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« Humanisme et Renaissance » au Musée Fabre Documents de travail à destination des enseignants désirant intégrer une visite de la Salle du Jeu Paume à leur progression d’Histoire et/ou de Lettres (Classe de Seconde Bac Pro) 1 / Liens avec le programme d’Histoire des arts. p.2 2/ La salle du Jeu de Paume : pour une première approche des œuvres. (Document professeur) p.3 3/ Un exemple de mise en œuvre avec une entrée « Histoire des arts »: Découverte des œuvres exposées dans la salle du Jeu de Paume (Classe 2 nde BAC Pro). p.13 4 / Arrêt sur image: « Du musée Fabre à la Chambre de la Signature… » p.15 5/Un texte incontournable pour un travail sur l’œuvre d’art et ses contextes de réception. p. 18 6/ Lexique : Les techniques et les supports de la peinture. p. 20

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« Humanisme et Renaissance » au Musée Fabre Documents de travail à destination des enseignants désirant intégrer une visite de la Salle du Jeu Paume

à leur progression d’Histoire et/ou de Lettres (Classe de Seconde Bac Pro)

1 / Liens avec le programme d’Histoire des arts.

p.2

2/ La salle du Jeu de Paume : pour une première approche des œuvres. (Document professeur)

p.3

3/ Un exemple de mise en œuvre avec une entrée « Histoire des arts »: Découverte des œuvres exposées dans la salle du Jeu de Paume (Classe 2nde BAC Pro).

p.13

4 / Arrêt sur image: « Du musée Fabre à la Chambre de la Signature… »

p.15

5/Un texte incontournable pour un travail sur l’œuvre d’art et ses contextes de réception.

p. 18

6/ Lexique : Les techniques et les supports de la peinture. p. 20

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1 / Liens avec le programme d’Histoire des arts - B.O. n°32 du 28 août 2008 :

« L’enseignement de l’histoire des arts se fonde sur trois piliers : les périodes historiques, les six grands domaines artistiques, la liste des thématiques. » ●Période historique : - Classe de seconde : Du XVIe s. au XVIIIe s. ●Grand domaine artistique : - Les « arts du visuel » : Arts plastiques (architecture, peinture, sculpture, dessin et arts graphiques, photographie, etc.) ; […]. ●Thématiques : 1. Champ anthropologique : Thématique : « Arts et sacré » Cette thématique invite à interroger les œuvres d’art dans leur relation au sacré, aux croyances, à la spiritualité. Piste d’étude : L’art et le divin : sa manifestation (représenter, raconter, montrer, évoquer, etc.) ; sa contestation. L’expression du sentiment religieux (recueillement, adoration, communion, émotion, extase, etc.) et sa transmission.

Thématique : « Arts, corps, expressions » Cette thématique invite à interroger les œuvres d’art comme lieux et supports d’expressions en lien avec le corps. Piste d’étude : Le corps, présentation (discipliné/libéré ; singulier/collectif ; abstrait/concret ; spiritualisé/charnel ; prosaïque/sublime ; platonique/érotique ; complet/en détail ; blasonné/en pied) et représentation (anatomies ; standards, modèles, canons ; déstructurations, défigurations). 2. Champ historique et social : Thématique : « Arts et économie » Cette thématique invite à interroger les œuvres d’art dans leur rapport au contexte économique de production et de réception. Piste d’étude : L’artiste et la société : représentations, normes, interdictions, comportements, pratiques, statuts (courtisan, protégé, banni, excommunié, maudit, etc.), modes de vie (vie de bohême, saltimbanques, divas, stars, etc.) Thématique : « Arts, mémoires, témoignages, engagements » Cette thématique invite à souligner les rapports entre l’art et la mémoire. Elle invite à explorer l’œuvre d’art comme recueil de l’expérience humaine et acte de témoignage. Piste d’étude : L’art et l’histoire : l’œuvre document historiographique, preuve, narration (peinture, sculpture, cinéma, théâtre d’histoire, littérature de témoignage, musique de circonstances…). Les figures d’artistes témoins et engagés (œuvres, destins). 4. Champ esthétique : Thématique : « Arts, artistes, critiques, publics » Cette thématique invite à replacer les œuvres d’art dans leur contexte de production et de réception et éclaire les relations qui unissent les différents acteurs de la création artistique. Piste d’étude : L’art et ses lieux d’exposition et de diffusion dédiés, détournés, ouverts, fermés, prestigieux, banals et leur impact sur la création et la réception ([…] musées, biennales, galeries […]) ; les institutions muséales comme discours de la société sur l’œuvre d’art (exposition, célébration, diffusion, vulgarisation, démocratisation, etc.)

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2/ La salle du Jeu de Paume : pour une première approche des œuvres.

Quelques notes pour une première approche des œuvres.

« Nous voyons partout les esprits des hommes adonnés à l’étude des arts libéraux et mécaniques retourner de plus en

plus à l’antiquité, et avec une extrême avidité, comme si l’on s’attendait à voir s’accomplir bientôt le cercle entier

d’une révolution. »

Nicolas de Cues, 1433.

1/ La Renaissance : révolution ou évolutions ?

RIMINI Pietro da (? RIMINI Pietro da (? RIMINI Pietro da (? RIMINI Pietro da (? Vers 1315 Vers 1315 Vers 1315 Vers 1315 ---- ? )? )? )? )

Nativité et Annonce aux bergersNativité et Annonce aux bergersNativité et Annonce aux bergersNativité et Annonce aux bergers

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : Vers 1320 Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Tempera à l’œuf et feuille d'or sur bois (peuplier) Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 20,3 ; L. 15,9 Domaine : Domaine : Domaine : Domaine : Peinture italienne XIVe siècle

RIMINI Pietro da (? RIMINI Pietro da (? RIMINI Pietro da (? RIMINI Pietro da (? Vers 1315 Vers 1315 Vers 1315 Vers 1315 ---- ? )? )? )? )

Dormition de la ViergeDormition de la ViergeDormition de la ViergeDormition de la Vierge

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : Vers 1320 Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Tempera à l’œuf et feuille d'or sur bois (peuplier) Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 20.5 ; L. 16 Domaine : Domaine : Domaine : Domaine : Peinture italienne XIVe siècle

Certes, ces deux œuvres de Rimini appartiennent à l’art du Moyen âge, mais il semble utile, voire

indispensable, de proposer aux élèves des œuvres de référence permettant de mesurer les évolutions, les

innovations connues par l’art à la Renaissance.

Ces deux œuvres proviennent d’un retable démembré (prédelle ?). Dans un premier temps, elles ont été

attribuées à Giotto en raison de la monumentalité des figures.

Dans les œuvres de Giotto (1266-1337, Florence) s’expriment un désir accru de naturalisme, une conception

plus humaine de la peinture sacrée ; le peintre adopte une figuration plus réaliste.

Maintenant attribuées à Pietro da Rimini, actif de 1315 à 1333, un « primitif », ces deux œuvres se situent

entre tradition byzantine et révolution giottesque.

Rimini perpétue le fond d’or, héritage de la peinture byzantine ; ce fond doré exalte l’intemporel propre à

l’imaginaire médiéval. De plus, les œuvres représentent plusieurs lieux sur une même surface. Cette représentation

de l’espace est encore éloignée de la conception d’Alberti qui, dans son De pictura de 1435, insiste sur la compositio

c’est-à-dire la hiérarchisation d’éléments interdépendants qui s’agencent harmonieusement pour former un tout.

[La compositio est à mettre en écho avec la fascination pour la période latine, phrase harmonieuse.] Rimini est

encore dans un système de représentation mnémonique alors que les peintres de la Renaissance, avec Alberti,

rechercheront un système rhétorique. Par ailleurs, Rimini confère un certain hiératisme à ses personnages.

Toutefois, plusieurs éléments de ces œuvres permettent de dire que les œuvres de la Renaissance sont bien

le fruit d’évolutions et non d’une révolution : perspective du toit de la crèche, réalisme du groupe des bergers,

volume des drapés, expression pensive de saint Joseph.

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Ainsi, la Renaissance picturale se prépare par un abandon progressif de l’idéalisme et du transcendantalisme

médiévaux en faveur de l’imitation de la nature… [Mimesis chère aux artistes de la Renaissance]

2/ Un genre renaissant : le portrait, évolutions et fonctions.

La théorie de Burckhardt : les conditions politiques de l’Italie au quattrocento sont favorables à l’émergence

de l’individualisme moderne.

On a souvent fait une mauvaise interprétation de sa théorie. Pour lui, l’individualisme est l’idée d’une

construction de soi conduisant à la célébrité et non, comme pour nous, à la conscience de soi. Burckhart souligne :

- la multiplication des signatures et des autoreprésentations,

- la multiplication des espaces architecturaux privés (le studiolo ou la chambre individuelle) ou d’objets de l’intime

(miniatures, images érotiques…),

- l’écriture de soi devient plus fréquente et les libri di ricordanze (livres de souvenirs) qui enregistraient l’histoire

généalogique se multiplient…

Mais cette théorie est remise en cause par les médiévistes qui démontrent que le regard réflexif sur soi

trouve ses racines dans la théologie du XIIIème

siècle qui, elle-même, donna naissance à la devotio moderna.

2.1. Portrait et affirmation de l’individu.

GHIRLANDAIO Domenico (Florence GHIRLANDAIO Domenico (Florence GHIRLANDAIO Domenico (Florence GHIRLANDAIO Domenico (Florence 1449 1449 1449 1449 ---- Florence 14 janvier 1494)Florence 14 janvier 1494)Florence 14 janvier 1494)Florence 14 janvier 1494)

Portrait de jeune hommePortrait de jeune hommePortrait de jeune hommePortrait de jeune homme

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : XVe siècle Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Détrempe sur bois Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 53 ; L.39 Domaine : Domaine : Domaine : Domaine : Peinture italienne XVe siècle

GHIRLANDAIO Domenico GHIRLANDAIO Domenico GHIRLANDAIO Domenico GHIRLANDAIO Domenico (Florence 1449 (Florence 1449 (Florence 1449 (Florence 1449 ---- Florence 14 Florence 14 Florence 14 Florence 14 janvier 1494)janvier 1494)janvier 1494)janvier 1494)

Portrait de jeune femmePortrait de jeune femmePortrait de jeune femmePortrait de jeune femme

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : XVe siècle Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Détrempe sur bois Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 52 ; L. 39.5 Domaine : Peinture italienne XV

e siècle

BRESCIANINO Andrea del BRESCIANINO Andrea del BRESCIANINO Andrea del BRESCIANINO Andrea del

Portrait de jeune hommePortrait de jeune hommePortrait de jeune hommePortrait de jeune homme

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : 1510 - 1515 Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Huile sur bois Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 63 ; L. 52 Domaine : Domaine : Domaine : Domaine : Peinture italienne XVIe siècle

L’individualisation des catégories linguistiques, résultat du travail des humanistes sur les textes antiques,

entraîne, dans le domaine de l’esthétique, la mise en place de catégories distinctes. La fréquentation des

manuscrits, la critique textuelle, la philologie accentuent chez les humanistes et les artistes la conscience de la

diversité des hommes et de la singularité de chacun d’entre eux.

Par ailleurs les Grandes découvertes, le retour à l’antiquité modifient le regard porté sur l’homme et le

monde ; les humanistes s’interrogent sur la place de l’homme dans l’univers.

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Ainsi, le portrait devient un sujet à part entière ; c’est le premier genre pictural à se laïciser.

Le profil du portrait de jeune femme n’est pas sans rappeler ceux des médailles antiques et on peut y voir

un écho de la réhabilitation de l’Antiquité perçue comme une période idéale. Mais, c’est la comparaison avec le

portrait du jeune homme qui présente un réel intérêt pour notre sujet. En effet, les progrès du modelé et de la

perspective permettent une représentation de trois quarts.

Dans ces deux œuvres il est intéressant de remarquer les deux types de perspectives mis en œuvre par

l’artiste (perspective linéaire de la loggia, perspective atmosphérique du paysage). [Question du problème de la

perception de l’espace et de sa reproduction sur une surface plane : voir Filippo Brunelleschi (1377-1446) qui fonde

les principes de la perspective scientifique codifiée par Alberti dans son De pictura (1435).]

La troisième œuvre quant à elle permet de souligner une autonomisation du portrait: se détachant sur un

fond uni, l’homme est le seul sujet de la représentation. [On peut également noter, la couleur des vêtements : le

noir est une couleur à la mode, une couleur luxueuse (difficile à obtenir) mais également une couleur vertueuse,

éthique. (Voir ouvrage de Pastoureau sur le noir : il évoque l’influence de l’imprimerie – diffusion du livre et de

l’image gravée → goût pour le noir + rôle de la Réforme protestante).]

2.2. Portrait et pouvoir.

SANCHEZ COELLO Alonso (La Alqueria Blanca Vers 1531 SANCHEZ COELLO Alonso (La Alqueria Blanca Vers 1531 SANCHEZ COELLO Alonso (La Alqueria Blanca Vers 1531 SANCHEZ COELLO Alonso (La Alqueria Blanca Vers 1531 ---- Madrid Madrid Madrid Madrid Vers 1590)Vers 1590)Vers 1590)Vers 1590)

Portrait de jeune princePortrait de jeune princePortrait de jeune princePortrait de jeune prince

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : 2e moitié du XVIe siècle Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Huile sur toile Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 55 ; L. 43.5 Domaine : Peinture espagnole XVI

e siècle

Le portrait a une fonction essentiellement célébrative ou commémorative.

Voir exposition « Cranach et son temps » sur la fonction du portrait : diffusion de l’image du prince pour assurer sa

domination.

2.3. De l’artisan à l’artiste.

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SALVIATI Francesco (Florence 1510 SALVIATI Francesco (Florence 1510 SALVIATI Francesco (Florence 1510 SALVIATI Francesco (Florence 1510 ---- Rome 1563)Rome 1563)Rome 1563)Rome 1563)

Portrait d'un sculpteurPortrait d'un sculpteurPortrait d'un sculpteurPortrait d'un sculpteur

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : 1540 - 1550 Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Huile sur ardoise Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 72 ; L. 55.5 Domaine : Domaine : Domaine : Domaine : Peinture italienne XVIe siècle

Les théologiens médiévaux ne parlaient presque jamais des arts, et encore moins des artistes, mais

seulement de l’art comme abstraction et expression de la beauté divine. A partir du XVème

siècle, on commence à

éprouver de l’admiration pour ceux qui, des murs muets et des boiseries de retables, tirent des œuvres à même de

rivaliser avec la réalité.

L’intérêt pour l’art est tel que l’influent Baldassare Castiglione recommande aux courtisans l’apprentissage

du dessin pour compléter leur formation artistique et musicale (Le Courtisan, 1528).

Léonard de Vinci prend part à l’antique controverse de la division entre les « arts mécaniques », c’est-à-dire

manuels, et les « arts libéraux » ou arts de l’esprit et qui se composait du trivium préparatoire (grammaire,

rhétorique et dialectique) et du quadrivium (arithmétique, géométrie, astronomie et musique) auxquels venait

s’ajouter une formation philosophique. Ni l’architecture, ni la peinture, ni la sculpture n’étaient admises parmi les

arts libéraux car leurs auteurs se servaient de leurs mains… Cependant, les artistes de la Renaissance, en dépit de

leurs origines modestes, côtoient les philosophes, les écrivains, les mathématiciens… et pensent que la pratique de

leur art est aussi libérale que celle de la poésie ou de la musique. Ils s’appuient sur Vitruve qui, dans son traité De Architectura, prétendait que l’architecte, en vertu de sa formation théorique, méritait d’être considéré comme un

artiste libéral.

« Je désire que le peintre connaisse tout ce qu’il est possible d’apprendre des arts libéraux, mais avant tout

qu’il soit versé dans la géométrie ». (Alberti)

[On peut citer pour illustrer ce passage de l’artisan à l’artiste : le surnom de Michel Ange, « il divino », la

figure christique d’un autoportrait de Dürer, le fait que Titien est fait comte palatin par Charles Quint et la naissance

d’une histoire de l’art avec Vasari.]

Cependant, les artistes ne peuvent exercer que dans un système de patronage qui lie un individu (un

supérieur) à un autre (un inférieur) dans une relation réciproque d’allégeance et de soutien. Ce système dérive du

monde médiéval et des relations féodales. Dans le monde de la Renaissance, le rapport patron-client est inscrit au

cœur de la production culturelle. Le patron de l’artiste pouvait financer la production, fournir une pension

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permanente ou encore une position à la cour à celui-ci et le patronage des grands offrait une certaine protection.

Pour les princes, s’entourer d’artistes devenait de plus en plus nécessaire dans la course au prestige qui animait les

cours.

Portrait d’un sculpteur est une œuvre intéressante : l’artiste et son œuvre sont le sujet de l’œuvre (� Moyen

âge où l’œuvre seule importe – dans les inventaires les noms des auteurs ne figurent presque jamais). L’œuvre : un

Adam d’argile ?

A mettre en // avec le texte de Marsile Fircin, fondateur du néoplatonisme :

« Le pouvoir humain est presque égal à la nature divine, ce que Dieu crée dans le monde par la pensée,

l’esprit humain le conçoit dans l’acte intellectuel, l’exprime par le langage, l’écrit dans ses livres, le représente par ce

qu’il édifie […] L’Homme est le dieu de tous les êtres matériels ; il les traite, les modifie, les transforme […] Qui

pourrait nier qu’il possède le génie créateur ? ».

3/ L’introduction du profane dans le sacré.

3.1. Des vierges de plus en plus humanisées.

SER GIOVANNI Giovanni di dit Lo Scheggia SER GIOVANNI Giovanni di dit Lo Scheggia SER GIOVANNI Giovanni di dit Lo Scheggia SER GIOVANNI Giovanni di dit Lo Scheggia (San Giovanni Valdarno 1406 (San Giovanni Valdarno 1406 (San Giovanni Valdarno 1406 (San Giovanni Valdarno 1406 ---- Florence 1486)Florence 1486)Florence 1486)Florence 1486)

Vierge à l'enfantVierge à l'enfantVierge à l'enfantVierge à l'enfant

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : XVe siècle Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Détrempe sur bois Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 57 ; L. 41 Domaine : Peinture italienne XV

e siècle

PULIGO Domenico (Florence 1492 PULIGO Domenico (Florence 1492 PULIGO Domenico (Florence 1492 PULIGO Domenico (Florence 1492 ---- Florence Florence Florence Florence 1527)1527)1527)1527)

Vierge à l'Enfant et saint JeanVierge à l'Enfant et saint JeanVierge à l'Enfant et saint JeanVierge à l'Enfant et saint Jean----BaptisteBaptisteBaptisteBaptiste

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : XVIe siècle Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Huile sur bois Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 58 ; L. 42.5 Domaine : Peinture italienne XVI

e siècle

La lecture comparée de ses deux vierges est intéressante à plusieurs titres. En effet, elle permet de souligner

des évolutions dans la représentation du sacré à la Renaissance ; évolutions s’expliquant, en partie, par la place

accordée alors à l’Incarnation.

La première vierge, celle de Ser Giovanni, ne présente aucun détail anecdotique, s’inscrit dans rigoureuse

perspective linéaire, conserve une sorte d’hiératisme hérité de la tradition médiévale et apparaît dans toute sa

majesté. L’œuvre de Puligo est une vierge d’humilité [motif qui naît au milieu du XIVème

siècle dans la mouvance

franciscaine], en mouvement, humaine et s’inscrivant dans un paysage terrestre.

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De La Vierge et l'Enfant de Ser Giovanni au mouvement dans la Vierge à l’Enfant et saint Jean-Baptiste de Puligo.

Dans La Vierge et l’Enfant de Ser Giovanni, le corps semble encore une enveloppe hiératique, étrangère à

l'anatomie et au caractère organique de ses mouvements. Il est vrai que les figures montrent une certaine mobilité,

légère inclinaison de la tête de la Vierge par exemple, mais n'expriment pas la tension dynamique de l'organisme

vivant.

Toutefois, Ser Giovanni remet en cause la distribution que les peintres, avant le XVème

siècle, ne

transgressaient presque jamais. Les personnages étaient strictement cantonnés à l'espace de la représentation. En

effet, ils étaient alignés en frise, enfermés dans un rectangle imaginaire dont la direction générale verticale était

celle du support. Ainsi, l'œuvre représentait un espace en deux dimensions. Dans cette œuvre, le peintre inscrit la

Vierge et l’Enfant dans une stricte perspective linéaire donnant de la profondeur à la représentation.

Seul l'intérêt progressif de la Renaissance pour la nature, l'anatomie et le travail de l'artiste d'après modèle

vivant substituent au hiératisme médiéval le véritable mouvement des membres. Dans la Vierge à l’Enfant et saint Jean-Baptiste de Puligo, la Vierge est animée d'un gracieux mouvement dans lequel sont contenus toute la douceur

et tout l'amour qu'elle porte à son fils. Son geste anime l'étoffe de sa robe, « la draperie [est] arrangée de manière à

ne pas sembler inhabitée» (Léonard de Vinci). Léonard de Vinci, par exemple, souligne l'importance qu'il accorde au

mouvement en écrivant: « Le bon peintre a essentiellement deux choses à représenter: le personnage et l'état de

son esprit. La première est facile, la deuxième est difficile, car il faut y arriver au moyen des gestes et des

mouvements des membres ». (Traité de la peinture) Mais comment envisager le mouvement dans un espace en deux dimensions? La fidélité dans la

ressemblance, le naturalisme, qui implique l'étude de l'anatomie, de la physiologie et de la physionomie, n'est

assurée que lorsque l'artiste applique les lois de la perspective à la construction de l'espace. La perspective

géométrique ou linéaire, plaçant le spectateur au centre de l'univers de l'œuvre, comme le fait la philosophie

néoplatonicienne, se développe à la Renaissance. Elle permet la construction de proportions harmonieuses à

l'intérieur de la représentation en fonction de la distance, tout cela étant mesuré par rapport à la personne qui

regarde, le spectateur. Mais dans La Vierge à l'Enfant et saint Jean-Baptiste, Puligo n'utilise pas la perspective

géométrique ou linéaire. En effet, il lui préfère la perspective dite atmosphérique ou aérienne dont Alberti donne la

définition: «Je crois que la cause de ce phénomène provient du fait que les rayons du soleil, en traversant l'épaisseur

de l'atmosphère, perdent un peu de leur luminosité et de leur couleur. De ce fait nous tirons la règle suivante: plus

grande est la distance et moins lumineuse paraîtra la surface observée ».

De la Vierge en majesté de Ser Giovanni à la Vierge terrestre de Puligo

Ser Giovanni représente une vierge en majesté, probablement assise sur un trône et auréolée. Elle est placée

au centre d’une composition symétrique et son importance est soulignée par sa taille.

Puligo , dans La Vierge à l’Enfant et saint Jean-Baptiste, offre une toute autre représentation de la Vierge. En

effet, c’est une vierge d’humilité, assise à même le sol. Elle est en compagnie de saint Jean-Baptiste. L'humanité de la

Vierge est ainsi soulignée. Nous pourrions aussi remarquer l'absence d'auréole ou de tout autre signe de sainteté.

L'enfant Jésus, quant à lui, est représenté sous les traits d'un petit enfant, poupon, tendrement lové contre sa mère.

Enfin, le peintre remplace le fond architecturé par un paysage naturel, terrestre. Si la peinture de la Renaissance

accepte les limites du monde terrestre, il est logique de remplacer le fond doré ou le fond architecturé par le bleu du

ciel, l'ocre des montagnes...

Par ailleurs, dans La Vierge à l'Enfant de Ser Giovani, seules quelques ombres portées des vêtements

donnent du relief, les visages paraissent encore bien lisses. C’est à la fin du Moyen-âge que l'invention du clair-

obscur donne du modelé, de la matière corporelle. La théologie de Saint François, au XIIIème

siècle, explique en partie

cette évolution. Il célèbre la création divine et incite les fidèles à admirer le monde et à profiter des bienfaits

prodigués par Dieu pendant leur temps de vie au lieu de prôner le dédain du corps et des jouissances terrestres. Au

XVème

siècle, se développe également une argumentation plaçant l'homme dans un monde physiquement et

métaphoriquement partagé entre lumière et ombre. Au début du XVIème

siècle, le traité de Charles de Bovelle,

secrétaire de Lefèbvre d'Etaples, Le Livre du Sage souligne cette double nature de l'homme. Enfin, se multiplient les

recherches sur l'optique et au XVlème

siècle sont édités des textes analysant la manière de peindre correctement les

ombres. Le clair-obscur fait de l'image non plus un signe mais une réplique exacte de la réalité. La Vierge de Puligo

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apparaît comme une femme, une mère, et la croix, portée par saint Jean-Baptiste, est là pour nous rappeler que le

Christ est né pour souffrir dans sa chair, que le Verbe s’est fait homme.

3.2. Une représentation du religieux dans un espace laïc.

Maître de DreuxMaître de DreuxMaître de DreuxMaître de Dreux----Budé (André d'Ypres?) Budé (André d'Ypres?) Budé (André d'Ypres?) Budé (André d'Ypres?)

La Résurrection du Christ avec trois La Résurrection du Christ avec trois La Résurrection du Christ avec trois La Résurrection du Christ avec trois donatrices, Jeanne Peschard et ses filles donatrices, Jeanne Peschard et ses filles donatrices, Jeanne Peschard et ses filles donatrices, Jeanne Peschard et ses filles

Jacquette et Catherine, présentées par sainte Jacquette et Catherine, présentées par sainte Jacquette et Catherine, présentées par sainte Jacquette et Catherine, présentées par sainte CatherineCatherineCatherineCatherine

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : Vers 1454 Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Huile sur bois Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 48.5 ; L. 30.5 Domaine : Domaine : Domaine : Domaine : Peinture flamande XVe siècle / Peinture française

Maniériste anversois (Maître de 1518 ?) Maniériste anversois (Maître de 1518 ?) Maniériste anversois (Maître de 1518 ?) Maniériste anversois (Maître de 1518 ?)

La VisitationLa VisitationLa VisitationLa Visitation

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : 1510 - 1520 Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Huile sur bois Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 121 ; L. 74 Domaine : Peinture flamande XVI

e siècle

Ces deux œuvres peuvent retenir notre attention pour plusieurs raisons :

Dans La Résurrection du Christ avec trois donatrices, Jeanne Peschard et ses filles Jacquette et Catherine, présentées par sainte Catherine, l’homme apparaît dans une scène religieuse sous les traits de la famille du

commanditaire. Jeanne Peschard et ses filles sont agenouillées, les mains jointes devant le Christ ressuscité. Par

ailleurs, la scène s’inscrit dans un paysage terrestre. Il est important de souligner que ce tableau était certainement

destiné à la chapelle familiale dédiée à saint Christophe (Eglise Saint Gervais à Paris) [Volet droit d’un triptyque

figurant au centre la crucifixion et sur le volet gauche Arrestation du Christ]. (// nouvelle peinture nordique avec Jan

Van Eyck(inventeur de la peinture à l’huile ?) en tout cas utilisation nouveaux liants, nuances, transparences)

Cette œuvre montre également une évolution des peintres du Nord vers un « art renaissant » vers 1500 avec

la multiplication des contacts avec l’art italien et la diffusion des idées humanistes. Le voyage à Rome menant à un

art mêlant manière italienne et tradition locale.

La Visitation, œuvre d’un maniériste anversois témoigne de cette rencontre entre la tradition flamande et

l’invention décorative italienne. [Noter l’actualisation des costumes + les éléments architecturaux à l’arrière-plan :

élément gothiques + éléments renaissants]

3.3. Pitiés et représentations du divin.

Jugement dernier de Michel-Ange (1541) = emblématique période de doute et de réaction (face aux progrès de la

Réforme) – Copie de Le Voyer – atmosphère tragique.

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ORSI Lelio (Reggio 1511 ORSI Lelio (Reggio 1511 ORSI Lelio (Reggio 1511 ORSI Lelio (Reggio 1511 ---- Novellara 1587)Novellara 1587)Novellara 1587)Novellara 1587)

Le Christ au roseauLe Christ au roseauLe Christ au roseauLe Christ au roseau

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : XVIe siècle Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Huile sur toile Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 70.5 ; L. 62.5 Domaine : Domaine : Domaine : Domaine : Peinture italienne XVIe siècle

CALIARI Paolo VERONESE (Vérone 1528 CALIARI Paolo VERONESE (Vérone 1528 CALIARI Paolo VERONESE (Vérone 1528 CALIARI Paolo VERONESE (Vérone 1528 ---- Venise 1588)Venise 1588)Venise 1588)Venise 1588)

Le mariage mystique de sainte CatherineLe mariage mystique de sainte CatherineLe mariage mystique de sainte CatherineLe mariage mystique de sainte Catherine

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : 1560 - 1565 Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Huile sur toile Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 130.5 ; L. 130 Domaine : Domaine : Domaine : Domaine : Peinture italienne XVIe siècle

Le Christ au roseau : Il s’agit d’une œuvre de petit format certainement conçue pour un intérieur domestique,

caractéristique des images de dévotion qui se multiplient dès le XVème

siècle avec le développement d’une piété plus

individuelle [devotio moderna]. Elles constituent alors des supports pour la prière et la contemplation du divin.

Le Christ est représenté légèrement de trois quarts, couronné d’épines, avec le roseau de la flagellation et, à

l’arrière plan, la croix. On appelle ce type d’œuvre arma christi. Le cadrage, celui d’un portrait, permet de concentrer

l’attention sur le visage du Christ. C’est un homme de chair et de douleur qui est représenté.

Cette œuvre, bien que caractéristique du mouvement de la contre-réforme, se fait l’écho des idées

d’Erasme. Pour Erasme il faut se plonger dans l’Ecriture sainte, source vive de toute attitude et de toute pensée

chrétienne. Personne n’est jamais étranger au message du Rédempteur et par là « tous aussi peuvent être

théologien ». Ainsi, il faut privilégier une religiosité centrée sur l’intérieur et Erasme rêve d’un nouveau genre de

fidèles qui ne se contraindraient pas à des cérémonies mais qui adoreraient Jésus dans leur cœur.

Le mariage mystique de sainte Catherine : Cette œuvre de Véronèse est bien différente, quant à ses

dimensions mais également sa destination, de celle d’Orso. Il s’agit ici d’un tableau d’autel (�retable) qui reprend la

légende de sainte Catherine dont l’histoire a été rapportée par les croisés (supplice de la roue). La composition

dérive des conversations sacrées du Titien.

Dans cette œuvre, il convient de souligner l’importance accordée à la couleur. Pour les peintres vénitiens la

couleur est considérée comme le moyen premier et presque unique de composer (� peintres florentins qui insistent

sur la primauté du disegno). La notion de colorito désigne aussi bien les effets produits par la couleur (sensualité,

épaisseur) que la manière dont elle est appliquée.

L’œuvre de Véronèse, représentant un épisode de la vie d’une sainte, peut être considérée comme une

réponse, une réaction chromophile de la réforme catholique, à la guerre faite aux couleurs vives ou trop voyantes

par les Réformateurs. [ Chromoclasme - voir attitude des Réformés contre sanctuaires trop richement décorés –

Rome grande prostituée vêtue de pourpre…] [Apporter infos sur question de l’iconoclasme – prendre exemple de

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Cranach et position de Luther par rapport à l’image : primauté du verbe mais pas rejet de l’image quand elle ne

devient pas objet de vénération mais seulement médiation] [Attitude plus radicale de Calvin].

Avec cette œuvre, on perçoit le glissement vers l’art baroque.

4/ Maniérisme et fin du rêve humaniste.

Florence début XVIème

siècle : naissance de la maniera moderna qui sera la référence du maniérisme

4.1. L’allégorie : concilier retour à l’Antiquité et religion.

COUSIN Jean leCOUSIN Jean leCOUSIN Jean leCOUSIN Jean le Père (Soucy 1490 Père (Soucy 1490 Père (Soucy 1490 Père (Soucy 1490 ---- Paris 1560)Paris 1560)Paris 1560)Paris 1560)

Allégorie de la CharitéAllégorie de la CharitéAllégorie de la CharitéAllégorie de la Charité

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : 1540 - 1550 Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Huile sur bois Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 123 ; L. 101 Domaine : Domaine : Domaine : Domaine : Peinture française XVIe siècle

-Les Guerres d’Italie : artistes italiens en France vers 1530 à Fontainebleau.

= réalisations de Rosso Fiorentino, Primatice ou Nicolo dell’Abate = 1ère

école de Fontainebleau

Cette toile de Jean Cousin se rattache au maniérisme international :

- art savant, raffiné,

- Inspiration nus antiquisants, coloris acides,

- goût pour l’allégorie.

[Voir Charité d’Andrea del Sartro, peinte pour François Ier

qui est à l’origine de la divulgation en France de

l’iconographie italienne de la vertu chrétienne de la charité qui symbolise l’amour de Dieu et l’amour du prochain]

Question : Comment peindre avec le nouveau répertoire de thèmes, inspirés de l’Antiquité, sans pour autant effacer

iconographie chrétienne ? Comment concilier religion chrétienne et humanisme ?

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Dans l’Europe d’Erasme se consacrer aux thèmes et aux formes du monde païen n’est pas possible sans une

justification sincère du point de vue religieux. Il fallait neutraliser les assertions inacceptables pour un chrétien en

utilisant l’allégorie [Valeurs éthiques].

4.2. Le maniérisme ou la transition vers le Baroque.

ALLORI Alessandro (Florence 1535 ALLORI Alessandro (Florence 1535 ALLORI Alessandro (Florence 1535 ALLORI Alessandro (Florence 1535 ---- Florence 1607)Florence 1607)Florence 1607)Florence 1607)

Vénus et l'AmourVénus et l'AmourVénus et l'AmourVénus et l'Amour

Date de Création : Date de Création : Date de Création : Date de Création : Après 1570 Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Matière et Technique : Huile sur bois Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): Dimensions (en cm): H. 181 ; L. 261 Domaine : Peinture italienne XVI

e siècle

- Style raffiné devant beaucoup à Michel-Ange,

- Torsion des corps, poses peu vraisemblables, allongements, crispations des mains, couleurs acides…

= l’art devient une abstraction qui ignore la réalité : la peinture n’est plus basée sur l’étude du réel mais se soumet à

l’idée du peintre.

Certains historiens voient dans le maniérisme un échec de l’humanisme ; ce dernier se replie au même moment sur

la philologie et déserte le monde ; le rêve humaniste est brisé (// guerres de religion).

3/ Un exemple de mise en œuvre avec une entrée histoire des arts:

Découverte des œuvres exposées dans la salle du Jeu de Paume (Classe 2nde BAC Pro).

La visite organisée au musée Fabre se déroule en aval de deux séquences, une séquence d’histoire et une séquence de lettres. Les élèves, en autonomie, complètent une grille permettant une première lecture des œuvres présentées dans la salle du Jeu de Paume (voir grille commentée page 14). Ensuite, une rapide mise en commun permet de mettre en lumière des points comme la dimension européenne de la Renaissance, la diversification, l’évolution des techniques, des supports (détrempe, huile, sur bois, sur toile…), la forte présence d’œuvres religieuses mais également l’apparition d’œuvres aux sujets profanes…

Séquence d’histoire: Sujet d’étude: Humanisme et Renaissance.

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Situation (ou étude de cas): Léonard de Vinci et la représentation du corps humain. Lettres: Sujet d’étude: Des goûts et des couleurs: discutons-en. Interrogations: - Les goûts d’une génération sont-ils meilleurs que ceux des générations qui précédent ? - Comment faire partager ses goûts dans une démarche de dialogue et de respect ? Objectif: Construire une appréciation esthétique à travers un échange d’opinions, en prenant en compte les goûts d’autrui.

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4 / Arrêt sur image: Du musée Fabre à la Chambre de la Signature…

Il est possible de construire une séance d’histoire ayant comme point de départ une œuvre du musée Fabre: Homme penché en avant de Raphaël. L'étude de ce dessin présente un intérêt certain pour le sujet « Humanisme et Renaissance »:

- travail de l'artiste: choix de la pose, anatomie..., - présence d'un texte poétique en italien faisant référence aux idées néo-platoniciennes, - possibilité de contextualiser l'œuvre dans le programme iconographique de la Chambre de la Signature en utilisant, entre autres, le site internet des musées du Vatican : http://mv.vatican.va/. Ce travail de contextualisation offre la possibilité d’aborder des œuvres majeures de la Renaissance italienne, trop souvent étudiées hors du programme iconographique dans lequel elles s’inscrivent. En effet, étudier isolément l’École d’Athènes risque de conduire à une vision incomplète, voire biaisée, de la Renaissance et des idées qui l’animaient. L'œuvre:

Cette admirable étude, donnée par François-Xavier Fabre au musée en 1825, se rattache à un des décors les plus célèbres de la haute

Renaissance à Rome : La Dispute du Saint Sacrement, première fresque exécutée par Raphaël dans la Chambre de la Signature (1508-1511). L’Eglise

triomphante et l’Eglise militante contemplent le mystère de l’Eucharistie, miracle par excellence, lien entre ciel et terre. Dans la partie basse qui

correspond à « l’étage » terrestre seuls quelques personnages peuvent être identifiés : Fra Angelico, en habit de dominicain, Bramante appuyé sur

la balustrade, saint Grégoire le Grand sous les traits de Jules II, saint Jérôme, saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, le pape Innocent III et saint

Bonaventure, le poète Dante et le prédicateur Savonarole.

Une quarantaine d’études sont conservées pour La Dispute, qui montre le long processus de décantation qui aboutira à l’architecture

finale, majestueuse et concise, manifestation visible de la civitas Dei, en présence des fondateurs divins et humains de l’Eglise. Notre étude se

rattache à la figure d’homme s’appuyant sur le parapet, au premier plan à droite de la composition. Il s’agit d’un homme jeune qui n’a pu être

identifié avec aucun personnage précis mais que l’on désigne parfois comme « le sectaire ». A l’aide d’un trait de plume vigoureux, l’artiste a

observé son modèle, au visage caractérisé, les cheveux repris dans une sorte de turban. L’attitude traduit bien l’intensité psychologique du

personnage qui tente de se projeter avec ferveur en avant de la scène afin de ne rien perdre de l’événement sacré dont il est le témoin. L’étude au

verso de la feuille propose une variante dans la position de la main droite ; peu en accord avec le raccourci du buste et de la tête, elle devait

suggérer un geste lié à la figure voisine (Denys l’Aéropagite) mais n’a pas été retenue. […] ces études puissantes et énergiques laissent transparaître

l’influence de Michel-Ange qui travaillait au même moment à la voûte de la chapelle Sixtine.

Le poème en italien reflète les idéaux platoniciens en vogue à la cour de Jules II :

SANZIO, Raffaello Dit RAPHAEL (Urbino, 1483 - Rome, 1520) (dessinateur) Homme penché en avant (étude pour "La dispute du Saint Sacrement") Plume, encre brune, sur premier tracé à la pointe de plomb, traits de stylet, pierre noire pour le croquis H. 0,398 ; L. 0,258 Don François-Xavier Fabre, 1825 Inv. : 825.1.275

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La Chambre de la Signature (1508-1511): La Chambre de la Signature renferme les plus célèbres fresques de Raphaël, marquant l’épanouissement de sa carrière au Vatican et l’éclat de la Renaissance. La Chambre prend son nom de la “Segnatura Gratiae et Iustitiae”, le plus haut degré de juridiction du Saint-Siège. Le tribunal, présidé par le pape, se réunissait dans cette salle vers la moitié du XVIe siècle. C’était, au départ, le cabinet du travail et la bibliothèque de Jules II (pape de 1503 à 1513) et le programme iconographique des fresques, exécutées entre 1508 et 1511, est lié à cette fonction. Il fut certainement établi par un théologien et se propose de représenter les trois plus hautes catégories de l’esprit humain : le Vrai, le Bien et le Beau. Le Vrai surnaturel est illustré par la Dispute du Très Saint Sacrement (ou la théologie), le vrai rationnel par l’Ecole d’Athènes (ou la philosophie) ; le Bien est représenté par les Vertus Cardinales et Théologales et par la Loi tandis que le Beau est représenté par le Parnasse avec Apollon et les Muses. Les fresques de voûte se rapportent aux scènes situées au-dessous. En effet, les représentations allégoriques de la Théologie, la Philosophie, la Justice et la Poésie se réfèrent aux facultés de l’esprit peintes sur les murs respectifs. Sous Léon X (1513 à 1521) la salle fut transformée en cabinet de travail et en salle de musique, dans laquelle le pape conservait sa collection d’instruments musicaux. L’ameublement original remontant au pontificat de Jules fut remplacé par un nouvel ameublement en bois exécuté par Fra Giovanni da Verona. Il s’étendait sur tous les murs sauf celui du Parnasse où la décoration, faute d’espace, fut réalisée à l’aide de fresques conservées jusqu’à nos jours. Le revêtement en bois fut probablement détruit en 1527 durant le Sac de Rome et remplacé sous le pontificat de Paul III (1534 à 1549) par une plinthe en clair-obscur de Perin del Vaga. Dispute du Très Saint SacrementDispute du Très Saint SacrementDispute du Très Saint SacrementDispute du Très Saint Sacrement En face de l’Ecole d’Athènes, sur le mur correspondant à la Théologie se trouve la fresque de la Dispute du Très Saint Sacrement, que l’on pourrait appeler Triomphe de la Religion. Aux côtés de la Très Sainte Trinité (avec Dieu le Père, le Christ entre la Sainte Vierge et Saint Jean Baptiste et le Saint Esprit au centre) se dispose l’Eglise Triomphante, avec les patriarches et les prophètes de l’Ancien Testament alternés aux apôtres et martyrs, assis en hémicycle sur les nuages. Les personnages sont (de gauche à droite pour le spectateur) : Saint Pierre, Adam, Saint Jean l’Evangéliste, David, Saint Laurent, Judas Macchabée ( ?), Saint Etienne, Moïse, Saint Jacques le Majeur, Abraham, Saint Paul. Sur terre, au pied de l’autel sur lequel domine le Très Saint Sacrement, se dispose l’Eglise Militante. Les quatre Pères de l’Eglise latine sont assis sur des trônes en marbre près de l’autel : Saint Grégoire le Grand (sous les traits de Jules II), Saint Jérôme, Saint Ambroise et Saint Augustin. Certains ont la physionomie de personnages historiques : le pape situé le plus à droite a les traits de Sixte IV (oncle de Jules II), Dante Alighieri est derrière lui, le religieux à l’extrême gauche est Fra Angelico. Ecole d'AthènesEcole d'AthènesEcole d'AthènesEcole d'Athènes

Une grandiose architecture renaissance, inspirée du projet de Bramante pour la rénovation de la basilique paléochrétienne de Saint Pierre, sert de cadre à une représentation dynamique dans laquelle évoluent les grands philosophes de l’Antiquité. Certains sont facilement reconnaissables : au centre Platon, sous les traits de Léonard de Vinci, qui pointe son doigt vers le ciel en tenant son livre, le Timée, à la main. A côté de lui, Aristote avec l’Ethique. Pythagore est au premier plan, en train d’expliquer son théorème sur son livre. Diogène est allongé sur les marches, avec son fol, tandis qu’Héraclite, le philosophe pessimiste, appuyé à un bloc de marbre, est représenté sous les traits de Michel-Ange qui, à l’époque, travaillait à la Chapelle Sixtine, non loin de là. Sur la droite, nous reconnaissons Euclide en train d’enseigner la géométrie à ses élèves, Zarathoustra avec son globe céleste et Ptolémée avec son globe terrestre. Enfin, le personnage au béret noir, tout à fait à droite, est un autoportrait de Raphaël. Vertus Cardinales et Théologales et la LoiVertus Cardinales et Théologales et la LoiVertus Cardinales et Théologales et la LoiVertus Cardinales et Théologales et la Loi En face du Parnasse sur le mur correspondant à la Justice, les Vertus Cardinales (Courage, Prudence, Tempérance) et Théologales (Foi, Espérance, Charité) sont représentées dans la lunette du haut. Au-dessous, de part et d’autre de la fenêtre : la Remise des Pandectes à l’empereur Justinien (à gauche) et la Remise des Décrétales au pape Grégoire IX. Le souverain pontife a les traits du commettant Jules II (pape de 1503 à 1513). Autour de lui, les cardinaux Jean de Médicis et Alexandre Farnèse, les futurs papes Léon X (pape de 1513 à 1521) et Paul III (pape de 1534 à 1549). La Remise des Pandectes à l’empereur Justinien est de Lorenzo Lotto. ParnasseParnasseParnasseParnasse Sous la Poésie se trouve une représentation du Mont Parnasse où le Dieu Apollon, assis au centre, joue de la lyre entouré de neuf Muses protectrices des arts et de poètes anciens et modernes. Parmi les poètes, on reconnaît facilement Homère (l’aveugle), derrière lui Virgile et Dante et en bas à gauche, assise, la poétesse Sapho – son nom est écrit sur la feuille qu’elle tient dans la main gauche. VoûteVoûteVoûteVoûte La voûte est divisée en quatre sections dédiées aux facultés de l’esprit, représentées par des allégories féminines : la Philosophie, la Théologie, la Poésie et la Justice. Ces concepts sont repris et approfondis dans les grandes compositions des murs sous-jacents. La Philosophie correspond à l’œuvre peut-être la plus célèbre de Raphaël, l’Ecole d’Athènes, la Théologie à la Dispute du Très Saint Sacrement, la Poésie au Parnasse et la Justice aux Vertus Cardinales et Théologales et à la Loi.

Source : http://mv.vatican.va/

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Le Parnasse Voûte

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Plan en éclaté de la Chambre de la Signature

Musées du Vatican.

Fresques de Raphaël

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5555/ Un texte incontournable pour un travail sur l’œuvre/ Un texte incontournable pour un travail sur l’œuvre/ Un texte incontournable pour un travail sur l’œuvre/ Un texte incontournable pour un travail sur l’œuvre d’artd’artd’artd’art et et et et «««« sessessesses »»»» contextes de réception.contextes de réception.contextes de réception.contextes de réception.

On y voit de moins en moins

La façon dont l'époque contemporaine nous invite à regarder les œuvres d'art est très certainement l'une des plus grandes causes de l'anachronisme de l'historien par rapport à son objet. Il faut être conscient de cette situation et l'exploiter. Les conditions actuelles de visibilité des œuvres d'art n'ont évidemment plus rien à voir avec celles de ces mêmes œuvres dans le passé. D'une manière générale, je dirais que ces œuvres se sont rapprochées de nous.

Par exemple, je pense en particulier à l'Italie, mais

la chose est vraie en France aussi, une église n'est pas un lieu très lumineux. On ne voit pas très bien les images, les tableaux d'autel, les fresques qui sont au mur. Désormais, il suffit d'introduire une pièce d'un ou deux euros, et vous aurez droit à environ quarante secondes pour voir ces fresques bien éclairées. Le plaisir sera tel que vous remettrez une pièce! Pourtant, il est sûr qu'elles n'étaient pas faites pour être vues comme cela. Il y a là un point qui m'intéresse beaucoup. Que faisaient donc ces artistes qui allaient peindre à huit ou quinze mètres de haut d'admirables moments de peinture invisibles pour les gens qui étaient dans l'église? Il vous suffit d'aller à l'église de Santa Croce, à Florence, pour vous rendre compte que vous êtes mis dans les conditions de ne pas voir l'Histoire de la croix de Taddeo Gaddi, peinte dans le chœur, parce que les franciscains de Florence ne veulent pas qu'on y pénètre. Mais là, au moins, vous êtes dans les conditions historiques de perception et vous n'y voyez rien, alors vous renoncez à regarder les fresques, et vous achetez les belles reproductions en couleurs de Taddeo Gaddi.

Cela m'amène au deuxième point. Aujourd'hui, non

seulement les fresques nous sont présentée sous un éclairage très lumineux, mais elles se rapprochent aussi de nous par le biais de la photographie et des reproductions. On trouve à l'entrée et à la sortie des musées des cartes postales, des diapositives, des livres, tout cela nous permet d'avoir plus près de nous ces œuvres accrochées dans les musées. L'historien de l'art travaille en allant voir les tableaux ou les fresques in situ, mais la plus grande partie du travail se fait en réalité à partir de photographies. Parfois, la visibilité y est meilleure que sur le lieu réel. Panofsky, dans son livre sur Titien, disait qu'il préférait de bonnes photographies en noir et blanc à des reproductions en couleurs, ce qui est un paradoxe extraordinaire, surtout pour un coloriste comme Titien, mais qui en dit long sur les conditions actuelles de visibilité des œuvres d'art.

Hormis les œuvres que l'on peut voir in situ,

indécrochables comme les fresques ou les tableaux d'autel, où voit-on les œuvres? Dans les musées et les expositions. Elles sont donc dans des conditions d'accrochage et d'éclairage incomparables à ce qu'elles auraient été au XVe siècle. Par exemple, un tableau d'autel n'avait pas de public mais des fidèles qui ne pouvaient le voir que de loin, éclairé par la lumière tremblotante des cierges. L'important était la fonction de l'image, qu'elle soit là. Quand ce tableau d'autel est aujourd'hui placé sur les murs d'un musée, avec les «bons» éclairages, nous voyons l'objet de près. Les

expositions temporaires ont cette même fonction de faire en sorte que nous soyons plus près des œuvres d'art. Cependant, doit-on dire qu'on les voit mieux? Je n'en suis pas sûr, mais je pense qu'on les voit autrement. On ne les voit certainement pas mieux en ce qui concerne la façon dont ces œuvres étaient aimées par rapport à leur fonction d'objet de culte pour la société de l'époque. Je pense ici à la Maestà de Duccio, dont le transport à la cathédrale de Sienne en 1307 a été l'occasion de trois jours de fête dans toute la ville. Les habitants ont accompagné en cortège l'immense Maestà, depuis l'atelier du peintre jusqu'à la cathédrale. On ne pourra jamais reproduire l'enthousiasme de toute une cité pour le grand tableau de son meilleur peintre. .

Ce que je suis en train de dire, c'est que l'historien

doit absolument corriger l'impact de l'accrochage dans les musées s'il veut comprendre le fonctionnement de l'œuvre dans l'époque où elle a été peinte. On voit aujourd'hui les œuvres de manière anachronique, un anachronisme qu'on peut tenter de corriger en se rappelant que la Maestà était sur un maître-autel. Je dirais aussi qu'on voit autrement, et donc qu'on voit autre chose. Je paraphrase ici Wölfflin qui, comparant une gravure de Dürer et une gravure de Rembrandt, dit qu'il ne voit pas seulement autrement, mais autre chose. Il en va de même pour notre regard face aux œuvres du passé. Nous ne voyons pas seulement autrement les tableaux que voyaient les gens du XIVe ou du XVIe siècle, nous y voyons aussi autre chose. C'est justement cela l'arbitraire, dira-t-on: on y voit autre chose, donc c'est anachronique. Oui, mais attention, cette autre chose, elle est là. Je vois bien les deux colombes dans l'Annonciation d'Antonello de Messine qui était peinte pour un maître-autel d'une petite église en Sicile. Elles ont beau être à deux mètres je les vois, elles sont deux. Je n'aurais pas dû les voir, puisque je ne suis pas censé les voir, mais je ne peux pas prétendre qu'elles ne sont pas là. Je vois autrement, je vois autre chose, et cette autre chose est bien là. De même pour la boutonnière de la robe de la Vierge dans l'Annonciation de Filippo Lippi. Elle est bien là, cette boutonnière, si bizarre que cela puisse paraître et même si elle n'est pas faite pour être vue. Voilà un anachronisme étrange, puisqu'il me permet de voir quelque chose que l'on n'avait pas vu auparavant, mais qui était là quand même. En fait, cet anachronisme naissant des nouvelles conditions de mise en visibilité des œuvres d'art a le mérite extrême de me mettre, par rapport à l'œuvre, à la distance où était le peintre quand il la peignait. Cet anachronisme nous permet une proximité qui avait disparu pendant des siècles, et dont le peintre ne pouvait imaginer qu'on la retrouverait un jour. Il ne pouvait pas imaginer que son œuvre livrée serait un jour dans un musée: c'est absurde. Duccio, ayant livré la Maestà, pensait qu'elle resterait pour toujours, il ne pouvait même pas imaginer l'idée de musée. Il a pu peindre certaines choses dans ses tableaux en pensant qu'on ne les verrait jamais.

L'enjeu intéressant ici pour un historien est celui de

l'intimité de la peinture. Les conditions anachroniques de présentation des œuvres aujourd'hui dans les musées, qu'il faut tenter de corriger par l'enquête historique, ont l'avantage historique extraordinaire de nous mettre au plus proche de l'intimité du peintre dans le tableau. C'est toute une nouvelle

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histoire de l'art qui s'ouvre, du moins un nouveau champ passionnant: comment les conditions de visibilité actuelles de la peinture permettent de s'interroger sur ce qu'il en était intimement des peintres dans leurs tableaux. C'est une histoire très délicate à faire, car l'intimité est de l'ordre du secret. Mettre au jour l'intimité du peintre dans son tableau peut sembler indiscret, et, comme l'a dit Manetti, on n'est pas discret quand on regarde.

Cela dit, ne pas y voir mieux mais voir autrement,

tout cela reste très théorique. Je parle ici comme un historien de l'art qui va voir les expositions quand elles sont fermées au public. Car le problème, c'est qu'à force de rendre ces tableaux visibles par le plus grand nombre possible, il en découle qu'on les voit de moins en moins. Cela pour deux raisons principales. La première est que l'exposition est faite pour attirer le plus grand nombre de gens possible, et c'est normal parce que la peinture est un patrimoine commun, et plus il y a de monde qui va au musée ou à l'exposition, plus le musée joue ainsi son rôle d'éducateur mettant à la disposition de la population des objets qui appartiennent à la collectivité. L'intention peut donc être très bonne, malheureusement les résultats sont catastrophiques. Car à cette intention s'ajoute celle de la rentabilité culturelle. Une exposition qui dure trois mois, qui a coûté tant pour les assurances, les éclairages, les transports, etc., non seulement ne doit pas perdre d'argent mais si possible en rapporter, pour faire d'autres expositions. Alors on admet trop de gens en même temps. Il faudrait qu'une exposition dont on prévoit trois cent mille spectateurs dure six mois au lieu de trois, il y aurait ainsi deux fois moins de gens dans la même salle. On y voit de moins en moins parce qu'il y a de plus en plus de monde, et aussi parce que, tant dans les musées que dans les expositions, montrer de la peinture ou de la sculpture, c'est faire du théâtre autour des œuvres d'art, c'est faire de la scénographie. C'est d'ailleurs le terme utilisé pour désigner le travail de la personne qui organise la mise en scène de l'exposition. Le problème, c'est que la scénographie montre avant tout le scénographe. Bien entendu, il faut organiser le parcours de l'exposition, accrocher les œuvres, les éclairer d'une certaine manière et, quand c'est réussi, on oublie la scénographie, preuve que c'est une grande exposition. Mais il y a trop d'expositions aujourd'hui, je le dis très nettement, où l'on va admirer, et souvent pour ma part détester, le travail du scénographe.

À propos de ces conditions de visibilité et

d'éclairage des œuvres, ce qui est vraiment catastrophique, c'est l'espèce de diffusion d'un mode de mise en visibilité qui vient de la revue FMR, de Franco Maria Ricci. C'est une revue très luxueuse, qui a une trentaine d'années d'existence. Elle inventé l'idée de présenter les œuvres avec des photographies aux couleurs chatoyantes, beaucoup plus que celles qu'elles ont dans la réalité, car grâce à certains systèmes de projecteurs on peut traverser le vernis qui s'est opacifié pour aller chercher directement des couleurs qui n'ont rien à voir avec celles du tableau. Ce sont donc des couleurs qui «pètent », et c'est spectaculaire. L'autre idée, très chic, a été de les présenter sur fond noir, contrairement à la tradition qui les présentait sur fond blanc Franco Maria Ricci a fait exploser ses ventes, ses livres étaient très chers. Le malheur est que, concernant les expositions, des gens ont pensé que c'était là une bonne idée, élégante et intelligente, de présenter des œuvres en couleurs sur un fond noir, avec

des projecteurs qui isolent le tableau. Le résultat de ce type de scénographies visuelles à l'atmosphère sombre est que l'on est invité non pas à voir les tableaux, mais les images des tableaux. De plus, l'abondance de visiteurs fait qu'on voit mal les œuvres. Il en résulte qu'on ne va pas voir l'exposition des tableaux mais qu'on va rendre un culte à l'exposition des tableaux.

Un des pièges de ce genre d'exposition, c'est qu'on

passe de la valeur d'exposition de l'œuvre à la valeur de culte de l'exposition. Je fais ici référence au fameux texte de Walter Benjamin sur l'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité mécanique. Il y explique le passage dans la peinture européenne d'une valeur de culte de l'œuvre, où elle n'est pas visible mais où on lui rend un culte, à une valeur d'exposition, où elle est visible mais n'a plus de culte, car elle se rapproche à travers la reproduction indéfinie et mécanique. Ce texte est magnifique mais a maintenant soixante-dix ans, et de même que Duccio ne pouvait prévoir que sa Maestà serait un jour dans un musée Benjamin ne pouvait prévoir ce que sont aujourd'hui les expositions de masse. A présent, on ne passe pas d'une valeur de culte avec invisibilité de l'œuvre à la valeur d'exposition, on passe d'une valeur d'exposition à une valeur d'invisibilité qui est le culte de l'exposition elle-même, et dans le fond, de la culture. On ne va plus rendre hommage à la peinture, qu'on ne voit plus - c'est devenu une image mise dans une boîte en verre aseptisée pour protéger le sacro-saint objet qu'il ne faut pas toucher parce qu'on pourrait lui inoculer des bacilles quelconques -, mais plutôt à la mise en scène de la culture.

Il en va de même pour les chapelles en Italie. Il y a

une quinzaine d'années encore, on pouvait y passer des heures pour les regarder tranquillement, désormais elles ont été restaurées, donc on les voit mieux, donc on ne les voit plus parce qu'on n'a plus qu'un quart d'heure pour ce faire, au-delà duquel on doit circuler, sinon, avec la chaleur, on augmente l'hygrométrie de la chapelle et on abîme l'œuvre. Je me demande comment les futurs historiens de l'art pourront aller voir ces chapelles restaurées où on leur dira, «circulez», non pas «y a rien à voir», mais «vous avez assez vu ».

Histoire de peintures, Daniel Arasse, Folio essais – Gallimard, 2004.

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6 / Lexique : Les techniques et les supports de la peinture.

Tempera ou peinture à l’œuf :

Il faut préparer le support avec un enduit* avant de pouvoir peindre le bois avec un mélange de pigments, d’eau et d’œuf. La tempera : habituellement, c'est le jaune qui est employé car c'est lui qui contient le liant, la lécithine, dite "huile d'œuf".

La détrempe : Technique picturale où les couleurs sont broyées à l'eau, puis délayées (ou " détrempées ") au moment de peindre avec, selon les procédés, de la colle de peau tiède ou de la gomme arabique. La technique de la détrempe exige une grande rapidité d'exécution ; séchant très rapidement, les couleurs ne peuvent être reprises facilement avec peu d'effet de transparence. On répétait souvent certains procédés pour certaines formes : par exemple, hachures de couleur claire dans les ombres pour obtenir des effets de demi-teinte.

*Parmi toutes les préparations d'enduits, il faut citer plus particulièrement celles qu'on appliquait sur les panneaux de bois : des couches de colle douce mêlée à du plâtre, le tout soigneusement poncé, ou une toile de lin très fine noyée dans la même préparation, de manière à limiter les effets désastreux du craquellement du bois. Ce gesso-duro était quelquefois recouvert d'une couche de colle, ou même de vernis, préfigurant ainsi les enduits qu'on devait utiliser par la suite pour la peinture à l'huile.

Les techniques à l'huile

À partir du XVème siècle, on a préféré l'huile à toutes les recettes antérieures. Cette technique, en effet, répondait mieux aux nouvelles conceptions picturales et elle permettait d'associer d'une manière plus « douce » deux tonalités voisines, surtout dans le cas des effets de clair-obscur. Cette «fusion » entre couleurs participait aussi à cette unité spatiale que de nombreux peintres recherchaient.

Selon la légende, les frères Van EYCK auraient inventé cette technique. Il s'agit, en fait, d'un nouveau procédé de peinture à l'huile ; car il y avait déjà longtemps qu'on utilisait l'huile en peinture, mais en la mélangeant à d'autres ingrédients,

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surtout pour en faire du vernis de protection. Elle séchait trop lentement et, sans doute aussi, son emploi répondait-il mal aux anciennes conceptions picturales, parce que l'on ne savait sans doute pas quel effet tirer de la translucidité.

Les Italiens de leur côté, les Vénitiens surtout, ont expérimenté une manière de modeler la matière. La matière picturale a donc pris, grâce à la pratique de l'huile, une signification nouvelle. À partir de pratiques flamandes, Léonard de Vinci et bien d'autres artistes ont donné à la préparation des «dessous » et « dessus » une valeur nouvelle, qui contribue à créer l'atmosphère du tableau : c'est le sfumato, véritable lavis à base d'huile et d'essence.

Les supports de la peinture :

Le bois : Les peintures médiévales étaient surtout peintes sur bois et faisaient partie de retables. Vers la fin du Moyen Âge, les polyptyques sont encore peints sur bois, voire certains sur les deux faces, et à la Renaissance, beaucoup d'œuvres sont encore peintes sur panneau de bois comme La Joconde de Léonard de Vinci sur panneau de peuplier. Le bois devait être préparé comme expliqué ci-dessus.

L’ardoise : L’ardoise, comme d’autres supports tels que le cuivre, permet d’obtenir un aspect plus brillant de la couche picturale. Mais sa consistance friable peut occasionner des problèmes de conservation.

La toile : la diffusion de la technique de la peinture à l’huile est directement liée à l’utilisation du nouveau support : la toile. Outre l’augmentation possible des dimensions du support peint rendue possible par le fait que la toile peut être démontée de son châssis et roulée, celle-ci permet aussi, selon son tissage, des effets de matière : « accrocher » la couleur, ou suggérer des épaisseurs.

Source : Encyclopedia Universalis.