ses “ engagements ” qui souvent permettent surtout de désamorcer à bon compte d’éventuelles oppositions d’associations de protection de l’environnement.

N’ont de réelle portée que les engagements qui conditionnent

un avis favorable du commissaire enquêteur à l’issue de l’enquête publique, les engagements retracés dans le procès-verbal de clôture des travaux mixtes et les conditions éventuellement posées par le Conseil d’Etat.

Les engagements impliquant le concessionnaire sont repris

dans l’avant-projet autoroutier établi par la société d’autoroute et approuvé par l’Etat. Le contrôle de conformité, qui ne se limite pas aux questions d’environnement, est effectué par la mission du contrôle des sociétés concessionnaires d’autoroute. Les DIREN sont associées à la vérification de la réalisation des ouvrages prévus.

A la différence de la procédure suivie pour les installations

classées, les engagements de l’Etat ne sont, sauf exception, pas

Page 162: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 162

mentionnés en annexe au décret portant déclaration d’utilité publique. Avant la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, seuls deux décrets de DUP ont pris en compte des prescriptions particulières. Le décret du 16 janvier 1991 déclarant d’utilité publique et urgents les travaux de construction de la section Le Havre - A 28 (Saint Saëns) de l’autoroute A 29 est accompagné d’une annexe qui porte sur les mesures destinées à prévenir les risques liés au voisinage immédiat de la zone industrielle du Havre. Le décret du 11 janvier 1994, déclarant d’utilité publique et urgents les travaux de construction de la section Dôle-Bourg-en-Bresse de l’autoroute A 39, comporte en annexe l’engagement de réaliser des équipements appropriés pour que l’autoroute ne provoque pas, au franchissement du Doubs et de la Loue, une aggravation de la situation dans les secteurs menacés par les crues.

La loi du 2 février 1995 prévoit, que “ dans les cas où les

atteintes à l’environnement ou au patrimoine culturel que risque de provoquer un projet d’aménagement ou d’ouvrage le justifient, la déclaration d’utilité publique peut comporter des prescriptions particulières destinées notamment à réduire ou à compenser les conséquences dommageables de ces aménagements ou ouvrages pour l’environnement ”. Ces dispositions n’ont, à ce jour, été mises en oeuvre que deux fois. L’annexe au décret du 12 juillet 1995 déclarant d’utilité publique la section Tours-Vierzon de l’autoroute A 85 comporte l’engagement que l’autoroute, en franchissant la vallée du Cher et l’échangeur de Saint-Romain-sur-Cher avec la RN 76, ne perturbera pas l’écoulement des crues. L’annexe au décret du 10 janvier 1996 déclarant d’utilité publique et urgents les travaux de construction de la section Arveyres-Saint-Julien-Puy-Lavèze de l’autoroute A 89 prévoit des dispositions visant à limiter l’incidence de cette autoroute sur le niveau des crues de la Dordogne et de l’Isle. Ce niveau ne devra pas être réhaussé de plus de 2 cm dans les zones sensibles et de plus de 5 cm dans le reste de la zone inondable.

Compte tenu des modifications qui peuvent intervenir dans la

configuration du projet après la DUP, le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement préconise, comme on l’a vu, d’instituer une procédure d’autorisation de travaux.

Page 163: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 163

SECTION II - LE SUIVI

I - LES BILANS PREVUS PAR LA LOTI L’article 14 de la LOTI dispose que, lorsque les opérations

des grands projets d’infrastructures sont réalisées avec le concours de financements publics, un bilan des résultats économiques et sociaux doit être établi au plus tard cinq ans après leur mise en service et rendu public. Le décret du 17 juillet 1984 précise que ce bilan doit être dressé par le maître d’ouvrage au moins trois ans après la mise en service des infrastructures et être notamment soumis à l’avis du Conseil général des ponts et chaussées.

Ces dispositions étaient restées sans suite. Aussi, la circulaire

du ministre de l’équipement du 15 décembre 1992, relative à la conduite des grands projets nationaux d’infrastructures, a réaffirmé l’exigence d’un suivi et d’un bilan. Elle prévoit pour les autoroutes et les lignes ferroviaires à grande vitesse la mise en place de comités de suivi des engagements de l’Etat. “ Chaque préfet intéressé constituera avec les responsables locaux concernés (élus, forces sociales, économiques, associations locales), un comité de suivi de la mise en oeuvre des engagements de l’Etat. Le maître d’ouvrage rapportera régulièrement devant ce comité. Le préfet pourra faire appel à des experts pour évaluer les propositions du maître d’ouvrage voire les compléter. Un bilan économique, social et environnemental de l’infrastructure sera établi par le maître d’ouvrage et présenté au comité de suivi des engagements de l’Etat réuni par le préfet entre trois ans et cinq ans après la mise en service de l’infrastructure. Un bilan intermédiaire sera présenté un an après la mise en service ”.

Ces comités ont été mis en place. Mais leur portée est limitée

dans la plupart des cas, compte tenu du faible nombre de réunions prévues. En principe, une première réunion est organisée pour présenter le dossier des engagements de l’Etat. Une deuxième est éventuellement tenue pour présenter des principales dispositions de l’avant-projet autoroutier avant qu’elles ne soient arrêtées par le concessionnaire. Le comité de suivi se réunit ensuite dans l’année qui suit la mise en service pour la présentation d’un bilan intermédiaire puis une dernière fois entre trois et cinq ans après la mise en service pour présenter le bilan économique, social et environnemental. Sur 33 comités de suivi, dix seulement se sont réunis plus de deux fois. Certains projets font toutefois l’objet de réunions plus fréquentes (toutes les six semaines pour l’A 14, tous les trimestres pour l’A 16), voire d’un travail par groupes thématiques (A 86, A 51, A 16) ou/et par tronçon (A 16).

Page 164: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 164

D’autres dispositions demeurent en large partie inappliquées. Le décret d’application prévu par l’article 14 de la LOTI a été

publié en juillet 1984 seulement. De ce fait, les évaluations socio-économiques prévues au dossier d’enquête publique n’ont été engagées qu’à compter de 1985 et les bilans correspondants ne concernent que des infrastructures mises en service au mieux en 1990.

La circulaire du 15 décembre 1992 relative à un bilan

intermédiaire un an après la mise en service n’est pas appliquée. Un seul bilan de ce type a été établi qui porte sur les autoroutes A 43 Lyon-Chambéry-Pont Royal-Vallée de la Maurienne, A 430 Pont Royal-Gilly et l’aménagement de la RN 90 Gilly-Alberville-Moûtiers. Ce bilan de “ première phase ” a été dressé par le CETE et la société concessionnaire AREA deux ans après la mise en service. Il se décompose en trois volets (bilan environnemental, socio-économique et des transports). Le bilan définitif, prévu pour 1996, n’a pas été établi. Quant aux bilans prévus trois à cinq ans après la mise en service, ils ne sont qu’au nombre de deux : A 49 Grenoble-Valence, section Voreppe-Bourg de péage, établi en juillet 1996 après trois ans, l’A 57 Pierre Ronde-Le Cannet des Maures, bilan achevé en juin 1997 après 5 ans de suivi. Cette dernière évaluation a été transmise pour avis au Conseil général des ponts et chaussées en juillet 1997.

Il a fallu attendre le 23 décembre 1997 pour que soit constitué

au sein de ce conseil un groupe de travail chargé de préparer l’avis sur les bilans relatifs à la réalisation des autoroutes A 49 et A 43 avec pour objectifs :

“ - de garantir l’objectivité du bilan ;

- d’établir un document synthétique, accessible au public comme aux décideurs, en vue de respecter les dispositions annoncées lors des enquêtes publiques, de confronter les prévisions de diverse nature avec les observations effectives, d’évaluer les conséquences positives et négatives du projet dans les différents domaines ;

- de réfléchir sur le contenu même des bilans et les critères d’appréciation à retenir avec des répercussions sur la conduite des évaluations préliminaires à l’utilité publique ;

- de tirer toutes conclusions utiles sur la conduite des études préalables, sur les méthodes de prévision, sur la conception des projets, sur l’efficacité des mesures correctrices et compensatrices destinées à améliorer leur insertion et leur valorisation ”.

Page 165: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 165

Page 166: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 166

A ce jour, aucun bilan n’a encore été rendu public en dépit des prescriptions de la loi et de son décret d’application qui dispose que le public doit être avisé par une mention dans deux journaux locaux ou, pour les opérations dont l’importance excède la région, dans deux journaux à diffusion nationale. Le dossier du bilan accompagné de l’avis du Conseil général des ponts et chaussées doit être mis à la disposition du public par la préfecture. La direction des routes envisage qu’après cet avis, les résultats seront présentés au public au cours d’une réunion d’information et qu’un document “ non technique, synthétique ” sera diffusé. Ces modalités de publicité ne devraient pas faire obstacle à la mise à disposition in extenso du dossier du bilan. Le décret du 17 juillet 1984 prévoit, en effet, que le dossier du bilan, accompagné de l’avis du Conseil général des ponts et chaussées est mis à la disposition du public dans les cinq mois qui suivent l’insertion d’un avis dans la presse.

II - LES OBSERVATOIRES AUTOROUTIERS

Un certain nombre d’observatoires économiques ou

écologiques ont été mis en place, à partir des années 78-80, anticipant les procédures de bilan et de suivi introduites par la LOTI.

Le SETRA a établi au début des années quatre-vingt un

réseau d’observatoires économiques destinés à évaluer les impacts résultant de la mise en service des grandes infrastructures routières sur l’économie des régions traversées (impact sur le développement, sur la répartition démographique) afin de savoir notamment si les autoroutes favorisent la croissance des pôles au détriment des petites communes et si elles concourent à accélérer l’exode rural Ces premiers observatoires ont été mis en place en région Bretagne pour étudier les effets du plan routier breton qui a mis en place progressivement un réseau autoroutier non concédé et gratuit à 2 x 2 voies ; en région Poitou-Charentes autour de l’autoroute A 10 Poitiers-Bordeaux mise en service en 1981 ; dans le département de l’Ain avec les autoroutes A 40 et A 42 Lyon-Genève, dans la vallée de la Durance le long de l’autoroute A 51 Aix-Sisteron. Ces observatoires ont été complétés à partir de 1985 par trois autres observatoires : A 75 Clermont-Ferrand-Beziers, A 72 Clermont-Ferrand-Saint-Etienne et, en 1993, A 39 Dôle-Bourg-en-Bresse en liaison avec la société concessionnaire, la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône. La direction régionale de l’équipement du Limousin vient de confier au CETE du sud-ouest un observatoire des politiques routières dans le massif central.

Page 167: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 167

Le financement de ces observatoires est assuré à titre principal par le ministère de l’équipement et les études sont réalisées par les CETE. Par ailleurs, la SAPRR a mis en place et financé un observatoire économique sur l’A 71 entre Clermont et Bourges ainsi que sur l’A 77 dans la Nièvre en partenariat avec la DDE de la Nièvre, les organismes consulaires et les collectivités locales. Les résultats des premiers observatoires ont donné lieu à la publication d’un rapport diffusé en 1988 sur les “ effets socio-économiques des grandes infrastructures routières ” complété en 1994.

Des observatoires écologiques ont aussi été créés. Cinq

observatoires avaient été institués dans les années 78-80 afin d’établir un suivi à moyen et long terme des effets de l’autoroute sur l’environnement : observatoire de la Sologne sur l’A 71 (1980-1993), observatoire de la vallée de la Doller sur l’A 36 (1978-1993), observatoire plaine de Niort, ruisseau du Bramerit, forêt de la Lande sur l’A 10, observatoire Val-de-l’Eyre sur l’A 63 (1978-1984), observatoire de l’A 12 Bois Saint-Robert-Saint-Cyr - l’Ecole.

L’observatoire de l’A 36 est le plus ancien. Créé en 1978, il a

pour spécificité de prendre en compte l’ensemble des effets directs et induits. Les autres observatoires ont un champ plus limité : étude de l’impact sur la forêt (A 12 Bois Robert-Saint-Cyr - l’Ecole), la faune (A 10 - Niort-Bordeaux), les eaux superficielles, les amphibiens et les grands mammifères (A 71). Certains de ces observatoires portent sur des autoroutes décidées avant la promulgation de la loi de 1976 sur la protection de la nature qui n’ont, de ce fait, pas été soumises à la procédure d’étude d’impact (A 63, A 71). Les observatoires écologiques ont été mis en place et financés par les ministères de l’équipement (SETRA) et de l’environnement (Atelier central de l’environnement) avec un pilotage assuré par le CETE concerné. La réalisation des études scientifiques a été confiée à des bureaux d’études privés, à des organismes de recherche para-universitaire et aux services de l’équipement, CETE et SRAE (service de la recherche et des affaires économiques). Seul l’observatoire de l’A 71 a été doté d’un comité scientifique.

Certains des constats établis par ces observatoires ont été

pris en compte dans les instructions du ministère de l’équipement (circulaires du 15 décembre 1992 sur les grands projets d’infrastructure et du 11 mars 1996 sur la prise en compte de l’environnement dans les projets routiers, guide méthodologique sur les études d’impact).

Page 168: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 168

Une deuxième génération d’observatoires se met en place depuis 1990. Il s’agit d’observatoires mixtes à la fois économiques et écologiques qui concernent : l’A 39 Dôle-Bourg-en-Bresse98 (créé en 1993 et financé pour les 2/3 par la SAPRR, pour 15 % par les départements du Jura, de la Saône-et-Loire et de l’Ain et le solde par l’Etat) ; l’A 20 Brive-Montauban (créé en 1995, financé par ASF) et l’A 64 (créé en 1997, financé par ASF). Les dispositions des contrats de plans passés entre l’Etat et les Sociétés concessionnaires ne prévoient pas d’observatoires environnementaux hormis pour le groupe SAPRR-AREA (observatoire de l’environnement et des effets économiques de l’autoroute A 39), la SAPN qui “ mettra en oeuvre, chaque fois que cela sera nécessaire, des observatoires environnementaux, le premier étant celui du vallon de Rogerville sur l’A 29 ” et COFIROUTE qui mettra en place des “ observatoires chargés de suivre l’impact des autoroutes sur le développement économique local et sur l’environnement ”.

Les travaux de ces observatoires corroborent les rares bilans

établis en application de la LOTI tant en ce qui concerne les effets sur l’économie des zones traversées et l’aménagement du territoire que l’impact sur l’environnement.

SECTION III - L’IMPACT ECONOMIQUE

Les effets attendus de l’autoroute sur l’activité économique

des régions traversées ainsi qu’en termes d’aménagement du territoire sont l’une des justifications majeures des nouveaux tronçons autoroutiers. La Cour s’interrogeait dans son rapport public particulier de 1992 “ sur la capacité de l’autoroute à irriguer le territoire dès lors qu’elle isole les localités ” et qu’elle comporte moins d’échangeurs que les routes express du fait du coût des barrières de péage.

Ainsi qu’il a été noté ci-dessus, les évaluations économiques

et sociales présentées dans le cadre de l’enquête publique approfondissent peu les effets induits du projet autoroutier. Les études insistent surtout sur les potentialités de développement offertes par l’autoroute grâce aux facilités de déplacement et aux gains de temps qu’elle procure. Elles reconnaissent toutefois qu’il n’y a pas de relation d’automaticité entre l’ouverture de l’autoroute et le développement économique local. Le dossier de l’A 89 indique que “ la qualité de desserte accompagne voire catalyse le développement

98 Un comité de pilotage regroupe des représentants des ministères de l’équipement et de l’environnement, des départements et deux conseillers scientifiques.

Page 169: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 169

économique mais ne le crée pas ”, celui de l’A 75 que “ l’autoroute seule ne pourra pas générer automatiquement de nouvelles activités ”. La plaquette établie en 1988 par le CETE de l’ouest et diffusée par le SETRA sur les effets socio-économiques des grandes infrastructures routières souligne de même, “ l’absence d’automatisme entre la mise en service de la route et l’essor démographique et économique des zones desservies : l’impact est fortement conditionné par les potentialités locales préexistantes, le dynamisme des acteurs locaux et les initiatives prises par les collectivités territoriales ”. Le résultat des observations amène à s’interroger sur l’affirmation du rapport de la commission d’enquête sénatoriale : “ il n’est pas nécessaire de se prononcer sur le point de savoir si l’autoroute génère le développement ou si le développement génère l’autoroute. Il n’y a simplement pas de développement sans autoroutes ”.

Comme le relève le SETRA “ lorsque l’on réalise une

infrastructure de transport, l’effet immédiat est l’amélioration des conditions de circulation qui bénéficie aux usagers sous forme de gains de temps, de confort, voire d’usure des véhicules et de consommation de carburant et à la collectivité sous forme de gains de sécurité. Une autre question est de savoir si ces avantages économiques, et en particulier les gains de temps, vont avoir un effet stimulant sur le développement économique et où il sera spécialement localisé. Autrement dit, en quoi la réalisation des grandes infrastructures routières est-elle un facteur contributif au développement des activités industrielles, commerciales ou touristiques au niveau régional ou local et est-ce que les infrastructures ont un effet de localisation sur les activités et les populations ? ”.

Les travaux des observatoires et les quelques bilans

disponibles en application de la LOTI et de la circulaire du 15 décembre 1992 apportent des réponses concordantes à ces interrogations : l’autoroute est un facteur de déclenchement ou d’accélération de certaines évolutions du tissu économique et de l’habitat et peut comporter des effets défavorables qui nécessitent des mesures d’accompagnement.

I - LES EFFETS DIRECTS SUR L’EMPLOI

La construction, l’entretien et l’exploitation des infrastructures

autoroutières ont des effets sur l’emploi. Pour la construction, ceux-ci sont très difficile à mesurer puisqu’on ne sait s’il s’agit d’emplois créés, déplacés ou maintenus.

Page 170: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 170

L’instruction de la direction des routes du 14 mars 1986 préconisait de les valoriser sur la base de trois emplois créés ou maintenus en moyenne pendant la durée des travaux par million de francs de travaux de construction et de 5,3 emplois par million de francs de travaux pour l’entretien et l’exploitation du réseau routier concédé (trois pour le non concédé).

L’instruction du 20 octobre 1998 recommande d’utiliser la

notion d’emploi sur la durée du chantier pour les travaux de construction puisque “ la fin du chantier se traduira inéluctablement par le départ des travailleurs déplacés, par les fins de contrat pour les travailleurs embauchés pour la durée de chantier et pour les intérimaires par la fin des marchés pour les sous-traitants locaux ”. En première approximation des effets sur l’emploi de la construction d’une autoroute, au stade des études préliminaires, elle propose d’estimer les emplois sur la durée du chantier à 32 340 (emplois x ans) pour 1 milliard de francs HT (1995) dont 1 210 pour les emplois directs sur le chantier et au siège et le solde pour les emplois indirects ou liés à la distribution de revenus.

Les observations a posteriori font apparaître que les barèmes

de calcul retenus sont surestimés. Ainsi le bilan de l’autoroute A 49 observe, que le ratio de trois emplois par an pour 1 MF de travaux se révèle “ trop optimiste ”(...) “ on se situe plutôt autour d’un emploi par million de travaux pour les autoroutes récentes ”.

Pour les effets sur l’emploi de l’entretien et de l’exploitation,

l’instruction préconise une estimation forfaitaire proportionnelle au trafic et à la longueur de l’infrastructure selon des équations particulièrement complexes sur la validité desquelles on peut s’interroger compte tenu de la rareté des bilans a posteriori à même de leur servir de base.

Page 171: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 171

- L’instruction prescrit, par exemple, de calculer les emplois de gendarme en appliquant, pour les sections de plus de 50 kms avec un trafic supérieur à 7 000 véhicules/jour la formule ci-après :

Eg = 0,0031 x L x vT + 12,1. Pour les valeurs inférieures, elle compte 1 gendarme pour

2,5 km ce qui, de toute évidence, ne correspond pas à la réalité.

- Les emplois liés à la restauration sont estimés en appliquant la

formule : chiffre d’affaires x Coefficient d’emploi99. 1000

- Le chiffre d’affaires prévisionnel est calculé différemment pour les restaurants et pour les buffets :

CA rest (chiffre d’affaires d’un restaurant) = (0,97 x T) - 2 445 CA buf (chiffre d’affaires d’un buffet) = (0,268 x T) - 912

(où T est le Trafic moyen journalier annuel dans un sens au droit de l’aire avec T > 4 000 véh./j.)

Les résultats sont multipliés par deux si les aires de restauration sont accessibles dans les deux sens de circulation.

Ces estimations ne prennent pas en compte le fait que

l’infrastructure autoroutière provoque des déplacements d’emplois ainsi que certaines suppressions d’emplois sur le reste du réseau en raison de la fermeture de stations services et d’établissements de restauration compte tenu des déviations des flux de trafic liés à la mise en service de l’autoroute.

II - LES EFFETS ECONOMIQUES INDUITS Le SETRA souligne dans une synthèse des travaux des

observatoires100 les effets positifs des infrastructures de transport mais reconnaît que “ les effets ne sont pas identiques en tous lieux. Ils dépendent du potentiel économique des zones desservies, de la diversité du tissu économique, du degré de réaction des entreprises et des mesures prises par les décideurs publics locaux qui cherchent

99 Le coefficient d’emploi est de 2,2 pour les buffets et de 2,5 pour les restaurants. 100 SETRA - Impacts économiques des grandes infrastructures routières. Exposé pour la séance Routes/transports et économie du XIIIe congrès mondial 1997 de la Fédération routière internationale à Toronto-Canada.

Page 172: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 172

à maximiser les effets positifs et atténuer les effets négatifs ”. Le critère de desserte routière ne constitue pas le critère déterminant de localisation des entreprises. Le SETRA observe que l’infrastructure autoroutière n’intervient qu’en quatrième ou cinquième position parmi les critères de localisation cités par les entreprises après la présence de main-d’oeuvre qualifiée, la nature du tissu économique, la proximité d’un centre urbain et les facilités d’installation liées aux mesures incitatives offertes par les acteurs publics. Cependant “ toutes choses égales par ailleurs, de mauvaises conditions de desserte peuvent constituer un facteur de rejet du site ”.

A. - LES GAINS D’ACCESSIBILITE

Les infrastructures autoroutières provoquent une diminution

des coûts de transport liés pour l’essentiel aux gains de temps et améliorent l’accessibilité des territoires desservis.

En raison de la baisse des coûts de revient, ces gains de

temps se traduisent par des gains de productivité pour les entreprises. Mais, comme le relève le SETRA, “ la baisse des coûts de transport, même si elle est de l’ordre de 20 %, n’intervient pas de manière considérable dans les gains de productivité dans la mesure où le prix du transport représente à peu près 5 % du prix des produits finis ”. En outre, l’autoroute améliore la fiabilité des temps de parcours et la régularité des échanges, l’entreprise peut alors profiter de cet avantage pour diminuer ses stocks, voire travailler en flux tendus. Toutefois, reconnaît le SETRA, ces changements de comportement ne concernent qu’un nombre limité d’entreprises.

L’essentiel des effets induits par l’autoroute résulte des gains

d’accessibilité. L’autoroute, pour un même temps de parcours par rapport à l’état initial, permet aux entreprises et aux individus d’accéder à une offre élargie de biens et de services. Elle élargit les aires de marché. Ainsi, selon une enquête menée au cours de l’été 1994 dans le département de Charente-Maritime, l’autoroute A 10 aurait permis un surcroît de séjours touristiques de 10 % en provenance d’Ile-de-France, d’Orléans et de Tours. En outre, “ les enquêtes réalisées auprès des entreprises montrent que certaines d’entre elles peuvent voir leur situation améliorée du fait des gains d’accessibilité. En effet, pour les entreprises positionnées soit sur des secteurs porteurs (plasturgie, produits pharmaceutiques, bureautique ...) soit sur des produits peu soumis à la concurrence, l’extension de leur aire de marché peut se traduire par une augmentation de leur part de marché. Ainsi, 34 % des entreprises d’Oyonnax (secteur plasturgie) ont déclaré que de nombreux marchés ont été conquis grâce à l’ouverture de l’autoroute ”.

Page 173: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 173

B. - L’INTENSIFICATION DE LA CONCURRENCE L’augmentation des facilités de déplacement intensifie la

concurrence. Ainsi, selon l’étude du SETRA, “ environ 15 % des entreprises interrogées à Clermont-Ferrand ont déclaré avoir subi une concurrence plus forte de la part des entreprises lyonnaises, ce qui s’est traduit soit par une diminution de leur part de marché, soit par une disparition d’une partie de leur activité ” à la suite de l’ouverture de l’A 72 Clermont-Ferrand-Saint-Etienne. De même, “ à Manosque, au sud de Sisteron, 10 % des entreprises ont estimé être dans une situation plus défavorable vis-à-vis de leurs concurrentes après l’ouverture de l’A 51 ”.

La mise en service d’une liaison autoroutière accroît les aires

de chalandise des grandes surfaces au détriment des petits commerces.

C. - L’EFFET DE POLARISATION DE L’ESPACE

Les études des observatoires économiques et les bilans ex-

post établis en application de la LOTI font apparaître que les infrastructures autoroutières renforcent les pôles d’activité les plus dynamiques au détriment des centres moins importants.

Ainsi en région Poitou-Charentes, les travaux de

l’observatoire ont mis en évidence une forte disparité de l’évolution spatiale de l’emploi avec une “ tendance au renforcement des pôles dominants au détriment du reste de la région (..). Au total, toutes les zones qui connaissent une évolution positive de leur emploi présentaient de forts potentiels de développement économique avant l’ouverture de l’A 10. L’autoroute, qui a été positionnée pour améliorer la desserte de la côte, a permis d’accélérer le développement de celle-ci. Mais le déclin continu des zones rurales montre que l’autoroute ne peut être génératrice de développement s’il n’existe pas au préalable un bon potentiel ”.

Un rapport du Conseil général des ponts et chaussées et du

Conseil général du génie rural, des eaux et des forêts relatif à “ l’accessibilité des zones de faible densité de population ” 101 souligne l’absence de déterminisme rigide entre l’accessibilité routière d’une zone et son évolution qui tient avant tout aux potentialités des zones desservies notamment pour ce qui concerne la main-d’oeuvre. Ainsi, par exemple, la bonne desserte autoroutière des zones

101 Rapport Juillet 1993 et rapport complémentaire d’Avril 1996.

Page 174: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 174

d’Avallon depuis plus de vingt ans et de Brioude n’a pas empêché la poursuite d’un lent déclin. En revanche, le rapport observe que la desserte relativement médiocre de la zone de Ganges-le-Vigan et de celle du Choletais n’avait pas empêché l’implantation de nouvelles industries dans le premier cas et le développement d’un tissu industriel ancien dans le second. Le rapport relève aussi les risques de déstabilisation des zones rurales et des zones à faibles densité, liés au développement du réseau routier dit “ structurant ” (autoroutes, LACRA, GLAT). Ainsi “ la mise en service d’une autoroute améliorant les liaisons entre une zone à faible densité et un grand centre peu avoir un effet de pompe vidant progressivement les zones voisines ”. Le rapport cite à ce propos l’exemple de la Maurienne : "La basse et la moyenne Maurienne se dépeuplent alors que la population de la haute Maurienne d’accessibilité moins aisée croît lentement". Une zone peut devenir moins attractive du fait de l’amélioration de l’accessibilité des zones voisines. Il en va ainsi, par exemple de la zone de Carhaix en Bretagne centrale.

Le rapport met en garde contre le parti d’un développement

de liaisons “ structurantes ” qui ne serait pas en phase avec les réalités économiques locales et ne serait pas assorti des mesures d’accompagnement nécessaires : “ L’amélioration de l’accessibilité d’une zone à faible densité de population ou d’une zone rurale fragile ne doit intervenir qu’en réponse à un besoin, à un projet réel de développement de la zone car, en l’absence de conjonction, il y a risque de fonctionnement d’une nouvelle infrastructure à contresens, une meilleure desserte étant ambivalente, permettant tout autant de quitter une zone au profit d’un pôle plus attractif que d’y accéder. Dans toute la mesure du possible, il est donc nécessaire de parvenir à un compromis entre l’intérêt général d’aménagement du territoire et l’intérêt local quant à l’échéance et aux modalités de réalisation du nouvel équipement. A défaut il faut aider la zone à être à même de recevoir avec profit l’amélioration de son accessibilité. Les problèmes sont les mêmes en ce qui concerne la conception et le tracé de la desserte (compromis à trouver entre le meilleur tracé au niveau national et le tracé convenant le mieux aux intérêts locaux, le phasage et la souplesse de réalisation des ouvrages )”. A défaut, les infrastructures autoroutières accélèrent les déséquilibres territoriaux et accentuent la polarisation du territoire. Cette polarisation de l’espace s’exerce au profit des grands centres urbains et des zones d’activité situées auprès des échangeurs.

Page 175: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 175

Concernant l’impact sur l’industrie et les zones d’activités, le dossier de l’A 75 reconnaît ainsi que “ la zone d’influence de l’autoroute se situe à une trentaine de kilomètres d’un échangeur ”. L’effet de l’autoroute est donc limité à une zone très restreinte, ce qui explique que les communes multiplient les zones d’activités, en façade des autoroutes.

Localisation depuis l’échangeur 0 à 10 km 10 à 20 km 20 à 30 km

% d’entreprises citant l’autoroute comme facteur de localisation

31 %

10 %

4 %

Même s’il est souvent difficile, d’autant que les études

préalables sont imprécises, de faire le partage entre l’impact de l’autoroute et les interventions d’autres facteurs, il apparaît que l’ouverture d’une telle infrastructure déclenche des évolutions telles que le remembrement et peut accélèrer des processus, comme la disparition des petits commerce au profit de l’extension de l’aire de chalandise des grandes surfaces.

Ces effets désormais connus sont mentionnés dans les

études préalables même si celles-ci mettent surtout l’accent sur les perspectives de développement.

Exemples de présentation des effets socio-économiques induits dans les

études préalables

Le dossier soumis à l’enquête publique pour l’A 75 souligne les effets positifs attendus de la construction de l’autoroute ; revitalisation des communes voisines, développement démographique, impact sur le BTP, sur le commerce, le tourisme ... .

Concernant le commerce, l’évaluation reconnaît que les grands

bénéficiaires seront les grandes surfaces situées à proximité qui vont accroître leur rayon d’action et donc leur chiffre d’affaire. Ceci est surtout vrai pour les très gros centres d’au moins 2 500 m2 de superficie de vente donc essentiellement à proximité de Clermont-Ferrand. Pourront aussi tirer profit de l’autoroute les commerces implantés à proximité des zones et sites d’accueil touristiques, où le potentiel d’augmentation de clientèle dont la venue sera facilitée par l’autoroute est le plus élevé.

En revanche, certains effets négatifs sont à prévoir :

“ - pour certains commerçants implantés en bordure de la RN 9 actuelle et dont la clientèle risque de diminuer à terme du fait du transfert du trafic longue distance sur l’autoroute ....

Page 176: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 176

- pour certains commerçants des secteurs ruraux, compte tenu du fait que les gains d’accessibilité vont surtout jouer pour la clientèle des grandes et moyennes surface ”.

L’évaluation économique et sociale mentionne le risque d’une diminution des petits commerces locaux avec des conséquences pénalisantes “ pour les personnes peu mobiles résidant dans les communes environnantes (personnes âgées notamment) qui deviendront alors dépendantes soit de commerces itinérants, soit d’un bon niveau de service des transports collectifs ou à la demande ”.

En matière démographique, l’évaluation estime, par exemple, que la tendance à la dépopulation de l’Aveyron “ pourrait s’inverser ” dans un contexte de redynamisation lié à l’arrivée de l’autoroute, mais relève “ le risque toujours possible d’une revitalisation de la zone proche de l’autoroute ou d’un échangeur au détriment des zones rurales plus lointaines ”. De même, pour la traversée de la Lozère, l’étude préalable souligne la polarisation probable des activités autour des zones de peuplement de Marvejols, Mende, Saint-Chély-d’Apcher. “ Ces polarisations risquent d’être en partie le résultat de transferts géographiques vers les centres proches des échangeurs au détriment de pôles d’activité plus fragiles ou laissés à l’écart ”.

L’étude indique “ qu’en matière d’implantation d’échangeurs ou

d’aires de service, il convient de ne pas sous-estimer les inconvénients qui risquent d’apparaître au plan de l’équilibre urbanistique. En particulier, le risque de voir s’amorcer des processus de développement anarchique et non contrôlés d’activités parfois contradictoires, induisant certains effets pervers, le plus souvent irréversibles : destruction de la qualité de l’environnement visuel, nuisances, risque de conflit entre trafic de grand transit et trafic riverain... ”

Le dossier de l’A 89 affirme la priorité vitale d’un rééquilibrage

du développement européen vers l’ouest, la réalisation de l’A 89 étant un “ maillon stratégique tout aussi nécessaire pour permettre à notre territoire d’attirer sa part des grands flux économique, pour l’irriguer en assurant la mise en valeur de chaque portion d’espace où les populations sont installées ”.

Il souligne les potentialités offertes par le projet autoroutier. Il

reconnaît toutefois que “ l’autoroute seule ne pourra cependant pas générer automatiquement l’implantation de nouvelles activités. Certaines conditions devront être remplies au préalable : existence d’une zone d’activités attractives, recherche d’un coût d’implantation modéré, existence d’une main-d’oeuvre qualifiée et formée, existence de services, présence souhaitable d’un noeux ferroviaire.. ”. Il note la probabilité “ d’effets d’extrémité voire de polarisation, peut-être au détriment des effets de linéarité et des agglomérations intermédiaires si des politiques correctives ne sont pas mises en place. ”.

Page 177: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 177

Comme pour l’A 75, le dossier indique qu’en ce qui concerne le commerce, les grands bénéficiaires de l’autoroute seront les très grandes surfaces de 10 000 m2 situées aux abords de Clermont-Ferrand. L’ouverture de l’autoroute mettra ainsi l’est de la Corrèze sous l’influence immédiate de Clermont-Ferrand. Certains effets négatifs sont à prévoir pour les commerçants implantés en bordure de la RN 89 actuelle ou en zone rurale. Le rapport recommande de prendre des mesures spécifiques pour le monde rural afin que la polarisation de l’espace au profit des zones urbaines ou à fort potentiel touristique “ ne se créée pas à son seul détriment, avec le risque de démembrement des territoires ”. En ce qui concerne les espaces agricoles, déjà soumis à une forte pression urbaine et industrielle qui se traduit par une augmentation du prix des terres, le dossier observe que “ l’autoroute ne pourra qu’accroître cette tendance avec le risque de prolifération de zones d’activités, d’extensions urbaines, de constructions diffuses et de mitage ”.

L’instruction du 20 octobre 1998 préconise un schéma

d’analyse des effets prévisionnels des grandes infrastructures routières sur l’activité et le fonctionnement des entreprises situées dans leur zone d’influence, avec le souci de ne retenir que les effets imputables à l’infrastructure et non l’ensemble des effets socio-économiques constatés dans son environnement. Après avoir évalué le gain d’accessibilité de chaque pôle économique et examiné la nature de ses activités, l’étude devra analyser, par voie d’enquêtes, l’organisation des entreprises, leur sensibilité à la concurrence ainsi que leur capacité à s’adapter et à anticiper les changements afin d’estimer pour chacun des pôles économiques “ le nombre d’emplois concernés par des effets plutôt favorables ” et “ le nombre d’emplois concernés par des effets plutôt défavorables ”.

Les effets de l’infrastructure autoroutière varient toutefois

selon le type d’autoroute. Si les caractéristiques des autoroutes concédées sont dans maints domaines (qualité de l’entretien, des aires et services extérieurs ...) supérieures à celles des autoroutes non concédées, en revanche les autoroutes non concédées, comme en Bretagne, permettent une meilleure irrigation du territoire grâce à des connexions plus nombreuses avec le réseau routier ordinaire et sont, de surcroît, gratuites pour les usagers. Ainsi en Bretagne, “ contrairement à ce qui se passe bien souvent, le développement n’a pas profité aux seuls pôles au détriment des petites communes bien au contraire 102 ” Le rapport précité du Conseil général des ponts et chaussées et du Conseil général du génie rural des eaux et des forêts souligne que les autoroutes non concédées sont beaucoup mieux

102 CETE Ouest - Synthèse sur les effets des investissements routiers en Bretagne - Janvier 1989.

Page 178: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 178

adaptées à la desserte des zones traversées et à la dynamisation de leur économie.

Ces considérations ont dicté le choix d’un réseau non

concédé pour le plan routier breton et l’A 75 Clermont-Ferrand-Béziers.

III - LES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT

Les études préalables recommandent des mesures

d’accompagnement afin de diminuer les conséquences négatives de l’infrastructure autoroutière.

Ainsi l’étude préalable à l’A 75 préconise des mesures ou

actions compensatoires, notamment pour les responsables de stations service ou d’établissements hôteliers : priorités pour s’installer sur les aires de services, facilités pour les transferts en zone d’activité tertiaire proche. Elle mentionne aussi l’effort entrepris par l’union des chambres de commerce et d’industrie du Massif Central qui a diffusé, avec l’appui de la DATAR, une carte de promotion touristique de la RN 9 Clermont-Ferrand-Béziers. En ce qui concerne le secteur agro-alimentaire, les points de vente sur les aires d’autoroute peuvent servir de vitrine pour les produits locaux “ mais la tentation d’utiliser l’autoroute pour acheminer très vite du bétail sur pied à l’extérieur du pays sera forte : cela ne va pas dans le sens d’une meilleure valorisation sur place des produits de l’élevage en particulier en ce qui concerne la viande, la charcuterie ... Il faudra donc parallèlement chercher à ancrer sur le terrain des petites unités de transformation de ces produits afin d’avoir une valeur ajoutée plus forte ”. L’étude souligne, en outre, la nécessité d’une coordination intercommunale afin d’éviter la prolifération anarchique de zones d’activité concurrente en façade de l’autoroute. Elle mentionne ainsi la “ nécessité d’un cadre cohérent de développement afin d’aménager les zones d’activité en fonction du marché réel en évitant tout gaspillage ” et ajoute : “ Il appartiendra aux collectivités concernées de maîtriser ce développement en l’orientant en fonction de leur politique locale avec l’appui des chambres consulaires et dans le cadre de l’établissement ou de la révision du POS, elles chercheront à tirer le meilleur parti de la nouvelle infrastructure en évitant les doubles emplois, les réalisations coûteuses et vite inutiles, les créations trop hâtives de ZI (zone industrielle) ou ZA (zone d’activité) sans étude sérieuse de marché. Les outils mis à la disposition des aménageurs devraient leur permettre d’éviter un développement anarchique d’activités le long du tracé ou à proximité des échangeurs en proposant, au contraire, des aménagements de qualité, regroupant dans des secteurs judicieux des activités clés du département ”.

Page 179: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 179

Page 180: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 180

L’expérience du passé montre que les recommandations de ce type ont été insuffisamment suivies.

Lors du conseil des ministres du 22 novembre 1989, le

gouvernement a décidé d’engager une politique de valorisation paysagère et de développement économique et touristique des régions du Massif central désenclavées par les autoroutes non concédées A 75 (Clermont-Ferrand-Béziers) et A 20 (Vierzon-Brive) et de consacrer aux études et actions engagées dans le cadre de cette politique 1 % du montant des investissements nécessités par la construction de ces infrastructures, sous réserve d’une contribution équivalente des collectivités concernées. “ L’engagement de cette politique traduisait la volonté de l’Etat de permettre aux collectivités riveraines de ces grandes infrastructures de valoriser autant que possible, en termes de retombées économiques, l’investissement exceptionnel qu’elles représentent, mais aussi sa détermination de maîtriser certains effets négatifs qu’elles étaient susceptibles d’induire dans leur environnement proche ”.

A la suite du conseil des ministres du 3 novembre 1994, cette

politique a été étendue à l’ensemble des axes structurants qui doivent faire l’objet d’aménagements importants, les LACRA et certaines grandes liaisons d’aménagement du territoire et autoroutes concédées. Cette mesure a été mise en oeuvre par une simple circulaire, intervenue le 12 décembre 1995 seulement (annexe 11).

Pour l’A 75 et l’A 20, cette procédure pilotée par le

Commissariat à l’aménagement du Massif central a donné lieu à l’établissement de livres blancs en décembre 1991 et de chartes d’itinéraires en 1994. La DATAR n’est pas en mesure de produire un bilan de ces opérations. Elle indique - sans plus de précision - que, même s’il est difficile de porter une évaluation chiffrée, cette procédure a facilité l’insertion de l’autoroute dans les paysages traversés, a réduit le nombre de zones d’activité à aménager et a rendu plus efficaces les actions retenues. Seul exemple donné, celui de l’A 20 où “ cette procédure a conduit à l’émergence du concept de village étape et à la définition d’un label associé à un cahier des charges ”. Cette politique a financé des mesures visant à améliorer la qualité des paysages (résorption de points noirs, réhabilitation de bâtiments, enfouissement de réseaux aériens) et le développement touristique avec des itinéraires de découverte entre deux échangeurs comme pour la vallée de l’Alagnon en Haute-Loire. Elle favoriserait le développement d’une intercommunalité et une meilleure cohérence

Page 181: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 181

de l’action administrative en incitant les services administratifs à dépasser leur cloisonnement pour travailler ensemble103.

Quant aux autres liaisons, la DATAR indique que la procédure

du 1 % paysage et développement a été “ étendue à la plupart des autoroutes, concédées ou non ”, en 1997, soit plus de deux ans après la décision du Conseil des ministres du 3 novembre 1994. Quinze livres blancs ont été publiés et des chartes ont été établies pour sept autoroutes (données actualisées sur le nombre de livres blancs et de chartes d’itinéraires attendues). Les livres blancs existants prévoient d’axer les actions sur la mise en valeur des paysages et du patrimoine bâti dans le cône visuel de l’autoroute, de résorber les points noirs (décharges), de maîtriser l’urbanisation et le développement de zones d’activité aux abords des échangeurs, de promouvoir le développement touristique (itinéraires de découverte, points d’accueil) et le développement économique dans le cadre d’une politique cohérente d’aménagement du territoire.

La procédure du 1 % nécessiterait d’être mieux mise en

phase avec les autres procédures. Ainsi le livre blanc de l’A 16 Amiens-Boulogne fait état de la critique du directeur départemental de l’agriculture et de la forêt de la Somme qui regrette que “ la procédure du 1 % intervienne si tard. Menée avant la réalisation du remembrement, la réflexion aurait pu avoir un tout autre impact sur un paysage essentiellement agricole ”.

La circulaire du 15 décembre 1992 du ministre de

l’équipement souligne la nécessité “ d’intégrer les études de tracé dans une perspective d’aménagement des territoires concernés. Les grandes infrastructures ont un impact important sur l’aménagement et le développement des territoires traversés et desservis. A l’inverse, elles doivent prendre en compte les politiques conduites par l’Etat dans d’autres domaines ainsi que les projets des collectivités territoriales concernées. C’est pourquoi il est indispensable que les potentialités créées par cette infrastructure soient identifiées et intégrées dans une synthèse des perspectives d’aménagement faisant apparaître les orientations en matière de développement, de protection et de mise en valeur des territoires ”.

Cette synthèse, établie en partenariat avec les collectivités

territoriales impliquées, doit, dans la mesure du possible, recueillir leur adhésion et constituer une référence pour les actions

103 “ Autoroute et paysages ”, ouvrage collectif publié sous l’égide de la direction des routes - Editions du demi-cercle - Novembre 1994.

Page 182: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 182

d’accompagnement qui pourraient être engagées. Le volet aménagement doit constituer l’un des éléments du choix du fuseau. La synthèse des perspectives d’aménagement doit être jointe au dossier soumis à enquête publique et ses éléments figurer au cahier des charges du projet.

Ces dispositions ont été appliquées aux opérations qui ont fait

l’objet de l’engagement d’études préliminaires depuis sa parution, tels que les projets de l’A 32 (antérieurement A 31 bis), de l’A 45 Lyon-Saint-Etienne, du contournement de Montpellier et de la liaison Langres-Territoire de Belfort. Les synthèses de perspectives d’aménagement et de développement établies prennent inégalement en compte l’objectif de protection des territoires. Elles ont été ou seront présentées avec les dossiers d’études techniques préliminaires pour le choix des fuseaux du kilomètre.

IV - LES BILANS A POSTERIORI

Les bilans établis en application de la LOTI et de la “ circulaire

BIANCO ” montrent que l’impact des autoroutes sur le développement des régions traversées est moins favorable que les études préalables ne le laissaient supposer (voir annexe 12).

Les retombées des chantiers autoroutiers sur l’économie

locale se sont révélées avoir été surestimées en termes d’emplois ainsi qu’il a été noté ci-dessus. Elles sont de surcroît limitées à la durée des chantiers. Le bilan de l’autoroute A 49 (Grenoble-Valence) note, par exemple, que le fichier de la taxe professionnelle de Saint-Marcellin fait état de l’implantation de 40 commerces de 1988 à 1990 et d’une perte équivalente en 1991. Quant au fichier de la taxe d’habitation, il indique l’arrivée de 90 familles entre 1987 et 1990 dont 40 sont reparties dès 1991.

La mise en service des autoroutes a eu dans plusieurs cas

des incidences préjudiciables sur le tissu économique préexistant. Le bilan des autoroutes A 43- A 430 et de la RN 90 mise à deux fois deux voies souligne l’ “ effet tunnel ” de l’autoroute qui canalise la circulation aux dépends des entreprises et en particulier des commerces proches des anciens itinéraires de trafic. De surcroît, l’intensification de la concurrence fragilise les entreprises les moins performantes. Les grandes surfaces elles-mêmes doivent faire face à une concurrence accrue du fait de l’élargissement du bassin de chalandise. Ce constat n’est pas limité au secteur commercial. Ainsi, le bilan intermédiaire des autoroutes A 43 – A 430 et de l’aménagement à deux fois deux voies de la RN 90 notait en 1995 que les entreprises locales du BTP se retrouvaient après la fin des

Page 183: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 183

chantiers routiers et olympiques dans un contexte économique plus difficile que jamais et confrontés à une “ intensité concurrentielle nouvelle du fait du désenclavement ”.

Les effets induits des autoroutes se révèlent toutefois

constrastés. Ainsi l’autoroute A 49 a eu un impact majeur sur les services et commerces implantés aux abords de la RN 532 (27 disparitions pour 12 créations) mais non sur ceux aux abords de la RN 92. De même le bilan de l’A 57 (section Cuers - Le Cannet des Maures) ne relève pas d’évolution significative du nombre d’établissements et des aires de chalandise.

Les emprises des autoroutes sont supérieures aux prévisions.

Les remembrements induits entraînent une augmentation de la taille des parcelles. Les bilans manquent de recul pour apprécier les gains de productivité liés aux structurations foncières. Pour autant le bilan de l’A 57 met en garde, dans la perspective de la création de nouveaux déchargeurs, contre les risques de spéculation foncière, l’augmentation des prix des terrains agricoles constituant un frein à l’installation de jeunes agriculteurs ou à l’agrandissement d’exploitations existantes. Il souligne la nécessité d’une démarche d’anticipation par les communes concernées afin d’éviter un mitage d’espaces à fort potentiel agricole.

Les bilans des autoroutes A 43, A 430 et A 49 observent, en

effet, qu’en l’absence de coordination intercommunale les zones d’activité se sont multipliées aux abords des échangeurs et en façade des autoroutes et présentent une offre foncière surabondante au regard du contexte économique. Les communes, qui se sont endettées pour aménager ces zones, pratiquent “ une concurrence sauvage sur fond de guerre des prix et d’exonérations fiscales ” pour attirer des entreprises. Le bilan de l’A 49 évaluait qu’au rythme de commercialisation observé sur cinq ans, il faudrait 25 ans dans l’Isère et deux siècles dans la Drôme pour occuper la totalité des ZAC.

Sur divers points, la méthodologie des bilans demanderait à

être affinée et les éudes à être poursuivies au-delà de la période de cinq ans.

SECTION IV- L’IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT

Le renforcement des normes législatives et réglementaires et

les exigences accrues de l’opinion publique ont conduit les sociétés concessionnaires à accroître leurs dépenses afin de réduire l’impact des infrastructures autoroutières sur l’environnement : dispositifs visant à préserver la qualité des eaux et des milieux aquatiques le

Page 184: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 184

long de l’autoroute (bassins de filtration), mesures anti-bruit (remblais de terre, écrans, protections de façade, nouveaux enrobants sur les surfaces de roulement), passages pour la faune sauvage, traitement paysager des ouvrages et des remblais.

Les travaux des observatoires et les bilans établis en

application de l’article 14 de la LOTI et de la circulaire du 15 décembre 1992 font toutefois apparaître qu’en dépit des progrès accomplis l’effet des infrastructures autoroutières sur l’environnement dépasse généralement ce que prévoyait l’étude d’impact présentée lors de l’enquête publique.

En effet, ainsi qu’il a été noté précédemment, cette étude se

limite aux conséquences prévisibles directes et à court terme du tracé autoroutier. Elle n’aborde que de façon allusive les effets indirects tels que ceux du remembrement induit par la construction de l’autoroute même si elle reconnaît, comme dans le dossier de l’A 89, que les aménagements fonciers consécutifs à la réalisation de l’infrastructure “ peuvent altérer de manière plus forte que l’autoroute elle-même les milieux naturels ”. Elle ne traite pas, sauf exception, des emprunts et dépôts corrélés aux travaux autoroutiers qui peuvent pourtant avoir un impact paysager ou écologique fort (extraction de matériaux en roche massive ou dans des sites alluviaux, remblaiement de zones humides ...) mais font l’objet de procédures distinctes.

I - LE CONSTAT DES OBSERVATOIRES ECOLOGIQUES

Les observatoires écologiques mis en place permettent de

suivre l’évolution sur une période de plusieurs années d’un territoire qui dépasse l’emprise de l’autoroute et de mesurer ainsi, non seulement les effets directs, mais aussi les effets induits de l’autoroute.

Comme l’observe la synthèse des travaux des cinq

observatoires écologiques routiers présentée en février 1990, “ l’impact de la construction d’une autoroute dépasse largement les emprises de l’ouvrage et se manifeste de façon multiforme avec un enchaînement complexe d’événements interactifs pour lesquels les effets indirects sont finalement plus importants que les incidences directes (...). L’ampleur des réactions en chaîne que déclenche la construction d’une autoroute dépend de la sensibilité du milieu ”. L’autoroute vient par ailleurs souvent aggraver et accélérer des évolutions liées à la modification des pratiques agricoles, à l’extension des zones d’activités, au développement des autres infrastructures ...

Page 185: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 185

Les milieux humides apparaissent à cet égard les plus sensibles. Les travaux précités ont mis à cet égard en évidence les bouleversements irréversibles subis par la vallée de la Doller en Alsace à la suite de la construction de l’A 36. Le remembrement induit a fait disparaître 41 % du linéaire de haies, 62 % des prairies (contre 18 % en moyenne départementale durant la même période). D’herbagère, la vallée est devenue céréalière. Il en est résulté une diminution de la diversité écologique (disparition d’espèces animales, d’oiseaux notamment), une pollution des nappes phréatiques, qui alimentent plus de 30 % de la population du Haut-Rhin, du fait de l’autoroute, de la modification des pratiques culturales et de la modification du régime des eaux (érosion des rives, crues ...).

En 1990, l’expérience des observatoires a conduit à énoncer

des principes à respecter pour l’avenir :

- éviter le compartimentage de l’espace en privilégiant l’aménagement sur place de la voirie existante et le transport intermodal ;

- faire précéder les études actuelles “ d’une évaluation d’impact du plan autoroutier et des décisions du CIAT pour tester l’acceptabilité des décisions afin d’anticiper les événements au lieu d’y réagir ” ;

- promouvoir une politique intégrée de l’aménagement du territoire afin d’évaluer les conséquences directes et indirectes, les effets cumulatifs, à court, moyen et long termes, permanents et temporaires du projet ;

- établir une procédure de réception des aménagements, un suivi écologique de leur efficacité et mettre en oeuvre les modifications nécessaires ;

- assurer également l’entretien et la gestion de ces aménagements.

La synthèse des travaux des observatoires établie en 1990

concluait que certains milieux riches et fragiles constituaient de véritables monuments biologiques qui “ au même titre que les monuments historiques ” devraient être “ déclarés tabous de tout aménagement de l’importance d’une liaison autoroutière (...). Ailleurs, le bilan des observatoires est plus nuancé. S’il fait apparaître les progrès accomplis durant la dernière décennie, par les mesures destinées à atténuer les retombées négatives de l’infrastructure, il incite également à beaucoup de prudence car l’autoroute exerce un effet aggravant par rapport aux facteurs du milieu ”.

Page 186: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 186

Cette synthèse soulignait que cet effet échappait au maître d’ouvrage et qu’en conséquence “ l’idée que l’on peut régler tous les problèmes (devait) être définitivement écartée ”.

II - LES BILANS A POSTERIORI

Les études de bilan établies en application de la circulaire du

15 décembre 1992 corroborent ce constat (annexe 13). L’insertion dans le paysage est appréciée diversement selon

les autoroutes. Les bilans des autoroutes A 43, A 430 et A 49 reconnaissent les efforts des sociétés d’autoroute en ce domaine. Le bilan de l’A 49 regrette l’absence de traitement paysager des équipements annexes.

Cependant, dans tous les cas, l’on observe un impact fort sur

les éco-systèmes et une perte de biodiversité. Ces effets dépassent les prévisions des études d’impact.

En effet, les études préalables au stade de l’APS sous-

estiment la superficie des emprises faute notamment de prendre en compte la surface des aires annexes (échangeurs, aires de service, de repas) et certains autres impacts104. Ainsi alors que les études préalables évaluaient à 93 ha de boisement, 14 ha de prés et de roselières et 31 ha de peupleraies, la consommation d’écosystèmes alluviaux dans la Combe de Savoie, ce sont 200 ha de bois et de marais qui ont disparu. De même, dans la vallée de l’Isère, la superficie des emprises a atteint 760 ha contre 465 ha prévus.

- Les mesures mises en oeuvre pour supprimer ou réduire les

conséquences dommageables du projet sur l’environnement sont délicates à mettre en oeuvre. Leur efficacité est conditionnée, notamment pour les mesures concernant la faune, non seulement par la qualité des aménagements mais aussi par les précautions prévues avant et pendant la durée du chantier, ainsi que par la gestion des ouvrages et les mesures d’accompagnement. Mais ces dernières conditions sont souvent perdues de vue d’autant que certaines ne relèvent pas de la responsabilité du maître d’ouvrage. Si l’ensemble de ces conditions ne sont pas respectées, les dépenses engagées au titre de ces ouvrages ne produisent pas les effets escomptés. Le bilan des autoroutes A 43-A 430 note ainsi que malgré des aménagements

104 En moyenne, les emprises de l’autoroute y compris les équipements annexes seraient de 11 ha/km selon une note du SETRA de Mai 1995.

Page 187: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 187

coûteux (1,5 MF), les espèces rares de batraciens dont la préservation avait justifié ces aménagements n’ont pas été retrouvées lors de la campagne d’observation organisée pour l’établissement du bilan environnemental. Dans les Maures, les tortuducs implantés sous l’autoroute A 57 ont été réalisés en méconnaissance de l’éthologie de ces animaux. Les passages pour la grande faune sont mal conçus (A 57) ou voient leur efficacité compromise faute d’avoir garanti la tranquillité de leurs abords (A 43 - A 430).

- Les mesures dites “ compensatoires ”, pour utiles qu’elles soient, ne sont le plus souvent pas à la hauteur des dommages. Ainsi en Combe de Savoie, l’impact de ces mesures est faible au regard des superficies détruites.

- Les effets de l’infrastructure dépassent largement l’emprise autoroutière notamment du fait du remembrement induit. Paradoxalement, l’article L 123-24 du code rural qui définit le remembrement lié à la réalisation de grands ouvrages publics renvoie pour la définition des ouvrages pris en compte à l’article 2 de la loi du 10 juillet 1976. Le remembrement est ainsi assimilé à une mesure compensatoire d’atténuation au titre de la loi sur la protection de la nature alors que sa finalité est exclusivement agricole. Le périmètre du remembrement doit avoir une étendue telle que le prélèvement correspondant à l’emprise de l’ouvrage, “ opéré sur tous les propriétaires ne dépasse pas le vingtième de la superficie des terrains qu’il englobe ”. Dans la pratique la superficie remembrée atteint jusqu’à 25 à 30 fois celle de l’emprise. Les dossiers des engagements de l’Etat comportent souvent des dispositions quant à la conservation des haies. Pour autant, ainsi qu’il a été déjà relevé, le maître d’ouvrage comme l’Etat sont impuissants à faire respecter ces dispositions. En effet, le maître d’ouvrage ne fait que financer l’opération105 qui est conduite par une commission communale ou intercommunale. Celle-ci peut comprendre un représentant du maître d’ouvrage et un représentant de l’administration mais ceux-ci n’ont que voix consultative. La direction des route reconnaît que l’incidence des travaux annexes et des remembrements est “ un problème important sur lequel l’Equipement, comme l’Environnement ont peu de prise ”.

En principe, le remembrement ne comprend que les parcelles

directement ou indirectement nécessaires aux remembrements des propriétés dont la structure est affectée par l’implantation de l’ouvrage

105 Avec un coût de l’ordre de 800 000 à 1 MF (au plus)/km d’autoroute en 1999 selon la SETRA pour les frais d’études et les travaux connexes hors indemnisations.

Page 188: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 188

public et le maître d’ouvrage ne doit supporter que les seules dépenses qui sont la conséquence de la réalisation et de l’implantation de l’ouvrage. En réalité, les sociétés concessionnaires d’autoroute sont souvent mises à contribution pour financer des dépenses supplémentaires. Cette pratique condamnée à plusieurs reprises par le juge administratif perdure, comme le relève le bilan des autoroutes A 43 - A 430 qui observe que le remembrement a été “ l’occasion ” de faire financer par le maître d’ouvrage des travaux connexes. Certains dossiers d’enquête publique comme celui de la traversée de la Lozère par l’A 75 présentent au demeurant, dans le cadre du volet d’évaluation économique et sociale, le remembrement comme une “ opportunité à saisir ” qui accélèrera le déclenchement des opérations de remembrement “ d’autant que les opérations de remembrement des terres agricoles peuvent être élargies à des opérations plus vastes d’aménagement foncier rural ”.

- L’autoroute, selon les cas, déclenche des évolutions (vallée

de la Doller) ou accélère des tendances préexistantes (Combe de Savoie, vallée de l’Isère) à l’appauvrissement biologique ou à la disparition des milieux naturels.

Globalement, les travaux des observatoires et les études de

bilan mettent en évidence l’absence préjudiciable de politique globale replaçant l’infrastructure dans une plus large perspective à tous les stades du processus de décision : choix du type d’infrastructure et du tracé, détermination des mesures d’accompagnement nécessaires.

Le manque d’évaluation préalable des plans et programmes a

déjà été relevé. C’est pourtant au cours de cette phase que seraient le plus efficacement pris en compte les enjeux d’aménagement du territoire et de préservation de l’environnement. Faute qu’il en ait été ainsi, les réalisations révèlent après coup, et souvent de façon irréversible, toutes leurs faiblesses et leurs inconvénients.

Au stade du projet, la faiblesse ou le manque de coordination

entre les divers intervenants dans le cadre des territoires traversés et le défaut de prise en compte des interactions, se révèlent préjudiciables tant du point de vue économique que du point de vue de la préservation de l’environnement. La procédure du 1 % paysage et développement n’apporte qu’une réponse partielle à ces problèmes.

Page 189: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 189

LES RECOMMANDATIONS DE LA COUR SUR LE CHAPITRE III

- Donner une portée concrète aux engagements que l’Etat

prend à l’issue de l’enquête publique. - Etablir et publier les bilans prévus par la LOTI et les décrets

pris pour son application. - Prendre les mesures d’accompagnement destinées à

réduire les conséquences négatives qu’entraînent les infrastructures autoroutières, en particulier dans le domaine de l’environnement.

- Prendre en compte les enjeux relatifs à la préservation de

l’environnement, de manière plus globale et dès le stade de l’étude des plans et programmes ; s’efforcer en particulier, de maîtriser les effets induits en matière d’aménagement foncier et notamment de remembrement.

- Mieux concevoir les aménagements à caractère écologique

et assurer le suivi de leur efficacité, de leur entretien et de leur gestion.

Page 190: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 190

CHAPITRE IV

LES DERIVES DU SYSTEME

Page 191: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 191

Le système autoroutier a démontré son aptitude à développer

des infrastructures dont la charge financière repose sur l’usager et épargne le contribuable. Mais la solution mise au point, qui présente l’avantage de s’affranchir des contraintes budgétaires, ne va pas sans dangers. Les crédits disponibles pour financer cette partie très importante des investissements du réseau routier national peuvent être alloués sans que soit atteinte ou même recherchée leur meilleure utilisation possible. En outre, les facilités offertes par le recours au péage peuvent rendre le dénouement financier de l’ensemble des opérations d’autant plus aléatoire qu’il est lointain et peut être aisément différé.

Les risques que comportent ces mécanismes se sont accrus

au fur et à mesure que l’essentiel du réseau autoroutier se constituait. Le problème n’est plus, en effet, de combler le retard d’équipement de la France mais d’harmoniser de façon rationnelle les infrastructures concédées et le reste du réseau dont le développement, l’exploitation et l’entretien incombent aux collectivités publiques et, au premier chef, à l’Etat.

La Cour constate que les dérives, dont elle a par le passé

souligné avec constance la gravité, se sont manifestées depuis lors dans toute leur ampleur :

- les décisions prises en matière d’infrastructures ont dépendu de leur mode de financement ;

- des autoroutes ont été construites sur des liaisons à faible trafic ;

- l’endettement du secteur autoroutier fait courir le risque d’une crise financière qui ne manquerait pas d’avoir des conséquences sur les finances de l’Etat.

SECTION I - LA DETERMINATION DES CHOIX EN FONCTION DU

MODE DE FINANCEMENT La construction du réseau autoroutier peut être financée soit

par l’usager par le biais de la concession, soit par le budget de l’Etat avec des participations des collectivités territoriales. La formule de la concession a souvent été retenue parce qu’elle présentait plus de facilités que le financement d’infrastructures par l’emploi de crédits budgétaires dont la masse s’est réduite. Dès lors, la construction d’autoroutes concédées a pu être choisie alors que d’autres solutions auraient été plus adaptées et moins coûteuses.

Page 192: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 192

I - LE CHOIX ENTRE LE RECOURS A LA CONCESSION ET LE

FINANCEMENT SUR CREDITS BUDGETAIRES Les réseaux autoroutiers concédés et non concédés

présentent des différences. Les normes techniques et le niveau d’entretien sont plus élevés sur le réseau concédé, compte tenu des exigences des usagers qui acquittent un péage, que sur le réseau non concédé soumis à des contraintes budgétaires. La recherche d’un meilleur confort de conduite pousse à des tracés plus tendus en tracé en plan et en profil en long. Les systèmes d’information sont plus développés et le réseau concédé dispose de nombreuses aires de service et de repos. En outre, les mesures concernant l’environnement vont souvent au-delà de ce qui se fait sur les autoroutes non concédées. Selon la direction des routes “ d’une façon générale, il est incontestable que les dotations tant en investissement qu’en entretien, sont plus contraintes pour les projets financés par l’Etat que pour les projets financés par les sociétés concessionnaires. Ceci conduit pour les projets “ Etat ” à rester systématiquement dans la partie basse des normes techniques tout en les respectant ”. En revanche, les échangeurs sont plus espacés sur le réseau concédé compte tenu des coûts d’implantation et d’exploitation des installations de péage. “ On peut également noter que l’autoroute à péage est un monde relativement clos qui ne se prête pas comme l’autoroute hors péage à la logique d’un transfert à l’extérieur de ses emprises d’une partie des services à l’usager dans le cadre, par exemple, des villages étapes ”. L’impact des deux types de réseau est donc sensiblement différent en termes d’aménagement du territoire.

La direction des routes indique que les réalisations hors

péages telles que le réseau routier breton et l’A 75 pour la traversée du Massif central sont réservées aux axes qui jouent un rôle majeur en matière d’aménagement du territoire ou de desserte régionale ou qui offrent des possibilités intéressantes d’aménagement sur place des itinéraires existants

Pour ce qui concerne le prolongement non concédé de l’A 77,

ce parti a été retenu pour permettre d’intégrer des sections déjà réalisées, et, surtout, d’assurer une meilleure desserte des agglomérations situées dans la vallée de la Loire et bien reliées par la RN 77. Ce sont des raisons analogues qui ont conduit à ne pas concéder l’autoroute A 16 dans sa partie Nord entre Boulogne et la frontière belge, puisque les agglomérations sont situées sur le littoral, et qu’un tracé neuf, nécessairement positionné en retrait de l’itinéraire actuel, aurait moins bien assuré les échanges locaux. Pour l’A 75, l’objectif était de modérer les coûts de transport pour les échanges

Page 193: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 193

des régions desservies, mais aussi pour le transit Nord-Sud, de sorte que l’itinéraire joue pleinement son rôle d’alternative à l’A 7. Pour l’A 20, la solution adoptée a consisté à réaliser la partie Nord sur crédits d’Etat, parce que de nombreux aménagements existaient déjà, et que la voirie existante serait réutilisée pour un coût kilométrique relativement modéré.

Il est, en effet, difficile d’introduire un péage sur un itinéraire

existant, même s’il fait l’objet d’aménagements complémentaires importants. Le cas de l’aménagement de la RN 10 Belin-Beliet-St.Géours-de-Marenne est particulièrement significatif. Il s’agissait du seul projet présentant une rentabilité financière, portant sur un axe présentant un flux de transit important et à même d’être réalisé sans adossement. Un concessionnaire avait été désigné au terme d’une mise en publicité européenne. Mais, compte tenu des protestations locales, le gouvernement a finalement décidé de réaliser cet aménagement hors concession.

De même, n’ont pas été concédées, dans le Nord ou en

Alsace, certaines liaisons des régions frontalières proches de réseaux gratuits ou des sections assimilées à des contournements d’agglomérations. Ainsi l’A 31 n’est pas concédée au nord de Toul en raison de sa fonction locale affirmée et de la proximité du réseau belge, alors qu’au sud de Toul, la section a essentiellement une fonction d’écoulement du trafic de transit, qui justifie le recours à la concession.

A l’inverse, celle-ci est préférée lorsque l’aménagement sur

place est difficile ou lorsque le trafic de longue distance est dominant et se satisfait donc d’un nombre d’échangeurs moins élevé.

Les autoroutes concédées, qui représentent 62 % du trafic de

l’ensemble des autoroutes, portent dans leur très large majorité sur des liaisons interurbaines compte tenu des réticences des usagers à accepter des péages urbains. Les autoroutes non concédées sont surtout périurbaines, aux exceptions notables du réseau breton, de l’A 28 Abbeville-Rouen, de l’A 75 Clermont-Ferrand-Beziers, de l’A 20 Vierzon-Brive et de certaines sections du Nord-Pas-de-Calais. En général, les itinéraires sont traités de façon homogène mais il n’en va pas toujours ainsi.

Ainsi, lors de la définition du programme relatif aux deux axes

nord-sud du Massif Central, le schéma directeur routier national de 1992 a retenu pour l’A 20 une partie concédée et une partie non concédée. Les contraintes budgétaires ne permettaient pas, en effet,

Page 194: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 194

de financer la totalité de l’A 20 et de l’A 75 sur crédits d’Etat, malgré la priorité accordée à ces deux itinéraires de désenclavement.

Des exceptions au principe d’homogénéité du mode de financement Le cas de figure d’une courte section concédée, intégrée à une

liaison non concédée apparaît le plus souvent lorsque cette section comporte un ouvrage d’art important. Ainsi en est-il des grands franchissements en montagne qui nécessitent des financements élevés (tunnels du Mont-Blanc, du Puymorens ou de Sainte-Marie-aux-Mines). C’est la solution choisie pour le franchissement du Tarn par l’A 75 à Millau par un viaduc dont le coût prévisionnel dépasse 1,5 milliard de francs.

Certains tronçons de liaisons concédées à titre principal ne sont pas concédés. Des projets d’autoroutes ont intégré des aménagements existants lorsque le bilan pour la collectivité était plus avantageux que la réalisation d’une nouvelle infrastructure. Selon les cas, ces investissements antérieurs ont pu être compris dans le domaine concédé. Ainsi l’autoroute A 89 utilisera la déviation de Périgueux, mise en service début 1990 , l’A 64 a repris la déviation de Capvern et la voie nouvelle Saint-Martory-Martres, l’A 51 entre Sisteron et La Saulce reprend une grande part de la RN 85 précédemment aménagée, l’A 19 reprend la déviation de Courtenay. A l’inverse, comme l’indique la direction des routes, "dans d’autres cas, correspondant à des aménagements de plus grande importante, les sections déjà aménagées n’ont pas été intégrées au réseau concédé. Ainsi l’A 20 entre l’A 62 et Montauban-Nord, la partie de l’A 64 comprise entre Cazères et Muret n’est pas concédée, car elle est constituée d’un aménagement sur place de la RN 117. Pour les mêmes raisons, la section Bayonne-Briscous n’est pas concédée pas plus que l’A 89 entre Bordeaux et Arveyres ; l’A 85 entre Langeais et l’A 10 à Tours ainsi que nombre de sections urbaines ou périurbaines".

L’hétérogénéité des modes de financement conduit dans une même zone périurbaine à avoir certaines voies rapides payantes et d’autres gratuites, comme par exemple aux abords de Toulouse.

Comme le reconnaît la direction des routes, l’aisance qu’offre

la concession conduit à choisir ce régime “ lorsque les objectifs poursuivis impliquent un aménagement continu dans des délais rapides incompatibles avec un financement budgétaire ”.

Page 195: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 195

II - LES CONTRAINTES BUDGETAIRES Le réseau autoroutier est à resituer dans le réseau routier

national. Au 1er juillet 1998 la longueur du réseau routier national était de 36 564,6 km 106. Aux 6 928,5 km d’autoroutes concédées et 2 308,1 km d’autoroutes non concédées s’ajoutaient 1 698 km de LACRA, 4 710 km de GLAT et 21 220 km d’autres routes nationales.

En 1997, les routes nationales “ ordinaires ” représentaient

48,5 % du trafic107 sur le réseau national contre 31,8 % pour les autoroutes concédées et 19,7 % pour les autoroutes non concédées.

La direction des routes n’est pas en mesure de communiquer

des informations récentes sur la répartition du trafic entre poids lourds et véhicules légers par type de voie. Les dernières données du SETRA sur ce point datent de 1990. A l’époque, les poids lourds représentaient 20 % du trafic sur autoroutes concédées contre 15 % sur autoroutes non concédées et 14 % sur routes nationales. Une part importante du trafic est donc supportée par le réseau national non autoroutier.

A l’extension rapide du réseau autoroutier, financé pour

l’essentiel sur les recettes des péages, correspond sur une longue période une diminution des crédits du budget de l’Etat affectés au réseau routier national non concédé.

A. - LA SECTION “ ROUTES ” DU BUDGET DU MINISTERE DE

L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT Sur le budget du ministère de l’équipement, des transports et

du logement, les dépenses d’investissements routiers sont imputées sur les chapitres 53-43 (voirie nationale, investissements) et 63-42 (routes-participations).

Le chapitre 53-43 finance pour l’essentiel des dépenses de

développement du réseau national : études autoroutières en amont de la déclaration d’utilité publique, opérations à maîtrise d’ouvrage d’Etat menées dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, opérations du programme général, réalisation de voiries de villes

106 Selon les statistiques émanant des préfectures et communiquées par la direction générale des collectivités locales, les longueurs des voiries départementales et communales en métropole étaient respectivement de 358 374,3 km et 579 367,5 km au 1er Janvier 1998. 107 Calculé en millions de véhicules/km.

Page 196: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 196

nouvelles de province. Mais ce chapitre concourt aussi à financer des dépenses de réhabilitation et de renforcement des chaussées. Les crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI) sur ce chapitre, principal outil d’intervention de la direction des routes, ont baissé de 25,5 % pour les autorisations de programme (AP) de 1996 à 1997 et de 11 % pour les crédits de paiement (CP). Sur la période 1994-1997, les CP du chapitre 57-43 ont diminué de 15,14 %, les AP de 47,15 %.

Le chapitre 63-42 finance les subventions d’investissements

pour des opérations à maîtrise d’ouvrage locale liées à l’aménagement du réseau national.

Globalement, dans les LFI, les moyens d’engagement

consacrés aux investissements routiers sur la section “ routes ” du budget du ministère sont inférieurs en 1997 de 47,13 % à ceux de 1993. Cette évolution se poursuit en 1998 et 1999. En 1999, l’enveloppe du programme d’investissements routiers est ainsi en diminution de 12,2 % en CP et de 10,7 % en AP par rapport à 1998. Toutefois il convient d’observer que le budget initial des routes ne représente plus qu’une part minoritaire des engagements et des crédits de paiement, qui sont complétés par les ressources en provenance des fonds de concours et des comptes d’affectation spéciale.

B. - LES FONDS DE CONCOURS

Les fonds de concours (6 441,56 MF en AP, 6 466,75 MF en

dépenses ordinaires et CP en 1997) représentent désormais 43,7 % des crédits disponibles du budget général des routes. Sur le seul chapitre 53-43, ils se montent en 1997 à 6 362 MF ainsi répartis.

en MF en %

Participation des collectivités territoriales à la construction, à l’équipement et à ‘l’exploitation du réseau

6 066

95,3

Soutien financier accordé par l’Union européenne à la réalisation d’infrastructures

224

3,5

Participations diverses à l’aménagement de la voirie des villes nouvelles

20

0,4

Participation des régions au contrat interrégional du bassin parisien

52

0,8

TOTAL 6 362 100

Page 197: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 197

C. - LES COMPTES D’AFFECTATION SPECIALE Au budget du ministère de l’équipement s’ajoutent le

chapitre 05 du compte d’affectation spéciale, fonds d’aménagement de la région Ile-de-France (FARIF) et le chapitre 01 (transports terrestres-investissements sur le réseau routier national) du compte d’affectation spéciale du fonds d’investissement pour les transports terrestres et les voies navigables (FITTVN).

Le FARIF, créé par la loi de finances rectificative pour 1989 et

alimenté par le produit d’une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux d’une surface supérieure à 100 m2 en Ile-de-France, dont l’assiette a été élargie par la loi de finances pour 1999 aux locaux commerciaux de plus de 2 500 m² et aux entrepôts de plus de 5 000 m², a vocation à résoudre les problèmes spécifiques liés à la concentration urbaine en Ile-de-France. De 1990 à 1998, près de 12,8 milliards de francs ont été engagés sur le FARIF dont 38 % pour les transports. Le FARIF a notamment financé la poursuite des travaux de l’A 86 pour 437 MF en 1996 et 466 MF en 1997. Les investissements routiers sont l’une des trois priorités du FARIF pour 1999, avec une augmentation de 24,5 % des crédits prévus dans le but d’accélérer la réalisation des opérations incluses dans le contrat de plan Etat-régions et de poursuivre le financement de l’échangeur A 86/A 14 à Nanterre.

Le FITTVN a été créé par l’article 47 de la loi de finances pour

1995, afin “ d’amplifier l’effort d’investissement, de réaliser des péréquations entre modes et de maintenir des liaisons nécessaires dans l’intérêt de l’aménagement du territoire ”. La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 fait également mention de la création du FITTVN conçu comme un outil au service d’une “ d’une politique rigoureuse et volontaire d’aménagement du territoire ”108 dans une perspective intermodale. Ce compte d’affectation spéciale est alimenté par deux taxes, l’une sur les ouvrages hydroélectriques concédés, la seconde sur les autoroutes concédées, dont le taux a été porté de deux à quatre centimes par kilomètre parcouru, par l’article 44 de la loi de finances pour 1996. A ces taxes, s’ajoutent des participations des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

Les ressources du FITTVN ont plusieurs utilisations : les

investissements routiers particulièrement pour le désenclavement des

108 Déclaration de politique générale du Premier ministre devant le Parlement le 8 Avril 1993.

Page 198: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 198

zones d’accès difficile ; les investissements inscrits au schéma directeur national des voies navigables ; les subventions d’investissement pour le réseau ferroviaire à grande vitesse, les transports ferroviaires régionaux, le transport combiné ainsi que les dépenses d’études et de frais de gestion correspondantes en particulier dans les zones d’accès difficiles.

Les crédits ouverts en LFI pour le FITTVN se sont élevés à 2 milliards de francs en 1995, 3,05 milliards de francs en 1996 et 3,1 milliards de francs en 1997. Compte tenu des reports, les crédits utilisables se sont élevés à 4,6 milliards de francs en 1997 contre 3,7 milliards de francs en 1996.

La répartition des dépenses en parts relatives a évolué en

faveur du chapitre 01 (secteur routier) au détriment des chapitres 02 (voies navigables) et 03 (transport ferroviaire et combiné). De 1995 à 1997, la part du secteur routier est passée de 20,9 % à 46,13 %, celle des voies navigables de 27,1 % à 10,36 % et celle des transports ferroviaire et combiné de 52 % à 43,5 %, ce qui ne va pas dans le sens des intentions du législateur.

Sur les 2 milliards de francs de crédits ouverts en LFI en

1995, un montant de 993 MF a correspondu, contrairement à l’esprit de la loi, au financement de dépenses supportées en 1994 sur le budget général dont 650 MF sur le budget de la direction des routes (chapitres 53-43 “ voirie nationale investissements ”). De même, en 1996 le FITTVN (3,05 milliards de francs de crédits ouverts) a financé pour 1 550 MF la poursuite d’opérations de désenclavement du Massif central notamment sur les autoroutes A 75 Clermont-Ferrand-Beziers, A 20 Vierzon-Brive et les routes RN 7 (Cosne-sur-Loire-Balbigny), RN 88 (Toulouse-Lyon) et la route Centre Europe Atlantique. En 1997, la Cour a constaté à nouveau que les ressources du FITTVN avaient été largement consacrées au financement d’opérations relevant antérieurement du budget général : poursuite des opérations sur les autoroutes A 75 Clermont-Ferrand-Béziers (712 MF prévus - 656 MF d’AP affectées fin 1997) et A 20 Vierzon-Brive-la-Gaillarde (470,3 MF prévus) et sur les routes RN 7 Cosne-sur-Loire-Balbigny (131 MF prévus, 139,8 MF affectés), RN 88 Toulouse-Lyon (55 MF prévus, 44,7 MF affectés), la route Centre-Europe-Atlantique Saintes-Limoges-Guéret-Montluçon-Paray le Monial-Mâcon (97 MF prévus - 96,6 MF affectés), la RN 122 Rouziers-Saint-Mamet (40 MF affectés). Certaines opérations routières ont d’ailleurs été financées en 1997 en partie sur le FITTVN et en partie sur le budget général au chapitre 53 -43 article 20 (investissements sur le réseau routier national) comme par exemple l’aménagement de l’A 20, de l’A 75, de la RN 9, de la RN 7 et de la RN 20.

Page 199: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 199

Page 200: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 200

D. - L’EVOLUTION GLOBALE DES CREDITS Au total les crédits d’investissement disponibles pour la

construction du réseau national sur la section route du budget de l’Etat sont en baisse de 27,9 % en crédits de paiement sur la période 1993-1997.

Crédits disponibles pour la construction du réseau national

Budget de l’Etat en MF (arrondis)

Chapitre 53-43 Chapitre 63-42 AP CP AP CP 1993 Crédits ouverts en LFI Crédits disponibles

14 641

16 088

108

78 66

1994 Crédits ouverts en LFI Crédits disponibles

6 418 13 580

4 934 13 196

65 330

176 102

1995 Crédits ouverts en LFI Crédits disponibles

5 186 1 055

4 281

10 603

136 201

226 150

1996 Crédits ouverts en LFI Crédits disponibles

4 553

10 622

4 705

11 565

210 267

381 188

1997 Crédits ouverts en LFI Crédits disponibles

3 392 9 757

4 187

11 375

115 117

272

1998 Crédits ouverts en LFI Crédits disponibles

3 054

4 231

-

- -

-

164

1999 Crédits ouverts en LFI

2 765

3 760

135

-

AP =Autorisations de programme CP = Crédits de paiement

Cette baisse se poursuit en 1999 : En LFI, les moyens

d’engagement pour le développement du réseau routier national diminuent de 10,5 % et les crédits en provenance des comptes spéciaux du Trésor de 9 %.

Les opérations d’investissement de l’Etat s’insèrent

principalement dans le volet routier des contrats de plan Etat-régions (CPER) du XIème plan qui s’élève à 65,8 milliards de francs (valeur 1994) dont 27,4 milliards de francs de la part de l’Etat, 22,8 milliards de francs provenant des régions et 15,1 milliards de francs d’autres

Page 201: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 201

financements. S’y ajoute un contrat propre au bassin parisien engageant pour 409 MF l’Etat, la région d’Ile-de-France et les sept régions périphériques et visant à favoriser dans le domaine routier l’aménagement des grandes voies d’évitement d’Ile-de-France. Les contrats de plan Etat-régions sont par ailleurs complétés par des programmes d’accélération qui portent, pour l’essentiel, sur l’aménagement de quatre itinéraires inter régionaux : la “ route des estuaires ” (autoroute A 84 entre Caen, Rennes et Nantes) ; la route Centre-Europe-Atlantique entre La Rochelle et l’autoroute A 6 Mâcon-Chalon via Montluçon, Limoges et Angoulème ; la RN 88 entre Toulouse et Lyon ; les accès aux percées alpines par les RN 202 et 204.

Le décalage entre l’affectation des autorisations de

programme et les délégations de crédits de paiement ainsi que le gel des contrats de plan Etat-régions décidé en 1997 ont compromis l’exécution de ces contrats. La Cour a ainsi constaté dans son rapport public de 1998 que “ les taux d’exécution des CPER accusent des retards qui tiennent en grande partie à l’insuffisance des moyens financiers mis en place chaque année par l’Etat ”. Le taux d’exécution par l’Etat des contrats de plan Etat-régions pour leur volet routier s’élevait au terme fixé initialement pour ces contrats (fin 1998) à 70,2 % en moyenne et à 73 % pour les programmes “ d’accélération ”. En 1996 le gouvernement a décidé, de façon unilatérale, de repousser la date d’échéance au 31 décembre 1999. Cette mesure a été confirmée par le CIADT du 15 décembre 1997 109.

Globalement, l’ensemble des moyens consacrés au réseau

routier national non concédé (investissement et entretien compris) n’a augmenté de 1989 à 1997 que de 10,8 % en francs courants, variant de 14,3 à 15,2 milliards de francs, cependant que les moyens consacrés aux autoroutes concédés passaient de 11,5 à 23 milliards de francs.

Ainsi, la majeure partie des investissements du réseau routier

national est désormais financée par l’emprunt grâce au système des concessions d’autoroutes soit 62,8 % en 1997 contre 45,4 % en 1988 et 31,6 % en 1973. Le budget de l’Etat n’en représente plus que 20,1 % contre 56 % en 1973.

109 Voir rapport public 1998 p. 146 et 147.

Page 202: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 202

Sur ce point la France se différencie des autres pays d’Europe qui financent majoritairement leurs investissements routiers sur crédits budgétaires même si depuis quelques années un recours accru à la concession est observé dans plusieurs pays (voir annexe 1 et p. VI du cahier couleur).

III - LES BIAIS INTRODUITS PAR LE MODE DE FINANCEMENT

La Cour avait déjà relevé dans son rapport public sur la

politique routière et autoroutière (1992) que “ l’économie de la route, qui échappe au jeu normal du marché, est une économie largement administrée. En l’absence de mécanismes administratifs efficaces et rigoureux, le mode de financement - budget de l’Etat, concours des collectivités locales, emprunts des concessionnaires - devient déterminant dans la décision de construire comme dans le parti d’aménagement, les caractéristiques techniques, l’échéancier des travaux ”.

S’il est vrai que le réaménagement du réseau existant se

heurte fréquemment à des contraintes plus fortes que l’implantation d’une infrastructure "en site propre" du fait notamment du voisinage immédiat de zones bâties, les facilités de financement par les péages ont parfois conduit à privilégier la construction de liaisons autoroutières concédées au lieu et place d’aménagements routiers qui seraient souvent tout à la fois mieux adaptés à la desserte du territoire et moins coûteux110 comme le montrent les exemples ci-après.

Le dossier d’APS de l’A 51 (section médiane Col du Fau - La

Saulce) indique que “ les solutions routières s’avèrent moins onéreuses que les solutions autoroutières mais qu’elles sollicitent beaucoup plus les financements publics. Le recours à la concession, qui permet la réalisation de l’opération par des emprunts gagés sur les futures recettes de péages apparaît la seule solution réaliste pour financer rapidement la liaison Grenoble - Sisteron. Les solutions routières bien qu’intéressantes ne pourraient, en tout état de cause, et pour des difficultés d’ordre financier, être réalisées que dans des délais très longs, incompatibles avec la fonction première de délestage de la vallée du Rhône qui leur est allouée ”.

110 Selon les indications communiquées par la direction des routes, la différence de coût entre l’aménagement à 2 x 2 voies d’une route existante et la construction d’une autoroute en site propre serait généralement inférieur à 20 % et le plus souvent de l’ordre de 10 à 15 %.

Page 203: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 203

Présentation des différentes solutions envisagées par le dossier d’APS

Longueur (km)

Coût (en MF 1992)

Trafic 2010 en véh.

(dont report de la vallée du Rhône)

Taux de rentabilité

économique immédiate en

1990 Aménagement de la RN 75 : - par le Col de Faye - par la vallée du Buech

122,4

122,2

7 890

8 110

27 000 (14 300) 28 000

(14 800)

18,3 %

18,1 %

Autoroute : - par le Col de la Croix Haute - par l’est de Gap

118,5

146,5

9 865

10 570111

24 000 (11 200) 21 000 (7 300)

14,5 %

8,6 %

Le projet retenu à l’issue de l’avant-projet sommaire pour des

raisons d’aménagement du territoire est le tracé autoroutier par l’est de Gap. Comme l’indique le tableau ci-dessus, ce parti retenu est le plus coûteux. En effet, ce projet exigerait, compte tenu de la topographie, la construction d’une centaine d’ouvrages dont 25 ouvrages “ non courants ” (22 viaducs et trois tunnels), le viaduc de l’Ebron (1,8 km) étant qualifié d’“ ouvrage tout-à-fait exceptionnel ”. Qui plus est, ce tracé se heurte comme on l’a vu à des difficultés géologiques. En outre, ce tracé est le moins adapté à l’objectif poursuivi, à savoir délester le trafic de l’axe A6 - A7, saturé à l’horizon 2010 selon les prévisions de la direction des routes qui prévoit une augmentation de 50 % du trafic en période estivale. Le dossier d’enquête, cité par le rapport sur la politique française des transports terrestres dans les Alpes, estime de même que l’A 51, ne devrait avoir qu’un impact mineur sur les trafics et le délestage de la vallée du Rhône (- 5 % et - 3 %).

Le dossier soumis à enquête publique pour l’autoroute A 89

compare les options d’aménagement routier sur place et d’autoroute concédée en tracé neuf et retient parmi les avantages de la solution autoroutière le mode de financement. Pour la section Arveyres - Saint-Julien-Puy-Lavèze, l’aménagement sur place qui réutiliserait 31 % du linéaire aurait un coût de 12 980 MF (valeur 1993) contre 13 700

111 Coût estimatif ramené à 9 590 MF 1996 selon les évaluations du Conseil général des Ponts et Chaussées - La politique française des transports terrestres dans les Alpes - Mars 1998.

Page 204: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 204

MF pour l’autoroute concédée. L’option choisie est la solution autoroutière, en raison des nuisances visuelles et sonores du réaménagement routier, et, argument semble-t-il déterminant, du mode de financement : “ compte tenu du rythme actuel de financement, il est à craindre que les travaux ne s’étalent sur une longue durée (20 à 30 ans) et qu’ils ne monopolisent les ressources financières disponibles au détriment de tous les autres programmes dont les régions concernées ont besoin ”. Pour la section Saint Julien Puy-Lavèze-A 71, le tracé autoroutier par Combronde a été retenu à la demande du ministère de l’équipement, de préférence au réaménagement de la RN 89 qui pose des problèmes de viabilité hivernale en raison de son altitude, traverse de nombreux villages qu’il aurait fallu contourner et se situe en plein périmètre du parc naturel régional des volcans. Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie avait mis en cause l’utilité même d’une liaison autoroutière et fait part de son inquiétude quant à un aménagement ultérieur très coûteux à 2 x 2 voies de la RN 89 qui avait été promis antérieurement aux élus. Par arbitrage du Premier ministre, le Gouvernement s’est engagé à limiter strictement les aménagements de la RN 89 et à prendre des mesures de limitation du trafic de poids lourds sur cette nationale.

De même le rapport de la mission d’enquête sur la SFTRF

déjà cité relève à propos de l’autoroute A 43 de la vallée de la Maurienne “ qu’il n’y a pas eu d’études approfondies quant au choix entre autoroute à péage et aménagements sur place de la route existante, probablement moins coûteux . L’absence d’études sérieuses sur le réaménagement de la N 6, qui aurait été vraisemblablement moins coûteux, suggère que la décision du tout autoroute s’explique avant tout par les modalités de financement (péage). En cela, le cas de l’A 43 est emblématique des anomalies du système autoroutier français ”.

La logique du financement prévaut ainsi sur la rationalité

économique et financière. Le schéma directeur routier national de 1992 motive d’ailleurs expressément l’augmentation de la part autoroutière concédée du programme d’investissement portée à 904 kilomètres par le souci de “ s’affranchir ” de la contrainte budgétaire : “ Les retards accumulés dans la modernisation du réseau et les perspectives budgétaires ne permettaient pas d’escompter la réalisation du schéma directeur de février 1986 dans des délais compatibles avec les objectifs (actuels) de désenclavement, d’efficacité économique et d’ouverture européenne ”.

Page 205: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 205

La direction des routes reconnaît que “ le système actuel très cloisonné, soumis à des restrictions budgétaires, privilégie de plus en plus l’autoroute concédée, en éloignant ainsi les investissements de l’optimum économique, social et environnemental ”. De fait, “ le choix du mode d’investissement des infrastructures routières reste aujourd’hui largement déterminé par la disponibilité de la ressource, compte tenu des fortes contraintes budgétaires qui pèsent sur l’Etat et sur les collectivités locales. C’est essentiellement l’emprunt, gagé sur les recettes des concessions des sections autoroutières anciennes, le cas échéant prolongées, qui permet de réaliser les nouvelles autoroutes (c’est le mécanisme de l’adossement). Pour la plupart des acteurs, réaliser une autoroute en la concédant est apparu ces dernières années plus facile et plus rapide, même si des partis d’aménagement plus modestes sur tracé neuf ou des aménagements sur place de routes nationales correspondaient parfois mieux à la fonction de l’infrastructure et au trafic supporté. Ce biais explique que les investissements aient pu dans certains cas être déterminés par leur mode de financement plus que par l’appréciation de l’optimum collectif. Cela pouvait aboutir à ce que certaines sections autoroutières soient réalisées par le secteur concédé alors que leur faible rentabilité socio-économique ne les aurait pas placées en priorité parmi les projets à financer sur la ressource budgétaire ”.

Lors de la présentation du budget 1998 au Sénat, le ministre

de l’équipement, des transports et du logement a reconnu “ une dérive vers la logique du tout concédé ”.

Les biais introduits par le mode de financement ne concernent

d’ailleurs pas que les choix d’aménagement au sein du mode routier mais pèsent sur les choix entre modes rendant d’autant plus difficile la mise en œuvre de la politique globale des transports prévue par les textes. L’étude intermodale précitée sur le corridor sud observe ainsi, outre les caractéristiques différentes des solutions envisagées, qu’à la différence des projets ferroviaires, l’autoroute aurait un financement assuré par les péages.

Page 206: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 206

SECTION II - LA CONSTRUCTION D’AUTOROUTES SUR DES LIAISONS A FAIBLE TRAFIC

Les premières autoroutes interurbaines, ont concerné tout

naturellement l’axe le plus fréquenté, Lille-Paris-Lyon-Marseille, qui présentait, de surcroît, peu de difficultés techniques. La deuxième vague de construction dans les années 70 a porté, dans un souci d’équilibre du territoire, sur des radiales de moindre trafic. La mise en oeuvre de cette deuxième phase a rencontré des difficultés financières du fait d’une surestimation des taux de croissance du trafic. L’Etat avait, comme on l’a vu, souhaité faire appel à des sociétés purement privées afin d’accélérer la mise en oeuvre du schéma autoroutier. Sur les quatre sociétés constituées à l’époque112, trois ont fait faillite et ont dû être reprises par les SEMCA. Seule COFIROUTE a réussi à se maintenir grâce à une politique prudente, fondée sur la construction de tronçons supplémentaires seulement lorsque le trafic le justifiait et des “ standards ” de construction moins coûteux que ceux des SEMCA dans un contexte favorable (autoroutes de plaine non concurrencées par des routes à 2 x 2 voies et profitant du développement du trafic lié à la mise en oeuvre du plan routier breton). Malgré tout, la société n’a dégagé des profits qu’à partir de 1986 soit 17 ans après sa création.

En revanche, les SEMCA ne sont pas soumises aux

exigences de rentabilité financière des investissements. Des concessions ont été accordées pour construire et

exploiter des sections d’autoroutes dont la rentabilité s’amoindrissait au fur et à mesure que la réalisation du programme autoroutier s’accomplissait et s’accélérait. Les autorités de tutelle qui n’ont pas contenu cette dérive se trouvent désormais contraintes de réviser leur attitude car la jurisprudence administrative et le droit européen ont évolué.

I - L’EXTENSION DES CONCESSIONS A DES SECTIONS DE

MOINS EN MOINS RENTABLES La facilité du mode de financement par les péages et le

recours à l’adossement ont conduit au cours des dernières années à multiplier les engagements de sections autoroutières sur des liaisons à faible trafic, souvent situées dans des zones au relief accidenté, et présentant donc des coûts de construction de plus en plus élevés.

112 APEL, AREA, ACOBA, COFIROUTE (Autoroute Paris-Est-Lorraine).

Page 207: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 207

A plusieurs reprises, la Cour a souligné les risques d’une

tendance à l’accroissement continu du réseau autoroutier. Dans son rapport public de 1986113, elle s’était inquiétée de l’extension des concessions à des sections de moins en moins rentables et avait repris l’analyse d’un rapport présenté en 1982 à la demande des ministres des transports et de l’économie et des finances qui soulignait que “ l’option autoroutière constitu(ait) le plus souvent un surinvestissement très éloigné de l’optimum économique ”. Ces observations étaient à nouveau mentionnées au rapport public de 1990114 qui relevait que les chiffres de trafic prévisionnels ne suffisaient pas à garantir une rentabilité suffisante des futures sections inscrites au schéma directeur. “ Le taux de rentabilité immédiate correspondant au bénéfice d’exploitation de la première année, hors charges financières, amortissement et frais de réparation, rapporté au coût total de l’investissement (était) négatif ou nul pour cinq des trente-deux projets retenus, égal ou inférieur à 1 % pour treize projets et n’excéd(ait) jamais 3,6 %. Le taux de rentabilité interne, correspondant au taux d’intérêt réel qui permettrait d’assurer le financement du projet sur une durée de trente-cinq ans sans déséquilibrer des comptes, n’excéd(ait) en aucun cas 3,5 %. Pour vingt-deux projets, il (était) même compris entre 0 et - 10 % ”. Le rapport public de 1992 relevait que la pratique de l’adossement et la prolongation des concessions permettaient de financer des sections nouvelles quelle qu’en soit la rentabilité.

La rentabilité financière d’une autoroute à péage varie avec le

coût de construction, la durée de la concession, le trafic à l’ouverture et l’évolution ultérieure de celui-ci. Des seuils d’équilibre ont été estimés au regard du trafic à la mise en service ou peu après.

En 1990, la Cour avait constaté “ la difficulté de disposer de

seuils incontestés pour caractériser les différents seuils de rentabilité d’un investissement ”. Néanmoins il était alors généralement admis qu’un trafic de 1 500 véhicules/jour était nécessaire pour couvrir les seuls frais de péage, que 4 500 à 5 000 véhicules/jours permettaient d’équilibrer les frais d’exploitation et 15 000 à 20 000 véhicules/jour la totalité des frais y compris le remboursement des emprunts.

La direction des routes souligne que les niveaux de trafic

nécessaires à l’équilibre des frais dépendent de facteurs très variables d’une section à l’autre et, en particulier, du coût de

113 pages 27 à 36. 114 Tome I, pages 221 à 237.

Page 208: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 208

construction, du niveau de péage, du niveau et du mode de perception du péage (ouvert ou fermé). En prenant pour tous ces facteurs des données moyennes, on obtient des seuils théoriques actualisés qui ne peuvent cependant être appliqués en l’état au calcul de rentabilité d’une section autoroutière donnée.

Ces seuils reposent sur les données suivantes :

- Le montant des frais de péage et d’exploitation (personnel, entretien, maintenance, signalisation, service hivernal) varie notablement entre les sociétés (de 550 000 F à plus d’un million de francs au kilomètre), en fonction en particulier du mode de perception du péage, des contraintes d’exploitation (contraintes climatiques, type et niveau de trafic ...). Sur les autoroutes des six principales SEMCA (87 % de la totalité du réseau autoroutier concédé) les frais d’exploitation se sont élevés à 4,2 milliards de francs pour 5 820 km, soit en moyenne 725 000 F par km. Les frais de perception du péage représentent en moyenne environ 43 % de ces frais d’exploitation.

- Les tarifs au kilomètre varient dans des proportions importantes suivant les sociétés (de 37 à 58 centimes au kilomètre pour les véhicules légers), suivant le type de véhicule et suivant les abonnements consentis. Le tarif kilométrique moyen global retenu pour les calculs est de 42 centimes par kilomètre pour les VL et 94 pour les PL en 1997.

- Les coûts de construction varient suivant la typologie des autoroutes d’environ 35 MF au kilomètre en rase campagne à plus de 600 MF au kilomètre pour une autoroute urbaine en Ile-de-France. Le coût de construction retenu pour le calcul est de 40 MF TTC au kilomètre.

Les seuils d’équilibre calculés sur ces valeurs moyennes,

pour les SEMCA, correspondent à des trafics, en véhicules/jour, de 1 700 pour couvrir les frais de péage, 3 800 pour couvrir les frais d’exploitation et environ 20 000 (avec 20 % de poids lourds) pour équilibrer la totalité des frais y compris le remboursement des emprunts.

Les trafics doivent être appréciés au regard de ces seuils trois

ans après la mise en service. Ces seuils ne prennent pas en compte la contrainte de

rentabilité des capitaux propres investis, qui s’impose aux sociétés concessionnaires d’autoroutes à capitaux privés. Ils ont été calculés à partir de coûts moyens correspondants à des sections déjà en service. La direction des routes fait valoir qu’à l’heure actuelle, des

Page 209: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 209

efforts importants de productivité sont réalisés sur les nouvelles sections et escompte que ceux-ci vont permettre de réduire les frais d’exploitation et d’abaisser les seuils d’équilibre.

Au vu de ces seuils, et nonobstant les différences de coûts de

construction et d’exploitation, il apparaît en première approximation que la majeure partie des sections mises en service entre 1974 et 1994 couvraient uniquement leurs frais d’exploitation en 1995 (voir annexe 8). Seules les autoroutes A 54 Arles-Nîmes, A 10 Poitiers-Bordeaux, A 61 Toulouse-Narbonne, A 52 Chateauneuf-Pas-de-Trets, A 48 Coiranne-Grenoble, A 43 Lyon-Chambéry et A 8 Aix-Fréjus dépassaient les 20 000 véhicules/jour.

La direction des routes objecte que “ les sections ouvertes

aujourd’hui connaissent des trafics à la mise en service comparables, voire supérieurs, à ce qu’ont connu les sections anciennes ”, comme l’autoroute A 1 qui avait un trafic de 6 500 véhicules/jour à son ouverture complète en 1965, et que la moyenne des trafics l’année suivant la mise en service des liaisons concédées est même en légère progression.

Trafic un an après la mise en service

Autoroutes ouvertes de 1975 à 1979 : 7 520 véh./jour Autoroutes ouvertes de 1980 à 1984 : 7 200/véh./jour Autoroutes ouvertes de 1985 à 1999 : 8 234 véh./jour

Autoroutes ouvertes de 1990 à 1994 : 9 153/véh./jour.

Pour autant, comme le souligne la direction de la prévision, le taux de croissance du trafic pèse bien plus que le trafic à l’ouverture. Dès lors “ l’argument souvent avancé selon lequel les nouvelles autoroutes auraient un trafic à l’ouverture semblable à celui des autoroutes anciennes ne doit pas masquer la forte dégradation de la rentabilité des sections nouvelles par rapport aux sections anciennes. A cause du ralentissement de la croissance du trafic le seuil de trafic à partir duquel une autoroute nouvelle est capable de couvrir son coût a plus que doublé en 30 ans ”. Selon les estimations de la direction de la prévision, qui diffèrent légèrement de celles de la direction des routes du fait des méthodologies employées, “ pour un coût moyen TTC de construction de 40 MF/km (en francs 1998) avec la croissance du trafic des années 1970 (5,2 % par an en moyenne), une autoroute nouvelle s’autofinançait dès lors que son trafic à l’ouverture dépassait 8 000 véhicules par jour ; avec la croissance des années 1980 (3,3 %), ce taux de rentabilité passe à 12 000 véhicules par jour ; les

Page 210: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 210

prévisions pour la période à venir dépasse aujourd’hui 16 000 véhicules par jour ”.

Page 211: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 211

En dépit de cela, le gouvernement a décidé en 1993, ainsi qu’il a été relevé précédemment, d’accélérer la mise en oeuvre du schéma directeur routier arrêté en 1992.

II - UNE TENDANCE AGGRAVEE PAR L’ACCELERATION DU PROGRAMME AUTOROUTIER

L’achèvement de l'engagement du programme autoroutier

d’ici 2003 conduirait à lancer en moyenne 260 km par an alors que la moyenne annuelle entre 1980 et 1993 a été de l’ordre de 185 km. Les lancements effectués de 1994 à 1997 correspondent à un rythme annuel encore supérieur, voisin de 330 km, lorsque sont incluses les liaisons ne figurant pas au schéma directeur (A 404 antenne d’Oyonnax 13 km, A 680 antenne de Verfurie 9 km, A 707 antenne de Lussat 7 km, A 63 Belin Beliet-Saint Geours, mise aux normes autoroutières de la RN 10 90 km).

Cette accélération des lancements ne correspond pas à celle

de croissance des trafics. Au contraire, cette dernière s’était fortement ralentie à partir de 1986 comme l’indique le tableau de l’annexe 8-IV qui met en évidence une croissance nulle à réseau stable en 1996 suivie d’une reprise en 1997 (+ 3,5 %).

La direction des routes observe que l’examen des chroniques

d’évolution des trafics montre que ceux-ci connaissent des fluctuations conjoncturelles, à la hausse comme à la baisse, et que ces fluctuations sont très liées à celles de l’économie et à moindre degré à celles du prix des carburants et des péages. De son côté, la direction de la prévision estime ces élasticités comme suit : quand le revenu des ménages s’accroît de 1 %, le trafic sur autoroute augmente de 0,75 %. Une hausse de 1 % des prix des carburants entraîne une baisse de 0,28 % du trafic sur autoroutes concédées. A contrario, une augmentation du parc automobile de 1 % entraîne un surcroît de trafic de 1,91 % sur autoroutes concédées.

Pour autant, lors de la séance du CIES du 15 juillet 1997, la

direction du Trésor relevait que la stagnation du trafic observée en 1996 n’était pas seulement due à la conjoncture économique mais “ témoign(ait) aussi d’effets beaucoup plus structurels dont il importe de tirer les conséquences pour les investissements futurs ” parmi lesquels “ le niveau déjà élevé de développement du réseau ”. “ A moyen et long terme, il ne faut pas attendre de la reprise une croissance forte des trafics ”. Les perspectives de croissance économique à long terme seraient, en outre, selon la direction de la prévision, moins favorables que celles retenues par le Commissariat général au plan, compte tenu notamment des évolutions

Page 212: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 212

démographiques. De surcroît, le parc automobile qui a connu une augmentation très forte entre 1950 et 1990 voit sa courbe de croissance s’infléchir et devrait évoluer vers une stabilisation.

La direction de la prévision s’inquiète des perspectives de

trafic particulièrement faibles de certaines sections (moins de 7 000 véhicules par jour en l’an 2000 sur la section Oulmes - A 10 de l’A 83, sur l’A 85 entre Tours et Vierzon, sur l’A 28 entre Rouen et Alençon, sur l’A 89 entre Bordeaux et Clermont-Ferrand, sur l’A 87 entre Angers et la Roche-sur-Yon). Elle observe que ces trafics représentent moins du tiers de la capacité d’une route nationale interurbaine classique et moins de 15 % de celle d’une autoroute à 2 x 2 voies. “ Le rythme de réalisation du schéma directeur routier national est excessif .... Les études socio-économiques s’accordent à considérer que beaucoup de dates de mises en service prévues sont trop précoces. En effet, beaucoup de ces nouvelles sections d’autoroutes ne sont rentables ni pour la concession privée, ni pour la collectivité. Il en résulte que le report des mises en service des liaisons concernées serait source de gains à la fois pour la collectivité et pour le concessionnaire ”.

Les tableaux en annexe 14, établis par la direction des routes,

font apparaître qu’aucune des opérations nouvelles lancées par le FDES-CIES entre 1990 et 1997 n’équilibre la totalité de ses frais si l’on se réfère aux seuils indicatifs de rentabilité indiqués précédemment. L’A 89 ne couvrira pas même ses frais d’exploitation.

Dans plusieurs cas, les projets autoroutiers semblent

répondre, comme le souligne la direction de la prévision, plus à des préoccupations de maillage géométrique qu’à une rationalité économique et sociale. Les dernières autoroutes interurbaines décidées et les projets à l’étude portent, en effet, sauf exception, sur des liaisons à faible trafic et requièrent parfois des travaux particulièrement coûteux du fait des reliefs traversés comme l’A 51 dont le tronçon central nécessiterait des ouvrages “ tout à fait exceptionnels ” selon les termes du contrat de plan passé entre l’Etat et la société concessionnaire. Les coûts prévisionnels dont, à l’expérience et compte tenu des difficultés géologiques des terrains concernés, il est très vraisemblable qu’ils seront largement dépassés, s’élèvent à plus d’1 milliard de francs pour le seul viaduc de l’Ebron et à 2 milliards de francs pour le tunnel du Farot (5 km, 6 ans de travaux), selon les évaluations mentionnées au contrat de plan. Dans certains cas les perspectives de rentabilité sont d’autant plus faibles que les sections d’autoroute concernées subissent ou subiront, comme on l’a vu, la concurrence de voies non concédées, parfois plus directes et offrant des caractéristiques routières voisines.

Page 213: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 213

Page 214: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 214

Les rapports présentés au Conseil de direction du FDES-CIES font apparaître que nombre des sections mises en chantier au cours des dernières années ne répondent pas au critère de rentabilité économique pour la collectivité et concourent, en outre, à aggraver la dette des sociétés concessionnaires.

Indicateurs de rentabilité présentés au CIES La rentabilité économique de chaque projet est principalement

appréciée au vu du taux de rentabilité immédiate économique (TRI économique) pour la collectivité. Ce taux est le quotient de l’avantage économique du projet pour la collectivité à la date de mise en service par le coût actualisé de l’investissement. Cet indicateur permet de déterminer la date optimale de mise en service, c’est-à-dire la date à laquelle le bénéfice actualisé socio-économique est maximum. L’investissement est mis en service prématurément si ce taux à la date de mise en service est inférieur à 8 %. Autre indicateur, le taux de rentabilité interne socio-économique est le taux d’actualisation qui annule le bénéfice socio-économique. Un projet est considéré comme rentable si ce taux est au moins égal au taux d’actualisation de référence soi 8 % pour la durée du plan. Certaines estimations présentent aussi le résultat actualisé pour la collectivité.

La rentabilité financière est estimée au vu de quatre indicateurs :

la valeur actualisée nette du projet est calculée sur une durée de trente ans à compter de la date de mise en service ; le taux de rentabilité interne (TRI) est le taux d’intérêt qui annule la valeur actualisée nette ; le bénéfice actualisé après impôt pour la société est calculé à partir des études bilan de l’exercice 1995 de la société sur la durée de la concession ; le cas échéant est calculé l’apport externe nécessaire pour équilibrer la concession en annulant la valeur actualisée nette.

Le programme d’investissement pour 1995 présenté au

conseil d’administration du FDES le 6 décembre 1994 portait sur l’engagement de 16 963 MF d’opérations nouvelles.

Les estimations font apparaître des divergences

d’appréciation entre les administrations. Pour l’A 400 (Annemasse-Thonon), le TRI économique était estimé à 27 % par la direction des routes contre 8,7 % par la direction de la prévision. L’A 86 ouest satisfaisait aux critères de rentabilité économique (TRI économique de 23 % selon la direction des routes) mais sa rentabilité financière était plus incertaine. Pour l’A 28 Le Mans-Tours, le TRI économique était évalué à 21 % par la direction des routes et à 7,1 % par la direction de la prévision.

Page 215: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 215

Un premier tronçon de 50 km de l’A 20 Brive-Montauban, dont le coût prévisionnel était évalué à 2,3 milliards de francs était estimé manifestement non rentable par la direction de la prévision (TRI économique de 1,7 %) mais rentable par la direction des routes (TRI économique de 9,2 %). Enfin une proportion importante des opérations (7 875 MF) portait sur des liaisons considérées comme non rentables tant par la direction de la prévision que par la direction des routes : l’A 29 Rouen-Amiens-Saint-Quentin avec un TRI économique de 6,45 % pour la direction des routes et de 5 % pour la direction de la prévision, l’A 41 Saint Julien en Genevois-Annecy avec un TRI économique de 4,2 % pour la direction des routes et de 0 % pour la direction de la prévision et l’A 43 autoroute de Maurienne avec un TRI économique de 3 % pour la direction des routes et de - 1,7 % pour la direction de la prévision.

Nonobstant ces données, le Conseil de direction du FDES a

arrêté en décembre 1994 un programme d’engagements de 15 960 MF pour 1995 reprenant l’ensemble de ces liaisons y compris celles reconnues non rentables par toutes les administrations : l’A 41 Saint-Julien-en-Genevois-Annecy (17 km, 2,8 milliards de francs), l’ A 43 La Praz-Le Fresnay (7 km, 1 319 milliards de francs) et l’A 29 Rouen-Amiens-Saint-Quentin (121 km, 3,76 milliards de francs).

Pour 1996, le programme de lancement de sections nouvelles

soumis au conseil de direction du FDES du 17 juillet 1995 (14 milliards de francs) comprenait cinq liaisons :

- L’A 20 Toulouse-Pamiers (37 km, coût prévisionnel 1 251 MF) avec un TRI économique estimé à 30 % par la direction des routes, à 7,3 % par la direction de la prévision.

- L’ A 86 Ouest 2 (6 km, 4 002 MF) avec un TRI économique de 23 % selon la direction des routes, sa rentabilité financière dépendant de la réaction des usagers à un niveau de péage élevé.

- Deux autoroutes considérées comme rentables par la direction des routes et franchement non rentables par la direction de la prévision : l’A 20 Brive Montauban (2è tranche de 81 km pour un coût prévisionnel de 3 687 MF) avec un TRI économique de 13 % pour la direction des routes et de 2,3 % pour la direction de la prévision ; l’ A 87 Angers-La Roche-sur-Yon (58 km - 1 621 MF) avec un TRI économique de plus de 8 % pour la direction des routes et de 6,7 % pour la direction de la prévision.

Page 216: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 216

- Enfin l’A 89 Bordeaux-Clermont-Ferrand (première tranche de 3 461 MF) était considérée comme non rentable par l’ensemble des administrations avec un TRI économique estimé à moins de 8 % par la direction des routes et à 6,2 % par la direction de la prévision.

Le ministère de l’économie et des finances soulignait la

présence dans l’avant-projet de programme de lancement pour 1996 de sections dont la rentabilité économique n’était pas assurée et rappelait que “ la réalisation d’investissements publics non rentables ne (pouvait) que peser à terme sur le rythme de la croissance économique nationale ”. Pour autant le 4 décembre 1995, le conseil de direction du FDES a approuvé l’ensemble du programme (14 022 MF en F 1994, 257 km de sections nouvelles).

Le programme de lancement de l’année 1997 adopté le

24 juin 1996 poursuit le même rythme (412 km d’autoroutes nouvelles, 14 022 MF d’engagements en F 1994) :

A 83 Oulmes-Niort A 28 Alençon-Le Mans A 87 Angers-La Roche-sur Yon (2ème phase) A 89 Bordeaux-Clermont-Ferrand (2ème phase) A 86 Ouest 3ème phase A 85 Tours Vierzon 1ère phase A 28 Rouen Alençon 1ère phase A 63 RN 10 mise aux normes autoroutières

1 910 MF 1 397 MF 1 500 MF 2 097 MF 1 281 MF 2 443 MF 2 500 MF 1 294 MF

Ainsi que la Cour l’avait souvent relevé et notamment dans

son rapport public particulier de 1992, des divergences d’appréciation entre le ministère de l’équipement et des transports et celui de l’économie et des finances persistent.

Le projet d’autoroute A 51 Grenoble-Sisteron, inscrit au

schéma directeur routier national approuvé par le décret du 18 mars 1988 puis à celui approuvé par le décret du 1er avril 1992, a fait l’objet de mises en garde répétées de la direction du Trésor. Ainsi, dans le rapport du Conseil de direction du FDES établi le 2 décembre 1992, la direction du Trésor estime que “ le lancement de la première section de l’autoroute A 51 n’est pas opportun en raison d’une faible rentabilité financière et des incertitudes techniques sur le tronçon central ”. Elle observe de surcroît que “ le tracé retenu (passage à l’est de Gap) a retiré à cette section son objet initial d’itinéraire alternatif de l’autoroute A 7 ”. En dépit de ces observations, les sections Grenoble-Col du Fau et Sisteron - La Saulce ont été déclarées d’utilité publique par décrets du 31 décembre 1993 et du 20 juin 1994 et sont en cours de réalisation. Le tronçon central (92

Page 217: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 217

km) se décompose en deux sections Col du Fau - Pellafol, concédé à AREA et Pellafol - La Saulce concédé à ESCOTA. Le coût global de l’autoroute Grenoble - Sisteron était évalué à 13,6 milliards de francs 1997 dont 70 % au titre du tronçon central. La fiche communiquée en mai 1997 au CIES, par la direction des routes reconnaît l’absence de rentabilité financière du projet pour les sociétés concessionnaires.

La rentabilité financière Col du Fau-Pellafol-La Saulce

Eléments d’information section

Col du Fau-Pellafolsection

Pellafol-La Saulce Valeur actualisée nette (VAN) du projet pour l’opérateur : - au taux d’intérêt utilisé par l’entreprise (VAN entreprise) - au taux du Plan (VAN Plan)

- 3 920 MF

- 3 790 MF

- 1 970 MF

- 1 870 MF

Taux de rentabilité interne : - pour la VAN entreprise - pour la VAN Plan

NC NC

NC NC

Bénéfice actualisé après impôts - 707 MF

- 707 MF

Apport externe éventuel (allongement de la concession)

+ 7 ans

+ 5 ans (2021)

NC : non communiqué En revanche, les données présentées font état d’une

rentabilité socio-économique avec un bénéfice actualisé de 5,6 milliards de francs à la date prévue de mise en service (2007) et un taux de rentabilité interne de 17 % à cette même date.

La direction de la prévision conteste les évaluations de la

direction des routes. Elle estime notamment que l’effet de décongestion du trafic dans la vallée du Rhône est surrestimé et observe que les coûts prévisionnels ne prennent pas en compte les coûts de réalisation de la tangentielle nord-sud de Grenoble. Elle a procédé à une nouvelle évaluation de la rentabilité économique et sociale du projet. Même en prenant comme hypothèse, les trafics prévus par la direction des routes, qui paraissent surévalués (hypothèse d’une croissance de 5 %/an de 1987 à 2010) “ en supposant réalisés le tronçon Grenoble-Vif et la section La Saulce-Sisteron, et en estimant que 700 MF ont été dépensés sur le reste du tronçon Nord ”, le projet dans son état actuel condui(rait), selon la direction de la prévision “ à une perte économique et sociale qui peut être évaluée à 1,8 milliard de francs (valeur actualisée en 1997) en supposant qu’il n’y ait pas de surcoûts. Cette perte se monte(rait) à 4 550 MF si des surcoûts apparaissaient à hauteur de 40 % du coût du projet comme sur l’autoroute de la vallée de la Maurienne ”. La direction de la prévision recommandait en juin 1997 d’interrompre les

Page 218: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 218

travaux sur le tronçon Vif-Col du Fau qui présente à lui seul une perte économique et sociale actualisée en 1997 de 750 MF et d’abandonner le reste du projet. Le ministère des finances rappelait que, comme le reconnaissent d’ailleurs les études préalables, (voir supra), un aménagement des voiries existantes aurait un coût financier et environnemental très inférieur et constituerait une meilleure solution en termes d’aménagement du territoire.

Pour la section Oulmes-Niort de l’A 83 (coût prévisionnel

1,512 milliards de francs 1994 pour 32 km), la direction de la prévision conteste aussi les calculs de rentabilité établis par la direction des routes qui estime le taux de rentabilité à 11,1 % en l’an 2001. En effet, le taux de rentabilité précité est calculé pour l’ensemble de l’autoroute Nantes-Niort. Or le trafic prévu en 2010 va en décroissant au fur et à mesure que l’on s’éloigne de Nantes (15 500 véhicules/jour pour le tronçon Les Essarts-St. Hermine contre 5 000 pour Oulmes-Niort). Les calculs de rentabilité de la direction de la prévision pour ce dernier tronçon concluent à un taux de rentabilité de 3,1 % seulement en l’an 2000 et à une perte collective actualisée en 1996 de 460 MF tandis que la société concessionnaire enregistrerait une perte financière pratiquement égale à l’investissement.

Pour l’A 85 Tours-Vierzon, soumise au FDES en 1996, le taux

de rentabilité économique immédiate en l’an 2000 était évalué à 10,4 % par la direction des routes mais à 5,9 % seulement par la direction de la prévision tandis que le taux de rentabilité financière immédiate à la mise en service était estimé au plus à 1,5 %, compte non tenu des risques de surcoûts liés aux préoccupations d’environnement dans la vallée du Cher, riche de sites naturels et historiques.

Pour la section vallée de la Maurienne de l’autoroute A 43, les

calculs de la direction des routes au stade de l’APS concluaient déjà à une très faible rentabilité socio-économique immédiate en l’an 2000 (3 %) avec une hypothèse de coût de 6 500 MF en 1993. Compte tenu de la dérive des coûts (selon les estimations données par la SFTRF en 1997, le coût s’élèverait à 8 500 MF 1993), le taux de rentabilité socio-économique en l’an 2000 est inférieur à 2,4 % et n’est que de 1,1 % pour la section haute.

Pour l’autoroute A 87 (Angers, la Roche-sur-Yon), le taux de

rentabilité socio-économique immédiate n’était que de 5,3 % selon la direction de la prévision sur la base d’un coût prévisionnel de 3 550 MF 1994 contre 7,3 % pour la direction des routes. Le report de ce projet, parallèle à la route nationale 160, apparaissait d’autant plus opportun compte tenu du faible trafic prévu (5 000 véhicules/j en l’an

Page 219: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 219

2000) qu’une modulation des tarifs était de nature à favoriser un transfert de trafic de la route nationale 160 vers les autoroutes A 11 et A 83. Le dossier présenté au CIES de mai 1997 présente un coût prévisionnel plus élevé (4 069 MF valeur 1994) prenant en compte la construction d’une rocade Nord pour la Roche-sur-Yon, projet que la direction de la prévision jugeait devoir être abandonné eu égard à la faiblesse du trafic prévu (entre 1 000 et 2 000 véhicules/j).

Compte tenu de la faiblesse des trafics prévus, la construction

de la majeure partie des autoroutes en cours de lancement apparaît pour le moins prématurée à la direction de la prévision.

Section Date prévue de mise en service

Date optimale de mise en service

DR DP A 83 Oulmes-Niort

2001

1998

> 2015

A 28 Rouen-Alençon 2004 2006 2008 A 63 Belin Beliet-Saint Geours 2004 > 2000 2007 A87 Angers-La Roche-sur-Yon 2005 2007 2007 A 51 Grenoble-Sisteron 2007 < 2000 > 2015 A 89 Bordeaux-Clermont-Ferrand

2007 2025 > 2015

Les deux administrations s’accordent à reconnaître l’absence

de rentabilité économique et sociale de certaines sections (A 41 Saint-Julien-en Genevois- Annecy, A 29 Rouen-Amiens-Saint-Quentin, A 43 Maurienne, A 89 Bordeaux-Clermont-Ferrand ).

Ainsi, pour l’autoroute A 89 dont le coût prévisionnel s’élevait

en 1995 à 163 milliards de francs, les calculs de la direction de la prévision concluaient en 1995 à une perte socio-économique actualisée en 1994 de 2 milliards de francs et à une perte financière pour la société concessionnaire supérieure à 10 milliards de francs (10,4 milliards de francs). Compte tenu du faible trafic prévu, de l’ordre de 6 000 véhicules/j en moyenne avec un tiers de trafic à longue distance mais moins de 6 000 véhicules/jour sur les tronçons centraux 115, l’option d’une route à deux fois deux voies aurait permis une meilleure desserte du territoire. La direction de la prévision soulignait que “ l’enjeu n’était pas de rechercher pour ce projet un phasage optimal mais bien de reconsidérer l’ensemble du projet, et

115 Trafic prévu en 2010 : Arveyres-Périgueux (92 km) 8 300 véh./j ; Périgueux-Brive (77 km) 5 500 véh./j ; Brive-Laqueille (119 km) 5 900 véh./j ; Laqueille-Clermont (63 km) 7 500 véh./j.

Page 220: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 220

en particulier, la partie autoroutière ”. Compte tenu de la “ forte densité d’ouvrages non courants ” sur l’ensemble du linéaire, selon les termes de la fiche présentée au CIES de mai 1997, une dérive importante des coûts est à prévoir. Les estimations présentées au CIES étaient d’ores et déjà supérieures à celles de 1995 (16,679 milliards de francs contre 16,3 milliards de francs) et les tableaux communiqués par la direction des routes mettaient en évidence des indicateurs de rentabilité socio-économique et financière très défavorables.

L’étude de la rentabilité des différents scénarios de réalisation

de l’autoroute A 89, réalisée conjointement par la direction des routes et la direction de la prévision et présentée au comité spécialisé du CIES de mai 1998 confirme que la rentabilité de l’A 89 est négative pour les ASF dans tous les scénarios. La valeur actualisée nette du projet est estimée selon les scénarios entre - 9 378 MF et - 1 431 MF. Quant à la rentabilité socio-économique, estimée selon les scénarios entre 78 MF et 931 MF, “ elle repose sur des hypothèses de coûts peut-être sous-estimés et sur un réseau de référence dans lequel la route Centre-Europe-Atlantique est supposée être aménagée à 2 x 2 voies sur la moitié de sa longueur. Or différents aménagements possibles de la route Centre-Europe-Atlantique entraînent un détournement plus ou moins important des trafics prévus sur l’A 89 ” dont on ajoutera qu’ils reposent sur des prévisions datant de la fin des années 80 et fondées sur des perspectives de croissance élevées, désormais abandonnées. L’étude ne prend d’ailleurs pas en compte l’incidence potentielle sur le trafic de l’A 89 de l’éventuel aménagement de la RN 89, itinéraire plus direct vers Clermont-Ferrand que le tracé autoroutier qui se raccorde à l’autoroute A 71 près de Combronde. L’étude conclut qu’il est préférable de retarder la mise en service pour tous les scénarios étudiés. Plus on retarde la mise en service, plus on limite la perte pour les ASF, qui reste en toute hypothèse supérieure à 9,3 milliards de francs.

Page 221: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 221

7

Evaluation de la rentabilité socio-économique de l’autoroute Bordeaux-Clermont-Ferrand

Eléments d’information Valeurs

Date prévue de mise en service 2007 Date optimale de mise en service 2025 Taux de rentabilité immédiate à la date prévue pour la mise en service

5,1 %

Bénéfice actualisé en 1990 au taux d’actualisation du plan (en MF 85)

- à la date optimale de mise en service 0 - à la date prévue de mise en service - 1 050 MF Taux de rentabilité interne :

- à la date optimale de mise en service 8,0 % - à la date prévue de mise en service < 8 % Répartition des avantages (surplus) :

- pour les usagers NC - pour l’Etat NC - Chronique de l’évolution du trafic NC

Evaluation de la rentabilité financière de l’autoroute Bordeaux-Clermont-Ferrand

Valeur actualisée nette (VAN) du projet pour l’opérateur : - VAN entreprise - VAN Plan

- 10 862 MF - 10 626 MF

Taux de rentabilité interne : - VAN entreprise - VAN Plan

NC NC

Bénéfice actualisé après impôts - 213 MF

Apport externe éventuel (allongement de la concession)

+5 ans (2020)

NC : non communiqué

III. - LE RÔLE DES TUTELLES Le souci de poursuivre un rythme d’investissement élevé en

se conformant à la décision d’accélération de l’engagement du programme autoroutier prise en 1993 et aux calendriers fixés dans les contrats de plan a prévalu sur la rationalité économique et financière, et ce, alors même que les tutelles financières sont de longue date conscientes des dangers d’une telle dérive.

Page 222: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 222

L’examen des comptes rendus des travaux du FDES puis du CIES, qui se prononcent sur le programme annuel d’investissements et d’emprunts des sociétés concessionnaires, met en évidence les mises en garde adressées depuis plusieurs années par la direction du Trésor.

Ainsi, lors du Conseil de direction du FDES du 4 juillet 1991, la

direction du Trésor notait que “ la croissance continue des dépenses d’investissement et des montants empruntés dans les hypothèses du ministère de l’équipement, à partir de niveaux initiaux déjà très élevés, confirm(ait) la nécessité de réguler la dépense autoroutière, notamment en réduisant les engagements des sections nouvelles ”. Le 23 juin 1992, puis le 24 juin 1993, elle estimait la mise en oeuvre du programme incompatible avec la conjoncture et les capacités financières du secteur autoroutier. Concernant les engagements de sections nouvelles, elle soulignait que “ le niveau proposé par la direction des routes n’(était) pas cohérent avec les ressources futures du secteur et qu’il pourrait compromettre gravement la situation financière à terme de ce secteur ”. En juillet 1994, elle a appelé l’attention du Conseil de direction du FDES sur “ la rentabilité financière globale très faible des lancements envisagés ainsi que sur le risque que ferait peser sur l’équilibre financier des sociétés d’autoroutes d’éventuelles débudgétisations de certains investissements autoroutiers, aujourd’hui non concédés. ” En décembre 1994, les tutelles financières ont appelé l’attention de ce Conseil “ sur l’importance, dans l’ensemble des sections lancées, des sections non rentables économiquement ou financièrement qui viendront fragiliser l’équilibre financier du système autoroutier d’une part, et peser à terme sur le rythme de la croissance économique, d’autre part, même après prise en compte des externalités positives ”. En juillet 1995, le ministre de l’économie et des finances lui rappelait que “ la réalisation d’investissements publics non rentables ne pouvait que peser à terme sur le rythme de la croissance économique nationale ”.

En décembre 1995, le directeur du Trésor soulignait “ qu'en

“termes de ratio dette/autofinancement, la situation des SEMCA (était), “après la SNCF, la pire de celle des sociétés publiques du secteur des “transports. La dérogation comptable116 condui(sait) par ailleurs à “porter 34,5 milliards de francs de pertes cumulées à l'actif du bilan “des sociétés. Cette situation condui(sait) à penser que l'équilibre à “long terme du secteur autoroutier est très fragile et très sensible à “des chocs externes tels qu'une progression du trafic inférieure aux “prévisions. Il importe de maîtriser cette situation en adoptant une

116 Pratique des charges différées.

Page 223: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 223

“attitude prudente dans le rythme d'exécution des programmes “d'investissements confiés aux sociétés".

Page 224: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 224

Les ministères de l’équipement et de l’aménagement du territoire s’étaient cependant refusés à tout infléchissement des engagements de sections nouvelles jusqu’au CIES de juillet 1997. En mai 1996, la direction des routes dans le document adressé au comité n° 8 du FDES reconnaissait que "l’évolution globale du trafic en 1995 (pouvait) paraître préoccupante et mérit(ait) d’être suivie avec attention, mais estimait qu’il conven(ait) de la replacer dans une perspective de long terme pour observer que malgré la tendance actuelle, la progression globale du trafic se situ(ait) au-dessus de la prévision du SETRA à l’horizon 2010 ". Lors du conseil de direction du FDES du 24 juin 1996, le représentant du ministre de l’aménagement du territoire avait ainsi “ souligné l’aspect symbolique pris par le chiffre de 14 milliards de francs d’engagements annuels ” tandis que le ministre de l’équipement, du logement, des transports et du tourisme soulignait que la baisse proposée par le ministère de l’économie et des finances (664 MF d’opérations à reporter) irait à l’encontre des annonces faites sur le chiffre global de 20 milliards de francs.

Il a fallu les chiffres de stagnation du trafic en 1996 pour que le

CIES décide, en juillet 1997, de mettre en tranche conditionnelle des crédits de paiement correspondant aux sections de l’A 28 et de l’A 87, qui avaient fait l’objet d’autorisations de lancement en 1996 et 1997, dans l’attente des résultats du réexamen des nouvelles sections d’autoroute. Cependant, bien que le secrétariat d’Etat au Budget ait plaidé pour une “ remise à plat du schéma autoroutier ”, de même que le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, et que le ministre de l’équipement, des transports et du tourisme ait reconnu, pour la première fois, que “ le schéma directeur autoroutier (devait) effectivement être réétudié dans un souci de transparence afin de sortir d’une spirale qui mène tout droit au surendettement des sociétés concessionnaires d’autoroutes ”, les mesures prises n’ont qu’une portée limitée. Les investissements mis sous tranche conditionnelle qui concernent les premiers frais d’étude et de travaux “ très préliminaires ”, sont faibles par rapport au programme d’investissement prévu pour 1997 (17 milliards de francs) et 1998 (16 milliards de francs) et aux quelques 100 milliards de francs de travaux déjà décidés mais conditionnent il est vrai des investissements beaucoup plus importants. Par ailleurs la section Oulmes-Niort de l’autoroute A 83 n’a pas fait l’objet de mise sous tranche conditionnelle alors que le ministère de l’économie et des finances portait sur cette section le même diagnostic que sur l’A 28 et l’A 87 : “ Ces sections ne sont absolument pas rentables financièrement et elles appauvrissent sensiblement les sociétés qui en ont la concession. En outre, elles sont lancées trop tôt avant la date optimale de leur mise en service ”.

Page 225: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 225

Pour l’A 89 l’étude présentée au CIES de mai 1998 recommandait le report de quelques années de certaines sections (dont Tulle Est-Ussel Ouest), qui aurait permis à la société concessionnaire ASF d’économiser 1,5 milliard de francs sur les 25 milliards de francs du projet, coût prévisionnel qui pourrait d’ailleurs être dépassé compte tenu des difficultés géologiques rencontrées depuis lors sur le tronçon Tulle-Brive. Le secrétaire d’Etat au budget a fait valoir que le projet portait sur un itinéraire fréquenté par quelque 5 000 véhicules/jour seulement et “ qu’il s’agi(ssait) donc d’une perte pour la collectivité publique ”, précisant que “ cette perte se fera au détriment d’autres projets de transports collectifs, d’éducation, de soutien à l’emploi ”. Le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement s’est associé à ces remarques, et a souligné que “ l’économie potentielle de 1,5 milliard de francs n’était pas à négliger ” et “ qu’il convenait donc de rechercher une optimisation du calendrier de réalisation de l’autoroute ”. Le CIES a toutefois décidé de maintenir le calendrier initialement prévu en particulier pour la section Tulle Est-Ussel Ouest, suivant l’avis du ministère de l’équipement, des transports et du logement qui a fait valoir que ce projet constituait “ un axe important de la politique d’aménagement du territoire ”, “ qu’il (était) prévu que l’autoroute ne ser(ait) pas rentable mais que l’Etat ne devrait pas supporter le coût de son déficit grâce à un système d’adossement ”, “ qu’enfin, l’A 89 (était) un projet important pour les habitants et les élus ” et que “ tout retard aurait un impact socio-économique fort ”, argument que l’expérience des observatoires autoroutiers et des bilans ex-post, amène pour le moins à relativiser, ainsi qu’on l’a vu plus haut.

La remise en cause de la poursuite au même rythme du

programme autoroutier est venue non des tutelles mais du juge administratif, qui a fait usage de la théorie du bilan pour annuler la déclaration d’utilité publique d’un projet autoroutier, compte tenu de la disproportion entre ses coûts prévisionnels et ses avantages, et plus encore des textes européens qui, comme on l’a vu, rendent désormais impossible la pratique de l’adossement dans ses formes actuelles.

IV. - LA JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE

Dans le cas du projet d’autoroute A 400 Annemasse-Thonon-

les-Bains, le coût disproportionné du projet par rapport au trafic attendu a conduit le Conseil d’Etat à se fonder sur la théorie du bilan pour annuler le 14 mars 1997, le décret du 6 mai 1995 déclarant d’utilité publique et urgents les travaux de construction de l’autoroute sur le fondement.

Page 226: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 226

Arrêt du Conseil d’Etat du 14 mars 1997 (extraits)

“ Considérant qu’une opération ne peut légalement être déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement, les inconvénients d’ordre social et les atteintes à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ;

Considérant, d’une part, que le projet déclaré d’utilité publique tend à relier, sur une distance de 35 km, l’autoroute A 40 (Mâcon-Saint-Gervais) au sud de la ville d’Annemasse à la ville de Thonon-les-Bains ; que prévu dès 1988, le prolongement de cette liaison autoroutière au-delà de Thonon jusqu’à Saint-Gervais et la frontière suisse n’était, en l’état du dossier, plus envisagé, à la date de la déclaration d’utilité publique, compte tenu notamment de la faible probabilité de la réalisation, en Suisse, d’une liaison autoroutière entre la frontière et l’autoroute Lausanne-Martigny ; que les villes d’Annemasse et de Thonon sont reliées par la route nationale 206 puis soit par la route nationale 5, soit par la route départementale 903, ces deux trajets ayant une longueur égale ou inférieure à celle de l’autoroute projetée et comportant déjà des tronçons à deux fois deux voies ; que, dans ces conditions, en dépit de l’amélioration de la sécurité et des conditions de circulation inhérentes à toute liaison autoroutière, l’intérêt que présente l’opération apparaît, dans les circonstances de l’espèce, comme limité ;

Considérant, d’autre part, que, selon les écritures de l’administration, le trafic prévu était estimé à 10 000 véhicules par jour environ sur le tronçon central de l’ouvrage et le coût de la construction évalué à près de 80 MF le kilomètre soit plus de 2,6 milliards de francs pour la totalité du tracé ;

Considérant qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments, et sans qu’il y ait lieu de rechercher si les atteintes à l’environnement seraient excessives, que le coût financier au regard du trafic attendu doit être regardé à lui seul comme excédant l’intérêt de l’opération et comme de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique ; que, par suite, les requérants sont fondés à demander l’annulation du décret attaqué, déclarant d’utilité publique et urgents les travaux de construction de l’autoroute A 400 ”.

Cette jurisprudence paraît devoir s’appliquer plus encore à

d’autres sections en cours de lancement puisque l’autoroute A 400 présentait des indicateurs de rentabilité bien supérieurs à la plupart des autres projets avec un taux de rentabilité économique immédiate proche de 8 % selon la direction de la prévision et de 30 % selon la direction des routes117. 117 La Cour avait, à l’occasion du contrôle de la société du tunnel du Mont-Blanc, émis des réserves dès 1989 sur l’utilité de cet ouvrage au regard des prévisions de trafic et des coûts prévisionnels et avait

Page 227: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 227

V. - LE DROIT EUROPEEN Mais le facteur essentiel qui contraint désormais les pouvoirs

publics à soumettre les programmes autoroutiers à un examen de leur rentabilité procède du droit européen.

Dans le système pratiqué jusqu’ici la perte financière que

représentait les projets non rentables pour la société concessionnaire était compensée par un allongement de la durée globale de la concession et les nouveaux projets pouvaient ainsi être financés par des emprunts gagés sur les péages des sections anciennes dont le coût de construction avait déjà été amorti. Les fiches d'évaluation des projets présentées en mai 1997 faisaient ainsi état "d'apports externes éventuels (allongements de la concession)".

Section

Valeur actualisée nette du projet pour l'opérateur

"Apport externe éventuel

allongement de la concession"

A 28 Rouen- Alençon

VAN entreprise VAN plan

- 2 830 MF- 2 430 MF

6 ans

A 51 : - Col du Fau-Pellafol VAN entreprise

VAN plan - 1 970 MF- 1 870 MF

5 ans

- Pellafol- La Saulce VAN entreprise - 3 920 MF 7 ans VAN plan - 3 790 MF A 83 Oulmes-A10 VAN entreprise

VAN plan

1 266 MF- 1 233 MF

1 an

A 87 Angers-La Roche-sur-Yon VAN entreprise VAN plan

2 935 MF- 2 869 MF

2 ans

A 89 Bordeaux-Clermont-Ferrand

VAN entreprise VAN plan

10 862 MF- 10 626 MF

5 ans

réitéré ses mises en garde en 1993. Fin 1993, le coût de la section Thonon-Annemasse était estimé à 1,6 milliard de francs pour 30 km et celui de la section Thonon-Saint Gingolph, de 30 km également, entre 2 et 4 milliards de francs, ces incertitudes résultant de la complexité des contraintes du site (franchissement de la Dranse, protection des sources thermales d’Evian).

Page 228: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 228

Le rapport sur la situation et les perspectives de la société française du tunnel du Fréjus observe qu’en retenant des coûts et des recettes plus réalistes que les hypothèses qualifiées de “ fort optimistes ” de l’acte de concession daté de décembre 1993, “ les recettes ne couvrent que 10 % des coûts actualisés de l’autoroute ce qui, en d’autres termes, signifie que l’équilibre de la concession serait atteint par le versement d’une subvention de 90 %. Dans ces conditions, plutôt que d’attribuer cette concession avec la subvention nécessaire à son équilibre, il avait été décidé, selon les montages en vigueur, d’adosser la concession non rentable de l’A 43 aux excédents positifs du tunnel du Fréjus, concédé à la société française du tunnel routier du Fréjus ”. Le rapport de la mission d’enquête sur la SFTRF indique, qu’avant même les augmentations de coûts enregistrées, le taux de subvention implicite lié à l’adossement à l’exploitation du tunnel était de 66 %.

Dans le nouveau régime juridique et compte tenu de

l’absence de rentabilité financière des projets, la quasi totalité de ceux-ci ne pourront être financés qu’avec un taux élevé de subvention.

Ainsi le projet d’autoroute A 41 Annecy-Saint Julien-en-

Genevois a un coût prévisionnel de 4,5 milliards de francs pour 19 kilomètres. Le rapport présenté par la direction du Trésor au CIES du 30 juin 1998 indique que “ les recettes de péages durant les trente prochaines années ne couvriront qu’à peine 10 % du coût de l’investissement ”. Ce projet devait être financé par l’allongement de 20 ans de la concession de l’A 40, l’administration ayant écarté la proposition de la société concernant l’allongement de la durée de la concession du tunnel du Mont-Blanc. “ Mais cet allongement n’a pas fait l’objet de la publicité européenne souhaitée, ce qui fragilise fortement le projet actuel d’avenant au contrat de concession d’ATMB ”. L’adossement demandé ne paraît pas conciliable avec le nouveau régime juridique. La réalisation du projet nécessiterait à un financement par subvention de près de 4 milliards de francs.

Pour le contournement sud de la Roche-sur-Yon, les

objections formulées par la direction de la prévision qui soulignait l’absence de rentabilité du projet ont été corroborées par les résultats de la mise en publicité du projet de concession organisée en 1997 qui s’est révélé infructueuse. Les deux candidats admis à présenter une offre ont préféré y renoncer après analyse des conditions de rentabilité. L’un deux, un groupe privé, a ainsi fait savoir que “ compte tenu du positionnement géographique excentré de ce tronçon de 17 kilomètres de l’autoroute A 87 et de son faible trafic prévisionnel ”, il n’était “ pas en mesure de proposer une solution économique

Page 229: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 229

valable en rapport avec les normes tarifaires en vigueur ”. La société des ASF souligne pour sa part que “ le trafic potentiel sur le “contournement de la Roche-sur-Yon à l’ouverture en 2005 comme “son évolution au-delà ne permet pas de dégager des recettes de “péage suffisantes pour équilibrer les seuls frais d’exploitation (..). A “défaut du petit équilibre il est clair que le concessionnaire ne peut “espérer un retour à l’équilibre des comptes de sa concession. On “peut même ajouter que plus la durée de concession serait longue, “plus cette dernière serait déficitaire ”. Le taux de rentabilité interne du projet est, en effet, quasiment nul (0,17 ). ASF souligne que même une hypothèse de trafic triple de l’estimation du SETRA (4 380 véh/j en 2005 au lieu de 1 460) ne permet pas d’envisager le retour à l’équilibre des comptes de la concession quelle que soit sa durée. “ Enfin, aucun tarif d’équilibre n’est envisageable car de tels tarifs conduiraient à une désaffection complète de l’autoroute par les usagers ”. En outre, “ le recours à une contribution des collectivités locales serait d’une importance telle qu’elles auraient intérêt à construire et à exploiter directement le contournement de la Roche-sur-Yon, sans péage ”.

Pour le projet de l’A 585, antenne du Val de Bléone et

déviation de Digne-les-Bains (22,5 km), la procédure de mise en publicité a été stoppée faute d’offres. La société ESCOTA indique ainsi “ qu’elle ne saurait se dérober à sa mission de service public et d’aménageur du territoire ” mais que, “ eu égard à l’intérêt social de l’entreprise,(…) elle ne verrait que des avantages à ce que cet investissement soit réalisé par un autre concessionnaire ” s’agissant d’une “ opération coûteuse et au bilan financier déplorable ”. Elle fait valoir que l’A 585, qui avait été présentée comme un complément à la réalisation de l’autoroute Grenoble-Sisteron, ne saurait être mise en service indépendamment de la section médiane de l’A 51, faute de trafic suffisant. Par ailleurs, elle souligne que les coûts prévisionnels du projet, qui ont déjà très fortement augmenté par rapport à l’estimation initiale du fait des engagements pris dans le cadre de la concertation locale (allongement du tracé, déviation de Digne-les-Bains, échangeurs et barreaux supplémentaires entre l’autoroute et le réseau extérieur), peuvent encore être revus à la hausse. En effet, l’opération reste encore très contestée localement, comme en témoigne l’avis négatif de la commission d’enquête publique et l’opposition de la commune de Digne.

Comme l’observe le ministre de l’aménagement du territoire et

de l’environnement dans un courrier adressé le 18 février 1998 au ministre de l’équipement et des transports, “ les multiples projets non “inscrits au schéma directeur de 1992 et étudiés ces dernières “années (A 831, A 45, A 65 notamment) ont été systématiquement

Page 230: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 230

“présentés comme le moyen, grâce au recours à la concession, de “s’affranchir des contraintes budgétaires et d’assurer ainsi une “réalisation rapide du projet. Les comparaisons étaient biaisées en “faveur de la conclusion à laquelle il fallait aboutir, l’autoroute “concédée. Les dossiers taisaient soigneusement le fait que la mise “en concurrence, inévitable du fait des dispositions de la directive, “obligerait l’Etat à apporter au concessionnaire une subvention “publique représentative du déficit prévisionnel de la concession. Ce “déficit prévisionnel et cette subvention n’étaient pas chiffrés. Cette “situation se retrouve évidemment pour tous les projets inscrits au “schéma directeur routier national dont les concessions n’ont pas été “passées l’an dernier : A 28-A 89 Lyon-Balbigny, A 19, A 650 … ”. Le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement demande en conséquence, que les projets en cours soient systématiquement reconsidérés en fonction des nouvelles contraintes de financement. “ Quel que soit le stade atteint par la “procédure (…) systématiquement, les projets en cours doivent faire “l’objet d’une approche de la subvention publique qui serait “nécessaire pour leur concession. Cette nouvelle exigence rend “encore plus indispensables les études d’alternatives (aménagement “des routes nationales existantes et amélioration des liaisons “ferroviaires) dont la LOTI avait déjà posé le principe. Le coût de ces “solutions alternatives constituera un élément majeur d’appréciation “de la justification de la subvention au concessionnaire ”.

Le ministre de l’équipement, des transports et du logement

s’engage sur cette voie. Interrogé sur la réalisation d’une autoroute concédée entre Langon et Pau, au demeurant non inscrite au schéma directeur routier national de 1992, il souligne ainsi qu’“ il est important d’examiner si d’autres solutions plus économes de deniers publics et “ phasables ” ne sont pas préférables ” à une solution autoroutière qui nécessiterait, selon ses estimations, une subvention des collectivités publiques de 5 milliards de francs environ 118.

Les facilités du recours à la concession ont permis de bâtir un

réseau autoroutier dans des délais incompatibles avec les contraintes budgétaires. Au 1er janvier 1998, sur les 8 100 km d’autoroutes existantes, plus de 6 700 (83 %) avaient été réalisées dans le cadre d’une concession et environ 1 300 km de sections déjà concédées étaient en construction ou restaient à construire au cours des prochaines années.

118 réponse aux questions parlementaires - séance de l’Assemblée nationale du 9 Mars 1999.

Page 231: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 231

Cependant, plus le maillage du réseau autoroutier s’affine, plus la dérive vers une affectation inappropriée de l’épargne nationale s’accentue comme en témoignent les opérations lancées au cours des dernières années et les projets à l’étude.

Les mécanismes mis en place dans les années 1955-1960

pour combler le retard de la France dans le domaine autoroutier doivent être adaptés au nouveau cadre juridique européen et à l’évolution des problèmes de transport. En effet, le réseau autoroutier interurbain est d’ores et déjà largement constitué.

Des investissements surdimensionnés et insuffisamment

adaptés aux besoins de desserte de l’économie locale ont été réalisés sur des sections à faible trafic où des aménagements moins coûteux auraient souvent été d’autant mieux adaptés que, comme on l’a vu, les travaux des observatoires économiques et les bilans a posteriori amènent à relativiser l’impact des autoroutes à péage sur le développement économique local.

Par ailleurs, l’adossement successif de sections de moins en

moins rentables sur les sections déjà amorties a fragilisé les sociétés autoroutières dont l’endettement déjà très élevé va croître encore de façon considérable et dangereuse dans les prochaines années.

SECTION III – L’ENDETTEMENT DU SECTEUR AUTOROUTIER

Comme l’indique une note adressée par la direction du Trésor au Conseil de direction du FDES pour la séance du 24 juin 1996, “ la croissance de l’investissement autoroutier public a reposé sur trois principes :

- l’affectation au financement des nouvelles sections, quelle

qu’en soit la rentabilité, des flux de trésorerie issus de l’exploitation des sections existantes à l’exclusion de toute rémunération des capitaux investis ;

- le recours systématique à l’endettement, faute d’un

autofinancement suffisant, le remboursement des emprunts étant gagé sur les hypothèses à long terme de croissance du trafic ;

- l’indifférence aux résultats financiers à court terme, permise

par une dérogation comptable qui autorise les sociétés concessionnaires d’autoroutes à immobiliser en “ charges différées ” les pertes résultant du paiement des frais financiers liés à la construction ou à l’amortissement des immobilisations concédées.

Page 232: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 232

La combinaison de ces principes a permis un accroissement considérable du réseau et de l’activité des sociétés (le chiffre d’affaires des SEMCA a été multiplié par 3,2 entre 1984 et 1995 soit une croissance moyenne de 11 % par an) ” mais, souligne la direction du Trésor, “ elle a également conduit les SEMCA à une situation financière hors normes qui les place en situation de fragilité ”.

La situation financière des sociétés concessionnaires se

traduit par un fort endettement qui les maintient hors des normes. Les conditions dans lesquelles on peut escompter que leurs dettes seront remboursées doivent être appréciées à la lumière du projet de réforme du système autoroutier et des conséquences que sa mise en oeuvre peut comporter.

I. - L’EVOLUTION DE LA SITUATION FINANCIERE DES SEMCA

Dans son rapport public de 1986, la Cour s’inquiétait d’un

risque de report indéfini de l’équilibre financier des sociétés. En 1990, elle précisait que “ le fonctionnement des sociétés lui apparaissait préoccupant, qu’il s’agisse de la maîtrise des décisions de gestion et d’investissement ou des conditions artificielles d’équilibre des comptes ” et relevait que “ l’absence de régulation interne recé(lait) des risques sérieux dans la mesure où (venait) d’être lancé, sans coût immédiat, ni pour l’Etat, ni pour l’usager mais au prix d’une forte accélération de l’endettement, un ambitieux programme d’accroissement de la voirie autoroutière ”. Elle “ mett(ait) en garde contre le lancement d’un tel programme dans le cadre juridique et financier actuel de gestion des autoroutes ”. Le rapport public particulier de 1992 reconnaissait qu’après la crise de trésorerie de la première moitié des années 80, la situation du secteur autoroutier s’était améliorée à partir de 1986-87, les résultats de la péréquation ayant permis aux ADF de rembourser par anticipation les emprunts contractés en 1986 et 1987 et d’effectuer aussi des remboursement d’avances au budget général. Il notait toutefois que les prévisions optimistes de la direction des routes à l’horizon 2000 pourraient être démenties par un retournement de conjoncture provoqué par une réduction du trafic.

La direction des routes n’avait, à l’époque, pas pris en compte

ces mises en garde. Elle avait répondu119 que “ l’équilibre financier des sociétés d’autoroutes s’était considérablement renforcé ” au cours des dernières années et que l’endettement des sociétés (83,3 milliards de francs) était à mettre en regard de la marge

119 Réponses au rapport public particulier 1992 p. 122.

Page 233: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 233

annuelle d’exploitation (11 milliards de francs en 1991 hors frais financiers qui s’élevaient à 6 milliards de francs). Elle soulignait par ailleurs que “ s’il était exact que ces résultats (étaient) tributaires de l’évolution du trafic, l’hypothèse d’une réduction du trafic évoquée par la Cour apparaissait comme fort peu probable ainsi que le montrait son évolution récente : malgré la réduction de la croissance économique en 1991 (+ 1 % pour le produit intérieur brut), le trafic sur ces autoroutes concédées avait tout de même crû de 5,5 % à réseau constant et de 6,8 % au total, témoignant de la vigueur de la demande de ce secteur ”.

L’évolution ultérieure a démenti ces affirmations. La situation

financière des SEMCA qui tendait à s’améliorer se dégrade, en effet, de nouveau depuis 1993.

Cette évolution s’explique par l’effet conjoint de trois facteurs :

le ralentissement de la progression du trafic, l’accroissement de la pression fiscale par l’institution puis l’augmentation de la taxe d’aménagement du territoire, enfin la relance accélérée du programme d’investissement.

Résultat net des SEMCA avant traitement des charges différées 120

En MF 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

AREA

- 154,9 - 328,8 268,3

- 179 - 226,4 - 120,8

- 9,3

ASF + 1 183,6

+ 2 061,5 + 1 296 + 1 468 + 1 012 + 642,8 + 627,8

ESCOTA - 191,3 - 73,4 - 230,1 - 66,7 - 189,9 - 127,5 - 156,1 SANEF + 290,6 + 1 096,9 + 252,8 + 471,6 + 167,6 + 129 + 19,9 SAPN + 61,6 + 204,2 + 24 - 93,4 - 335,8 - 534,5 - 834 SAPRR - 575,7 + 481,5 - 143,9 - 683,1 - 1 011,8 - 867,3 - 1 001,9 6 SEMCA

+ 614 + 3 442 + 930 + 917,2 - 584,3 - 878,3 - 1 353,6

Source : SCETDAGO

120 Les résultats avant traitement des charges différées ont été affectés par le changement de traitement comptable des équipements de superstructure qui étaient assimilés à des immobilisations renouvelables jusqu’au 31 Décembre 1991 et depuis lors sont considérés comme des immobilisations non renouvelables.

Page 234: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 234

Comme on l’a vu, la progression du trafic, après une croissance supérieure, sur réseau stable121, à 9 % de 1986 à 1989, s’est ralentie122 pour aboutir en 1996 à une quasi stagnation (+ 0,1 %) avant de connaître une reprise en 1997 avec une croissance de 2,8 % pour l’ensemble des SEMCA et de 3,5 % sur réseau total, au demeurant majorée du fait des grèves de routiers de novembre 1996. Les prévisions de trafic pour les dix ans à venir se fondent désormais, ainsi qu’il a été noté, sur une perspective de croissance de 2 % l’an sur réseau stable et non plus de 4 %.

En outre, la pression fiscale sur les sociétés d’autoroutes s’est

fortement accrue. Ainsi, le régime applicable aux sociétés d’autoroutes comporte des taxes et redevances dérogatoires qui pèsent sur les sociétés indépendamment de leurs résultats : taxe d’aménagement du territoire et redevance domaniale qui a pris le relais en 1997 du fonds de concours institué pour le financement des prestations de service de la gendarmerie et de la redevance pour frais de contrôle de l’Etat. La Cour a déjà souvent dénoncé l’augmentation des prélèvements de l’Etat sur le produit des péages pour une “ utilisation du produit des péages à des fins étrangères à l’exploitation et à la construction ”123, et ce, en contradiction avec les dispositions de l’article L. 122-4 du code de la voirie routière issu des dispositions de la loi du 18 avril 1955, selon lesquelles le concessionnaire peut être autorisé à percevoir des péages “ en vue d’assurer le remboursement des avances et des dépenses de toute nature faites par l’Etat et les collectivités ou établissements publics, l’exploitation et, éventuellement, l’entretien et l’extension de l’autoroute, la rémunération et l’amortissement des capitaux investis par le concessionnaire ”.

C’est ainsi que les sociétés ont financé par voie de fonds de

concours des travaux routiers en dehors de leur domaine concédé. La SAPN a contribué pour 550 MF au financement du développement des routes nationales dans le cadre du plan trans Manche, alors même que le Conseil d’Etat avait formulé le 5 février 1991 un avis défavorable à l’institution du fonds de concours correspondant en relevant que le produit des péages ne pouvait être affecté à un ouvrage étranger à la concession que si celui-ci présentait avec l’autoroute concédée “ un lien suffisamment étroit et (pouvait) être

121 Le réseau stable est constitué de l’ensemble des sections mises en service depuis au moins trois ans. 122 ESCOTA a été particulièrement touchée en 1995 avec une chute de 6 points du trafic touristique. 123 Rapport public de 1990.

Page 235: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 235

regardé comme nécessaire à sa bonne exploitation ”, “ condition légale qui n’était remplie en l’espèce par aucune des opérations autoroutières prévues par l’avenant ”. La SAPN a, en outre, dû participer au financement de l’A 14 entre Orgeval et Nanterre (233 MF), à la desserte du Pont de Normandie (97 MF) et à l’aménagement du carrefour de Rocquencourt (45 MF).

De surcroît, avaient été établis une redevance pour frais de

contrôle de l’Etat, dont le montant excédait très largement le coût de la prestation et servait à alimenter par voie de fonds de concours les rémunérations accessoires et indemnités allouées aux fonctionnaires de l’équipement124, ainsi qu’un fonds de concours pour le financement des prestations de service de la gendarmerie. Dans un arrêt du 18 octobre 1996, le Conseil d’Etat a relevé que l’institution de cette redevance et de ce fonds de concours était irrégulière. En application des dispositions de l’article L. 122-4 du Code de la voirie routière, “ les avances ou dépenses dont l’Etat, les collectivités et les établissements publics peuvent demander le remboursement doivent présenter un lien suffisamment étroit avec la concession en cause et tendre vers les objectifs dont la réalisation est nécessaire à la bonne exploitation de celle-ci ”. L’exercice par la gendarmerie nationale des missions de surveillance et de sécurité des usagers incombe par nature à l’Etat et ne sauraient faire l’objet d’un remboursement. Quant aux frais de contrôle du concessionnaire par le concédant, ils constituent dans leur principe des dépenses présentant un lien suffisamment étroit avec la concession. Mais la redevance est néanmoins irrégulière puisque les frais ont été fixés de manière forfaitaire sans aucune justification du coût des frais de contrôle par l’Etat. A la suite de cette jurisprudence, la redevance pour frais de contrôle de l’Etat et le fonds de concours gendarmerie ont été supprimés en 1997. Cependant par décret du 31 mai 1997 a été instituée une redevance due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes pour occupation du domaine public dont le produit (760 MF en année pleine) est équivalent à la somme des redevances pour frais de contrôle de l’Etat et du fonds de concours gendarmerie.

En outre, en 1995, a été créé le FITTVN alimenté par une

taxe sur les ouvrages hydro-électriques concédés et une taxe d’aménagement du territoire (TAT) sur les autoroutes concédées dont le taux a été porté de deux à quatre centimes par kilomètre parcouru par la loi de finances pour 1996.

124 Rapport public de 1990, p. 233.

Page 236: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 236

La régularité de ces prélèvements au regard de l’article précité du code de la voirie routière ainsi que du droit européen est discutable. La directive 93/89 CEE du 25 octobre 1993 lie, en effet, pour les poids lourds le niveau des péages et des droits d’usage “ aux coûts de construction, d’exploitation et de développement du niveau d’infrastructures concerné ”. Cette directive a été annulée par la Cour de justice européenne en juillet 1995 pour non respect de la procédure de consultation du Parlement européen. Les effets de la directive sont maintenus, mais il a été demandé au conseil des ministres européens d’adopter une nouvelle directive dans un délai raisonnable. Le projet étudié se rapproche largement de l’ancienne rédaction, en particulier sur le point de droit évoqué ci-dessus.

En 1995, le poste impôts et taxes a dépassé pour la première

fois les charges de personnel du fait de la création de la TAT. En 1996, il s’est encore accru de 45,2 % du fait du doublement du taux de ladite taxe. Les impôts et taxes représentaient en 1996 plus du tiers des charges d’exploitation. Cependant leur montant était sous-estimé d’environ 406 MF compte tenu de deux éléments jouant en sens contraire : le versement au titre de la TVA avait été exceptionnellement majoré de 89 MF du fait du supplément de TVA résultant de la taxe d’aménagement du territoire au titre de 1995 reporté sur 1996 ; de surcroît, le fonds de concours gendarmerie était classé de façon erronée en charges exceptionnelles et non en charges d’exploitation. En 1997, l’ensemble du poste impôts et taxes a représenté 20 % du chiffre d'affaires HT des SEMCA.

La part des seuls prélèvements spécifiques dans le chiffre

d’affaires TTC atteignait 10,3 % en 1998 pour les huit SEMCA. Pour COFIROUTE l’impôt sur les sociétés s’ajoute à ces prélèvements spécifiques.

Page 237: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Prélèvements spécifiques sur le secteur autoroutier (en comptabilité) en KF 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

Fonds de concours de construction - 8 SEMCA

15 386

863 517

343 987

321 184

283 141

39 606

500 492

2 624

52 632 - COFIROUTE - - - - - - - - - Fonds de concours gendarmerie - 8 SEMCA

91 103

231 812

332 131

419 329

447 599

489 034

495 027

-

- - COFIROUTE 20 726 30 689 49 801 60 967 64 718 66 785 67 816 - - Taxe d’aménagement du territoire - 8 SEMCA - COFIROUTE

- -

- -

- -

- -

- -

881 225 144 990

1 783 188 287 969

1 852 868 295 304

1 961 037 306 135

Redevance domaniale - 8 SEMCA

-

-

-

-

-

-

-

332 993

683 232 - COFIROUTE - - - - - - - 46 196 96 492 TOTAL 8 SEMCA COFIROUTE

105 489 20 726

1 095 329 30 689

676 118 49 801

740 513 60 967

730 740 64 718

1 409 865 211 775

2 778 707 355 785

2 188 485 341 500

2 696 901 402 627

TOTAL

127 215

1 126 018

725 919

801 480

795 458

1 621 640

3 134 492

2 529 985

3 099 528

Page 238: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 238

L’article 37 de la loi du 4 février 1995 a prévu que les

incidences de la taxe sur l’équilibre financier des sociétés concessionnaires devaient être prises en compte par des décrets en Conseil d’Etat qui fixent notamment les durées des concessions autoroutières. Le doublement de la TAT a été compensé par des majorations des tarifs de péages et des allongements de la durée des concessions. Pour les SEMCA, le critère retenu a été le maintien de la trésorerie cumulée en fin de concession et de la marge de trois ans de résorption des charges différées avant la fin de la concession. Pour COFIROUTE “ qui est soumise à des contraintes financières particulières du fait de son actionnariat privé ”, la direction des routes indique : les modalités de compensation de la TAT ont été traitées dans le cadre de la négociation globale de l’équilibre financier de la concession à l’occasion du huitième avenant à la convention de concession ”. Mais, comme l’observe un rapport de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation du Sénat125, “ cette compensation n’est au mieux126 neutre qu’à long terme. A court terme, compte tenu de l’étalement des hausses de péage et de la compensation partielle de la taxe d’aménagement du territoire sous la forme d’un allongement de la durée des concessions, il en résulte, pour les sociétés concessionnaires une perte de trésorerie donc une diminution de la capacité d’autofinancement ”.

Le secteur autoroutier a dû, dans le même temps, faire face à

un programme d’investissement de 141 milliards de francs dans le cadre de l’accélération de la réalisation du schéma directeur décidée par le gouvernement en 1993. Le montant des dépenses d’investissement de l’ensemble du secteur (construction d’autoroutes nouvelles et investissements sur le réseau en service), qui était de l’ordre de 11 milliards de francs avant l’accélération de la construction du réseau autoroutier, a atteint 16,5 milliards de francs en 1995 et 20 milliards de francs en 1996. Il s’est élevé à 16,2 milliards de francs en 1997 pour les SEMCA et à environ deux milliards de francs pour COFIROUTE.

125 Rapport général n° 66 sur le projet de la loi de finances pour 1999 annexe 24 . 126 C’est-à-dire en l’absence de reports significatifs de trafic vers le réseau non concédé.

Page 239: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 239

II. - LE RECOURS A L’EMPRUNT Le financement du secteur autoroutier a été, à l’origine,

assuré par l’Etat et par la Caisse des dépôts et consignations. Ainsi, dans le cadre du premier programme autoroutier (1957-1961) qui prévoyait la réalisation de la liaison Fréjus-Nice, l’Etat a financé 69 MF par le biais du fonds spécial d’investissement routier et le solde (17 MF) par l’emprunt. Avec la création des premières SEMCA et l’extension des programmes autoroutiers, les besoins de financement se sont accrus et la loi de finances pour 1958 a autorisé l’Etat à garantir les emprunts des nouvelles sociétés.

En 1963127 a été créée la Caisse nationale des autoroutes

(CNA) “ chargée d’émettre des emprunts affectés au financement de la construction ou de l’aménagement des autoroutes donnant lieu à la perception des péages et de répartir le produit de ces emprunts entre les collectivités ou sociétés ayant reçu la concession de la construction ou de l’exploitation d’autoroutes ”.

A compter de 1970, les SEMCA n’ont plus été financées sur

ressources budgétaires autres que des avances remboursables. Le recours à l’emprunt, qui jusque là représentait environ les deux tiers du financement des programmes, a augmenté de façon continue depuis lors. Le volume des émissions d’emprunts a été fixé par le FDES et, depuis le décret du 27 novembre 1996, par le CIES, la CNA assurant la mise en oeuvre des décisions de ces instances.

Le CIES se réunit deux fois par an : au printemps de l’année n

pour examiner le recalage des prévisions des années n - 1 et n et adopter les prévisions de l’année n + 1 ; à l’automne de l’année n, pour examiner le recalage des prévisions des années n et n + 1.

Jusqu’en 1996, les documents fournis au conseil de direction

du FDES étaient très succincts. Les investissements des SEMCA étaient appréciés globalement. En fait, le FDES prenait acte des décisions de lancement de nouvelles sections sans analyser réellement ni leur rentabilité économique et sociale ni leur rentabilité financière. Un volume d’engagements de 70 milliards de francs (valeur 1994) avait été décidé par note du Premier ministre du 18 janvier 1994 dans le cadre des contrats de plan sur cinq ans (1995-1999) et le choix des sections nouvelles bénéficiant d’une autorisation d’engagement était opéré de façon à parvenir à ce montant.

127 Décret du 20 Juin devenu en 1989 l’article R 122-15 du code de la voirie routière.

Page 240: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 240

Page 241: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 241

A l’occasion de la réforme du FDES, la direction du Trésor a souhaité mettre fin à ce mécanisme de lancement automatique et aveugle du programme autoroutier et supprimer la notion d’engagement de sections. A sa demande, des fiches d’information par société sont désormais établies. De surcroît, une note sur la présentation de l’évaluation des projets, établie en octobre 1996 par la direction de la prévision et le Commissariat général au plan, précise que des calculs de la rentabilité socio-économique et de la rentabilité financière des projets doivent être effectués selon les prescriptions de la circulaire du 3 octobre 1995 relative aux méthodes d’évaluation économique des grands projets d’infrastructure. Pour la réunion du 7 mai 1997 une “ évaluation économique des projets ” a figuré pour la première fois à l’appui des documents transmis au comité spécialisé du CIES. Cependant ces évaluations produites par la direction des routes souffrent encore des insuffisances méthodologiques analysées ci-dessus et sont parfois contestées par la direction de la prévision.

Décisions du FDES/CIES concernant les SEMCA en MF

Engagements de sections nouvelles

Dépenses d’investissement Enveloppe d’emprunts

1990 5 462 10 071 9 294 1991 10 114

11 150 10 681

1992 P< 8 600 R 8 654

P 10 993 R 10 490

12 385

1993 P 10 950

P 12 141 dont ICAS 2 890 R 12 059

11 400

1994 P 13 950 R 13 954

P 14 000 dont ICAS 2860 R 14 118

12 600

1995 P 15 960 R 15 961

P 16 500 dont ICAS 2 704 R 16 508

17 834

1996 P 17 597 R 17 543

17 977

1997 P 16 442 R 16 251

P 17 293 au titre du programme de cons-truction + 774 MF d’emprunts

spécifiques de refinancement(1) R 16 92O MF au titre du programme de

construction + 774 MF d’emprunts spécifiques de

refinancement

1998 P 13 646 P 14 355 1999 P 13 377 P. 12 592 P : Prévisions ; R : Réalisations ; ICAS = investissement complémentaire sur autoroute en service

(1)Emprunts de la SAPRR pour faire face aux besoins de refinancement du groupe au titre de l’exercice 1996 (728 MF pour la SAPRR, 46 MF pour AREA).

Page 242: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 242

Le rythme annuel d’investissement a progressé de 18 % par an en francs courants de 1993 à 1996 (12 milliards de francs en 1993, 14,1 en 1994, 16,5 en 1995, 17,5 en 1996 du fait de l’accélération du programme autoroutier) pour décroître légèrement en 1997 (16,25 MF).

En conséquence, le montant total des emprunts de la CNA, qui

avait été multiplié par 2,4 entre 1987 et 1994 en raison de la relance de la politique autoroutière décidée en 1987 (“ plan Méhaignerie ”), connaît une augmentation encore plus rapide depuis 1993. Cette croissance des emprunts de la CNA a été encore renforcée par les conséquences de la réforme de 1994, les SEMCA remboursant par anticipation les avances de l’Etat à hauteur de 3,8 milliards de francs refinancés par la CNA.

En 1996, 90 % des dépenses du secteur autoroutier concédé

étaient financées par voie d’emprunts gagés sur les péages perçus auprès des usagers.

Les émissions d’emprunts de la CNA

En milliards de francs 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Emprunt :

4,5 5,65 7,23 7,12 8,59 9,04 10,04 11,33 10,74 17,4 17,4 18 17,7

Enveloppe destinée aux investissements autoroutiers

5,85

6,7

7,7

8,59

10

10,33

10,4

12

16,4

Restructuration du secteur autoroutier

1

- 3,8

-

Gestion de la dette

0,99 0,42 0,88 0,44 0,04 - 0,34 1,61 0,94

L’augmentation des impôts et taxes pesant sur les sociétés

d’autoroutes contribue, en outre, à la dégradation des excédents de trésorerie voire à l’apparition de déficits de trésorerie pour certaines sociétés. Les emprunts financeront ainsi non seulement les investissements nouveaux mais aussi une part des dépenses obligatoires de la SAPRR entre 1997 et 2004.

Au 31 décembre 1997, l'endettement des huit SEMCA constaté

au passif de leur bilan dépassait 141,784 milliards de francs soit 8, 072 milliards de francs pour la SFTRF et 133,712 milliards de francs pour les sept SEMCA relevant de la SCETDAGO. Si l'on écarte les dettes internes au secteur autoroutier (avances en fin d'exercice entre mères et filles et avances de trésorerie intersociétés) le montant global de l'endettement des SEMCA s'établit à 136,908 milliards de francs.

Page 243: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 243

Il s’agit là de l’endettement global qui inclut les dettes à court terme.

Les données communiquées au CIES qui se réfèrent à la notion

de dette à moyen et long terme ne sont pas fiables. A la différence des données de la SCETDAGO établies au vu des comptes des sociétés, les données du FDES/CIES sont traitées en flux de trésorerie. Cette présentation a été adoptée pour pouvoir mesurer les besoins de la péréquation annuelle réalisée par ADF jusqu’en 1993 puis pour calculer les avances éventuelles au sein de chaque pôle entre société-mère et société-fille. Les données sont retraitées par la direction des routes d’après des tableaux remplis par les sociétés. Le cadre de ces tableaux a été établi par la direction du Trésor qui n’a pas fourni d’annexe méthodologique sur la façon de les remplir. Il en résulte une hétérogénéité des données selon les sociétés. Bien plus, les tableaux ont été inégalement remplis : ainsi, par exemple, la SANEF et la SAPN n’ont pas produit de données pour les années antérieures à 1995, ce qui n’a pas empêché la direction des routes de calculer des agrégats pour les huit SEMCA pour les années antérieures. De surcroît, des erreurs ont été commises dans le retraitement des données. Le montant de la dette à moyen et long terme des SEMCA est erroné notamment par suite de doubles comptes : les avances des sociétés-mères aux filiales sont, par exemple, prises en compte, deux fois. A cette erreur de méthode s’ajoutent des erreurs de retranscription des comptes voire d’addition. Faute de validation desdites données, les autorités de tutelle (direction des routes, direction du Budget, direction du Trésor) et le CIES se fondent ainsi sur des documents entachés de nombreuses approximations et erreurs.

En termes de perspectives de remboursement de la dette des

SEMCA, la Cour s’en tient à la seule dette financière, telle qu’elle ressort des calculs ci-après.

Estimation de la dette financière des SEMCA

Au 31 décembre 1997, l’encours d’emprunt des huit SEMCA auprès de la CNA était de 127,409 milliards de francs.

Il convient d’ajouter à ce montant les emprunts émis directement par les SEMCA , les autres dettes financières, les avances de l’Etat, d’ADF et des collectivités territoriales, pour obtenir le total des dettes financières soit 134,795 milliards de francs hors avances internes aux groupes.

Le montant cumulé des intérêts prévisionnels, nonobstant l’éventualité de remboursements anticipés, atteignait 74,8 milliards de francs au 31 décembre 1997 pour les seuls emprunts émis par la CNA. Il

Page 244: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 244

est à noter que, depuis 1987, les conditions d’emprunt ne comportent plus de clause prévoyant la possibilité d’un remboursement anticipé.

Page 245: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Dettes inscrites au bilan des SEMCA (hors SFTRF) pour l’exercice 1997

En milliers de francs ASF ESCOTA SAPRR AREA SANEF SAPN ATMB Total 7 Dettes financières Emprunts (1) Augment. des dettes financières (pertes de change) Diminution des dettes financières (gains de change)

32 620 577

26 480 - 9 313

10 657 325

1 264 - 574

36 192 338

23 416 - 4 491

8 529 374

19 899 842

- 718

11 560 498

- 68

1 020 000

120 479 952

51 161 - 15 164

sous-total Avances des collectivités territoriales (indexation comprise) Avances de l'Etat (indexation comprise) Avances du groupe(indexation comprise)

32 637 745

205 334

10 658 016

435 568 2 138 667

36 211 263

98 708

8 529 374

1 716 731

19 899 124

80 000

11 560 430

113 600

1 020 000

720 902 212 308

3 855 398

120 515 952

sous-total 205 334 2 574 235 98 708 1 716 731 80 000 113 600 0 4 788 608 Avances à recevoir de l'Etat Avances à recevoir des collect. territ. Autres dettes (2)

1 288 498

5

477 960

2 033 584

447 442

764 845

591 023

20 321

0 5

5 623 672 sous-total 1 288 498 477 965 2 033 584 447 442 764 845 591 023 20 321 5 623 677

Dettes d’exploitation Dépôts et cautionnements Dettes sur achats/prestations./comptes rattachés Dettes fiscales et sociales Autres dettes Avances et acomptes reçus s/cdes en cours

10 437 117 451 316 275 28 888

2 671 26 476 59 649 3 416

10 666 87 007

151 415 170 673

8 921 30 395 46 774 1 173

2

2 583 53 396

153 947 3 798

23 562

8 770

29 532 10 703

60 43 066 15 680 25 104

515

35 337 366 561 773 273 243 754 24 078

sous-total 473 051 92 212 419 761 87 264 237 285 49 005 84 425 1 443 003 Dettes hors exploitation Dettes sur immo et comptes rattachés 178 465 Autres dettes (3) 269 927

sous-total 448 392 40 428 285 801 57 234 164 197 69 358 275 431 1 340 841 (1) dont emprunts à moins d'un an (2) dont soldes créditeurs de banques et avances trésorerie intersociétés (3)dont fonds de concours restant à payer

1 932 046

116 310 269 927

725 142

60 870

2 232 640

614 234 1 338

538 090

38 787 4 018

1 382 474

30 599

41 423

159 813

230 204 014

6 851 714

1 020 843 479 297

Source : SCETDAGO

Page 246: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 246

III. - UNE STRUCTURE FINANCIERE HORS NORMES En 1997, les huit SEMCA ont dégagé un chiffre d’affaires de

24,2 milliards de francs, dont 23,68 milliards de francs en provenance des péages) pour 18,15 milliards de francs de charges d’exploitation dont près de 7,83 milliards de francs représentent des frais financiers. Elles ont dû rembourser 5,577 milliards de francs d’emprunts. Le solde disponible après remboursement d’emprunts s’établissait à 557 MF, en baisse de 46,1 % par rapport à 1996 pour les huit SEMCA. Ce solde était négatif pour la SAPRR (- 799 MF), l’AREA (- 39 MF) la SAPN (- 232 MF) et l’ATMB (- 242 MF) ce qui signifie que ces sociétés ont dû réemprunter pour faire face aux échéances de leurs dettes. Au total, les SEMCA ont à nouveau emprunté plus de 17,69 milliards de francs pour financer un programme d’investissement de 16,92 milliards de francs.

Avec une dette représentant vingt fois leurs fonds propres et

plus de cent fois leur capital social, les SEMCA présentent une structure financière hors normes. Celle-ci se différencie nettement de celle de la seule société concessionnaire privée, COFIROUTE, qui, contrairement aux SEMCA, est assujettie à des contraintes de rentabilité financière.

COFIROUTE est la seule société, avec l’ATMB jusqu’à la

catastrophe de mars 1999, à enregistrer des bénéfices comptables et à distribuer des dividendes. Ceux-ci s’établissent au titre de 1997 à près de 400 MF pour un résultat de 790,6 MF en forte progression (475 MF en 1993), ce qui représente 14 % des capitaux propres et 9 % du chiffre d’affaires de la société.

La société ATMB dégageait, depuis 1992, un résultat net avant

impôt positif, (97 MF en 1993, 45,5 MF en 1997) ce qui lui a permis de verser à ses actionnaires des dividendes annuels variant de 10 à 34 MF.

Pour les autres sociétés, le résultat est par convention porté à

zéro aussi longtemps qu’elles n’auront pas résorbé leurs charges différées. Ainsi qu’il a été noté précédemment, la Cour a maintes fois relevé que la pratique des charges différées retirait aux comptes leur signification normale et masquait la situation réelle des sociétés. Selon la SCETDAGO, les charges différées atteignaient au 31 décembre 1997 37 milliards de francs hors SFTRF.

Les contrats de plan assignent à chaque SEMCA des objectifs

financiers et le suivi de ratios de gestion. Compte tenu de l’alourdissement de la fiscalité et du ralentissement de la croissance du trafic, certains objectifs seront difficiles à atteindre.

Page 247: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Dettes inscrites au bilan des SEMCA (hors SFTRF) pour l’exercice 1997

En milliers de francs ASF ESCOTA SAPRR AREA SANEF SAPN ATMB Total 7

Dettes financières Emprunts (1) Augment. des dettes financières (pertes de change) Diminution des dettes financières (gains de change)

32 620 57726 480- 9 313

10 657 3251 264- 574

36 192 33823 416- 4 491

8 529 374 19 899 842

- 718

11 560 498

- 68

1 020 000 120 479 95251 161

- 15 164sous-total

Avances des collectivités territoriales (indexation comprise) Avances de l'Etat (indexation comprise) Avances du groupe(indexation comprise)

32 637 745

205 334

10 658 016

435 5682 138 667

36 211 263

98 708

8 529 374

1 716 731

19 899 124

80 000

11 560 430

113 600

1 020 000

720 902212 308

3 855 398

120 515 952

sous-total 205 334 2 574 235 98 708 1 716 731 80 000 113 600 0 4 788 608Avances à recevoir de l'Etat Avances à recevoir des collect. territ. Autres dettes (2) 1 288 498

5477 960 2 033 584

447 442 764 845 591 023 20 321

05

5 623 672sous-total 1 288 498 477 965 2 033 584 447 442 764 845 591 023 20 321 5 623 677

Dettes d’exploitation Dépôts et cautionnements Dettes sur achats/prestations./comptes rattachés Dettes fiscales et sociales Autres dettes Avances et acomptes reçus s/cdes en cours

10 437117 451316 275

28 888

2 67126 47659 649

3 416

10 66687 007

151 415170 673

8 921 30 395 46 774

1 173 2

2 58353 396

153 9473 798

23 562

8 77029 53210 703

6043 06615 68025 104

515

35 337366 561773 273243 754

24 078sous-total 473 051 92 212 419 761 87 264 237 285 49 005 84 425 1 443 003

Page 248: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

En milliers de francs ASF ESCOTA SAPRR AREA SANEF SAPN ATMB Total 7 Dettes hors exploitation Dettes sur immo et comptes rattachés 178 465 Autres dettes (3) 269 927

sous-total 448 392 40 428 285 801 57 234 164 197 69 358 275 431 1 340 841 (1) dont emprunts à moins d'un an (2) dont soldes créditeurs de banques et avances trésorerie intersociétés (3)dont fonds de concours restant à payer

1 932 046

116 310269 927

725 142

60 870

2 232 640

614 2341 338

538 090

38 787 4 018

1 382 474

30 599

41 423

159 813 230204 014

6 851 714

1 020 843479 297

(1) Emprunts + avances y compris avances du groupe. Source : Ces données sont, excepté pour la SFTRF et COFIROUTE, extraites des fiches synthétiques des SEMCA établies par la SCETDAGO. Celles-ci reprennent certaines données “ CIES ” : investissements et frais financiers. Les données concernant la SFTRF et COFIROUTE proviennent des comptes des sociétés.

Page 249: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 249

Aucune des SEMCA, ne serait viable si elle était soumise aux contraintes du secteur privé. Seule l’ATMB faisait exception jusqu’à l’incendie du tunnel du Mont-Blanc.

La situation favorable de l’ATMB résultait pour partie du fait

que le projet d’A400 n’a pas abouti (en raison de l’annulation de la DUP par le Conseil d’Etat) et que le projet d’A 41 Villy le Pelloux-St-Julien en Genevois, dont les perspectives de rentabilité financière sont, comme on l’a vu, très défavorables, n’avait pas été adossé dans le périmètre de la concession de l’ATMB au 31 décembre 1997. Le rapport du Conseil général des ponts et chaussées sur la politique française des transports terrestres dans les Alpes envisageait une augmentation du trafic des poids lourds de 59 % d’ici 2010 (voir annexe 4).

La catastrophe de mars 1999 rend caduques ces

perspectives de trafic et les projections financières. Au-delà de l’impact immédiat de la fermeture du tunnel sur les comptes de la société, ces perspectives financières à moyen et long terme apparaissent des plus incertaines compte tenu des inconnues actuelles sur la société.

Selon le comité spécialisé du CIES de mai 1998, en 1997, les

huit SEMCA ont acquitté plus de 7,8 milliards de francs de frais financiers, ce qui représente 34,6 % de leur chiffre d’affaires, 40 % de leur valeur ajoutée, 54 % de leur excédent brut d’exploitation. Il s’agit là cependant d’une moyenne et les écarts sont très marqués entre les sociétés. Le ratio des frais financiers et de l’excédent brut d’exploitation (EBE) varie ainsi de 15,1 % pour l’ATMB à 113,8 % pour la SAPN qui enregistre une brutale détérioration (18,3 % en 1995, 56,5 % en 1996).

Le ratio des frais financiers rapportés à la marge dégagée par

le cycle d’exploitation est préoccupant pour la SAPRR et l’AREA mais c’est pour la SAPN et le tunnel de Fréjus que sont observées des situations extrêmes du fait d’investissements trop importants que supportent les sections rentables : adossement pour la SAPN de l’A14 dont les coûts ont fortement augmenté, sur l’A13 Paris-Rouen-Caen qui a vu son trafic diminuer de plus de 2 % en 1996, et pour la SFTRF de l’A43 aux coûts kilométriques très élevés, sur le tunnel de Fréjus qui connaît une fréquentation beaucoup plus faible que prévue pour le trafic poids lourds, compte tenu de l’assouplissement des mesures de restriction au passage du Brenner.

La Cour avait relevé dans son rapport sur les comptes des

exercices 1988 à 1994 de la SAPN que les dettes financières, qui

Page 250: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 250

avaient fortement décru depuis 1985, avaient de nouveau sensiblement augmenté à partir de 1992, première année de mise en oeuvre du programme de construction de nouveaux tronçons défini par les décrets de mai et d’octobre 1991. L’encours des emprunts est ainsi passé de 653,5 MF en 1991 à 4 830,9 MF en 1994, 7 589 MF en 1995, 9 948 MF en 1996 et à 11 560 MF en 1997. La capacité d’autofinancement de la SAPN est devenue négative en 1997 et le gouvernement a dû renoncer à étendre le champ de la concession de la SAPN à l’A28.

La distorsion entre les moyens et les engagements financiers

est plus forte encore pour la SFTRF. Titulaire de la concession du tunnel de Fréjus, elle a obtenu en 1992 celle de l’autoroute de Maurienne (A 43). Estimé à l’origine à 5,6 milliards de francs, le coût prévisionnel de ces 63 km d’autoroute était estimé fin 1996 par la société à 8,5 milliards de francs 1993. La dernière section était alors à peine commencée et son coût par kilomètre s’élevait déjà à 199 MF 1993. Le rapport de l’Inspection générale des finances et du Conseil général des ponts et chaussées observe que seule la garantie de l’Etat a permis d’aboutir à une situation où la SFTRF, avec un chiffre d’affaires de moins de 250 MF et un effectif de 125 personnes dont une équipe de direction très restreinte128, s’est lancée dans un programme autoroutier de cette ampleur dont la rentabilité financière apparaissait dès l’origine comme négative129 alors même que les hypothèses retenues n’étaient pas vraisemblables. La mission relève que “ compte tenu notamment de la date de fin de concession fixée à 2015 sur les instances de la direction du Trésor ainsi que des hypothèses économiques irréalistes retenues en conséquence, il était patent dès la signature de la concession que celle-ci n’était pas viable sur le plan financier ” et observe que “ l’adjonction au traité de concession d’une clause exorbitante de garantie totale de l’Etat en constitue la preuve ” (voir annexe 15).

La société ne disposait en 1996 que de 60 MF de capitaux

propres et son chiffre d’affaires, lié à l’époque à la seule exploitation du tunnel, n’était que de 251 MF. Du fait de l’augmentation des coûts de construction de l’autoroute de Maurienne et de la non-réalisation

128 Le rapport de la mission d’inspection relève que la faiblesse des effectifs de la société et d’expérience préalable en matière de construction autoroutière n’a permis à la SFTRF ni d’influencer les choix techniques, ni de suivre le travail de ses mandataires et d’exercer un véritable contrôle des coûts. 129 Valeur actuelle nette du projet estimée en 1992 : - 3,4 milliards de francs, estimée en 1998 : - 6 milliards de francs.

Page 251: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 251

des hypothèses notamment de trafic et d’inflation, les dettes financières ont fortement augmenté pour atteindre 5,3 milliards de francs au 31 décembre 1996 et 7,72 milliards de francs fin 1997. Le ratio entre les dettes financières et la capacité d’autofinancement est passé de 29,8 % en 1996 à 1 822,6 % en 1997. Les fonds propres sont devenus négatifs en 1997.

Les résultats nets prévisionnels sont constamment négatifs

jusqu’en 2017. Selon une simulation relativement optimiste, la société porterait encore un montant total de charges différées de 9,153 milliards de francs à la fin de l’année 2018, qui ne pourrait être résorbé au plus tôt qu’en 2024. Il en est résulté une conséquence immédiate : l’impossibilité de continuer à recourir au mécanisme des charges différées, qui atteignaient 106 MF au 31.12.1996. Une perte de 211,93 MF a dû être constatée en 1997 et les capitaux propres sont passées à - 121,57 MF.

L’assemblée générale extraordinaire des actionnaires du

23 novembre 1998 a décidé de reconstituer les capitaux propres en procédant à une augmentation du capital de 157 500 000 F et corrélativement à une réduction de capital par imputation des pertes à hauteur de 157 391 700 F. Cette augmentation de capital a été pour l’essentiel souscrite par ADF par compensation avec ses créances sur la SFTRF (157 230 000 F). Au terme de ces opérations les pertes cumulées de la société ont été ramenées à 72 662 760 F pour un capital social fixé à 71 708 300 F et des fonds propres de 35 924 443 F. Le rapport de la mission d’enquête relève que la construction de l’autoroute de Maurienne va ainsi se traduire pour la SFTRF par une perte actualisée proche de 3 milliards de francs et que l’équilibre financier de la concession dans son cadre actuel – échéance en 2015 reportable à 2018 – n’est pas assuré. La SFTRF va bénéficier d’une forte augmentation des recettes de péage liée au report de trafic consécutif à l’incendie du tunnel du Mont-Blanc. Pour autant l’avenir financier de la société demeure incertain.

La SAPN va devoir faire appel aux avances de trésorerie de

la SANEF. Quant à la SFTRF, le rapport de l’Inspection générale des finances et du Conseil général des ponts et chaussées souligne que le principe d’une fusion de la SFTRF avec une société mieux capitalisée ou d’une autre forme d’adossement paraît inéluctable à terme, sauf à liquider la société ce qui contraindrait l’Etat, en application de la clause de garantie du décret du cahier des charges de la concession, à reprendre plus de 10 milliards de francs de dettes à l'échéance de la concession.

Page 252: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 252

Les réponses apportées jusqu’à présent aux crises financières successives des sociétés d’autoroute ont, en effet, été d’adosser les sociétés en difficulté sur des sociétés en meilleure santé tout en allongeant la durée des concessions.

Page 253: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 253

Le secteur autoroutier se maintient ainsi par adossements

successifs : adossement des sections non rentables sur les sections rentables, des sociétés en difficulté sur d’autres sociétés. La restructuration du secteur autoroutier s’est effectué par consolidations successives à chaque crise financière. Ainsi déjà, les sociétés privées APEL (autoroute Paris-Est-Lorraine) et ACOBA (autoroute de la côte basque) avaient été en 1984 et 1985 absorbées par la SANEF et ASF.

La réforme du secteur autoroutier de 1994 qui avait pour

objectif essentiel de permettre aux SEMCA de faire face à un programme d’investissement de 140 milliards de francs sur dix ans en renforçant leur assise financière, n’a pas fait exception à cette pratique. Le regroupement des sociétés par pôles a permis d’adosser des sociétés en difficulté sur des sociétés en meilleure santé financière en instituant des avances de trésorerie entre les sociétés mères et leurs filiales.

Les avances de trésorerie entre les sociétés mères et leurs filiales

Ainsi, selon les études bilan 1997, ESCOTA avait reçu, à fin 1997, 2 186,26 MF d’avances de ASF pour couvrir :

1 879,45 MF de solde ADF 90,22 MF de déficit de trésorerie de l’exercice 1993, 65,28 MF de déficit de trésorerie de l’exercice 1994, 128,49 MF de déficit de trésorerie au titre de 1995, 22,82 MF de déficit de trésorerie pour 1996.

ASF ayant participé à hauteur de 153,86 MF en 1995 à l’augmentation du capital d’ESCOTA par diminution de ces avances, le total des avances dues par ESCOTA était de 2 032,40 MF fin 1997. Selon l’étude bilan, ESCOTA devra recevoir 846,5 MF d’avances de trésorerie de 1999 à 2005.

De même, AREA avait reçu fin 1997, 1 635 MF d’avances de la SAPRR pour couvrir 1 238 MF de solde ADF et 397 MF de déficits de trésorerie concernant les exercices 1993 à 1996. Les déficits de trésorerie de 1997 (- 39 MF) et de 1998 (prévision - 121 MF) seront refinancés par avances de la SAPRR.

La SAPN devra également faire appel, certaines années, à la SANEF pour couvrir des déficits de trésorerie. De 1998 à 2014, la SANEF devra consentir 5,8 milliards de francs d’avances à la SAPN. Une partie de ces avances sera prélevée sur la trésorerie de la SANEF, l’autre sera refinancée par des emprunts de 2,1 milliards de francs en cumul que la SANEF finira de rembourser en 2013. Selon l’étude bilan 1997, 3 300 MF d’avances et 975 MF d’indexation correspondante ne seront pas remboursées par la SAPN à la SANEF à la date d’expiration de la concession.

Page 254: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 254

Loin d’apurer la situation du secteur autoroutier, ce procédé

de consolidation ne fait que différer les difficultés et menace de mettre à terme en péril l’équilibre d’ensemble.

La direction des routes et la commission d’enquête

sénatoriale font toutefois valoir qu’en dépit du poids de leur endettement, la situation financière des SEMCA n’est pas assimilable à celle de la SNCF, par exemple. Les SEMCA dégagent, en effet, une forte valeur ajoutée et des marges d’exploitation avant amortissements élevées. Toutefois, il faut bien considérer que le mécanisme de charges différées fausse l’appréciation de ces résultats, dans la mesure où elles portent aussi bien sur des dépenses de fonctionnement ou financières que sur des amortissements. Il en résulte que les résultats bruts, avant amortissement, sont surévalués. Le ratio valeur ajoutée/chiffre d’affaires HT est très élevé (87 % en moyenne). Même si la part de l’EBE dans le chiffre d’affaires a diminué en raison de l’augmentation du poste des impôts et taxes, due en particulier à la création puis au doublement du taux de la taxe d’aménagement du territoire, elle représente une part élevée du chiffre d’affaires soit, en 1997, 64 % pour les six principales SEMCA et l’ATMB (voir annexe 16). A titre de comparaison, ce ratio n’était, la même année, que de 9 % pour la SNCF.

C’est sur cette capacité du secteur autoroutier à dégager une

marge d’exploitation élevée avant amortissements que se fondent les perspectives de résorption de l’endettement.

Cependant les programmes d’investissements financés par

l’emprunt portent désormais sur des liaisons dont la rentabilité n’est plus assurée. La logique du système qui consistait à financer des investissements par des emprunts gagés sur les recettes de péages repose sur la rentabilité des investissements mais tel n’est pas le cas pour la quasi-totalité des autoroutes en cours de construction qui n’ont pu être engagées que par le recours à la pratique de l’adossement, fréquemment assortie d’un allongement de la durée des concessions. Dès lors, la recette kilométrique est appelée à décroître au fur et à mesure qu’augmentera le kilométrage de réseau peu fréquenté. Le graphique, en page VII du cahier couleur met en évidence la baisse de la recette kilométrique moyenne liée à l’adossement d’un kilométrage de plus en plus important de liaisons non rentables sur les sections rentables. Il en résulte un effet de levier défavorable pour les investissements récents et programmés puisque la rentabilité financière desdits investissements est inférieure au coût de l’endettement.

Page 255: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 255

IV. - LE REMBOURSEMENT DE LA DETTE Comme le relevait déjà la Cour en 1986, le système des

charges différées, le refinancement des emprunts et l’adossement des sociétés en difficulté sur d’autres sociétés reporte le retour du système à l’équilibre à une échéance qui a été progressivement différée par les allongements successifs de durée des concessions.

Compte tenu des investissements en cours, l’endettement du

secteur autoroutier va continuer à croître. Les projections des tutelles s’appuient sur les résultats des

études-bilan produites à l’appui des comptes des SEMCA pour l’exercice 1997. Ces études permettent aux commissaires aux comptes d’apprécier la capacité des sociétés à résorber leurs charges différées avant la date de fin des concessions, indication indispensable à la certification des comptes. Elles prennent en compte la réalisation des seules sections prévues dans les conventions de concessions à la fin de l’exercice considéré.

Les prévisions des études bilan figurant à l’appui des comptes

1997 font état d’un remboursement de la dette à des dates qui correspondent à celles de fin de la concession, à l’exception de la SAPN qui ne pourra rembourser les avances de la SANEF. Celle-ci est toutefois en mesure de couvrir les dettes de la SAPN. Selon les études-bilan, si la situation avait permis à la SAPN d’équilibrer par elle-même ses comptes, le résultat de la SANEF en fin de concession aurait été de 6,8 milliards de francs.

La SANEF devra procéder à un abandon de créance d’un

montant de 3,3 milliards de francs correspondant au principal des avances non encore remboursées par la SAPN à la fin de la concession et constater, de surcroît, une perte de 267 MF sur la valeur des titres de participation qu’elle détient sur la SAPN, ce qui réduira son résultat cumulé après impôt à 2,2 milliards de francs à fin 2016.

La société des ASF joue le rôle d’amortisseur du système

autoroutier. Sa trésorerie après remboursement de toutes les avances et le financement des sections nouvellement concédées deviendrait, selon l’étude bilan 1997, excédentaire à partir de 2007 pour atteindre en 2019 en cumul 14 050 MF courants (10 105 MF valeur 1998).

Page 256: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 256

Date de fin de

concession

Date de remboursement de la dette totale

Date de résorption des

charges différées

Solde de trésorerie avant impôt en fin de

concession (MF courants)

AREA

2017

2017

2014

2 428

SAPRR ESCOTA

2017 2014

2017 2014

2015 2014

6 200 2 805

ASF 2019 2019 2015 14 050

SAPN 2016 non remboursée en fin de

concession (4 275 MF)

charges non résorbées en 2016 (4 546

MF)

-

Si on raisonne en termes de consolidation globale de

l’endettement, les simulations escomptent que la dette en capital atteindrait près de 150 milliards de francs pour les six principales SEMCA et serait tout juste résorbée en 2019 (voir graphique en page XI du cahier couleur)130.

Ceci à la double condition impérative que :

- l’on s’en tienne aux projets de construction des sections nouvelles inscrites dans le champ des concessions au 31 décembre 1997 sans poursuivre par adossement l’achèvement du schéma directeur (ce qui exclut notamment la réalisation de l’A 28 par la SAPN, de l’A 8 bis et du tronçon central de l’A 51 par ESCOTA) ;

- et que les prélèvements sur les SEMCA ne soient pas augmentés (hypothèse du maintien des taux de la TAT et de la redevance pour occupation du domaine public à leurs niveaux actuels).

130 Soit 148,7 milliards de francs en 2004 selon les simulations dites WO qui reprennent les hypothèses des études-bilans pour 1997 hormis le régime de TVA (hypothèse d’un maintien au taux de 20,6 % au-delà de 1999 avec pour conséquences un surcoût pour les investissements et une baisse de la recette de péage nette).

Page 257: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 257

Hypothèses générales des études bilan 1997

Dérive générale des prix

Les taux annuels hors tabac (i) sont estimés à : 1,3 % pour les années 1997 à 1999 ; 2,0 % pour les années ultérieures.

Caractéristiques des emprunts “ construction ”

Les taux des intérêts sont estimés pour 1997 et au-delà à i + 5 % pour les emprunts in fine à 10 ans avec une majoration de 0,05 % par année au-delà de 10 ans. Les durées et les différés seront adaptés suivant la situation de chaque SEMCA.

Dépenses de fonctionnement (hors TVA)

Les charges d’exploitation hors dépenses de personnel varieront de (i + 0,5 t) % ; les dépenses de personnel de (i + 1 + 0,5 t) %

(i : taux d’inflation - t : taux d’évolution du trafic) Les taux d’évolution mentionnés ci-dessus sont présentés en moyenne et peuvent être différents d’une société à l’autre.

Evolution du trafic

- Réseau en service : 1997 à 2000 : taux d’évolution retenu dans les études bilan ; 2001 à 2010 : croissance linéaire pour atteindre le trafic estimé en 2010 par le SETRA (réactualisée en cas de trafic constaté plus faible que prévu) ; au-delà : + 1,5 % (base 1993).

En moyenne, l’évolution du trafic global (toutes sections confondues) est estimée à + 2 % par an (+ 1,9 % de hausse du trafic en moyenne mobile constatée au 1er novembre 1997).

- Sections nouvelles : années 1 et 2 : + 8 % base estimation année 0 ; années 3 à 5 : + 5 % base estimation année 0 ; au-delà : même croissance que sur section en service pour atteindre en 2010 le trafic prévu par les SETRA. Toutefois, et dans la mesure du possible, ces taux de croissance sont corrigés en fonction des caractéristiques propres de chaque section : section isolée, complétant une liaison ou créant un maillage, etc...

Tarifs

On retient par société les évolutions arrêtées pour les contrats de plan (corrigées du taux de hausse additionnel compensant pour partie l’augmentation de la TAT) et 80 % de i au-delà avec une variante à 100 % de i.

Investissements

Programme de construction limité aux sections déjà concédées au 31 décembre 1997, soit la construction de 1 207,5 km dont plus de la moitié (674 km à la charge d’ASF).

Page 258: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 258

La situation apparaît cependant très tendue. Même si l’on excepte la SAPN, la marge de sécurité de trois ans avant la fin de la concession fixée pour la résorption des charges différées n’est plus respectée pour plusieurs sociétés et en particulier pour ESCOTA qui résorberait ses charges différées l’année même de fin de concession.

Par ailleurs, ces prévisions font abstraction de l’endettement

de la SFTRF qui s’élevait à plus de 7,7 milliards de francs fin 1997. Les perspectives de remboursement de sa dette par l’ATMB, jusqu’alors favorables, sont à reconsidérer pour tenir compte des conséquences de l’incendie de mars 1999.

Dans le passé, les études présentées au FDES en 1986 par

l’union des sociétés d’autoroutes à péages (USAP) prévoyaient que la trésorerie de l’ensemble du système autoroutier redeviendrait positive vers 1996-1997 et que l’excédent cumulé pourrait atteindre 12 milliards de francs en l’an 2000 et 20 milliards de francs en 2010 époque alors fixée pour la fin des concessions. Mais la Cour avait relevé au rapport public de 1986 que : “ de telles perspectives (pouvaient) paraître encourageantes et renforcer le sentiment qu’il (suffirait) aujourd’hui de différer comptablement les charges des sociétés concessionnaires et d’assurer leur refinancement pour leur permettre de passer un cap difficile. Ce serait oublier qu’elles reposent sur des hypothèses fragiles ... Ainsi une dérive apparemment réduite des hypothèses actuellement formulées sur l’avenir du secteur autoroutier suffirait à retarder pour de nombreuses années son retour à l’équilibre ”.

Cette observation sur la fragilité des hypothèses vaut tout

autant aujourd'hui. Le montant de la dette et les délais de remboursement sont très sensibles aux hypothèses d’évolution du trafic, des tarifs de péage, des coûts de construction et d’exploitation, de taux d’intérêt, de taux d’inflation et de croissance du PIB.

Or, comme on l’a noté à propos des perspectives de

croissance économique et d’augmentation du trafic routier, ces hypothèses sont d’autant plus aléatoires qu’elles portent sur un horizon lointain. Les perspectives de remboursement de la dette des sociétés d’autoroute se fondent sur des hypothèses “ moyennes ” validées par les autorités de tutelle. La Cour ne peut que regretter que des études de sensibilité n’aient pas été menées sur la base de

Page 259: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 259

scénarios contrastés d’évolution des paramètres économiques131 alors même que le directeur du Trésor et le directeur du Budget reconnaissent l’existence “ d’incertitudes importantes liées à la définition de telles hypothèses sur des durées aussi longues et avec des paramètres corrélés (croissance économique avec l’inflation et les trafics, l’inflation avec les tarifs, les tarifs avec les trafics) ... ”

La direction des routes indique dans ses réponses à la Cour

que “ le rythme d’investissement du secteur autoroutier concédé doit être réduit pour assurer la viabilité financière des sociétés concessionnaires ”. Les simulations financières ci-dessus se fondent sur la limitation des investissements aux seules sections concédées au 31 décembre 1997. Dans l’hypothèse où serait maintenue la décision d’accélérer la réalisation du programme autoroutier avec l’engagement de l’ensemble du programme autoroutier d’ici 2003, soit un montant d’investissement, hors investissements complémentaires sur autoroutes en service, de 116 milliards de francs sur la période 1997-2003 (en F courants 1997 HT), la dette des six principales SEMCA atteindrait un maximum de 215 milliards de francs en 2016 selon les études “ extension ” réalisées en 1997. Cependant, si l’on élargit le champ des concessions à de nouvelles sections, le remboursement de la dette devient très aléatoire car il dépend encore plus de l’évolution des différents paramètres économiques, imprévisible à un horizon aussi éloigné. Au demeurant, une telle hypothèse ne paraît plus envisageable, compte tenu du nouveau contexte juridique qui ne devrait plus permettre la poursuite de l’adossement par allongement des concessions.

Lors de la séance du 22 octobre 1998 de l’Assemblée

nationale, le ministre de l’équipement, des transports et du logement a indiqué que “ le gouvernement n’avait jamais remis en cause le schéma directeur autoroutier ”. Mais, ajoutait-il, “ la poursuite de ce programme devrait désormais tenir compte des évolutions juridiques tant au niveau national qu’au niveau européen ”. La charge de la poursuite du programme autoroutier, au cas où elle serait confirmée par les futurs schémas de service, portera donc désormais non sur la dette des sociétés concessionnaires mais directement sur le budget de l’Etat.

En toute hypothèse, compte tenu de l’ampleur de la dette

globale des sociétés concessionnaires d’autoroute qui a un caractère

131 Les scénarios établis ne diffèrent que sur les hypothèses de durée de concession de régime de TVA et de calendrier de paiement de l’impôt sur les sociétés.

Page 260: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 260

“ para-public ”, il serait souhaitable que le Parlement fût régulièrement informé de la situation du secteur autoroutier. Un “ jaune budgétaire ” qui exposait l’activité du FDES en 1993 et 1994 avait été présenté à l’appui du projet de loi de finances pour 1995. Il est regrettable que cette initiative n’ait pas été reconduite.

Page 261: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 261

En effet, alors qu’en principe les risques devraient être supportés par les capitaux propres des sociétés, le faible montant de ceux-ci conduit, par le jeu des clauses de garantie des contrats de concession à faire porter sur l’Etat concèdant les conséquences des défaillances éventuelles des SEMCA.

SECTION IV - LE PROJET DE REFORME DU SYSTEME

AUTOROUTIER L’évolution du contexte juridique et la nécessité de maîtriser

l’endettement des SEMCA imposent une réforme du système autoroutier. Celle-ci se justifie d’autant plus que les mécanismes dérogatoires, mis en place dans les années 60 pour permettre à la France de bâtir rapidement un réseau autoroutier et de rattraper son retard par rapport à ses voisins européens, ne sont plus adaptés. Comme le soulignait en 1996 un rapport d’expert au Commissariat général au plan, le fonctionnement financier des SEMCA “ révèle très bien leur véritable nature. Il s’agit d’entités constituant le bras séculier de l’Etat dans la réalisation d’un réseau autoroutier avec une option fondamentale de base : le financement doit être payé par l’usager et non par le contribuable. Compte tenu de la garantie de l’Etat, elles pourront réaliser leurs projets tant qu’elles ne se heurteront pas à une contrainte d’endettement. Chacune d’entre elles apparaît plutôt comme une coquille juridique à l’intérieur de laquelle ont été logés des projets géographiquement circonscrits ”. Les SEMCA se voyaient assigner des objectifs de construction d’un réseau et le produit des péages avait vocation à être réinvesti dans l’extension du réseau. Sur 100 F de péages, 55 sont ainsi utilisés à payer les charges des emprunts contractés pour financer de nouvelles sections, 25 F sont affectés à l’entretien et à l’exploitation du réseau, 19 F aux impôts et taxes et 1 F à l’autofinancement.

Comme on l’a vu, la problématique routière a changé et la

perpétuation du système nuit à la transparence et à la rationalité des choix d’investissement. Ainsi que le reconnaît le ministre de l’équipement, des transports et du logement132, “ force est de constater que ce système rencontre de sérieuses difficultés et ce d’un double point de vue. Les premières difficultés touchent à l’équilibre financier des sociétés concessionnaires d’autoroutes. L’accélération du schéma autoroutier de 1994 s’est traduite par des tensions financières dans certaines sociétés pour lesquelles un adossement supplémentaire entraînerait des difficultés parfois insurmontables.

132 Sénat - Séance du 29 Octobre 1998 - Réponse à une question orale.

Page 262: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 262

Les autres difficultés sont d’ordre juridique. Les directives communautaires obligent, en effet, à revoir le mode d’attribution des nouvelles concessions à un moment où la transparence des choix d’investissements publics se fait plus exigeante ... . En outre, la facilité de financement procurée par la technique de l’adossement a conduit à certains choix d’investissements qui peuvent être contestables et qui ont abouti à un système à deux vitesses dans lequel les ressources financières étaient sans commune mesure entre le réseau concédé et non concédé, d’une part, et entre les travaux neufs et les travaux d’entretien, d’autre part ”.

Le gouvernement français a décidé, en conséquence, de

réformer le système autoroutier selon les principes directeurs suivants, qui ont été communiqués à la Commission de l’Union européenne :

- “ inscrire le financement, la réalisation et l’exploitation de son réseau autoroutier dans le cadre du partenariat public-privé ;

- organiser une mise en concurrence transparente et non discriminatoire pour l’attribution des concessions des nouvelles sections autoroutières ;

- assurer une plus grande neutralité des choix entre types d’investissement et entre modes de transport ”.

Pour respecter pleinement les principes de transparence et

de concurrence issus du droit européen, le gouvernement français ne recourerait plus au système d’adossement “ sous sa forme actuelle ” mais ferait “ appel à des aides publiques nécessaires à l’équilibre financier des futures concessions d’autoroutes notamment sous forme de subventions ”.

En effet, “ dans le système actuel d’attribution de nouvelles

sections autoroutières, les conditions ne sont pas remplies pour favoriser la mise en concurrence entre sociétés publiques et privées ; la pratique de l’adossement et du contrat de concession unique, avantage les sociétés qui disposent déjà d’un réseau concédé important et les méthodes comptables des SEMCA leur permettent de présenter des offres ayant des contraintes de rentabilité plus faibles que celles des sociétés privées ”.

Page 263: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 263

I. - LES MESURES ENVISAGEES

A. - LA SUPPRESSION DE LA GARANTIE DE L’ETAT ET DES CHARGES DIFFEREES

Les sociétés ne bénéficieraient plus de la garantie de l’Etat

mais, en contrepartie, elles devraient recevoir des capitaux propres plus importants et pouvoir compter sur une durée de concession adaptée aux risques.

Le système des charges différées serait supprimé afin

d’instaurer un régime comptable de droit commun. Pour ce faire, il est envisagé de revoir les règles comptables du calcul de provisions pour amortissement de caducité employées par les SEMCA, qui ont été calculées jusqu’en 1991 sur la durée des emprunts et depuis lors sur les durées de concession en vigueur à la date de l’investissement. Le recalcul historique de l’amortissement des autoroutes par changement de méthode comptable lié à la suppression des charges différées doit ainsi permettre d’en supprimer le stock actuel soit, au 31 décembre 1997, 37,1 milliards de francs.

La direction du Trésor présente le bilan simplifié des six

SEMCA, avant et après suppression et résorption du stock de charges différées, de la façon suivante :

Avant Après

Actif Passif Actif Passif

Charges différées

37,1 milliards de

francs

Fonds propres

6,5 milliards de francs Provisions pour

amortissements de caducité 79,2 milliards de

francs

Charges différées

0

Fonds propres

16,9 milliards de francs Provisions pour

amortissement de caducité 31,8 milliards de

francs

Le comité d’urgence du Conseil national de la comptabilité a

donné son accord de principe à cette réforme, considérant que “ la suppression des charges de structure différées (constituées des provisions pour amortissement de caducité et de frais financiers) est une méthode améliorant l’information financière ”.

Cependant le recalcul historique des amortissements de

caducité ne permet pas d’obtenir pour chaque société des capitaux propres positifs après suppression des charges différées. Selon les simulations les sociétés ESCOTA, AREA ainsi que la SAPN à partir de 2002 verraient leurs fonds propres devenir négatifs.

Page 264: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 264

B. - L’ALLONGEMENT DE LA DUREE DES CONCESSIONS Surtout, la réforme envisagée est subordonnée à un

allongement réputé “ ultime ” de la durée des concessions, indispensable au recalcul des amortissements car il permet de les étaler dans le temps et d’éviter aux SEMCA d’enregistrer des pertes que leur niveau de fonds propres ne leur permettrait pas de couvrir.

La mise en oeuvre de la réforme est donc conditionnée par

l’accord de la Commission européenne sur un allongement important de la durée des concessions. Des négociations sont en cours sur la base d’une demande d’allongement jusqu’en 2040.

La France fait valoir que la durée actuelle de concession des

SEMCA est inférieure à celle de la société COFIROUTE dont le terme est fixé à 2030 soit une différence de 11 à 16 ans avec les SEMCA. En effet, comme on l’a vu, dans la logique du système qui a eu cours jusqu’ici, l’Etat a fixé “ au plus juste ” sans prendre en compte la durée de vie des investissements, l’équilibre de la concession “ afin d’éviter la création d’une rente et d’encourager les efforts de gestion du concessionnaire ”, seule contrainte externe puisque les SEMCA n’étaient pas soumises à des contraintes de rentabilité financière et au versement de dividendes. Selon le ministère des finances, l’allongement de la durée des concessions, nécessaire à la suppression des charges différées, permettrait de restaurer la rentabilité des SEMCA afin de dégager des profits soumis au régime de l’impôt sur les sociétés, dont le produit viendrait abonder le budget général. Avec un allongement des durées de concession jusqu’en 2040, le montant des dividendes versés par les SEMCA s’établirait en 1999 à 1,6 milliards de francs soit 10 % de leurs capitaux propres et 6 % de leur chiffre d’affaires. A titre de comparaison, les dividendes versés par COFIROUTE au titre de l’exercice 1997 représentaient, ainsi qu’il a été relevé précédemment, 14 % de ses fonds propres et 9 % de son chiffre d’affaires. Cet écart reflète la différence de rentabilité des réseaux respectifs de COFIROUTE et des SEMCA.

C. - LE PASSAGE A LA TVA DE DROIT COMMUN

Le retour du secteur autoroutier au droit commun se traduirait

aussi dans le domaine fiscal. Si le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie n’envisage de supprimer ni la taxe d’aménagement du territoire ni la redevance domaniale, il indique “ qu’à l’avenir, l’application d’une fiscalité de droit commun pour les sociétés concessionnaires devra toutefois être préférée à de nouveaux prélèvements spécifiques ”. Surtout, le régime de TVA va, selon toute vraisemblance, devoir être modifié. La Commission

Page 265: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 265

européenne a, en effet, engagé en juillet 1997 devant la Cour de justice des communautés européennes une procédure en manquement à l’encontre de l’Etat français visant à faire constater la non conformité à la sixième directive de ce régime spécifique de TVA. La décision de la Cour pourrait intervenir en 1999.

Le régime de TVA applicable aux sociétés concessionnaires d’autoroutes Les sociétés concessionnaires d’autoroutes sont actuellement soumises

à un régime de TVA spécifique issu des dispositions de l’article 109 de la loi de finances pour 1984. Ce régime est fondé sur le principe que les sociétés concessionnaires agissent pour le compte de l’Etat pour construire l’autoroute et collecter les péages. Substituées à l’Etat, elles ne récupèrent pas la TVA sur la construction. Par ailleurs les péages sont perçus pour le compte de l’Etat et ne sont donc pas assujettis à la TVA. Seule la part des recettes servant à couvrir d’autres charges que les charges de construction est assujettie à la TVA. Celle-ci n’est donc pas assise sur le chiffre d’affaires des sociétés (la totalité des recettes de péages), mais sur leur “ rémunération ” c’est-à-dire sur la fraction des péages qu’elles conservent en contrepartie des prestations de construction et de gestion des autoroutes.

Actuellement, pour la plupart des concessionnaires le montant cumulé des charges de construction et des dépenses d’exploitation des autoroutes dépasse le montant cumulé des recettes de péage. Ce régime est donc remplacé par un régime transitoire : tant que le montant cumulé des péages est inférieur au montant cumulé des dépenses de financement et des charges d’exploitation, la taxe est due sur la fraction des recettes de péages correspondant au rapport entre les charges d’exploitation et le total des dépenses.

La conséquence de l’application de ce régime particulier est que les sociétés concessionnaires n’ont ni la possibilité de déduire la TVA qui a grevé la construction de l’autoroute, ni la faculté de facturer aux usagers des ouvrages la taxe acquittée par elles. Ainsi, les usagers professionnels et principalement les poids lourds ne peuvent pas récupérer la TVA sur les péages.

Le passage au régime de TVA de droit commun modifierait profondément les conditions d’exercice des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Les péages incluraient une fraction de TVA dont les usagers assujettis, redevables de la TVA sur les péages, auraient le droit de demander le remboursement. Les sociétés concessionnaires d’autoroutes deviendraient collectrices de TVA pour l’Etat. Toutefois, malgré le principe de neutralité de cet impôt, elles ne pourraient vraisemblablement pas augmenter l’ensemble de leurs tarifs de la valeur de la TVA, compte tenu de l’élasticité de la demande des usagers au prix des péages. Le changement de régime de TVA entraînerait donc pour celles-ci une perte d’exploitation. En revanche, les sociétés concessionnaires, qui actuellement ne récupèrent pas la TVA grevant les travaux de construction ou les investissements complémentaires, pourraient désormais bénéficier à ce titre du remboursement de cet impôt. En ce qui concerne le droit à remboursement sur les travaux de construction pour les années antérieures au changement de régime de TVA, le crédit d’impôt auquel pourraient prétendre les sociétés concessionnaires dépend des options juridiques qui seront finalement retenues, une fois connus les termes de l’éventuelle condamnation de la France par la Cour de Luxembourg.

Page 266: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 266

L’impact d’un changement d’un régime de TVA sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes variera fortement selon les solutions juridiques qui seront retenues par le juge et par l’administration, selon la politique tarifaire qui sera appliquée et selon la date à laquelle interviendra cette évolution.

En tout état de cause, le changement de régime de TVA

constituera un manque à gagner important pour l’Etat qui sera désormais tenu de reverser la TVA grevant les investissements et les péages. A niveau d’investissement constant, ce manque à gagner s’élèverait à quelque deux milliards de francs.

II - LES INCERTITUDES DE LA REFORME ET SES

CONSEQUENCES Conditionnée par la réponse de la Commission européenne à

la demande française d’allongement de la durée des concessions, la réforme reste incertaine dans son principe et ses modalités notamment financières. Un refus placerait la France dans une position difficile car il lui faudrait néanmoins satisfaire aux obligations que l’évolution du droit européen lui impose. Un allongement moindre que celui qui est sollicité aurait des répercussions financières sensibles qui péseraient sur les résultats des SEMCA et, au-delà, sur le dénouement financier de l’ensemble des opérations en cours et projetées.

La réforme devrait permettre des choix d’investissements plus

rationnels puisqu’ils ne seront plus biaisés par le critère du mode de financement. Serait ainsi mis fin au sein du monde routier au traitement séparé du réseau concédé et du réseau non concédé. Plus largement, la suppression des facilités de financement du système autoroutier devrait être l’opportunité de rationaliser les choix d’investissement dans une approche intermodale.

Mais les changements projetés auront aussi une incidence

sur le budget des routes. En effet, s’il choisit désormais de construire de nouvelles autoroutes non rentables, l’Etat devra assurer une part importante de leur financement par des subventions d’un montant élevé qui grèveront le budget du ministère de l’équipement et risquent de compromettre la priorité affichée de remise à niveau des moyens consacrés à l’entretien du réseau national non concédé et à la sécurité routière.

Page 267: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 267

En francs courants 292,7 milliards de francs ont été, de 1989 à 1997, consacrés au réseau routier national en termes de moyens d’engagement.

Cette somme se répartit ainsi :

en milliards de francs Autoroutes concédées Réseau national non

concédé Total : Investissements Entretien et exploitation

151,5 (51,8 %) 123,1 28,4

141,2 (48,2 %) 113,9 (1) 27,3 (2)

(1) dont 57,8 milliards de francs en provenance de l’Etat (soit 50 %) (2) entièrement financé par l’Etat

Pendant la même période, l’ensemble des moyens s’est accru

en francs courants de 25,8 milliards de francs à 38,2 milliards de francs soit une hausse de 48,5 %. Mais tandis que les ressources consacrées aux autoroutes concédées ont augmenté de 100 % passant de 11,5 à 23 milliards de francs, les crédits consacrés au réseau national non concédé n’ont augmenté que de 10,8 % variant de 14,3 à 15,2 milliards de francs. Ainsi, en neuf ans, les parts respectives du financement des autoroutes concédées et du réseau national non concédé, investissement et entretien compris, se sont inversées passant de 44,6 % et 55,3 % en 1989 à 60,2 % et 39,8 % en 1997. En 1998, les moyens financiers consacrés au réseau national ont été de 35,5 milliards de francs dont 8,9 financés sur le budget de l’Etat, 21,9 par les sociétés concessionnaires d’autoroutes et 4,7 par les fonds de concours des collectivités territoriales.

A. - L’ENTRETIEN DU RESEAU NATIONAL NON CONCEDE Ainsi que la Cour l’avait déjà souligné en 1992133, la politique

routière a dissocié l’entretien et l’exploitation de l’investissement, contrairement aux principes fixés par la LOTI. Compte tenu des priorités accordées à l’investissement, l’effort accompli pour entretenir le réseau national non concédé, qui compte quelque 29 600 km et 20 200 ponts, a particulièrement été affecté par cette évolution depuis l’arrêt en 1988 du programme de renforcement coordonné des chaussées. Ainsi, les crédits programmés en 1997, soit 3,2 milliards de francs en budget exécuté, sont inférieurs de 29 % au montant atteint en 1988 alors que les surfaces à entretenir ont augmenté de 11 % et le trafic de 22 % (voir cahier couleur page X).

133 Rapport public particulier 1992 p. 28.

Page 268: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 268

Le tableau de l’annexe 17 retrace l’évolution des dépenses d’entretien et de grosses réparations sur ce réseau y compris sur les autoroutes non concédées. Il fait apparaître qu’en francs constants (valeur 1997) les dépenses ont diminué de 4,5 % entre 1980 et 1997 avec néanmoins une remontée à partir du point bas atteint en 1992.

La direction des routes s’est dotée d’un dispositif d’évaluation

technique de l’état du réseau national qui permet d’apprécier de façon quasi-exhaustive l’état des chaussées (image qualité du réseau national IQRN) depuis 1992 et des ouvrages d’art (image qualité des ouvrages d’art IQOA) depuis 1994 tandis qu’un dispositif analogue est en cours d’étude pour les dépendances et équipements (IQDE). Selon les données ainsi recueillies, 15 % du linéaire de chaussée présenterait des défauts de structure grave nécessitant un renforcement lourd. Par ailleurs, si 76 % des ouvrages d’art ont une structure en bon état, 66 % nécessiteraient un entretien spécialisé dont 37 % de manière urgente, soit au titre de la sécurité des usagers, soit pour prévenir un développement rapide de désordres de la structure ; 21 % des ouvrages présenteraient des défauts de structure, dont 6 % de manière grave et nécessitant des travaux de réparation urgents liés à l’insuffisance de capacité portante de l’ouvrage. Il est par ailleurs à noter que, selon les résultats de l’enquête REAGIR sur les causes d’accidents, 24 % des 20 000 accidents mortels analysés entre 1983 et 1996 comportaient un facteur touchant à l’entretien et à l’exploitation de l’infrastructure.

La direction des routes estime que la dotation annuelle du

programme d’entretien courant des chaussées et dépendances est “ insuffisante d’environ 600 MF pour permettre l’application sur l’ensemble du réseau de la politique d’entretien préventif indispensable pour garantir le maintien du niveau de confort et de viabilité (en particulier le classement hors gel) et la sécurité des usagers et éviter ultérieurement de coûteuses dépenses de renforcement des chaussées ”. Elle évalue les besoins de financement à 7 milliards de francs pour la réhabilitation des chaussées et autant pour celle des ouvrages d’art ce qui représente environ 1 milliard de francs par an pendant 15 ans soit ce qui avait été dépensé annuellement dans le cadre du programme de renforcement cordonné mené jusqu’en 1988.

Compte tenu de la dégradation des chaussées et ouvrages

d’art et de l’accroissement des coûts de réhabilitation, le risque est grand pour l’Etat de devoir rattraper dans des proportions importantes le sous-entretien du passé. Ainsi, comme le souligne la direction des routes, “ c’est plus de 20 milliards de francs que l’Etat a dû consacrer

Page 269: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 269

dans les années 70 et 80 à la remise en état du réseau pour remédier au sous-entretien de la période précédente ”.

Les lois de finances pour 1998 et 1999 marquent toutefois un

infléchissement de la politique routière en faveur d’une meilleure prise en compte de l’entretien du réseau. La priorité affichée par le ministère est désormais l’entretien et la remise à niveau du réseau existant. Pour l’exercice 1998, les moyens d’engagement consacrés à l’entretien ont progressé de 9,9 % en AP et de 4,2 % en CP grâce à une contribution du FITTVN qui a, pour la première fois, alloué 83 MF pour la réhabilitation du réseau national. Cependant, les dépenses, après avoir augmenté en 1997, ont stagné en 1998 malgré la contribution du FITTVN. En loi de finances initiale pour 1999, les dotations pour les programmes d’entretien, de réhabilitation et de mise en sécurité du réseau augmentent de 6,2 % en moyens d’engagement et de 4,8 % en moyens de paiement. Elles s’établissent à 3,472 milliards de francs si l’on intègre les dotations des comptes d’affectation spéciale. Les crédits votés pour l’entretien retrouvent ainsi le niveau de 1990. Un effort spécifique est prévu pour les actions de réhabilitation et de renforcement des chaussées et des ouvrages d’art qui progressent de 18 % s’établissant à 715 MF y compris les crédits en provenance des comptes d’affectation spéciale. Le FITTVN a contribué à nouveau pour 83 MF. De surcroît, en 1999 et pour la première fois, le FARIF contribue lui aussi aux dépenses d’entretien pour 70 MF.

B. - LA SECURITE ROUTIERE

Le coût des accidents de la route pour la collectivité est

estimé à 188 milliards de francs pour 1997. Comme on l’a vu, la responsabilité première de ces accidents ne relève pas des infrastructures mais du comportement des conducteurs. Pour autant, les moyens alloués par l’Etat au budget de la sécurité routière ont fortement baissé sur longue période.

Les taux d’évolution du budget de la sécurité routière (en

dépenses constatées) ont été inférieurs à ceux du budget général. Globalement, les dépenses du budget de la DSCR se situent ainsi très largement en dessous du cadrage de la loi quinquennale sur le redressement des finances publiques en 1995 et 1996.

Taux d’évolution 1995 1996

Cadrage Loi quinquennale Budget de la sécurité routière

+ 0,5

- 19,85

+ 1,8

-2,56

Page 270: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 270

Les crédits inscrits en lois de finances initiales pour la sécurité et la circulation routière ont fortement baissé de 1992 à 1997. Les moyens de paiement (dépenses ordinaires plus crédits de paiement) sont passés de 615,7 MF à 429,86 MF (- 69,8 %) tandis que les autorisations de programmes régressaient de 388,1 MF à 175 MF 54,9 %). Qui plus est, les crédits sont affectés, au titre des mesures de régulation budgétaire, par des annulations importantes qui, par exemple pour 1997, ont représenté en pourcentage des mesures nouvelles 19,3 % des autorisations de programme et 14,2 % des crédits de paiement et se sont élevés à 33,84 MF pour les dépenses ordinaires alors même que les mesures nouvelles étaient négatives (- 9,26 MF).

La baisse des crédits disponibles a toutefois été enrayée en

1996 et 1997 grâce à l'augmentation des rattachements de fonds de concours (+ 220,8 % en 1996, + 132,9 % en 1997) qui a fait plus que compenser la poursuite de la baisse des crédits ouverts en LFI. Les rattachements de fonds de concours se sont ainsi élevés à 135,18 MF en 1997. Comme c’est le cas pour les investissements routiers, une grande partie, soit 44 %, des dépenses d’investissement de la direction de la sécurité et de la circulation routière sont désormais financées par des concours extérieurs (collectivités territoriales 83,7 %, fonds structurels de l’Union européenne 10,3 %, SEMCA 6 %) qui “ compensent ” la réduction des crédits budgétaires dans le cadre de procédures contractualisées 134.

Pour autant, la situation demeure peu satisfaisante. C'est

ainsi, en particulier, que la direction de la sécurité et de la circulation routière (DSCR) ne pouvait depuis plusieurs années s'engager à lancer que deux campagnes de communication par an au lieu des trois prévues pour couvrir les grands flux de trafic liés aux vacances de printemps, d’été et d’hiver (chapitre 37-45). De surcroît, les objectifs en matière d'exploitation de la route ne sont pas atteints. Selon la DSCR, la maintenance et le fonctionnement relatifs à l'exploitation de la route n'ont été financés qu'à hauteur de 74 % des objectifs pour les équipements de sécurité, de 78 % pour les opérations contractualisées, de 32 % pour les équipements de gestion du trafic (stations de comptage, caméras, limiteurs de vitesse), de 61 % pour l'ensemble du parc. Sur un quart des autoroutes non concédées et des voies rapides, par exemple, les

134 Huit opérations ont ainsi été contractualisées dans le cadre des contrats de plan Etat-régions (systèmes d’exploitation des voies rapides urbaines en Ile-de-France, à Lyon, Marseille, Toulouse, Lille, Bordeaux, Metz-Nancy).

Page 271: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 271

postes d'appel d'urgence sont vieux de plus de quinze ans et que leur fonctionnement ne peut pas être garanti. La direction de la sécurité et de la circulation routière souligne en effet “ qu’au-delà de quinze ans d’âge, il devient impossible de garantir le fonctionnement du matériel d’exploitation routière (poste d’appel d’urgence, contrôleurs de carrefours, panneaux à messages variables, capteurs de trafic ...) car il fait largement appel à l’électronique. Or d’une part l’industrie automobile ne fabrique plus les composants d’une génération aussi ancienne, d’autre part les agressions de l’environnement de la route (corrosions, chocs, les mettent à dure épreuve) ”. De même, les crédits disponibles ne permettent pas de renouveler les matériels de signalisation au rythme nécessaire.

Lors du comité interministériel de sécurité routière du

26 novembre 1997, le gouvernement a annoncé que la sécurité routière devenait une priorité de son action et s’est assigné pour objectif de réduire de moitié en cinq ans le nombre de tués sur la route. Un plan de 25 mesures portant principalement sur le renforcement de la répression des infractions routières et sur l’amélioration de la formation à la conduite et à la sécurité routière a été annoncé. Un an plus tard seulement trois de ces mesures avaient été mises en œuvre : diffusion d’un CD ROM sur la sécurité routière dans les écoles et les établissements scolaires, création d’une contravention de cinquième classe pour les vitesses excédant de plus de 50 km/h la limite réglementaire (décret du 26 mars 1998), introduction dans le code de la route de mesures destinées à améliorer les conditions de circulation des cyclistes (décret du 16 septembre 1998). Une loi relative à la sécurité routière vient d’être votée. Elle institue notamment un délit de très grande vitesse.

Les crédits votés en LFI pour la sécurité et la circulation

routière ont été augmentés en 1998 et 1999 passant, en moyens de paiement, de 429,86 MF en 1997 à 438,4 MF en 1998 et à 455,2 MF en 1999. Cependant que les dotations en autorisations de programme s’élèvent à 184 MF en 1999 en baisse de 1,7 % par rapport à 1998. Le budget de la sécurité routière pour 1999, en hausse de 4 % marque une inflexion des priorités en faveur des initiatives locales, des actions en milieu scolaire et de la communication nationale. La délégation interministérielle à la sécurité routière devrait ainsi pouvoir retrouver en 1999 le rythme de trois campagnes nationales de communication par an. Cependant, comme le relève le rapport précité de la commission du Sénat, “ les dotations budgétaires affectées aux campagnes nationales ont été divisées par trois en termes réels depuis vingt cinq ans, à moins de 30 MF pour 1999, soit l’équivalent pour la collectivité de huit vies sauvées sur la route, alors même que le coût réel des campagnes était par ailleurs multiplié par trois ”. Ces

Page 272: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 272

dotations sont sans commune mesure avec la valorisation de la vie humaine retenue par la direction des routes pour le calcul du bilan coûts-avantages des projets autoroutiers, soit en francs, 1994, 3,7 MF pour un tué, 381 000 F pour un blessé grave, 81 000 F pour un blessé léger135. La sécurité routière apparaît ainsi prise en compte de façon inégale selon les réseaux.

Au demeurant l’amélioration des infrastructures et les actions

d’information ne sauraient être efficaces si elles ne s’accompagnent pas de contrôles renforcés tant sur les routes que les autoroutes.

Les facilités de l’adossement ont incité à la réalisation

d’autoroutes sur des liaisons pour lesquelles, comme on l’a vu, des projets routiers à caractéristiques réduites auraient bien souvent suffi à répondre aux besoins. Les contraintes budgétaires ont ainsi conduit à privilégier des investissements plus coûteux mais financés par des emprunts garantis par le produit des péages. Si ces investissements n’ont pas pesé sur le budget de l’Etat, ils n’en constituent pas moins, comme le relevait la Cour dans son rapport public de 1990, une affectation inappropriée de l’épargne.

Si la réforme du secteur autoroutier se traduit dans les faits et

dans l’hypothèse où l’Etat déciderait de poursuivre ou d’entreprendre des projets de sections non rentables pour lesquelles il lui reviendrait donc de verser d’importantes subventions d’équilibre, il est à craindre qu’il n’en résulte des charges telles que soient menacés les crédits d’entretien et de sécurité routière. Il apparaît donc indispensable de mettre en place une gestion coordonnée pour utiliser au mieux les infrastructures existantes et de veiller au bon dimensionnement des infrastructures routières nouvelles au vu d’une analyse réaliste des

135 Cette évaluation monétaire est fondée sur la méthode du “ capital humain compensé ”. Elle consiste à évaluer la perte nette de production actualisée pour les tués ou les blessés graves à laquelle s’ajoute une évaluation des coûts marchands directs (frais médicaux, coûts matériels) et des coûts non marchands) pretium doloris, préjudice esthétique et d’agrément pour les blessés et préjudice moral pour les décès. Ces valeurs monétaires sont celles recommandées par le rapport du groupe de travail du Commissariat général au plan présidé par M. Boiteux. Elles sont revalorisées comme la consommation finale des ménages. Les avantages de sécurité représentent, par exemple, 11,6 % des avantages socio-économiques de l’A 75 à l’horizon de 1996, tels que calculés dans le dossier d’APS.

Page 273: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 273

coûts et des perspectives de trafic en comparant systématiquement les différents types de solutions.

Ainsi, la réforme du secteur autoroutier pourrait être, enfin,

l’occasion de définir et mettre en oeuvre la politique routière globale qui fait aujourd’hui défaut. Celle-ci devra elle-même s’inscrire dans une réflexion intermodale. En 1996, un rapport du conseil national d’aménagement et de développement du territoire136 concluait déjà que compte tenu des contraintes financières, “ il (fallait) réexaminer les principaux projets et leur justification économique afin de recréer une marge de manoeuvre et de redonner souffle et cohérence à notre politique de transport .... ” (et ce, y compris certaines opérations ayant déjà fait l’objet de décisions de principe). Ce constat est plus que jamais d’actualité et les projets devront être reconsidérés au regard des priorités définies par le document de cadrage du 22 juillet 1998 sur les schémas de service et entérinées par le conseil interministériel d’aménagement du territoire du 15 décembre 1998.

Aux termes de ce document, “ l’Etat devra moduler son effort

financier selon les différents enjeux d’aménagement du territoire, compte tenu des contraintes qui pèsent sur les ressources publiques globales consacrées aux transports. En conséquence, la sélection des propositions pour la mise en oeuvre des différents objectifs tiendra compte des deux priorités suivantes :

- les grands équipements des agglomérations et régions

urbaines, et prioritairement les transports collectifs, car c’est en ville que se concentrent les principaux problèmes de croissance de la demande de déplacement137, de préservation du cadre de vie et de cohésion sociale ;

136 Conseil national d’aménagement et de développement du territoire. Avant-projet de rapport de la commission “ réseaux et territoires ” de la DATAR, présidée par Jean François Poncet. 1996. Les mesures déjà décidées en matière de réalisation d’infrastructures conduis(aient), en effet, selon ce rapport, à un accroissement de la charge du contribuable de l’ordre de 13 milliards de francs par an sans laisser aucune marge dans les choix d’ici 2005. 137 De 1994 à 2020, les perspectives de croissance des circulations automobiles urbaines et périurbaines sont de 74 % en moyenne nationale et de 52 % en Ile-de-France selon un scénario “ au fil de l’eau ”.

Page 274: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 274

- les actions permettant de développer le trafic ferroviaire de fret et notamment les conditions de constitution et de fonctionnement d’un réseau ferroviaire à priorité fret, en synergie avec les ports nationaux ”.

Ces orientations sont inscrites dans le projet de loi pour

l’aménagement et le développement durable du territoire. Priorité est donc désormais accordée au traitement des

problèmes de transport dans les zones urbaines et suburbaines, qui regroupent 90 % de la population dont 50 % en périphérie des agglomérations, alors que, tous modes confondus, les investissements que l’Etat a réalisés jusqu’à présent ont porté majoritairement sur les liaisons interurbaines. Ainsi, pour les dix dernières années, ces investissements ont représenté une soixantaine de milliards de francs par an, auxquels s’ajoutent plus de 30 milliards de francs par an pour la voirie départementale et communale, répartis comme suit :

- 25 milliards de francs sur le réseau routier national dont 13 milliards de francs pour les autoroutes concédées ; - 17,5 milliards de francs pour le chemin de fer (infrastructure et matériel roulant) dont huit pour les lignes nouvelles à grande vitesse ; - 10,2 milliards de francs pour les transports collectifs urbains dont 7,1 en Ile-de-France (infrastructure et matériel) - 0,6 milliard de francs pour les voies navigables ; - 1,6 milliard de francs pour les ports maritimes ; - 4 milliards de francs pour l’aérien. Comme l’indique la circulaire du 22 juillet 1998 sur les projets

de schémas de service, les besoins urbains d’ores et déjà importants vont croître très fortement. Or, le coût des investissements en zone urbaine est particulièrement élevé. C’est ainsi que les projets ayant fait l’objet d’une décision de principe sur la période 1996-2005 au titre des transports en commun et des voies rapides urbaines s’élèvent à 100 milliards de francs 138.

138 Conseil national d’aménagement et de développement du territoire. Avant-projet de rapport de la commission “ réseaux et territoires ”, 1996. Le chiffrage des besoins demeure cependant incertain. C’est ainsi que le volet transport du schéma directeur régional d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France n’est pas chiffré.

Page 275: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 275

Par ailleurs, les projets autoroutiers doivent être réexaminés au regard de la priorité désormais reconnue au développement du trafic ferroviaire de marchandises, afin notamment de limiter l’accroissement du fret routier dans les zones les plus sensibles comme les Alpes ou les Pyrénées. Les infrastructures ferroviaires nécessaires pour remédier aux points de saturation du réseau ferré, constituer un réseau à priorité fret et ouvrir de nouvelles lignes sous les Alpes et les Pyrénées nécessiteront, en effet, des financements élevés qui requéreront, à plus ou moins brève échéance, des concours publics.

Page 276: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 276

RECOMMANDATIONS DE LA COUR SUR LE CHAPITRE IV - Renoncer à la pratique des charges différées, qui favorise

une dynamique d’extension incontrôlée du réseau autoroutier concédé ; rétablir le lien comptable entre les décisions d’investissement et le résultat d’exploitation pour redonner aux comptes des SEMCA leur signification économique.

- Abandonner le système de l’adossement dans le cadre de

concessions globales et appliquer les règles communautaires de mise en concurrence pour la passation des marchés publics de travaux.

- Prendre les mesures corrélatives nécessaires, à l’effet de

modérer le poids futur de la dette des SEMCA (allongement de la durée des concessions, subventions au titre de l’aménagement du territoire ...).

- Mesurer les conséquences financières et budgétaires que

représenterait la confirmation des décisions de concéder des sections non rentables ou insuffisamment rentables.

- Disposer d’études-bilans plus fiables pour tester la sûreté

des hypothèses relatives au remboursement de la dette du SEMCA. - Mesurer les effets de la progression des prélèvements

fiscaux sur les SEMCA et ceux du passage à la TVA de droit commun.

- Etablir des perspectives à moyen terme pour fixer

l’importance des crédits budgétaires de façon à tenir compte des subventions destinées à compenser le manque de rentabilité de sections autoroutières non rentables, d’une part, et, l’augmentation des moyens nécessaires à l’exploitation, à l’entretien et à la sécurité du réseau routier national non concédé, d’autre part.

- Faire en sorte que des choix d’investissement des

infrastructures de transport ne soient plus principalement déterminés par les conditions de financement.

Page 277: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 277

CONCLUSION _______

Poursuivie depuis plus de 40 ans, la politique autoroutière de

la France atteint aujourd’hui une étape décisive, car deux facteurs agissent pour imposer un changement.

Le premier, à l’oeuvre depuis longtemps, aurait justifié à lui

seul une réflexion plus précoce. En effet, les besoins ont évolué dans le domaine routier. On

peut aujourd’hui raisonnablement considérer que la constitution du réseau autoroutier de rase campagne est en voie d’achèvement ; seuls quelques compléments pourraient éventuellement être nécessaires à l’avenir. A l’inverse de nouveaux besoins sont apparus. Les problèmes routiers, aujourd’hui, sont en effet différents. Ils concernent en priorité les zones urbaines, le dégagement et le contournement des agglomérations, l’entretien du réseau routier national pour lequel un retard important a été pris, enfin la régulation de plus en plus dense sur les grands axes.

Plus largement, l’urgence de définir et de mettre en oeuvre

une politique d’ensemble des transports, fondée sur une réflexion intermodale, reconnue par des textes déjà anciens, notamment la LOTI, s’impose désormais.

Le second facteur appelant un changement est plus récent

mais aussi plus contraignant. Les obligations juridiques auxquelles la France doit à présent se plier amènent à une évidence : tel qu’il est pratiqué, le système autoroutier a vécu.

Le bilan dressé par la Cour confirme les constats et les mises

en garde formulées depuis de nombreuses années. Il la conduit aussi à réitérer ses recommandations.

Il n’est pas contestable que la politique autoroutière a doté la

France d’infrastructures de qualité indispensables à son développement. Il n’est pas douteux non plus qu’un tel résultat a été obtenu grâce à la mobilisation aisée de financements que le budget de l’Etat aurait peiné à assurer.

Page 278: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 278

Mais ceci n’a pas été acquis sans risques ni inconvénients. Ainsi, des autoroutes ont été construites et mises en exploitation alors qu’il aurait mieux valu parfois faire des routes ou mieux utiliser ou aménager celles qui existaient déjà.

De même, les conséquences des choix autoroutiers sur

l’emploi et l’aménagement du territoire ont été moins favorables que prévues alors que leurs incidences sur l’environnement ont été longtemps sous-évaluées.

Enfin, les dettes contractées par l’ensemble des sociétés

concessionnaires ont continué à croître et leur remboursement repose sur des hypothèses fragiles dont la confirmation est d’autant plus aléatoire qu’elle est éloignée dans le temps.

Imposée par des circonstances extérieures et encore mal

dessinée dans ses modalités, l’inéluctable réforme de la politique autoroutière doit conduire l’Etat à agir dans deux directions. Il lui faut élaborer et faire accepter une politique des transports où la progression du mode routier sera mieux maîtrisée. Il devra aussi assurer, pour l’ensemble du réseau national, la cohérence de la programmation des équipements, celle des choix des financements, de l’exécution des investissements, de l’exploitation et de l’entretien. Il instaurera, ainsi et enfin, l’unité de la décision, mission qui lui incombe en propre.

La mise en œuvre d’une politique globale des transports

fondée sur une approche intermodale et une logique de services implique un arbitrage d’ensemble tant au sein du mode routier qu’entre les différents modes. Il convient en conséquence de faire en sorte que les choix ne soient plus principalement déterminés par les conditions de financement.

Page 279: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 279

S O M M A I R E

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 - Les financements routiers en Europe

Annexe 2 - Rappel des principales observations de la Cour sur la politique autoroutière dans ses Rapports publics précédents

Annexe 3 - Les études de corridors

Annexe 4 - Les traversées des Alpes et des Pyrénées

Annexe 5 Les coûts externes du transport routier

Annexe 6 Les conditions juridiques d'octroi des concession

Annexe 7 Données relatives à la sécurité routière

Annexe 8 Les trafics autoroutiers

Annexe 9 Les expériences de modulation tarifaire

Annexe 10 Les coûts de construction des infrastructuresAnnexe 11 La politique du 1 % paysage et développement

Annexe 12 Les bilans économiques a posteriori établis en application de la LOTI et de la circulaire du 15 décembre 1992

Annexe 13 Les bilans écologiques a posteriori

Annexe 14 Eléments sur les liaisons autoroutières concédées

Annexe 15 La situation de la société française du tunnel rutier du Fréjus

Annexe 16 Ratios de résultat des six principales SEMCA

Annexe 17 L'entretien du réseau national non concédé

Annexe 18 Liste des rapports et ouvrages cités

Page 280: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 280

ANNEXE N°1

LES FINANCEMENTS ROUTIERS EN EUROPE

Les financements budgétaires Les financements budgétaires restent une des principales

sources de financement des routes et autoroutes en Europe. Comme l‘indique le rapport de la direction des routes sur le financement routier et l’organisation des administrations routières en Europe de septembre 1997, « le financement budgétaire est indispensable pour assumer les fonctions de solidarité et pour assurer les conditions d’intervention d’autres sources de financement comme le financement privé à risque (phase de lancement, risques excessifs, rentabilité insuffisante) ».

Mais ce mode de financement est, par nature, sensible aux

restrictions budgétaires. Ainsi au Danemark, le budget de la direction des routes est passé de 3,7 milliards de couronnes en 1972 à 2,6 milliards en 1995 alors que le trafic a augmenté de plus de 75 % sur la même période. Plusieurs pays européens ont dû compléter ces ressources en faisant appel à d’autres sources de financement. En Autriche, la charge principale du financement des routes est supportée par le budget de l’Etat, les péages ne représentant que 16,3 % des financements en 1993. L’Allemagne a financé jusqu’à présent son réseau d’autoroutes (11 000 km) uniquement sur fonds budgétaires. Cependant les contraintes budgétaires, le poids de la réunification et la nécessité d’accroître le réseau autoroutier de 2 000 km ont conduit à introduire des droits d’usage du réseau et à recourir à des financements privés. Une loi sur la construction et le financement par le secteur privé de routes fédérales a été adoptée en 1994. Le 1er janvier 1995, l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg ont introduit un système commun de vignette sur l’usage du réseau autoroutier pour les poids lourds de plus de 12 t afin de dégager de nouvelles ressources. Au Danemark, la construction et l’entretien des autoroutes sont financés par le budget de l’Etat. Il en va de même en Finlande et en Suède, pays ou l’entretien et le développement des routes sont exclusivement financés par le budget général.

Page 281: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 281

Les ressources affectées Certains pays ont mis en place des fonds routiers afin

d’assurer la pérennité des financements grâce à l’affectation de ressources. Au Luxembourg, le fonds des routes, créé en 1967, est approvisionné par des dotations budgétaires, des recettes d’emprunt et le produit de la vente d’immeubles acquis dans le cadre du programme immobilier. Ce fonds est destiné au programme général de projets autoroutiers, les dépenses d’entretien étant financées par le budget de l’Etat. Aux Pays-Bas, il existe un fonds pour chaque catégorie de voies (nationales, régionales ou locales). Le fonds routier national a été transformé en 1994, dans le souci d’une politique intégrée des transports, en fonds national d’infrastructures tous modes confondus. Il est abondé par une taxe supplémentaire sur les véhicules à moteur, une taxe sur les carburants et des contributions du budget et du fonds structurel économique.

En Suisse, la construction et l’entretien des routes nationales

et principales sont financés par des taxes sur les carburants. La confédération perçoit, en outre, une redevance annuelle sur les véhicules et remorques de plus de 3,5 tonnes ainsi qu’une redevance pour l’utilisation des autoroutes. Les cantons financent leurs réseaux par leurs propres ressources fiscales.

Les péages

La perception d’un péage peut concourir à deux objectifs :

orienter la demande de transport ou financer des infrastructures. Dans certains pays, comme les Pays-Bas ou la Suède qui

expérimente des mises à péage dans les grands centres urbains, le péage sert avant tout à orienter le trafic. En revanche en Italie, en Espagne et surtout en France, les péages ont pour objectif essentiel de financer la réhabilitation et la construction des autoroutes. En Norvège, les péages routiers ont d’abord été utilisés pour financer les ponts et tunnels et depuis le milieu des années 80 un système de péage de zones a été introduit dans les grandes villes d’Oslo, Bergen et Trondheim à des fins de régulation du trafic. Le développement du recours à la concession est en cours en Autriche et en Irlande.

Le tableau ci-après compare les tarifs de péage dans les

différents pays européens membres de l'association européenne des concessionnaires d'autoroutes et d'ouvrages à péages (ASECAP).

Page 282: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 282

Pays Nombre de km

à péage Tarif/km en centièmes d’ECU

(parité au 7.5.1998) (1) Observations

VL PL1 PL2 Autriche 241 (dont

plusieurs longs tunnels)

14,4 34 138 20 % de TVA remboursée aux étrangers (pas de taxe à l’essieu) possibilités de remises de 54 à 90 % selon la fréquence d’utilisation

Belgique 1,3 (tunnel) 300 1 250 1 250 Possibilité d’abonnement.TVA 21 % comprise et récupérable

Espagne 2 025 7,6 14,3 16,6 TVA inclus de 7 % depuis septembre 1997

France 6 325 6,3 14,1 14,1 le contrat CAPLIS permet aux poids lourds qui utilisent beaucoup l’autoroute de bénéficier d’une réduction allant jusqu’à 30 %. TVA non récupérable

Grèce 871 1,7 3,2 3,9

Italie 5 546 4,6 6,1 11,3 TVA 20 % non récupérable incluse – aucune remise

Portugal 682 5,3 11,8 13,1 TVA incluse 17 % Norvège 194

(ponts et tunnels exclus)

5,3 10,6 10,6

Hongrie 42 12,9 12,9 32,7 Système en péage ouvert. TVA incluse

Source : ASECAP – mai 1998 (1) VL : véhicule léger ; PL1 : tarif poids lourds camions à 3 essieux ; PL2 : tarif poids lourds camions à 5 essieux et plus.

Les péages fictifs

Parmi les pays qui recourent à la concession, certains font

appel au système de “ péage fictif ” afin de ne pas écarter les usagers de l’infrastructure et d’éviter les dépenses liées à la perception des péages qui atteignent 10 à 15 % des recettes. Ainsi, en Grande-Bretagne, l’Etat « se désengage depuis 1995 au profit du secteur privé jugé plus compétent et plus efficace en la matière »... « La logique qui préside à cette politique n’est pas essentiellement financière. Il ne s’agit pas de reporter le poids du coût des investissements sur l’usager mais plutôt d’obliger les entreprises à prendre certains risques, habituellement pris par l’Etat. Le principe repose sur le fait qu’une entreprise doit construire mieux et moins cher qu’une administration publique. Le péage serait mal perçu par l’opinion publique et donc, à l’exception de certains tunnels et ponts, il n’y a pas de péage routier en Grande-Bretagne. L’Etat rétribue le concessionnaire au lieu et place de l’usager sur une base commerciale, à savoir au km/véhicule, ce qui suppose un système de

Page 283: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 283

comptage sophistiqué ». L’utilisation du péage fictif est en cours d’expérimentation en Finlande et envisagée au Portugal.

Page 284: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 284

ANNEXE N°2

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA COUR SUR LA

POLITIQUE AUTOROUTIERE DANS SES RAPPORTS PUBLICS PRECEDENTS

I. - UN SECTEUR ECONOMIQUE ADMINISTRE Cinq sociétés concessionnaires d’autoroutes avaient été

constituées au début des années soixante sous forme de sociétés d’économie mixte (société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France SANEF, société de l’autoroute Paris-Normandie SAPN, société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône SAPRR, société des autoroutes du Sud de la France ASF, société de l’autoroute Estérel-Côte d’Azur ESCOTA). Même si l’Etat n’était pas directement actionnaire de ces sociétés dont le capital était majoritairement détenu par les collectivités territoriales et les chambres de commerce et d’agriculture, ces SEM ne représentaient guère au départ « qu’une façade derrière laquelle s’exerçait l’activité des services de l’équipement ». En 1970, l’autonomie des SEM a été accrue tandis que, par la loi de finances du 24 décembre 1969 et le décret du 12 mai 1970, l’Etat étendait aux sociétés privées l’octroi de concessions d’autoroute jusqu’alors réservé à des sociétés d’économie mixte par la loi du 18 avril 1955. Cependant le secteur est resté étroitement dépendant de l’Etat.

Un régime non conforme aux principes du droit des concessions

La politique de concession s’est opérée dans des conditions

exorbitantes du droit commun. Le rapport public de 1973 note : « C’est par le mode de rémunération du contractant que la concession de service public se distingue de la régie intéressée. Rémunéré par des redevances dont il conserve tout le bénéfice et supportant à l’inverse les éventuels déficits d’exploitation, le concessionnaire exploite à ses frais et risques. Dans le cas des concessions privées d’autoroutes, ce principe a parfois été vidé en partie de sa substance par la multiplication de clauses de sauvegarde. La Cour estime qu’une situation qui émousse la responsabilité financière du concessionnaire et comporte à terme des risques pour les finances publiques ne laisse pas d’être préoccupante ». « A court terme, le dispositif financier et fiscal actuellement retenu, ne tient pas suffisamment compte tenu des

Page 285: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 285

réalités industrielles et commerciales, alors qu’à long terme, il ne garantit pas suffisamment les intérêts collectifs ».

Page 286: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 286

De même, la Cour a relevé dans son rapport public de 1982 que « les conditions dans lesquelles la formule de concessions privées a été mise en oeuvre aboutissent à cette situation paradoxale de trois sociétés concessionnaires dont les actionnaires, ayant réalisé de substantiels profits, se trouvent dégagés d’une grande part de leur risque, cependant que l’Etat, lui, assure des charges et des risques qui ne cessent de croître ». Dans son rapport public pour 1986, la Cour relevait que « les avantages accordés dès le départ aux actionnaires, l’accroissement des coûts de construction lié à la hausse des taux d’intérêt, les charges nées de l’endettement en devises, les erreurs commises dans les prévisions de trafics, la limitation des tarifs par l’Etat en dépit des engagements figurant dans les cahiers des charges, le tracé retenu pour certains axes, tout a concouru à l’apparition de déficit d’exploitation importants ».

La garantie de l’Etat a été mise en jeu à la suite des déficits

d’exploitation élevés présentés par les sociétés privées concessionnaires139. La crise financière des sociétés privées a conduit en 1984-1985 à leur absorption par les SEMCA (APEL, ACOBA) ou à leur transformation en SEMCA (AREA). A cette occasion, les actionnaires privés ont été désintéressés en utilisant des méthodes d’évaluation et d’échelonnement des paiements que la Cour a critiquées. Seule la société COFIROUTE continue de fonctionner comme une société privée. Quant aux SEMCA, la Cour a relevé à de multiples reprises que « certaines insuffisances du contrôle des autorités de tutelle se conjuguaient avec une multiplication de leurs interventions critiquables dans les domaines où l’autonomie de gestion reconnue aux SEM aurait dû prévaloir ». « La tutelle administrative joue un rôle capital dans la détermination de leurs investissements, qui sont ceux prévus par le schéma directeur routier national, dans la fixation des péages par le ministère des finances et même dans l’évolution des salaires de leurs agents ».

Un système déresponsabilisant

« L’expérience montre que les pouvoirs publics ont éprouvé

des difficultés permanentes à faire un choix clair entre deux formules : celles d’organismes qui ne seraient qu’un mode particulier d’intervention des différentes autorités de tutelle ... ou celle de véritables sociétés, aux capitaux certes publics, mais libres de leur gestion dans le cadre de leur concession. A bien des égards, en définitive, les SEM ont pour simple fonction de mettre en oeuvre des décisions à l’élaboration desquelles leurs dirigeants n’ont été associés

139 Rapport public de 1992.

Page 287: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 287

que de très loin. Ceux-ci n’ont pas ensuite à supporter les conséquences des déséquilibres financiers qui peuvent apparaître »140. Le rapport public de 1990 souligne à nouveau « les risques d’une structure reposant sur des sociétés qui ne jouissent pas d’une réelle autonomie », risques qui paraissent d’autant plus graves que la construction et l’exploitation des autoroutes sont un phénomène économique et financier important : « En 1988, le système autoroutier supportait des dépenses d’exploitation proches de 10 milliards de francs, il avait réalisé des investissements pour un montant cumulé de 64 milliards de francs (valeur 1988 et(était) confronté dans les dix prochaines années à la perspective d’investissements programmés pour 81 milliards de francs. Cette situation ne rend que plus inacceptables les insuffisances et les contradictions de son organisation actuelle en sociétés largement fictives ».

Les rapports successifs mentionnent, à cet égard, à maintes

reprises la faiblesse des fonds propres des SEMCA. Le rapport de 1990 souligne ainsi « qu’à la différence de COFIROUTE, unique concessionnaire privé et de la STMB141 les SEM disposent de capitaux propres d’un montant dérisoire ».

L’absence de régulation

Le rapport public de 1986 relève que « le système autoroutier

ne dispose pas, en lui-même, des capacités de réaction nécessaires. Le flou des méthodes comptables empêche que l’on appréhende à temps les dérapages qui peuvent se présenter ». Le rapport public de 1990 souligne que « le système autoroutier français est géré et se développe en dehors de toute logique économique, financière, juridique et comptable ».

Le rapport public de 1992 consacre un titre à l’absence de

régulation du système. « L’économie de la route, qui échappe au jeu normal du marché, est une économie largement administrée142 ».

140 Rapport public de 1986. 141 Ancienne dénomination de l’ATMB. 142 Cité par le rapport public de 1986 p. 28.

Page 288: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 288

II. - DES DECISIONS ELOIGNEES DE L’OPTIMUM

Des choix d’investissement insuffisamment éclairés. Le rapport public de 1990 critique l’insuffisance des

évaluations de rentabilité économique et financière143. Il souligne que le lancement d’un programme de travaux très important rend encore plus nécessaire la clarification des critères de décision et de gestion. « L’Etat doit pouvoir disposer des études justifiant sur les plans techniques et financiers, d’une part le choix de l’itinéraire, d’autre part celui de l’autoroute par rapport à l’élargissement à deux fois deux voies de routes nationales existantes. Or jusqu’ici la désignation des tracés s’est effectuée en fonction de critères reposant largement sur l’opportunité sans que cette comparaison soit réalisée de manière précise et systématique ». Le rapport public particulier de 1992 met à nouveau l’accent sur les insuffisances des calculs économiques144 du fait notamment de la sous-estimation des coûts des projets ; des divergences d’appréciation (allant du simple au triple entre les modèles utilisés par la direction des routes et la direction de la prévision du ministère des finances) quant aux prévisions de trafic, aux estimations de gains de temps et à leur valorisation ; de l’insuffisante quantification des effets induits. Il souligne l’inapplication des dispositions de la loi d’orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 qui prévoit l’évaluation des projets d’infrastructure sur la base de critères homogènes permettant la comparaison entre les modes dans le cadre d’une politique globale des transports qui aurait dû se traduire de surcroît par l’établissement de schémas de développement de transports sur une base intermodale. Il observe que « les réalisations des dix dernières années font apparaître une insuffisance des études techniques et financières qui doivent être préalables non seulement à la réalisation mais aussi au choix du tracé et de ses caractéristiques »145. Il indique dans sa conclusion que les estimations prévisionnelles imposées par la LOTI ne sont pas satisfaisantes et que les évaluations a posteriori sont inexistantes.

143 Rapport public particulier 1990 p. 231 et 232. 144 Rapport public particulier 1992 pages 49 et suivantes. 145 Rapport public particulier de 1992 p. 55.

Page 289: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 289

Ces critiques ont été réitérées en 1997 dans une insertion consacrée à la construction de la section Orgeval-La Défense de l’autoroute A 14146. La Cour a souligné que les mauvaises conditions de réalisation de cette opération, marquée par des retards importants et une dérive des coûts considérables147, s’expliquaient en grande partie par « la présentation aux décideurs politiques d’estimations successives de l’économie du projet manifestement irréalistes (configuration technique, coût du projet, prévisions du trafic, tarification) et l’absence d’une véritable expertise approfondie ».

Le rapport public particulier de 1992 constate que le mode de

financement est devenu le critère déterminant dans la décision de construire comme dans le parti d’aménagement, les caractéristiques techniques et l’échéancier des travaux148. Il indique que « la fragmentation à l’intérieur de l’administration des transports terrestres et même des transports routiers n’assure pas une préparation rationnelle des décisions149 ».

La construction de sections de moins en moins rentables.

En 1986150, la Cour relève « l’extension du réseau à des

sections de moins en moins rentables ». « Alors que l’équipement du pays en liaisons modernes est bien avancé, il faut avoir conscience que sa poursuite, qui peut être justifiée pour des considérations tenant à l’aménagement du territoire et au développement économique local, ne peut que s’effectuer au détriment de l’équilibre financier de l’ensemble du système. Se pose alors la question du choix d’autres options que celle de l’autoroute traditionnelle à péage : autoroute hors péage, route expresse sur tracé nouveau ou encore aménagement sur place d’une voie existante avec construction d’une seconde chaussée (formule qui comme la précédente a été retenue pour le plan routier breton). Ainsi que le note le rapport présenté en 1982 à la demande des ministres des transports et de l’économie et des finances sur la situation et le devenir des autoroutes françaises, l’option autoroutière constitue le plus souvent un surinvestissement très éloigné de l’optimum économique ».

146 Rapport public 1997 p. 371 à 382. 147 De 1987 à 1996 le coût de l’opération a été multiplié par 3. 148 Rapport public particulier de 1992 p. 69. 149 Rapport public particulier de 1992 p. 87. 150 Rapport public 1986 p.32 et 33.

Page 290: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 290

En 1990, la Cour s’interroge sur la « dérive économique » du système marqué par des investissements massifs à la rentabilité, à la fois financière et économique, incertaine. Elle relève qu’une « pression multiforme » liée en particulier aux facilités du mode de financement par les péages jointes à une conjoncture favorable, « conduit l’Etat à ne pas prendre suffisamment en compte le fait que le rapport coût-efficacité de ces nouvelles autoroutes est moindre que celui des autoroutes plus anciennes ». Elle souligne que « l’importance des tronçons programmés dont la rentabilité financière et économique n’est pas prouvée, laisse craindre un surdimensionnement des infrastructures proprement autoroutières, qui aboutirait à une affectation inappropriée d’une part non négligeable de l’épargne nationale ».

En 1992, la Cour observe que « la notion de concession

globale résultant d’une “ interprétation ” particulièrement large de la loi, combinée avec le maintien dans la concession des autoroutes les plus rentables dont les emprunts ont été amortis et sur lesquelles les péages auraient dû être limités à la couverture des frais d’exploitation, permet de financer des sections nouvelles quelle qu’en soit la rentabilité »

III. - UN EQUILIBRE FINANCIER DIFFERE ET PROBLEMATIQUE

Des artifices comptables et financiers Le rapport public de 1986 souligne les dangers de la

péréquation de trésorerie entre sociétés excédentaires et déficitaires mise en oeuvre par Autoroutes de France (ADF). Il observe notamment que « la mise à contribution d’une société excédentaire comme la SAPRR n’(était) pas de nature à encourager ses responsables à dégager des excédents d’exploitation dont elle n’est plus appelée à conserver le bénéfice pour la couverture de ses besoins propres. A l’inverse, il ne faudrait pas que ce mécanisme de péréquation décourage les dirigeants de sociétés déficitaires dans la recherche d’une amélioration de leurs résultats au moyen notamment de gains de productivité ».

De surcroît, la Cour, à maintes reprises, critique les pratiques

comptables des charges différées. Le rapport public de 1986 note que « ces pratiques ont constitué une incitation à la facilité dans la mesure où elles ont conduit les sociétés à s’affranchir, sans limites de normes comptables parmi les plus fondamentales. Elles ont certes permis d’éviter les conséquences du mode d’amortissement linéaire sur la durée des emprunts choisie par les sociétés ... Mais elles retirent aux

Page 291: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 291

comptes leur signification normale, masquent leur signification réelle et ne sont plus à même de fournir cette image fidèle qui est le but de la comptabilité de l’entreprise ». De même, le rapport public de 1990151 observe que « la perpétuation abusive de pratiques dérogatoires, tolérées au départ pour une période qui devait être limitée, vide de toute signification le compte de résultat, qui n’est plus ni un reflet de la gestion, ni un indicateur d’alerte, ni un outil de prévision ».

En 1992152, la Cour a constaté que les mesures correctives

annoncées n’étaient toujours pas intervenues.

Le report indéfini de l’équilibre Le rapport public de 1986 s’interrogeait sur un « équilibre

financier différé et problématique » favorisé par des « pratiques comptables insolites » (charges différées). Il critiquait « le report indéfini de l’équilibre153 » « Le retour à l’équilibre financier est lointain et incertain, il n’est pas compatible avec une suppression rapide des péages et, au contraire, demandera pour être assuré dans des délais raisonnables, des contributions croissantes des usagers ou, à défaut, des contribuables » . Le rapport public de 1990 concluait que « si l’Etat continu(ait) à user d’un mécanisme certes ingénieux mais dont les contraintes de régulation sont insuffisantes, une grave crise financière n’(était) pas à exclure ». En 1992 la Cour s’inquiétait à nouveau des perspectives d’endettement des sociétés154.

151 Rapport public 1990 p. 237. 152 Rapport public particulier 1992 p. 78 et 79. 153 Rapport public 1986, p. 32 et suivantes. 154 Rapport public particulier 1992 p. 81.

Page 292: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 292

ANNEXE N° 3

LES ETUDES DE CORRIDORS

I. - ETUDE SUR LE CORRIDOR SUD155

L’étude examinait les mesures à prendre pour faire face aux

perspectives de trafic dans le couloir rhodanien à l’horizon 2010. Sur la base d’un réseau de référence qui supposait la mise en service effective et complète de l’A 75 et de l’A 51 en l’an 2000, elle estimait que la situation redeviendrait préoccupante dès 2000 ou 2005 pour l’A 9, échéance qui pourrait être repoussée à 2010 pour l’A 7 par la mise en oeuvre de mesures de régulation de trafic.

Cette évaluation a été effectuée au regard d’un seuil plancher

de qualité de service fixé à 100 000 véhicules par jour en été et à 60 000 pour les autres périodes de l’année. Le premier seuil correspond à 18 jours de saturation et à 130 h saturées avec un temps d’attente moyen de 20 mn. Le second correspond hors période estivale à 13 jours de saturation (avec forts risques de “ bouchons ”) et 80 heures saturées.

L’étude comparait les effets potentiels d’un recours accru aux

modes autres que routier (desserte cadencée, transport combiné, autoroute ferroviaire, voie d’eau) d’une part et de réalisations routières nouvelles d’autre part : aménagement autoroutier des liaisons Lyon-Toulouse, Mende-Nîmes et doublement de l’autoroute A 9 à partir de Narbonne avec des variantes en fonction de la localisation de l’embranchement avec l’A 7 (Orange, Valence ou Vienne) ainsi que de mesures d’exploitation des infrastructures routières existantes.

Elle estimait que les solutions non routières pourraient à

l’horizon 2010 délester l’A 7 de 6 450 à 9 600 poids lourds (PL), les chiffres correspondants étant de 2 600 à 4 000 pour l’A 9. Les possibilités de délestage par le transport combiné étaient évaluées entre 600 et 1 200 poids lourds/jour. L’autoroute ferroviaire avait un impact plus élevé, atteignant 4 000 PL/jour ce qui représente entre un quart et un tiers du trafic prévisionnel de poids lourds sur l’autoroute

155 SETRA - L’axe A 7-A 9 à l’horizon 2010. Propositions intermodales - Avril 1992.

Page 293: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 293

A 7 estimé entre 13 000 et 15 000 PL/j à l’horizon 2010156. Les possibilités de transfert de l’A 7 sur la voie d’eau étaient en revanche limitées à 550-700 poids lourds/jour.

En ce qui concerne les projets routiers, c’est le doublement de

l’A 9 entre Narbonne et Vienne qui avait l’impact le plus important de l’ordre de 15 000 véh./jour en moyenne annuelle et de plus de 30 000 véh./jour en période estivale. L’étude ne précisait pas le nombre de poids lourds concernés.

L’effet des mesures d’exploitation variait selon leur ampleur.

Ainsi une modulation des péages de + ou - 50 % selon les itinéraires, entraînait un délestage de 11 000 à 14 000 véh./jour en période estivale sur l’A 7 entre Vienne et Orange.

L’étude chiffrait ensuite le coût des différentes mesures

envisageables par rapport au trafic délesté estimé en unités de véhicules particuliers x kilomètres157. Elle concluait que les mesures d’exploitation par modulation des péages présentaient le meilleur rapport coût-efficacité (400 F/uvp x km), suivies des variantes A 9bis (1 600 F/uvp x km pour le projet Narbonne-Vienne) loin devant les projets d’autoroutes Lyon-Toulouse (10 300 F/uvp x km) et Mende-Nîmes (10 600 uvp x km), l’autoroute ferroviaire Dijon-Avignon (12 300 F/uvp x km), le transport combiné (15 600 F/uvp x km) et la voie d’eau (54 900 F/uvp x km). Cependant, il est à noter que sur les 23 milliards de francs nécessaires à l’autoroute ferroviaire, 9 milliards de francs concernaient des dépenses communes avec le transport combiné.

L’étude notait que si l’autoroute ferroviaire permettait de

différer ou « d’éluder » des investissements routiers, « il (existait) toutefois une différence importante entre cette autoroute ferroviaire et une autoroute normale, du fait que l’autoroute normale verrait son financement assuré grâce aux péages associés ». Elle reconnaissait que les mesures concernant les modes autres que routiers « étaient

156 Les opérateurs économiques estiment toutefois que sur les longues distances l’autoroute ferroviaire est moins adaptée que le transport combiné. 157 L’étude retenait un facteur d’équivalence de deux véhicules légers pour un poids lourds ce qui est faible au regard des différences d’effets sur la saturation comme l’observe le rapport du Commissariat général au plan : Transports : “ pour un meilleur choix des investissements ” - 1994.

Page 294: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 294

quelque peu défavorisées dans cette comparaison » car elles délestaient l’autoroute A 6 au Nord de Lyon ce qui n’était pas comptabilisé dans les calculs. Elle indiquait, par ailleurs, que le scénario ferroviaire (desserte cadencée, transport combiné, autoroute ferroviaire) était le moins polluant, mais les coûts externes des différents scénarios (notamment pour l’environnement et la sécurité) n’étaient pas pris en compte dans les calculs de rentabilité.

L’étude reconnaissait l’existence d’importantes marges

d’incertitude concernant le rythme de croissance futur de la demande de transport et les tranferts modaux possibles. Elle relevait que « cette incertitude (tenait) largement à l’ampleur des moyens financiers qui (pourraient) être mis en oeuvre et également à la politique communautaire concernant les transports de marchandises en particulier pour les échanges de marchandises ». Elle indiquait que « sans doute la première priorité à retenir » pour une stratégie des transports dans le couloir rhodanien était de « lever les réserves techniques et financières de faisabilité » des études sur la voie d’eau et sur le fer. Il n’a pas été donné suite à cette recommandation.

II. - ETUDE SUR LE CORRIDOR NORD158 Au mois de juin 1992, le débat régional engagé au sujet de

l’opportunité de l’autoroute A 1bis (Amiens-Lille, inscrite au schéma directeur) a conduit le ministre des transports à décider de faire une étude intermodale pour examiner la pertinence des projets d’infrastructures majeurs dans la zone dite du corridor nord et pour évaluer l’incidence de scénarios alternatifs de politique des transports.

La zone étudiée couvre la partie du territoire national située

au nord des axes Le Havre-Paris et Paris-Metz marquée par l’importance des échanges tant locaux (intensité des flux pendulaires aux abords des grandes villes) qu’internationaux et de transit avec le Royaume-Uni, le Bénélux et l’Allemagne. En 1990, le corridor nord concentrait la quasi totalité des flux français à destination de la Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas, plus de la moitié de nos échanges avec l’Allemagne et 36 % du fret national à destination ou en provenance du Royaume Uni. Hors les échanges maritimes, le trafic de transit international passant par le corridor nord représentait plus du tiers des échanges entre le nord et le sud de l’Europe.

158 Direction des routes - Direction des transports terrestres - Corridor Nord : Etude intermodale à l’horizon 2010 - juin 1996.

Page 295: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 295

L’étude examine les perspectives de trafic à l’horizon 2010 et les réponses appropriées.

Elle a été menée en prenant en compte trois scénarios. Le

scénario A correspond à une prolongation des pratiques en vigueur, le scénario C vise à faire mieux prendre en compte par les différents modes de transport l’ensemble de leurs impacts négatifs pour la collectivité et le scénario B se présente comme intermédiaire. Le scénario C suppose ainsi le respect total de la réglementation par le transport routier de marchandises, l’instauration d’une écotaxe de 10 $ par baril pour lutter contre l’effet de serre et un début de valorisation des autres coûts externes.

L’étude observe qu’à l’horizon 2010 il n’y a pas de problème

aigu de transports pour les flux à longue distance, c’est-à-dire pour les trafics dont l’origine et la destination se situent au-delà des agglomérations parisiennes et lilloises. Elle confirme, en revanche, les problèmes de saturation à l’approche des agglomérations de Lille et de Paris. Elle observe que les scénarios de politique des transports ne modifient pas sensiblement les parts de marché des modes pour les marchandises, n’ont quasiment aucune influence sur le transport de voyageurs et ne répondent pas aux problèmes périurbains. Elle conclut que « les solutions qui ont été étudiées (politiques des transports alternatives, nouvelles infrastructures) n’apparaissent pas directement concurrentes » et que « chacune des nouvelles infrastructures de transport envisagées a une vocation particulière ».

La conclusion de l’étude se garde ainsi de définir des choix

prioritaires entre les projets évoqués (autoroute A 1bis, TGV picard, autoroute ferroviaire, mise à grand gabarit du canal Seine-Nord).

Pourtant, dans le « scénario au fil de l’eau », la croissance

des émissions de gaz et de particules à effet de serre liée au transport routier serait, selon l’étude, de 40 % sur l’ensemble du corridor nord entre 1990 et 2010. Or, dans le scénario C, la diminution des trafics routiers de marchandises serait de 15,7 % dans l’hypothèse haute de croissance des trafics et de 23,1 % dans l’hypothèse basse. La proportion des poids lourds dans la circulation totale passerait de 26,5 à 23,3 % dans l’hypothèse haute, et de 21,4 % à 17,3 % dans l’hypothèse basse. L’étude n’a pas évalué l’incidence des scénarios des politiques de transport sur la circulation des véhicules légers tout en relevant que « les pics de congestion sur le réseau routier sont surtout dus aux voitures particulières. Toutefois l’impact d’un taux important de poids lourds sur la fluidité d’un trafic dense donne son importance aux baisses notables de trafic lourd attendues dans le scénario C ». Ce même scénario prévoit une forte

Page 296: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 296

augmentation du trafic de fret par le transport combiné et le mode ferroviaire classique (entre + 190 % et + 452 % par rapport à 1990 pour le transport combiné et + 34 % et + 89 % pour le fer). Pour autant, le rapport n’étudie pas les moyens à mettre en place pour faire face à la saturation induite des infrastructures ferroviaires, se bornant à relever qu’ « il y aurait sans doute lieu de prévoir des itinéraires alternatifs aux traversées actuelles de Paris, de Dijon et de Lyon ». Quant au projet « d’autoroute ferroviaire », il n’est que brièvement évoqué, l’échéance de ce projet dépassant l’horizon 2010. Le rapport indique que l’effet du report de poids lourds n’équivaudrait qu’à 4 % du trafic de l’autoroute A 1 estimé en unités de véhicules particuliers. Cependant ce report se traduirait par une baisse notable des émissions de polluants (jusqu’à 10 % pour la pollution de l’air et 20 % pour la consommation d’énergie non renouvelable) hormis la production de déchets nucléaires liée à la production d’électricité.

Aucun calcul de rentabilité socio-économique des

investissements des diverses infrastructures envisagées n’est présenté.

Page 297: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 297

ANNEXE N° 4

LES TRAVERSEES DES ALPES ET DES PYRENEES

Les massifs montagneux présentent des écosystèmes

particulièrement riches mais très vulnérables. Barrières naturelles, ils ont déterminé la délimitation de nombreuses frontières en Europe. Mais ils sont désormais confrontés à la très forte croissance des transports au sein de l’Union européenne.

Les effets de cette croissance sont d’autant plus

dommageables pour leur environnement qu’elle a porté pour l’essentiel sur le mode de transport routier. Il est significatif de constater qu’à l’exception du tunnel de la Furka en Suisse (ouvert en 1982), tous les grands tunnels ferroviaires sub-alpins et sub-pyrénéens ont été mis en service entre 1871 (Mont-Cenis) et 1928 (Somport). A l’inverse, à l’exception du tunnel de Tende qui date de 1882, tous les grands tunnels routiers alpins et pyrénéens ont été ouverts à partir de 1965 (Mont-Blanc), le dernier ayant été mis en service en 1994 au Puymorens.

L’avantage comparatif économique du mode routier est, en

effet, plus accusé encore en montagne car les coûts des infrastructures ferroviaires en montagne sont, en effet, supérieurs à ceux des infrastructures routières du fait de profil en long moins pentus et des caractéristiques géométriques des tunnels.

Les différences entre les effets des divers modes de transport

sur l’environnement et la sécurité sont plus prononcées en montagne qu’en plaine mais cette fois à l’avantage du rail.

I. - LES ALPES Comme le souligne le rapport du Conseil général des ponts et

chaussées de mars 1998 sur la politique française des transports terrestres dans les Alpes, « sur la planète entière peu de reliefs élevés sont du fait de l’économie dans une situation aussi vulnérable » que les Alpes. Compte tenu de sa situation centrale en Europe, ce massif est, en effet, confronté à une très forte croissance des trafics dans un milieu particulièrement sensible.

Page 298: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 298

A - LA CROISSANCE DES TRAFICS Le trafic de marchandises a triplé en tonnage de 1970 à 1994

pour l’ensemble de l’arc alpin et presque quintuplé sur la partie française alors qu’il a moins que doublé en Suisse. « Cette progression s’est essentiellement effectuée par la route surtout, en France (facteur multiplicatif voisin de 10) et sur la partie autrichienne (environ 6 fois). Le rail qui était majoritaire sur chacune des parties nationales (France, Suisse, Autriche) ne le reste qu’en Suisse (74,3 % du trafic de transit en 1994). Ce mode recule en France en niveau depuis 1984 (en 1994 la route représentait 80,5 % du trafic transalpin en France). Il progresse, en revanche, fortement en Autriche depuis 1989 en raison du développement du transport combiné, le rail représentant en 1994 37,5 % du transit (10 % pour le seul combiné) ».

B - LA CONVENTION ALPINE

La Convention Alpine, signée le 7 novembre 1991 par les huit

Etats européens159 de l’arc alpin et l’Union européenne a été ratifiée par la France en application de la loi du 6 décembre 1995. Elle précise que « les parties contractantes, dans le respect des principes de prévention, du pollueur-payeur et de coopération, assurent une politique globale de préservation et de protection des Alpes en prenant en considération de façon équitable les intérêts de tous les Etats alpins, de leurs régions alpines ainsi que de la Communauté économique européenne tout en utilisant avec discernement les ressources et en les exploitant de façon durable » (art. 2.1).

Pour atteindre cet objectif, « les parties contractantes

prennent des mesures appropriées, notamment dans les domaines suivants : … Transports - En vue de réduire les nuisances et les risques dans le secteur du transport interalpin et transalpin, de telle sorte qu’ils soient supportables pour les hommes, la faune et la flore ainsi que pour leur cadre de vie et leurs habitats, notamment par un transfert sur la voie ferrée d’une partie croissante du trafic, en particulier du trafic de marchandises, notamment par la création des infrastructures appropriées et de mesures incitatives conformes au marché, sans discrimination pour des raisons de nationalité » (Art. 2.2).

Le protocole prévu pour fixer les mesures d’application de la

convention dans le domaine des transports n’a toujours pas été signé.

159 France, Monaco, Italie, Suisse, Liechtenstein, Allemagne, Slovénie.

Page 299: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 299

Page 300: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 300

C - LES POLITIQUES AUTRICHIENNE ET SUISSE Pour l’heure, seules la Suisse et l’Autriche ont pris des

mesures afin de dissuader le transit routier mais cette politique se heurte, s’agissant de l’Autriche, au droit communautaire.

La Suisse a de longue date mené une politique restrictive

efficace (interdiction de l’entrée du territoire aux camions de plus de 28 tonnes de poids total en charge, interdiction de circulation des poids lourds de nuit). La part suisse des tonnages transalpins s’est réduite pour l’ensemble des modes, passant du tiers en 1970 à moins d’un cinquième en 1994. Cette politique a eu pour effet de reporter une partie du trafic sur l’Autriche et surtout sur la France. En 1994, le nombre de véhicules ayant contourné la Suisse était estimé à 767 000 poids lourds dont 60 % sont passés par la France et 40 % par l’Autriche.

L’Autriche a en effet, elle aussi, mis en place des mesures

restrictives, car elle est confrontée à un trafic de transit routier particulièrement élevé : Le Brenner connaît le trafic le plus important des passages alpins avec des pointes journalières de 40 000 véhicules et un trafic de 1 250 000 poids lourds en 1996 soit 19 Mt. Un accord de transit entré en vigueur le 1er janvier 1993, a été signé par l’Autriche avec la Communauté européenne. Il prévoit notamment de réduire le niveau global des émissions d’oxydes d’azote des véhicules de transit, à 60 % du niveau initial de 1991 en 2003 puis à 40 % de ce niveau initial en 2006. Pour assurer le contrôle de ces émissions, un contingent d’éco-points est distribué annuellement par l’Union européenne aux Etats-membres qui les redistribuent aux transporteurs. Ces derniers, doivent en restituer à chaque passage un certain nombre en fonction du caractère plus ou moins polluant du véhicule utilisé.

L’Autriche s’efforce, en outre, de mener une politique tarifaire

dissuasive mais cette volonté se heurte au cadre européen. Le protocole additionnel n° 9 au traité d’adhésion à l’Union européenne prévoit une réduction progressive des péages autrichiens. Cependant, après une première baisse d’environ 28 % au début de 1995 qui conduisit à une augmentation de 20 % du trafic au Brenner, l’Autriche a procédé unilatéralement à deux fortes augmentations dans le but déclaré d’augmenter la compétitivité du transport combiné et de limiter la pollution : hausse de 100 % au 1er juillet 1995 puis de 15 % en janvier 1996. En avril 1996, la Commission a engagé une procédure d’injonction puis traduit l’Autriche devant la Cour de justice de Luxembourg au motif que le produit des nouveaux tarifs couvrait 2,5 à 3 fois les coûts complets d’infrastructure.

Page 301: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 301

Le cas de l’Autriche met en évidence les limites de l’application du principe communautaire de « proportionnalité de l’imposition aux coûts liés aux transports », d’autant plus que jusqu’à présent le droit communautaire exclut la prise en compte des coûts externes : la directive 93/89 dispose que le péage doit correspondre au strict paiement des dépenses d’infrastructures, coûts de développement inclus.

L’Autriche envisage un nouvel axe ferroviaire avec un tunnel

de base et une autoroute ferroviaire. Ce projet est l’un des 14 projets prioritaires du réseau ferroviaire transeuropéen. L’accord international sur le financement, estimé à quelque 25 Md de DM soit 85 milliards de francs, qui devrait associer l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie n’a pas encore abouti.

La Suisse, confrontée à l’expansion des échanges au sein de

l’union européenne, a choisi d’aller encore plus loin dans sa politique d’orientation modale. Sa stratégie dite “ Pull and Push ” vise à attirer le trafic sur le rail en améliorant l’offre ferroviaire (Pull) et à dissuader le trafic de fret d’emprunter la route en taxant les poids lourds à certains cols (Push). Six types de mesures sont prévues :

- réaliser deux tunnels ferroviaires nouveaux dits “ de base ”

au Loetshberg et au Saint-Gothard ; - aménager une “ autoroute ferroviaire roulante ” à très gros

débit de Bâle à Domodossola via le Loetschberg et le Simplon afin de transférer rapidement le trafic sur le rail ;

- encourager sur ce même axe le transport combiné non

accompagné qui a vocation à absorber la croissance du trafic transalpin de poids lourds et à remplacer à terme “ l’autoroute roulante ” dont le fonctionnement nécessitera une subvention très lourde pour les finances publiques compte tenu de l’écart entre les coûts et les tarifs applicables ;

- relever progressivement la limite du tonnage des poids

lourds admis à circuler en Suisse de 28 à 40 tonnes ; - financer les travaux nécessaires par une taxe non

discriminatoire s’appliquant à tous les véhicules routiers de plus de 3,5 t de poids total en charge autorisée circulant en Suisse (“redevance poids lourds liée aux prestations”) ;

Page 302: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 302

- établir une taxe de dissuasion dite « d’orientation modale du trafic de marchandises » sur chaque franchissement routier des quatre grands passages alpins (Grand-Saint-Bernard, Simplon, Saint-Gothard, San Bernardino).

Comme l’indique le rapport précité de mars 1998 sur la

politique française des transports terrestres dans les Alpes, « les Suisses estiment que l’édifice ainsi créé leur permettra de faire passer à travers leur pays, par la voie ferroviaire principalement (dont l’autoroute roulante) le trafic de transit routier actuellement détourné vers la France et l’Autriche ainsi qu’une très large partie des trafics internes transalpins (notamment du Tessin avec les autres parties du pays) et des trafics suisses d’import-export ».

Le peuple suisse a approuvé le projet ALPTRANSIT par une

votation le 27 septembre 1992. L’article 36 sexties de la constitution helvétique prévoit le transfert du trafic routier transalpin vers le rail dans un délai de 10 ans à compter du 21 février 1994. Le 27 septembre 1998, les Suisses ont voté à une large majorité « la redevance poids lourds liée aux prestations » qui doit financer le programme. Cette redevance passera de 1,6 cts/km à 3 cts/km en 2005. Le 29 novembre 1998, une nouvelle votation a approuvé un programme d’investissements ferroviaires de 136,3 milliards de francs français dont 55,2 milliards de francs français (13,6 milliards de francs suisses) pour les nouveaux tunnels du Lötschberg et du Saint Gothard auxquels s’ajouteront quelque 200 milliards de francs suisses de subvention d’exploitation à l’autoroute ferroviaire.

Le retour de la plus grande part possible du trafic

actuellement détournée vers la France et l’Autriche est indispensable au projet. Le service d’étude et de statistiques du ministère de l’équipement estimait fin 1998 que le trafic cumulé des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus pourrait diminuer de près de 500 000 poids lourds par an soit une baisse d’un peu moins d’un tiers.

D - LA POSITION FRANÇAISE

La France n’a pas, à ce jour, mené de politique spécifique des

transports terrestres dans les Alpes même si plusieurs rapports ont été établis dans une perspective intermodale.

Page 303: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 303

Un rapport du Conseil général des ponts et chaussées de 1991160 recommandait un suivi attentif de l’évolution des projets suisses du Loetschberg et du Saint-Gothard. Il prenait acte d’une décision antérieure concernant la mise à l’étude d’une liaison à grande vitesse entre Lyon et Turin, inscrit fin 1990 au schéma directeur européen des liaisons ferroviaires à grande vitesse puis au schéma directeur national du réseau à grande vitesse approuvé par le conseil interministériel d’aménagement du territoire du 14 mai 1991, et recommandait que ce projet prenne en compte l’acheminement du fret et le transport combiné. Il préconisait qu’une décision soit prise avant 1995 compte tenu des délais de réalisation du tunnel Saint-Jean de Maurienne-Bussoleno (15 ans). Il plaidait aussi pour le démarrage sans délai des travaux de l’autoroute de la Maurienne (A 43) pour délester le tunnel du Mont-Blanc. Il excluait l’hypothèse d’un nouveau tunnel routier de base au Mont-Blanc, évoquait l’éventualité d’un autre tunnel sous le petit Saint-Bernard mais présumait que celui-ci se heurterait à l’opposition du Val d’Aoste. Il considérait comme prioritaire une nouvelle percée routière entre Nice et Cunéo soit par un tunnel bas dans les vallées de la Roya et la Vermenagna, soit par un nouveau tunnel à Tende. Il escomptait que les sociétés ATMB et SFTRF pourraient durablement, en dépit de la concurrence des nouveaux tunnels ferroviaires suisses, dégager les ressources nécessaires au financement des projets de liaison ferroviaire Lyon-Turin et de la liaison autoroutière Nice-Cunéo.

Le rapport soulignait en conclusion qu’à la différence de la

situation observée en Italie où existent des structures de concertation et de financement adaptées à la recherche et à la mise en oeuvre de solutions cohérentes et efficaces sur l’ensemble de l’arc alpin, les opérateurs français avaient « une vision étroite ou sectorielle de leurs perspectives d’avenir » et recommandait « avec vigueur » la mise en place d’une structure de réflexion d’ensemble.

- En 1993, un nouveau rapport écartait les projets de l’Echelle

et du Montgenève compte tenu des oppositions italiennes à un accroissement de trafic dans le Val de Suse. Il préconisait un passage par les vallées de la Tirée et de la Scura di demonte, jugé moins dommageable pour l’environnement que les variantes par les vallées de la Vésubie ou de la Roya. Il indiquait par ailleurs qu’un nouveau tunnel devait être construit à Tende. Le rapport plaidait pour la réalisation rapide de la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Comme le

160Conseil général des ponts et chaussées - Rapport du groupe de travail sur les percées alpines.

Page 304: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 304

précédent, il estimait possible de faire financer ces grands projets par les excédents dégagés par ATMB et SFTRF.

- Le rapport du Conseil général des ponts et chaussées de

mars 1998 se démarque sur plusieurs points des recommandations des rapports précédents. Il estime que la France a intérêt à soutenir les positions suisse et autrichienne et à différer les grands projets d’infrastructures afin d’éviter une concurrence ruineuse avec les passages suisses qui sont, au demeurant, plus directs pour les flux entre l’Italie et l’Europe du nord.

a) Le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin

S’agissant du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin, il estime

qu’il ne saurait être engagé sans études approfondies supplémentaires en raison de son coût (estimé à quelque 90 milliards de francs dont 55 milliards de francs à la charge de la France dans l’option d’une “ autoroute ferroviaire ”) et des incertitudes sur les prévisions de trafic comme sur le parti d’aménagement à retenir (autoroute ferroviaire ou transport combiné non accompagné, second tunnel de faîte pour les TGV ou aménagement de la ligne existante avec des sections de dépassement). Le rapport relève la faible rentabilité socio-économique du projet évaluée à 1,5 %, mais hors prise en compte des effets externes favorables à l’environnement et à la sécurité routière.

Le rapport souligne que « des améliorations substantielles

apparaissent d’ores et déjà possibles sur la ligne actuelle pour un montant d’investissement qui ne dépasserait pas 10 % des sommes nécessaires à la réalisation du projet Lyon-Turin », les investissements correspondants étant au demeurant indispensables à l’éventuelle réalisation de ce projet. Ces conclusions rejoignent les recommandations des ministres des transports qui ont demandé en octobre 1997 aux entreprises de chemin de fer de définir un programme d’action visant à permettre, à court terme, une augmentation de la capacité de la ligne actuelle et une réduction des temps de parcours pour le fret.

Le rapport recommande de reporter la décision sur le projet

Lyon-Turin à 2006 au plus tôt, estimant qu’il convient de prendre la mesure des effets de report de trafic sur la Suisse et qu’il existe des réserves de capacité aux tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus. En 1997 le trafic moyen journalier annuel a été de 5 200 véhicules dont quelque 2 000 poids lourds au tunnel du Mont-Blanc et de 3 624 véhicules dont 2 099 poids lourds au tunnel du Fréjus avec des maxima atteignant respectivement 2 440 et 6 100 poids lourds/jour.

Page 305: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 305

En 1998, plus de 768 000 poids lourds sont passés au Mont-Blanc et 791 000 au Fréjus. Le rapport estimait, en prenant en compte les réglementations communautaires sur la modernisation des moteurs, que les émissions polluantes des camions seraient réduites de moitié d’ici 2010. Il en déduisait que les capacités de ventilation des tunnels permettraient de passer d’un trafic de marchandises de 12,4 Mt au Fréjus et 12,6 Mt au Mont-Blanc en 1996 à respectivement 20 Mt et 48 Mt en 2010 avec des pointes de 4 880 PL/jour au tunnel du Mont- Blanc et de 12 200 PL/jour au Fréjus. Les conséquences de l’incendie survenu en mars 1999 au tunnel du Mont Blanc doivent amener à reconsidérer ces perspectives tant pour ce tunnel dont les faits ont tragiquement démontré qu’il n’était d’ores et déjà pas en mesure (compte tenu de l’absence de galerie de service et de l’insuffisance des circuits de ventilation, défauts auxquels il n’est au demeurant pas possible de remédier) d’assurer le trafic actuel de poids lourds dans des conditions de sécurité qu’au tunnel du Fréjus, mieux ventilé mais lui aussi dépourvu de galerie de service. Par ailleurs, l’on observe une situation de congestion de la vallée de la Maurienne depuis la fermeture du tunnel du Mont-Blanc.

Le rapport écarte la possibilité de financer le projet Lyon-Turin

par l’affectation des excédents dégagés par l’exploitation des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus comme l’envisageaient les rapports précédents, du moins avant 2015 ou 2020 même si l’Union européenne était d’accord pour un tel transfert financier de la route sur le rail. La situation financière de la société française du tunnel routier du Fréjus s’est, en effet, gravement dégradée du fait de la construction de l’A 43 dont le coût de construction est très supérieur aux prévisions et la rentabilité très faible. Par ailleurs, l’adossement du projet d’autoroute A 41 entre Villy-le-Pelloux et Saint-Julien-en-Genevois, qui paraît désormais juridiquement exclu, grèverait durablement les possibilités financières de ATMB compte tenu de la “ très faible rentabilité ” de cette section.

Le rapport observe qu’il convient « de ne pas retirer ses

chances au transport ferroviaire par une multiplication imprudente des passages routiers » soulignant, de surcroît, que cette dernière solution est un « remède qui risque d’être pire que le mal car la dissémination de la pollution et du bruit est souvent plus nuisante (la règle n’est pas absolue cependant) que sa concentration ».

b) Les projets autoroutiers transfrontaliers

S’agissant des projets autoroutiers dans les Alpes du sud, il

émet des réserves concernant le projet de percement d’un tunnel routier de 17 km sous le col de la Lombarde en vue de la liaison Nice-

Page 306: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 306

Cunéo. Ce projet par la vallée de la Tinée (avec traversée de la zone centrale du parc national du Mercantour par un tunnel ou un élargissement de la route existante) avait été retenu de préférence à un passage par l’Ubaye, la Vésubie ou la Roya. Cependant le rapport indique que la mission du Conseil général des ponts et chaussées « s’est beaucoup interrogée sur les prémisses du raisonnement qui avait amené la mission Legrand (1991) à le préconiser, puis la mission Besson (1993) à le valider officiellement ». En effet, l’effet de délestage des poids lourds en provenance des autoroutes côtières paraît devoir être des plus limités car le trafic poids lourds ne représente que 8 % du trafic total des autoroutes côtières et le transit moins de 5 %. Par ailleurs, « les apports de fonds publics selon le principe de territorialité sont probablement en sens exactement inverses des intérêts économiques italiens et français » (25 milliards de francs pour l’Italie, 3,75 pour la France avec une simple route à 2 voies dans la vallée de la Tinée selon une première estimation de la mission). Le président de la délégation française à la commission intergouvernementale franco-italienne pour la liaison Nice-Cunéo estimait pour sa part en juin 1996 le coût de l’itinéraire d’accès français au tunnel à 2,8 milliards de francs pour une première chaussée avec échanges dénivelées entre la Mescla et Isola. Cette liaison nécessiterait en effet outre le tunnel de la Lombarde (coût prévisionnel en juin 1996 4,5 milliards de francs), un itinéraire d’accès avec au moins 5 tunnels et un viaduc (ou trois tunnels supplémentaires). De surcroît, les impacts sur l’environnement sont à prendre en compte. « La poussée d’urbanisation engendrée par la nouvelle route le long de la Tinée, devra être appréciée à l’exacte mesure de son intérêt et de ses risques », impact auquel il conviendrait d’ajouter les effets de pollution de l’air particulièrement marqués en montagne compte tenu des inversions thermiques, les nuisance sonores, les atteintes aux écosystèmes naturels.

Le rapport préconise plutôt un tunnel conçu pour le seul trafic

des véhicules légers, de préférence par retubage du tunnel de Tende, mais sans améliorer ses caractéristiques afin de ne pas favoriser un trafic poids lourds qui viendrait « perturber une vallée alpine fort pittoresque et fragile, celle de la Roya ». De surcroît, les alternatives ferroviaires et maritimes doivent « être soigneusement examinées ». En mai 1998, le ministre des transports a, lors de la publication du rapport, annoncé une étude comparée entre le réaménagement du tunnel de Tende et la réalisation d’une nouvelle infrastructure.

c) La nécessité d’une politique de transports globale

Le rapport recommande l’affirmation d’une politique alpine

des transports terrestres et la mise en place d’une mission alpine

Page 307: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 307

auprès du « comité des directeurs transports » qui serait notamment chargée de suivre l’élaboration du protocole de la convention alpine sur les transports et de définir une méthodologie visant à prendre en compte la spécificité des zones de montagne dans le cadre des études sur l’impact environnemental des transports. Le ministre des transports a annoncé en mai 1998 la prolongation de la mission du groupe de travail pour analyser l’évolution des transports terrestres à travers l’arc alpin.

Les projets d’infrastructures nouvelles dans les Alpes françaises représentent plus de 113 milliards de francs dont 54 milliards de francs pour des projets routiers : achèvement de l’A 43 8,5 milliards de francs, A 41 4,5 milliards de francs, A 51 10 milliards de francs pour le tronçon Col du Fau-La Saulce, A 58 dans les Alpes maritimes 18 milliards de francs, liaison Nice-Cunéo 5 milliards de francs, RN 94 et Montgenève 3 milliards de francs, RN 202 (Nice, Digne) 3 milliards de francs ; divers dont Tende (2 milliards de francs) sans compter le projet d’A 585 (antenne de Digne). Les projets ferroviaires s’élèvent à quelque 56 milliards de francs pour le projet Lyon-Turin dans sa configuration actuelle (dont 12 milliards de francs pour Lyon-Montmélian, 19 milliards de francs pour la partie française du tunnel de base et 25 milliards de francs pour les aménagements complémentaires (ligne des Bauges ...) auxquelles s’ajoutent des investissements de bien moindre ampleur financière mais d’une utilité reconnue pour le développement du transport ferroviaire soit 1 milliard de francs pour la remise en état de la ligne Bourg-Bellegarde et 2 milliards de francs pour des investissements améliorant le transport de fret (aménagement de la gare de Modane, triplement de la voie à Chambéry, aménagements de la ligne entre Ambérieu et Modane, amélioration du gabarit des tunnels existants).

Or, comme le souligne le rapport précité du Conseil général

des ponts et chaussées, la part rentable de tous ces projets, routiers comme ferroviaire représentera au mieux 15 % du total. Les facilités de l’adossement ont permis de lancer des opérations autoroutières à très faible rentabilité socio économique comme l’A 43 ou l’A 51. Du fait du nouveau contexte juridique lié à la mise en oeuvre de la directive travaux, la construction de nouveaux tronçons autoroutiers non rentables (A 41, A 585) nécessiterait des taux élevés de subvention.

Compte tenu des contraintes financières, il convient de

réexaminer l’ensemble des projets d’infrastructures de transport. Ce réexamen devra s’inscrire dans la perspective définie par les schémas de services collectifs de transport. Selon les priorités définies par la circulaire cadre du 22 juillet 1998 approuvées par le conseil interministériel d’aménagement et de développement du

Page 308: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 308

territoire du 16 décembre 1998, « Les espaces montagnards devraient faire l’objet de dispositions particulières visant à limiter l’accueil d’ouvrage et de trafic supplémentaires dans les vallées déjà aménagées. Priorité sera donnée au mode ferroviaire pour le transit international franchissant les Alpes et les Pyrénées ». Le projet de loi d’orientation pour l’aménagement durable du territoire comporte des dispositions spécifiques sur ce point. Il indique que « les zones à environnement fragile peuvent faire l’objet de dispositions particulières comportant des restrictions, voire des interdictions d’accès afin d’en assurer la protection. En particulier, pour le transit international franchissant les Alpes et les Pyrénées, les schémas de services collectifs de transport donnent priorité au mode ferroviaire ».

Compte tenu des délais de réalisation des infrastructures

ferroviaires celles-ci ne seront disponibles qu’en 2015 au plus tôt si les décisions de principe sont prises en l’an 2000. Il apparaît indispensable de renforcer d’ici là aux passages routiers les mesures de sécurité dont certaines avaient été perdues de vue au tunnel du Mont-Blanc. Dans l’immédiat, une amélioration des conditions d’exploitation de la gare internationale de Modane161 permettrait, sans investissement supplémentaire, d’accroître de 30 % sa capacité. Cependant les offres de trains supplémentaires proposées depuis la fermeture du tunnel du Mont-Blanc n’ont pas jusqu’à présent entraîné de report significatif du trafic sur le rail, notamment pour des raisons de coûts et d’insuffisante adaptation de l’offre au marché.

II. - LES PYRENEES Les échanges transpyrénéens sont d’ores et déjà très

supérieurs au trafic international dans les Alpes françaises. Près de 95 % de ce trafic passe par la route. Quelque treize mille poids lourds traversent la chaîne des Pyrénées chaque jour et, selon un scénario au fil de l’eau, ce chiffre pourrait doubler d’ici 2015 compte tenu de l’accroissement des échanges entre l’Espagne et les autres pays de l’Union européenne. Ce trafic est actuellement concentré aux deux extrémités de la chaîne à Biriatou et au Perthus.

Deux axes routiers européens sont en cours d’aménagement

par le tunnel du Somport (E7) et le tunnel de Puymorens (E9).

161 SNCF - Rapport d’audit sur la gare internationale de Modane - Novembre 1996.

Page 309: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 309

Cependant, compte tenu des perspectives de trafic, les élus des régions frontalières demandent une réflexion intermodale qui a fait jusqu’ici défaut (projets de tunnel ferroviaire central, d’aménagements TGV-fret au Perthus, de transport maritime) et réclament l’inscription d’un tunnel de ferroutage au schéma transeuropéen de transports. Comme pour les Alpes, les schémas de service devront accorder une priorité au transport ferroviaire pour le transit international.

III. - LA POLITIQUE EUROPEENNE La Commission européenne est favorable au renouveau du

fret ferroviaire en particulier dans les zones dites “ sensibles ”. Pour autant, compte tenu de leur coût, la réalisation des grands projets d’infrastructures ferroviaires se heurtent à certains principes de la politique communautaire des transports.

Le principe de territorialité, qui veut qu’une infrastructure soit

financée par les seuls pays frontaliers au prorata des kilométrages situés sur leur territoire, apparaît inadapté au financement d’ouvrages d’intérêt européen et à faible rentabilité financière. Cependant le livre blanc établi en juillet 1998 par la Commission162 reconnaît que « l’existence d’avantages transfrontières justifie dans une large mesure le cofinancement des infrastructures de transport traneuropéennes par le budget communautaire ».

De même, le principe de la proportionnalité de l’imposition aux

coûts liés au transport interdit les transferts financiers de la route vers le rail et ce d’autant plus que l’incorporation des coûts externes n’est, pour le moment du moins, pas acceptée.

Comme le souligne le rapport précité du Conseil général des

ponts et chaussées de mars 1998, la Suisse doit à sa non appartenance à l’Union européenne d’avoir fait admettre les très importants transferts financiers de la route vers le rail nécessaires au financement du projet ALPTRANSIT. A contrario, le cas de l’Autriche témoigne des contradictions de la politique européenne des transports, partagée entre le souci de respecter l’environnement et le principe de la concurrence entre les modes.

162 “ Des redevances équitables pour l’utilisation des infrastructures : une approche par étapes pour l’établissement d’un cadre commun en matière de tarification des infrastructure du transport dans l’Union européenne ” - juillet 1998.

Page 310: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 310

Le rapport du Conseil général des ponts et chaussées

souligne que, dès lors, il conviendra de remettre en cause le principe de territorialité, d’autoriser des transferts financiers importants de taxations routières spécifiques vers le rail ou d’accorder des financements budgétaires européens élevés aux projets d’infrastructures en zone alpine, raisonnement qui vaut aussi pour les Pyrénées.

Page 311: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 311

ANNEXE N° 5

LES COUTS EXTERNES DU TRANSPORT ROUTIER

I. - LES COUTS SOCIAUX DU TRANSPORT ROUTIER

Les coûts énergétiques et environnementaux Le transport routier est le mode de transport terrestre le plus

consommateur d’énergie et le plus coûteux en termes environnementaux (consommation d’énergie non renouvelable163, contribution à l’effet de serre, bruit, pollution, atteintes aux paysages et aux milieux naturels). Comme le souligne un rapport de la cellule prospective et stratégie du ministère de l’environnement, « le mode routier est celui qui représente le degré d’organisation collective minimal et qui, que ce soit par passager/kilomètre ou par tonne/kilomètre de marchandises, a l’un des plus mauvais rendements énergétique et environnemental164 ». Le rapport d’efficacité est de l’ordre de 2,2 entre le mode de transport routier le plus performant (maxi code) et le mode ferré le plus performant (train complet). Pour autant, tous les modes de transport ferroviaires ne sont pas équivalents et le transport de marchandises par wagon isolé a sensiblement la même consommation d’énergie qu’un camion articulé chargé à 70 %. L’avantage du rail est plus marqué en matière de pollution et de bruit165.

163 Selon les experts de la conférence mondiale de l’énergie, l’ensemble des réserves de pétrole brut techniquement accessibles (hors considération de prix) représente environ 40 ans d’utilisation au rythme de consommation actuel, 75 ans si l’on estime pouvoir également utiliser des gisements tels que les schistes bitumeux. 164 Ministère de l’environnement. Cellule de prospective et stratégie - “ Pour une politique soutenable des transports ” - 1995. 165 En Ile-de-France 89 % du réseau routier dépasse la norme admise de 60 décibels selon une étude récente de l’institution d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France.

Page 312: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 312

Un rapport de la mission interministérielle sur l’effet de serre166 indique que, si la France est le pays européen dont les émissions globales de CO2 ont le plus diminué entre 1980 et 1990 du fait du programme nucléaire et des économies d’énergie dans l’industrie et le bâtiment, les émissions dues aux transports tous modes y ont fortement progressé (+ 39 % entre 1980 et 1993) comme d’ailleurs dans les autres pays européens hors Pays-Bas, l’Europe étant la seule zone mondiale dont l’efficacité énergétique en matière de transports a diminué entre 1973 et 1990. « C’est la circulation routière qui, sans conteste, est le principal contributeur des émissions atmosphériques depuis les années quatre-vingt. La route et l’avion émettent respectivement 87 % et 11 % des rejets dus aux transports de NO et de CO2. La pollution par le SO2 a, dans son ensemble, baissé de plus de 70 % depuis 1980 mais, en raison de l’utilisation plus importante du gazole, le secteur des transports a vu sa part augmenter de 65 % et elle représente aujourd’hui 12 % de la totalité des émissions contre 5 % en 1980 ... En France, les transports constituent le seul secteur en croissance continue en matière de rejets167 ».

Les transports représentent 36 % des émissions françaises

de CO2. « Le secteur des transports a connu de 1973 à 1992 une croissance de consommation d’énergie voisine de celle de l’ensemble du PIB alors que celle de l’ensemble des autres secteurs de l’économie stagnait jusqu’en 1986 et ne connaissait sur l’ensemble de la période qu’une croissance égale au tiers de celle du PIB. La consommation de pétrole des autres secteurs baissait de moitié quand celle des transports augmentait de moitié pour atteindre 61 % du total168 ».

Selon un rapport établi en 1993 par l’Académie des sciences

sur l’ozone troposphérique, « il sera très difficile aux instances locales ou régionales en 2010 pour l’ozone atmosphérique, majoritairement produit par la circulation routière, de faire respecter la norme OMS par des mesures acceptables de régulation ou de limitation de trafic ». Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 1998 devant l’Assemblée nationale, le ministre de l’équipement, des transports et

166 Mission interministérielle sur l’effet de serre. Programme national de prévention du changement de climat - Février 1995. 167 Ministère de l’environnement. Cellule de prospective et stratégie - “ Pour une politique soutenable des transports ” - 1995. 168 Rapport du comité interministériel de l’évaluation des politiques publiques au Premier ministre sur la maîtrise de l’énergie - 1998.

Page 313: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 313

du logement a reconnu que « et ce n’est pas un mince problème que de devoir le constater, on a privilégié depuis plusieurs décennie le développement des modes de transport les plus polluants, au point qu’aujourd’hui les transports sont devenus dans nos pays la première cause de la pollution atmosphérique169 ». A ces effets s’ajoutent la pollution des eaux et des sols, l’impact sur les paysages, la consommation d’espace, les atteintes à la faune et à la flore. L’augmentation de la part du transport routier va ainsi à l’encontre des engagements internationaux pris par la France en faveur d’un développement durable.

Les effets sur la santé

Il n’existe pas en France d’étude évaluant les coûts externes

de santé imputables au transport routier. En Suisse une étude publiée en mai 1996170 sur mandat du service d’étude des transports du département fédéral des transports, des communications et de l’énergie, a évalué les coûts de santé liés à la pollution de l’air due aux transports à 1 632 MF suisses minimum en 1993 dont 1 289 pour les seuls transports routiers (820 imputables au transport de personnes et 470 au transport de marchandises). La pollution de l’air par les transports serait cause notamment de 426 000 jours d’incapacité de travail et de quelque 2 100 décès prématurés par an (bande d’incertitude de 1 500 à 2 600 décès) soit 3,6 % de la totalité des décès, l’espérance de vie de ces 2 100 victimes étant raccourcie de plus de 12,7 ans en moyenne. Au kilomètre parcouru les coûts externes de santé atteindraient un centime suisse par personne transportée et 4,6 centimes par tonne de marchandise. Le rapport souligne qu’il s’agit là de coûts vraisemblablement très sous-estimés.

Le coût de l’insécurité routière

Le coût des accidents est estimé à 119,6 milliards de francs

en 1998 dont 59,6 pour les accidents corporels (source : observatoire national interministériel de sécurité routière). Rapporté au nombre de milliards de passagers x km, le nombre de tués était estimé pour la période 1993-1997 (hors attentats) à une moyenne de 0,13 pour les transports aériens, de 0,39 pour le transport ferroviaire et de 8,16 pour les transports routiers (véhicules particuliers). Les accidents impliquant au moins un poids lourd sont plus graves que la moyenne

169 Séance du 24 octobre 1997. 170 Ecoplan. Monétarisation des coût externes de la santé imputables aux transports. Rapport de synthèse du 10 mai 1996.

Page 314: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 314

des accidents routiers (10,91 tués/100 victimes contre 4,53). En 1997, ces accidents ont entraîné 1 056 tués et 8 622 blessés.

L’European Transport Safety Council a chiffré le coût total de

l’insécurité routière en Europe à 162 milliards d’écus en 1995 soit 97 % des coûts totaux associés aux accidents de transport.

II. - LA PRISE EN COMPTE DES COUTS EXTERNES PAR LA

TARIFICATION DU TRANSPORT ROUTIER Les usagers de la route paient une contribution élevée

(évaluée à près de 140 milliards de francs en 1990171) par le biais de la fiscalité, sur les carburants et les automobiles, et des péages. La question est de savoir dans quelle mesure cette contribution couvre les coûts sociaux correspondants. Les coûts externes sont toutefois difficiles à évaluer et selon les paramètres retenus et leur valorisation, les estimations produisent des chiffrages très différents.

Selon un rapport du Conseil général des ponts et

chaussées172, au coût complet, tous trajets de tous véhicules confondus, l’on atteindrait l’équilibre entre recettes et dépenses générales pour les usagers de la route. Cependant si l’on prend en compte la rareté de l’énergie, l’usage de la route serait sous tarifé de 21 milliards de francs 1990 au coût complet et de 38 milliards de francs au coût marginal social (53). En toute hypothèse, au coût marginal social avec prise en compte de l’environnement, l’on observerait une sous tarification globale des usagers de la route de 20 milliards de francs 1990 y compris pour les véhicules légers. Ces estimations se fondent sur les valeurs des actifs environnementaux préconisées par le rapport du Commissariat général au plan sur les méthodes d’évaluation des projets d’infrastructure173 qui constituent une première approche et devront, comme le prévoit la circulaire de la direction des routes du 20 octobre 1998 sur les méthodes d’évaluation des investissements routiers en rase campagne, être reconsidérées en fonction de l’évolution des connaissances.

171 Conseil général des ponts et chaussées. Mise à jour du rapport du groupe de travail relatif à la nouvelle étude de l’imputation des coûts d’infrastructure de transport routier (mai 1996). 172 Idem. 173 Commissariat général au plan. Pour un meilleur choix des investissements, novembre 1994.

Page 315: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 315

Les estimations de l’Institut national de recherche et d’étude sur les transports et la sécurité (INRETS), citées par le rapport du Commissariat général au plan “ Energie 2010-2020 - Les chemins d’une croissance propre ” produisent un chiffrage différent : Les coûts du transport routier dépasseraient les recettes induites de quelque 61,4 milliards de francs, et ce essentiellement en zone urbaine (- 60,7 milliards de francs). Le bilan recettes-dépenses serait positif pour les véhicules légers circulant à l’essence en rase campagne (+ 13,2 milliards de francs) mais non en zone urbaine (- 20 milliards de francs). Ce bilan serait négatif pour les véhicules légers fonctionnant au diesel (- 17 milliards de francs) et pour les véhicules utilitaires (- 28,6 milliards de francs).

Le cas du transport routier de marchandises

Si la couverture des coûts externes liés à l’usage des

véhicules légers est diversement appréciée, les études s’accordent à reconnaître que le transport routier de marchandises ne couvre pas ses coûts.

En effet, le transport routier de marchandises est favorisé par

les dispositions fiscales qu’il s’agisse de la fiscalité sur le gazole dont le relèvement par la loi de finances n’a pas touché les poids lourds compte tenu de la création d’un régime spécifique pour les véhicules utilistaires ou de la taxe à l’essieu instaurée en 1968 et dont les barèmes n’ont pas été revalorisés depuis 1971 ce qui place son niveau parmi les plus bas d’Europe. De surcroît, les péages autoroutiers acquittés par poids lourds ne sont, compte tenu des conditions d’abonnements, que 1,8 fois plus élevés que ceux des véhicules légers alors même qu’ils encombrent les chaussées deux à quatre fois plus et les détériorent dans un rapport de un à plus de 1 million pour la structure de la chaussée.

Selon un rapport du Commissariat général au plan174 qui

s’appuie sur les conclusions du rapport précité du Conseil général des ponts et chaussées, les poids lourds sont sous-tarifés sur l’ensemble des réseaux hors autoroutes concédées. Le taux de sous-tarification peut aller jusqu’à 2,7 en retenant pour recette l’ensemble de la fiscalité sur le secteur des transports routiers de marchandises (y compris la totalité de la TIPP). Sur les autoroutes concédées, les poids lourds couvrent les dépenses d’entretien, d’exploitation et de

174 Atelier sur les orientations stratégiques de la politique des transports et leurs implications à moyen terme. Transport : le prix d’une stratégie juin 1995.

Page 316: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 316

développement du réseau mais non les coûts externes. Le rapport précité du conseil général des ponts et chaussées sur l’imputation des coûts d’infrastructure de transport routier indique qu’il aurait été nécessaire en 1990 de majorer la TIPP de 1,70 F/litre de gazole pour prendre en compte les externalités environnementales (+ 13 milliards de francs) et d’augmenter la taxe à l’essieu de façon que son produit passe de 500 MF à 10 milliards de francs. Le rapport précité sur la maîtrise de l’énergie estime que « les usagers du réseau routier non urbain paieraient 72 % de leurs coûts totaux mais que, à l’intérieur de cette moyenne, les poids lourds (seraient) très loin de payer leurs coûts puisqu’ils ne paieraient que 66 % de leurs surcoûts d’infrastructure et 40 % des coûts totaux ».

Le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement fait par ailleurs valoir que certains coûts externes ne sont pas monétarisés (effet de coupure, consommation d’espace, réduction de la diversité biologique, impact paysager, consommation d’énergie non renouvelable) ; pour ceux qui sont monétarisés, il ne prend pas en compte le principe de précaution qui conduirait à valoriser davantage les coûts affectant des ressources non renouvelables.

Page 317: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 317

ANNEXE N° 6

LES CONDITIONS JURIDIQUES D’OCTROI DES CONCESSIONS

I. - CONCESSIONS ACCORDEES SANS MISE EN PUBLICITE POSTERIEUREMENT A L’ENTREE EN VIGUEUR DE LA

DIRECTIVE TRAVAUX

ASF

Convention du 10/01/1992 approuvée par décret du 7/02/1992 :

A 46 Ternay-Saint Priest + bretelle BUS A 7 Ternay-Vienne Nord A 20 Brive-la-Gaillarde-Montauban et Toulouse-Pamiers A 54 Salon-Saint Martin du Crau (+ bretelle pélissanne) A 64 Toulouse-Muret (bretelle de Peyrehorade et du Val d’Aran) A 68 Toulouse-GEMIL (bretelle de Verfeil) A 83 Nantes-Niort A 87 Angers-La Roche-sur-Yon A 89 Balbigny - Bifurcation A6/A46 A 89 Lussat-Bordeaux A 749 Contournement de Valence A 837 Rochefort-Saintes Fin de concession 31/12/2012

Décret du 29/09/1992 - fusion avec ACOBA A 63 Saint-Geours de Marenne-Biriatou

Convention du 2/06/ 1994 approuvé par décret du 2/08/1994 Tunnel du Puymorens - fin de concession 31/12/2037

Avenant du 10/05/1996 approuvé par décret du 12/05/1996 A 20 Brive-la-Gaillarde-Montauban-Toulouse Pamiers A 64 Bretelle du Val d’Aran A 749 Contournement de Valence A 83 Oulmes-A 10 A 87 Angers-La Roche-sur-Yon A 89 Balbigny - Bifurcation A 6 - A 46 A 89 Lussat-Bordeaux Fin de concession 31/12/2015

Page 318: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 318

« Des avenants ultérieurs préciseront les conditions techniques et financières de leur réalisation ». 2ème avenant du 18/09/1997 approuvé par décret du 18/11/1997

A 10 St. André de Cubzac-Lormont.

4ème avenant du 29/12/1997 approuvé par décret du 29/12/ 1997.

A 20 Brive-la-Gaillarde-Montauban A 66 Toulouse-Pamiers A 645 Val d’Aran A 710 Antenne de Lussat A 83 Oulmes A 10 A 87 Angers - La Roche-sur-Yon A 89 Clermont-Ferrand-Bordeaux Fin de concession 31/12/2019

ESCOTA

6ème avenant du 7/09/1995 approuvé par décret du 3/10/1995. A 51 Sisteron-La Saulce A 51 La Saulce - Echangeur de Pellafol « dont les conditions techniques et financières seront déterminées par avenant ultérieur ». Fin de concession 31/12/2013 (portée au 31/12/2014 par

décret du 31/01/1996)

SANEF

Convention du 27/06/1990 approuvée par décret du 29/10/1990.

A 26 Chalons-sur-Marne/Troyes. Des avenants ultérieurs préciseront les conditions techniques et financières de la réalisation de :

A 16 La Courneuve-Amiens-Boulogne A 4 Contournement sud de Reims A 29 RN28 - Amiens-Saint-Quentin Fin de concession 31/12/2010

Page 319: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 319

2ème avenant du 31/07/1992 approuvé par décret du 18/09/1992. A 1 Fresnes-Dourges A 16 Bretelle de Dury (raccordement du diffuseur d’Amiens

sud à la RN 1)

4ème avenant du 17/12/1997 approuvé par décret du même jour. A 16 L’île Adam-Amiens-Boulogne-sur-Mer A 29 RN 28 - Amiens-Saint Quentin Des avenants ultérieurs préciseront les conditions techniques

et financières de la réalisation de l’A 16 La Courneuve-L’Isle Adam (sous réserve de DUP) et de l’A 4 contournement sud de Reims (sous réserve de DUP). Fin de concession 31/12.2016.

SAPN

Convention du 7/03/1991 approuvée par décret du 12/04/1991.

A 14 Orgeval-Nanterre A 29 Le Havre - RN 28 (ex. bretelles) A 28 Rouen (A 13) - Alençon dont les conditions

techniques et financières seront déterminées par avenant ultérieur

A 131 Bretelle de Tancarville - bretelle de Louviers Fin de concession 31/12.2012

Convention du 24/03/1995 approuvée par décret du 3/05/1995. A 29 S - A 13 Pont de Normandie Fin de concession 31/12/2015 (portée au 31/12/2016 par

avenant du 9/10/1995 approuvée par décret du 26/10/1995)

Page 320: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 320

SAPRR

1er avenant du 31/10/1990 approuvé par décret du 25/03/1991 A 5 Troyes Est-Langres Troyes Est-Rocade interdépartementale des villes nouvelles

et bretelle Melun-Villes Nouvelles (A 5a)

A 39 Dôle-Bourg-en-Bresse A 46 Les Echets-Neyron (A 42) A 67 Dordives-Montargis A 89 Extrémité est de Balbigny-Lyon (dont les conditions

techniques etfinancières seront déterminées par avenant ultérieur)

A 160 Courtenay-Sens A 432 La Boisse-Satelas A 719 Antenne de Gannat Déviation Dijon-Crimolois

5ème avenant du 29/09/1994 approuvé par décret du 29/09/1994 A 5 Bretelle de Melun-RD 82 A 39 Antenne de Poligny (A 39-RN 83) A 40 Antenne de raccordement à la RN 6 au sud de Macon

dont les conditions techniques et financières seront déterminées par avenantultérieur. Antenne d’Oyonnax (A 40-Oyonnax nord) Contournement ouest d’Oyonnax

A 67 Montargis sud-Boismorand A 432 Pusignan-Contournement de Satolas dont les

conditions techniques et financières seront déterminées par avenant ultérieur Fin de concession 31/12/2011

6ème avenant du 13/10/1995 approuvé par décret du 4/01/1996.

A 77 Rosiers-Cosne-sur-Loire Fin de concession 31/12/2013 (portée au 31/12/2014 par décret du 31/12/2014)

Page 321: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 321

8ème avenant du 18/12/1997 approuvé par décret du 29/12/1997 A 406 Contournement sud de Macon A 432 Pusignan-Contournement de Satolas Fin de concession portée au 31/12/2017

COFIROUTE

1990 : 5ème avenant du 5/11/1990 - Décret du 20/12/1990.

A 41 Contournement autoroutier nord de Nantes (A821)

1994 : 7ème avenant du 24/03/1994 - Décret du 21/04/1994 A 11 Contournement Nord de Nantes (A 821) A 85 Angers/Langeais Est Des avenants ultérieurs préciseront les conditions techniques

et financières de la réalisation de : A 28 Alençon/Le Mans/Tours A 85 Tours/Vierzon A 86 Pont Colbert/Rueil-Malmaison (VL) et Rueil-

Malmaison/autoroute A 12 (autres véhicules)

Annulée par le Conseil d’Etat le 20/02/1998 A 126 : Saint-Quentin-en-Yvelines/Massy-Palaiseau

1995 : 8ème avenant du 7/08/1995 - Décret du 26/09/1995 Il a pour objet la définition des conditions techniques et

financières de A 28, A 85 et A 86 Fin de concession : 31/12/2030 sauf A 86 : 31/12/50ème

année suivant sa mise en service complète p.m. A 86 annulée par le Conseil d’Etat d’Etat le 20 février

1998

Page 322: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 322

II. - CANDIDATS ET ATTRIBUTAIRES DES CONCESSIONS

AYANT FAIT L’OBJET D’UN AVIS DE PUBLICITE EUROPEENNE AU 31 DECEMBRE 1998

SECTION AVIS AU

JOCE CANDIDATS CANDIDATS ADMIS

A PRESENTER UNE OFFRE

CANDIDATS AYANT

PRESENTES UNE OFFRE

ATTRIBUTAIRE

A29 section Pont de Normandie A13

08.04.1993

. SAPN . Groupement français piloté par DUMEZ . Groupement franco-italien piloté par TORNO-France

. SAPN

. SAPN

SAPN

Décret du 3 mai 1995

A77 (ex A67) Boismorand/Cosne

15.09.1993 . SAPRR . COFIROUTE

. SAPRR

. COFIROUTE . SAPRR

SAPRR décret du 13 oct. 95

RN10 Belin-Béliet/ST Géours de Marenne

04.06.1994 . ASF . EIFFAGE . AUTOSTRADE International . Groupement pilote par COCHERY-BOURDIN-CHAUSSE/SGE

. ASF

. EIFFAGE

. AUTOSTRADE international . Groupement piloté par COCHERY-BOURDIN-CHAUSSE/SGE

. ASF

. EIFFAGE

. COCHERY-BOURDIN-CHAUSSE/SGE

COCHERY-BOURDIN-

CHAUSSE/SGE

concession abandonnée (1)

A10 St André de Cuhzac/Bordeaux

04.06.1994 . ASF . ASF . ASF ASF décret du 18 nov. 97

A41 Villy-le-Péloux/St Julien

20.10.1994 . ATMB . Groupement piloté par GTM

. ATMB

. Groupement piloté par GTM

. ATMB

. Groupement Piloté par GTM

ATMB avenant en cours

de négociation

A400 Annemasse/Thonon les Bains

16.11.1994 . ATMB . ATMB . ATMB ATMB Abandonné (2)

A19 Artenay/Courtenay

18.06.1996 . SAPRR . SAPRR . SAPRR En cours d’examen

A87 Contournement de La Roche Yon

25.09.1996 . COLAS . ASF

. COLAS

. ASF . ASF Procédure

stoppée

A585 Antenne du Val de Bléone et déviation de Digne-les-Bains

14.12.1996 . COCHERY-BOURDIN-CHAUSSE . ESCOTA

Procédure stoppée

A86 Rueil Malmaison Bailly Rueil Malmaison Pont Colbert

10.04.1998 . Groupement Bouygues . Groupement Cofiroute

. Groupement Bouygues . Groupement Cofiroute

. Gpt Bouygues

. Gpt Cofiroute COFIROUTE (3)

(1) A la suite de la décision du gouvernement de réaliser en définitive cet aménagement hors concession, il a été indiqué par lettre du 6 février 1998 au concessionnaire retenu qu’il n’y aurait pas de suite à la négociation. (2) L’abandon de la procédure de concession a été notifié à la société par lettre du 29 avril 1997 à la suite de l’annulation de la déclaration d’utilité publique de cette autoroute par le conseil d’Etat. (3) Avenant en cours de signature.

Page 323: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 323

ANNEXE N° 7

DONNEES RELATIVES A LA SECURITE ROUTIERE175

I. - STATISTIQUES

A) LES ACCIDENTS CORPORELS PAR CATEGORIE DE RESEAU EN 1997

Les statistiques d’accidents rapportées au nombre de kilomètres parcourus font apparaître que les autoroutes sont plus sûres que les autres catégories de voies.

Parcours

en milliards de km

nombre d’acci-dents

corporels

nombre de

tués

Nombre de

blessés graves

Nombre de

blessés légers

Indice de gravité des accidents

(1)

Nombre de tués par milliard

de km parcourus

Autoroutes de liaison

2 365

299

1 178

2 803

12,64

Autoroutes de dégagement

3 228 147 281 4 318 4,55

Total autoroutes 92 5 593 446 1 499 7 121 7,97 4,9

Routes nationales

86

20 716

2 177

7 550

23 249

10,51

25,3

Routes départe-mentales

203 42 142 4 159 17 523 42 095 9,87 20,5

Voirie communale 133 56 751 1 207 9 184 61 397 2,13 9,1

Ensemble 514 125 202 7 989 35 716 133 862 6,38 15,5

(1) Nombre de tués pour 100 accidents corporels.

175 Source : Observatoire national interministériel de sécurité routière - Bilans annuels -statistiques et commentaires 1997 et 1998.

Page 324: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 324

B) L’AUGMENTATION DU NOMBRE D’ACCIDENTS SUR LES AUTOROUTES

En 1997, le nombre de tués a baissé sur les routes nationales (- 5,3 %), augmenté légèrement sur les routes départementales (+ 0,6 %) mais plus fortement sur les autoroutes (+ 4 %) et en particulier sur les autoroutes de dégagement (+ 5,8 %). Dans le même temps le nombre de blessés qui a diminué sur les routes nationales (- 2,1 %) et augmenté très faiblement sur les routes départementales, a crû très nettement sur les autoroutes (+ 9,8 %) et en particulier sur les autoroutes de liaison (+ 13,5 %). Cette évolution s’est poursuivie en 1998.

En 1998, le nombre global de tués a augmenté pour la

première fois après neuf années de baisse plus ou moins forte mais continue. Si l’on compare les quatre premiers mois de 1998 aux quatre premiers mois de 1997, le nombre de tués a augmenté de 50 % sur les autoroutes (contre + 13,5 % pour les routes nationales et + 10,5 % pour les routes départementales) et le nombre de blessés a connu une hausse de + 16,4 % sur les autoroutes de liaison et de 15,5 % sur les autoroutes de dégagement (contre + 3,4 % sur les routes nationales et + 1,4 % pour les routes départementales). Au second quadrimestre de 1998 le nombre de tués à augmenté de 14,7 % par rapport à la même période de 1997 pour les autoroutes de liaison mais diminué pour les autoroutes de dégagement et les routes nationales et départementales. Sur l’année, le nombre de morts sur autoroutes a augmenté de 5,6 % comme pour l’ensemble du réseau avec des disparités importantes dans les évolutions selon qu’il s’agit des autoroutes de liaison (+ 14 %) ou des autoroutes de dégagement (- 11 %).

En 1998 le réseau autoroutier est le seul sur lequel le nombre

de blessés graves a augmenté (+ 4%) en particulier sur les autoroutes périurbaines (+17,1 %).

Page 325: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 325

II. - Facteurs intervenant dans les accidents de la route L’analyse, dans le cadre du programme REAGIR, de 20 000

rapports d’accidents mortels survenus de 1983 à 1996 fait apparaître que 95 % des accidents comportent des facteurs se rapportant à l’usager, 47 % des facteurs touchant à l’infrastructure, 28 % des facteurs ayant trait au véhicule et 22 % des facteurs se rapportant à des éléments divers (météo ...).

A) LES COMPORTEMENTS A RISQUE DES CONDUCTEURS

L’analyse met en évidence une vitesse inadaptée dans 48 % des cas (59 % des accidents de moto, 44 % des accidents de voitures de tourisme, 22 % des accidents de poids lourds), une alccolémie élevée dans 27 % des cas, un défaut de sécurité individuelle dans 30 % (ceinture, casque), la fatigue dans 18 % des cas, une défaillance physique dans 14 %.

Les excès de vitesse : première cause de mortalité sur la route

Selon les statistiques de la sécurité routière pour 1998, de

jour 4 conducteurs de véhicules de tourisme sur cinq dépassent la vitesse autorisée dans la traversée des agglomérations de moins de 5 000 habitants et aux entrées et sorties des agglomérations moyennes (20 000 à 100 000 habitants). Un conducteur sur deux dépasse la vitesse autorisée sur les routes nationales où elle est limitée à 90 km/h et 56 % sur les routes départementales à grande circulation. 53 % des conducteurs sont en infraction sur les autoroutes de dégagement et les voies rapides. Les dépassements de vitesse autorisée sont encore plus accusés la nuit. Sur les voies d’entrée d’agglomération, en particulier, 92 % des conducteurs dépassent la vitesse limite et 69 % la dépassent de plus de 10 km/h.

La proportion de conducteurs qui ne respectent pas les

limitations de vitesse augmente régulièrement depuis 1992. En 1998, les vitesses pratiquées par les véhicules de tourisme ont encore augmenté sensiblement sur le réseau autoroutier et en particulier sur les autoroutes de dégagement (+ 5 km/h). De même, la vitesse des poids lourds sur autoroute s’est accrue. Par ailleurs, le pourcentage de conducteurs qui dépassent les vitesses limitées en agglomérations la nuit à encore progressé.

Page 326: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 326

La vitesse augmente le nombre et la gravité des accidents. La vitesse est désormais le premier facteur de mortalité routière en France. Elle est en cause dans 48 % des accidents mortels. Les expériences françaises et étrangères ont montré une extrême sensibilité des bilans de sécurité routière à des variations même mineures des vitesses moyennes pratiquées.

Le comité interministériel de sécurité routière du 26 novembre

1997 a souligné que le simple respect des limitations de vitesse aurait permis de sauver 3 300 vies en 1996.

La conduite sous l’emprise de substances psychoactives L’analyse des accidents mortels montre qu’une alcoolémie

supérieure au seuil légal était mentionnée en 1996 pour 32 % de ces accidents. Cette proportion s’élèvait à 46 % pour les accidents mortels impliquant un véhicule seul sans piéton. Quant aux toxiques illicites, ils seraient en cause dans 15 % des accidents mortels selon les estimations avancées par le comité interministériel de sécurité routière du 26 novembre 1997. Les médicaments psychotropes sont aussi source d’accidents.

B) LES FACTEURS TENANT A L’INFRASTRUCTURE

Selon l’enquête précitée du programme REAGIR le facteur “ conception de l’infrastructure ” se retrouve dans 34 % des accidents (20 % configuration de la route, 14 % abords) et le défaut d’entretien et d’exploitation de l’infrastructure dans 24 %.

Les comparaisons internationales font apparaître qu’il n’y a

pas de corrélation entre la densité du réseau autoroutier et les statistiques d’accidents mortels, confirmant que les facteurs liés aux infrastructures sont seconds par rapport à ceux tenant au comportement des usagers de la route.

Page 327: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 327

COMPARAISONS INTERNATIONALES - ANNEES 1995

Densité du réseau autoroutier

Autoroute

km

km/millions h

km/1 000 km2

Nombre de tués (1) par millions

de véhicules

Nombre de tués (1) par millions

d’h. Allemagne

11 190 137 31,3 222

116

Autriche 1 596 199,5 19 286 150 Belgique 1 666 165 54,6 - - Danemark 830 159,6 19,3 303 113 Espagne 8 133 207,5 16,1 316 147 Finlande 394 77,3 1,2 205 87 France 8 275 142,4 15 296 153 Grèce 420 40 3,2 689 211 Irlande 72 20 1 401 122 Italie 8 860 154,6 29,4 198 122 Luxembourg

123 307,5 47,7 294 167

Pays-Bas 2 208 142,5 53,6 203 86 Portugal 687 69,4 7,7 630 276 Royaume-Uni

3 308 56,5 14,4 146 62

Suède 1 262 143,4 3,1 147 65

(1) La définition du tué varie selon les pays. La plupart des pays de l’union européenne comptabilisent les victimes dans un délai de 30 jours après l’accident à l’exception de la France (6 jours), de l’Italie (7 jours) et de la Belgique (décès sur le lieu de l’accident). Source Eurostat DGVII - Commission européenne 1997.

c) Les facteurs tenant aux véhicules

Le défaut d’entretien du véhicule est mentionné dans 16,5 %

des enquêtes et la conception du véhicule dans 14 %.

Page 328: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 328

III. LES CREDITS AFFECTES A LA SECURITE ROUTIERE

En MF 1993 1994 1995 1996 1997 1998 Chapitres CD CD/LFI CD CD/LFI CD CD/LFI CD CD/LFI CD CD/LFI CD CD/LFI

31-44 a

1,597 97,50 % 1,52 99,1 % 2,13 100 % 2,18

100 % 2,18 100 % -

-

35-43 b 96,878 82,42 % 173,38 95,2 % 177,25 95,5 % 150,96 85,3 % 139,38 86,51 % 167,03 101,14 % 37-06 c 54,668 95,81 % 65,36 105,8 % 60,75 104,5 % 50,64 96,8 % 55,45 123,91 % 63,46 141,81 %37-45 d 27,961 93,89 % 38,49 91,9 % 38,43 91,7 % 38,54 99,5 % 36,52 95,27 % 41,7 103,44 % 44-43 e 17,543 83,13 % 2,08 104,1 % 1,72 105,5 % 1,65 112,2 % 0,85 85,00 % 1,0 100,0 % 53-48 (AP) f 529,102 131,91 % 319,27 124,4 % 197,32 76,9 % 238,85 109,4 % 239,2 139,88 % 259,05 141,4 %53-48 (CP) f 663,574 178,73 % 372,95 151,8 % 240,65 98 % 276,26 122,2 % 323,24 180,07 % 328,3 180,08 % 63-48 (AP) g 0 0 % 0 - 0 - 3,0 - 2,88 72,07 % 4,0 100,0 %63-48 (CP) g 1,656 0 % 1,68 LFI = 0 1,69 LFI = O 1,8 75 % 6,15 205,0 % 9,68 242,0 % Total DO 198,647 87,47 % 280,84 97,1 % 280,3 96,9 % 244,00 89,8 % 234,38 94,75 % 273,19 108,75 %TOTAL AP 520,102 131,91 % 319,27 124,4 % 197,32 76,9 % 241,85 108,7 % 242,10 138,34 % 263,05 140,52 % TOTAL CP 665,230 179,18 % 374,63 152,5 % 242,35 98,6 % 278,76 122,4 % 329,41 180,49 % 337,98 181,42 %

a : vacations et personnels divers ; b : sécurité et circulation routières - entretien et fonctionnement ; c : dépenses relatives aux activités du délégué interministériel à la sécurité routière ; d : formlation à la conduite automobile et contrôle d’aptitude ; e : sécurité et circulation routières (actions d’incitation) ; f : sécurité et circulation routières (investissements, équipements, études et expérimentations) ; g : sécurité et circulation routières (participations).

Page 329: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 329

ANNEXE N° 8

LES TRAFICS AUTOROUTIERS

I. - PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU

COMMISSARIAT GENERAL AU PLAN CONCERNANT LE LOGICIEL ARIANE (NOVEMBRE 1994)

Le rapport relevait que la loi d’Abraham datait de 1962 et que

les développements des méthodes économétriques depuis vingt ans suggéraient de nouvelles modélisations des relations entre le trafic et le coût généralisé, tels que notamment les modèles fondés sur les utilités individuelles ou le modèle prix-temps créée en 1973 et utilisé par la SNCF, dont les paramètres sont constamment actualisés. Il invitait la direction des routes à entreprendre des recherches sur les lois d’affectation de trafic utilisées pour d’autres modes de transport et dans d’autres pays.

Il estimait indispensable de constituer un groupe de travail

chargé de confronter les modèles de trafic des différents modes « entre eux et avec la réalité », cet approfondissement devant porter « surtout sur le trafic routier, le moins bien connu sur le plan statistique, celui sur lequel les modèles existants présentent le plus de divergences et celui pour lequel le modèle en vigueur, celui de la direction des routes, est le plus ancien, établi à une époque où les possibilités de transfert modal étaient moins fréquentes et où le réseau avait une structure moins réticulée ».

Le rapport relevait qu’une étude de 1980 avait montré que la

formule retenue pour l’affectation du trafic par application de la loi d’Abraham résultait d’une simplification dont la pertinence était douteuse. L’étude citée montrait que l’exposant à retenir pour l’application de la formule d’Abraham était non de dix mais de vingt lorsque les deux itinéraires en concurrence étaient deux routes nationales de même nature et de huit lorsqu’une route était en concurrence avec une autoroute. Il notait aussi que la valeur du temps et le malus d’inconfort étaient des valeurs moyennes au demeurant non actualisées.

Il recommandait ainsi, comme la Cour l’avait fait en 1992, de

revoir au vu de nouvelles observations la valeur du temps qui remontait à 1985 ainsi que sa courbe de distribution, considérée dans le modèle ARIANE comme homogène tout au long de l’année « alors que l’on sait

Page 330: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 330

que les comportements des automobilistes pour les choix d’itinéraires varient avec les circonstances ». De même, il préconisait d’actualiser les courbes débit-vitesse fondées sur des mesures de trafic faites entre 1976 et 1978. Il notait que « dans les analyses de congestion et la prise en compte du débit de saturation, les poids lourds sont comptés pour deux véhicules légers », ce qui lui paraissait sous-évalué de même que le modèle sous-estimait l’affectation des poids lourds sur autoroute. Il soulignait les insuffisances méthodologiques concernant le malus d’inconfort chiffré comme résidu et qu’il convenait peut être de moduler en fonction de la distance et du motif de déplacement et indiquait qu’il fallait veiller, sous peine de doubles comptes, à ce que la notion de confort pour l’usager n’intègre pas des gains de sécurité comptabilisés par ailleurs dans les avantages pour la collectivité.

Il observait que « le logiciel ARIANE qui a été conçu pour

distinguer les avantages selon leur nature et selon les agents, ne permett(ait) pas de distinguer les avantages par relation et donc les avantages des utilisateurs du projet et ceux des automobilistes continuant d’utiliser la voirie existante et dus à une éventuelle décongestion » et recommandait de tout faire pour que le logiciel fournît des informations plus détaillées.

Il concluait qu’il était donc « urgent que la direction des routes

entrepr(ît) la modernisation rapide de son outil d’évaluation des projets, afin que sa qualité statistique et économétrique emport(ât) l’adhésion de toutes les parties ainsi que le recomman(dait) déjà le rapport de la Cour des comptes sur la politique routière et autoroutière de mai 1992 (page 66,) et amélior(ât) la présentation des résultats ».

Page 331: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 331

II. - COMPARAISON DES TRAFICS REELS AUX PREVISIONS

1° TRAFICS PREVUS ET CONSTATES SUR AUTOROUTES CONCEDEES

Sections Date de mise en

service complète Trafic réel

l’année suivant la mise en service véh/j

Horizon de prévision

Trafic prévu à l’année horizon

véh/j

Trafic réel à

l’année horizon

véh/j

Trafic 1995 Véh/j

A16 Amiens-L’Isle Adam A83 Nantes-Fontenay A39 Dijon-Dole A5 Melun-Sens A5 Sens-Troyes A68 Toulouse-Gemil A26 Chalons-Troyes A64 Bayonne-Tarbes ouest A49 Grenoble-Valence A57 Cuers-Le Cannet A430 Pont Royal-Albertville A5 Troyes-Chaumont A54 Arles-Nimes A40 Macon-Genève A71 Bourges-Clermont-FD A51 Manosque-Sisteron A71 Orléans-Bourges A11 Le Mans-Angers A26 Reims-Arras A42 Lyon-Pont d’Ain A51 Aix-Manosque A72 Clermont-FD-Saint-Etienne A31 Toul-Langres A62 Bordeaux-Toulouse A10 Poitiers-Bordeaux A41 Chambery-Scientrier A11 Angers-Nantes

décembre 1994 novembre 1994 octobre 1994 novembre 1994 octobre l993 octobre 1993 juillet 1992 décembre 1991 décembre 1991 décembre 1991 octobre 1991 octobre 1990 juin 1990 décembre 1989 décembre 1989 décembre 1989 juin 1989 mars 1989 mars 1989 novembre 1988 décembre 1986 mars 1985 juin 1984 juin 1982 juillet 1981 juillet 1981 décembre 1980

5 600 9 100 6 900 8 800

7 600(b) 13 100(b)

8 600 8 300

10 300 7 800

10 000 5 300(c)

17 600 13 900 8 400

7 000(a) 12 240 11 000 8 300 9 200 6 200 6 100

5 700(d) 8 000 8100 9 400 4 600

1995 1995 1995 1995 1995 1995 1993 1992 1993 1992 1992 1990 1991 1990 1990 1990 1990 1990 1990 1990 1990 1990 1990 1990 1990 1990 1990

5 400 7 300 7 000

10 300 5 800

13 500 7 000 7 100 7 600 7 200 6 300 7 500

12 000 9 000 9 600 9400

11500 6 500 9 800 9 000

10 500 11 400 9 200

11 600 13 700 20 600 13 600

5 600 9 100 6 900 8 800 7 600

13 100 8 600 8 300

10 900 7 800

10 000 5 300

17 800 13 900 8 400

7 000(a) 12 240 11 000 8 300

13 800 10 400 10 500 11 300 13 000 17 000 16 100 11 800

5 600 9 100 6 900 8 800 7 600

13 100 10 000 9 500

11 500 8 500

10 100 13 600 21 600 16 200 12 900 9 600

17 800 15 000 12 800 18 000 12 800 13 500 14 300 19 000 20 100 17 900 16 600

A81 Le Mans-Rennes A61 Toulouse-Narbonne A41 Grenoble-Chambery A52 Chateauneuf-Pas de Trets A4 Paris-Metz A48 Coiranne-Grenoble A43 Lyon-Chambery A8 Aix-Fréjus

octobre 1980 octobre 1979 décembre 1978 mars 1978 octobre 1976 octobre 1975 octobre 1974 juin 1974

7 400 9 600 6 700 10000 6 000 5 300 8 400 12700

1990 1990 1990 1990 1990 1990 1990 1990

17 500 16 300 27 600 10000 23 500 35 700 30 500 27 000

15 000 19 700 15 300 12000 15 000 14 600 30 700 30 000

18 600 23 200 18 300 24 200 17 500 22 100 37 300 34 500

(a) en 1991 (b) en 1995 (c) sans A26 (Chalons-Troyes) et A5 (Melun-Troyes) (d) sans la continuité entre Dijon et Beaune

Page 332: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 332

2° INCIDENCE DES MODIFICATIONS DES HORIZONS DE PREVISIONS

Section Date de mise en service

complète

Horizon de prévision

Trafic prévu à l’année d’horizon

véh./j

Trafic réel à l’année

d’horizon véh./jour

Ecart en %

Trafic réel en 1997

A 72

mars 1985

(1) : 1990

11 400

10 500

- 7,9

Clermont-Ferrand St. Etienne

(2) : 1985 9 600 (a) 6 100 - 36,5 14 000

A 31 Toul-Langres

juin 1984

(1) : 1990 (2) : 1985

9 200 (b) 7 700

11 300 (c) 5 700

+ 22,8 - 26

14 700

A 62 Bordeaux-Toulouse

juin 1982 (1) : 1990 (2) : 1985

11 600 10 000

13 000 9 300

+ 12 - 7

19 600

A 10 Poirtiers-Bordeaux

juillet 1981

(1) : 1990 (2) : 1981

13 700

8 700

17 000 10 000

+ 19,4

+ 15

20 300

A 41 Chambéry- Scientrier

juillet 1981 (1) : 1990 (2) : 1985

20 600 17 900

16 100 10 700

- 21,8 - 40,2

19 000

A 11 Angers-Nantes décembre 1980

(1) : 1990 (2) : 1985

13 600 (d) 11 600

11 800 (e) 5 500

- 13,2 - 52,6

17 700

A 81 Le Mans-Rennes octobre 1980 (1) : 1990 (2) : 1985

17 500 15 100

15 000 9 800

- 14,3 - 35,1

19 000

A 61 Toulouse-Narbonne octobre 1979 (1) : 1990 (2) : 1985

16 300 14 600

19 700 12 600

+ 20,9 - 13,7

24 500

A 41 Grenoble-Chambery décembre 1978

(1) : 1990 (2) : 1985

27 600 24 300

15 300 8 700

- 44,6 - 64,2

19 200

A 52 Chateauneuf-Pas de Trets

mars 1978 (1) : 1980 (2) : 1980

10 000 10 000

12 000 12 000

+ 20 + 20

24 800

A 48 Coiranne-Grenoble octobre 1975 (1) 1990 (2) 1985

35 700 31 800

14 600 8 900

- 59,1 - 72

23 400

A 4 Paris-Metz

octobre 1976 (1) : 1990 (2) : 1985

23 500 20 200

15 000 8 000

- 36,2 - 60,4

17 800

A 43 Lyon-Chambéry octobre 1974 (1) : 1990 (2) : 1985

30 500 26 600

30 700 17 000

+ 0,65 - 36,1

39 100

A 8 Aix-Fréjus juin 1974 (1) : 1990 (2) : 1995

27 000 22 300

30 000 19 700

+ 11,1 - 11,7

34 600

(1) horizon rectifié par le SETRA. (2) horizon de l’étude d’APS. a) En 1986. b) Avec la continuité entre Dijon et Beaune. c) Sans la continuité entre Dijon et Beaune. d) Avec le Mans-Angers. e) Le Mans-Angers non réalisée.

Page 333: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 333

Différences entre les hypothèses de réseau de référence et le

réseau réel à l’horizon de prévision - source SETRA « Pour ce qui concerne les liaisons autoroutières alpines

A 41 Chambéry-Scientier, Grenoble, A 43 Lyon-Chambéry, A 48 Grenoble-Coiranne, l’étude réalisée en 1972 avait supposé dans le réseau de référence que l’autoroute A 49 Grenoble-Valence était réalisée en 1985 et l’autoroute A 40- A 42 Lyon-Genève était non réalisée en 1985. Or, Grenoble-Valence n’a été ouverte à la circulation qu’en décembre 1991 et Lyon-Genève était ouverte sur 60 % du parcours en 1985. Par ailleurs, la section de l’A 43 Montmélian-Pont Royal était également supposée réalisée dans le réseau de référence alors qu’elle n’a été mise en service qu’en 1991.

Ces différences entre les hypothèses de réseau de

référence et le réseau réel à l’horizon de la prévision ont une influence sur le niveau de report de trafic, sur le trafic induit et expliquent ainsi une partie de l’écart trafic prévu -trafic réel. Ainsi, pour les flux Genève-Vallée du Rhône qui avaient le choix entre l’itinéraire par Lyon et l’itinéraire par Grenoble, l’étude avait supposé qu’ils emprunteraient les autoroutes A 41 et A 49, car bien que comparable en distance, l’itinéraire Grenoble était plus court en temps de parcours que celui qui passait par Lyon. En réalité, ces flux estimés à 1 000 véh/jour en 1990 s’affectaient par Lyon en 1985. En outre, l’étude avait également supposé ouverts à l’horizon 1985 des échangeurs qui ne l’ont été que plus tard. On peut citer sur l’A 43 le demi-échangeur de Belmont-Tramonet ouvert en 1988, l’échangeur de Villefontaine ouvert en 1989 ou encore sur l’A 41 l’échangeur d’Aix-les-Bains ouvert en 1987 et l’échangeur de la Bâtie ouvert en 1995. Cependant, le manque à gagner de trafic par ces échangeurs différés reste difficile à chiffrer ».

Au demeurant, le SETRA indique que l’essentiel de la

surestimation entre le trafic prévu et le trafic constaté sur les liaisons autoroutières alpines, s’explique par la surestimation des prévisions démographiques sur lesquelles était fondé le modèle.

En effet, dans le cas de plusieurs sections, pour lesquelles

le trafic n’avait pas été évalué sur la base d’enquêtes de circulations mais sur celle de modèles dans lesquels le potentiel de trafic entre deux villes a été mesuré en fonction du poids de leur population et du coût de circulation sur la liaison, les trafics ont été particulièrement surestimés. C’est notamment le cas de l’A 4, Paris-Metz et de l’A 48, Coiranne-Grenoble pour lesquelles les trafics constatés en 1997 restent inférieurs aux trafics prévus pour 1985.

Page 334: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 334

La note du SETRA reconnaît que « les prévisions relatives à l’évolution de la population étaient particulièrement optimistes tant pour les villes de la région Rhône-Alpes que pour l’ensemble de la France ». Pour les autoroutes alpines « la surestimation des prévisions de population à l’horizon 1985 (23 %) en moyenne) a conduit à une majoration importante du trafic potentiel prévu estimée à 45 % ». Pour l’autoroute A 4, le SETRA note que le modèle utilisé par le bureau d’étude privé auquel avait été confié l’étude de trafic « a surestimé les trafics à moyenne et longue distance ». De surcroît, le modèle a surestimé la valeur du temps en prévoyant une augmentation de 3,5 % par an alors que la circulaire de 1970 préconisait une stabilité de ce paramètre. « L’augmentation de la valeur du temps explique 50 % de l’erreur de prévision ».

Pour la liaison Aix-Fréjus, dont l’étude a été réalisée en

1968, le SETRA indique « qu’il n’a pas été possible de retrouver les hypothèses faites sur le réseau de référence et le système d’échange ».

« Quant à la liaison Toulouse-Narbonne, l’étude faite en

1971 ne donne pas d’indication particulière sur les hypothèses de réseau de référence prises en compte. En outre, le système d’échange prévu dans l’étude correspond à celui constaté à la mise en service ».

Page 335: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 335

III. - LES PREVISIONS DE CROISSANCE DE TRAFIC PAR SECTION

Le tableau A a été établi en 1995 pour préparer les réunions du

Fonds de développement économiquement et social (FDES) et porte sur les prévisions à l’horizon 2000. Le tableau B résulte d’une estimation provisoire d’avril 1997 issue d’une simulation sur l’ensemble du réseau routier à l’horizon 2015.

TABLEAU A

Trafic moyen journalier des section lancées

en 1995, 1996 et 1997 par le FDES

Coût MF 1994

Km Trafic véh/jours

A41 Saint-Julien-Annecy

2 800

17

18 000

A28 Le Mans-Tours 2 306 84 7 300 Sur l’itinéraire Alençon-Tours A20 Brive-Montauban 1 2 300 50 9 500 Sur l’ensemble de l’itinéraire

A400 Anemeuse-Thonon 2 152 28 10 500 A29 Amiens-St Quentin 1 954 64 4 600

A29 RN28-Amiens 1 807 37 7 500 A43 La Praz(Le Freney 1315 7 7 100 Sur l’ensemble de l’autoroute

A43, vallée de la Maurienne A 86 Ouest 1 951 - -

A89 Bretelle de Lussat 200 7 A68 Bretelle de Verfeuil 175 9

A20 Brive-Montauban 2 3 687 81 9 500 Sur l’ensemble de l’itinéraire

A73 (ex A89) Bordeaux-Clermont 1 3 451 75 6 300 Sur l’itinéraire Bordeaux-Aveyron

(30 km à l’ouest de Clermont) A86 Ouest 2 3 160 - - -

A87 Angers-la Roche/Yon 1 2 054 98 5 700 Sur l’ensemble de l’itinéraire A20 Toulouse-Pamier 1 660 37 - Sur l’ensemble de l’itinéraire

A28 Rouen Alençon 1 2 500 73 6 700 Sur l’ensemble de l’itinéraire A89 Tours-Vierzon 1 2 444 70 6 200 Sur l’ensemble de l’itinéraire

A73 (ex A89) Bordeaux-Clermont 2 2 097 44 6 300 Sur l’itinéraire Bordeaux-Arveyres

(30 km à l’ouest de Clermont) A83 Oule Niort 1 510 32 5 000 8 100v/j sur l’axe total Nantes-

Niort A28 Alençon-le-Mans 1 397 50 7 300 Sur l’itinéraire Alençon-Tours

Mise aux normes autoroutières de la RN10

1 294 90 20 000 Nationale 2X 2 voies existante

A86 Ouest 3 1 281 2 - -

Source : Ministère de l’équipement - estimations 1995

Page 336: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 336

TABLEAU B

Autoroutes inscrites au schéma directeur de 1992

avec décret de DUP signé

(certaines sections citées ici sont en travaux, voire en service)

VOIES Hypothèse basse de croissance de trafic en

véh/jour

Hypothèse haute de croissance de trafic en véh/jour

A 16 Amiens-L’Isle d’Adam A16 Boulogne-Abbeville A19 Sens-Courtenay A20 Brive-Montauban A20 Toulouse-Pamiers A28 Rouen Alençon A28 Alençon - Le Mans A28 Le Mans – Tours A29 A1 – Amiens A29 A28 – Amiens A29 A28 - Le Havre A29 Pont de Normandie - A 13 A39 Dôle-Bourg A41 St Julien – Annecy A43 Chambéry – Modane A51 Gap – Sisteron A585 Antenne de Digne A54 Arles – Salon A64 Pines – Martres A77 Dordives – Montargis A77 Montargis – Cosne A83 Nantes – Fontenay A83 Fontenay – Niort A837 Saintes – Rochefort A85 Angers – Tours A85 Tours – Vierzon A87 Angers - Cholet - A83 A89 Bordeaux – Périgueux A89 Périgueux – Brive A89 Brive - St Julien Puy Lavère

34 00013 00020 00019 00018 0009 000

17 00012 0008 000

14 00011 0007 000

24 00024 00014 00019 00020 00029 00019 00030 00024 00018 00013 00024 00012 00012 0009 000

11 00010 0009 000

39 000 16 000 22 000 22 000 21 000 12 000 21 000 15 000 11 000 17 000 13 000 8 000

31 000 28 000 17 000 22 000 23 000 33 000 22 000 33 000 27 000 21 000 16 000 28 000 15 000 15 000 11 000 13 000 12 000 11 000

Estimations revues en 1997 Les différences d’horizon ne suffisent pas à expliquer les écarts

importants allant parfois du simple au double constatés pour certaines sections (A 20, A 85, A 89 notamment).

La direction des routes indique que le tableau A reprend les

hypothèses des dossiers d’APS fondées sur des matrices de déplacement à l’échelle d’une ou de plusieurs régions « qui ne prennent pas en compte la plupart des flux internationaux » et rendent

Page 337: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 337

mal compte des trafics nationaux, ce qui paraît pour le moins regrettable. C’est ainsi, par exemple, que le dossier d’APS de l’A 28 Rouen-Alençon-Le Mans-Tours ne prendrait pas en compte le trafic international Grande-Bretagne et Belgique vers le sud-ouest et l’Espagne estimé à 3 000 véhicules/jour en 2015. L’étude d’APS de l’A 85 ne comprendrait pas les grands reports de trafic à longue distance est-ouest qui contournent l’Ile-de-France. Les dossiers d’APS de l’A 20 Brive, Montauban, Toulouse, Pamiers et de l’A 43 Chambéry-Modane sous-estimeraient de même le trafic international.

A l’inverse, le tableau B se fonde sur une matrice de flux

nationaux et internationaux mais retient une hypothèse maximale et optimiste du réseau routier national qui a pour effet de fournir des valeurs excessives de trafic. En outre, les chiffres du tableau B sont déterminés « conformément à la circulaire de juillet 1995 dans laquelle est supposée une croissance de la valeur du temps des véhicules légers, favorisant ainsi leur affectation sur les itinéraires rapides alors que dans le tableau A, les prévisions sont établies à partir de la circulaire de mars 1986 dans laquelle la valeur du temps des véhicules légers est supposée constante ». Depuis, de nouvelles projections ont été réalisées à l’horizon 2015 avec des hypothèses moins optimistes176.

176 Ce qui conduit par exemple à des projections de 15 000 à 18 000 véh./j pour l’A 20, 11 000 à 14 000 véh./j pour l’A 85, 10 000 à 12 000 véh./j pour l’A 43.

Page 338: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 338

IV. - EVOLUTION DES TRAFICS SUR LA PERIODE 1980-1998

Evolution des parcours totaux sur le réseau

concédé (unité / millions de véh. x km)

Variation annuelle des

parcours totaux (en %)

Variation annuelle sur le réseau stable (%)

Variation annuelle du PIB (% en volume)

1980

19 700,0

/

/

+ 1,6

1981 21 373,5 + 8,5 + 3,8 + 1,2 1982 22 763,5 + 6,5 + 3,3 + 2,5 1983 23 593,8 + 3,6 +2,3 + 0,7 1984 24 687,1 + 4,6 + 3,1 + 1,3 1985 25 922,0 + 5,0 + 3,9 + 1,9 1986 28 611,0 + 10,4 + 9,8 + 2,5 1987 31 701,7 + 10,8 + 9,3 + 2,3 1988 34 880,2 + 10,0 + 9,0 + 4,5 1989 39 073,6 + 12,0 + 9,6 + 4,3 1990 42 481,9 + 8,7 + 6,4 + 2,5 1991 45 187,5 + 6,4 + 5,5 + 0,8 1992 47 431,3 + 5,0 + 2,1 + 1,2 1993 50 071,4 + 5,6 + 4,1 - 1,3 1994 52 159,0 + 4,2 + 3,4 + 2,8 1995 53 993,8 + 3,5 + 2,0 + 2,1 1996 54 897,7 + 1,7 -0,1 + 1,6 1997 56 856,5 + 3,6 + 2,8 + 2,3

6 mois 1998 27 228,3 + 4,1 + 3,3 + 3,2

Source : ASFA Source : INSEE

Page 339: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 339

V. - INTENSITE KILOMETRIQUE SUR AUTOROUTES EN SERVICE

SUR LE RESEAU CONCEDE TOTAL A FIN SEPTEMBRE 1998

Société concessionnaire

km

Trafic en moyenne mobile sur 12 mois

Septembre 1997 – Septembre 1998 VL PL VL + PL AREA

A43 Lyon Bron-Chambéry Nord 88 34 403 6 083 40 486 A41 Chambéry-Scientrier 77 17 411 2 271 19 682 A48 Coiranne-Grenoble 50 21 549 2 816 24 356 A41 Grenoble-Chambéry-sud 51 17 269 2 665 19 934 A432 Bretelle de Satolas 4 13 243 1 047 14 290 A43 - A 430 Francin-Aiton 36 12 316 2 291 14 607 A49 Voreppe-Chatuzange 62 11 271 1 391 12 662 Réseau total AREA 368 20 439 3 152 23 591 ASF

A7 - A8 St. Priest-Aix/Berre 303 42 341 10 597 52 938 A9 Orange-Narbonne sud 193,6 36 274 10 323 46 597 A9 - A61 Bif-Le Perthus 86,8 18 856 7 518 26 374 Clermont-Ferrand-Balbigny 127,6 12 132 2 306 14 438 A64 Briscous-Martres-Tolosane (+ A641) 230,90 10 482 1 778

12 260

A61/A62 La Brède (Bordeaux) - Narbonne sud

367,5 18 060 4 015 22 075

A10 St. André-de-Cubzac-Poitiers sud

218 17 881 3 079 20 960

A11 Le Mans-Corzé 81,3 13 322 3 070 16 392 A54 W Nîmes Ouest-Arles 24 19 751 4 955 24 706 A63 Biriatou-St. Géours-de Maremne

66,5 15 511 6 530 22 041

A83 Nantes-Oulmes 115,4 8 981 1 620 10 601 A 68 Montastruc-Toulouse 17 16 739 1 758 18 497 Tunnel du Puymorens 5,8 1 098 183 1 281 A54 E Salon-bif. A7/A54 2 18 585 5 502 24 087 A64 Toulouse-Muret 13,8 18 218 2 550 20 768 A54 E St. Martin de Crau-bif. A7/A54

24,6 13 570 3 988 17 558

A837 Rochefort-Bif A10/A837 37,5 4 998 1 365 6 363 A20 Montauban-Cahors sud 38,8 8 665 1 220 9 885 Réseau total ASF 1 952,3 21 204 5 166 26 370 ATMB

A40 Gaillard-Le Fayet 57,5 15 520 3 107 18 627 A40 Chatillon-Annemasse+ A401 48,8 12 585 3 395 15 980 Réseau total ATMB 106,3 14 172 3 239 17 411

Page 340: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 340

Société concessionnaire

km

Trafic en moyenne mobile sur 12 mois

Septembre 1997 - Septembre 1998 VL PL VL + PL COFIROUTE

A10 Ponthévrard-Poitiers 285 25 876 6 994 32 870 A71 Orléans-Bourges 111 16 364 2 928 19 292 A11 Ponthévrard-Le Mans 150,5 26 698 5 091 31 789 A11 Angers-Nantes 75,5 15 575 2 674 18 249 A81 Le Mans-Rennes 93,7 15 841 3 276 19 117 A85 Chantemerles-Bourgueil 54,9 2 650 406 3 056 Réseau total COFIROUTE 796,8 22 178 4 911 27 089 ESCOTA

A8 Aix-Italie 205,9 37 467 6 291 43 758 A50-A52 - Toulon 74,7 30 753 2 614 33 367 A51 Aix-Sisteron 100,3 10 235 1 292 11 527 A57 Toulon-bif. A8/A57 45,2 7 881 925 8 806 A500 bif.-Monaco A500/A8 3 10 870 896 11 766 Réseau total ESCOTA 429,1 26 630 3 880 30 510 SANEF

A1 Roissy-Donges 168,1 36 084 14 051 50 135 A2 Bif A1/A2 - Hordain 42,6 13 779 4 629 18 408 A26 Reims-Roeux 156,7 9 575 3 841 13 416 A26 Roeux-Calais 106,2 9 971 3 696 13 667 A4 Metz-Freyming 56,8 16 884 4 896 21 780 A4 Freyming-Rechstett 105,2 13 860 3 769 17 629 A4 Noisy-le -Grand-Metz 302,8 15 056 3 018 18 074 A26 - Charmont 75,6 8 351 2 378 10 729 A16 L’Isles-Adam-Blanc Pignon 218,5 7 386 896 8 282 A29 bretelle de Dury 6 3 706 490 4 196 Réseau total SANEF 1 238,5 15 183 4 591 19 774 SAPN

A13 Nantes-Caen + A154 antenne de Louviers

194,5 25 315 4 323 29 638

A13 Pont de Tancarville 16 5 149 2 054 7 203 A29 Le Havre-Yvetot 55 3 638 847 4 485 A14 Orgeval-La Défense 15,6 18 921 612 19 533 Réseau total SAPN 280,1 19 622 33 112 22 934

Page 341: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 341

Société concessionnaire

km

Trafic en moyenne mobile sur 12 mois

Septembre 1997 - Septembre 1998 VL PL VL + PL SAPRR

A6 nord Fleury (Paris)-Beaune 260 25 022 5 996 31 018 A6 sud Challanges-Lyon (bif. A6/A31)

127 41 571 13 856 55 427

A77 bif. A6.A77-Dordives (Le Puy)

8 9 979 2 211 12 190

A31 bif. A6/A31 Gigny-Gye 228,4 15 233 5 713 20 946 A36 bif. A31/A36 - Mulhouse 216,9 12 537 4 676 17 213 Tunnel de St.Marie-aux-Mines 11,9 2 321 881 3 202 A42 Lyon-bif. A42.A40 49 18 980 3 208 22 188 A5 bif A5/A31 - Limite A5 237,5 10 007 2 067 12 074 A40 bif A6/A40 - Chatillon 104,5 13 359 4 098 17 457 A71 Clermont-Ferrand-Bourges 178,8 12 149 1 644 13 793 A46 bif. A6/A46 - Limite A 46 25,7 54 570 15 824 70 394 A 432 bif. A42/A432 - La Baisse 10,5 3 636 528 4 164 A26 Charmont-bif. A26/A5 21,8 6 923 2 184 9 107 A19 St.Denis-les Sens - bif. A19.A6

31 4 807 1 256 6 063

A39 Dijon-Bourg-en-Bresse 144,8 9 245 2 394 11 639 A719 antenne de Vichy 9,7 3 825 881 4 706 A311 bif. A31.A311 - Dijon 4,3 9 429 1 860 11 289 A404 antenne d’Oyonnax 20,6 4 683 881 5 564 A391 bretelle de Poligny 4,6 2 693 400 3 093 Réseau total SAPRR 1 695 17 049 4 792 21 841 Total réseau concédé 6 866,2 19 376 4 643 24 019

Page 342: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 342

ANNEXE N° 9

LES EXPERIENCES DE MODULATION TARIFAIRE 177

Deux types de modulation tarifaire sont ou ont été

expérimentés.

I. - LES MODULATIONS HORAIRES

A1 (SANEF) « Appliquée depuis le 26 avril 1992, cette opération est toujours

en usage aujourd'hui. Aux retours sur Paris le dimanche, elle est constituée d'heures vertes (14 h 30-16 h 30 et 20 h 30-23 h 30) avec réduction de 25 % du tarif normal encadrant une plage horaire rouge (16 h 30-20 h 30) où le tarif normal est augmenté de 25 %. Les taux de report de la période rouge vers d'autres plages horaires sont satisfaisants et s'élèvent à environ 10 % (soit en moyenne 2 000 véhicules par jour pendant les 4 heures de tarifs rouge chaque week-end). Cela permet de mieux étaler les retours sur Paris et de diminuer significativement les bouchons à l'approche du périphérique ».

L'opération "Destination neige-heures bleues" conduite lors de

l’hiver 1993-1994 avait pour cible les habitants de la région Rhône-Alpes afin d'éviter les encombrements des samedis de vacances de sports d'hiver. L'opération, fondée sur la remise de cadeaux en 1994 pour les usagers qui acceptaient de reporter leurs déplacements sur les heures creuses, a été un succès et reconduite en 1995, 1996 et 1997 par la distribution de tickets retours gratuits.

A10-A11 (COFIROUTE)

Du 24 mars au 25 novembre 1996, sur le tronc commun A 10-A

11 (péage de Saint-Arnoult), COFIROUTE a mené une expérience de modulation tarifaire le dimanche, pour les retours de week-end. « Le bilan de l'opération est techniquement très bon, malgré quelques difficultés de démarrage, liées notamment à une certaine complexité de l'opération et à un déficit d'information. Ainsi, de 8 à 12 % du trafic se sont déportés de la période rouge et les conditions de circulation ont été nettement améliorées par une réduction des bouchons de plus de la 177 Source : direction des routes.

Page 343: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 343

moitié tant sur le réseau Cofiroute que sur les infrastructures en aval. Compte tenu de la structure du réseau Cofiroute et des élargissements réalisés ou programmés, il fallait expérimenter la modulation en 1996 afin de pouvoir en tirer des résultats significatifs. Cette expérience a montré que l'adaptation des usagers aux plages horaires modulées était rapide, apportant ainsi une meilleure fluidité du trafic. Afin de ne pas discréditer les opérations de modulation tarifaire, il a été décidé de ne pas poursuivre cette expérience en 1997, les niveaux de trafic ne justifiant pas encore son application systématique et certains usagers ayant réagi vivement ».

II. LES MODULATIONS D'ITINERAIRES

A 1-A 26 (SANEF et SAPRR)

« Elle a été mise en place afin d'inciter les usagers, en

provenance du Nord et se dirigeant vers le Sud, à utiliser l'itinéraire alternatif A 26-A 5-A 31 plutôt que l'axe A 1-A 6. Lors des week-end de grands départs pendant l'été 1993 et au cours de l'été 1994, les tarifs ont été sensiblement réduits sur A 26 (- 30 F) et légèrement augmentés sur A 1 (+ 9 F). L'itinéraire par A 26 pour éviter la région parisienne est désormais bien connu des usagers. Une modulation tarifaire n'est plus opportune compte tenu des risques de congestion sur l'A 31 au sud de Langres qui entacheraient la crédibilité de l'opération de modulation. C'est pourquoi cette opération a été abandonnée en 1995 ».

A 5-A 6 (SAPRR)

« Elle est utilisée pour les week-end de grands départs de la

région parisienne vers les stations de sports d'hiver afin de reporter une partie du trafic d'A 6 sur A 5. La différence de tarif de l'ordre de 50 F en faveur de l'A 5 permet de compenser un trajet un peu plus long (70 km en moyenne).

L'opération menée pour la première fois en février 1995 s'est

bien déroulée et a obtenu des taux de report d'A 6 vers A 5 de l'ordre de 15 % et une réduction sensible des bouchons sur A 6. La modulation n'a pas été reconduite pour les départs des vacances de Pâques en raison des risques d'encombrement sur l'A 31 (section Langres-Dijon) mais a été réalisée dans le sens des retours le 1er mai. Ces retours se sont bien déroulés puisque 18 à 20 % du trafic longue distance a emprunté l'A 5 pendant la période de modulation. L'opération a été reconduite en 1996 pour les vacances d'hiver. Quelques améliorations y ont été de plus apportées notamment en termes de communication auprès des usagers, d'application de la modulation aux gares de Saint-Germain-Laxis (proche de la gare des

Page 344: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 344

Eprunes) et de Chatillon-La-Borde (proche de la gare de Villefranche), de mobilisation des exploitants commerciaux sur les aires (restaurateurs et pétroliers par exemple). Comme en 1995, l'opération a connu un réel succès en 1996 puisque les taux de report ont été du même niveau. Aucune modulation tarifaire n'a été appliquée pour les vacances de Pâques, celle-ci n'étant pas utile selon les estimations de trafic.

L'opération a été renouvelée en 1997 pour les week-ends des

7-9 février (sens des départs), 14-16 février (départs et retours) et 22-23 février (retours) dans des conditions pratiquement identiques à celles de 1996 avec cependant une nouveauté importante, l'introduction d'un système d'information routière automatique. Autoroute Info peut en effet pour ceux qui le souhaitent interrompre certaines émissions en cours sur l'autoradio pour délivrer des messages urgents d'information routière (bouchons, accidents, etc...) pour les seuls usagers du secteur d'autoroute concerné.

L'opération ne devrait pas être reconduite en 1998. En effet, la

mise en service prochaine de l'A19 (Sens-Courtenay), qui assure une liaison entre A5 et A6, ne permettra pas avec les moyens prévisibles actuellement de distinguer les itinéraires empruntés par les usagers entre Paris et Beaune ».

III. - LE BILAN GLOBAL ETABLI PAR LA DIRECTION DES ROUTES

La direction des routes tire un bilan très positif de ces

expériences et estime que « la régulation du trafic est appelée à devenir un mode majeur de l'exploitation routière en raison d'une croissance continue des trafics et d'un ralentissement de l'extension du réseau routier » imposée par la remise en cause de la pratique de l'adossement. « Les meilleures répartitions de trafics aussi bien sur différents itinéraires que dans le temps, ainsi que les gains obtenus en termes de sécurité et de fluidité de circulations font des modulations de péage des opérations très intéressantes. Elles constituent actuellement l'instrument le plus efficace pour la régulation des trafics sur autoroutes à péage. Les campagnes de sensibilisation menées sur l'autoroute A 7 pendant l'été ("évitez le samedi"), sans modulation du montant de péage, conduisent à des résultats beaucoup plus faibles (de l'ordre de 2 à 3 % d'usagers au maximum acceptent de se reporter sur les heures les moins chargées). De nouveaux modes de gestion des voies vont se développer tels que la modulation des vitesses, incitant les usagers à rouler à une certaine vitesse, afin de permettre d'augmenter la capacité d'écoulement des voies. Toutefois, la modulation du montant du péage restera encore pour une longue période le mode le plus efficace pour la régulation du trafic ». Elle souligne que « les opérations de modulation

Page 345: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 345

du montant du péage doivent être développées chaque fois que possible de façon à préparer les usagers et les exploitants à ce mode de gestion nouveau pour la route mais qui existe déjà depuis de nombreuses années pour d'autres services (transport aérien, transport ferré, distribution d'énergie électrique, communications téléphoniques par exemple) ».

Le Conseil national de la consommation dans un avis du

28 décembre 1995 reconnaît à cet égard que, compte tenu de la nécessité d'optimiser l'utilisation des équipements existants et d'éviter des investissements trop lourds pour la collectivité, « la modulation tarifaire encouragée par les pouvoirs publics apparaît un moyen difficilement contournable ».

Page 346: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 346

ANNEXE N° 10

LES COUTS DE CONSTRUCTION DES INFRASTRUCTURES ROUTIERES

I. - INFRASTRUCTURES ROUTIERES EN ZONE URBAINE

A) COUT DES OPERATIONS NON CONCEDEES EN ZONE URBAINE

MOYENNES SUR 43 OPERATIONS (COUT AU KM)

en MF Profil en travers Minimum Maximum Moyenne

2 x 3 voies 305 875

590

2 x 2 voies avec TPC 24 133 78 2 x 2 voies 13 89 51 2 voies 9 81 45 Elargissements 5 115 60

(1) TPC = Terre-plein central Source : CERTU, août 1998

Les écarts s’expliquent par le fait que l’on trouve dans

l’échantillon des opérations réalisées à 85 % en souterrain. Les tableaux ci-après font apparaître une augmentation

sensible des coûts de construction.

Page 347: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 347

AUTOROUTES NON CONCEDEES EN MILIEU URBAIN (COUT AU KM)

EN MF

1994 1997 Ile-de-France : 2 x 2 voies et plus 500 540 Autres agglomérations : 2 x 2 voies 80 85 2 x 3 voies et plus 110 120

ROUTES NATIONALES EN MILIEU URBAIN (COUTS AU KM)

EN MF

1994 1997 Ile-de-France : 2 x 2 voies et 3 voies 55 60 2 x 2 voies et plus 110 120 Autres agglomérations : 2 voies 22 24 3 voies 33 36 2 x 2 voies 46 50 2 x 3 voies et plus 70 75

B) COUTS DE CONSTRUCTION DES OPERATIONS CONCEDEES EN ZONE URBAINE ET COUTS

PREVISIONNELS DES DOSSIERS D’APS

(VALEUR JANVIER 1994, TTC, TVA 18,6 %)

en MF A 14 A 64 A 68 A 11 Coût kilométrique à l’APS

186

37

41

47

Coût kilométrique de réalisation 259 99 34 65

Page 348: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 348

II. - Infrastructures routières en rase campagne

en MF

Autoroutes concédées Autoroutes non concédées Coût du Km 1994 1997 1994 1997

2X2 voies

2 X 3 voies

2 X 2 voies

2 X 3 voies

2 X 2 voies

2 X 3 voies

2 X 2 voies

2 X 3 voies

Site de plaine

28

36

35

45

26

34

28

36

Site vallonné 35 45 43 56 31 40 33 43 Site très vallonné ou montagneux

100 130 120 160 90 110 96 125

en MF

Routes nationales 1994 1997

Coût au km

2 voies < 7 m

2 voies > 7 m

3 voies

4 voies et 2x2 voies

5 voies et 2x3 voies

2 voies < 7 m

2 voies > 7 m

3 voies 4 voies et 2x2 voies

5 voies

et 2x3

voies Site de plaine

10

11 14 22 28 12 13 16

24

31

Site vallonné 13 14 18 27 35 15 16 21 39 38 Site très vallonné ou montagneux

18 20 25 54 70 20 22 27 58 75

III. - Comparaison des coûts prévisionnels mentionnés dans le dossier d’avant-projet sommaire et des coûts définitifs (source : Direction des

routes)

Les tableaux ci-après, établis par la direction des routes, font apparaître que les coûts définitifs dépassent de plus en plus souvent les coûts prévisionnels, et ce dans des proportions parfois très élevées.

Page 349: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Evolution du coût des opérations mises en service entre 1976 et 1991 Longueur

(km) Coût APS (pré

DUP) Date de valeur Coût/km en

MF (en valeur janvier 1994)

Coût/km à la réalisation en MF (en valeur

janvier 94)

Variation en % du coût de

réalisation/coût d’APS

Date de mise en service

45

57 12 4

250

300 50 11

juin-71

janv-70 janv-71 juin-69

36

37 27 21

avant 75

/1976 1976

nsp 73

26 14 20 59 7

63 87 29

257 56 80

230 20

260 625 215

mars-73 janv-73 oct-72

janv-71 janv-71 janv-72 déc-71

août-71

34

50 21 21 24 17 23 40 43

avant 76

1976 1976 1976

avant 76 avant 76

1976 1976 1976

Liaison Bourgoin - Grenoble A48 : Bourgoin – Pont de Veurey Liaison Annemasse - Chamonix A 40 : Gaillard - Oex A 40 : Oex – Le Fayet A 40 : dév. De Bonneville Total : Annemasse – Chamonix Liaison Paris -Metz A 4 : Noisy-le-Grand - Meaux A 4 : Meaux – Saint-Jean les 2 jum A 4 : St Jean les 2 jum – Château Thierry A 4 : Château Thierry - Reims A 4 : Reims – Vezenay A 4 : Vezenay – Ste Ménehould A 4 : Ste Ménehould – Auboué A 4 : Contournement Est de Metz Total : Paris – Metz 305 32 30 - 6 % 1976 Source : Direction des routes – 1999 Variation kilométriques dues aux différences APS/APA

Page 350: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Evolution du coût des opérations mises en service entre 1976 et 1991 Longueur

(km) Coût APS (pré DUP)

Date de valeur Coût/km en MF (en valeur

janvier 1994)

Coût/km à la réalisation en

MF (en valeur janvier 94)

Variation en % du coût de

réalisation/coût d’APS

Date de mise en service

34 36 39

150 100 500

mars-70 juil-72

1975

30 16 48

avant 76 avant 76

1978

109 32 avt 76-78

12 14,5

62 54

72 72

29 21

45

55 %

1978 avant 1976

26,5

4,4 10,5 13,2

11

35 150 278 153

1968 (1ère chaussée) 1968 (1ère chaussée) juin 72 (1ère chaussée)

65

64 115 119 124

1976 1978-1979

1979 nsp

Liaison Chartres-Le mans A 11 : Mignières – Luigny A 11 : Luigny – La Ferté A 11 : La Ferté – Le Mans Total : Mignières – Le Mans Liaison A 52 Aubagne – A8 A 52 : A 8 – Pas de Trets A 52 : Aubagne - Auriol Total Aubagne – A 8 Liaison Nice Ouest – frontière italienne A 8 : Nice Piest – St Isidore A 8 : St Isidore – Le Paillon A 8 : Le Paillon - Roquebrune A 8 : Roquebrune – frontière italienne Total : Nice Ouest – frontière italienne 39,1 113 1976-79 Source : Direction des routes - 1999

Page 351: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Evolution du coût des opérations mises en service entre 1976 et 1991 Longueur

(km) Coût APS (pré DUP)

Date de valeur Coût/km en MF (en valeur janvier

1994)

Coût/km à la réalisation en MF (en

valeur janvier 94)

Variation en % du coût de

réalisation/coût d’APS

Date de mise en service

Liaison Beaune - Mulhouse A 36 : Mulhouse - Montbéliard A 36 : Montbéliard - Séchin A 36 : Besançon Ouest - Séchin A 36 : Gendrey – Besançon Ouest A 36 : Dole - Gendrey A 36 : Beaune - Dole

35 49 35 17 17 49

163 215 154 147 72

271

déc-71 juin-71 oct-72

août-74 août-75 août-75

24 24 18 30 13 17

1976 1977 1978 1979 1980 1980

Total Beane – Mulhouse Liaison Grenoble - Genève A 41 : Grenoble - Chapareillan A 41 : Chapareillan – Chambéry Nord A 41 : A 43 – Saint Félix A 41 : Saint Félix – Metz - Tessy A 41 : Metz – Tessy – A 40

202

38 15 20 20 33

70 128 86

233

janv-64 août-74 janv-74

1965 janv-75

25

19 25 40 26

30

20 %

1976-1980

1976 1976/1978 1977-1979 1978/79/81

1981

Total : Grenoble – A 40 88 (126) 28 36 28 % 1976-1981 Source : Direction des routes - 1999

Page 352: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Evolution du coût des opérations mises en service entre 1976 et 1991 Longueur

(km) Coût APS (pré DUP)

Date de valeur

Coût/km en MF (en valeur

janvier 1994)

Coût/km à la réalisation en MF (en valeur janvier

94)

Variation en % du coût de

réalisation/coût d’APS

Date de mise en service

Liaison Langon – Toulouse - Narbonne A 61 : Toulouse Sud - Narbonne A 612 : Rocade Est de Toulouse A 61 : Toulouse - Brugnières A 61 : Brugnières - Castelsarrazin A 61 : Castelsarrazin - Agen A 61 : Contournement d’Agen A 61 : Agen - Langon

140 14 8

52 45,5

4 85,5

604 400

68,5 231 305 50

368

déc-72 juin-78 janv-74 janv-74 janv-76 oct-76

janv-74

24 77 40 21 24 39 20

1979 1988 1980 1981 1982 1980 1979

Total : Langon – Narbonne 349 25 30 20 % 1979-1982 Le chiffre d’ASF tient compte de la section concédée Bordeaux -Langon Liaison Le Mans - Rennes A 81 : Le Mans – La Gravelle Liaison Angers - Nantes A 11 : Angers - Nantes Liaison Poitiers - Bordeaux A 10 : Poitiers Sud – St André de Cubzac Liaison Clermont – Saint Etienne A 72 : Clermont – Thiers Ouest + A 720 A 72 : Thiers Ouest – Chabreloche A 72 : Chabreloche - Andrézieux

94

81

217

28 + 6

16 79

503,5

500

1300

155 + 50

105 653

Janv-75

1975

mai -76

avril-74 déc-71 juin-76

20

23

20

26 39 27

29

45 %

1980

1980

1982

1978 1977

1984-1985 Total Clermont - Andrézieux 123 (129) 28 25 - 11 % 1977-1985 Source : Direction des routes - 1999

Page 353: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Evolution du coût des opérations mises en service entre 1976 et 1991 Longueur

(km) Coût APS (pré DUP)

Date de valeur

Coût/km en MF (en valeur

janvier 1994)

Coût/km à la réalisation en MF (en

valeur janvier 94)

Variation en % du coût de réali-

sation/coût d’APS

Date de mise en service

Liaison Orléans – Bourges - Clermont A 71 : Orléans - Olivet A 71 : Olivet - Bourges A 71 : Bourges – Clermont Ferrand

7,3 108 166

55

500 2217

juin-74 janv-76 juil-79

31 17 31

25

- 19 % (1)

1980

1986-1989 1987-1989

Total : Orléans – Clermont 281,3 26 1980-1987 (1) Le coût APS ne prend pas en compte RIOM-Clermont Est Liaison (en triangle) Troyes – Beaune – Toul A 26 : Troyes - Dijon A 31 : Toul -Langres A 31 (ex 37) : Beaune – Dijon centre

181 114

32,5

1400 910 150

nov-76 janv-76 oct-70

24 28 30

1983-1990

1984 1989

Total : Troyes – Beaune - Toul 327,5 26 24 - 8 % (2) 1983-1990 (2) Le coût SAPRR ne prend pas en compte Beaune – Dijon Sud Liaison (en triangle) Mâcon – Lyon - Annemasse A 42 : A 46 - Dagneux A 42 /40 : Dagneux - Châtillon A 40 : Châtillon – Annemasse A 40 : Macon – Pont d’Ain A 40 : Contournement Nord de Mâcon A 40 : A6 – N 6

15 77 47 53

7,5 2,8

90

775 550 402 64

139

mars-73

juil-74 juil-75 nov-77 avr-74

janv-85

33 40 44 22 36 60

122

1983

1983/88-89 1982

1985-87 1990

Total : Mâcon – Lyon - Annemasse 202,3 36 56 55 % (3) 1982-1990 (3) Le coût SAPRR ne prend pas en compte Châtillon - Annemasse

Page 354: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Evolution du coût des opérations mises en service entre 1976 et 1991 Longueur

(km) Coût APS (pré DUP)

Date de valeur

Coût/km en MF (en valeur

janvier 1994)

Coût/km à la réalisation en MF (en

valeur janvier 94)

Variation en % du coût de réali-

sation/coût d’APS

Date de mise en service

Liaison Le Mans - Angers A 11 : Le : Le Mans - Angers Liaison Bayonne – Orthez – Lannemezan - Martres A 64 : Briscous – Urt A 64 : Urt – Guiche A 64 : Guiche – Peyrehorade A 64 : Peyrehorade – St Criq A 64 : St Criq – Ste Suzanne A 64 : deviation d’Orthez A 64 : Mont – Pau A 64 Pau - Soumoulou A 64 : Soumoulou – Tarbes Est A 64 : Tarbes Est - Pinas

80

5 10,5 4,5 10 16 14 33 14 28 34

629

152 400 190 260

59,5 192 59

400 267

déc-78

nov-86 nov-86 déc-80 juin-83

févr-72 sept-74 oct-72

sept-80 févr-75

20

37 48 80 36 37 25 23 24 28 29

24

20 %

1987-1989

1991 1991 1991 1991 1989

1977/1982 1982/1985

1985 1988-1989

1991 Total 1 : Bayonne – Orthez – Lannemezan A 64 : Pinas - Martres

169

55

1260

oct-88

30

27

1977-1991

1996 Total 2 : Bayonne – Martres Liaison Aix – Sisteron Nord A 51 : Venelles – Sisteron Nord Liaison Arles - Nîmes A 54 : Arles - Nîmes

224

95

24

1155

258

mai-78

nov-77

29

33

31

35

39

0 %

6 %

26 %

1977-1996

1986-1990

1990 Source : Direction des routes - 1999

Page 355: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 355

Comparaison des coûts approuvés par l’Etat avec les coûts finaux des opérations mises en service entre 1991 et 1994

La plupart des opérations mises en service entre 1991 et 1994 n’ont pas fait l’objet de réévaluation ; leur coût final est généralement inférieur au coût d’APS majoré des 15 % autorisés par la circulaire du 27 octobre 1987. Pour 3 opérations cependant, une réévaluation est apparue nécessaire : Pour A 46 Nord, par rapport à l’APS très ancien (1982), les dispositions de protection de l’environnement ont été plus importantes : protection des captages (suite à un recours en Conseil d’Etat), maintien de l’écoulement des crues en plaine de Saône, nombreux ouvrages de rétablissement agricole, de dispositifs anti-bruit en secteur péri-urbain, enterrement du profil en long (insertion). Les conséquences de l’intégration d’A 46 dans un réseau dense avaient aussi été mal estimées ; certaines dispositions géométriques ont ainsi été revues : mise à 2x3 voies du viaduc sur la Saône, franchissement des lignes TGV, allongement du tracé, modification du système de raccordement sur A 6. Pour A 46 Sud, l’APS a fait l’objet d’une réévaluation de 22 % pour prendre en compte les adaptations géométriques du projet (réservation de l’élargissement à terme à 2x3 voies, bifurcation de Ternay, des compléments d’échangeurs), une amélioration du système de collecte des eaux de plate-forme, des protections phoniques demandées lors de la DUP. L’A 39 Dijon – Dole a fait l’objet d’une réévaluation en octobre 1992 afin de prendre en compte des insuffisances de l’APS en termes de géométrie (nœud avec A36, rétablissement de voiries) et de dispositions constructives souvent demandées lors de l’IMEC (allongement du viaduc de la Saône, surélévation des terrassements, ouvrages hydrauliques, emprunts de matériaux).

Page 356: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Comparaison des coûts approuvés par l’Etat avec les coûts finaux des opérations mises en service entre

1991 et 1994

Date de la décision ministérielle

Coûts approuvés par l’Etat

Section

Approuvant l’APS (ou date de

production de l’APS

Réévaluant les coûts de

l’APS

Coût kilométrique à l’APS

(a)

* dernier coût kilométrique

(b)

Coût de lancement au

FDES (au km)

Coût de réalisation (au km) (c)

(c) / (a)

(c) / (b)

Date de mise

en service

A 43 Montmélian Est –A 430 Aiton et Pont-Royal-Gilly 37,8 km avr-89 Sans objet 35,95 35,95 32,12 38 5,70 % 5,70 % 1991 A 46 Anse les Echets : 18,5 km déc-82 nov-90 29,80 41,90 46,50 48 61,07 % 14,56 % 1991 A 49 Bourg de P. – Voreppe 61,8 km janv-87 Sans objet 36,57 36,57 42,98 38 3,91 % 3,91 % 1991 A 57 Cuers – Le Luc : 34 km juil-85 Sans objet 24,91 24,91 34,35 29 16,42 % 16,42 % 1991 A 26 Châlons - Troyes 74 km oct-87 Sans objet 33,35 33,35 44,15 31 - 7,05 % - 7,05 % 1992 A 5 Francilienne – Troyes et bretelle de Sene 155 km janv-89 Sans objet 41,41 41,41 36,68 38 - 8,23 % - 8,23 % 1993 A 46 A 7 – A 43 : 21,4 km juil-87 août-90 35,51 43,32 42,56 46 29,54 % 6,19 % 1993 A 68 Toulouse – Gémil : 17 km sept-90 Sans objet 40,97 40,97 49,65 34 - 17,01

% - 17,01

% 1993

A 16 L’Isle Adam – Amiens : 103 km oct-88 mai-91 33,12 33,99 33,9 40 20,77 % 17,68 % 1994 A 39 Dijon-Dole : 34 km juin-88 oct-92 29,91 37,85 40,29 40 33,73 % 5,68 % 1994 * : coût sauf si une réévaluation a été approuvée

Page 357: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 357

Comparaison des coûts approuvés par l’Etat avec les coûts finaux des opérations mises en service en 1996

La direction des routes apporte les précisions suivantes : Pour l’A 14, le projet a été modifié de façon substantielle afin de limiter son impact sur le site et de réduire les nuisances (voir rapport public de la Cour – 1997, pages 371 à 382 et la réponse du ministre de l’équipement). Pour la section Le Havre – Yvetot de l’A 29, la direction des routes reconnaît que la « SAPN a sous-estimé les difficultés techniques rencontrées à cause d’un relief karstique et de la présence de nombreuses marnières qui ont contraint la société à procéder à un traitement tout particulier des marnières et des karsts identifiés, par la mise en place notamment de géotextiles préventifs dans les zones délicates afin de tendre à une absence totale de risque d’effondrements (80 MF) ». Pour l’A 54 Arles – Salon et l’A 64 Toulouse – Muret, la direction des routes a été saisie de demandes de réévaluation précédant de quelques mois seulement l’achèvement des travaux, ce qui ne permettait pas d’action correctrice et rendait leur approbation inutile. Les dépassements de coûts trouvent leur origine : Pour l’A 54, dans certaines insuffisances d’estimations d’APS mais aussi certains choix techniques de la société concessionnaire, en matière d’acquisitions foncières et d’équipements d’exploitation notamment, et dans l’évolution des réglementations et préoccupations en matière de protection environnementale (protection des eaux et protections phoniques). Pour l’A 64, il est clair que les très grandes difficultés techniques de ce projet ont été insuffisamment appréhendées lors de l’APS : • difficultés d’un projet périurbain présentant des interférences nombreuses et complexes avec la voirie urbaine, • travaux sous circulation en présence de flux très importants, difficultés d’ordre géotechnique, • besoins en équipements d’exploitation de cette autoroute urbaine rattachée au réseau de voirie urbaine rapide de l’agglomération toulousaine.

Page 358: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 358

Comparaison des coûts approuvés par l’Etat avec les coûts finaux des opérations mises en service en

1996

Date de la décision ministérielle Coûts approuvés par l’Etat Section

Approuvant l’APS (ou date de

production de l’APS

de réévaluation

Coût kilométrique à l’APS (a)

*dernier coût kilométrique (b)

Coût kilométrique de lancement

au FDES

Coût kilométrique de réalisation (au km) (c)

(c) / (a)

(c) / (b)

A 14 Orgeval – La Défense : 6 km nov-88 oct-95 186,31 247,25 195,56 259 39,02 % 4,75 % A 29 Rte industrielle – A 131 – Yvetot :

58,1 km nov-89 août-96 32,03 69,19 38,42 69 115,42 % - 0,27 %

A 54 Arles – Salon de Provence :

24,6 km oct-91 sans objet 37,85 37,85 37,52 53 40,03 % 40,03 %

A 64 Toulouse – Muret : 15 km avr-90 sans objet 36,87 36,87 42,47 99 168,51 % 168,51 %

Pour les opérations mises en service à partir de 1996, l’évolution du contexte règlementaire, en matière de protection environnementale en particulier, a induit d’importants surcoûts par rapport aux estimations établies antérieurement à cette évolution. * : coût sauf si une réévaluation a été approuvée

Page 359: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 359

Comparaison des coûts approuvés par l’Etat avec les coûts finaux

des opérations mises en service en 1997

L’approbation de la réévaluation de l’A 43 a été tardive en raison de son importance et d’une instruction particulièrement minutieuse. Les principales raisons de cette importante réévaluation sont :

- la découverte d’une importance faille à franchir, non décelée lors des études d’APS (ayant entraîné des études, terrassements et ouvrages d’art supplémentaires importants) ;

- la création d’un centre d’entretien supplémentaire ; - des travaux préparatoires plus importants que prévus en

raison de l’importance des réseaux à dévier - la mise en place d’équipements de sécurité et d’exploitation

plus complets, d’écrans anti-bruit plus nombreux ; - la mise en œuvre de mesures de protection ou de

réhabilitation environnementale particulièrement importantes.

Pour l’antenne d’Oyonnax, le coût de réalisation a fortement dépassé le coût approuvé par l’Etat. Cette importante dérive est due en grande partie à une mauvaise appréhension au stade de l’APS des difficultés de cette section en site montagneux. Le coût kilométrique final de cette section se situe dans la moyenne des coûts constatés sur des opérations en site comparable.

Page 360: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 360

Comparaison des coûts approuvés par l’Etat avec les coûts finaux des opérations mises en service en

1997

Date de la décision ministérielle

Coûts approuvés par l’Etat

Section

Approuvant l’APS (ou date de production

de l’APS

de réévaluation

Coût kilométrique à l’APS (a)

*dernier coût kilométrique

(b)

Coût kilométrique de lancement

au FDES

Coût kilométrique de réalisation (au km) (c)

(c) / (a)

(c) / (b)

A 16 Amiens-Abbeville et contournement ouest d’Amiens : 116 km déc-90 janv-95 41,09 46,48 55,88 52 26,55 % 11,88 % A 19 Sens – Courtenay : 26 km sept-91 avr-95 34,00 39,31 38,60 37 8,82 % - 5,88 % A 43 Aiton – Ste Marie de Culnes : 30, 7

km mars-91 01/07/97 62,12 87,23 93 88 41,66 % 0,88 %

(1) A 404 Antenne d’Oyonnax : 13,2 km août-92 réévaluation

non approuvée43,94 non approuvé 45,68 72 63,86 % (2)

A 837 Saintes – Rochefort : 37,5 km janv-91 juin-94 31,71 41,23 32,05 47 48,22 % 13,99 % Toutes ces opérations ont fait l’objet de demandes de réévaluation permettant de prendre en compte les évolutions du contexte règlementaire et de réactualiser certaines estimations * : coût sauf si une réévaluation a été approuvée

Page 361: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 361

ANNEXE N° 11

LA POLITIQUE DU 1 % PAYSAGE ET DEVELOPPEMENT

Les objectifs

Aux termes de la circulaire du 12 décembre 1995 : « Cette

politique de valorisation paysagère et de développement économique concerne les espaces situés en dehors des emprises de l’autoroute. Elle est donc de nature différente et de portée plus large que l’intégration des ouvrages eux-mêmes dans les paysages, conformément aux mesures issues des études d’impact ; elle doit toutefois être développée en étroite cohérence avec les réflexions menées en amont des projets, en particulier au travers de ces études d’impact. Il s’agit avant tout, à partir d’une réflexion stratégique sur les atouts des territoires traversés, permettant d’en déceler les principaux enjeux, d’optimiser les effets induits par l’infrastructure, tout en maintenant le niveau de qualité des paysages perçus à ses abords. Il convient notamment d’aboutir à la définition d’une politique cohérente de développement urbain et économique le long de l’axe, en particulier autour des échangeurs, et d’encourager à cette fin l’intercommunalité ». Il est à noter que l’article L 111-1-4 du code de l’urbanisme interdit à compter du 1er janvier 1997, en dehors des espaces urbanisés des communes, toutes constructions ou installations dans une bande de 100 mètres de part et d’autre de l’axe des autoroutes, routes expresses et déviations et de 75 m de part et d’autre des routes classées à grande circulation sauf si, dans le cadre d’un POS ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, une réflexion a été conduite par la collectivité concernée sur l’aménagement de ces zones, en termes de nuisances, sécurité, qualité architecturale, ainsi que de qualité de l’urbanisme et des paysages.

La procédure

Pour chacun des axes concernés, un livre blanc, établi sous

la responsabilité d’un directeur régional coordonnateur, désigné par la direction des routes avec la collaboration des services déconcentrés de l’Etat intéressés et les collectivités contribuant au financement de l’infrastructure ou la société concessionnaire, doit pour l’ensemble de l’axe présenter les propositions du maître d’ouvrage de l’infrastructure tout en analysant les enjeux et les perspectives de développement des territoires. Des chartes d’aménagement et de mise en valeur doivent mettre en application les orientations du livre blanc au travers

Page 362: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 362

de la charte d’itinéraire (grandes orientations et principaux objectifs) et de chartes locales, « élaborées si possible à l’échelle d’unités paysagères homogènes ».

Le financement

Le principe retenu est que les partenaires qui participent au

financement de l’infrastructure contribuent à ces mesures d’accompagnement à raison de 1 % du montant de leur enveloppe affectée à l’infrastructure, une contribution équivalente devant être apportée par les collectivités concernées par les actions définies au titre de cette politique. Pour le réseau autoroutier concédé, la circulaire du 12 décembre 1995 précise que les contributions des sociétés concessionnaires, « compte tenu du caractère spécifique de leurs ressources financières, devront être réservées aux études et actions de mise en valeur paysagère des espaces présentant un lien suffisamment étroit avec l’autoroute ; elles ne pourront pas être mobilisées au profit d’actions de développement économique et touristique, celles-ci n’étant éligibles qu’aux financements en provenance de l’Etat et des collectivités locales ». La direction des routes finance les études à caractère général, le fonds national d’aménagement et de développement du territoire étant sollicité pour les interventions dans le domaine économique et touristique. Pour chaque axe, la contribution financière globale consacrée par l’Etat et la société concessionnaire à la politique du « 1 % paysage développement » est arrêtée par l’Etat et la société concessionnaire « dans la limite de 1 % de l’estimation figurant à l’avant-projet sommaire approuvé par décision ministérielle ». Compte tenu de la sous-estimation des coûts au stade de l’APS, l’enveloppe ainsi définie est, en réalité, bien inférieure à 1 % du coût de l’infrastructure.

Page 363: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 363

ANNEXE N° 12

LES BILANS ECONOMIQUES A POSTERIORI ETABLIS EN

APPLICATION DE LA LOTI ET DE LA CIRCULAIRE BIANCO

A. - LE BILAN INTERMEDIAIRE DE L’A 43 - A 430 ET DE LA

RN 90 MISE A 2 X 2 VOIES

Intervenu en juin 1995, ce bilan analyse les effets

économiques et sociaux deux ans après la mise en service de l’autoroute dans un contexte économique morose faisant suite au gonflement artificiel de l’activité dû aux jeux olympiques d’hiver. La comparaison entre effets observés et effets prévus concernant les différents secteurs d’activités fait ressortir les évolutions ci-après.

Conditions de circulation

Ces infrastructures ont amélioré les conditions de circulation

et facilité en particulier l’accès aux stations de ski. La circulation sur les routes nationales est plus fluide. Pour les transporteurs routiers, la RN 90 aménagée en voie express, gratuite et rapide permet de réaliser des rotations plus régulières et plus rapides avec une meilleure sécurité. En revanche, les transporteurs considèrent le coût des péages autoroutiers comme élevé au regard du temps gagné. C’est pourquoi, jusqu’à l’interdiction de la traversée de Montmélian, l’autoroute était délaissée par les transporteurs routiers de la vallée.

Industrie

« Les résultats observés apparaissent largement en retrait

des prévisions formulées dans les études préalables ».

BTP La fin des chantiers routiers et olympiques a provoqué une

chute brutale d’activité et d’effectifs. « Si les masses financières prévues pour les travaux ont bien été injectées (et même au-delà) dans le secteur, si l’activité s’est de ce fait, pendant un temps redressée, les travaux routiers n’ont pas totalement participé au renforcement de la structure locale d’entreprises du secteur. Celle-ci en ressort même affaiblie, ayant perdu la grande majorité des entreprises et se retrouvant plongée dans un contexte économique

Page 364: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 364

plus difficile que jamais, sans reprise en zone de montagne et avec une intensité concurrentielle nouvelle du fait du désenclavement ».

Commerce

D’une manière générale, tous les commerces de bord de

route, ou proches de routes déviées, ont souffert et souffrent encore des évolutions de trafic. Par rapport aux prévisions initiales les effets négatifs voire très négatifs des déviations et dérivations de flux ont bien eu lieu mais à un niveau apparemment supérieur à celui qui semble être approuvé par les documents d’origine. Ainsi à Aigueblanche, par exemple, malgré la politique communale qui a permis de réduire les effets négatifs, le nombre de commerces a chuté de 50 % de 1986 à 1992 alors que la déviation a été mise en service entre 1988 et 1989. « Aigueblanche est totalement déviée, l’échangeur éloigné, la ville n’est pas vue ». En outre, et contrairement aux prévisions, ils n’ont pas été compensés par les autres types de commerces. De surcroît, les effets ne se sont pas limités aux établissements de service aux usagers de la route situés au bord de l’ancien itinéraire. Concernant les grandes et moyennes surfaces, s’il y a eu amélioration des conditions d’accès, celle-ci n’a joué que pour quelques-unes mieux situées et plus accessibles. Enfin, à l’inverse des prévisions, il semble bien y avoir une évasion commerciale vers Chambéry et Grenoble au détriment d’Annecy.

Urbanisme et organisation de l’espace

« Les prévisions formulées initialement, bien que générales,

s’avèrent particulièrement justes : pas d’implantation industrielle dans les “ culs de sac ” et mouvement général de reflux vers l’aval des vallées, développement immobilier sur l’adret de la Combe de Savoie, élargissement des aires de recrutement de la main-d’oeuvre et développement des migrations pendulaires. Il n’y a donc pas de distorsion entre le prévu et le constaté, si ce n’est au niveau de l’ampleur du phénomène de création de zones d’activités peu ou pas occupées. Les services de l’Etat étaient pourtant intervenus sans succès pour mettre en garde les élus face à ces zonages jugés excessifs. L’arrivée de l’autoroute et de la voie express ont eu deux types d’effets. Tout d’abord elles ont suscité de la part des collectivités locales des espoirs et des appétits qui les ont conduites à développer par anticipation, une offre foncière surabondante pour l’accueil d’entreprises avec 200 ha de zones opérationnelles dont 40 % seulement remplis auxquels s’ajoutaient 50 à 80 ha en zone NA . Chaque commune de vallée a créé ou étendu une zone d’accueil d’activité concurrente de celle de la commune voisine. Ces zones sont aujourd’hui vides pour l’essentiel, les communes se sont

Page 365: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 365

endettées et pratiquent une concurrence sauvage sur fond de guerre des prix et d’exonérations fiscales. En outre, ces zones ont été fréquemment développées au détriment du milieu naturel et elles créent, pour longtemps encore, des friches dont l’impact paysager ne contribue pas à l’amélioration de l’image de la Tarentaise ». Ensuite, et surtout, « les nouvelles conditions de circulation ont accentué les différences relatives qui existaient entre les dynamiques initiales et cela d’autant plus fortement que la situation économique s’est dégradée depuis ».

Activité touristique

Le bilan relève la justesse des prévisions concernant la

fréquentation de week-end, l’activité de remontées mécaniques, les gains de part de marché à l’étranger et l’effet valorisant en termes d’image de marque (difficilement dissociable de l’effet des jeux olympiques). En revanche, l’effet d’ouverture de la vallée et son rôle possible sur l’évolution des comportements de clientèle, qui constitue sans doute le changement structurel le plus important des pratiques touristiques de la vallée (entrée dans la sphère des loisirs péri-urbains : les clients venant plus fréquemment mais pour des durées beaucoup plus courtes et dépensant moins) n’avait pas été prévu.

Incidence socio-économique

Le bilan intermédiaire des autoroutes A 43 - A 430 et de la RN

90 mise à 2 x 2 voies indique que ni l’une, ni l’autre de ces types de voiries « ne semblent, pour le moment, avoir un rôle quelconque vis-à-vis des implantations d’entreprises malgré les 200 ha de créations de zones d’activités qu’elles ont l’une et l’autre suscités ». Il souligne l’effet “ tunnel ” de l’autoroute qui canalise la circulation. « Il existe en fait pour les entreprises très dépendantes des voies de communications, peu de possibilités d’adaptation à ces nouvelles conditions qui les court-circuitent, puisqu’il s’agit en réalité d’une réduction significative des marchés sur lesquels elles sont implantées. La disparition pure et simple est souvent le premier résultat pour les moins performantes ou les plus fragiles (dépendance trop exclusive à l’égard du trafic de transit, exploitants âgés ne souhaitant pas réinvestir, prestations de mauvaises qualités). La diversification est une des principales issues, mais sur un marché local étroit, les possibilités sont limitées. Un facteur déterminant de réussite est l’anticipation. Les municipalités peuvent aider et coordonner cette anticipation garante d’une adaptation tant pour les acteurs que pour l’image communale. Concrètement cette réadaptation forcée de l’offre à la demande favorise les plus performants, mais nécessite souvent de leur part des réinvestissements significatifs soit en termes

Page 366: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 366

financiers, soit en termes de savoir-faire » « Malgré un nombre d’échangeurs plus important », la RN 90 ne semble pas avoir contribué à dynamiser les villages ; au contraire peut-être, l’absence de péage rend les déplacements plus faciles et renforce la prééminence des pôles urbains sur les petits villages.

Le second effet notable pour le tissu économique local

consécutif à la mise en place d’une voie rapide (autoroute ou voie expresse) provient de l’ouverture de la micro région et de la mise en concurrence des entreprises avec la fin d’une situation où la clientèle était captive en raison des difficultés de circulation. L’élargissement du bassin de chalandise favorise des commerces très spécialisés et seuls sur leurs créneaux. En revanche, les commerces les moins performants sont touchés de plein fouet. Les grandes surfaces doivent elles-mêmes faire face à une compétition accrue. L’attractivité de certaines zones d’habitat diminue au profit d’autres situées dans des environnements plus propices. Pour le tourisme d’hiver, les liaisons rapides ont rempli leurs objectifs premier : rendre les stations plus facilement accessibles. Cependant « compte tenu de l’évolution du contexte économique, une dérive préjudiciable à l’avenir pourrait apparaître. Cette facilité d’accès pourrait s’avérer pénalisante pour le marché immobilier et la saturation du réseau routier puisque les voies favorisent les déplacements et la fréquentation journalière ». Quant à l’implantation d’entreprises sur les zones d’activités, « la facilité de déplacement, valable pour toutes les zones d’activités le long de la vallée, met en exergue d’autres éléments comme le prix, les commodités, les activités déjà présentes, les perspectives futures (implantation de TGV) qui deviennent alors les facteurs de différenciation pour le choix de l’implantation. Ce phénomène est encore aggravé par l’abondance de l’offre de zones d’activités qui s’égrènent tout au long de la vallée.... Dans ce contexte les seules implantations enregistrées correspondent à des facilités octroyées par les collectivités pour emporter la décision ».

Page 367: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 367

II. - LE BILAN DE L’AUTOROUTE A 49 GRENOBLE-VALENCE Il a été établi en 1995, l’autoroute ayant été mise en service

fin 1991. Si l’A 49 a permis une nette amélioration des conditions de circulation les incidences de la construction de l’autoroute sur l’économie locale apparaissent bien moindres qu’il était espéré.

« Les retombées économiques du chantier avaient été

surestimées. Le dossier de DUP de 1986 prévoyait 4 965 emplois par an. L’impact estimé ex post représente seulement le tiers des prévisions. Le ratio de trois emplois par an pour 1 MF de travaux tel qu’il était préconisé en 1986 s’avère aujourd’hui trop optimiste : on se situe plutôt autour d’un emploi par million de travaux pour les autoroutes récentes, ce qui correspond bien au chiffre observé ici. Par ailleurs, le chiffre global de 1 600 emplois correspond au maximum connu avec une montée en puissance faible au cours des premiers mois (1987 et début 1988), un pic en 1990 et une décroissance rapide ensuite. Tout au plus donc, le chantier de l’A 49 a fourni sur la base de 19 627 h/mois un emploi pendant 4 ans (1986 à 1991) à un peu plus de 400 personnes ». Le bilan n’a pu recueillir que peu d’information sur l’origine des entreprises. S’agissant des travaux de construction, « il semblerait que la majorité des entreprises soient venues avec leur propre personnel ou en recrutant sur les grands marchés régionaux (Grenoble, Valence, Lyon) ».

L’effet du chantier sur l’hôtellerie, la restauration et les

commerces est sensible mais il est limité à sa durée. Ainsi le fichier de la taxe professionnelle de Saint-Marcellin fait état de l’implantation de 40 commerces de 1988 à 1990 et d’une perte équivalente en 1991. Le fichier de la taxe d’habitation indique l’arrivée de 90 familles entre 1987 et 1990 dont 40 sont reparties dès 1991. A Vinay, l’augmentation des résidences principales (+ 240 entre 1988 et 1990) a diminué du même ordre de grandeur. Cet afflux temporaire de population n’a pas enrayé durablement la tendance à la diminution du nombre de commerces locaux. En revanche, la mise en service de l’autoroute a créé 150 emplois liés à l’exploitation de l’ouvrage (soit 1/3 de mieux que les prévisions).

Les effets de l’autoroute sur les services et commerces

implantés en bordure des nationales sont contrastés. Pour la RN 92, l’autoroute n’aurait pas eu d’impact majeur. Les 19 fermetures d’établissements et les 20 créations constatées correspondraient à l’évolution structurelle du tissu commercial au profit des grandes surfaces, de la restauration rapide ou au contraire des établissements

Page 368: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 368

gastronomiques. Aux abords de la RN 532 pour laquelle on observe une baisse de 40 à 47 % du trafic entre 1988 et 1995 (entre Veuvray et Romans) on observe 27 disparitions pour 12 créations. L’autoroute a induit dans un premier temps une forte baisse de trafic. Pour les stations-services, la perte a été de 50 % des litrages en moyenne s’accompagnant de pertes de un à trois emplois selon les saisons et huit stations-services sur 21 ont disparu. Les hôtels, restaurants et bars ont été touchés eux aussi (sept fermetures pour 29 établissements et deux créations). La commune d’Iseran a perdu trois établissements commerciaux sur 6. L’étude fait apparaître toutefois une reprise du trafic sur l’axe qui profite aux établissements qui ont pu se maintenir, souvent en réorientant leur activité. Toutefois, « plusieurs interrogations demeurent aujourd’hui, notamment l’évolution du trafic et son incidence sur une éventuelle reconstitution d’une offre commerciale nouvelle, ou l’accélération du déclin commercial de nouveaux villages parce qu’étant passé en dessous d’un seuil critique. Réponses qui ne pourraient être apportées qu’au travers d’une nouvelle observation dans quelques années ».

Les zones d’activités se sont multipliées à proximité de

chaque échangeur ou en façade de l’autoroute. Il en résultait en 1995 une offre très surabondante au regard du contexte économique. Sur l’ensemble de l’aire d’études, l’offre atteignait 700 hectares sur les communes de l’Isère dont 440 encore disponibles, 224 hectares sur la Drôme dont 217 disponibles. L’étude évaluait, au rythme de commercialisation observé sur cinq ans, à 25 ans dans l’Isère et à deux siècles dans la Drôme le laps de temps nécessaire pour occuper les ZAC. « Très globalement, force est de constater qu’en l’absence de coordination à l’échelle intercommunale, la multiplicité des décideurs peut conduire parfois à un développement local et à un urbanisme hétérogène, voire peu réaliste et peu cohérent ».

Les effets de l’A 49 sur le développement et le

fonctionnement des activités industrielles et de services sont relativisés. L’autoroute apparaît essentiellement, comme un facteur de renforcement de certaines vocations (carrefour A 48 - A 49 de Voreppe) et comme un élément de confort et de fiabilité plus que comme un critère déterminant de l’activité des entreprises : « D’une part les conditions de circulation dans la vallée n’ont jamais été, compte tenu du type d’activités, véritablement pénalisantes, et d’autre part la demande de transport des entreprises présentes n’a jamais été très importante ».

Le réseau autoroutier facilite l’accès aux stations de ski de la

Tarentaise qui connaissent une augmentation de leur fréquentation

Page 369: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 369

sans croissance des hébergements grâce à des séjours plus fréquents.

Page 370: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 370

La mise en service de l’autoroute a été pour l’heure sans effet

sur le niveau d’activité des centres commerciaux. L’évolution qui paraît se dessiner est celle d’un renforcement du rôle de Saint-Marcelin et des agglomérations situées aux extrémités de l’A 49.

Quant à l’agriculture, l’autoroute a touché 23 % des

exploitations des territoires traversés avec une emprise qui représente 3,3 % de la surface agricole utile du département. L’emprise moyenne par exploitation est de 1,2 ha en Isère, de 1,5 ha dans la Drôme. Les remembrements induits ont entraîné une augmentation de la taille des groupements de parcelles. L’étude manquait de recul pour apprécier les gains de productivité liés aux restructurations foncières et aux travaux connexes des remembrements, sauf à les évaluer au regard de ce que l’on connaît dans d’autres situations, soit autour de 25 % pour les tâches de travaux agricoles. Ces gains de productivité seraient à rapprocher du coût du remembrement et des travaux connexes (46 MF dont 21 MF pour les études d’aménagement foncier et 25 MF pour les travaux connexes).

De façon générale, le bilan indique que sur nombre de points

il conviendrait de prolonger le suivi pour avoir une évaluation plus claire des effets de l’autoroute.

III. - LE BILAN DE L’A 57 (SECTION CUERS-LE CANNET DES MAURES)

Il a été établi en février 1997, soit cinq ans après la mise en

service. L’aménagement autoroutier a permis de diminuer entre 1991

et 1995 le trafic sur la RN 97 et les nuisances pour les riverains. 61 créations d’emplois sont directement liées à l’exploitation de l’autoroute. Les emplois induits par la consommation des ménages et les dépenses de fonctionnement et d’entretien du concessionnaire sont estimés sur une base forfaitaire à 50. La détérioration du contexte économique départemental (augmentation du chômage, fermeture d’établissement) à partir de 1991 « a limité le rôle de vecteur de développement de l’A 57 » d’autant « qu’aucune politique d’accompagnement spécifique n’a été définie par les élus et les agents économiques institutionnels ». L’autoroute n’a pas provoqué d’évolution significative du nombre d’établissements et des aires de chalandise. Le principal effet sur l’agriculture a été une disparition de 110 ha de vignes, superficie supérieure aux prévisions (60,3 ha), mais globalement les superficies viticoles du département et les volumes

Page 371: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 371

produits ont augmenté. Le rapport observe des effets ponctuels sur le tourisme liés à des actions de signalisation à partir de l’autoroute (promotion du “ village des tortues ” de Gonfaron, hameau des ânes, musée du liège). L’autoroute n’avait pas au jour de l’étude induit d’effets majeurs sur la structuration et l’utilisation de l’espace mais le bilan indique que la situation risque d’évoluer avec la création de deux-demi échangeurs.

L’étude met en garde contre les risques de spéculation

foncière : « Du fait des volumes de transactions qu’elle provoque indirectement sur le marché foncier, l’autoroute engendre très souvent une augmentation des prix et plus largement des phénomènes de spéculation. Les terroirs agricoles sont eux aussi sujets à de fortes augmentations de prix, ce qui constitue un frein à l’installation de jeunes agriculteurs ou à l’agrandissement d’exploitations existantes. Dans les secteurs à faible valeur agronomique, l’autoroute peut accélérer considérablement les phénomènes de déprise agricole ». Aussi l’étude souligne-t-elle « la nécessité d’une démarche d’anticipation par les communes concernées afin d’éviter le mitage d’espaces à fort potentiel agricole ».

Page 372: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 372

ANNEXE N° 13

LES BILANS ECOLOGIQUES A POSTERIORI

ETABLIS EN APPLICATION DE LA CIRCULAIRE BIANCO

I. - L’A 43 - A 430 - RN 90 Il constitue le premier bilan environnemental réalisé en

application de la circulaire du 15 décembre 1992 qui a élargi à l’environnement le bilan économique et social prévu par la LOTI.

Les aspects paysagers ont été bien pris en compte. Les

travaux d’infrastructures ont été l’occasion de traiter des points noirs en liaison avec le conseil général de Savoie dans la perspective des jeux olympiques et de procéder à un “ reverdissement ” de la vallée de la Maurienne marquée par son passé industriel. Au total 32,5 MF ont été consacrés au traitement paysager (y compris les financements du conseil général). Une dérive des coûts a été observée sur la RN 90 (12,5 MF consacrés au reverdissement hors financement du conseil général) en l’absence de maître d’oeuvre spécialisé. Le bilan relève le coût élevé de l’aménagement de l’échangeur de Frangin avec la reconstitution d’une flamme olympique par des végétaux dont l’effet n’était pas perceptible pour l’usager se déplaçant de Chambéry à Albertville et retour et seulement imparfaitement dans le sens Grenoble-Albertville.

Si l’insertion paysagère des autoroutes est jugée

satisfaisante, les infrastructures autoroutières n’en ont pas moins eu un impact fort sur les écosystèmes. Le tracé de ces infrastructures a été défini après des arbitrages défavorables aux milieux naturels afin d’épargner au maximum les terres agricoles et ce au détriment des milieux humides les plus riches du point de vue de la faune et de la flore, particulièrement sensibles ainsi qu’il a été noté ci-dessus par les observatoires. De même, le souci d’éviter les zones de mise bas des chevreuils à la demande des chasseurs a conduit à adopter un tracé qui a entraîné la suppression des zones de reproduction les plus remarquables des espèces rares de batraciens.

Afin de limiter autant que faire se pourrait les conséquences

du tracé choisi, le dossier soumis à enquête publique présentait un certain nombre de mesures qui ont été reprises dans le dossier des engagements de l’Etat. Le chantier devait être limité à la stricte emprise de l’autoroute. Les conditions d’alimentation en eau des roselières, prairies et bois humides devaient être respectées. Aucune

Page 373: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 373

emprise supplémentaire à celle de l’autoroute elle-même ne devait être réalisée dans le secteur le plus remarquable des bassins Mollard et bois attenants. Les remblais et déblais devaient être replantés. Par ailleurs dans les études d’impact, il était souligné que les risques d’impact indirects, liés à la volonté de récupération des terres par les agriculteurs, pouvaient être non négligeables. Il était recommandé qu’un « juste équilibre fût trouvé et maintenu » mais cette question échappait au maître d’ouvrage. Des aménagements pour le passage de la faune devaient être également réalisés.

Le bilan indique que ces engagements n’ont, sur nombre de

points, pas été respectés et que les mesures correctives mises en oeuvre n’ont eu qu’une portée limitée.

Les emprises ont dépassé les prévisions de l’étude d’impact

notamment dans les zones les plus sensibles (ripisylve de l’Isère, marais des bassins Mollard). Ainsi pour les bassins Mollard, « la nécessité de désenclaver les propriétés agricoles et forestières a conduit la société concessionnaire à réaliser une voie longeant l’autoroute augmentant l’emprise de près de 1 ha sur cette zone remarquable et amputant d’autant le projet d’arrêté de biotope ». Les études d’impact des autoroutes estimaient à 93 ha de boisements, 14 ha de prés et roselières et 31 ha de peupleraies, la consommation d’écosystèmes alluviaux dans la Combe de Savoie. En fait, ce sont environ 200 ha de boisements et marais qui ont disparu dans les emprises de l’autoroute et de la route, de leurs talus et des emprunts. Les zones d’emprunts sont ainsi responsables de la disparition de trois complexes forestiers importants.

L’autoroute a eu également des effets indirects importants du

fait du remembrement induit. Les études préalables ont nettement sous-estimé l’ampleur du remembrement qu’elles estimaient devoir être faible en raison des remembrements d’ores et déjà effectués (en 1975 dans la zone Arc-Isère) et des emprises relativement restreintes sur les terres agricoles compte tenu du tracé choisi. Le remembrement opéré sur cinq communes n’aurait que peu amélioré la dispersion du parcellaire mais aurait été “ l’occasion ”, selon le bilan, de faire financer par le maître d’ouvrage des travaux connexes : chemins, fossés ... Sur quatre communes, 74 ha de milieux naturels ont évolué vers l’agriculture, chiffre bien supérieur aux prévisions. A quoi se sont ajoutés des déboisements indépendants des remembrements au titre des mesures compensatoires aux impacts agricoles. Les autoroutes et la mise à 2 x 2 voies de la RN 90 ont ainsi accéléré un phénomène ancien de défrichement et de drainage. Les aménagements routiers et autoroutiers et les espoirs liés aux jeux olympiques ont, de surcroît, suscité une multiplication des zones

Page 374: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 374

industrielles sans politique intercommunale permettant de limiter les remblaiements et d’organiser la commercialisation de ces zones d’activités.

L’autoroute a ainsi accéléré des évolutions préexistantes

comme la régression des zones humides et prés alluviaux liée, par ailleurs, à la modification des pratiques agricoles (abandon des pratiques de fauche, défrichements, drainage), aux aménagements du réseau hydraulique (aménagement de l’Arc et de l’Isère, dragage dans le lit mineur puis dans le lit majeur) et au développement des zones d’activités industrielles et des décharges. Elle a renforcé les effets de coupure préjudiciable à la faune comme aux écosystèmes (fragmentation des boisements alluviaux). Or une superficie minimale de 50 ha d’un seul tenant est généralement admise comme nécessaire pour assurer la pérennisation de l’intégrité de la flore des boisements alluviaux par le seul jeu des cycles sylvigéniques naturels.

Les aménagements mis en place n’ont eu qu’une efficacité

réduite. 1,5 MF ont été ainsi consacrés à des dispositifs visant à

réduire l’impact du chantier près des infrastructures sur la population de batraciens (mares de substitution, grillage à maille fine, caniveaux, buses). En dépit de ces efforts, les espèces rares qui avaient justifié la réalisation de ces aménagements n’ont pas été vues lors de la campagne d’observation organisée pour l’établissement du bilan environnemental. Des investigations complémentaires restaient nécessaires pour pouvoir dresser un bilan définitif. Mais le rapport d’évaluation relève que « malgré des aménagements coûteux, les évolution des biotopes peuvent avoir entraîné la disparition des espèces les plus remarquables ». Plusieurs facteurs explicatifs sont avancés : la période du chantier a été fortement perturbatrice ; les aménagements n’ont pas été conduits avec toute la rigueur nécessaire (le grillage n’est pas jointif avec le sol, les pontes n’ont pas été déplacées avant les travaux vers d’autres sites) ; le milieu aquatique souffre d’une concentration en chlorure de sodium liée aux infrastructures autoroutières. Ce constat témoigne de la sensibilité des milieux naturels et de la difficulté de maîtrise des évolutions induites par l’infrastructure autoroutière. Par ailleurs, 3 MF avaient été consacrés à l’aménagement de passages pour la grande faune. Ces ouvrages avaient fait l’objet d’une forte demande dans la phase des études préalables. Pour autant, faute de mesures d’accompagnement (mise en réserve, prise en compte par les plans d’occupation des sols et les opérations de remembrements, interdiction de passage par arrêté municipal, surveillance) et de gestion adaptée, l’efficacité de

Page 375: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 375

ces équipements demeurait limitée voire compromise. Les conditions de tranquillité n’étaient pas requises (fauche de la végétation aux abords, coupe des arbres, nombreuses traces de pneus dans un des passages ...) et le développement d’une zone d’activité non prévue au moment de l’APS était susceptible de remettre en cause l’utilité d’un des passages.

Concernant la prévention des pollutions des eaux, des risques

de pollution de certains captages demeuraient en dépit des travaux effectués par le maître d’ouvrage. L’étude de bilan relève la responsabilité des collectivités territoriales. Un captage qui dessert 1 200 personnes et n’a pas de périmètre de protection a ainsi été réalisé postérieurement à l’autoroute dans une zone menacée par un risque de déversement accidentel à partir de l’A 43. Quant au captage d’Alberville qui dessert 95 % de la population, il se situe dans une zone très vulnérable. Dès 1966 le comité départemental d’hygiène s’était prononcé pour l’abandon de ces puits. En 1989 le comité départemental d’hygiène avait recommandé de ne pas mettre en place de travaux de protection mais de faire participer le maître d’ouvrage autoroutier au déplacement des captages. Par suite du refus de la commune, les autres aménagements de protection ont été menés sur place en dépit de l’avis des services spécialisés. Aucune pollution liée à l’autoroute n’avait eu lieu à la date du bilan mais, en dépit des travaux effectués, le captage restait vulnérable.

Les mesures compensatoires

En application de la loi du 16 juillet 1976, des mesures

“ compensatoires ” ont été prévues compte tenu de l’importance des impacts non réductibles. Trois arrêtés de biotope ont été pris. La zone centrale du site des bassins Mollard a été acquise par la société concessionnaire AREA (14,1 ha) et un projet de gestion était en cours avec le conservatoire du patrimoine naturel de la Savoie. 1,5 MF avaient été dépensés par l’AREA (250 000 F d’études, 500 000 F d’acquisitions, 750 000 F au titre de la gestion). Le réaménagement des zones d’emprunt comporte des mesures compensatoires (aménagement de mare pour batraciens, adoucissement des plans d’eau). L’impact de ces mesures compensatoires est toutefois faible au regard des superficies détruites. Par ailleurs, l’efficacité de ces mesures est limitée par des problèmes de gestion de ces espaces naturels et les conflits d’intérêt entre protection des biotopes, chasse, pêche, agriculture. Les chasseurs sont, en effet, favorables à l’évolution des milieux humides vers le boisement car elle favorise la reproduction du gibier. Pour les îles du Villaret, « le projet initial prévoyait l’ouverture de la pêche sur un seul plan d’eau mais la limite communale située entre deux étangs a contraint à offrir un plan d’eau

Page 376: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 376

à chaque association communale de pêche et ce compromis s’est fait au détriment de la tranquillité nécessaire aux espèces animales sauvages et notamment aux batraciens qui sont la proie des espèces piscicoles introduites ».

II. - L’A 49 GRENOBLE-VALENCE

Un constat analogue a été établi par l’étude de bilan portant

sur l’A 49 dans la vallée de l’Isère trois ans après sa mise en service. Là encore, « l’on constate que les écarts entre les impacts

prévus et les impacts constatés sont souvent importants et l’on observe globalement une sous-estimation des impacts ».

- Les emprises ont été « à peu près systématiquement sous-

estimées dans l’APS et par voie de conséquence les pertes de terres agricoles et de milieux naturels l’ont été aussi ». En effet, les études d’APS n’ont pas pris en compte la surface des aires annexes (échangeurs, aires de service, de repos ...). Il s’agit là d’un constat général. La superficie des emprises atteint 760 ha contre 465 ha prévus. L’impact sur la végétation alluviale de la plaine de l’Isère a été fortement sous-estimé. Le bilan observe qu’au demeurant « divers facteurs ont fait que le territoire acquis est nettement supérieur au territoire utile » ce qui, outre des dépenses injustifiées, a conduit au développement de friches.

- Les impacts à long terme tels que la réduction des effectifs

de certaines espèces animales à vaste territoire ou essences végétales, induits par la fragmentation et la réduction de la superficie des milieux, n’ont pas été pris en compte et les impacts acoustiques ont été sous-estimés tant au stade de l’APS que de l’APA.

- Les impacts sur certains cours d’eau et en particulier le

Merdaret et la Serre ont été largement sous-estimés. « La profonde perturbation de ces milieux n’a pas été anticipée et, de ce fait, aucune mesure spécifique n’a pu être mise en oeuvre pour la réduire ». Le bilan explique ce constat par la rapidité avec laquelle s’est réalisé le projet de l’A 49 pourtant étudié depuis près de 20 ans, une fois la décision prise : « les études ont trop souvent été réalisées en parallèle avec les travaux, ce qui a nuit à leur valorisation et à la prise en compte des interactions entre thèmes ». Le rapport relève « l’appauvrissement drastique et irréversible du vallon du Merdaret », la destruction de stations d’espèces végétales rares et la diminution de la richesse ornithologique.

Page 377: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 377

- Les effets paysagers de tous les équipements annexes à l’autoroute n’ont pas été pris en compte hormis le cas des échangeurs. L’impact analysé est celui de la plate-forme mais non ceux de la signalisation verticale, des rétablissements de voiries, des péages, des aires annexes. Ce manque de cohérence et de prévision d’ensemble induit une anarchie certaine. Par ailleurs, les incidences paysagères des mesures de réduction des impacts adoptées au bénéfice d’autres aspects de l’environnement (protections phoniques par exemple) n’ont pas été analysées. Là encore, l’étude de bilan souligne le manque de prise en compte des interactions.

- Les impacts des remembrements s’étendent sur une aire qui

dépasse de très loin l’emprise de l’infrastructure (7 488 ha soit 19 fois l’emprise autoroutière). Ces impacts varient considérablement selon les communes en fonction de la façon dont sont conduites les opérations de remembrement qui échappent au maître d’ouvrage. Ces opérations dont le coût s’est élevé à 45 MF ont eu sur certains sites des conséquences d’autant plus regrettables qu’elles ont entraîné la destruction de milieux naturels sans pour autant être bénéfiques du point de vue agricole s’agissant de terrains de mauvaise qualité agronomique (destruction des pierriers d’Eymeux, défrichement d’un bois dont la mise en culture s’est par la suite révélée impossible).

III. - L’A 57 GUERS-LE CANNET-DES-MAURES L’établissement d’un bilan environnemental était facultatif, la

déclaration d’utilité publique étant intervenue en 1988 avant la circulaire du 15 décembre 1992 qui a expressément étendu le champ des bilans à l’environnement, mais a été souhaité par la société concessionnaire ESCOTA. Les réalisations n’ont pu être comparées au dossier des engagements de l’Etat qui n’existait pas à l’époque. Par ailleurs, l’infrastructure a été réalisée avant la loi sur l’eau qui a posé de nouvelles exigences de préservation des nappes et des milieux aquatiques.

Le bilan reconnaît l’effort d’inscription de l’autoroute dans le

paysage du massif et de la plaine des Maures. Un seul véritable point noir (le talus de déblais schisteux de Suver du Vent) est relevé. Le bilan fait état de l’aménagement soigné des terre-pleins centraux et de certaines aires. Toutefois le traitement paysager n’est pas toujours en cohérence avec les paysages traversés. Les essences choisies pour la revégétalisation des abords ne suivent pas la répartition des espèces indigènes ; plusieurs des trames végétales coupées par

Page 378: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 378

l’autoroute (ripisylves, boisements de versants) n’ont pas été reconstituées.

Page 379: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 379

L’étude menée avec le concours de spécialistes universitaires relève que la société concessionnaire a procédé à de très nombreuses plantations afin de reverdir les abord de l’autoroute. Cependant le choix des espèces n’a pas toujours été judicieux au regard des spécificités du terrain (comme la plantation de pins parasols sur des pentes escarpées) et de nombreux arbres ont péri. De même, la végétabilisation des talus de déblais par des espèces semées a fréquemment échoué. L’on observe une perte de biodiversité des linéaires boisés en bordure des cours d’eau avec parfois des risques de pollution génétique par les espèces de reboisement. Le risque d’incendie a augmenté avec le remplacement sur les talus des boisements initiaux peu inflammables (chênes-lièges, arbousiers, cytises) par des espèces herbacées ou ligneuses. Cependant, à la date de l’étude, les dispositifs de prévention mis en place (points d’eau, “ cunettes ” anti-mégots ou bandes d’arrêt d’urgence, pistes forestières) s’étaient montrés efficaces.

Le réseau hydrographique est décrit comme relativement peu

vulnérable. Les ouvrages de lutte contre la pollution assurent un traitement inégal des eaux. Les ouvrages hydrauliques ont été conçus en fonction du seul impératif d’évacuation des eaux sans prendre en compte les exigences des milieux aquatiques et en particulier des poissons. Le tirant d’eau est insuffisant pour permettre la circulation des poissons en période d’étiage et la vitesse d’écoulement est trop importante en période de crue. Il en résulte un appauvrissement des écosystèmes.

Les protections acoustiques se sont révélées efficaces. En revanche, les passages pour la faune ont été mal conçus.

L’autoroute traverse le secteur qui compte en France la plus grande densité d’une espèce menacée et protégée, la tortue d’Hermann. Deux “ tortuducs ” ont été établis afin d’atténuer l’effet de coupure de l’aire d’habitat et de ponte des tortues. Cependant l’implantation des “ tortuducs ” a été réalisée en méconnaissance de l’éthologie de ces animaux. Alors que les tortues affectionnent les terrains plats et les espaces ouverts, ces aménagements débouchent sur des pentes fortes à la végétation très dense. Ces passages sont, de ce fait, « très difficilement utilisables » pour les tortues et pour l’un « totalement infonctionnel », les tortues ayant cependant réussi à franchir l’autoroute en empruntant les chemins ruraux. En revanche, les filets de protection bordant la chaussée dans la zone de forte densité de tortues ont été efficaces et peu de spécimens ont été retrouvés écrasés.

Page 380: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 380

Le bilan est également critique pour les passages destinés à la grande faune. Vingt-cinq points de passage principaux avaient été repérés. La société concessionnaire a opté pour des ouvrages mixtes visant à conjuguer la fonction de passage pour la faune et une fonction hydraulique ou de desserte de voirie. Les treize ouvrages mis en place n’ont pas joué le rôle attendu pour la faune. En effet, quatre d’entre eux ne correspondaient pas aux itinéraires suivis par les animaux. Les autres passages se sont révélés eux aussi inefficaces. C’est ainsi que les rétablissements des réseaux hydrauliques présentent des caractéristiques techniques (enrochement, profondeur) adaptées à leur fonction d’écoulement mais incompatibles avec les exigences de la faune. Du fait de l’inefficacité des passages ou de l’absence de passages sur les cheminements identifiés, en méconnaissance des besoins des animaux de maintenir leurs itinéraires initiaux, ainsi que du manque d’étanchéité des clôtures et des portails de service, 19 accidents par collision avec des animaux avaient été dénombrés en 4 ans.

Page 381: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 381

ANNEXE 14

ÉLÉMENTS SUR LA RENTABILITÉ DES SECTIONS AUTOROUTIÈRES CONCÉDÉES

I – RÉPARTITION DES LONGUEURS DES LANCEMENTS (en km)

EN FONCTION DES SEUILS DE COUVERTURE DES FRAIS PAR LE TRAFIC Année de lancement 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Lancements totaux annuels (en km) 155 221 236 299 319 295 251 249 Frais de péage a priori non couverts (trafic inférieur à 1 600 véh/j) 28 Frais d’exploitation a priori non couverts (trafic inférieur à 3 700 véh/j) 56 28 40 22 Concession a priori partiellement équilibrée (trafic < à 20 000 véh/j et > à 3 700 véh/j)

155 221 156 271 319 295 211 227

Concession a priori équilibrée (trafic > à 20 000 véh/j) 24 En 1995, le lancement de l’autoroute A 400 (Annemasse – Thonon) n’est pas pris en compte, sa DUP ayant été annulée et sa concession n’étant pas attribuée. En 1997, ne sont pas pris en comptes les lancement des opérations : RN 10 (mises aux normes autoroutières) et A 28 (Rouen - Alençon), dont les concessions ne sont pas attribuées. Source : direction des routes

Page 382: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 382

II. – ÉLÉMENTS de RENTABILITÉ SOCIO-ECONOMIQUE

Axe – Libellé de l’opération Mise en service réelle/prévue

Date de mise en service prévue dans le calcul

Date optimale de

mise en service

Taux de rentabilité immédiate à la date prévue de mise en

service

Bénéfice actualisé à la date prévu de mise en

service

Taux de rentabilité interne à la

date prévue de mise en service

A49 : Grenoble – Valence 27/12/91 1995 < 1995 12,0 n.c n.c A430 : Pont Royal – Albertville 31/10/91 1992 < 1992 18,6 456 MF 1980 act. 80 n.c A57 : Cuers – Le Canet 20/12/91 1992 < 1992 20,0 380 MF 1980 act. 80 n.c A26 : Châlons -Troyes 30/06/92 1993 > 1993 5,0 n.c n.c A16 : L’Isle Adam – Amiens 20/10/94 1995 < 1995 10,0 n.c n.c A39 : Dijon – Dole 25/10/94 1992 < 1992 11,1 8250 MF 1985 act. ? n.c A54 : Arles – Salon de Provence 15/03/96 2000 < 1995 74,0 8000 MF 1985 act.90 n.c A64 : Pinas – Martres 09/07/96 2000 < 1995 16,0 1550 MF 1985 act. 90 n.c A43 : Aiton – Le Freney 14/01/97 2000 2010 3,0 < 0 < 8 A837 : Saintes – Rochefort 17/03/97 2000 1995 14,0 1200 MF 1985 act. 90 n.c A719 : antenne de Gannat 01/06/97 2000 2010 3,0 < 0 < 8 A16 : Amiens - Boulogne 15/05/98 2000 < 2000 11,0 n.c n.c A39 : Dole – Bourg en Bresse 02/06/98 2000 < 1998 13,4 n.c n.c A20 : Brive - Montauban 10/07/98 2000 2000 8,0 2600 MF 1985 act. 90 13,0 A29 : Le Havre – Neuchâtel 01/10/98 1995 < 1995 14,3 n.c n.c A29 : Pont de Normandie – A13 01/11/98 2000 >2010 < 1 < 0 < 8 A77 / Dordives – Cosne 01/12/99 2000 1995 18,0 7550 MF 85 act. 2000 n.c A85 : Angers - Tours 31/12/99 2000 < 2000 11,0 n.c n.c

Page 383: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 383

II. – ÉLÉMENTS de RENTABILITÉ SOCIO-ECONOMIQUE

Axe – Libellé de l’opération Mise en service

réelle/prévue Date de mise en service prévue dans le calcul

Date optimale de mise en

service

Taux de rentabilité immédiate à la date prévue de mise en

service

Bénéfice actualisé à la date prévu de mise en

service

Taux de rentabilité interne à la date

prévue de mise en service

A49 : Grenoble – Valence 27/12/91 1995 < 1995 12,0 n.c n.c A430 : Pont Royal – Albertville 31/10/91 1992 < 1992 18,6 456 MF 1980 act. 80 n.c A57 : Cuers – Le Canet 20/12/91 1992 < 1992 20,0 380 MF 1980 act. 80 n.c A26 : Châlons -Troyes 30/06/92 1993 > 1993 5,0 n.c n.c A16 : L’Isle Adam – Amiens 20/10/94 1995 < 1995 10,0 n.c n.c A39 : Dijon – Dole 25/10/94 1992 < 1992 11,1 8250 MF 1985 act. ? n.c A54 : Arles – Salon de Provence 15/03/96 2000 < 1995 74,0 8000 MF 1985 act.90 n.c A64 : Pinas – Martres 09/07/96 2000 < 1995 16,0 1550 MF 1985 act. 90 n.c A43 : Aiton – Le Freney 14/01/97 2000 2010 3,0 < 0 < 8 A837 : Saintes – Rochefort 17/03/97 2000 1995 14,0 1200 MF 1985 act. 90 n.c A719 : antenne de Gannat 01/06/97 2000 2010 3,0 < 0 < 8 A16 : Amiens - Boulogne 15/05/98 2000 < 2000 11,0 n.c n.c A39 : Dole – Bourg en Bresse 02/06/98 2000 < 1998 13,4 n.c n.c A20 : Brive - Montauban 10/07/98 2000 2000 8,0 2600 MF 1985 act. 90 13,0 A29 : Le Havre – Neuchâtel 01/10/98 1995 < 1995 14,3 n.c n.c A29 : Pont de Normandie – A13 01/11/98 2000 >2010 < 1 < 0 < 8 A77 / Dordives – Cosne 01/12/99 2000 1995 18,0 7550 MF 85 act. 2000 n.c A85 : Angers - Tours 31/12/99 2000 < 2000 11,0 n.c n.c

Page 384: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 384

III – LISTE DES OPÉRATIONS NOUVELLES LANCÉES AU FDES ENTRE 1990 ET 1997

Classement en fonction des seuils de couverture des charges/trafics indiqués dans le tableau 1461

Sections

km

Date engagement

au FDES

Date de mise

en service

Trafic à la mise en service

(en véh/j)

Concessionn

aire

Tunel de Puymorens* 1990 oct-94 1 277 ASF A85 Vivy – Bourgueil 28 1993 oct-97 1 511 COFIROUTE Bretelle de Peyrehorade* 8 1992 déc-94 3 155 ASF A85 Angers – Vivy 48 1992 janv-97 3 020 COFIROUTE A89 Ussel ouest – Laqueuille 40 1996 déc-99 3 325 ASF A89 Coutras – Montpon Est 22 1997 déc-99 3 000 ASF A68 Toulouse – Montastruc* 13 1990 1993 17 181 ASF A83 Nantes – Montaigu* 25 1990 1991 15 620 ASF A64 Capvern – Pinas* 10 1990 1991 11 862 ASF A5 Melun – Sens* 60 1990 1993 10 820 SAPRR A39 Dijon – Dole* 35 1990 oct-94 7 025 SAPRR A432 La Boisse – Pusignan 12 1990 1991 3 796 SAPRR A14 Orgeval – La défense 16 1991 nov-96 16 563 SAPN A11 contournement de Nantes 11 1991 août-93 16 090 COFIROUTE A5 A5-RN371 La Francilienne et bretelle

de Sens* 30 1991 93 à 95 11 508 SAPRR

A16 Isle Adam – Amiens* 106 1991 oct-94 6 964 SANEF A29 Le Havre – Yvetot* 58 1991 juin-96 4 112 SAPN A40 Doublemt Chamoise – Nantua* 1992 déc-95 16 467 SAPRR A83 Montaigu – Sainte Hermine* 53 1992 oct-94 9 027 ASF A16 Amiens –Abbeville* 46 1992 juin-97 6 964 SANEF A43 Aiton –Epierre 15 1992 janv-97 5 819 SFTRF A29 Yvetot – Neufchatel 30 1992 nov-98 5 500 SAPN A151 Bretelle de Dieppe 12 1992 juin-99 4 700 SAPN A54 Arles – Salon* 23 1993 mars-96 16 633 ASF A64 Pinas – Martres* 61 1993 juil-96 12 456 ASF A77 Dordives – Boismorand 49 1993 oct-99 11 000 SAPRR A77 Boismorand – Cosne 44 1993 juil-00 11 000 SAPRR A16 Abbeville – Boulogne 70 1993 mai-98 7 000 SANEF A51 Grenoble – Coynelle 15 1993 juin-99 6 000 AREA A719 Antenne de Gannat 9 1993 juin-97 4 606 SAPRR

Page 385: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 385

A39 Dole – Bourg en Bresse 104 1994 juin-98 12 000 SAPRR A83 Ste Hermine – Oulmes* 36 1994 mars-97 7 760 ASF A837 Saintes – Rochefort* 37 1994 mars-97 6 172 ASF A29 Pont de Normandie – A 13 20 1994 oct-98 6 000 SAPN A51 Sisteron – La Saulce 30 1994 1999 6 000 ESCOTA A51 Coynelle – Col du Fau 11 1994 juil-03 5 100 AREA A404 Bretelle d’Oyonnax 13 1994 nov-97 4 889 SAPRR A160 Sens – Courtenay 25 1994 nov-97 4 620 SAPRR A43 Epierre – La Praz 43 1994 janv-98 4 487 SFTRF A68 Bretelle de Verfeil* 9 1995 sept-96 17 181 ASF A20 Cahors sud – Montauban nord 30 1995 sept-98 11 800 ASF A41 Saint Julien – Annecy 17 1995 2001 11 600 ATMB A20 Brive – Souillac Nord 20 1995 déc-98 10 200 ASF A28 Le Mans – Tours 84 1995 2000 8 220 COFIROUTE A29 RN28 – Amiens 57 1995 déc-02 7 165 SANEF A29 Amiens – St Quentin 64 1995 juil-00 4 695 SANEF A43 La Praz – Le Freney 7 1995 juil-00 4 512 SFTRF A89 Bretelle de Lussat 7 1995 mars-98 ASF A20 Cahors Nord – Cahors Sud 35 1996 déc-01 10 100 ASF A20 Souillac Nord – Cahors Nord 46 1996 mars-01 9 800 ASF A87 Angers – Mortagne 58 1996 déc-02 8 700 ASF A66 Toulouse – Pamiers 37 1996 juin-02 7 900 ASF A89 Libourne Ouest – Coutras 35 1996 déc-01 7 200 ASF A28 Alençon – Le Mans 50 1997 2000 10 960 COFIROUTE A83 Oulmes – Niort 32 1997 juin-02 9 000 ASF A85 Villefranche – Vierzon 70 1997 2000 8 220 COFIROUTE A87 Mortagne – La Roche sur Yon 51 1997 juin-05 6 800 ASF A89 Tulle Est – Ussel Ouest 24 1997 déc-02 5 300 ASF A154 Bretelle de Louviers 9 1992 déc-96 28 210 SAPN A64 Toulouse – Muret* 15 1992 mars-96 27 265 ASF * les valeurs ds trafics des sections d’autoruoutes sont celles relvées en 1997 (source : direction des routes)

Page 386: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 386

ANNEXE N° 15

LA SITUATION DE LA SOCIETE FRANÇAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS

I. - L’EVOLUTION DU TRAFIC

Les recettes de péage du tunnel ont été très inférieures aux

prévisions. Selon la mission de contrôle de l’inspection générale des finances et du conseil général des Ponts et Chaussées, les hypothèses de tarifs de péage et de trafic étaient “ irréalistes ”. C’est ainsi qu’alors que les études de trafic prévoyaient une vive croissance du trafic poids lourds dans le tunnel entre 1995 et 2000 avec un taux annuel d’augmentation de 7,5 %, celui-ci a stagné en 1996 et 1997.

Evolution récente du trafic

Evolution annuelle PL VL

1992 1993 1994 1995 1996 1997

+ 1,9 % + 6,7 % + 20,9 % + 1,8 % + 0,2 % + 1,1 %

+ 8,8 % - 0,4 % + 2,8 % + 2,6 % - 2,2 % + 6,1 %

En 1992, le trafic a été relativement faible en raison du

ralentissement de l’activité économique et de la grève des transporteurs routiers de juillet 1992 qui a paralysé le trafic au tunnel pendant deux semaines.

En 1993 et 1994, les entraves à la circulation des poids lourds

mises en place par l’Autriche et la Suisse, ont reporté une partie du trafic vers la France. Ce report a profité davantage au tunnel du Fréjus qu’à celui du Mont Blanc. En outre, une crue spectaculaire de l’Arc a complètement interrompu la circulation des poids lourds sur la RN 6, seule voie d’accès au tunnel, entre le 24 septembre et le 15 octobre 1993. Le trafic de 1993 s’en est trouvé diminué. La direction des routes estime que, sans cet accident, l’augmentation de trafic par rapport à l’année 1992 aurait été d’environ 13 %. Le résultat de l’année 1994 correspond en fait à une augmentation de 14 % par rapport à ce qu’aurait été le trafic en 1993 si la voie d’accès n’avait pas été coupée. Enfin, le trafic de poids lourds s’est orienté à la hausse sur l’ensemble des autoroutes françaises à partir de juillet 1994. Tous ces facteurs expliquent le fort taux de croissance constaté en 1994.

Page 387: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 387

En 1995, le gouvernement autrichien a décidé d’élargir les contingents de passages de poids lourds en transit. Une partie du trafic de poids lourds s’est donc reportée du Fréjus vers d’autres itinéraires.

Les prévisions de trafic n’avaient, en effet, pas anticipé

l’évolution du contexte international. Or, depuis son entrée dans l’Union européenne, l’Autriche a dû alléger les restrictions au trafic de transit par le col du Brenner et une part importante (2/3) du trafic de poids lourds entre l’Allemagne et le Bénélux, d’une part, l’Italie, d’autre part, s’est reportée des tunnels du Fréjus et du Mont Blanc sur le passage du Brenner. Par ailleurs, la construction des tunnels de ferroutage suisses (Lötschberg, St-Gothard) devrait avoir une incidence sur le trafic du Fréjus à compter de 2005. En décembre 1996, le SES estimait à 23 % la part du trafic de poids lourds du Fréjus détourné de Suisse. Une étude de mars 1998 estime qu’une partie du trafic de contournement actuel de la Suisse passant par les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus sera acheminée par les chemins de fer suisses dans une proportion qui, si les objectifs de la politique suisse sont atteints, pourrait varier de 15 % en 2005 à 75 % en 2015. Comme l’indique la mission précitée de l’Inspection générale des finances et du Conseil général des ponts et chaussées, l’ampleur des aléas rend difficile les prévisions. Pour autant, “ une conclusion prudente peut toutefois être émise : la géographie plaide en faveur du retour, au moins partiel, vers la Suisse d’une partie du trafic poids lourds passant actuellement par le Fréjus ”. L’incendie du tunnel du Mont Blanc vient toutefois bouleverser les prévisions de trafic. Le trafic du tunnel de Fréjus a fortement augmenté depuis lors atteignant plus de 6 000 poids lourds par jour, ce qui pose des problèmes de saturation dans la vallée de la Maurienne.

II. - LA SITUATION FINANCIERE en

MF SFTRF 1994 1995 1996 1997

Capitaux propres 60,12 60,12 60,14

- 121,57

Immobilisations corporelles Concédées nettes 1 805,75 3 421,91 6 178,82

8 292,89

Dettes dont dettes financières

1 715,901 497,26

339,703 007,34

5 963,075 321,70

8 071,71 7 721,21

Intérêts et charges assimilées 40,249 102,242 231,48 404,11 Chiffre d’affaires 228,02 238,88 251,30 308,67 Capacité d’autofinancement 81,60 120,60 178,68 4,55 Dettes financières/ Capacité d’autofinancement

18,35 24,90 29,80

1 822,60

Source : comptes de la SFTRF

Page 388: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 388

ANNEXE N° 16

RATIOS DE RESULTAT DES SIX PRINCIPALES SEMCA

AREA ASF ESCOTA SANEF SAPN SAPRR 6 SEMCA

VA/CA HT

1992 0,83 0,89 0,87 0,88 0,87 0,86 0,87 1993 0,86 0,89 0,89 0,88 0,83 0,86 0,87 1994 0,86 0,88 0,89 0,86 0,84 0,87 0,87 1995 0,87 0,88 0,88 0,89 0,82 0,85 0,87 1996 0,88 0,88 0,88 0,88 0,79 0,85 0,87 1997 - - - - - - -

Charges de personnel/VA

1992 0,16 0,14 0,16 0,14 0,14 0,12 0,14 1993 0,15 0,14 0,16 0,14 0,14 0,12 0,14 1994 0,14 0,14 0,16 0,14 0,14 0,12 0,14 1995 0,15 0,13 0,17 0,14 0,14 0,12 0,14 1996 0,14 0,15 0,17 0,14 0,17 0,13 0,14 1997 - - - - - - -

BE/CA HT

1992 0,67 0,73 0,69 0,73 0,73 0,73 0,72 1993 0,71 0,73 0,71 0,73 0,69 0,73 0,73 1994 0,70 0,73 0,72 0,72 0,70 0,74 0,72 1995 0,67 0,68 0,65 0,70 0,62 0,67 0,68 1996 0,65 0,63 0,63 0,65 0,52 0,62 0,63 1997 - - - - - - -

Charges financières/ CA HT

1992 0,64 0,34 0,32 0,36 0,12 0,51 0,42 1993 0,59 0,32 0,48 0,37 0,11 0,48 0,40 1994 0,59 0,26 0,68 0,41 0,09 0,45 0,40 1995 0,51 0,28 0,42 0,37 0,16 0,51 0,38 1996 0,44 0,26 0,36 0,33 0,36 0,46 0,35 1997 - - - - - - -

Capacité d’autofinan-cement/CA HT

1992 0,04 0,38 0,14 0,37 0,63 0,17 0,28 1993 0,10 0,41 0,22 0,37 0,63 0,27 0,33 1994 0,10 0,45 0,03 0,31 0,67 0,28 0,32 1995 0,15 0,40 0,24 0,33 0,51 0,17 0,30 1996 0,23 0,40 0,28 0,33 0,19 0,19 0,30 1997 0,25 0,35 0,28 0,34 - 11,3 0,20 -

Charges différées annuelles/CA HT

1992 0,27 - 0,37 0,04 - 0,4 - 0,36 - 0,13 - 0,22 1993 0,2 - 0,22 0,12 - 0,09 - 0,04 0,03 - 0,06 1994 0,12 - 0,23 0,03 - 0,15 0,14 0,16 - 0,05 1995 0,15 - 0,15 0,09 - 0,05 0,48 0,21 0,03 1996 0,08 - 0,09 0,06 - 0,04 0,68 0,18 0,04 1997 - - - - - - -

Page 389: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 389

ANNEXE N° 17

L’ENTRETIEN DU RESEAU NATIONAL NON CONCEDE

I. - LES DEPENSES D’ENTRETIEN ET DE GROSSES REPARATIONS (voir graphique n°X dans le cahier couleurs)

Valeurs en millions de francs courants Total Entretien

chaussées Renforcement chaussées et ouvrages d’art

Sécurité routière

Total entretien réhabilitation et sécurité

Entretien réhabilitation et sécurité en

MF valeur 1997

1980

1 345,0

554,0

1 899,0

3 343,7

1981 1 352,0 549,0 1901,0 3 034,7 1982 1 732,0 945,0 2 677,0 3 846,5 1983 1 973,0 945,0 2 918,0 3 893,0 1984 1 932,0 734,0 2 666,0 3 352,3 1985 2 209,0 1 133,0 3 342,0 4 032,9 1986 2 360,0 1 281,0 3 641,0 4 295,0 1987 2 465,0 1 280,0 3 745,0 4 305,7 1988 2 550,0 1 301,0 3 851,0 4 323,8 1989 2 521,0 725,0 3 246,0 3 569,6 1990 2 513,0 597,0 3 110,0 3 336,6 1991 2 457,0 548,0 3 005,0 3 124,0 1992 2 236,0 491,0 2 727,0 2 795,8 1993 2 384,0 382,0 2 766,0 2 821,7 1994 2 336,0 446,0 (*) 2 782,0 2 829,5 1995 2 316,0 705,2 170,0 3 191,2 3 216,7 1996 2 487,4 497,0 180,2 3 164,6 3 180,4 1997 2 512,1 497,0 183,7 3 192,8 3 192,8

(*)Avant 1994, la sécurité routière est prise en compte par la S.S.C.R et en 1994 un montant de 80 MF pour la sécurité est inclus dans l’entretien.

Page 390: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 390

ANNEXE N° 18 LISTE DES RAPPORTS ET OUVRAGES CITES

Agence pour le développement de la maîtrise de l’énergie - Transport, énergie, environnement : le défi - 1995.

Association des sociétés françaises d’autoroutes - Maîtrise des coûts de construction des autoroutes nouvelles - Juillet 1996.

Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) - Enquête sur les conditions de vie et les aspirations des français. Les français et le réseau routier - Juillet 1996

Centre d’étude technique de l’équipement de l’Ouest - Synthèse sur les effets des investissements routiers en Bretagne - Janvier 1989. Centre d’étude technique de l’équipement de Lyon - AREA - Direction départementale de l’équipement de Savoie - Bilan de l’A 43 (Lyon-Chambéry - Pont Royal-Vallée de la Maurienne, A 430 Pont Royal-Gilly et de l’aménagement de la RN 90 Gilly - Albertville - Moûtiers – 1995.

Centre d’étude technique de l’équipement de Lyon – AREA - Bilan de l’A 49 - Grenoble -Valence - Section Voreppe-Bourg de péage - Juillet 1996.

Centre d’étude technique de l’équipement de Méditerranée – ESCOTA - Bilan de l’A 57 - Pierre ronde - le Cannet des Maures - Juin 1997.

Comité interministériel de l’évaluation des politiques publiques - Rapport de l’instance d’évaluation sur la maîtrise de l’énergie - Janvier 1998.

Conseil général des ponts et chaussées :

- Rapport du groupe de travail sur les percées alpines – Juilllet 1991. - Infrastructures de transport et environnement – Novembre 1992. - Mise à jour de l’imputation des coûts d’infrastructure du transport routier – Mai 1996. - Les dépassements de coûts de construction des opérations autoroutières. Juillet 1997. - La politique des transports terrestres dans les Alpes – Mars 1998.

Page 391: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 391

Conseil général des ponts et chaussées et Conseil général du génie rural, des eaux et des forêts - L’accessibilité des zones de faible densité de population - Juillet 1993 et rapport complémentaire d’avril 1996. Commissariat général au plan :

- Transport 2010. Juin 1992 - Transports pour un meilleur choix des investissements – Novembre 1994 - Transports : le prix d’une stratégie - 1995. - Energie 2010-2020. Les chemins d’une croissance propre – Octobre 1998. - Les perspectives de la demande de transport à l’horizon 2015 - Juin 1998

Conseil national d’aménagement et de développement du territoire. Avant projet de la commission “ réseaux et territoires ” - 1996. Commission des comptes des transports de la Nation. Les transports en 1997. Commission européenne :

- Livre vert “ Vers une tarification équitable et efficace des transports ” - 1995. - Livre blanc “ Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires ”. Juillet 1996. - Livre blanc “ Des redevances équitables pour l’utilisation des infrastructures : une approche par étape pour l’établissement d’un cadre commun en matière de tarification des infrastructures de transport dans l’Union européenne ” – Juillet 1998.

Confédération helvétique. Service d’étude des transports du département fédéral des transports, des communications et de l’énergie. ECOPLAN - Monétarisation des coûts externes de la santé imputables au transport - Mai 1996.

Institut national de recherche et d’étude des transports et de la sécurité - Matisse, un modèle de trafic intégrant étroitement contexte socio-économique et offre de transport - Décembre 1995.

Page 392: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 392

Fédération des clubs alpins français, Amis de la nature, Association pour le respect du site du Mont Blanc, CIPRA France, Fédération nationale des associations d’usagers des transports, France nature environnement, Initiative Transport Europe, Mountain Wilderness –”Transport international en montagne. Sortir de l’impasse” - Mai 1997.

Ministère de l’économie, des finances et du budget : - Inspection générale des finances et Conseil général des ponts et chaussées : rapport de la mission sur la situation et les perspectives de la société française du tunnel routier du Fréjus – Janvier 1998. - Inspection générale des finances : note sur l’évaluation du degré d’exécution des contrats de plan Etat-régions – Mars 1999.

Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement : - Rapport de Mme Bouchardeau au ministre de l’environnement - L’enquête publique - Décembre 1993. - Cellule de prospective et stratégie - Pour une politique soutenable des transports - 1995. - Direction de la nature et des paysages – Evaluation environnementale des politiques, plans et programmes – Février 1995. - Cellule de prospective et stratégie – Débat public et infrastructures de transport – Juillet 1996

Ministère de l’équipement, des transports et du logement : - Autoroute et paysages - Ouvrage collectif publié à l’initiative de la direction des routes - Editions du Demi-cercle – Novembre 1994. - Rapport de M. Besson ancien ministre et de Mme Comolli, préfet chargé d’une mission de service public, au ministre

sur les liaisons transalpines - Novembre 1993. - Direction des affaires économiques et internationales, service économique et statistique - Perspectives d’évolution de la demande à l’horizon 2020 - Octobre 1998

Page 393: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 393

- Direction des routes - Rapport sur le financement routier et les administration routières en Europe - Septembre 1997 - Direction des routes - Direction des transports – étude internationale à l’horizon 2010 - Juin 1996 - Direction des transports terrestres - Association française du transport routier international “ pour une meilleure compétitivité du transport routier français ” - mars 1998 - Service économique et statistique. La demande de

transports en 2015 - Octobre 1997 - Service d’étude technique des routes et autoroutes : L’axe A7 - A9 à l’horizon 2010. Propositions intermodales – Avril 1992. - Service d’étude technique des routes et autoroutes : - Les conséquences économiques des grandes infrastructures routières – Septembre 1994 - Impacts économiques des grandes infrastructures routières. Exposé pour le XIIIè congrès mondial de la Fédération routière internationale - Toronto 1997

Observatoire national interministériel de sécurité routière : Bilans annuels statistiques et commentaires - années 1997 et 1998 OCDE : conclusions du groupe d’experts du G8 - Environnement et transports - Février 1998

SENAT :

- Commission d’enquête chargée d’examiner le devenir des grands projets d’infrastructures terrestres d’aménagement

du territoire, dans une perspective de développement et d’insertion dans l’Union européenne - Juin 1998 - Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation - rapport général sur le projet de loi de finances pour 1999. - SNCF : rapport d’audit sur la gare internationale de Modane Novembre 1996.

Page 394: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 394

GLOSSAIRE DES SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES

ACOBA Société Autoroute de la Côte Basque ADF Autoroutes de France AIE Agence Internationale de l’énergie APA Avant projet autoroutier APS Avant projet sommaire APSI Avant projet sommaire d’itinéraire AREA Société des autoroutes de la région Alpine ASF Société des autoroutes du sud de la France ASFA Association des sociétés françaises d’autoroutes ATMB Société « Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc » CDC Caisse des dépôts et consignations CERTU Centre d’études et de recherches sur les transports et

l’urbanisme CETE Centre d’étude technique de l’équipement CIES Comité des investissements à caractère économique et social CIADT Comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire CNA Caisse nationale des autoroutes CPER Contrat de plan Etat-régions CPS Cellule de prospective et de stratégie CREDOC Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie COFIROUTE Compagnie financière et industrielle des autoroutes DATAR Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale DUP Déclaration d’utilité publique EIE Etude d’impact sur l’environnement EPOA Etude de projet d’ouvrage d’art ESCOTA Société des autoroutes Estérel, Côte d’Azur,

Provence, Alpes FARIF Fonds d’aménagement de la région Ile-de-France FDES Fonds de développement économique et social FITTVN Fonds d’investissement pour les transports terrestres et les voies navigables GLAT Grande liaison d’aménagement du territoire LACRA Liaison assurant la continuité du réseau autoroutier LOTI Loi d’orientation des transports intérieurs

Page 395: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 395

ICAS Investissement complémentaire sur autoroute en service ICTAAL Instruction sur les conditions techniques d’aménagement des autoroutes de liaison IMEC Instruction mixte à l’échelon central INRET Institut national de recherche et d’étude des transports et de la sécurité IQRN Image qualité du réseau national IQOA Image qualité des ouvrages d’art IQDE Image qualité des dépendances et équipements MELT Ministère de l’équipement, du logement et des

transports OMS Organisation mondiale de la santé POS Plan d’occupation des sols SANEF Société des autoroutes du nord et de l’est de la France SAPN Société de l’autoroute Paris-Normandie SCETDAGO Société centrale pour l’équipement du territoire - direction des autoroutes et grands ouvrages SCETAUROUTE Société centrale d’études et de réalisations routiers SEMCA Société d’économie mixte concessionnaire d’autoroute SES Service économique et statistique du ministère de l’équipement, des transports et du logement SETRA Service d’études techniques des routes et autoroutes SFTRF Société française du tunnel routier du Fréjus TAT Taxe d’aménagement du territoire TIC Taxe intérieure sur les carburants USAP Union des sociétés françaises d’autoroutes à péage ZNIEFF Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et

floristique ZICO Zone d’importance communautaire pour les oiseaux

Page 396: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 396

REPONSE DU MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE ET DU SECRETAIRE D’ETAT AU

BUDGET Nous avons pris connaissance avec intérêt du rapport de la

Cour des comptes sur la politique autoroutière française. Ce rapport, qui reprend et complète les critiques et mises en garde des précédents rapports publics de la Cour, notamment celui de mai 1992, constitue un document de référence alors que s’engage une réforme profonde du secteur autoroutier.

Le diagnostic de la Cour est largement partagé par le

ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et le secrétaire d’Etat au budget. S’il est indéniable, comme le souligne la Cour, que le recours à la concession et au système de l’adossement a permis la réalisation d’un réseau autoroutier moderne, il est également manifeste que ce secteur n’a pas su s’adapter aux évolutions récentes marquées notamment par un moindre besoin en autoroutes : les nouvelles autoroutes sont, en effet, pour la plupart caractérisées par des trafics très faibles et des coûts de construction élevés conduisant à des rentabilités financières dégradées et des besoins d’apports publics importants.

Les recommandations de la Cour recueillent en conséquence

notre assentiment. La situation du système autoroutier français requiert en effet dans un contexte juridique, financier et budgétaire nouveau, des évolutions que nos départements ministériels appellent de leurs vœux depuis de nombreuses années.

En particulier, et compte tenu de l’importance des

investissements réalisés dans ce secteur et de l’ampleur de la dette cumulée, il est indispensable que soient mises en œuvre –sans pression excessive sur les péages- les conditions d’une adaptation de l’organisation du système autoroutier en fonction de critères de choix économiques et de la recherche d’une plus grande efficacité financière.

A cet égard, le projet de réforme autoroutière, dont la Cour

rappelle les grandes lignes, nous semble être de nature à apporter des réponses tant à nos préoccupations anciennes relatives à une meilleure allocation des ressources consacrées au réseau routier national, qu’aux conséquences plus récentes des évolutions des jurisprudences nationales et communautaires.

Page 397: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 397

Cette réforme est fondée sur la suppression des clauses de

garantie inscrites aux contrats de concession, un allongement des durées de concession, l’abandon des charges différées et des subventions explicites (qui pourraient être financées par les dividendes versés par les sociétés) aux investissements non rentables. Elle s’articule autour de principes indispensables à l’efficacité de la gestion publique dans ce secteur :

- assurer la cohérence des choix d’investissement sur le

réseau routier national, et au-delà entre les différents modes de transport, en réduisant le biais induit par les modes de financement sur les décisions d’investissements ;

- donner aux gestionnaires publics des outils indispensables à

l’efficacité de la dépense publique, de la préparation des décisions d’investissement jusqu’à la gestion courante des sociétés concessionnaires d’autoroutes ;

- maîtriser la situation financière des sociétés

concessionnaires d’autoroutes en évitant tout transfert excessif de risques sur l’Etat.

Par ailleurs, il paraît nécessaire de préciser les points

suivants :

I. – L’allocation efficace des ressources et les méthodes d’évaluatation des projets

L’utilisation efficace des moyens de financement nécessite un

meilleur éclairage des décisions d’investissement qui suppose l’examen de l’ensemble des alternatives possibles. Cet objectif ne sera atteint que si les conditions essentielles suivantes sont satisfaites :

- la prise en compte de l’intermodalité encore insuffisante et

dont la méthodologie reste à préciser, doit être développée et menée dans le cadre d’une politique globale des transports, avec, pour conséquence, une évolution correspondante des dotations budgétaires consacrées au réseau routier national ;

- l’effort notable d’amélioration du dispositif d’étude et

d’évaluation tant socio-économique que financier, concrétisé par une nouvelle instruction sur le choix des investissements, doit être poursuivi et mené dans la plus grande transparence. Ceci participera

Page 398: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 398

aux rapprochements des évaluations faites par les administrations intéressées, dont les écarts parfois importants peuvent conduire à fragiliser l’utilisation du calcul économique et à nourrir le désintérêt pour les évaluations quantitatives ;

- la mise en œuvre de mesures de gestion et d’exploitation du

trafic destinées à tirer le meilleur parti du réseau existant et à différer les investissements de capacité doit être étudiée préalablement à toute réflexion d’aménagement et a fortiori d’investissement.

II. – LA SITUATION FINANCIERE DES SOCIETES D’AUTOROUTES

La maîtrise de la situation financière des sociétés

concessionnaires et le souci de veiller à ce que les investissements restent compatibles avec les capacités de financement doivent être renforcés, notamment dans le cadre des études prospectives, visant chaque année à vérifier l’équilibre de long terme de la concession.

L’endettement des SEMCA a progressé de 50 % durant les

cinq dernières années pour s’établir à plus de 130 milliards de francs. Il devrait, compte tenu des seuls travaux qui figurent actuellement dans les contrats de concessions, continuer à croître jusqu’en 2004. Compte tenu des risques d’une hausse plus faible que prévue des trafics et d’apparition de surcoûts de construction qui nuiraient à la capacité du secteur à rembourser ses engagements. L’Etat doit veiller particulièrement à la solvabilité du secteur autoroutier public. Les difficultés financières de la SAPN et de la SFTRF éclairent les risques auxquels sont potentiellement confrontées les SEMCA.

III. – LE SUIVI DES INVESTISSEMENTS

Le comité des investissements à caractère économique et social (CIES) constitue à l’égard du suivi des investissements une procédure importante qui permet l’exposé des points de vue de l’ensemble des parties intéressées. Il permet ainsi une confrontation entre des objectifs strictement financiers et des considérations plus larges d’aménagement du territoire ou de politique intermodale des transports.

Page 399: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 399

La réforme du CIES opérée en 1996 a apporté une amélioration notable dans les analyses faites des projets autoroutiers et une redéfinition de la procédure qui visent à mieux responsabiliser les sociétés et à clarifier le rôle des ministères.

En conclusion, l’adaptation nécessaire de l’organisation du

système autoroutier sera facilitée par les nouvelles règles européennes qui conduisent à exclure dorénavant le mécanisme de l’adossement pour les nouvelles liaisons et constituent une incitation supplémentaire à un retour au droit commun en matière comptable. Les mesures envisagées par le gouvernement français consistant, d'une part, à faire revenir les SEMCA dans le droit commun financier, fiscal et comptable (pour faciliter la concurrence dans l’attribution des sections nouvelles) et, d’autre part, à prévoir une subvention publique a priori pour les nouvelles sections qui ne seraient pas rentables, participent à la régulation et à une meilleure maîtrise économique et financière du secteur, comme le souhaite la Cour.

Page 400: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 400

REPONSE DU MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT

A l'issue de l'examen de la politique autoroutière française, la

Cour des Comptes a formulé un certain nombre d'observations. En complément aux éléments de réponses techniques

préparés par la Direction des Routes dans le document annexé, il convient de rappeler les éléments suivants.

1) C'est grâce au régime des concessions qu'a pu se

développer le réseau autoroutier. Au 1er janvier 1999, plus de 7 000 km sur 8 400 kms

d'autoroutes ont été construits sous le régime de la concession. En termes d'exploitation, ce système permet une grande qualité de service et un haut niveau de sécurité.

Le recours à l'emprunt, gagé sur des recettes de péage, a

permis aux sociétés concessionnaires de financer l'intégralité de la construction de ce réseau, sans prélèvement sur les ressources budgétaires. Le mécanisme de l'adossement, en particulier, a permis d'intégrer au sein d'un même contrat de concession, les nouvelles sections autoroutières à construire, en procédant à une renégociation globale du contrat pour restaurer, compte tenu des charges supplémentaires, un nouvel équilibre de la concession en faisant évoluer les tarifs et la durée de la concession.

Dans ce système, les péages constituent une ressource

financière permettant de faire participer l'usager aux coûts de déplacement, y compris aux investissements, et d'autoriser à moyen et long terme, une certaine imputation des coûts externes.

2) Le système des concessions autoroutières s'est cependant

trouvé confronté à des difficultés. En premier lieu, la relative facilité de financement, engendrée

par l'adossement, a pu conduire, dans certains cas, à biaiser les choix d'investissements en faisant préférer des solutions autoroutières, quand un aménagement à 2x2 voies, voire 2x1 voie aurait permis de répondre aux besoins tant en termes de trafic qu'en termes de sécurité.

Page 401: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 401

En second lieu, les pratiques comptables et fiscales en vigueur dans les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA) ont fait l'objet de critiques, notamment pour ce qui concerne les charges différées dont l'utilisation ne permet pas de répondre de façon totalement satisfaisante au souci d'information financière des partenaires et tutelles de ces sociétés.

Par ailleurs, les niveaux de services atteints en matière

d'entretien et d'exploitation du réseau sont apparus significativement plus élevés sur le réseau concédé que sur le réseau non concédé, du fait de ressources budgétaires insuffisantes sur le réseau national non concédé.

Il est apparu souhaitable de résorber ces écarts de manière à

rechercher un même niveau d'entretien et de sécurité quel que soit le statut de la voirie nationale. Cet objectif conduira à mobiliser davantage de ressources au profit de l'entretien du réseau non concédé.

Enfin, l'évolution du contexte juridique communautaire et

l'objectif d'une plus grande transparence dans les décisions d'investissements publics ont conduit à revoir le mode d'attribution des nouvelles concessions.

3) Pour répondre à ces dysfonctionnements, largement

évoqués dans le rapport de la Cour des Comptes, l'actuel Gouvernement a décidé, dès 1997, de réformer le système autoroutier.

Cette réforme doit être conforme aux droit communautaire et

organiser une mise en concurrence transparente et non discriminatoire entre les candidats. Elle repose notamment sur :

- la suppression du système de l'adossement ; - l'attribution de subventions publiques (Etat et collectivités publiques) de manière à équilibrer les futures concessions ; - la suppression des charges différées ; - une fiscalité de droit commun ; - le renforcement progressif des capitaux propres ;

Page 402: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 402

- un allongement de la durée des concessions existantes, de manière à étaler les amortissements sur une période suffisante et à rapprocher la durée des concessions attribuées aux sociétés publiques de celle des concessions attribuées à des sociétés privées.

Cet allongement, sans lequel la faisabilité de la réforme serait

compromise, nécessite, au regard des textes communautaires, un examen particulier. Celui-ci a conduit les ministres de l'équipement et des finances à se rapprocher des services de la Commission.

D'ores et déjà, un avant-projet de loi est en préparation pour

procéder à l'allongement des concessions autoroutières, supprimer la garantie de l'Etat prévue dans les contrats de concession et aménager les dispositions du code de la voirie routière qui le nécessitent.

Annexe : Eléments de réponses techniques à la Cour des comptes

En préalable aux réponses techniques qu’appellent de sa part

les questions de la Haute Juridiction, le ministère de l’équipement, des transports et du logement rappelle :

- d’une part, que le système autoroutier français, dans sa

configuration actuelle, repose sur des choix politiques de niveau national, actés depuis 1955 ;

- d’autre part, qu’une réforme des mécanismes juridiques et

financiers du système autoroutier est engagée par le gouvernement pour s’adapter au nouveau contexte européen et faire progresser une politique globale et intermodale des transports.

I - Le système autoroutier repose sur des choix politiques

de niveau national, confirmés et contrôlés par les gouvernements successifs

A - Le schéma directeur routier national, élément d’une politique

nationale des infrastructures de transports La Cour regrette que la politique autoroutière ne soit pas

inscrite dans une politique globale des transports et ne fasse pas l’objet d’analyses plus approfondies, d’une concertation plus large et d’une véritable planification.

Page 403: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 403

Cette appréciation ne semble pas tenir compte de l’ensemble des procédures qui ont présidé à la préparation du schéma directeur routier national (SDRN). Ce schéma est conçu dans le cadre fixé par la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI), qui prévoit l’élaboration de schémas de planification à long terme de façon à assurer leur cohérence et la transparence des choix publics.

Il est élaboré par le ministère de l’équipement, des transport

et du logement, fait l’objet de consultations et de décisions interministérielles, notamment des ministres de l’aménagement du territoire, de l’économie, et des finances.

Sont consultés, en plus des régions et du Conseil National

des Transports, les comités régionaux de transports. L’ensemble des projets a fait l’objet d’une évaluation socio-

économique, sur la base d’études menées sur plusieurs années (pour le schéma directeur de 1992, les études ont débuté en 1987). Depuis la loi d’aménagement et de développement du territoire du 4 février 1995, toutes les études menées par le ministère de l’équipement comprennent un volet intermodal, les services offerts par les autres modes étant analysés en termes de concurrence et de complémentarité avec le mode routier.

Ainsi, le schéma directeur routier national a bien été, comme

le souhaitait le législateur, un outil de politique nationale, élaboré après des études approfondies et une large concertation.

Le rapport regrette néanmoins que les schémas de services

ne soient pas soumis à un vote du parlement. Une telle procédure n’est pas conforme aux intentions du législateur, qui a lui-même placé les schémas de planification dans le domaine réglementaire.

B - La planification des infrastructures autoroutières au sein du

schéma directeur routier national permet de répondre aux besoins de la France en infrastructures routières et autoroutières

Le rapport considère que le ministère de l’équipement ne

dispose pas d’un outil de planification des infrastructures autoroutières, et que celle-ci « procède de façon empirique en réponse aux demandes des élus des collectivités territoriales ». Il estime de plus que la France est suréquipée en autoroutes.

Le schéma directeur routier national est l’instrument de

planification à moyen terme qui permet d’arrêter les grands choix dans le cadre d’une vision d’ensemble des réseaux et de leur

Page 404: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 404

fonctionnement. Il établit des priorités claires. La programmation, qui fixe les modalités de réalisation (tracés, dates de mise en service...) relève des contrats de plan, auxquels le schéma directeur routier national ne saurait se substituer. La fonction de programmation est en effet dévolue aux contrats de plan.

Pour évaluer les besoins de la France en infrastructures

autoroutières, il faut aller au-delà de considérations géométriques ou statistiques mais se rapporter au service rendu par l’autoroute en termes d’écoulement de trafic, qui traduit l’utilité réelle de l’autoroute. C’est l’objet des études menées par le ministère de l’équipement, la politique d’aménagement du territoire relevant d’une logique fonctionnelle et non cartographique. A la lumière de ces considérations de fonctionnalité, les remarques du rapport sont à nuancer :

- un simple examen des données de trafic et de saturation

montre la nécessité de l’aménagement des capacités routières : 300 kilomètres d’aménagement de capacité sont nécessaires par an pour lutter contre l’accroissement de la congestion et la maintenir à son niveau actuel ; entre 1990 et 1996, le réseau autoroutier a permis d’écouler plus des deux tiers de la croissance totale du trafic et les trois quarts de la croissance du trafic lourd ;

- la Cour laisse entendre que la France est plus équipée en

autoroutes que les autres pays européens. Une lecture objective des données européennes permet de

rectifier cette observation ; en 1995, la France se situait au neuvième rang en Europe, qu’il s’agisse de densité autoroutière rapportée à la surface ou de densité autoroutière rapportée à la population (source Eurostat).

A cet égard, la Cour s’étonne que la France se trouve au

même niveau que l’Allemagne pour ce qui est du nombre de kilomètres par habitant alors que sa densité démographique est moins élevée. On pourrait au contraire remarquer que plus les zones d’habitat sont dispersées, plus le nombre de kilomètres d’autoroute nécessaires à la desserte du territoire sera grand. En fait la donnée importante n’est pas la densité de population mais le trafic à acheminer, notamment le trafic de transit, qui est largement indépendant de la population du pays traversé.

Page 405: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 405

Le rapport observe que « l’examen de la carte des autoroutes

en construction ou en projet amène à s’interroger sur certaines sections qui s’interrompent sans logique apparente ».

Afin de comprendre la finalité de ces réalisations partielles, il

convient d’examiner la fonctionnalité d’ensemble des axes envisagés, explicitée dans les dossiers d’enquête publique.

Ainsi, pour reprendre quelques projets cités par le rapport : - la bretelle du Val d’Aran permet de soulager le bourg de

Montréjeau, actuellement traversé par la RN125, du trafic venant des Pyrénées et souhaitant accéder au réseau autoroutier.

- l’autoroute A 66 constitue un tronçon de l’axe Paris-

Espagne, inscrit au schéma directeur routier national (SDRN) approuvé par décret du 1er avril 1992, via l’A 10, l’A 71, l’A 62 et l’A 66, puis la RN 20. L’A 66 est ainsi prolongée au sud de Pamiers par la RN 20, en cours d’aménagement à 2x2 voies jusqu'à Ax les Thermes, puis, le relief s’accentuant et le trafic projeté étant plus faible, par un aménagement à 2 voies avec créneaux de dépassement.

C - Le choix de la mise à péage

La Cour note que le choix de la mise à péage des

infrastructures autoroutières favorise les investissements autoroutiers au détriment d’investissements moins coûteux tels que l’aménagement sur place de routes gratuites. Deux points peuvent être développés en réponse.

1 - La mise à péage a d’abord été motivée par la volonté des

pouvoirs publics de faire financer ces infrastructures lourdes par les usagers concernés plutôt que par l’ensemble des contribuables. Cette option peut présenter certains avantages :

- lissage dans le temps de la charge du financement

d’investissements importants en recourant à l’emprunt, - répartition plus équitable des charges,

Page 406: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 406

- possibilité d'imputation aux usagers d’une partie des coûts externes (économiques, sociaux et écologiques) générés par leur mode de déplacement, en cohérence avec le principe « pollueur-payeur » (internalisation),

- possibilité de réguler le trafic routier par la fixation d’un

niveau de péage éventuellement dissuasif et modulation de ce niveau dans l’espace et le temps, afin d’optimiser l’utilisation, tous modes confondus, de l’offre de transport.

C’est principalement par ce système de financement que le

retard de la France en matière d’infrastructures autoroutières par rapport à ses voisins européens, a pu être comblé. Ce rattrapage a été réalisé en pesant au minimum sur les finances publiques et en permettant le développement de l’activité économique et de l’emploi dans une économie de plus en plus internationalisée.

Plus récemment, la mise à péage des infrastructures a été

préconisée par la Commission européenne comme l’un des moyens d’assurer une meilleure imputation des coûts de transport.

2 - La Haute Juridiction estime que les facilités financières

offertes par la concession ont entraîné des surinvestissements. Néanmoins, cette affirmation peut être nuancée :

- Dans certains cas, l’aménagement sur place d’itinéraires

gratuits existants peut être presque aussi coûteux qu’un aménagement en site propre en raison des contraintes de terrain : traversée de zones habitées, aménagement des déviations, modification des caractéristiques techniques de la voie concernée pour assurer la sécurité des usagers et la protection de l’environnement.

- Les investissements autoroutiers ont toujours été soumis au

fonds de développement économique et social (FDES) puis au comité des investissements à caractère économique et social (CIES), présidé par le ministre de l'économie et des finances. La Cour cite, à juste titre, les avis émis par le ministère de l’économie et des finances.

D - Le contrôle du développement du système autoroutier

La Cour considère que le développement du système

autoroutier est incontrôlé, l’Etat décidant des investissements sans prendre pour seul critère de décision les éléments de rentabilité financière.

Page 407: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 407

Dans le cas des autoroutes concédées, s’agissant

d’équipements publics, et dans le cadre de l’adossement tel qu’il était pratiqué jusqu'à ces dernières années, les excédents financiers dégagés par les sections financièrement amorties permettaient, au sein d’une même concession, de couvrir les charges de financement des nouvelles sections, quelle que soit leur rentabilité financière à terme.

- L’équilibre financier instantané et prévisionnel de l’opérateur

qui engageait l’investissement était évalué par le FDES puis par le CIES sur la base d’études financières à long terme de chaque concession. Ces études financières permettaient de s’assurer que l’endettement de chaque société concessionnaire serait bien résorbé avant l’échéance de la concession.

- L’Etat n’attendait pas de bénéfice financier de la réalisation

d’infrastructures reconnues d’utilité publique, mais une amélioration du bilan socio-économique d’ensemble pour la collectivité, mesuré par les études de rentabilité socio-économique, la réalisation d’une autoroute, comme celle d’autres équipements publics, n’ayant pas pour finalité première la rentabilité financière.

Les décisions du FDES (puis CIES) ont ainsi été prises, non

au vu d'études de rentabilité financière de chaque section, mais en considérant la rentabilité socio-économique des projets pour la collectivité nationale et l’équilibre financier des sociétés concessionnaires.

II - Des études et procédures préalables aux décisions de

réalisation rigoureuses et transparentes

A - Les études préalables sont menées selon des méthodologies rigoureuses, validées et régulièrement actualisées La Cour considère que « les études qui doivent éclairer la

décision de réalisation de l’infrastructure manquent fréquemment de rigueur et de transparence ». Elle met en particulier en doute la pertinence des méthodes et des paramètres utilisés dans la réalisation de ces études.

La plupart des critiques reposent sur une connaissance

imparfaite des principes méthodologiques régissant ce type d’étude et de leur affinement au fur et à mesure de l’évolution des connaissances technico-économiques.

Page 408: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 408

Il convient de préciser que chaque étude est réalisée sur la

base d’une circulaire en vigueur au moment de cette étude. A une date donnée, les CETE ont pour référence unique la circulaire en application à cette date et utilisent les mêmes paramètres techniques et économiques. Ces circulaires sont naturellement régulièrement révisées et leurs paramètres réactualisés aussi souvent que possible.

• Le rapport regrette la mauvaise prise en compte des coûts

externes et note à ce sujet que « la consommation de pétrole, ressource non renouvelable... n’est pas retenue dans les coûts externes mais... dans les avantages pour la puissance publique au titre des recettes fiscales »

Les recettes fiscales assises sur les consommations de

carburant ne sont pas un avantage pour la collectivité mais un transfert entre agents économiques, usagers d’un côté et Etat de l’autre. Lorsque la consommation de carburant augmente, l’usager doit supporter une augmentation des taxes, augmentation qui bénéficie à l’Etat. Au total, lorsqu’on fait le bilan collectif, ces taxes s’annulent puisqu’elles sont comptées négativement pour les uns et positivement pour les autres. La consommation de pétrole, en tant que support de prélèvements fiscaux, n’est donc pas retenue comme un avantage pour la collectivité.

• Le rapport relève que les scénarios du service des études

et statistiques (SES) se fondent sur une croissance de 26% du parc automobile, qui ne lui semblent pas traduire l’infléchissement de la courbe de croissance du marché automobile.

Les hypothèses relatives au parc automobile sont fondées sur

un modèle démographique développé par l’INRETS. Les prévisions issues de ce modèle ont été actualisées pour l’année 2015 en fonction des prévisions démographiques de l’INSEE. Ce modèle prévoit une saturation progressive du taux d’équipement des ménages : si la croissance prévue du parc automobile entre 1995 et 2015 est de 26% , la croissance observée entre 1975 et 1995 a été de 77 %. Ces prévisions intègrent donc bien un ralentissement important de la progression du parc automobile.

• Le rapport souhaiterait que des méthodes de scénarios

contrastés soient adoptées. La circulaire du 28 juillet 1995 et celle du 20 octobre 1998

imposent d’évaluer les projets sur la base d’hypothèses contrastées (haute, moyenne et basse) dans la croissance des trafics. La

Page 409: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 409

circulaire du 20 octobre 1998 prévoit des tests de sensibilité aux hypothèses contrastées de croissance de trafic et au coût d’investissement du scénario d’aménagement.

• Le rapport conteste le bien fondé du choix du logiciel

Ariane pour les prévisions de trafic sur le réseau national à l’horizon 2015 . Certes, il aurait été préférable, dans l’absolu, comme le note à juste titre la Cour, que « la révision du SDRN soit précédée par celle de ce logiciel ». Toutefois, il convient également de considérer les inconvénients pratiques qu’auraient entraînés une telle contrainte, en particulier sur :

- les délais de réalisation de cette révision, délais non

compatibles avec le calendrier de la loi d’aménagement et de développement du territoire du 4 février 1995,

- la cohérence avec les études interrégionales confiées aux

CETE et réalisées avec ce logiciel, - la fiabilité des études qui auraient été réalisées avec un

autre logiciel. Aucun autre logiciel disponible dans le commerce n’avait fait l’objet d’expérimentations dans le domaine interurbain.

• La Cour regrette qu’il n’y ait pas une approche plus globale

et plus amont avec monétarisation des incidences directes et indirectes des projets sur l’environnement. Le ministère partage cette préoccupation.

Malgré les réflexions actuellement en cours, notamment en

prévision du projet de directive européenne sur ce thème, il n’existe pas actuellement en Europe de méthode scientifiquement éprouvée permettant d’aboutir à une telle monétarisation des effets sur l’environnement. C’est pourquoi, le ministère a lancé des actions de recherche ambitieuses sur ce sujet objectivement complexe.

• Le rapport note que lors des calculs de rentabilité socio-

économique, les dépenses d’entretien et d’exploitation sont soustraites de l’avantage net global.

Cette remarque peut être reprise par le ministère en réponse

à l’observation du rapport selon laquelle « le coût prévisionnel de l’entretien n’est en pratique pas pris en compte lors des décisions d’investissement ».

Page 410: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 410

Le souci de transparence et de progrès méthodologiques des études retenues par la direction des routes est constant. Cette détermination constitue un point clé, non seulement de la circulaire du 20 octobre 1998 et de son instruction, mais aussi de la démarche qualité en cours depuis plusieurs années au SETRA. L’action permanente du ministère vise à améliorer encore, en fonction de l’évolution de l’état des connaissances, l’objectivité des indicateurs utiles aux décisions des pouvoirs publics.

B - Les coûts de construction : un suivi attentif et des mesures appropriées

La Cour relève que les coûts de construction des autoroutes

concédées ont connu ces dernières années une augmentation préoccupante, avec une dérive entre les coûts prévus à l’avant projet sommaire (APS) et ceux constatés à l’issue de la réalisation.

La direction des routes a toujours été vigilante sur cette

question afin de mettre en œuvre des mesures de contrôle les plus efficaces possibles.

La Cour, sur la base des documents fournis par la direction

des routes distingue trois périodes. Ces trois périodes correspondent à des différences importantes dans les procédures préalables à la construction des projets autoroutiers.

- Autoroutes mises en service avant 1991 : la Cour constate

des dépassements de coût. Ces autoroutes ont été menées selon les procédures

antérieures à la circulaire de 1987, qui a traduit la nécessité, ressentie par le ministère, de responsabiliser les présidents de sociétés concessionnaires d’autoroutes. Cette circulaire délègue en effet la responsabilité des avant-projets autoroutiers (APA) aux présidents des sociétés concessionnaires et leur a notamment laissé une "marge de 15 %" de réévaluation des coûts par rapport à l’estimation faite lors de l’APS.

- Autoroutes mises en service entre 1991 et 1994 :

procédures définies par la circulaire de 1987.

Page 411: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 411

La Cour reconnaît que de 1991 à 1994, « la plupart des

opérations mises en service n’ont pas fait l’objet de réévaluation et les dépassements constatés .. atteignent au plus 17,68% ».

- Autoroutes mises en service après 1996 (pas de mise en

service en 1995) : Pour ces sections, l’évolution du cadre législatif entre l’APS et

la mise en service de l’autoroute, ainsi que des exigences accrues de la part des riverains et des associations, ont entraîné des réévaluations des coûts des projets. Ces réévaluations étaient d’autant plus difficiles à prévoir que, comme le note la Cour, le coût des mesures environnementales ne pouvait être chiffré de façon fiable.

Les premières mesures correctives ont été prises par la

direction des routes à partir de mars 1996, dès que sont apparues des limites dans les procédures définies par la circulaire de 1987.

Le rapport souligne de plus l’importance de l’écart de coût

entre une autoroute concédée et une autoroute non concédée ou une voie rapide. Pour expliquer cet écart, il faut notamment rappeler que le rapport ne tient pas compte du fait que, en raison de répartitions budgétaires différentes, les coûts kilométriques ne recouvrent pas les mêmes réalités. Le coût des autoroutes concédées comprend ainsi des postes non comptabilisés dans le coût des autoroutes non concédées : une part importante des frais de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre, les centres d’entretien et d’exploitation, les aires de service, les équipements de péage...

C - La consultation des autres ministères et du public, tout au

long du projet La Cour regrette que la concertation avec le public et avec les

autres administrations n’ait pas lieu plus en amont des projets. La concertation se déroule au niveau local dès le démarrage

des enquêtes préliminaires. Il s’agit alors d’identifier les contraintes d’utilisation des sols afin de rechercher les variantes du tracé qui peuvent être envisagées. Ce travail ne saurait être mené avec efficacité au niveau central.

Page 412: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 412

L’instruction mixte à l’échelon central (IMEC) a lieu dans une phase ultérieure de la procédure. Comme le note à juste titre la Cour, le ministère de l’équipement a engagé une consultation informelle des ministères en amont de l’IMEC afin d’identifier les enjeux majeurs.

Cette procédure correspond au partage des compétences

entre les services centraux et les services déconcentrés des administrations. Elle suppose cependant une bonne coordination entre les directions d’administration centrale et les services locaux.

Dans le cadre des réflexions en cours pour préparer une

réforme des procédures d'instruction mixte, il est envisagé d'organiser désormais les I.M.E.C. et I.M.E.L. (Instructions Mixtes à l'Echelon Local) de manière à permettre aux services concernés de faire part, le cas échéant, des principaux points de désaccord avant le lancement de l'enquête publique.

La consultation du public est précédée, dès les études

préliminaires, d’une consultation systématique et approfondie des élus et des responsables socio-économiques.

Il serait socialement et techniquement inefficace de soumettre

directement au débat public un projet d’équipement dont les études d’opportunité et de faisabilité seraient insuffisamment avancées. A défaut d’un important travail préalable, l’administration serait dans l’incapacité de répondre avec pertinence aux interrogations et aux attentes du public.

Les réflexions en cours sur l’enquête publique permettront

probablement d’aboutir à un compromis entre la prise en compte très en amont des préoccupations du public et sa bonne information sur les projets qui lui sont soumis.

La Cour souhaiterait de plus instaurer une procédure

d’autorisations de travaux afin de s’assurer de la conformité de l’APA au projet soumis à l’IMEC et présenté à l’enquête publique.

Aucun projet n’a, jusqu'à présent, subi de modifications

substantielles après la déclaration d’utilité publique (DUP). Ce qui est soumis à l’IMEC et présenté à l’enquête publique

est une bande de 300 mètres à l’intérieur de laquelle s’inscrira le projet, ainsi qu’un exemple de projet possible. Il revient au concessionnaire, après la DUP, d’affiner le projet au rythme de l’avancement des études approfondies préalables à la construction et des concertations locales.

Page 413: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 413

La conformité du projet définitif au projet déclaré d’utilité

publique est strictement contrôlée par la mission de contrôle des autoroutes.

III - LES EFFETS INDUITS PAR

LES AUTOROUTES

Le rapport de la Cour estime que les autoroutes ont un impact

sur l’économie moins positif que prévu et entraînent des nuisances importantes sur l’environnement. Cette appréciation appelle les éléments de débat suivants.

A - L’autoroute apporte aux acteurs locaux les conditions du

développement économique L’impact économique de l’autoroute dépend des potentialités

locales et du dynamisme des initiatives prises par les collectivités territoriales. Comme le note à juste titre la Cour, il n’y a pas automaticité entre la mise ne œuvre d’une autoroute et le développement économique local. L’autoroute apporte les moyens d’un développement économique fort, elle ne saurait se substituer aux initiatives des acteurs locaux.

La mise en service d’une autoroute peut apporter des

avantages mais aussi des inconvénients liés à une plus grande facilité des échanges : accroissement du marché, intensification de la concurrence, polarisation au profit des zones les plus proches des grands liens de communication. Il faut replacer cette dynamique de l’économie locale dans le contexte économique national, européen et mondial. L’internationalisation de l’économie, la forte croissance des échanges européens ont élargi l’horizon concurrentiel des entreprises françaises au monde entier. Les infrastructures peuvent permettre de répondre à ces nouvelles conditions économiques : production en « juste à temps », réponse immédiate aux évolutions du marché... ce qui suppose des supports logistiques pour lesquels les grandes infrastructures de transport sont indispensables.

Des mesures d’accompagnement sont bien entendu

indispensables. Leur réalisation effective dépend non seulement du maître d’ouvrage mais du partenaire local maîtrisant les emprises foncières nécessaires et qui est souvent le co-financeur des mesures d’accompagnement. La mobilisation nécessaire des acteurs socio-économiques locaux est parfois difficile.

Page 414: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 414

B - L’investissement dans la préservation de l’environnement

Selon la Cour, l’impact de la construction d’une autoroute sur

l’environnement est extrêmement négatif. Il est important de distinguer les points sur lesquels la maîtrise

d’ouvrage de l’autoroute a une influence et ceux sur lesquels elle reste impuissante.

A cet égard, il est vrai que la construction d’une autoroute sert

parfois de prétexte à l’accélération d’évolutions en cours. C’est en particulier le cas pour les remembrements. Il arrive qu’à la suite de la création d’une autoroute, des remembrements aient lieu au-delà des nécessités liées à l’infrastructure elle-même. Ces remembrements peuvent parfois compromettre les mesures réalisées au titre de la route en faveur de l’environnement (passages à faunes, créations de haies...). L'impact de ces mesures doit donc être mieux contrôlé.

Quant aux points sur lesquels le maître d’ouvrage peut (et

doit) intervenir, il est important de noter les efforts, hélas souvent extrêmement coûteux, faits à ce sujet : aménagements liés à la loi sur l’eau, aménagements anti-pollution (pollutions chroniques et accidentelles), amélioration des passages à faunes (voir à ce sujet les conclusions du colloque « route et faune sauvage » de 1998 à Strasbourg), amélioration des méthodes d’évaluation stratégique environnementale...

Préserver l’environnement, c’est aussi orienter le trafic vers

des infrastructures moins polluantes. Ainsi, grâce aux efforts et aux progrès faits ces dernières années, la construction d’une autoroute apporte le plus souvent une meilleure protection environnementale que l’aménagement sur place progressif de l’itinéraire existant.

IV - LA NECESSAIRE REFORME DU SYSTEME

AUTOROUTIER

Le développement rapide du système autoroutier français a

été rendu possible par la pratique consistant à confier, par voie d'avenant, au concessionnaire d'une section déjà en service, le soin de réaliser son extension avec, en contrepartie, un allongement de la concession globale. Le financement de chaque nouvelle section était ainsi assuré par “ adossement ” au réseau existant. L'article L. 122-4 du code de la voirie routière, qui prévoit que le péage peut être utilisé à “ l'extension de l'autoroute ” permet cette pratique.

Page 415: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 415

Une réforme de ce système est aujourd’hui indispensable,

moins en raison de la situation financière des sociétés d’autoroute, qu’en raison de l’évolution du cadre juridique.

A - La situation financière des sociétés concessionnaires

d’autoroute. L'endettement des sociétés d'autoroutes représente un montant

élevé qui est encore appelé à s'accroître dans les prochaines années en raison de la poursuite des programmes d'investissement qui ont déjà fait l'objet de concessions. En ce qui concerne les six sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, l'endettement atteindra un maximum de 142,4 milliards de francs courants en 2002, toutes choses égales par ailleurs.

Le remboursement des emprunts, qui constitue le poste principal

des charges pesant sur ces sociétés, est assuré, et l'endettement sera résorbé à la fin de la durée des concessions. Cette analyse découle des études financières prospectives réalisées tous les ans qui permettent d'apprécier la santé financière de long terme du secteur. Elle est corroborée par celle des agences de notation des marchés financiers qui accordent aux emprunts du secteur autoroutier français la meilleure appréciation. Elle est enfin partagée par les places et établissements financiers pour lesquels les emprunts obligataires des sociétés d'autoroutes françaises constituent des valeurs de fonds de portefeuille sûres, proches des émissions réalisées par l'Etat.

L’appréciation des perspectives financières du secteur public

autoroutier tient en effet compte de la nature économique très particulière de l'activité de ces sociétés. La réalisation d'une autoroute mobilise des capitaux extrêmement importants en période de construction alors que les recettes de péage ne sont perçues qu'après sa mise en service. Pendant les premières années d'exploitation, les recettes tirées de l'autoroute ne permettent pas de couvrir les charges financières des emprunts de construction. et il faut faire appel à des mécanismes assurant au départ la viabilité financière de ces sociétés. C'est ce qui explique le recours, notamment, au mécanisme des différés de charges, autorisé pour tout type de concession, qui permet de ne pas constater de pertes durant les premières années d'exploitation et de les reporter pour les absorber ultérieurement, au fur et à mesure de l'apparition d'excédents.

Page 416: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 416

La rentabilité des investissements autoroutiers se mesure, contrairement à un investissement industriel classique, sur le très long terme. C'est ce qui explique la durée des concessions d'autoroutes. La santé financière de ce secteur ne peut pas non plus être mesurée avec les indicateurs classiques utilisés dans d'autres secteurs économiques. Ainsi le ratio "dette sur fonds propres", qui atteint des valeurs extrêmes dans le secteur autoroutier en raison du coût des investissements, et, pour ce qui concerne le secteur public, du choix d'une faible capitalisation n'a-t-il pas autant de signification que dans d'autres secteurs économiques.

L'endettement du secteur ne constitue donc pas, globalement,

une source d'inquiétude, la valeur ajoutée du secteur étant importante et sa capacité à dégager des ressources pour rembourser en particulier les emprunts (l'excédent brut d'exploitation), une fois les charges courantes payées, étant largement positive.

Deux sociétés doivent cependant faire face à des problèmes

d'endettement spécifiques : la Société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN) et la Société du tunnel routier du Fréjus (SFTRF). En ce qui concerne la SAPN, la part de l'endettement non remboursé sera prise en charge, en fin de concession, par sa société-mère, la Société des Autoroutes du Nord-Est de la France (SANEF), dont l'équilibre financier reste assuré à long terme. Le problème d'endettement de la SFTRF, résultant du financement de l'autoroute A 43 dans la vallée de la Maurienne, a fait l'objet d'une première recapitalisation par l'Etat, avant d'être examiné dans le cadre des réflexions plus générales en cours sur les sociétés concessionnaires d'ouvrages et d'autoroutes de franchissement des Alpes.

B - Une réforme du secteur autoroutier, rendue nécessaire par

l’évolution réglementaire La poursuite du programme autoroutier doit tenir compte du

cadre juridique communautaire et du choix de la représentation nationale en ce qui concerne la transparence de la vie publique. Cette évolution nécessite d'adapter en particulier les procédures d'attribution des futures sections autoroutières qui devront désormais faire l'objet d'une concession séparée, financièrement équilibrée. En conséquence, le système consistant à financer les nouvelles liaisons grâce aux recettes de péage des autoroutes les plus anciennes n’est d’ores et déjà plus appliqué.

Les mesures permettant de mieux insérer les sociétés

d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes dans un contexte de concurrence de plus en plus ouverte sont en cours d’élaboration.

Page 417: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 417

Page 418: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 418

Le Gouvernement a décidé en particulier une normalisation comptable et fiscale de ces sociétés, d'ailleurs souhaitée par la Cour des comptes, qui leur permettra de présenter des offres pour les futurs projets autoroutiers comparables à celles émanant des sociétés à capitaux privés. Cette normalisation, notamment la suppression du système des charges différées, nécessite toutefois un allongement substantiel de la durée des concessions actuelles qui fait l’objet de discussions avec la Commission européenne.

REPONSE DE LA MINISTRE DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L’ENVIRONNEMENT

D’une manière générale, le ministère de l'Aménagement du

Territoire et de l'Environnement partage les constats et analyses développés dans ce document dans ses domaines de compétence. Quelques précisions peuvent cependant être apportées sur différents points particulièrement importants.

CHAPITRE I - LES CARACTERISTIQUES DU SYSTEME

AUTOROUTIER FRANÇAIS

Section I, II.C. et III.A. : concernant les études intermodales et les modèles de prévision des trafics

Les analyses économiques traditionnellement pratiquées

favorisent structurellement les solutions correspondant à une prolongation des tendances passées, car elles s'effectuent en général à contexte (réglementaire, organisationnel et fiscal) constant d'un côté, et sous-estiment les effets à moyen et long terme de l'autre (cf. le rapport "Evaluation économique et environnement dans les décisions publiques", CPS/MATE, Documentation française, 1998).

Dans le cas des transports, diverses études (notamment

« Energy Outlook » de l'Agence internationale de l'Energie, rapport du Commissariat général du plan de 1998 « Energie 2010-2020: pour une croissance sobre ») montrent que le contexte énergétique et socio-économique a la plus grande probabilité de se modifier profondément d'ici 10 à 15 ans du fait de l'état des ressources pétrolières conventionnelles et de la progression continue de la demande mondiale ; or, les structures génératrices de transport sont pour la plupart très inertes : formes urbaines, infrastructures existantes, et à un moindre degré organisation des productions industrielles ; enfin, selon l'A.I.E., la dépendance des économies

Page 419: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 419

occidentales vis-à-vis du pétrole est plus importante aujourd'hui que dans les années 80.

Ceci n'est pas pris en compte par les analyses économiques

classiquement effectuées notamment dans le cadre des études intermodales.

Par ailleurs, les modèles de prévision de trafic peuvent perpétuer des modes de calcul issus de contextes datés, tels ceux soulignés par la Cour (prix de la route fixé égal à celui du rail quelles que soient les politiques d’internalisation des coûts pratiquées, répercussion impossible d’une amélioration du service ferré fret). Ces conventions contraignent fortement les visions des possibles et limitent l’efficacité apparente de politiques nouvelles : accroissement des coûts du transport par respect des réglementations sociales et internalisation des coûts externes, constitution d’un réseau ferré à priorité fret (qui est l’une des deux priorités gouvernementales des schémas de services de transports)

Par ailleurs, elles peuvent conduire à surestimer d’autres

effets : il n’est pas raisonnable par exemple d’arguer de la croissance de trafic observée sur l’A1 (Paris-Lille) entre 1960 et 1980 pour en déduire qu’une croissance équivalente est à attendre sur n’importe quel tronçon autoroutier entre 2000 et 2020. Le contexte non seulement temporel (facteurs de demande) mais aussi spatial (potentiel des générateurs de trafic concernés) joue beaucoup. Ceci renforce l’intérêt des nombreuses analyses de cas présentées par la Cour dans la suite de son rapport.

La fragilité des prévisions de trafic n’est qu’une des limites

des études intermodales. Une autre source de biais, moins apparente, provient de la façon dont le problème est posé, qui détermine largement le champ de la recherche des solutions.

Ainsi réduire la problématique de l’axe rhodanien ou de l’axe

mosellan à une question de saturation autoroutière induit de manière privilégiée la recherche de solutions routières, dans laquelle les autres modes ne seront pris en compte que pour leur contribution à la « désaturation » de l’autoroute existante. Une approche véritablement intermodale suppose un effort particulier pour mettre en évidence les différentes demandes de déplacements pour les analyser aux échelles géographiques pertinentes, qui sont différentes selon les types de déplacements, et pour construire des solutions alternatives pouvant combiner plusieurs modes. Comme le souligne la Cour, il s’agit de passer d’une logique d’offre d’infrastructures à une logique de services aux usagers, comme d’ailleurs le prévoit la loi

Page 420: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 420

d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire.

Page 421: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 421

Section I, II.C : concernant le trafic de poids lourds dans les

Alpes La récente catastrophe du tunnel du Mont-Blanc ajoute aux

problèmes énergétiques, économiques et environnementaux de moyen terme posés par la forte croissance du transit routier une dimension actuelle, tant au plan de la sécurité qu’au plan économique. Outre que les caractéristiques techniques du tunnel concerné remettent en question sa capacité future à accepter le fret routier, la concentration de camions chargés non seulement de marchandises mais aussi de très grands réservoirs de carburants soulignent la dangerosité générique récurrente de ces transports, notamment en zone de montagne où l’échauffement dû aux pentes peut aller jusqu’à provoquer l’inflammation spontanée du véhicule. La convention de Vienne de 1997, le protocole Transports de la Convention alpine comme le projet de loi sur l’aménagement et le développement durable du territoire et divers textes européens soulignent la nécessité de maîtriser ces flux avec l’Espagne et l’Italie.

Ainsi que le mentionne la Cour dans l’annexe, les péages

autoroutiers ne reflétant pas correctement l’écart des coûts directs entre les véhicules particuliers et les poids lourds. L’écart des prix étant insuffisant, les véhicules particuliers subventionnent les poids lourds auxquels ne sont pas imputés la totalité des coûts directs qu’ils occasionnent. C’est pourquoi, sans attendre une évolution du contexte réglementaire et fiscal européen indispensable pour une véritable internalisation des coûts externes majorés dans ces zones sensibles, le Gouvernement a décidé le mercredi 26 mai 1999 de procéder à une augmentation des péages acquittés par les poids lourds sur les itinéraires alpins.

Page 422: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 422

Section I, III.A : concernant les scénarios de politiques d’évaluation de la demande des transports

Une évaluation environnementale des quatre scénarios de

politiques de transport a été publiée en avril 1999 : elle montre que les trois scénarios A, B et C, correspondant à des variations moyennes autour des tendances actuelles, conduisent à un accroissement des émissions de CO2 des transports situé entre 18% et 24% entre 1995 et 2020, tandis que le scénario D, plus volontariste et cherchant à anticiper l’évolution du contexte rappelée ci-dessus, permet une réduction du CO2 de 4 à 6% sur la même période.

CHAPITRE II : LE PROCESSUS DE DECISION

SECTION I – IV SUR LA POLITIQUE ROUTIERE

Le rapport de la Cour souligne l’insuffisance de coordination

entre le développement du réseau autoroutier concédé et celui du reste du réseau national.

L’exemple cité de la RN 10 et de l’A 10 entre Poitiers et

Angoulême illustre les incohérences qui peuvent en résulter. L’aménagement progressif en route express à 2 x2 voies de

la RN 10 en a fait un itinéraire particulièrement attractif, puisque gratuit et plus court que l’autoroute, de sorte que 70 % des poids lourds ayant le choix entre l’A 10 et la RN 10 empruntent cette dernière, au point que le ministère de l’Equipement a dû interroger le Conseil général des ponts et chaussées sur les moyens de nature à transférer sur l’A 10 les poids lourds en transit. Il est vraisemblable qu’un parti d’aménagement plus modeste de la RN 10 dans ses tronçons éloignés des agglomérations et donc moins circulés aurait permis d’éviter le problème.

Le risque de redondance entre investissements publics, dans

un territoire cette fois beaucoup plus sensible sur le plan de l’environnement, a été également au centre des débats sur le tracé de l’autoroute A 89 dans le département du Puy-de-Dôme. Le trafic de transit est-ouest qui justifie l’infrastructure est très modeste au regard des déplacements internes à l’agglomération clermontoise qui empruntent essentiellement la RN 89. L’abandon hâtif des tracés Sud, à la suite de la concertation locale, a conduit dans un premier temps l’Equipement à retenir un tracé par le col de la Nugère, qui a dû être abandonné en raison des risques de pollution des sources de Volvic.

Page 423: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 423

La reprise des études n’a porté que sur des tracés Nord et, par des glissements successifs destinés à éviter le PNR, a abouti à un tracé situé au nord de Clermont-Ferrand peu fonctionnel et, dès lors inapte à capter le trafic local. La décision, prise après arbitrage, s’est accompagnée d’une annonce par l’Etat que la RN 89, beaucoup plus empruntée pourtant que l’autoroute, ne ferait l’objet que d’aménagements très ponctuels.

Mais la pression des élus locaux pour une mise à 2 x 2 voies

de cet itinéraire reste vive et le département au Puy-de-Dôme a, d’ores et déjà, entrepris une étude sur son aménagement global.

Section I.V : Les futurs schémas de services de transports

Nous confirmons les chiffres avancés par la Cour. Le groupe

d’experts OCDE auquel il est fait référence est le groupe de travail « transport et environnement » mis en place en 1995 par la direction Environnement de l’OCDE. Il finalise actuellement la dernière phase d’un rapport intitulé « Environnementally sustainable transport », rapport dont est issue l’estimation indiquée ; celle-ci fut présentée au Forum des prospectivistes environnementaux du G8 à Londres en février 1998. Elle montre que compte tenu de toutes les technologies actuellement disponibles et prévisibles, la maîtrise de la demande de transports comptera pour plus de la moitié de l’effort nécessaire pour satisfaire aux critères de durabilité retenus par l’OCDE.

Section II, I.B : sur la conduite des projets et la coordination

entre les administrations Le travail administratif préparatoire est formalisé dans les

procédures d’IMEC/IMEL (démarche dont le fondement réglementaire, s’agissant des projets routiers, est toutefois fragile, les arrêtés prévus par le décret de 1955 n’étant jamais intervenus).

Ces procédures présentent des défauts bien connus,

l’exemple cité par la Cour de l’A85 Angers-Tours illustre bien les errements des pratiques anciennes. Du reste, leur positionnement jugé trop « en aval » de la décision a conduit depuis plusieurs années le ministère de l’Equipement à engager une consultation informelle des services de l’Environnement dès le stade des études préliminaires des projets, qui a permis de mieux prendre en compte les contraintes environnementales à des stades d’instruction où le parti d’aménagement n’est pas encore arrêté.

Page 424: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 424

Cette démarche gagnerait cependant à être mieux formalisée,

afin d’éviter que des désaccords se manifestant à cette étape attendent pour être réglés le stade ultime de la décision. Un rapport du CGPC (rapport VILLE, 1994) avait fait des propositions dans ce sens, mais il n’a pas eu de suites. La DR et la DNP viennent de constituer un groupe de travail animé par le CGPC (M. Chassande) qui doit prochainement proposer un projet de circulaire d’instruction.

Sans attendre la sortie de cette circulaire spécifique aux

routes, la Ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement a adressé le 11 janvier 1998 une circulaire aux préfets relative à la prise en compte de l’environnement dans l’élaboration des différents projets d’infrastructures. Elle y insiste notamment pour que les DIREN soient systématiquement associés aux différentes étapes de l’instruction et cela dès l’amont du processus.

Le sentiment du MATE dans ce domaine est que, si le

nombre de réunions s’est multiplié aux différentes étapes d’élaboration des projets (préparation des dossiers Bianco, approbation du dossier de consultation, préparation de la DM arrêtant le fuseau de 1000 m, approbation de l’APS, approbation du dossier d’enquête publique) laissant imaginer une meilleure concertation entre les services centraux, les délais souvent très tendus de préparation des réunions, une rigueur insuffisante dans le traitement des désaccords, la faiblesse des moyens du MATE en personnel, obèrent l’efficacité du dispositif.

L’instruction des APSI (avant-projets d’itinéraires) mérite une

mention particulière. Cette procédure, dont la finalité est d’apporter une cohérence d’itinéraire à des aménagements réalisés de manière fractionnée, au gré des crédits, se déroule en deux phases : la 1ère arrête le parti d’aménagement d’ensemble, et est totalement déconcentrée ; la 2ème porte sur les projets en général calibrés selon les tranches de financement et relève souvent d’une procédure d’IMEC. Le ministère de l’Environnement s’est toujours étonné que le niveau central soit associé aux décisions dont les enjeux sont les plus locaux, alors qu’il n’avait pas à connaître des choix relatifs aux partis d’aménagement retenus pour ces projets, décisions pourtant beaucoup plus stratégiques. La logique devrait conduire à faire plutôt l’inverse.

Page 425: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 425

Cela conduit parfois à des incohérences qui ne sauraient être

réglées par le recours systématique à l’évocation par le niveau central des dossiers lors de la 1ère phase.

Une autre source de difficultés est liée au lancement habituel

de l’IMEC parallèlement à celui de l’enquête publique, de sorte que le tracé mis à l’enquête ne fait pas nécessairement l’objet d’un accord des principales administrations intéressées, celles-ci étant même susceptibles de formuler un avis défavorable lors de l’IMEC. Cela contribue à donner aux acteurs locaux une image incohérente de l’Etat.

D’une manière plus générale, cette pratique rend sans objet le

contrôle de l’étude d’impact par l’administration centrale de l’Environnement car, sauf exception, l’enquête publique a déjà démarré lorsque cette administration est saisie et l’étude d’impact ne peut plus être complétée. Cette situation a pu conduire, lors de l’entrée en vigueur de l’article 19 de la loi sur l’air, à constater a posteriori que certaines études d’impact n’étaient pas conformes à la nouvelle réglementation, d’où l’alternative de prendre une DUP susceptible d’annulation ou de recommencer l’enquête (ex. du contournement de Bourg-les-Valence).

Faut-il pour autant avancer la place de l’enquête publique

dans le processus de décision ? Cela n’est pas certain car il est nécessaire que le public et en particulier les riverains susceptibles d’être concernés puissent s’exprimer sur un projet dont les caractéristiques sont à peu près connues. Mais cela n’est effectivement pas suffisant et il apparaît désormais souhaitable, voire indispensable, dans la ligne de la circulaire du ministre de l’Equipement du 15 décembre 1992 et de la Commission Nationale du Débat Public, d’organiser un débat en amont sur les objectifs des projets, et sur leurs principales caractéristiques. Ces questions sont au coeur des réflexions du groupe de travail présidé par Madame Questiaux, dans le cadre de la mission que le Premier Ministre a confiée au Conseil d’Etat pour une réforme de l’utilité publique.

Ces différentes raisons ont conduit le ministère en charge de

l’environnement à demander avec constance que l’IMEC (ou l’IMEL) précède le lancement de l’enquête publique. Cette question a été examinée dans le cadre d’un groupe interministériel que le Cabinet du Premier Ministre a demandé au MATE d’animer, en vue de proposer une réforme de l’instruction mixte. Sans préjuger des propositions définitives du groupe, il apparaît qu’une orientation dans ce sens a d’ores et déjà été retenue.

Page 426: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 426

Section II, I.D : Le fractionnement des projets

Le MATE partage les critiques de la Cour sur ce point et

souhaite apporter quelques précisions.

Liaison Pau-Somport Le parti pris par la DR de considérer que le tunnel n’était pas

soumis à la LOTI car le prorata français de financement (370 MF) était inférieur au seuil de 525 MF mérite un commentaire.

Bien que les financements soient répartis entre la France et

l’Espagne, l’ouvrage n’en est pas moins unique et continu. C’est le coût total qui aurait mérité d’être considéré, soit 1 100 MF. Par ailleurs, pour des raisons pratiques de creusement du tunnel par les deux extrémités, la France a récupéré des dépôts provenant de la partie espagnole sans que ce problème ait été envisagé dans l’étude d’impact, ce qui montre, si besoin était, que cet ouvrage ne pouvait être fractionné.

En ce qui concerne les trafics dans la vallée d’Aspe, un

comptage doit être mis en place et suivre l’évolution de la circulation sur la RN134. L’avenir nous dira quelle conséquence aura l’ouverture du tunnel, notamment vis-à-vis du trafic poids lourds.

En ce qui concerne Pau-Oloron, les orientations

complémentaires de la DR du 4 janvier 1999 dans le but de faire étudier une autoroute à caractéristiques réduites (une chaussée à deux voies dans le tunnel et le viaduc), confèrent dorénavant à cette liaison des caractéristiques qui s’apparentent plus à celles d’une bretelle autoroutière qu’à celles d’une autoroute de liaison.

Enfin, les études de la liaison Pau-Langon, en dehors des

deux extrémités et de la déviation d’Aire sur Adour, évoluent également vers un aménagement à deux voies avec créneaux de dépassement.

Page 427: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 427

Toulouse-Barcelone L’aménagement de la RN20 vers l’Espagne et la réalisation

de l’autoroute A66 jusqu'à Pamiers ont bien fait l’objet de décisions multiples. Toutefois, le contexte est globalement différent de celui de la vallée d’Aspe.

Les caractéristiques des aménagements : autoroute A66, 2x2

voies route express jusqu'à Ax-les Thermes sont jugés par certains excessifs au regard des trafics, notamment au-delà de Tarascon. Il faut rappeler que le contexte des décisions n’était pas propice à rechercher des aménagements de moindres caractéristiques. Le parti de ne pas faire Ax-l’Espagne à 2x2 voies est régulièrement contesté par les élus, voire par l’Andorre, au motif de l’amélioration de la desserte des stations pyrénéennes.

En ce qui concerne les études, il y a bien eu étude socio-

économique.

Section II, I : sur une étude concernant L’A 10 Le MATE approuve l'analyse de la Cour quant aux effets

contrastés voire négatifs d'une infrastructure autoroutière lourde dans une zone économiquement fragile, conformément aux observations du rapport Brua "Accessibilité des zones à faible densité de population".

La Cour signale par ailleurs une étude réalisée en Charente-

Maritime sur l'impact de l'A10 sur le développement touristique du secteur. Il s'agit d'une étude présentée au Carrefour du Predit à Lille le 24 mars 1999 par la DRE, qui n'a pas utilisé de comparaison "avant A10-après A10" faute d'observatoire et de données sur le "point zéro", mais simplement une photographie instantanée de la distribution des activités, ce qui est peut-être insuffisant pour en tirer des conclusions sur les effets induits par l'infrastructure elle-même.

Section II, II.A : sur l’étude d’impact

La Cour émet sur ce thème un certain nombre de critiques,

qui appellent les observations suivantes. 1. Si d’une manière générale la qualité de l’étude d’impact

s’est améliorée au fil des années, elle demeure encore insuffisante sur plusieurs points.

Page 428: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 428

- L’analyse des effets indirects et induits reste faible,

lorsqu’elle n’est pas quasiment inexistante. C’est le cas des emprunts et dépôts de matériaux, de l’impact des équipements annexes (aires de repos ou de service, échangeurs ..., pourtant éléments constitutifs du projet), des remembrements et plus encore des conséquences à long terme de l’infrastructure sur l’urbanisation.

C’est d’autant plus fâcheux que, pris dans l’ensemble, les

impacts représentent 90% de l’impact global du projet selon les constatations des Observatoires sur l’Environnement mis en place depuis une quinzaine d’années et dont les travaux pourtant popularisés à travers plusieurs colloques ne semblent pas avoir permis une amélioration de la qualité des études d’impact dans ces domaines.

Tout se passe comme si l’Etat maître-d’ouvrage n’entendait

pas assurer la responsabilité de son propre projet et ne s’estimait pas en règle générale concerné par les conséquences de ses décisions sur le comportement des autres acteurs et les impacts qui en découlent.

La question de l’évaluation économique et sociale des projets

sera abordée plus loin, avec notamment la nécessité de poursuivre les efforts de monétarisation des coûts externes. Il ne faut pas se cacher que l’exercice est difficile, s’agissant des effets indirects et à long terme des infrastructures sur l’aménagement du territoire. Or ces effets sont considérables. Ce que montrent, à leur échelle modeste et monographique, les travaux des observations écologiques, apparaît de manière saisissante lorsque l’on examine sur une carte de France l’évolution de l’urbanisation en l’espace de quelques décennies.

La politique routière, prise au sens large du terme, a

largement contribué en longue période à la structuration des aires métropolitaines et à l’étalement urbain, avec l’explosion de la mobilité urbaine qui en découle, puisque le nombre de déplacements par habitant est resté à peu près stable dans la période. Ces effets à long terme sur le territoire, majeurs, ne sont pourtant pas pris en compte dans l’analyse des impacts.

Bien plus, les normes utilisées dans les calculs de rentabilité

valorisent positivement cet effet, en comptabilisant comme gain de temps ce qui dans la réalité est un allongement de la distance moyenne des trajets.

Page 429: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 429

2 . Le champ des thèmes abordés dans l’EIE a largement suivi l’évolution de la réglementation en matière d’environnement, même si les textes fondateurs de l’étude d’impact (loi de 1976 sur la protection de la nature et décret du 12 octobre 1977) avaient donné dès le départ à celle-ci le contenu le plus large.

C’est ainsi que les problèmes de pollution de l’air étaient très

peu abordés jusqu’à la loi sur l’air du 30 décembre 1996, dont l’article 19 dispose que l’étude d’impact doit être complétée par une « analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu’une évaluation des consommations énergétiques résultant de l’exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu’elle entraîne ou permet d’éviter ».

La mise en oeuvre de cette disposition novatrice s’est révélée

laborieuse dans les premiers temps, quand cette obligation n’a pas été purement et simplement ignorée des services instructeurs.

3 . L’instruction de mars 1996 du directeur des Routes relative

à la prise en compte de l’environnement dans les projets routiers a actualisé l’instruction de 1978.

Elle a été accompagnée de la publication d’un ensemble de

guides techniques du SERRA, documents de bonne qualité auxquels le ministère de l’Environnement avait d’ailleurs été associé.

Il est cependant encore trop tôt pour en apprécier les effets. Section II, II.B, 1 : Concernant l’évaluation économique et

sociale des projets

1° Evaluation stratégique Il convient de souligner la nécessité, pour l'évaluation

d'ouvrages dont le coût est important et dont la durée de vie dépasse en général largement le siècle, d'appliquer effectivement une évaluation stratégique des projets impliquant leurs effets à moyen et long termes.

2° Prise en compte des externalités

Un certain nombre d’effets ne sont pas examinés par le

rapport du Plan de 1994 connu sous le nom de "rapport Boiteux" (noté ci-dessous CGP). Des estimations de ces impacts ont été depuis réalisées, qui doivent donc entrer dans l’actualisation de nos

Page 430: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 430

connaissances en matière d’externalités, ainsi que le demande la note de cadrage des schémas de services de transports du 22 juillet 1998 adressée aux Préfets par les ministères de l'Equipement et de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement.

- La dépendance pétrolière n’est pas retenue par le rapport

CGP. Or, en France, le fuel domestique supporte une fiscalité spécifique (d’au moins 0,4 F/l de TIPP) liée à une logique de précaution. Compte tenu de ce que le fuel domestique est substituable assez facilement par le gaz, le charbon ou l’électricité – à l’inverse du carburant – c’est au moins un tel montant qu’il faudrait imputer aux coûts de la dépendance énergétique envers le pétrole. Ceci représente 18 GF (1992).

- Le coût des effets de la congestion routière sur les autres

modes de déplacement (urbain) n’apparaît pas dans le rapport CGP. Une évaluation de l’Inrets la chiffre entre 15,3 GF et 28,7 GF (1991). Compte tenu de ce qu’elle ne tient pas compte des pertes d’aménités pour les piétons, ni des contraintes (nécessité de conduire les enfants à l'école en voiture), ni des comportements d’évitement (renoncement au vélo), nous retenons le chiffre haut de 28,7 GF (1991).

- Le coût des effets de coupure et de barrière (urbain)

n’apparaît pas dans le rapport. D’après des études norvégiennes en milieu urbain, les coûts sont estimés du même ordre de grandeur que ceux dus au bruit, élevés dans les pays scandinaves, d’où une estimation de 50 GF.

- La consommation d’espace est importante, notamment en

ville. Suivant les sources, la consommation d’espace urbain coûterait entre 1,80 F et 4,80 F/veh.km en France.

Pour la prise en compte monétaire des externalités

environnementales dans le cadre des schémas de service de transports, les propositions de MATE, transmises en avril 1998 au ministère chargé des Transports, mais non encore discutées à ce jour, sont les suivantes :

“ - la pollution locale de l’air est retenue par CGP pour 45 GF,

ce qui est cohérent avec les ordres de grandeur d’une étude du Grequam (uniquement santé). Soit en interurbain 7,5 c/veh.km et en urbain 10 c/veh.km (en moyenne 7,5 c/t.km pour les marchandises) ;

Page 431: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 431

- le bruit est retenu pour entre 0,3% (CGP) et 1,5% (Suède)

du PIB. Il paraît plus que raisonnable de prendre au moins une valeur médiane, ce qui donne 50 GF au lieu des 13 GF implicites du rapport Boiteux (en Allemagne, le bruit est valorisé au moins autant que la pollution de l’air). Soit entre 8 et 10 c/veh.km en moyenne ;

- la pollution de l’eau par les ruissellements et les chantiers

n’est pas retenue par le CGP ; le Canada fournit 10 c/veh.km en moyenne entre urbain et interurbain ;

- la congestion des autres modes que la voiture, retenue par

l’INRETS, n’apparaît pas ici. Elle compte pourtant pour 29 GF en urbain, soit autour de 11 c/veh.km ;

- la dépendance pétrolière est évaluable à partir de la fiscalité

spécifique du fuel domestique à 18 GF, soit 3,5 c/veh.km en urbain, 3 c/veh.km en interurbain et 3 c/t.km. Compte tenu de ce qu’on a affaire à une ressource non renouvelable, il faut appliquer la règle de Hotteling et valoriser spécifiquement cet effet au taux d’actualisation.

- la consommation d’espace est importante, notamment en

ville. Suivant les sources (travaux du LET, de la RATP, et rapport du Commissariat général du plan “ La maîtrise de l’énergie ” p196), la consommation d’espace urbain coûte entre 1,80 F et 4,80 F/veh.km en France.

- les émissions de CO2 (contribution à l’effet de serre,

minorée par le fait que la contribution propre des climatisations n’y figure pas, alors qu’elle est du même ordre de grandeur que la seule consommation -voir Ademe-) ne sont sans doute pas à la hauteur du problème avec une valorisation à 450 F/tC.

Conformément aux propositions de la MIES, il faut plutôt

compter entre 1 000 F/tC tout de suite et 2 000 F/tC à terme, c’est-à-dire passer de 15 GF à 33 puis 66 GF, soit 6 puis 13 c/veh.km en urbain, 5 puis 10 c/veh.km en interurbain et 5,5 puis 11 c/t.km pour les marchandises.

Compte tenu de ce qu’on a affaire à une ressource non

renouvelable (climat), il faut appliquer la règle de Hotteling et valoriser spécifiquement cet effet au taux d’actualisation.

Le MATE retient de surcroît la valorisation ci-dessus

mentionnée des effets de coupure et de barrière.

Page 432: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 432

3° Valorisation économique des ressources non renouvelables

Ce point particulier de la valorisation des ressources non

renouvelables évoqué par la Cour mérite une discussion particulière. Le même raisonnement s’applique en cas de risques aux

conséquences graves et irréversibles pour une ressource telle que le climat planétaire. Sur le plan de la théorie économique, M. Marcel Boiteux a regretté, depuis la parution du rapport du Plan de 1994, que celui-ci ait omis de rappeler que les ressources non renouvelables (telles que le climat -et donc les gaz à effet de serre- et les ressources pétrolières, la question de la santé publique n’ayant pas été débattue sur ce point) devaient être appréciées de façon spécifique.

La règle dite de Hotelling s’applique, qui actualise ces

ressources au taux d’actualisation lui-même (aujourd’hui 8%), au-delà de la préférence croissante pour l’environnement (consommation plus 1%). Elle prévoit, sous les hypothèses économiques standards, l'augmentation (au taux d’actualisation) du prix d'une ressource non renouvelable au fur et à mesure de sa diminution.

Ces phénomènes de moyen ou long terme ne sont en général

pas reflétés directement par les transactions commerciales, dont l’horizon est beaucoup plus rapproché, ce qui constitue l’une des imperfections des marchés ; tous les économistes conviennent que ces imperfections doivent être compensées par les pouvoirs publics, notamment en modifiant le coût d’accès aux ressources considérées ou le coût des décisions susceptibles d’accroître ces risques.

Le groupement international d'études sur le climat (GIEC),

dans son rapport de 1995, a souligné que les dommages prévisibles du fait du changement climatique ne pouvaient être monétarisés selon des méthodes classiques, à la fois parce que le calcul probabiliste ne peut leur être appliqué et parce que certaines conventions de base indispensables se sont révélées indécidables : par exemple, le coût d'un mort est-il ou non proportionnel au PIB du pays concerné ? La gravité exceptionnelle du risque n'en demeure pas moins. Aussi a-t-il été recommandé par le GIEC, suivi en cela par la mission interministérielle de l'effet de serre, de valoriser au départ la tonne de carbone non en fonction des coûts des dommages (incalculables), mais en fonction du niveau de prix nécessaire pour infléchir durablement les choix des acteurs économiques de façon à réduire au maximum ce risque, dans un contexte où l'évolution technologique ne suffira pas (cf. résultats OCDE mentionnés plus haut). D'où les valeurs proposées.

Page 433: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 433

La place des transports dans l’accentuation de l’effet de serre

et leur rythme d’accroissement au fil de l’eau prévisible sont tels que cette intervention publique se justifie ici : elle vise à anticiper le moment où la raréfaction des ressources non renouvelables (ou l’occurrence du risque irréversible) sera devenue manifeste et entraînera une hausse brutale des prix associés ; elle permet donc de lisser l’évolution de l’économie et de la société pour diminuer les coûts de transition de telles évolutions, surtout lorsque les organisations et fonctionnements à adapter sont marqués par une inertie importante (infrastructures de transport et structures urbaines par exemple). On notera que le Royaume-Uni s’est engagé dans cette voie depuis 1993, avec une hausse d’au moins 5 % par an (6% aujourd’hui) en termes réels des taux d’accises sur les carburants.

Compte tenu de la divergence de points de vue entre les

services des deux ministères sur ce point en particulier, en mars dernier, les ministères de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement d'une part, de l'Equipement, du Logement et des Transports d'autre part, ont conjointement saisi le Commissariat général du plan d'une demande d'analyse de ces sujets à finaliser d'ici l'hiver 1999, portant notamment sur la valorisation des ressources non renouvelables (règle de Hotelling appliquée au climat -CO2- et aux réserves pétrolières), la valorisation de l'espace et le réexamen des valeurs du temps utilisées habituellement.

Section II, II.B : sur les coûts des investissements

Le rapport de la Cour consacre un long développement à

l’évolution des coûts des projets autoroutiers et observe qu’ils sont fréquemment sous-évalués dans les dossiers de DUP.

Le ministère de l’Aménagement du Territoire et de

l’Environnement partage ce point de vue et voudrait faire à cet égard plusieurs remarques de nature différente.

1. Comme le note à juste titre le rapport, ce phénomène

traduit d’abord une internalisation croissante des impacts environnementaux dans le coût du projet. Ainsi, en matière d’eau, les exigences de transparence des ouvrages vis à vis de l’écoulement des eaux résultent d’une politique qui répond à une attente sociale et qui privilégie la prévention.

Page 434: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 434

Cette politique vise à réduire la gravité (et donc le coût) des

crues pour les riverains ; la seule question qu’il faille se poser à cet égard est celle de la proportionnalité entre les coûts ainsi consentis pour la prévention et les risques évités.

On peut penser que cette tendance est appelée à se

poursuivre, dans la mesure où progressera l’internalisation de coûts autrefois externalisés et supportés par la collectivité.

Mais si le phénomène peut expliquer pour une part l’évolution

des coûts moyens des projets autoroutiers, d’autres facteurs entrent en ligne de compte, liés aux modalités d’instruction des projets :

- l’importance des enjeux environnementaux est souvent

sous-estimée dans les études préliminaires et dans les décisions qui aboutissent à arrêter le parti d’aménagement (fuseau de 1000 m).

Les premières difficultés se révèlent alors au moment de la

définition du tracé au stade de l’APS, où les marges de manoeuvre sont plus réduites, conduisant à se focaliser sur les mesures réductrices et compensatoires, ce qui n’est pas sans incidence sur le coût final du projet, car le traitement des impacts environnementaux est généralement plus coûteux lorsqu’il est pris en aval.

- Ce « renchérissement » se poursuit après la DUP, au fur et

à mesure que le projet se précise et que l’on arrive à la définition des solutions techniques. Il varie en fonction de l’intensité de la pression sociale.

De très nombreux exemples peuvent être cités à l’appui de ce

constat général ; ainsi : - le passage de l’autoroute A 16 dans la forêt d’Hardelot a

conduit à devoir y réaliser une couverture de 800 m à titre de mesure réductrice,

- le passage de l’autoroute A 85 (Angers-Tours) a vu son

coût augmenter d’une manière spectaculaire à mesure qu’étaient pris en compte les problèmes hydrauliques ; les difficultés ont d’ailleurs conduit à devoir renoncer au tracé initial dans le Val de Loire,

Page 435: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 435

- certains projets pourtant déclarés DUP n’ont pu se réaliser, ainsi le « viaduc » de l’A 86 à Joinville devenu 10 ans après tunnel, alors que cette solution avait pourtant été déclarée au départ techniquement impossible.

Ces constants ne doivent pas conduire à « regretter »

l’augmentation des exigences sociales en matière d’environnement, mais plutôt à améliorer l’efficacité du processus de décision - éclairé par les études pertinentes pour prendre des décisions suffisamment éclairées à chaque étape du processus et cela dans le cadre d’une concertation interadministrative plus rigoureuse.

On peut d’ailleurs se demander si l’institution pour les

autoroutes d’une procédure d’autorisation globale de travaux, à l’instar d’autres catégories d’ouvrages comme les voies navigables, ne contribuerait pas à ce supplément de rigueur.

2. L’augmentation des coûts est liée également à l’évolution

des projets postérieurement à la DUP. Il n’est évidemment pas anormal que le projet se précise postérieurement à la DUP, décision qui constitue d’abord le fondement des procédures d’expropriation nécessaires à la réalisation de l’ouvrage.

Dans le décret de DUP, seul l’article relatif aux

remembrements se réfère explicitement à des mesures compensatoires (agricoles) des impacts de l’ouvrage, encore que ces « compensations » aient un impact négatif sur l’environnement.

Sans être spécifiques aux routes, les travaux préparatoires au

20ème anniversaire des études d’impact ont souligné l’écart constaté entre les conclusions de l’étude d’impact et les projets réalisés, car les mesures envisagées par le maître d’ouvrage ne sont pas « obligatoires ». La loi Barnier avait essayé d’y remédier en partie dans son article 4 qui stipule que la décision peut reprendre des mesures en faveur de l’environnement. Cet article n’a été que très peu appliqué aux routes, le dimensionnement des ouvrages hydrauliques de franchissement de la vallée de l’Isle par l’autoroute A 89 et l’interdiction de réaliser un échangeur en zone inondable dans la vallée du Cher pour l’ A 85 sont les seuls exemples qui viennent à l’esprit.

Ce n’est d ’ailleurs pas surprenant, vu l’absence de définition

précise des mesures réductrices et / ou compensatoires dans l’étude d’impact.

Page 436: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 436

La direction des Routes a préféré mettre en place un nouvel outil : les « engagements de l’Etat ». Il s’agit de la synthèse des conclusions de l’EI, de l’enquête publique et de l’IMEC. C’est une synthèse de synthèses au caractère nécessairement incomplet dans le détail. Les engagements de l’Etat, dont un document méthodologique d’août 1996 a été édité par le MELT/SETRA/CERTU, n’ont pas de caractère réglementaire.

Ils sont élaborés par les seuls services du MELT (DDE ou

CETE) et ce n’est que récemment qu’ils sont adressés pour avis au MATE avant publication. Enfin, jusqu’à présent, le MATE n’a pu obtenir que ce document soit élaboré, sous une forme même provisoire, en accompagnement de la préparation du décret de DUP.

La pratique montre maintenant que les engagements de l’Etat

deviennent la référence pour les mesures à réaliser en faveur de l’environnement, sans aucune référence à l’EI ou à l’IMEC.

CHAPITRE III - L’IMPACT ECONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTAL Section I - Sur la portée des engagements de l’Etat Comme il vient d’être dit, les « engagements de l’Etat » tels

qu’ils se présentent actuellement et en dépit de l’avancée qu’ils constituent par rapport aux pratiques antérieures, sont essentiellement un document de communication. Leur portée est faible en pratique, puisqu’ils ne sont pas opposables au maître d’ouvrage et leur statut entretient une certaine confusion entre le rôle de l’Etat maître d’ouvrage et sa fonction d’autorité régulatrice, gardienne de l’intérêt général.

Le MATE estime qu’il conviendrait de mettre en place pour les

infrastructures de transport un véritable régime d’autorisation assorti de prescriptions, s’inspirant de ce qui existe pour les installations classées.

Cela suppose que l’étude d’impact requise à ce stade soit

beaucoup plus précise dans les domaines dont l’examen est en pratique de plus en plus souvent renvoyé à l’aval, dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisations spécifiques (loi sur l’eau...).

Page 437: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 437

Section III - sur l’impact économique Pour ce qui concerne la partie des bilans ex-post, traitant de

l’impact des autoroutes sur les régions traversées, la conclusion que semble tirer la Cour du rapport du groupe de travail présidé par M. BRUA, de juillet 1993, lorsqu’elle dit que « les autoroutes non concédées sont beaucoup mieux adaptées à la desserte des zones traversées et à la dynamisation de leur économie », mérite d’être précisée.

Certes, par rapport à une autoroute concédée, le choix d’une

autoroute non concédée permet de créer un plus grand nombre d’échangeurs et donc d’offrir, en apparence, une meilleure irrigation des zones traversées.

Mais, d’une part, c’est aussi le cas si l’on retient le parti d’un

aménagement à 2 fois 2 voies avec des carrefours dénivelés, et surtout, d’autre part, il convient d’éviter de les multiplier inutilement.

C’est pourquoi, il importe de bien analyser au préalable les

besoins réels de l’économie des zones traversées afin d’arrêter le nombre d’échangeurs optimal. Des réflexions qui sont conduites dans le cadre de la politique du 1% « paysage et développement » et notamment l’élaboration des livres blancs et des chartes d’itinéraires ont ainsi pour but de favoriser, par la coopération entre les services de l’Etat et ceux des collectivités territoriales concernées, un examen réaliste des potentialités de la dynamisation de l’économie des territoires traversés. L’objectif est bien que les partis d’aménagement retenus soient coordonnés et orientés au service d’un développement local plus cohérent.

Comme il vient d’être dit, les engagements de l’Etat tels qu’ils

se présentent actuellement et en dépit de l’avancée qu’ils constituent par rapport aux pratiques antérieures, sont essentiellement un document de communication.

Leur portée est faible en pratique, puisqu’ils ne sont pas

opposables au maître d’ouvrage et leur statut entretient une certaine confusion entre le rôle de l’Etat maître d’ouvrage et sa fonction d’autorité régulatrice, gardienne de l’intérêt général.

Le MATE estime qu’il conviendrait de mettre en place pour les

infrastructures de transpport un véritable régime d’autorisation assorti de prescriptions, s’inspirant de ce qui existe pour les installations classées.

Page 438: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 438

Cela suppose que l’étude d’impact requise à ce stade soit

beaucoup plus précise dans les domaines dont l’examen est en pratique de plus en plus souvent renvoyé à l’aval, dans le cadre del’instruction des demandes d’autorisations spécifiques (loi sur l’eau...).

Section IV - l’impact sur l’environnement

Le rapport de la Cour souligne la richesse des enseignements

fournis par les observatoires écologiques, qui ont permis un retour sur études d’impact, à partir de véritables démarches scientifiques. Ces observatoires ont montré que l’essentiel des effets des projets se produisaient en dehors des emprises des ouvrages et résultaient des transformations induites de l’espace influencé par l’infrastructure. L’arrivée de l’infrastructure accélère les dynamiques en action sur le territoire et entraîne des effets en pratique non maîtrisés, liés aux remembrements et à l’urbanisation.

L’ampleur des modifications foncières induites est corroborée

par le Bulletin des autoroutes françaises (N° 34, décembre 1991, page 2), qui mentionne un impact réel des infrastructures lourdes de 250 ha/km en zone rurale, bien au-delà des surfaces d’emprise des chantiers d’aménagement (7 à 8 ha/km linéaire).

Il y a ainsi un paradoxe à faire porter l’essentiel des

engagements du maître d’ouvrage sur la seule emprise et d’exiger parfois de sa part des mesures coûteuses de réduction d’impacts ou de compensations, dont l’efficacité sera par la suite remise en cause par les effets induits de l’aménagement. La réponse habituellement invoquée - indépendance des procédures de remembrement, décentralisation de l’urbanisme - n’est évidemment pas satisfaisante.

Une gestion d’ensemble, assurant l’articulation des différentes

démarches et procédures, parait nécessaire. Elle implique pour le moins une évolution des modes de faire , préconisée d’ailleurs par la circulaire du ministre de l’Equipement du 15 décembre 1992, qui demande d’ « intégrer les études de tracé dans une perspective d’aménagement des territoires concernés », établie en partenariat avec les collectivités territoriales impliquées. Cette disposition cependant ne semble pas aujourd’hui être mise en oeuvre de manière efficiente. C’est sans doute ce qui explique pourquoi les enseignements des observatoires dans ce domaine sont peu valorisées et restent peu utilisées dans la conduite des projets.

Page 439: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 439

Le ministère de l'Aménagement du Territoire et de

l'Environnement partage les observations de la Cour sur ce point.

CHAPITRE IV - LES DERIVES DU SYSTEME 1) La Cour, dans la ligne de ses rapports antérieurs, traite

longuement dans son projet de rapport des effets pervers du mode de financement du système autoroutier.

Le MATE partage largement, là encore, les analyses et

critiques qui sont formulées et souhaite apporter simplement quelques observations qui vont dans le sens de la Cour.

Comme il est dit dans le rapport, l’interprétation très large de

la loi de 1995 sur les concessions et le maintien dans les concessions des autoroutes les plus rentables dont les emprunts ont été amortis, ont permis de financer des opérations nouvelles dénuées de rentabilité, le trafic estimé à terme étant souvent inférieur à 10 000 véh/J et cela sans même prendre la peine d’étudier sérieusement des solutions alternatives plus adaptées.

Bon nombre d’autoroutes déclarées DUP ces dernières

années rentrent dans cette catégorie, le tableau produit par la Cour en cite un certain nombre (A89, A87 Angers - La Roche sur Yon, etc...).

Poussant à l’extrême cette dérive, certaines décisions

ministérielles ont même pu être annoncées sur des autoroutes où la subvention implicite - qui devrait maintenant être explicitée - était supérieure au coût d’investissement : ainsi Langres - Belfort, où, en raison d’un produit du péage inférieur aux charges d’exploitation, le taux de subvention aurait dû s’élever à 110%.

Cette confiance excessive dans la capacité du système

autoroutier à tout « absorber » explique pour une bonne part la légèreté des prévisions des coûts ou des trafics, largement à l’origine des difficultés financières de la SAPN et de la Société du tunnel du Fréjus

La réforme du FDES a apporté à cet égard des éléments de

clarté bienvenus, même s’ils auraient gagné à être produits avant les décisions de DUP.

La non application des directives communautaires a pu dans

certains cas(annulation de la concession de COFIROUTE sur l’A 86,

Page 440: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 440

peut-être également celle de TEO en raison des possibilités de recours contre l’Etat) exposer les fonds publics à des dépenses injustifiées. Ces risques sont d’ailleurs accrus par la pratique qui s’est développée de demander au concessionnaire pressenti de commencer les travaux avant la signature du contrat de concession.

Enfin, ce système a conduit à une distorsion des choix

d’investissement, en consacrant l’essentiel des moyens des financements pour les infrastructures de transport surdimensionnés, au détriment de la satisfaction des besoins de déplacement dans les zones urbaines prioritaires. Les nouvelles orientations définies dans le cahier des charges des schémas de services de transport contredisent clairement cette dérive de la politique autoroutière.

2) Recommandations sur le chapitre III : concernant la

modération du poids futur de la dette des SEMCA Le MATE partage le souci de la Cour de ne pas faire encourir

à la France le risque d’une dette publique de plus de 250 milliards de francs (tout compris) non remboursable en totalité par les péages et donc devant être réglée pour partie par les contribuables.

Les mesures proposées par la Cour à cet égard vont dans le

bon sens. Du point de vue du MATE, il est essentiel que la réforme n’amène pas la constitution d’un nouveau sous-système refermé sur lui-même, en réaffectant au profit du seul secteur routier les recettes qui pourraient être perçues du fait de l’allongement des durées des concessions.

Le MATE pense que l’orientation des subventions aux

investissements de transport, au titre par exemple de l’aménagement du territoire, ne doit pas être déterminée par des facilités de financement spécifiques dont bénéficierait un mode, comme celles dénoncées à juste titre par la Cour. Le gouvernement doit pouvoir procéder librement aux arbitrages nécessaires entre modes et, au sein du mode routier, entre les différents types d’investissements, d’autant plus que la part des autoroutes dans les investissements de transport est appelée à décroître à l’avenir, dans la continuité des décisions prises en CIES depuis 1997.

Le MATE suggère à la Cour de faire une recommandation

particulière dans ce sens.

Page 441: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 441

Une telle orientation se situe d’ailleurs dans la continuité de la stratégie nationale du développement durable adoptée par le gouvernement en décembre 1996 et demandant de « réviser dès aujourd'hui les schémas directeurs et les règles de financement des infrastructures, car les réponses aux défis des vingt prochaines années passent par une reconception des systèmes de transport, désormais sous fortes et diverses contraintes ; en particulier, adapter les gabarits des ouvrages projetés aux services attendus, dans un souci d'adéquation des dépenses aux besoins et de bonne gestion des deniers publics comme du patrimoine naturel ; une fois ces économies substantielles réalisées, alimenter le Fonds des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN) avec l'excédent des recettes, sa gestion étant ouverte à l'ensemble des ministères concernés et à la société civile à l'instar des comités de gestion des taxes sur l'air ou les déchets ».

Annexe 5 : les coûts externes du transport routier Le MATE approuve l'analyse de la Cour montrant que le bilan

coûts-bénéfices net du transport routier (voyageurs et marchandises) est déjà défavorable pour la collectivité.

On peut citer à cet égard les 33ème et 34ème rapports de la

Commission des Comptes des transports de la nation, dont on peut tirer un bilan recettes -dommages se traduisant pour la collectivité par une perte de 89 milliards avec les chiffres du premier rapport (calculs de M. Amar, économiste au MELT), de plus de 100 milliards avec le deuxième.

Outre les résultats généraux rappelés par la Cour, le rapport

au Premier Ministre d’évaluation de la politique de maîtrise de l’énergie dirigé par Y. Martin (1998) montre que les poids lourds paieraient 40 % de leurs coûts totaux et les voitures particulières près de 80 %.

Dans ce dernier cas, les voitures à essence payent bien plus

que les diesel (41 F de taxes pour 100 km, contre la moitié pour le diesel). Les pertes pour la collectivité imputables au seul transport interurbain sont estimées à 47 milliards de francs ; pour les transports urbains, les effets externes sanitaires sont plus élevés qu’en interurbain car la population exposée est plus importante. Les dommages sociaux évoqués ne sont pas seulement des dommages environnementaux, mais aussi des coûts d’usage : pour les transports de marchandises par route, les poids lourds sont déjà sous-tarifés par rapport aux seuls coûts d’infrastructure (montants de la taxe à l’essieu, des péages et prix du gazole trop faibles). C’est pourquoi le rapport sur la politique de maîtrise de l’énergie comme le rapport

Page 442: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 442

“ Energie 2010-2020 : les chemins d'une croissance sobre ”(CGP, 1998) insistent sur la nécessité de réparer rapidement cette sous-tarification, qui fait que « le volume des transports augmente au-delà de leur utilité économique et sociale réelle (« La maîtrise de l’énergie »).

D’après les évaluations des rapports « Brossier » et

« Boiteux », l’imputation des coûts d’infrastructure, d’insécurité et des externalités environnementales et sanitaires au transport routier de marchandises (interurbain) correspond au moins à un triplement de la TIPP sur le gazole. En effet, les recettes de TIC des poids lourds s’élèvent à 11,6 milliards de francs, alors que le déficit d’imputation est de 25,5 milliards de francs. Pour les véhicules particuliers diesel, ce sont plus de 20 milliards de francs à imputer178.

Enfin, le rapport général du Commissariat général du Plan

« Energie 2010-2020 : Les chemins d’une croissance sobre » confirme cette sous-tarification du gazole : « La sous-fiscalisation du gazole n’est pas fondée pour des motifs d’externalités ; elle prévaut cependant en Europe, et de manière particulièrement marquée en France ; il serait donc souhaitable de poursuivre un relèvement des accises minima européennes; cela permettrait à la France de réduire la différence essence-gazole et de rééquilibrer les choix modaux pour les transport de marchandises, sans risques excessifs en termes de concurrence ». Il constate également que les coûts des transports routiers dépassent les recettes qu’il procure, à hauteur de plus de 60 milliards de francs par an.

On voit donc par ces différents travaux que, si le chiffrage des

coûts sociaux des transports routiers reste par nature marqué par une certaine incertitude (voir par exemple l’analyse théorique de ce point menée dans « Evaluation économique et environnement dans les décisions publiques », rapport à la Ministre chargée de l’Environnement, Documentation Française, rapports officiels, janvier 1998), en revanche les études convergent pour estimer que son ordre de grandeur dépasse dans tous les cas celui des recettes que procure ce secteur.

178 En fait, pour les véhicules particuliers diesel et les véhicules utilitaires légers, cette imputation correspond sensiblement à un alignement de la TIPP gazole au niveau de la TIPP essence. Ainsi, ce sont, au minimum, 2,43 F/l qu’il faudrait imputer au gazole.

Page 443: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 443

REPONSE DU MINISTRE DE L’INTERIEUR

Vous avez souhaité recueillir les remarques qu’appellent de

ma part certains passages du rapport public particulier de la Cour des comptes sur la politique autoroutière française.

Je dois relever tout d’abord que la conduite de grands projets

d’infrastructure autoroutière ne rentre pas dans le champ de compétences de mon département ministériel.

Le point sur lequel je suis consulté concerne pour l’essentiel

l’évaluation de l’amélioration de la sécurité routière entraînée par le développement du réseau autoroutier.

Sans remettre en cause le constat largement partagé d’une

plus grande sécurité sur autoroute, la Cour relève à juste titre que le comportement de certains automobilistes (vitesse excessive, alcool, non-respect des distances de sécurité, etc...) est à l’origine d’une augmentation du nombre et de la gravité des accidents sur autoroute.

Le gouvernement a décidé de s’attaquer résolument à ces

facteurs comportementaux par une aggravation des sanctions pénales, grâce notamment à l’introduction d’un nouveau délit de très grande vitesse, et par un renforcement des contrôles routiers.

Ces mesures permettront, je l’espère, de tirer pleinement

partie de l’amélioration de la qualité des infrastructures liée au développement autoroutier.

Page 444: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 444

REPONSE DU PRESIDENT DE LA SOCIETE DES AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF)

Certaines observations de la Cour appellent de la part de la

société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) les précisions complémentaires suivantes, tant au plan général que sur quelques points particuliers la concernant.

Responsabilité des SEMCA dans le choix de nouvelles

concessions Le rapport de la Cour laisse entendre que les SEMCA ne

disposeraient que d'une marge d'autonomie extrêmement limitée en matière de gestion et qu'en particulier elles ne seraient pas en mesure de se soustraire aux demandes de l'Etat, actionnaire majoritaire, d'assumer la réalisation de nouvelles liaisons financièrement peu rentables.

Pour illustrer cette affirmation, le rapport cite en exemple, la

section Angers/ Le Mans de l'autoroute A11 qu'à la suite de refus successifs de COFIROUTE et de SAPN, ASF aurait été contrainte de prendre en concession.

Ainsi que nous l'avions déjà indiqué à la Cour, la décision

d'ASF d'accepter la proposition de l'Etat de lui attribuer la concession de cette liaison n'a pas été prise par obligation mais à la suite d'un choix réfléchi, après analyse des conditions de financement et d'exploitation du nouveau tronçon.

En effet, l'étude que nous avions faite à l'époque montrait que

cette section, située sur l'axe Paris/Angers/Nantes devait accueillir un trafic suffisant pour assurer à terme sa rentabilité financière. L'évolution du trafic constaté depuis a montré que nous ne nous étions pas trompés puisqu'avec 12 000 véhicules/jour dès la première année d'exploitation et avec près de 17 000 véhicules/jour maintenant, l'équilibre financier de cette section se présente de manière favorable.

Le fait que cette section ne se situait pas en continuité du

réseau alors concédé à ASF n'a pas posé de problèmes particuliers d'exploitation, compte tenu de l'organisation décentralisée adoptée par la société, avec des échelons opérationnels prêts à intervenir sur le tracé de l'autoroute assistés par une unité fonctionnelle régionale . La réalisation de l'autoroute A83 Nantes/Niort et celle en cours de l'A837 Angers/La Roche sur Yon font d'ailleurs en sorte que cette

Page 445: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 445

section de l'A11 ne se trouvera plus isolée du réseau exploité par la société dans un proche avenir.

Il convient également de souligner que l'exploitation par ASF

d'une section insérée entre d'autres sections concédées à COFIROUTE n'a pas entraîné la construction d'une barrière de péage supplémentaire et ne constitue donc pas une gêne pour l'usager qui passe d'un réseau concédé à l'autre sans pratiquement s'en apercevoir.

D'une manière plus générale, ASF a pris depuis sa création,

des décisions stratégiques qui l'ont conduite soit à poser sa candidature pour certaines concessions nouvelles, soit à accepter des concessions que l'Etat lui proposait, soit à les refuser.

On peut rappeler à cet égard qu'ASF, − a posé sa candidature aux concessions de

Bordeaux/Narbonne et de Poitiers/Bordeaux lancées par l'Etat et que ses propositions en concurrence avec celles de candidats privés ont finalement été retenues ;

− a accepté la concession d'Angers/Le Mans pour les

raisons évoquées ci-avant ; − a refusé la concession de Clermont Ferrand/Bourges qui

est survenue à un moment où elle ne pouvait en supporter le financement ;

− a renoncé plus récemment à présenter une offre pour la

concession du contournement Sud de la Roche-sur-Yon, en raison du manque de rentabilité de cette opération, comme la Cour en fait état dans son rapport.

Aussi, la Cour devrait-elle nuancer son opinion sur ce qu'elle

estime être la "déresponsabilisation des SEMCA face à l'Etat" car, comme le montre notamment l'exemple d'ASF, les dirigeants des SEMCA sont tout à fait capables de se comporter en gestionnaires avisés et prudents et de prendre les décisions stratégiques qui assureront l'équilibre financier de leur société ainsi que leur développement.

Page 446: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 446

Les objectifs des contrats de plan

La Cour déclare que compte tenu de l'alourdissement de la

fiscalité et du ralentissement de la croissance du trafic, certains objectifs financiers et de gestion assignés à chaque SEMCA seront difficiles à atteindre.

Il est clair que le doublement de la taxe d'aménagement du

territoire sur les autoroutes concédées décidé alors que l'encre des contrats de plan était à peine sèche ainsi que les modifications d'ordre comptable et fiscal survenues par la suite, ont rendu difficile le suivi des objectifs fixés dans les contrats de plan.

Néanmoins, s'agissant d'ASF, on ne peut pas dire que les

objectifs seront loin d'être respectés. En effet : − pour un objectif de réduction de 60 % des charges

différées pendant la durée du plan (1995 - 1999), on constate une diminution effective de 56 % fin 1998 qui devrait dépasser les 65 % fin 1999,

− pour un montant maximum d'endettement fixé à 39 000 MF

en 1999 hors emprunts de refinancement, celui-ci atteint moins de 33 000 MF fin 1998 et ne devrait pas dépasser 35 500 MF fin 1999 et ce, sans réduction du volume d'investissements prévu pour la durée du contrat de plan,

− pour un objectif de limitation à 26 % en fin de plan des frais

financiers rapportés au chiffre d'affaire HT, la valeur de ce ratio s'élève à 25,8 % fin 1998 et ne devrait pas dépasser 24 % fin 1999,

− pour un objectif d'évolution du ratio EBE/CA HT fixé à 74

% en fin de plan, la valeur atteinte fin 1998 est de 65,3 % en raison essentiellement de l'alourdissement du poste "impôts et taxes" relevé par la Cour, mais aussi à cause de nombreuses opérations menées en faveur de l'emploi dans le cadre de la solidarité nationale et du passage aux 35 heures des agents postés dès octobre 1997.

Page 447: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 447

Les coûts d'investissement La Cour relève "une dérive importante des coûts

d'investissements" puis note au chapitre suivant une "sous-estimation des coûts au stade de l'APS".

En fait, ces deux constatations sont étroitement liées. Il est clair que sur bon nombre d'opérations achevées, on

constate que le coût final de construction est proche de l'estimation fournie par l'APA (Avant Projet Autoroutier) établi par la société concessionnaire après l'enquête publique, mais que cette dernière est généralement très supérieure à celle de l'APS (Avant Projet Sommaire) établi par les services de l'Etat.

Cela confirme que la bonne estimation de l'opération est bien

celle donnée par l'APA, ce qui est tout à fait normal puisque c'est seulement au moment de l'établissement de ce dossier que l'on connaît toutes les contraintes, notamment les engagements pris par l'Etat à la suite de l'enquête publique, les caractéristiques précises des sols et leur possibilité de réemploi, les contraintes archéologiques et les dispositions à prendre au titre des lois sur l'eau, sur le bruit et sur les carrières.

A cet égard, il convient de souligner la forte évolution du

cadre réglementaire en faveur de l'environnement de 1992 à 1996, entraînant des dispositions spéciales et très coûteuses, qui n'avaient pas été prévues dans les estimations antérieures. Ainsi les postes accessoires (assainissement, environnement, équipements de sécurité) ont connu , entre 1992 et 1995, une hausse de plus de 65% et leur part relative dans le coût global passe de 35% à 45%.

Cette évolution impose aux sociétés concessionnaires

d'autoroutes de rechercher en permanence une maîtrise de leurs coûts de construction, tout particulièrement sur les liaisons à faible trafic.

Pour prendre l'exemple de l'autoroute A 89 citée par la Cour,

on peut rappeler que l'Etat avait fixé initialement le coût d'objectif de Libourne/Le Sancy à 13,7 milliards de francs TTC, valeur décembre 1993, et celui de la section Le Sancy/A 72 à 3,159 milliards de francs, valeur décembre 1995.

Sur la base des dernières études et compte tenu des

engagements complémentaires de l'Etat après DUP, le montant plafond de l'A 89 ressort actuellement à 22,637 milliards de francs TTC, valeur juin 1994. Le montant plafond a été pris en compte dans

Page 448: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 448

le bilan prévisionnel de l'avenant n°4 de la société signé en décembre 1997, la durée de concession ayant été fixée en conséquence pour assurer le retour à l'équilibre financier global.

Les considérations sur la rentabilité de l'opération n'ont pas beaucoup de sens, au regard de la durée d'amortissement extrêmement courte (12 ans entre 2007 et 2019) imposée par la fin de concession d'ASF. C'est la pratique de l'adossement qui a permis à l'Etat d'engager cette opération majeure et volontariste d'aménagement du territoire.

Mais il est clair que dans l'esprit de l'étude réalisée par le

Ministère des Finances, le Ministère de l'Equipement et ASF, étude présentée au CIES de mai 1998, il faut tenter de réduire les coûts et optimiser le phasage de réalisation des diverses sections de cette liaison en vue d'assurer une meilleure continuité autoroutière et de favoriser ainsi une meilleure induction du trafic, pour améliorer la rentabilité de l'opération. C'est ce à quoi s'emploie ASF en liaison avec la Direction des Routes.

Pratique de l'adossement - Réforme du système public

autoroutier La Cour relève que "compte tenu des facilités de financement

procurées par le mécanisme de l'adossement, le réseau autoroutier s'est développé de façon quasi indolore pour l'ensemble des partenaires, qu'il s'agisse de l'Etat, des collectivités territoriales, des sociétés d'autoroutes et des usagers". Elle fait ressortir que cette pratique peut conduire l'Etat à faire réaliser sous le régime de la concession, des liaisons dont la rentabilité financière serait faible.

C'est sans doute pour prévenir cette tentation que les tutelles,

à l'initiative du Trésor, ont fixé au plus juste les durée des concessions des SEMCA, comme le rappelle fort justement la Cour. Mais cette position qui s'explique par la volonté de mettre un frein interne aux dérapages possibles du système, a eu pour effet immédiat de fragiliser la situation financière des SEMCA.

Ainsi, ASF se voit contrainte d'amortir le programme de

35 000 MF de liaisons nouvelles qui lui reste à réaliser dans le cadre de sa concession, sur une durée moyenne d'environ 15 ans, ce qui est tout à fait aberrant pour ce type d'investissements qui a une durée de vie extrêmement longue. La société sera inévitablement obligée de recourir à nouveau à la pratique des charges différées, maintes fois dénoncée par la Cour.

Page 449: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 449

C'est pourquoi ASF, avec l'ensemble des SEMCA, souhaite

un retour à l'orthodoxie financière et comptable des sociétés, ce qui implique un traitement des amortissements correspondant à la réalité économique et conduit à un allongement des concessions pour faire du système autoroutier un instrument durablement équilibré.

Les simulations financières faites dans ce sens montrent que

la démarche proposée, outre l'avantage de responsabiliser les SEMCA sur des résultats comptables et économiques comme le demande la Cour, permettrait de dégager de manière saine (IS et dividendes) des ressources significatives pour concourir à l'entretien du réseau non concédé et au financement des infrastructures en périphérie de ville ou en zone urbaine.

REPONSE DU PRESIDENT DE LA SOCIETE DES AUTOROUTES ESTEREL, COTE D’AZUR, PROVENCE,

ALPES (ESCOTA) La société ESCOTA est mise en cause, à plusieurs reprises,

dans le rapport de la Cour sur la politique autoroutière française. - le système des concessions de principe; - l'arrêt de la procédure de l'A585 (Val de Bléone, Antenne

de Digne-les-Bains); - les conditions de réalisation des études; - l'intégration de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre et les surcoûts qui en résulteraient ; - l'impact sur l'environnement (A 57). Ces différents points seront successivement abordés.

J’attacherai toutefois une importance particulière à deux d’entre eux : les surcoûts de l’A 51 entre Sisteron et La Saulce et l’impact sur l’environnement de l’A 57 qui feront l’objet d’un développement plus important.

LE SYSTEME DES CONCESSIONS DE PRINCIPE

Page 450: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 450

Le système dit des concessions de principe et les facilités d'adossement était effectivement envisagé dans le cas de la section médiane de l'A51 entre Sisteron-Nord et Pellafol et devait donner lieu à un avenant spécifique fixant les conditions techniques et financières de réalisation de cette opération. Cet avenant n'est toutefois pas intervenu, l'opération ayant fait l'objet d'un retrait de la programmation. Il est à noter que la prorogation de la durée de concession portée du 31/12/2013 au 31/12/2014 par le décret du 31/01/1996 est totalement indépendante de l'opération susvisée et se rapporte essentiellement aux modalités de compensation du doublement de la taxe d'aménagement du territoire.

L'ARRET DE LA PROCEDURE DE L'A 585

ESCOTA maintient intégralement la position qu'elle avait

communiquée le 24 Janvier 1997 à Monsieur le Ministre de l'Equipement en réponse à l'avis de concession publié le 13 décembre 1996 et qui sollicitait les candidatures d'opérateurs pour la réalisation de l'A 585, dite autoroute du Val de Bléone.

Les données avancées à cette date par la société et qui

faisaient état de sérieuses réserves quant à l’intérêt pour la société de se porter candidate demeurent et l'incertitude qui pèse aujourd'hui sur la réalisation de la section médiane de l'A 51 rendent de surcroît très aléatoires les hypothèses de phasage de l'opération qui avaient été envisagées.

Il n'est en effet, plus possible, en tous cas peu réaliste, de

différer la réalisation de cette antenne de façon à rendre la mise en service concomitante avec celle de la section médiane de l'A 51.

Les conditions de réalisation des études (section médiane

d’A 51) Il est précisé que la société ESCOTA concessionnaire

pressentie, a financé au total pour près de 65 MF d'études préliminaires concernant la section médiane d'A 51. La déprogrammation de l'opération l'a conduite à demander le remboursement de cette somme à Monsieur le Ministre de l'Equipement.

Page 451: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 451

L’INTEGRATION DE LA MAITRISE D'OUVRAGE ET DE LA

MAITRISE D'OEUVRE

La Cour cite la section Sisteron / La Saulce de l'A 51 parmi les

exemples où, selon la direction des routes, une étroite imbrication de la maîtrise d'oeuvre et de la maîtrise d'ouvrage aurait pu ne pas aboutir à des choix optimaux.

Cette observation doit être nuancée au vu des considérations

suivantes : - Au stade de l'avant-projet autoroutier la marge de

manoeuvre de la société concessionnaire était nulle ; les choix majeurs ayant été faits antérieurement :

. il n'a pas pu y avoir de recherche de tracés optimale dans une bande de 300m de largeur comme c'est le cas généralement, car il s'agissait dans le cas particulier d'un tracé à géométrie imposée, en raison de choix très précis effectués en amont par l’Etat ; réutilisation, sur près de la moitié du linéaire de 30 km de cette section de la plate-forme de la route nationale existante ; sur les autres sections, tracé imposé en bordure de la route nationale ou en bordure du canal EDF de la Durance ;

. une décision de l’Etat imposait de réaliser une autoroute élargissable à 2 x 3 voies par l'extérieur à terme ;

. les améliorations des caractéristiques géométriques des rétablissements de la RN 85 ont été imposées par l’Etat en cours d'étude APS de ces rétablissements. - Par ailleurs, il n'y a pas eu cette imbrication de la maîtrise

d’oeuvre et de la maîtrise d'ouvrage dénoncée par la direction des routes :

. la société a toujours assuré la conduite de l'opération conformément à son rôle de maître d'ouvrage décrit à l'annexe 2 de la circulaire du 22/12/1992 ;

. le maître d'oeuvre a normalement dirigé les entreprises pour la réalisation du projet ;

. le maître d'ouvrage a contrôlé en totalité cette réalisation du projet dirigée par son maître d'oeuvre.

Page 452: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 452

La variation des coûts qui a été constatée sur cette opération en phase de travaux (1995-1999) relativement aux estimations APS (1992) a des causes (développées ci-après) totalement indépendantes d'une prétendue confusion des rôles entre maître d'ouvrage et maître d'oeuvre :

. importante sous-estimation initiale du coût de l'opération, au stade de l'APS, due au fait que cette opération n'a pas été une réalisation d'autoroute en site vierge mais un chantier de construction sous circulation d'une autoroute (sur 30 km) et d'une nouvelle route nationale (sur 20 km) ;

. sous-estimation de l'impact de la décision de faire réaliser une autoroute élargissable à 2 x 3 voies ;

. impact très important de l'évolution réglementaire intervenue de 1992 à 1995 : loi sur le bruit, loi sur l'eau, loi relative à la coordination sécurité et protection de la santé, obligation de fouilles archéologiques préventives, etc...

. aléas techniques importants, non prévisibles lors de l'étude

d'avant-projet autoroutier, rencontrés pour l'exécution de l'ouvrage d'art le plus important de la section et pour l'exécution des terrassements.

Il faut souligner que malgré les raisons rappelées ci-dessus le

coût de réalisation s'établit tout compris (avec les 20 km de RN neuve) à un ratio de 47 MF TTC par km d'autoroute réalisé, ce qui correspond à la moyenne des coûts kilométriques constatés lors des mises en service de ces dernières années.

Hors coût de la réalisation de la nouvelle RN 85 le ratio serait

de 36 MF/km seulement malgré la réalisation en site très contraint d'une plate-forme élargissable à 2 x 3 voies.

L'impact sur l'environnement (A 57)

Comme le souligne la Cour, l'établissement d'un bilan

environnemental concernant cette section était facultatif. Toutefois ESCOTA a souhaité le mettre en oeuvre afin d'apprécier le fonctionnement des dispositifs en faveur de l'environnement et d’en tirer les enseignements pour l’avenir.

Sauf exception, la Cour n'extrait de ce bilan que des éléments

critiques. Avant de répondre de manière précise à ces remarques, il convient donc de souligner d'emblée que l'autoroute A 57 réalisée par ESCOTA entre Cuers et le Cannet des Maures, constitue globalement une réussite tant du point de vue de la qualité de l'insertion paysagère

Page 453: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 453

que du traitement environnemental. Cette réussite peut être constatée, de visu, sur le terrain.

Tout d'abord, il est utile de rappeler que le problème de la

prévention des incendies de forêt a été un élément majeur du projet qui a conditionné le traitement paysager des bas-côtés. Les incendies d'une ampleur sans égal qui ont ravagé le massif des Maures durant l'été 1989 ont rappelé alors toute l'acuité du problème et incité la société à la mise en oeuvre d'une stratégie efficace concertée avec les services de secours (DDSIS) et forestiers (DDAF, ONF).

Leurs recommandations et les actions de la société ont porté

principalement sur : - la limitation de la strate arborescente et arbustive sur les

déblais les plus exposés ; - la mise en place d’espèces pionnières autonettoyantes à la

place des espèces forestières locales ; - la plantation de 20 000 chênes reproduits dans le cadre d’un

contrat de culture sur cette section lorsque les conditions y étaient les plus favorables;

- les ensemencements ont été étudiés par un expert

écologue. Les mélanges utilisés ont été conçus pour stabiliser les terrassements et cicatriser au plus vite les travaux.

Au total, l'objectif visant à intégrer l'insertion paysagère du

tronçon en permettant les conditions d'une "renaturation" et la maîtrise du risque incendie qui constitue la contrainte majeure du site traversé, a été globalement atteint. Seuls 3 incendies dont 2 d'origine inconnue (extérieur - intérieur) et 1 sur TPC peuvent être déplorés entre 1995 et 1998 sur la section Cuers-Le Cannet des Maures, soit 1 feu tous les 89 km et par an ; un résultat encourageant à rapprocher de l'estimation moyenne d'1 feu tous les 65 km et par an sur le reste du réseau, faite en 1992 par un bureau d'études spécialisé en risque d'incendie.

S'agissant de la faune, la réalisation de deux ouvrages

spécifiques destinés aux tortues d’Herman est à signaler. L’étude a été réalisée en liaison avec la DIREN et les spécialistes de l’université d’Aix en Provence, la société n’ayant aucune expérience en ce domaine.

Page 454: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 454

En ce qui concerne la grande faune, même si les ouvrages de

rétablissement ne donnent pas entière satisfaction, les échanges des principales espèces (sangliers, blaireaux...) continuent d'avoir lieu de part et d'autre de l'autoroute. C'est le constat fait en 1998 par une étude spécialisée qui a recensé notamment pour les sangliers, espèce la plus concernée par les accidents, 18 ouvrages de franchissement possible dont 7 utilisés et 11 potentiellement utilisables. Toutefois, afin d'augmenter la perméabilité de l'A 57, un programme de réhabilitation d'un certain nombre d'ouvrages situés dans les zones de forte densité animale sera engagé dès 1999. Il viendra compléter un important programme de renforcement de clôture en cours de réalisation.

∗∗∗

Je n’aborderai pas ici les points du projet de rapport qui

traitent de la politique autoroutière dans son ensemble ou de la dégradation des résultats financiers des sociétés d’autoroutes. J’observerai simplement, en ce qui concerne ESCOTA, que l’accroissement de la fiscalité spécifique : taxe d’aménagement du territoire puis doublement de cette taxe, mise en place de la redevance domaniale autoroutière a largement contribué à altérer les ratios significatifs de l’entreprise et a pesé plus que tout autre facteur sur tous ses ratios et résultats.

REPONSE DU PRESIDENT DE LA COMPAGNIE FINANCIERE ET INDUSTRIELLE DES AUTOROUTES

(COFIROUTE) En ce qui concerne les conditions de réalisation des études

préalables à la réalisation d’une autoroute, le concessionnaire intervient pour les études de mise au point du projet à l’intérieur de la bande de 300 mètres arrêtée dans le cadre de la déclaration d’utilité publique. Cette intervention ne conduit en aucun cas le concessionnaire à peser sur le choix du parti d’aménagement, lequel est arrêté lors des études préliminaires par les services de l’Etat.

J’ajoute que les procédures de concertation et d’information

du public avant et pendant la phase d’enquête publique, sont souvent l’occasion d’une remise en cause de ces partis. Le rôle du concessionnaire est donc, en ce qui concerne la définition des partis d’aménagement, extrêmement modeste.

Page 455: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 455

Le cas d’A 86 ne peut être pris pour exemple, car il a été

dérogatoire, comme l’indique d’ailleurs, la lettre du Ministre du 18 juillet 1990, par rapport à la procédure de droit commun

Au demeurant, COFIROUTE a constamment travaillé sous le

pilotage des services de l’Etat. La concertation sur les différents projets a par ailleurs été exceptionnellement poussée, même si le projet, compte tenu de son insertion dans une zone très urbanisée et très protégée, notamment par rapport au péage, a mobilisé quelques oppositions vigoureuses.

La modulation tarifaire mise en place par Cofiroute a été une

expérimentation réussie de régulation du trafic par le péage. L’information du public sur le dispositif mis en place a été bien faite et explique d’ailleurs le succès. En revanche, il est exact que les finalités à moyen et à long terme des opérations, décrites dans le rapport, n’ont pas été comprises. Cette incompréhension jointe à un soutien ambigu des responsables politiques de l’époque, en dépit d’une parfaite coopération avec les administrations concernées a conduit Cofiroute à suspendre cette expérimentation.

REPONSE DU PRESIDENT DE LA SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS-NORMANDIE (SAPN)

Le rapport de la Cour des comptes sur la politique

autoroutière française comporte la relation d’évènements concernant la SAPN, ainsi que les indications statistiques sur son activité qui émanent directement des comptes et des bilans prévisionnels de la société. Ils ne comportent pas de commentaire mettant en cause la gestion de la SAPN, hormis sur deux points.

LA VARIATION DES COUTS EN PHASE DE TRAVAUX

Le rapport met en cause, pour la construction de l’autoroute A 29 entre A 131 et Yvetot, la non utilisation de la saison estivale de 1993 pour exécuter les terrassements, faisant référence à un rapport de la direction des routes dont la SAPN n’a pas connaissance. Ce rapport semble indiquer que cette saison a été complètement perdue « pour des raisons inexpliquées ».

La SAPN a fait connaître à la direction des routes les raisons

de cette non utilisation de la saison 1993 ; ces raisons tiennent à la

Page 456: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 456

durée des études et de la procédure d’attribution des marchés, qui on été complexes pour cette section d’autoroute.

LA SOUS-ESTIMATION DES

COUTS

Le rapport indique que, lors du contrôle de 1996, la SAPN

estimait pour l’autoroute A 28 un surcoût de 25 % par rapport au coût prévisionnel de l’avant-projet sommaire de l’administration, et que « la direction des routes n’avait pas été avisée de l’ampleur des dépassements prévus ».

Lors de cette inspection de la Cour des comptes en 1996, la

SAPN était en phase de consultation de bureaux d’études, et ne disposait que des évaluations contenues dans les marchés de définition de ces quatre bureaux d’études. Les indications que la société a fournie à la Cour des comptes n’avaient qu’un caractère tendanciel ; durant les années 1997 et 1998, la société a procédé à la confection d’un avant-projet sommaire modificatif, conformément aux circulaires en vigueur, et les services de la direction des routes ont été régulièrement avertis des évolutions du dossier, tant techniques que financières.

Page 457: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 457

REPONSE DU PRESIDENT DE LA SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS

(SFTRF) Mes observations particulières concernent d’une part le

caractère régional de la Société et d’autre part l’équipe de direction très restreinte dont elle s’est dotée.

La Société dont le capital était détenu par une majorité

régionale a pratiqué une politique d’aménagement conforme à ses obligations de concessionnaire. Les divers ouvrages de rétablissement des voiries, de réaménagement des carrières et les travaux d’endiguement de l’Arc qui composent l’essentiel des surcoûts listés par les inspecteurs des finances ont été demandés par les services locaux de l’administration. Une SEMCA à intérêts nationaux majoritaires n’aurait pu éviter ce genre de travaux.

Quant à la Direction de la société, elle a été volontairement

maintenue légère. En effet, normalement, la SFTRF n’avait qu’à assumer l’exploitation du tunnel routier qu’elle avait réalisé conformément à son objet social.

Le soin qu’elle a pris d’assurer cette gestion dans les

conditions les plus économiques possibles explique qu’on ait pu ensuite lui demander, 15 ans après, la réalisation des 63 kms d’autoroute manquants pour relier le tunnel au réseau autoroutier européen. Cette opération devant demeurer unique pour notre Société, qui n’a pas vocation à construire d’autre autoroute, le même souci d’économie nous a incités à ne pas chercher à improviser une lourde direction technique, mais au contraire à recourir à des partenaires extérieurs les plus qualifiés (DDE de la Savoie, SCETAUROUTE, SETEC). Ainsi plus de 25 ingénieurs et cadres ont-ils travaillé à la construction de l’autoroute de la Maurienne sans être embauchés directement par notre Société.

Dans la mesure où ils ne résultent pas d’une géographie et

d’une géologie exceptionnellement difficiles, les « surcoûts » reprochés à la SFTRF me paraissent n’être qu’une manifestation, parmi beaucoup d’autres, d’un problème général.

La méthode actuellement retenue pour établir les données

initiales de la concession des autoroutes fausse toutes les appréciations à la base. En effet, des études préliminaires sommaires qui n’ont pu être contrôlées par le concessionnaire pressenti ne

Page 458: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 458

peuvent conduire qu’à une évaluation première elle-même très approximative et généralement très insuffisante d’autant plus qu’elle est faite avant la Déclaration d’Utilité Publique et les obligations supplémentaires dont elle est généralement accompagnée.

Je me réjouirais donc si ce modeste témoignage ajouté à

d’autres pouvait contribuer à une réforme à mes yeux souhaitable de ce système.

Le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et du

Conseil général des ponts et chaussées signale effectivement cité par la Cour que 5 % du coût du projet ont concerné des dépenses liées à l'insertion de l'autoroute dans la vallée, mais ces travaux émanent pour la plupart de demandes officielles, en particulier les services techniques de l'administration ; ils concernent en grande partie des aménagements de voirie, ils sont listés dans le rapport de l'IF. Une SEM de caractère national aurait eu à faire face aux mêmes obligations.

Le rapport de l'IGF n'est pas clair sur ce sujet ; si on y relève

effectivement la remarque précitée, on trouve également deux autres remarques qui prouvent au contraire que les autorités étaient averties :

- Une telle organisation (mise en place pour le contrôle

budgétaire et de suivi des coûts) aurait normalement due permettre d'appréhender les surcoûts au fil du temps" .... page 4 du rapport de l'IF.

- Le Conseil d'administration disposait ... d'informations sur la

détermination des ... coûts finaux estimés" et " l'existence de surcoûts importants était connue ... par la Direction des routes" ... page 10 du rapport de l'IF.

Nous considérons que nous avons toujours eu une parfaite

connaissance de l'évolution du coût global du projet au fur et à mesure soit de l'achèvement des différentes phases d'études, soit de l'avancement des travaux qui étaient fortement imbriqués ; nous rappelons par exemple que début 1995 avaient lieu simultanément :

Page 459: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 459

- les travaux de la section basse (engagés à plus de 60 %), - les études de définition des marchés de la section moyenne

(et certains travaux préliminaires), - les études de conception de la section haute (APA et même

APS de la section "très haute" La Praz - Le Freney). L'évolution du coût prévisible global a régulièrement été

officialisé au Conseil d'Administration comme le montre le tableau suivant :

PRINCIPALES ETAPES OFFICIALISANT L'EVOLUTION DU

COUT DU PROJET

en valeur juillet 93 - TTC

Montant total estimé des

travaux

Document identifiant ce montant

Octobre 1993 6.222 MF Acte de concession (5.874 MF en valeur juillet 1991).

Décembre 1993

6.497 MF

Rapport trimestriel n° 2.

Mars 1994 6.515 MF Rapport trimestriel n° 3. Juin 1994 6.760 MF Rapport trimestriel n° 4. Juin 1995 6.862 MF Rapport trimestriel n° 8. Septembre 1995

7.192 MF Rapport trimestriel n° 9.

Décembre 1995 7.325 MF Rapport trimestriel n° 10, basé sur le CFE n° 1.

Juillet 1996 8.058 MF CFE n° 2 utilisé lors des réunions de travail avec la Direction des Routes et les Finances.

Septembre 1996

8.500 MF Rapport trimestriel n° 13, basé sur le coût d'objectif fixé par la Direction des Routes.

Fin avril 1999 soit à 15 mois de la mise en service, la quasi

totalité des dépenses est engagée et aucune augmentation du coût final estimé n'est envisagée. Le coût final de 8,5 MdF devrait être tenu.

Page 460: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 460

Le texte de la Cour semble mettre en doute les prévisions de trafic et de tarif établies par la SFTRF ; nous aimerions à ce sujet rappeler les points suivants :

1° Concernant les hypothèses de trafic

- Les prévisions initiales, utilisées pour l'établissement de la

concession, ont été établies par les services techniques de l'Etat, sans la moindre intervention de la SFTRF ;

- les premières études de trafic de la SFTRF datent de

décembre 1994, elles sont basées sur des comptages et enquêtes réalisés durant toute l'année 1994 ; le tableau suivant en rappelle les principaux résultats ;

Trafic sur l'autoroute Trafic du au début

(Aiton - St Pierre)

en fin de section 2

(St Julien - St Michel)

tunnel

VL PL VL PL VL PL Prévisions SFTRF (1994)

horizon 1998

4115 2690 2190 2360 1680 2184

horizon 2000

4332 2893 2310 2544 1851 2439

Trafic effectivement enregistré en 1998

4531 2374 2750 1768 1726 2149

Ecart avec les prévisions

+ 10 %

- 12 % + 26 %

- 25 % + 3 % - 2 %

- les prévisions de trafic de la SFTRF au tunnel du Fréjus se

sont confirmées avec une exceptionnelle précision ; celles sur l'autoroute étaient pessimistes pour les VL et optimistes pour les poids lourds ; ce dernier point s'explique par "l'inertie" des transporteurs à basculer de la RN6 à l'autoroute (actuellement 30 % des poids lourds franchissant la vallée de la Maurienne continuent à utiliser la RN6, traduisant probablement la "grogne" de ceux-ci) ; globalement on doit considérer que les prévisions de la SFTRF sont exactes pour le tunnel et décalées plutôt qu'inexactes pour l'autoroute ;

Page 461: « LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANÇAISE · La politique autoroutière française (juin 1999) 6 Cette expansion du réseau autoroutier a été rendue possible par le régime de la

Cour des comptes - rapport public particulier La politique autoroutière française (juin 1999) 461

- il est vrai que les hausses enregistrées en 1996 et 1997 ont

été plus faibles que prévu, mais ce fut l'inverse en 1994 et globalement, malgré l'évolution erratique par année, le trafic total constaté en 1998 est très proche des prévisions initiales comme expliqué ci-dessus ;

- "les études de trafic annoncées par le rapport en 1996" n'ont

pas existé ; la seule reprise des études initiales de la SFTRF est intervenue en 1998 et correspond à une mise à jour des réflexions initiales. Entre temps, seules ont pu intervenir des adaptations pour recalage des trafics sur la base des volumes constatés ;

- enfin, il est exact que les prévisions de trafic actuellement

retenues à moyen et long termes ne retiennent pas de baisse liée à la construction de tunnels de ferroutage suisses (qui n'est encore qu'une éventualité) ; par contre nos simulations financières incluent régulièrement des calculs de sensibilité correspondant à une baisse de trafic de 15 % qui pourrait être provoquée par cette ouverture de la Suisse au transport de marchandises.

2° Concernant les recettes

Elles sont effectivement plus basses que prévues par la

concession ; cette baisse est due à la décision prise par les services publics de n'augmenter les péages du tunnel que de l'inflation (éventuellement augmentée d'un point), alors que la concession prévoyait une évolution annuelle de deux points au-dessus de cette inflation.

REPONSE DU PRESIDENT DE

SCETAUROUTE

Nous n’avons pas de commentaires à faire, sauf à rappeler

que SCETAUROUTE, en tant que maître d’œuvre prestataire de services d’ingénierie auprès de ses clients, a agi dans le cadre de ses contrats, lesquels ont strictement respecté les conditions légales et réglementaires en vigueur les concernant, tant avant qu’après la loi du 29 janvier 1993, dite Loi Sapin.