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IEP de Toulouse « Du sponsoring à la création d’événements sportifs : le cas de Danone. » Mémoire de recherche présenté par Mlle Chloé Martin Directeur de mémoire : Monsieur Jean-Louis Guy Date : 2013

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IEP de Toulouse

« Du sponsoring à la création d’événements

sportifs : le cas de Danone. »

Mémoire de recherche présenté par

Mlle Chloé Martin

Directeur de mémoire :

Monsieur Jean-Louis Guy

Date : 2013

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IEP de Toulouse

« Du sponsoring à la création d’événements

sportifs : le cas de Danone. »

Mémoire de recherche présenté par

Mlle Chloé Martin

Directeur de mémoire :

Monsieur Jean-Louis Guy

Date : 2013

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Remerciements :

Dans un premier temps, je remercie Monsieur Jean-Louis Guy, mon directeur de

mémoire, pour ses conseils, ainsi que Monsieur Alexandre Minda, directeur du parcours

« Affaires Internationales et Stratégies d’Entreprises » dont je fais partie.

Merci également aux différents intervenants qui m’ont aidée dans la préparation de ce

mémoire et qui ont répondu pertinemment à mes questions : Michel Desbordes, André

Richelieu, Stéphanie Falzon, Kévin Bottin, Ophélie Carreyre, Arnaud San José et Maxime

Rolland.

Un grand merci à ma famille pour son soutien à distance.

Et enfin un grand merci à Romain pour ses encouragements et sa patience durant toute

la rédaction de ce mémoire.

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Avertissement : L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans

les mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur

auteur(e).

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Sommaire

PARTIE I :

INVESTIR DANS LE SPORT : GENESE DU SPONSORING SPORTIF ......................14

CHAPITRE 1

LE SPORT, UN OUTIL STRATEGIQUE POUR LES ENTREPRISES ?................................................15

CHAPITRE 2

LE CHOIX D’UNE STRATEGIE D’ENTREPRISE CENTREE VERS LE SPORT ...................................25

PARTIE II

DU SPONSORING A LA CREATION D’EVENEMENTS SPORTIFS : ALLER PLUS

LOIN DANS L’INVESTISSEMENT SPORTIF. ................................................................39

CHAPITRE 1

L’ORGANISATION D’EVENEMENTS SPORTIFS : ENJEUX ET RETOMBEES POUR LA VILLE OU LE

PAYS HOTE : LE CAS DES JEUX OLYMPIQUES .........................................................................40

CHAPITRE 2 : L’ENTREPRISE, CREATRICE D’EVENEMENTS SPORTIFS :

LE CAS DE RED BULL ............................................................................................................51

PARTIE III: ETUDE DE CAS : LE GROUPE DANONE.................................................64

CHAPITRE 1

DANONE ET LE SPORT : UN FORMIDABLE PARTAGE DE VALEURS ...........................................65

CHAPITRE 2: DEUX EXEMPLES ILLUSTRANT LA STRATEGIE DE DANONE : L’EVIAN

MASTERS ET LA DANONE NATIONS CUP................................................................................74

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INTRODUCTION

Rolland Garros à Paris, le Tour de France, les Championnats du Monde de Natation à

Barcelone, les Championnats du Monde d’Athlétisme à Moscou, la reprise de la Ligue 1 de

Football en France, sont tant d’événements sportifs internationaux qui ont animé l’été 2013.

On peut également se rappeler de l’année 2012, qui a autant marqué les esprits par les Jeux

Olympiques de Londres et l’Euro de Football que par les élections présidentielles françaises

et américaines. Le sport fait aujourd’hui partie intégrante du quotidien des français, puisqu’il

ne se passe plus une année sans que des événements sportifs viennent les divertir, plus un jour

sans qu’un match rassemble des milliers de supporters. Il n’est donc pas surprenant que

L’Equipe soit un des quotidiens les plus lus en France (longtemps numéro 1, il a été dépassé

depuis peu de temps par la presse quotidienne gratuite) et que les chaines télévisuelles

retransmettant les événements sportifs enregistrent des records d’audience.

En 1894, lors de la création du Comité International Olympique à la Sorbonne, Pierre

de Coubertin a été visionnaire en proposant comme devise olympique « Citius, altius,

fortius 1». En effet, les sportifs ne sont plus les seuls à aller toujours plus vite, plus haut et

plus fort. L’industrie du sport, qui rassemble une pluralité d’acteurs tels que les entreprises,

les sponsors, les agences événementielles, bat chaque année des records en termes de chiffre

d’affaires et d’audience. D’après les prévisions du cabinet PriceWaterhouseCoopers (PwC),

l’industrie du sport enregistrera en 2015 un chiffre d’affaires mondial de 145,3 milliards de

dollars, avec une progression moyenne de 3,7% par an2. Au vu de ces chiffres faramineux, il

semble aujourd’hui indispensable pour une entreprise d’être impliquée de près ou de loin dans

le sport. C’est dans cette logique que s’est développé depuis plusieurs décennies le sponsoring

sportif.

Avant d’approfondir davantage cette relation entre le sport et l’entreprise, il convient

de définir les termes clés relatifs au sport. Qu’est-ce que le sport ? Quelles sont ses origines ?

Le sport est un mot polysémique ; il peut avoir plusieurs définitions selon le sens que chacun

lui donne. Jean-Pierre GOUSSARD soulève d’ailleurs un paradoxe : « A la question, faites-

1 « Plus vite, plus haut, plus fort », Pierre de Coubertin (1894) 2 PwC, Communiqué de presse 2011. Disponible sur : http://www.pwc.fr/pwc-prevoit-37-de-croissance-par-an-

dici-2015-pour-le-marche-mondial-du-sport.html

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vous du sport, 75% des français répondent par l'affirmative. Cependant, et selon les

statistiques de l'INSEE, moins de 10% des français pratiquent un sport. »3. Ce paradoxe

montre clairement la confusion qui peut exister dans l’esprit de la population. Pour certains, le

sport s’apparente simplement à une activité physique, parfois ludique, telle qu’une partie de

foot ou d’échec entre amis ou encore un footing. La définition donnée par le dictionnaire

Larousse vient encadrer un peu cette affirmation : « Sport : ensemble des exercices physiques

se présentant sous forme de jeux individuels ou collectifs, donnant généralement lieu à des

compétitions, pratiqués en observant certaines règles précises ».4 On retrouve dans cette

définition la notion de jeu et de règles. Il semble important de rappeler qu’à l’origine, le mot

sport provient du vieux français desport, signifiant divertissement, amusement. Les historiens

sont d’accord sur le fait que « les hommes ont toujours joué à se battre ».5 Dès lors que

l’homme primitif a commencé à chasser non plus pour sa simple subsistance mais pour le

plaisir et pour mesurer sa force aux autres chasseurs, nous pouvons parler de sport. Les

historiens considèrent d’ailleurs qu’il s’agit là de la naissance de l’athlétisme et par suite des

Jeux Antiques.

Progressivement, ces pratiques se sont institutionnalisées et se sont codifiées. Nous

retrouvons ici la notion de règles qui vient encadrer le simple jeu. D’après Jean-Pierre

GOUSSARD6, la pratique sportive doit répondre à quatre conditions pour se différencier de la

simple activité physique :

- Il faut que l’activité soit une action dite motrice,

- Il faut qu’un certain nombre de règles codifient l’activité (dimensions du terrain,

accessoires autorisés, nombre de joueurs, etc.),

- Il faut qu’il y ait une évaluation de la performance à travers une compétition,

- Il faut que l’activité soit institutionnalisée et donc régentée par les pouvoirs étatiques.

3 GOUSSARD Jean-Pierre, « Qu’est-ce que le sport ? » (16/09/1996). Disponible sur :

http://caratome.free.fr/Formations/FCdeux/LeSport.pdf 4 Dictionnaire Larousse 5 GOUSSARD Jean-Pierre, « Qu’est-ce que le sport ? », op. cit. 6 GOUSSARD Jean-Pierre, Ibid

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En ce sens, tous les sports modernes que nous connaissons répondent à cette

définition. Prenons l’exemple du Volley-Ball. Il s’agit bien d’une activité motrice codifiée :

six joueurs par équipe sur le terrain, dimensions du terrain de chaque équipe : 9 mètres par 9

mètres, maillots numérotés obligatoires, utilisation d’un ballon réglementaire, etc. Le Volley-

Ball est représenté en compétitions, qu’il s’agisse de compétitions nationales (Championnats

de France) ou internationales (Championnats d’Europe et Championnats du Monde). Enfin, le

Volley-Ball est institutionnalisé puisqu’il existe une Fédération Française de Volley-Ball, une

Fédération Internationale de Volley-Ball et qu’il est devenu une discipline olympique en

1964, lors des Jeux Olympiques de Tokyo.

A travers le sport, naissent alors les événements sportifs. D’après la définition de

Alain FERRAND, « l’événement sportif est un lieu où des hommes et des femmes se

rassemblent dans une sorte de célébration collective, pour assister à un spectacle sportif ou

culturel ». Cette définition atteste d’un lien entre le sport et la fête, entre l’événement sportif

et le spectacle. Il s’agit d’un moment de rassemblement et de divertissement. La typologie des

événements sportifs établie par GRESSER et BESSY en 1999 distingue cinq catégories selon

des critères tels que la date de création, le type de spectateurs, la temporalité, etc. :

- Les grands événements sportifs internationaux : Jeux Olympiques, Coupes et

Championnats du Monde.

- Les événements sportifs internationaux : Championnats Nationaux par discipline.

- Les événements types spectacles et « shows » : Open Swatch, Fun Board de Bercy.

- Les nouvelles manifestations sportives de masse : Marathon de Paris, Marathon de

New York, Iron Man de Hawaï.

- Raids ou défis aventures : Cliff-diving de Redbull.

Enfin, il est nécessaire d’apporter une définition au terme sponsoring sportif

(signifiant parrainage en français), notion beaucoup plus récente, apparue dans les années

1980. Le sponsoring peut concerner plusieurs types d’événements : les événements sportifs

(et ce sera le thème de notre sujet), mais également les événements musicaux, les événements

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artistiques et culturels, les événements professionnels, etc. Selon Michel DESBORDES, le

sponsoring est un outil à part entière d’une stratégie générale de communication : « Le

sponsoring est un outil de communication permettant de lier directement une marque ou une

société avec un événement attractif pour un public donné. (SAHNOUN 1986) ».7 Le

sponsoring peut concerner tout type d’événements sportifs entrant dans les cinq catégories

données par GRESSER et BESSY.

Du fait notamment de la mondialisation du sport, qui s’est effectuée en parallèle à la

mondialisation de l’économie, sport et économie sont aujourd’hui intrinsèquement liés. Grâce

à l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et

aux retransmissions télévisuelles, joueurs et événements sportifs sont aujourd’hui d’envergure

internationale. « L’intérêt des entreprises a grandi parallèlement à cette mondialisation »8,

nous dit Michel DESBORDES, d’où l’émergence d’un sponsoring massif dans les années

1990. Le sport est un secteur à forte rentabilité et apparaît alors un nouveau type de

sponsoring, le marketing par le sport, qui concerne non plus les seuls équipementiers sportifs

(nous parlons ici de marketing sportif classique), mais aussi des entreprises investissant dans

le sport sans lien naturel avec lui : « C’est pourquoi on a vu l’arrivée très importante

d’entreprises à priori non légitimes dans le sport (compagnies d’assurances, banques, biens de

consommation courante, compagnie aérienne, etc.) faisant suite aux investissements plus

logiques et classiques des équipementiers sportifs (Adidas, Nike, Puma) présents depuis

longtemps sur le marché. »9

L’investissement massif des entreprises dans le sport, via le sponsoring, est donc un

phénomène relativement récent, mais déjà très étudié par les auteurs. Pourquoi les entreprises

font-elles aujourd’hui partie intégrante du monde du sport ? Quel est le rôle des entreprises

dans le sport ? Il existe toute une littérature sur ce lien particulier qui lie aujourd’hui les

entreprises au sport. Plusieurs axes d’étude existent à ce sujet : l’activité sportive en interne

d’une entreprise, le sport comme outil de team-building dans une entreprise, le sport comme

moyen de relations publiques via l’invitation à des matchs par exemple, le sponsoring d’un

7 DESBORDES, M., Stratégies des entreprises dans le sport, 2ème édition, Economica, 2004.

8 DESBORDES, M. et RICHELIEU, A., Néo-marketing du sport : regards croisés entre Europe et Amérique du

Nord, De Boeck, 2011.

9 DESBORDES, M. et RICHELIEU, A., Ibid (page 91).

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joueur, d’une équipe, d’un événement, etc. Il convient donc de faire le tri dans cette littérature

sportive. Ce qui va nous intéresser tout particulièrement est d’abord le sponsoring sportif et

ses retombées, afin de comprendre cet engouement récent des entreprises dans

l’investissement sportif.

Quels intérêts les entreprises, françaises et internationales, ont-elles à investir dans le

sport au moyen du sponsoring ? Quels sont les éléments qui poussent et encouragent les

entreprises au sponsoring ? Les entreprises investissent-elles suite à un simple goût prononcé

pour un sport ou un événement sportif, ou attendent-elles de réelles retombées à la fois

économiques et sociales ? De quelle manière peuvent-elles alors investir en restant dans une

logique de maximisation du profit ? Comment mesure-t-on cette rentabilité ? Est-elle

seulement mesurable ? Toutes ces questions concernant l’intérêt des entreprises à investir et

les retombées de cet investissement sont débattues dans de nombreuses études.

Les différents ouvrages de Michel DESBORDES vont nous être très utiles pour

répondre à ces interrogations. Dans Néo-marketing du sport : regards croisés entre Europe et

Amérique du Nord10, Michel DESBORDES et André RICHELIEU font le lien entre le sport

et la marque, entre l’événement sportif et la marque et démontrent que la construction de la

marque peut se faire stratégiquement à travers le sport. Dans son ouvrage Stratégies des

Entreprises dans le Sport11, Michel DESBORDES dresse une liste des outils d’évaluation du

sponsoring, qui évoluent constamment en réponse à une demande des entreprises. En effet,

depuis la précoce élimination en poule de l’Equipe de France lors de la Coupe du Monde de

Football 2002, les entreprises se sont rendu compte que l’investissement dans le sport n’était

pas sans risque et qu’il était indispensable de l’intégrer à une stratégie propre de

communication. Il devient donc nécessaire de mesurer précisément les effets du sponsoring et

d’en évaluer le retour sur investissement. L’ouvrage de BARGET et GOUGUET12 vient

compléter et préciser cette analyse en détaillant la démarche du calcul d’impact et les

difficultés de celle-ci. Nous verrons en effet que mesurer les effets du sponsoring sur une

entreprise n’est pas des plus aisés, tant pour les sponsors eux-mêmes que pour les chercheurs

académiques. Ces difficultés viennent donc limiter notre recherche.

10 DESBORDES, M. et RICHELIEU, A., Ibid 11 DESBORDES, M., Stratégies des entreprises dans le sport, op. cit.. 12 BARGET, E. et GOUGUET, J-J., Evènements sportifs : impacts économique et social, De Boeck (2010).

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Enfin, face à cette généralisation du sponsoring, que peut faire une entreprise pour se

différencier ? En effet, le sponsoring est aujourd’hui un outil de communication utilisé par la

plupart des grandes multinationales, ce qui peut parfois provoquer des confusions dans

l’esprit de la population, voire nuire et contrecarrer les effets attendus de l’opération de

sponsoring. Il peut y avoir à la fois un effet de banalisation de sponsors, du fait de la

multiplication de ceux-ci, mais également une confusion dans les sponsors, qui peuvent être

individuels, collectifs ou télévisuels. Un joueur de football, par exemple, peut avoir un

sponsor individuel, un sponsor via son club et un sponsor via son équipe nationale. Pour

éviter ce type de confusion, certaines entreprises ont alors opté pour une stratégie de naming,

pratique très récente en France mais déjà largement développée aux Etats-Unis, en Angleterre

ou en Allemagne. « Le naming constitue une forme originale de parrainage, défini comme une

technique par laquelle une organisation acquiert le droit de donner son nom ou celui d’une de

ses marques à un équipement, un événement totalement indépendant du parrain en vue

d’atteindre des objectifs de communication marketing. »13 En 2007, le naming fait son

apparition en France avec l’inauguration du nouveau stade du club de football du Mans,

baptisé MMArenas. Il s’agit là d’un partenariat entre la compagnie d’assurance MMA et le

club du Mans. De la même manière, les entreprises peuvent associer directement leur nom à

un événement sportif. L’Open GDF Suez, la H Cup (Heineken), et le Swatch FIVB Beach

Volleyball World Tour illustrent parfaitement cette nouvelle pratique.

Le naming fait donc partie d’une stratégie de sponsoring, mais à plus long terme que

le sponsoring d’un événement ou d’un sportif, puisque le nom de l’entreprise est ancré dans le

stade. Dans cette même logique de vision à long terme, certaines entreprises ont fait le choix

d’aller encore plus loin que le sponsoring et de créer elles-mêmes leur propre événement

sportif. Un budget à part entière est alors consacré à la création de cet événement, qui

représente un investissement considérable pour l’entreprise. Attention, créer ne veut pas

forcément dire organiser, et nous verrons que la plupart des entreprises passent quand même

par des agences d’événementiel sportif ou de marketing sportif pour les aider dans leurs

démarches. Quelles sont les raisons qui poussent les entreprises à faire ce choix ? Si nous

restons dans la logique entrepreneuriale de maximisation du profit, il serait logique de penser

que cette stratégie est plus rentable que le sponsoring. Pourquoi alors si peu d’entreprises font

ce choix ? Quelle analyse comparée coûts / avantages peut-on faire entre le sponsoring simple

13 DELATTRE, E. et AIME I., « Le « naming » : une forme de parrainage originale », Management & Avenir,

2010/5 n° 35, p. 51-70.

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et la création d’événement sportif ? La stratégie de création d’événement sportif vient-elle

supprimer toute autre stratégie de sponsoring ou au contraire va-t-elle s’effectuer en parallèle

à celle-ci ?

La problématique qui va nous intéresser est la suivante :

Pourquoi, dans leur stratégie marketing, certaines entreprises font le choix d’aller plus

loin que le sponsoring et de créer leur propre événement sportif ?

Pour répondre à ces questions, les recherches documentaires et les entretiens vont

constituer notre principale source de réponse. Si le sponsoring est un sujet déjà largement

débattu par les chercheurs académiques, la création d’un événement sportif par une entreprise

n’est que peu étudiée aujourd’hui. Les apports théoriques vont donc nous permettre avant tout

de bien situer le sujet et les mots-clés de celui-ci tels que l’événement sportif et le sponsoring.

Les outils mesurant les retombées du sponsoring vont nous permettre de faire une analyse

comparée approximative des retombées de ces deux stratégies. Nous ne pourrons toutefois pas

donner de résultats précis et vérifiés sur le long terme, tant les méthodes de calcul sont

nombreuses et vagues. Enfin, l’analyse d’un cas empirique, celui du groupe Danone et de ses

événements (la Danone Nations Cup et l’Evian Masters), va nous permettre d’apporter des

éléments concrets et de les mettre en perspective avec les données théoriques. Toute une

partie du service de communication de Danone est en effet consacrée à l’organisation de ces

événements. Enfin, les entretiens réalisés avec certains membres de l’équipe Danone, mais

également avec différents acteurs du milieu sportif ont été riches et pertinents et ont permis

d’évaluer l’ampleur du travail réalisé en amont de l’événement.

Nous allons alors supposer que la création d’événement sportif par une entreprise est

un outil efficace de communication et serait plus pertinent aujourd’hui que le sponsoring, au

vu de la généralisation de celui-ci. Encore faut-il y consacrer du temps, nécessaire à la

préparation, à l’organisation et au suivi, et un budget.

Dans une première partie, nous allons nous intéresser à la genèse du sponsoring sportif

et aux liens qui lient le sport et l’entreprise. Ensuite, nous analyserons les caractéristiques

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d’un événement sportif et les retombées qu’il peut procurer à son créateur, qu’il s’agisse

d’une ville ou d’une entreprise. Enfin, la troisième partie sera consacrée à l’étude du cas du

groupe Danone, leader international dans le secteur de l’agroalimentaire, mais également

créateur d’événements sportifs d’ampleur mondiale, tels que l’Evian Masters et la Danone

Nations Cup.

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PARTIE I :

INVESTIR DANS LE SPORT : GENESE DU SPONSORING SPORTIF

Cette première partie vous nous permettre d’établir le lien entre le sport et l’entreprise.

Nous verrons d’abord en quoi le sport peut être considéré comme un outil stratégique pour

une entreprise (1). Puis nous étudierons plus particulièrement la notion de sponsoring, en

analysant les raisons qui poussent les entreprises à déployer une telle stratégie (2).

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CHAPITRE 1

LE SPORT, UN OUTIL STRATEGIQUE POUR LES ENTREPRISES ?

1. Le sport, un outil politique pertinent et représentatif d’une situation

géopolitique.

Le sport est généralement associé à deux variables, que sont la politique et l’économie.

Si la variable économique sera la plus pertinente dans ce mémoire, la variable politique est

non négligeable pour en expliquer les origines.

De nombreuses études ont démontré le lien existant entre le sport et la politique.

L’association est d’ailleurs très ancienne puisque, à travers les Jeux Olympiques antiques, le

sport avait comme vocation la paix et le rassemblement des peuples, d’où un lien étroit avec

la politique : « Au IXème siècle avant Jésus-Christ, dans la Grèce antique, la signature d’un

traité international a reconnu l’immunité permanente du sanctuaire d’Olympie et a établi une

trêve qui permettait aux athlètes, aux artistes et à leur famille de voyager en toute sécurité

pour participer ou assister aux Jeux Olympiques ».14

Aujourd’hui, le sport fait partie intégrante de la vie politique. Rappelons d’abord que

la grande majorité des gouvernements modernes ont mis en place un Ministère des Sports (en

France : Ministère des Sports, de la Jeunesse, de l’Education populaire et de la Vie

associative, dirigé par Valérie Fourneyron). Le sport est également très souvent utilisé comme

outil populaire par les hommes politiques, qui se laissent par exemple photographiés lors de

leurs séances de footing, l’objectif étant de créer une certaine proximité avec les citoyens. Les

hommes politiques voient en plus un grand intérêt dans le sport de par les retombées à la fois

économiques et sociales qu’il génère :

14 KIDANE, F., ANDREFF, W., PAUTOT, S. et PONS, N., Dossier n°11 – Sport et Mondialisation, (01/08/08).

Disponible sur : http://www.strategie.gouv.fr/content/dossier-n°-11-sport-et-mondialisation

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« La plupart des gouvernements ont un vif intérêt pour le sport car il crée des emplois,

fournit aux individus un sentiment d'appartenance et contribue de manière importante à

l'éducation des jeunes, par exemple en leur enseignant les valeurs du travail d'équipe, le

leadership, les règles, la victoire et la défaite, ingrédients clés des systèmes sociaux et

économiques modernes. Le sport est aussi censé résoudre les problèmes sociaux et intégrer les

diverses populations. »15

Au-delà de toutes ces vertus, le sport peut également être instrumentalisé par des

gouvernements ou des groupuscules à des fins de propagande et de violence. Les Jeux

Olympiques organisés à Berlin en 1936 sont un parfait exemple de cette instrumentalisation.

Hitler a utilisé cet événement comme outil de propagande du régime hitlérien et de la « race

aryenne ». Pendant la période de Guerre Froide, les Jeux Olympiques sont utilisés par les

deux grandes puissances, Etats-Unis et URSS, comme vitrine politique, afin de montrer leur

puissance et leur supériorité. En 1972, lors des Jeux Olympiques organisés à Munich, la

violence bat son plein avec l’assassinat de neuf athlètes israéliens, orchestré par des terroristes

palestiniens sur le village olympique. Le symbole de paix que représentent les Jeux

Olympiques est à nouveau mis en cause en 1996, lors des Jeux Olympiques d’Atlanta, quand

un attentat fait deux morts et cent onze blessés.

De même, les Jeux Olympiques sont souvent le reflet de la situation géopolitique. Par

exemple, après la Première Guerre Mondiale, la délégation allemande fût exclue des Jeux

Olympiques, et ce jusqu’en 1928. On se souvient également des Jeux Olympiques de 1980 à

Moscou qui ont suscité un scandale sur la scène internationale. Ils ont été boycottés par trente-

cinq pays occidentaux, dont la grande puissance américaine, les Etats-Unis, afin de protester

contre l’invasion soviétique en Afghanistan de 1979. En guise de représailles, l’URSS (et

quatorze nations du Pacte de Varsovie) ont refusé de participé aux Jeux Olympiques de 1984,

organisés à Los Angeles. Les événements sportifs internationaux n’échappaient donc pas à la

période de « Guerre Froide ». En novembre 1975, lors du Congrès de Neuchâtel, le président

espagnol du Comité International Olympique (CIO), Juan Antonio Samaranch, déclare en ce

sens : « Nul doute que les compétitions sportives, et en particulier les Jeux Olympiques,

reflètent la réalité du monde ».

15 MERKEL, U., « La vision politique du sport : valeurs, vertus et victimes », Le Monde (28/03/2011).

Disponible sur : http://www.lemonde.fr/sport/article/2011/03/28/la-vision-politique-du-sport-valeurs-vertus-et-

victimes_1499795_3242.html

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Enfin, le sport peut être utilisé par les athlètes ou les gouvernements comme moyen de

revendication. Les Jeux Olympiques de Mexico en 1968 ont considérablement marqué les

esprits avec l’image de deux athlètes africains-américains, Tommie Smith et John Carlos,

médaillé d’or et médaillé de bronze du 200m, montant sur le podium le poing ganté noir levé.

L’objectif était alors d’attirer l’attention du public quant à la situation des africains-américains

aux Etats-Unis, pays agité par la ségrégation raciale. Autre exemple : les Jeux Olympiques de

Montréal de 1976 qui ont été boycottés par trente-deux nations africaines afin de protester

contre la politique d’apartheid en Afrique du Sud. Ainsi, des menaces de boycott, à des fins

politiques, sont constamment proférées à l’encontre des Jeux Olympiques. Ce fût le cas pour

les Jeux Olympiques de Pékin en 2008 pour protester contre la situation des droits de

l’homme, et c’est encore le cas aujourd’hui pour les Jeux Olympiques d’Hiver de 2014,

organisés à Sotchi en Russie : des athlètes appellent au boycott en réaction au vote d’une loi

interdisant « la propagande homosexuelle ». 16

Si le sport est à la fois le reflet de la situation géopolitique et un outil politique utilisé

par les athlètes et les gouvernements, il est également à l’image de la situation économique du

pays. Par exemple, l’étude réalisée par le cabinet PwC révèle que, parallèlement à la

croissance économique des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), le marché du sport dans ces

pays a connu une croissance supérieure à celle du marché mondial. Le sport serait donc

également le reflet de la situation économique d’un pays à un moment donné. Par suite, il

semble normal que la mondialisation économique, développée dans les années 1980, se soit

accompagnée d’une mondialisation du sport.

16 AFP, « JO de Sotchi : la Russie ne craint pas le boycott », in Le Point (09/08/2013). Disponible sur

http://www.lepoint.fr/sport/jo-de-sotchi-la-russie-ne-craint-pas-le-boycott-09-08-2013-1712802_26.php

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2. De la mondialisation de l’économie à la mondialisation du sport :

émergence du « sport-spectacle » et du « sport-business ».

La mondialisation est un processus dynamique et multidimensionnel. Nous parlons

non pas d’une mondialisation, mais de plusieurs mondialisations qui aboutissent à

l’interdépendance et à l’uniformisation croissantes des individus. Les mondialisations sont

alors un ensemble de processus culturels, sociaux, économiques, politiques et informationnels

qui se transforment à l’échelle mondiale pour tendre vers une uniformisation. La première

mondialisation date de la fin du XIXème siècle et s’est accompagnée de la deuxième

révolution industrielle. La seconde mondialisation s’est effectuée dans les années 1970-1980.

Elle est le résultat de la libéralisation (déréglementation, décloisonnement et

désintermédiation) et se matérialise par :

- La mondialisation du marché des biens et des services,

- La mondialisation de la concurrence,

- La mondialisation des firmes,

- La mondialisation des marchés de capitaux,

- L’intensification des flux migratoires.

On assiste également depuis une trentaine d’années à l’essor des technologies de

l’information et de la communication. Ce phénomène va nous intéresser plus particulièrement

puisqu’il va être un des facteurs majeurs de l’accélération de la mondialisation du sport. En

effet, le développement de la diffusion télévisuelle est une nouveauté révolutionnaire dans le

monde du sport puisque cela va permettre d’internationaliser les événements sportifs. Les

foyers sont de plus en plus équipés d’un poste télévisuel (environ huit foyers sur dix en

France) et les événements sportifs disposent donc d’une audience plus large. Les diffuseurs,

constatant une demande croissante pour le spectacle sportif, ont alors saisi l’opportunité que

leur offraient les nouvelles technologies. C’est pour cette raison que le nombre d’événements

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sportifs a considérablement augmenté ces dernières années : « Le nombre d’événements

sportifs mondiaux passe de 20 en 1912 à 315 en 1977 et 1000 en 2005. ».17 Ainsi, au niveau

mondial, le montant des droits de retransmission télévisuelle d’événements sportifs est estimé

à 60 milliards de dollars.

Dans cette même logique, la révolution Internet et le développement des supports

digitaux vont concourir à la médiatisation croissante du sport. Grâce notamment aux réseaux

sociaux, une certaine proximité est alors créée entre une équipe de sport ou un sportif et une

personne lambda. Facebook et Twitter illustrent parfaitement cette affirmation

puisqu’aujourd’hui, chaque club de sport et chaque sportif individuel détiennent une page

Facebook ou un compte Twitter. Des métiers propres au développement digital des clubs

sportifs sont d’ailleurs créés – les community managers – dont le rôle est de suivre l’actualité

sportive digitale et de développer l’image et les profits du club via ce nouveau moyen de

communication. Il est alors possible d’être connecté constamment avec le monde du sport. En

effet, tout événement peut être suivi en direct d’un bout à l’autre du monde, grâce à la

télévision et à Internet.

La mondialisation du sport se caractérise également par un accroissement rapide des

activités marchandes liées au sport. Du fait de la libéralisation des échanges, on assiste à

l’ouverture du commerce international du sport. Les articles de sport s’importent et

s’exportent d’un pays à l’autre, au grand bonheur des clubs qui peuvent désormais faire jouer

la concurrence au niveau des équipementiers par exemple. Aussi, les supporters y voient leur

intérêt puisqu’il est désormais possible de se procurer les maillots de n’importe quel club

sportif étranger. Les industriels du sport ont également profité de ce phénomène pour

délocaliser leur production et s’installer dans les pays en développement afin de produire à

moindre coût. Enfin, les événements sportifs ont également tendance à se délocaliser vers les

pays émergents : Jeux Olympiques à Pékin (2008), Jeux Olympiques à Rio (2014), etc.

Avec l’ouverture du marché des capitaux, on assiste également à une

« délocalisation » des joueurs. Les transferts internationaux des sportifs vont générer des flux

financiers importants de part et d’autre du monde. La Cour de Justice des Communautés

Européennes va d’ailleurs encourager cette pratique de transfert à travers l’Arrêt Bosman du

15 décembre 1995 relatif au sport professionnel. Cet arrêt établit l’illégalité des quotas de

sportifs européens au sein des ligues de football. Désormais, « les clubs peuvent compter dans 17 KIDANE, F., ANDREFF, W., PAUTOT, S. et PONS, N., Dossier n°11 – Sport et Mondialisation, op.cit.

Page 21: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

20

leurs effectifs autant de ressortissants de l’Union Européenne qu’ils le souhaitent. C’est la fin

de l’exception sportive : le joueur de football est désormais considéré comme un travailleur et

peut librement circuler au sein de l’Europe. »18

Dans cette logique, on assiste depuis les années 1980 à un mouvement de

professionnalisation du sport.

« Est considéré comme sportif professionnel celui dont le travail consiste à pratiquer

un sport. Cette activité professionnelle effectuée dans le cadre d’un emploi est donc ratifiée

par un contrat de travail et donne droit à une rémunération. En Europe, l’Observatoire

européen de l’emploi sportif en a recensé entre 15 000 et 20 000. D’après notre recensement,

la France compte actuellement entre 3000 et 4000 sportifs professionnels (…) »19

Selon Brigitte BARBUSSE, cette professionnalisation du sport se matérialise

également par l’émergence d’organisations représentatives des salariés et des employeurs du

sport (création du Syndicat National des Basketteurs en 1988 et création de l’Union des clubs

professionnels de football en 1990 par exemple) et des ligues nationales par discipline

(création de la Ligue Nationale de volley-ball en 1999 par exemple). Egalement, de plus en

plus d’emplois salariés sont créés dans le monde du sport. Par exemple, les entraineurs ne

sont plus considérés comme de simples bénévoles dans la mesure où ils doivent disposer de

diplômes nationaux précis pour exercer et ainsi être rémunérés (Brevet d’Etat, Diplôme

d’Etat, Brevet Fédéral, etc.).

Ces trois phénomènes – médiatisation du sport, échanges internationaux des biens et

services liés au sport et professionnalisation du sport – concourent à l’émergence de la notion

de sport spectacle. A titre d’exemple, d’après les statistiques de la société Eurodata TV

Worldwide, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Londres en 2012, qui fût un

spectacle exceptionnel, a rassemblé 40,7 millions de téléspectateurs aux Etats-Unis, 23,5

millions de téléspectateurs au Royaume-Uni et 8,7 millions de téléspectateurs en France. Ces

chiffres montrent d’une part l’engouement de la population mondiale pour le spectacle

occasionné par les Jeux Olympiques mais également la parfaite couverture médiatique de

l’événement. 18 « Il y a 20 ans, l’arrêt Bosman », (08/08/2010). Disponible sur : http://www.sofoot.com/il-y-a-20-ans-l-arret-

bosman-130168.html 19 BARBUSSE, B., « Sport et entreprise : des logiques convergentes ? », in L'Année sociologique 2/2002 (Vol.

52), p. 391-415.

Page 22: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

21

L’appétit pour le sport spectacle semble entrer dans la logique actuelle de

surconsommation. Les supporters en veulent toujours plus et sont avides de performance

sportive exceptionnelle, ce qui incite les acteurs de l’industrie du sport à investir toujours plus

d’argent. Nous pouvons toutefois nous demander si cet appétit pour le sport spectacle découle

d’une réelle demande de la population ou s’il s’agit d’un besoin créé de toute part par les

médias et l’industrie du sport. Peu importe la réponse, il semble indéniable aujourd’hui que le

sport s’inscrit avant tout dans une logique de business. Des millions de dollars sont injectés

chaque année dans le sport, que ce soit via le sponsoring, les abonnements sportifs, les

billetteries, les droits de diffusion, les salaires de joueurs, l’organisation d’événements

sportifs, les médias, etc.

Cependant, de plus en plus de scandales liés à l’argent apparaissent sur la scène

internationale. Les valeurs sportives sont parfois ternies voire oubliées tant l’argent et le

spectaculaire semble avoir pris le dessus. Par exemple, les matchs truqués sont désormais

monnaie courante, que ce soit dans le football, le tennis ou encore la boxe. En 1993,

l’Olympique de Marseille fût privé de son titre de Champion de France suite au scandale du

match contre Valenciennes, où trois joueurs se sont vus proposer une grosse somme d’argent

pour laisser gagner le club adverse. Egalement, on se souvient de la récente affaire des paris

sportifs qui a considérablement entaché l’image du handball, et plus particulièrement des

joueurs du Montpellier Handball, dont la star internationale Nikola Karabatic. Aussi, n’est-il

pas impensable qu’une histoire d’argent liée aux droits de diffusion soit venue retarder de

plusieurs mois le début de la saison de basket-ball (NBA) aux Etats-Unis ? Pis encore, ne

peut-on pas considérer que l’attrait pour l’argent et pour le spectacle sportif encouragerait à la

performance exceptionnelle et donc au dopage ?

Ainsi, quels rôles vont jouer les entreprises dans ce processus de mondialisation du

sport ? Comment le sport va-t-il se servir de l’entreprise et comment l’entreprise va-t-elle se

servir du sport ?

Page 23: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

22

3. Sport et entreprises : une stratégie win-win ?

En France, et plus largement en Europe, l’entreprise n’est pas associée naturellement

et traditionnellement au sport, comme c’est le cas aux Etats-Unis. En effet, dans sa conception

originelle, nous avons vu que le sport était davantage associé au jeu, au loisir. Rappelons à

nouveau que le mot sport provient de l’ancien français desport signifiant divertissement. Né

en Angleterre au XIXème siècle, le sport moderne est en fait « une activité gratuite et

désintéressée où la manière d’être et de faire (style, fair-play) compte davantage que la

performance ». 20 Au contraire, la notion d’entreprise renvoie avant tout à l’idée de travail, de

maximisation du profit, de rentabilité et de performance.

Pourtant, depuis deux décennies environ, en parallèle avec la mondialisation

économique, on constate que sport et entreprise ne sont plus deux termes antagonistes. Au

contraire, ils viennent se compléter l’un et l’autre, dans une logique de stratégie gagnant-

gagnant. Si le sport a aujourd’hui considérablement besoin des entreprises pour répondre à la

médiatisation croissante et aux exigences du sport business, il semblerait que les entreprises

aient de plus en plus besoin du sport et des valeurs qu’il véhicule pour consolider leur image

de marque et ainsi se démarquer dans un monde de plus en plus concurrentiel.

Nous l’avons vu précédemment, le sport s’est professionnalisé depuis les années 1980,

intégrant alors des modes d’organisation et de gestion propres au modèle de l’entreprise :

« En l’occurrence, les transformations du sport français qui ont eu lieu ces dernières

années montrent que la culture du travail telle qu’elle se manifeste dans le monde

entrepreneurial (avec ses règles, ses contraintes et ses exigences) sert de référence aux acteurs

du monde sportif comme modalité de gestion et de production des activités sportives même

lorsque celles-ci sont non marchandes et qu’elles s’effectuent dans le cadre d’une organisation

à but non lucratif. »21

On retrouve cette même logique au niveau des organisations sportives, « (…)

structures locales et nationales ayant pour vocation de gérer la pratique du sport qu’il soit

professionnel ou non (clubs, fédérations, ligues et comités). »22 Au sein de ces structures, une 20 BARBUSSE, B., Ibid. 21 BARBUSSE, B., Ibid. 22 BARBUSSE, B., Ibid.

Page 24: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

23

hiérarchie comparable à celle d’une entreprise se met en place pour une organisation plus

efficiente. Le statut d’association pour une organisation se voit alors de plus en plus remplacé

par le statut commercial afin de gérer au mieux des activités sportives dominées désormais

par le travail, l’argent et la performance. Les objectifs d’un club sportif par exemple sont

comparables à ceux d’une entreprise puisqu’il s’agit d’une maximisation de la performance.

Ce processus de professionnalisation tend donc à rapprocher le modèle de l’entreprise du

modèle sportif.

De la même manière, les entreprises incorporent de plus en plus le sport dans leurs

activités, et ce de plusieurs manières. D’une part, les entreprises intègrent dans leur logique

managériale les valeurs sportives telles que l’esprit d’équipe, le leadership, le sens de la

compétition et de l’effort, l’objectif de performance, etc. En effet, les qualités d’un sportif

correspondent parfaitement à l’esprit entrepreneurial et seraient même un levier de

compétitivité et un gage de performance. Pour illustrer ces propos, nous pouvons notamment

évoquer le partenariat récent conclu entre le MEDEF, Mouvement des Entreprises de France,

et la filière sportif de haut-niveau du Ministère des Sports. Ce partenariat a pour objectif

d’aider les sportifs de haut-niveau dans leur reconversion ou leur recherche d’emploi, sachant

que les entreprises partenaires sont, elles, désireuses d’avoir des athlètes dans leurs équipes.

D’autre part, il est fréquent qu’une entreprise se serve du vocabulaire sportif pour caractériser

le fonctionnement de l’entreprise en utilisant le modèle sportif : équipe, joueurs, coach,

capitaine, etc.

Egalement, les entreprises tendent à développer le sport en interne auprès de leurs

salariés. Cette pratique est ancienne puisqu’elle date des années 1920 : le premier

championnat corporatif apparaît, opposant des corporations de travailleurs (cheminots,

postiers, etc.). Depuis, le sport corporatif s’est internationalisé et des compétitions mondiales

sont organisées (exemple des World Corporate Games organisés à San Francisco en 1988).

Aussi, il est aujourd’hui de plus en plus courant que des entreprises mettent à disposition de

leurs salariés des salles de sport ou des piscines, l’objectif étant de maximiser le bien-être du

salarié et par suite de maximiser sa performance professionnelle. Des challenges sportifs sont

également organisés au sein de l’entreprise afin de fédérer les salariés ; c’est le principe du

team-building. Tous les grands groupes ont aujourd’hui recourt à ces activités (La Poste, BNP

Paribas, EDF-GDF, La SNCF, etc.).

Page 25: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

24

Enfin, ne l’oublions pas, l’entreprise va s’associer au sport à travers le sponsoring.

Une place toute particulière va être consacrée à cette pratique au sein de la stratégie de

communication et de la stratégie marketing de l’entreprise, et c’est ce que nous allons étudier

dans le prochain chapitre.

Page 26: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

25

CHAPITRE 2

LE CHOIX D’UNE STRATEGIE D’ENTREPRISE CENTREE VERS LE SPORT

1. Les bases de la stratégie d’entreprise : quel rôle pour la stratégie

marketing et la politique de marque ?

La stratégie d’entreprise concerne le dessein et le périmètre d’une organisation dans sa

globalité et la manière dont elle ajoute de la valeur à ses différentes activités. Elle comprend

la couverture géographique de l’entreprise (pays où celle-ci est implantée), la gamme de

produits et de services ainsi que la manière dont les ressources sont allouées entre les

activités. Plus précisément, on peut définir la stratégie comme « une allocation des ressources

qui engage l’organisation dans le long terme en configurant son périmètre d’activité avec pour

objectifs la réponse aux attentes des parties prenantes et l’obtention d’un avantage

concurrentiel. » (Johnson et al., Stratégique, 2008)

La communication fait pleinement partie de la stratégie d’une entreprise et entre dans

cette définition. De même, la stratégie marketing est un outil à part entière de la stratégie de

communication d’une entreprise. Il est important de noter l’importance de la politique

marketing dans la stratégie de communication d’une entreprise : « Le marketing est

l’ensemble des moyens dont dispose une organisation pour influencer, dans un sens favorable

à la réalisation de ses propres objectifs, les attitudes et les comportements des publics

auxquels elle s’intéresse. » Denis LINDON.23 Cette définition est très pertinente dans la

mesure où elle révèle les mots-clés du marketing. Le marketing est en effet un outil

stratégique, composé d’une palette de techniques, dont dispose une entreprise (ou une

collectivité) pour influer sur les comportements notamment d’achat d’une ou plusieurs cibles

de consommateurs. La politique marketing d’une entreprise est le résultat d’études poussées

concernant le marché, les consommateurs et les concurrents.

23 Cours de « Marketing international », par Monsieur Decaudin (4ème année, parcours D2P2)

Page 27: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

26

Pour qu’une stratégie marketing soit fructueuse, elle doit répondre à au moins un des

critères suivants :

- Supériorité de l’offre par rapport aux concurrents.

- Réponse aux attentes du marché.

- Innovation et savoir-faire marketing.

La stratégie marketing est généralement composée de trois outils : la publicité, les

ventes promotionnelles et les relations publiques. La marque va alors jouer un rôle

stratégique. Considérée comme un levier stratégique puissant, la marque « permet d’identifier

les produits et services d’une compagnie et de les distinguer de ceux des concurrents ». 24 La

définition de Philipe KOTLER nous apporte d’autres éléments : « Une marque est un nom, un

symbole, un dessin, une musique, un jingle, une odeur ou toute combinaison de ces éléments

permettant d’identifier un produit ou un service et de le différencier des concurrents. » Bien

souvent, la marque est le principal facteur clé de succès d’une entreprise, puisqu’elle va

permettre de distinguer et différencier le produit.

Une bonne marque doit répondre aux caractéristiques suivantes :

- Qualités euphoniques,

- Facilité de mémorisation,

- Capacité d’évocation,

- Typicalité,

- Aptitude à la déclinaison

- Aptitude à l’internationalisation.

24 DESBORDES, M. et RICHELIEU A., Néo-marketing du sport : regards croisés entre Europe et Amérique du

Nord, op. cit. Page 12.

Page 28: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

27

Pour une entreprise disposant d’une bonne marque, nous parlerons de capital de

marque, c’est-à-dire les attitudes et comportements des consommateurs face à la marque. Les

retombées économiques attribuées uniquement au capital de marque peuvent être

considérables, d’où l’intérêt d’investir régulièrement et sur le long terme, dans une politique

de marque efficace. Grâce à une marque forte, l’entreprise va bénéficier d’une image de

marque positive, d’une notoriété et cela va permettre de fidéliser les clients. Sur un produit

inconnu, c’est d’ailleurs la marque la plus éloquente qui va faire la différence dans la décision

d’achat du consommateur. Egalement, une marque forte va correspondre, dans l’esprit des

consommateurs, à un gage de qualité.

Ainsi, réussir à imposer et faire perdurer une bonne marque va être primordial dans la

stratégie marketing d’une entreprise. Toutefois, on constate aujourd’hui que les trois outils

traditionnels du marketing (publicité, relations publiques et ventes promotionnelles) ont

tendance à s’essouffler du fait d’une overdose de publicités et d’informations commerciales.

Le service marketing peut alors disposer s’il le souhaite d’un autre outil à forte valeur

ajoutée : le sport. Selon Michel DESBORDES, « le sport est devenu un véhicule pertinent

pour implanter une stratégie de marque ».25 De plus en plus d’entreprises ont donc recours à

une stratégie de sponsoring ; ce ne sont plus seulement les marques d’équipementiers (Nike,

Adidas).

25 DESBORDES, M. et RICHELIEU A., Ibid. Page 44.

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28

2. Le sponsoring : historique et éléments de définition

Dans un premier temps, il convient de définir ce qu’est le sponsoring. Plusieurs termes

viennent en fait désigner une même pratique : sponsoring, parrainage, partenariat, mécénat,

communication événementielle, etc. Si la loi préconise l’emploi du terme « parrainage »26,

nous utiliserons davantage dans ce mémoire le terme sponsoring. Il n’existe pas de définition

juridique précise du sponsoring. Dans son ouvrage Stratégies des Entreprises dans le Sport,

Michel DESBORDES va nous donner plusieurs éléments de définition :

- « Le sponsoring est un outil de communication permettant de lier directement une

marque ou une société avec un événement attractif pour un public donné. (Sahnoun,

1986).

- Le sponsoring est un rapport d’affaires entre un apporteur financier, de ressources ou

de service, et un événement sportif ou une organisation qui offre en retour des droits et

une association qui peuvent être utilisés en vue d’obtenir un avantage commercial.

(Howard et Crompton, 1995)

- Toute action de communication en vertu de laquelle un parrain s’engage

contractuellement à accorder un soutien, financier ou autre, dans le but d’associer de

façon positive son image, son identité, ses marques, ses produits ou ses services à

l’événement, l’activité, l’organisation, ou l’individu qu’il soutient. (Chambre de

Commerce Internationale) »27

Dans ces trois définitions, d’auteurs différents, on retrouve toujours quatre variables :

- Le parrain : il peut s’agir ici d’une entreprise, d’une marque, d’une association, d’une

organisation, d’un actionnaire, etc.

- Le parrainé : il peut s’agir ici d’un sportif individuel, d’une équipe, d’une activité,

d’un stade ou encore d’un événement sportif. 26 Arrêté du 21 janvier 1983 27 DESBORDES, M., Stratégies des entreprises dans le sport, op. cit..

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29

- La participation du parrain : elle peut être financière, matérielle, humaine ou

institutionnelle.

- Les objectifs et bénéfices attendus : le sponsoring est une action réfléchie qui se fait

toujours dans un ou plusieurs buts précis.

Ainsi, le sponsoring répond à une logique gagnant-gagnant entre un parrain et un

parrainé, entre un sponsor et une entité sponsorisée. Cette logique est synthétisée par Gary

TRIBOU dans le schéma suivant :

Logique d’échange du sponsoring28

Pour illustrer cette logique gagnant-gagnant, nous pouvons citer l’exemple de la

Anglo-Irish Bank, qui sponsorise le Tour du Lac Lehmann en aviron. L’objectif est

28 TRIBOU, G., Sponsoring sportif, Editions Economica, Paris, France, 3ème édition, 2007.

SPONSOR

Soutien financier, matériel, en

savoir faire, …

ENTITE

SPONSORISEE

Eléments d’image, notoriété et

promotion

Page 31: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

30

d’accroître l’image de la banque, mais également d’accroître la visibilité de l’aviron, sport

très peu médiatisé.29

Le sponsoring sportif tire son origine du mécénat : « soutien matériel apporté, sans

contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l'exercice

d'activités présentant un intérêt général. » (Arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie

économique et financière). Cette pratique est ancienne puisque, déjà en l’an 65 avant Jésus-

Christ, César finançait des combats de gladiateurs afin de gagner des voix auprès des

électeurs. Plus tard, la première traversée de Christophe Colomb a été financée par Isabelle de

Castille en 1478. En 1813, un groupe de parfumeurs parisiens a financé une salle de jeu de

paume. Au fil des années, les exemples de ce type vont être de plus en plus nombreux. Les

années 1930 correspondent à l’émergence du sponsoring aux Etats-Unis, mené par les

manufacturiers du tabac, considérés comme les pionniers du sponsoring sportif. Dès les

années 1970, de gros partenariats de sponsoring sportifs naissent : par exemple, la BNP

Paribas établit un contrat de sponsoring de long terme avec la compétition de tennis Rolland

Garros. Les années 1980 et 1990 marquent un tournant dans l’évolution du sponsoring sportif

puisqu’apparaissent les termes de « sponsor officiel », « marchandising », « naming » ou

encore « ambush marketing ».

Aujourd’hui, le sponsoring est présent partout et semble être indispensable au

développement du sport et des évènements sportifs. A ce sujet, le Comité International

Olympique affirme même en 2008 : « Without the support of the business community,

without its technology, expertise, people, services, products, telecommunications, its

financing – the Olympic Games could not and cannot happen. Without its support, the

athletes cannot compete and achieve their very best. ». En effet, les Jeux Olympiques

constituent l’événement attirant le plus de sponsors. Les témoignages de Stéphanie Falzon,

lanceuse de marteau et représentante de l’Equipe de France aux Jeux Olympiques de Pékin et

de Londres, nous raconte son expérience avec les sponsors :

« On ne remarque que ça, et ce dès la réception des équipements. A Pékin, on a reçu

dans nos sacs : un gel douche Ushuaia, des bonbons Haribo, des shampoings Pétrolhan, des

savanes de Brossard et j’en passe. On nous a également donné avec nos accréditations un

badge pour pouvoir retirer des boissons CocaCola et autres dans les distributeurs disposés

29 GUIDOTTI, S., « Sponsoring sportif : les conditions du succès », in Finance & Bien Commun 1/2007 (n°26),

p.71-74.

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31

tous les 15 mètres dans tout le village Olympique ! Donc tous les 15 mètres, on pouvait

« badger » le distributeur et boire !! Ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres. En 2000

au JO de Sydney chaque athlète avait eu un téléphone portable offert du sponsor

téléphonie. »30

30 Témoignages recueillis lors d’une interview avec Stéphanie Falzon, disponible en annexe.

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32

3. Les retombées d’une stratégie de sponsoring sportif : avantages et

limites.

Pourquoi les entreprises optent-elles pour une stratégie de sponsoring sportif ? Quels

sont les avantages d’une stratégie de sponsoring sportif par rapport aux autres moyens de

communication plus traditionnels ? Le sponsoring sportif va en fait être le résultat d’une

analyse comparative avec les autres moyens de communication. L’investissement et les

retombées ne sont pas tout à fait les mêmes.

Avant tout, il est important de noter que le sponsoring sportif s’insère dans un contexte

spécifique, celui du spectacle sportif, garantissant une plus forte sensibilité du public aux

sponsors. Les consommateurs ciblés auront tendance à être plus réceptifs aux messages

envoyés par les entreprises dans la mesure où ils se trouvent dans un contexte de loisirs, de

détente et de plaisir, à savoir devant un match ou une compétition sportive à la télévision,

dans un stade ou encore dans un bar retransmettant un match sur grand écran. L’entreprise est

alors intégrée à l’univers réel du consommateur et les messages vont s’imposer aux

spectateurs qui vont y être automatiquement exposés. Dans le cas d’une simple publicité, le

consommateur est conscient qu’il ne s’agit que d’un film publicitaire ; il est alors libre de

« zapper » et de ne pas le regarder. Attention, le contexte sportif n’est pas sans inconvénient.

Le principal risque est que l’attention du spectateur soit faible si celui-ci est trop captivé par

l’événement sportif qu’il regarde. Egalement, le message envoyé par l’entreprise ne peut être

que peu explicite (il s’agit bien souvent d’un simple logo ou d’une phrase courte) puisque

l’exposition est brève et limitée. Il est d’ailleurs possible que le public visé ne parvienne pas à

se souvenir des sponsors. Au contraire, dans le cas d’une publicité, le spot télévisé est long,

explicite et permet de faire passer plusieurs messages précis.

Si une multitude d’entreprises fait aujourd’hui le choix de communiquer dans ce

contexte particulier, c’est dans l’attente de retombées positives. D’après une étude de

MIYAZAKI et MORGAN (2001)31, les entreprises optent pour une stratégie de sponsoring

sportif pour répondre à trois objectifs majeurs :

31 MIYAZAKI, A., et MORGAN, A., « Assessing Market Value of Event Sponsoring : Coporate Olympic

Sponsorships », in Journal of Advertising Research, (2001), 41 (1), 9-15.

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33

- L’amélioration de l’image de marque : l’entreprise peut améliorer son image de

marque en sponsorisant un athlète ou un événement sportif ayant une image positive.

Utiliser une personnalité sportive comme égérie d’une marque est bien souvent une

stratégie gagnante : exemple de Camille Lacourt, égérie de Clarins, Chanel et Carnet

de Vol. Pour un sponsoring réussi, l’entreprise doit veiller à maintenir une

concordance entre ses propres valeurs et celles de l’entité sponsorisée. Un manque de

concordance pourrait alors nuire à la stratégie de sponsoring et contrecarrer les effets

positifs attendus.

- L’amélioration de la réputation de l’entreprise : en sponsorisant, l’entreprise donne

de l’argent et bénéfice alors d’une image « généreuse », « bienfaisante ». Cette

affirmation est d’autant plus vraie lorsque l’entreprise finance un athlète ou un

événement apprécié par la population. De plus, les valeurs sportives – que sont entre

autre la performance, la combativité, le courage, l’excellence – vont être associées à

l’entreprise.

- L’amélioration de la notoriété de la marque : cela passe par la forte exposition

médiatique et la forte couverture publicitaire. Le sponsoring sportif est un outil

marketing efficace dans la mesure où il offre à l’entreprise et à la marque une

exposition beaucoup plus large que la publicité. Elle peut en effet être locale ou

internationale selon la cible visée. Par exemple, en sponsorisant l’athlète Usain Bolt,

la société Puma est consciente qu’elle va bénéficier d’une visibilité d’abord locale

(Jamaïque, Caraïbes), puis mondiale grâce aux diverses compétitions internationales

auxquelles le sponsorisé participe (Championnats d’Europe d’athlétisme,

Championnat du Monde d’athlétisme, Jeux Olympiques, etc.).

A cela s’ajoute un quatrième objectif soulevé par différents auteurs et chercheurs

académiques : l’accroissement des ventes et des parts de marché de l’entreprise sponsor. En

effet, l’entreprise fait le pari que les fans et les supporters de l’entité sponsorisée vont devenir

des consommateurs.

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34

Dans une autre étude, Gerd NUFER et André BUHLER32 distinguent trois grandes

catégories d’objectifs pour les entreprises :

- Les objectifs d’entreprise (« corporate objectives ») : relations financières, relations

gouvernementales, relations entre les salariés, image d’entreprise, sensibilité du

public, divertissement des clients, etc.

- Les objectifs marketing (« marketing objectives ») : relations économiques, image de

marque, augmentation des ventes, etc.

- Les objectifs média (« media objectives ») : visibilité, publicité, mise en avant d’une

campagne publicitaire, etc.

Le sponsoring permet donc de réaliser une multitude d’objectifs entrant dans les trois

catégories ci-dessous. Toutefois, les objectifs les plus souvent recherchés sont, d’après cette

même étude de NUFER et BUHLER, l’amélioration de l’image de marque et de la notoriété

de l’entreprise, ainsi que l’augmentation des ventes. Pour que ces objectifs soient atteints, il

faut toutefois que la stratégie de sponsoring soit préparée en amont et réponde à plusieurs

questions essentielles : quelle entité sponsoriser (joueurs, équipes, stade, etc.) ? Dans quel

sport ? Quel budget ? Quelle implantation (maillot, banderoles, panneaux rotatifs, etc.) et

quelle évaluation ? Toute une littérature académique, que nous ne détaillerons pas dans ce

mémoire, est consacrée à ces éléments de préparation permettant d’optimiser les résultats du

sponsoring sportif.

Le sponsoring comporte également certaines limites qu’il convient de prendre en

compte :

- La difficulté de mesure : notons d’abord que mesurer l’efficacité et la rentabilité

d’une stratégie de sponsoring sportif est très difficile, tant pour les entreprises que

pour les chercheurs académiques. Pourtant, depuis la défaite de l’Equipe de France de

Football à la Coupe du Monde 2002, les entreprises sont réticentes à investir dans le

sport sans être plus ou moins sûres du retour sur investissement dont elles vont 32 NUFER, G. et BUHLER, A., « How effective is the sponsorship of global sports évents ? A comparison of the

FIFA Wolrd Cups in 2006 and 1998 », in International Journal of Sports Marketing and Sponsorship, (juillet

2010).

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35

bénéficier. Plusieurs outils d’évaluation du sponsoring sont alors mis en place

progressivement : utilisation de press-book pour comparer l’espace publicitaire, études

générales de la notoriété de l’entreprise, études des retombées médiatiques, baromètre

spécifique pour mesurer divers impacts, tracking des marques, etc. Cependant, ces

outils d’évaluation restent très complexes, imprécis, et non universels, alors même que

l’ampleur des sommes dépensées dans le sponsoring nécessiterait une évaluation

distincte et unique.

- L’incertitude sportive : l’événement sportif a un caractère fortement aléatoire. Sa

réussite peut dépendre de plusieurs facteurs tels que la météo, les résultats sportifs,

l’ambiance, etc. Par exemple, de nombreux matchs de football ont été arrêtés ou

reportés pour cause d’intempéries (vent, pluie, neige) et de violence (annulation du

match amical Angleterre vs. Pays-Bas en 2011 alors que 70 000 billets étaient déjà

réservés). La chute des audiences des Grands Prix de Formule 1 lorsque Michael

Schumacher dominait le championnat, est illustratif du fait que la réussite d’un

événement sportif peut dépendre des résultats. Selon Michel DESBORDES, « il faut

dominer tout en maintenant des adversaires en nombre suffisant et en qualité, sinon la

valeur globale du spectacle produit baisse »33. Egalement, le sport n’est pas sans son

lot de surprises : retraite prématurée, blessures plus ou moins graves, échecs

inattendus, baisses d’audience, etc. Ces données ne peuvent pas être anticipées par

l’entreprise sponsor, ce qui constitue un risque élevé dans la stratégie de sponsoring.

Par exemple, la disqualification d’Usain Bolt suite à un faux départ lors de la finale

symbolique du 100m aux Championnats du Monde d’Athlétisme de 2011 a-t-elle eu

un impact négatif sur ses sponsors ? La récente blessure de Christophe Lemaître aux

Championnats du Monde d’Athlétisme de 2013 a-t-elle perturbé les bénéfices attendus

de son sponsor Asics ? Lorsqu’une entreprise investit dans de la publicité, elle finance

un moyen de communication qu’elle va pouvoir connaître, gérer et contrôler. A

l’inverse, lorsqu’une entreprise investit dans le sponsoring, elle va donner

préalablement de l’argent à un événement ou à un sportif qu’elle ne maitrisera pas

dans sa totalité.

33 DESBORDES, M., Stratégies des entreprises dans le sport, op. cit.

Page 37: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

36

- Le risque lié à l’entité sponsorisée : le choix de l’entité sponsorisée n’est pas facile à

faire. La personnalité sportive choisie peut être trop peu célèbre pour attirer l’attention

des consommateurs. A l’inverse, la personnalité sportive peut être trop célèbre et trop

médiatisée, ce qui nuit à l’efficacité du sponsor. De plus, il n’est pas rare que les

athlètes soient associés à des scandales tels que des affaires de dopage, de tricherie ou

encore de prostitution. Dans ce cas, le transfert d’image s’effectue de manière

négative : l’image négative de l’athlète concerné va ternir l’image de l’entreprise

sponsor. Par exemple, après avoir avoué officiellement s’être dopé, Lance Amstrong,

septuple vainqueur du Tour de France de 1999 à 2005, a perdu un à un tous ses

sponsors : Nike, Anheuser-Busch, Tek, etc. Les sponsors ont mis fin aux partenariats

qui les liaient avec le sportif afin d’éviter tout transfert négatif d’image et de ruiner

ainsi tout effort de communication mis en place avec le sponsoring.

- L’encombrement et la confusion : le trop gros nombre de sponsors entraine une

banalisation de ceux-ci. Les consommateurs sont confus, n’arrivent plus à distinguer

les sponsors des non-sponsors et ne parviennent donc pas à mémoriser les messages

envoyés par les entreprises. Plusieurs études ont démontré que l’encombrement nuisait

à l’efficacité du sponsoring et provoquait une confusion dans l’esprit de la population.

Par exemple, lors d’un sondage national réalisé aux Etats-Unis par ADWEEK

(Clinton Research Services), la question suivante était posée à la population :

« Pouvez-vous nommer trois sponsors officiels américains des Jeux Olympiques ? ».

Les résultats sont révélateurs : 57% des sondés ont désigné de manière incorrecte

Wendy’s comme étant le sponsor officiel des Jeux Olympiques, alors que seulement

37% ont correctement désigné Mc Donald’s. Une autre étude, menée par RADNOR, a

établi que seul 18% d’adultes américains ont été capables d’identifier Coca-Cola

comme sponsor officiel des Jeux Olympiques, alors même qu’il s’agit d’un sponsor

historique (sponsor officiel depuis les Jeux Olympiques de 1928).34

- L’ambush marketing : c’est une « technique de communication conférant la capacité

pour des entreprises, non directement impliquées dans un événement, d’être perçus par

le public comme de vrais parrains sans jamais acquitter un droit de parrainage » 34 Miyazaki, Anthony D., et Angela G. Morgan (2001), « Assessing Market Value of Event Sponsoring :

Coporate Olympic Sponsorships », op. cit.

Page 38: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

37

(Bloxham, 1998). L’objectif principal de l’ambush marketing est de « créer une

incompréhension dans l’esprit du consommateur quant à l’identité du parrain et dès

lors, soit d’obtenir les bénéfices associés à ce parrainage, soit d’affaiblir l’impact du

concurrent principal en tant que parrain exclusif d’un événement. ».35 Il s’agit donc

d’une action réfléchie, d’une stratégie à part entière de la communication de

l’entreprise, au même titre que le sponsoring. Le premier cas d’ambush marketing

apparaît lors des Jeux Olympiques de Los Angeles de 1984. Alors que Fuji Film

obtient le droit officiel de sponsoriser les Jeux Olympiques, son concurrent Kodak

s’associe à l’équipe américaine d’athlétisme et crée une véritable confusion. Ces cas

sont très fréquents, la stratégie étant de sponsoriser une individualité ou des équipes

participant à un événement sportif, sponsorisé officiellement par un concurrent. Par

exemple, Usain Bolt n’a pas hésité à brandir ses baskets Puma face aux caméras lors

des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, alors même que l’équipementier officiel de la

compétition était Adidas. Egalement, les entreprises confectionnent des panneaux

publicitaires rappelant le visuel d’un événement sportif et le placent aux abords de

celui-ci. Cela crée donc une confusion. Il existe une multitude d’autres techniques

d’ambush marketing, telles que sponsoriser la diffusion d’un événement (et non

l’événement lui-même), investir massivement dans la publicité lors des créneaux de

diffusion de l’événement, etc. Ainsi, les exemples d’ambush marketing se multiplient

au fil des années, pour devenir de plus en plus conséquents, d’où des pourparlers

quant à une législation restreignant cette pratique.

35 SANDLER, D. et SHANI, D., « Olympic sponsorship vs. « ambush » marketing : who gets the gold ? », in

Journal of Advertising Research, (08-09/1989).

Page 39: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

38

Conclusion de la partie I

Nous avons vu dans cette première partie que le monde du sport et le monde de

l’entreprise sont loin d’être antagonistes. S’ils ont toujours été associés indirectement, à

travers le mécénat, les Jeux Olympiques antiques ou les outils politiques par exemple, ils sont

aujourd’hui quasiment indissociables. Ce phénomène est le résultat de la mondialisation du

sport, du développement des nouvelles technologies et de l’émergence du sport-spectacle.

De plus en plus d’entreprises, multinationales ou PME, ont aujourd’hui recourt au

sponsoring sportif dans leur stratégie marketing. Le but est d’obtenir des avantages

concurrentiels par rapport à des entreprises non-sponsors. Les entreprises investissent

désormais massivement dans le sport, en espérant des retombées économiques à la hauteur de

ces investissements. Des milliards de dollars sont alors dépensés chaque année dans le

sponsoring et dans la promotion de l’action de sponsoring. En effet, il ne suffit pas seulement

d’acheter des droits de diffusion ou de signer des contrats de partenariat ; il faut également

promouvoir ces partenariats. Ainsi, nous considérons que pour un euro dépensé en achat de

droits, l’entreprise sponsor doit encore dépenser deux à trois euros pour valoriser et rendre

visible l’action de sponsoring. Sachant que le montant des droits s’évalue en milliers voire en

millions d’euros, il est inutile de préciser que le sponsoring représente un budget considérable

et non négligeable pour une entreprise.

Cependant, cet investissement massif a tendance à provoquer des effets négatifs et génère

depuis plusieurs années des situations d’encombrement et de confusion. Avec la montée de

l’ambush marketing, le sponsoring aurait-il atteint ses limites ? Le sponsoring ne serait-il plus

aussi efficace pour améliorer l’image, la notoriété et les ventes d’une entreprise ?

Nous verrons dans une seconde partie que certaines entreprises, encore rares aujourd’hui,

font le choix, en complément d’une stratégie de sponsoring, de créer leurs propres

événements sportifs afin de contourner les limites atteintes par le sponsoring.

Page 40: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

39

PARTIE II

DU SPONSORING A LA CREATION D’EVENEMENTS SPORTIFS :

ALLER PLUS LOIN DANS L’INVESTISSEMENT SPORTIF.

Cette seconde partie va nous permettre d’aller plus loin dans la logique de sponsoring

et de l’associer à la création d’événements sportifs. Dans un premier temps, nous analyserons

les caractéristiques d’un événement sportif et les retombées qu’il peut générer pour une ville

ou un pays à travers le cas des Jeux Olympiques (1). Puis, nous associerons ces données au

monde de l’entreprise et essayerons de comprendre pourquoi une entreprise ferait le choix de

créer son propre événement sportif, à l’instar du groupe Red Bull (2).

Page 41: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

40

CHAPITRE 1

L’ORGANISATION D’EVENEMENTS SPORTIFS :

ENJEUX ET RETOMBEES POUR LA VILLE OU LE PAYS HOTE.

LE CAS DES JEUX OLYMPIQUES

1. L’organisation d’un événement sportif par une ville ou un pays : quels

coûts pour quels bénéfices ? Eléments de mesure.

Les entreprises ne sont pas les seules à devoir mettre en place une stratégie marketing.

En effet, les pays et les villes disposent également d’une image et d’une réputation à

entretenir. Un des outils de la politique marketing d’une ville peut être l’accueil et

l’organisation d’un événement sportif. A l’échelle d’une petite ville, il peut s’agir d’une

simple compétition locale ou nationale ; à plus grande échelle, il peut s’agir d’une grande

compétition nationale voire internationale. Les retombées sont-elles les mêmes que celles du

sponsoring et entrent-elles dans les catégories « entreprise, media et marketing » créées par

Gerd NUFER et André BUHLER ? De nombreuses études académiques ont été réalisées à ce

sujet et ont permis de distinguer deux objectifs importants recherchés par la ville ou le pays

organisateur : un objectif économique et un objectif d’amélioration de l’image.

Dans un premier temps, il convient d’évoquer les retombées économiques de

l’organisation d’un événement. DESBORDES et RICHELIEU démontrent dans leur ouvrage

que l’organisation d’un événement sportif de grande envergure peut générer des retombées

économiques positives : « Les bénéfices à long terme associés à l’organisation de grands

événements sportifs sont reliés à un accroissement des investissements et du tourisme suite à

l’exposition médiatique dont a profité la destination hôte »36 En effet, la très forte couverture

médiatique de l’événement va permettre d’accroître la visibilité de la ville ou du pays 36 DESBORDES, M. et RICHELIEU A., Néo-marketing du sport : regards croisés entre Europe et Amérique du

Nord, op. cit.

Page 42: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

41

organisateur et d’accroître alors l’intérêt du public local et étranger pour la destination

concernée. L’événement va constituer une sorte de publicité pour le pays : la retransmission

télévisuelle permet de bénéficier d’une audience locale, nationale ou internationale selon

l’ampleur de l’événement. Les téléspectateurs, attirés par la destination (à laquelle ils

n’auraient pas forcément pensé sans l’accueil de l’événement sportif), vont s’y rendre à

moyen ou long terme. De cela découle alors toute une série d’effets positifs : les demandes de

logement et de transport augmentent, les activités touristiques et les services en général

augmentent, etc.

Au-delà des effets économiques positifs liés à l’augmentation du tourisme,

l’organisation d’un événement sportif va générer des effets liés au financement et aux

investissements. L’organisation d’un événement sportif demande en effet des investissements

plus ou moins importants selon l’ampleur de l’événement et ces investissements vont générer

des emplois et un dynamisme économique. Prenons l’exemple de la France qui a été choisie

pour accueillir en juin et juillet 2016 la quinzième édition du Championnat d’Europe de

Football organisé par l’UEFA (Union of European Football Association). Cet événement

requiert de nombreux investissements, notamment en termes d’infrastructures, dans la mesure

où il rassemblera pour la première fois vingt-quatre équipes nationales (au lieu de seize).

Onze stades, localisés sur tout le territoire français, vont accueillir la compétition. Une partie

des stades existants est actuellement en pleine phase de rénovation, afin d’être aux normes

UEFA dans la perspective de l’Euro 2016. L’autre partie sera composée de nouveaux stades,

actuellement en construction37 :

- Grand Stade Lille Métropole (Lille) : nouveau stade inauguré en 2012, coût estimé à

282 millions d’euros.

- Allianz Riviera (Nice) : nouveau stade, coût estimé à 245 millions d’euros.

Inauguration prévue pour fin 2013.

- Stade des Lumières (Lyon) : nouveau stade, coût estimé à 450 millions d’euros.

Inauguration prévue pour 2014.

- Stade Bordeaux Atlantique (Bordeaux) : nouveau stade, coût estimé à 173 millions

d’euros. Inauguration prévue pour fin 2014.

37 Informations disponibles sur le site www.info-stades.fr

Page 43: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

42

- Parc des Princes (Paris) : rénové en 2012.

- Stade de France (Paris) : inauguré en 1998 à l’occasion de la Coupe du Monde de

Football organisée en France.

- Stade Vélodrome (Marseille) : rénovation en cours, coût estimé à 180 millions

d’euros.

- Stade Geoffroy Guichard (Saint-Etienne) : rénovation en cours, coût estimé à 58

millions d’euros.

- Stadium Toulouse (Toulouse) : rénovation à venir, coût estimé à 60 millions d’euros.

- Stade Bollaert (Lens) : rénovation à venir, coût estimé à 78 millions d’euros.

- Stade Marcel Picot (Nancy) : rénovation en cours, coût estimé à 60 millions d’euros.

- Stade de la Meinau (Strasbourg) : rénovation à venir, coût non communiqué.

Ainsi, rien que pour la rénovation et la création de stades, le montant des

investissements s’élève à 1,7 milliards d’euros, la part du secteur privé dans cet

investissement étant de 61%. D’après une étude publiée par Sportfive, « les rénovations

effectuées génèreront 183 millions d’euros de recettes additionnelles annuelles pour les clubs

professionnels français »38. Ces investissements considérables vont nécessiter de la main

d’œuvre et permettre alors une augmentation de l’emploi. La Fédération Française de Football

a d’ailleurs affirmé que l’Euro 2016 génèrerait la création de près de 20 000 emplois, dont

4000 emplois durables.

38 ERRARD, G., « L’Euro 2016, une manne financière pour la France », in Le Figaro (29/05/2010). Disponible

sur : http://www.lefigaro.fr/sport-business/2010/05/28/04014-20100528ARTFIG00476-euro-2016-pourquoi-la-

france-a-ete-choisie.php

Page 44: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

43

L’accueil et l’organisation d’un événement sportif vont également avoir un impact

positif ou négatif sur l’image de la ville ou du pays hôte. Le rôle des médias va être

primordial dans l’image que va renvoyer le pays ou la ville organisatrice. En effet, qu’il

s’agisse d’un support numérique (Internet, réseaux sociaux), d’un support télévisuel

(reportages, retransmission directe) ou d’un support papier (presse, affiche, publicité), les

journalistes vont pouvoir décider de l’image qu’ils souhaitent renvoyer de l’événement sportif

et par suite de son organisateur. De plus, la couverture médiatique ne s’effectue pas seulement

sur le sport, puisque, bien souvent, des reportages et des web documentaires sont réalisés sur

la ville en elle-même, son environnement, ses traditions et ses particularités culturelles et

sociales.

BARGET et GOUGUET39 ont fait une analyse des coûts et des bénéfices générés par

un événement sportif. En plus des retombées économiques et des retombées liées à l’image de

la ville, ils vont ajouter de nouveaux éléments, qu’ils vont appeler effets externes : « Il s’agit

ici de quantifier l’utilité du projet pour la communauté et de la comparer aux coûts supportés

par cette même communauté, afin de voir si le projet est légitime ». Le cadre théorique qu’ils

ont utilisé est celui de la théorie du bien-être économique, dans lequel il va y avoir des effets

externes positifs, mais également des effets externes négatifs.

Effets externes positifs :

- Divertissement du public,

- Maintien de la cohésion sociale,

- Dynamisation du tissu économique,

- Création d’activité économique à court terme,

- Couverture médiatique internationale,

- Réalisation de grands travaux d’intérêt public dont la population pourra ensuite

profiter.

Effets externes négatifs :

- Source d’ennui pour ceux qui n’ont aucun intérêt pour le sport,

- Source de frustration pour ceux qui n’ont pas accès au spectacle sportif,

39 BARGET, E. et GOUGUET, J-J., Evènements sportifs : impacts économiques et social, op. cit.

Page 45: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

44

- Hausse des déviances sociales (violence, extrémisme, dopage, tricherie),

- Pas de dynamisation économique,

- Baisse de l’activité touristique traditionnelle par peur de la sur-fréquentation,

- Médiatisation négative,

- Effets déstructurants des quartiers.

Toutefois, si la littérature académique est abondante sur la corrélation événement

sportif / image de la ville ou du pays organisateur, il n’existe que peu de preuves empiriques

démontrant des impacts positifs ou négatifs. Ce manque de preuves s’explique par les

difficultés de mesure d’une telle corrélation. S’il était déjà complexe de mesurer les effets

d’une stratégie de sponsoring sur une entreprise, il est encore plus compliqué de mesurer les

effets de l’organisation d’un événement sportif sur une entité telle qu’une ville ou un pays.

Essayons toutefois d’évaluer les retombées à travers l’exemple des Jeux Olympiques.

Page 46: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

45

2. Le cas des Jeux Olympiques

Notre analyse porte ici sur la question suivante : est-il rentable pour une ville et pour

un pays d’organiser un événement aussi important que les Jeux Olympiques ? Quels sont les

coûts et quels sont les bénéfices ? Malgré la multitude d’études académiques publiées à ce

sujet, il est très difficile d’évaluer les retombées d’un événement tel que les Jeux Olympiques.

En effet, si les coûts sont connus de tous (puisque le dossier de candidature requiert un budget

précis), les bénéfices sont plus difficilement quantifiables, puisqu’ils s’étendent sur le long

terme, voire le très long terme.

En ce qui concerne le coût des Jeux Olympiques, l’historien du sport Pierre LAGRUE

nous explique que l’événement nécessite depuis sa création des dépenses faramineuses :

« Pourtant, de tout temps, les cités n'ont jamais lésiné à la dépense pour organiser

avec éclat les compétitions olympiques. Ainsi, dès la première édition, à Athènes, en 1896, les

Jeux ne peuvent se tenir que grâce à la générosité d'un mécène, Georgios Averoff, qui offre

un million de drachmes pour financer la rénovation du stade Panathénaïque et couvrir une

partie des dépenses courantes. En 1920, au sortir de la Grande Guerre, Anvers réussit à mener

à bien son projet olympique grâce à une garantie d’un million de francs fournie par le comité

des commerçants et diamantaires de la ville. En 1924, à Paris, les Jeux constituent un réel

succès organisationnel et populaire, mais ils laissent un déficit de 4 millions de francs. (…)

Plus tard, en 1968, les Jeux de Grenoble engloutissent 1,1 milliard de francs, une somme

considérable pour des Jeux d'hiver, dont les trois quarts pris en charge par l'État – le général

de Gaulle souhaitait faire de ces Jeux une opération de prestige à la gloire de la France. La

même année, Mexico consacre 175 millions de dollars aux Jeux, dont 98,5 millions pour les

installations sportives, la rénovation urbaine et l'édification du village olympique. »40

Ainsi, le coût des Jeux Olympiques ne cesse d’augmenter au fil des années. La

dernière édition des Jeux Olympiques, organisée en 2012 à Londres, représente un coût de

plus de 11 milliards d’euros d’argent public. Comment est dépensé tout cet argent ? Quel est

le détail des coûts de cet événement ? L’organisation des Jeux Olympiques représente

évidemment des investissements considérables, puisqu’il est nécessaire pour la ville hôte de :

40 LAGRUE, P., « Jeux Olympiques : le coût des Jeux », in Universalis.

Page 47: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

46

- Construire et rénover les stades sportifs,

- Améliorer les routes et les moyens de transport,

- Construire des logements pour les participants (athlètes, organisation, staff olympique,

public),

- Financer la sécurité du public et des athlètes

- Financer les cérémonies d’ouverture et de clôture.

Les témoignages de Stéphanie Falzon, lanceuse de marteau et représentante de la

France aux Jeux Olympiques de Pékin et de Londres, nous décrivent l’ampleur de

l’organisation olympique et justifient alors ces coûts ahurissants :

« Franchement je ne peux pas exprimer mes souvenirs (aux Jeux Olympiques). Il y en

a tellement. Tout l’ensemble des JO est extraordinaire mais aussi surdimensionné. J’ai eu la

chance de vivre ceux de Pékin et tout était démesuré ! Chaque sportif avait sept chinois en

moyenne à sa disposition ! Quand on est aux JO, on est sur une autre planète : on peut croiser

dans la même journée les plus grands sportifs de la planète (Raphael Nadal, Roger Federer,

Ronaldino, La dreamteam) et en même temps voir les Kenyans ou les Ethiopiens remplir leur

sacs de nourritures pour les envoyer à leur famille, tellement il y en a !! Je dirais que c’est ça

le point négatif.

Pour ce qui est de « positif », ce serait l’organisation. On ne peut pas s’imaginer le

nombre de bénévoles. Rien que pour les déplacements, il y a au moins trente-quatre sites de

compétions différents et une centaine de lieux d’entrainement. Sans parler des lieux de visites

pour « détendre » les sportifs. Par exemple, à Pékin on pouvait aller visiter la Muraille de

Chine, la Cité Interdite, et encore au moins quinze autres sites culturels. Chaque endroit était

desservi par des navettes qui partaient toutes les quinze minutes et cela tous les jours.

Le « self », où l’on peut manger 24h/24, propose toutes les cuisines du monde :

américain avec un stand spécial pizza, un Mc Do à volonté mais aussi chinois, japonais,

européen, méditerranéen, halal, végétarien, indien, spécial soupe, spécial pain, spécial

crudités, etc. !

Et je ne parle pas des 21 000 journalistes qui couvrent l’événement dont il faut

s’occuper et des 10 500 sportifs présents (sans compter les DTN, l’encadrement et le médical)

Page 48: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

47

qui sont logés et qui ont des besoins. Bref, l’organisation des JO, on se demande par où ça

commence ! »41

S’il existe une concurrence effrénée entre les pays candidats à l’organisation aux Jeux

Olympiques et que le montant des coûts nécessaires à l’organisation est de plus en plus élevé,

nous pouvons supposer que les bénéfices sont également considérables pour le pays hôte. A

nouveau, il est possible de distinguer deux types de bénéfices, qui vont toutefois

s’entrecouper : les bénéfices économiques et les bénéfices en termes d’image. A quoi vont-ils

empiriquement correspondre dans le cas des Jeux Olympiques ?

Le Premier Ministre Britannique avait annoncé dans la presse que les Jeux

Olympiques permettraient d’engranger un bénéfice de 16,5 milliards d’euros au cours des

prochaines années, ce qui supposait que l’événement était rentable et fructueux. Qu’en est-il

aujourd’hui ? Selon un article paru en juillet 2013, il semblerait que les bénéfices aient d’ores

et déjà dépassé les coûts :

« Londres revendique fièrement avoir réussi le tour de force d’organiser l’année

dernière des Jeux Olympiques rentables. (…) Selon le premier ministre David Cameron,

l'événement aurait en effet entraîné 10 milliards de livres de retombées économiques pour la

capitale (soit l'équivalent de 11,6 milliards d'euros), en contrats commerciaux, recettes

touristiques, investissements étrangers, etc. Ces propos sont relayés avec force par le maire de

la ville, Boris Johnson, qui revendique la création de 31.000 emplois liée directement ou non

au dynamisme impulsé par les JO. » 42

41 Témoignages recueillis lors d’une interview avec Stéphanie Falzon, disponible en annexe. 42 DERREUMAUX, O., « Londres revendique le tour de force d’avoir organisé des JO rentables », in Le Figaro

(19/07/2013). Disponible sur :

http://www.lefigaro.fr/sport-business/2013/07/19/20006-20130719ARTFIG00364-londres-revendique-le-tour-

de-force-d-avoir-organise-des-jo-rentables.php

Page 49: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

48

Cependant, si les Jeux Olympiques de Londres sont effectivement rentables, peu de

villes ont aujourd’hui réussi le pari de faire des Jeux Olympiques un événement rentable,

comme le montre ce graphique réalisé par Sport+Markt (2012) :

Au contraire, de nombreuses villes payent encore pour un événement passé.

L’exemple le plus marquant et le plus récent est très certainement celui des Jeux Olympiques

d’Athènes en 2004. Non seulement les collectivités locales dépensent encore des sommes

considérables pour entretenir les infrastructures sportives (stades désaffectés par exemple),

mais il semblerait en plus que l’organisation des Jeux ait en réalité alourdi la dette grecque de

2 à 3%. La reconversion du village olympique et des infrastructures sportives construites pour

l’événement est un élément essentiel à la rentabilité de l’événement et évite des dépenses

élevées et inutiles d’entretien.

Page 50: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

49

En termes d’image, il est indéniable que les Jeux Olympiques sont l’événement sportif

bénéficiant de la plus forte couverture médiatique. Rappelons que les Jeux Olympiques

rassemblent plus de deux cents nations participantes, pendant trois semaines consécutives.

Ainsi, la ville organisatrice est mise en lumière dans plus de deux cents pays à la fois, par

l’intermédiaire de la presse, d’Internet et de la télévision, et ce pendant près d’un mois.

Aucune campagne marketing ne peut se vanter de bénéficier d’une couverture médiatique

aussi importante. Certains dirigeants d’entreprises considèrent d’ailleurs qu’il s’agit de

« l’événement marketing le plus important d’une décennie »43, d’où l’intérêt d’y investir

beaucoup d’argent via des stratégies de sponsoring.

Selon Matthieu AUBUSSON, associé au cabinet PwC, l’organisation des Jeux

Olympiques ne répond pas uniquement à une ambition économique de la part des pays hôtes ;

elle répond également à des avantages en termes d’image, comme l’illustre le cas de la Chine

(Jeux Olympiques 2008 à Pékin) : « Pour les pays émergents, les enjeux du sport dépassent

l’attrait économique, il s’agit d’obtenir à travers l’organisation d’événements une légitimité

démocratique, de montrer un savoir-faire pour organiser un événement mondial, ou encore de

se donner un poids géopolitique ».44 DESBORDES et RICHELIEU ont étudié plus

particulièrement le cas des Jeux Olympiques de Pékin et ont cherché à comprendre dans

quelle mesure cet événement avait permis à la Chine de modifier son image politique et socio-

économique aux yeux du monde, grâce notamment aux retransmissions télévisuelles. « Les

résultats montrent en effet que les Jeux Olympiques ne peuvent améliorer directement l’image

de la Chine. Ils peuvent néanmoins attirer l’attention des médias sur ce pays et rendre son

image plus claire dans l’esprit des gens après les Jeux Olympiques, par rapport à ce qu’elle

était avant. »45

Ainsi, le rapport entre coûts et bénéfices d’un évènement sportif tel que les Jeux

Olympiques semble être mitigé. Qu’en est-il pour une entreprise qui crée son événement

sportif ? Le cas des Jeux Olympiques peut-il être appliqué à une entreprise ? En quoi

l’organisation d’un événement sportif peut-elle mettre en valeur la marque de l’entreprise ?

43 MIYAZAKI, A., et MORGAN, A., « Assessing Market Value of Event Sponsoring : Coporate Olympic

Sponsorships », op. cit. 44 PwC, Communiqué de presse 2011, op. cit. 45 DESBORDES, M. et RICHELIEU A., Néo-marketing du sport : regards croisés entre Europe et Amérique du

Nord, op. cit.

Page 51: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

50

Est-ce que, dans le cas d’une entreprise, l’organisation d’un événement contribue à accroître

l’intérêt pour les produits et les marques du groupe grâce à l’exposition médiatique ?

Page 52: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

51

CHAPITRE 2 :

L’ENTREPRISE, CREATRICE D’EVENEMENTS SPORTIFS :

LE CAS DE RED BULL

1. Créer et organiser un événement sportif : un projet considérable

« L’organisation d’un événement sportif peut se définir comme un projet, c’est-à-dire

un objectif à réaliser, par des acteurs, dans un contexte précis, dans un délai donné, avec des

moyens définis, nécessitant l’utilisation d’une démarche et d’outils appropriés. »46

Nous l’avons vu, nous assistons depuis plusieurs années à un accroissement massif des

événements sportifs, lié à la mondialisation du sport et à l’émergence des nouvelles

technologies. En réponse à une demande croissante de spectacles sportifs, de plus en plus

d’évènements sont donc créés et organisés.

Un événement sportif a pour particularité de rassembler une grande diversité

d’acteurs : personnalités sportives, personnalités politiques, entreprises sponsors ou non,

acteurs publics et institutionnels, spectateurs, médias, etc. Il est important de ne pas tout

mélanger et de respecter les différentes étapes d’organisation. La réussite de l’événement tient

à la bonne organisation de celui-ci et nous considérons qu’il est bien organisé lorsqu’il est

rentable. Sur le marché de l’événementiel sportif, le groupe Amaury Sport Organisation

(ASO) est le leader français. Avec ses trois pôles historiques que sont le cyclisme, les sports

mécaniques et l’athlétisme, ASO organise des événements d’ampleur internationale, tels que

le Tour de France, le Paris Dakar, le Marathon de Paris, etc. En moyenne, le groupe organise

250 jours de compétition par an, ce qui correspond à plus de quarante événements.

Nous avons rencontré Monsieur Kévin Bottin, chargé de communication digitale sur

les épreuves Grand Public à ASO.47 Selon lui, l’organisation d’un événement sportif se divise

en sept étapes :

46 DESBORDES, M. et FALGOUX, J., Organiser un événement sportif, Editions d’Organisation, 2003. 47 L’intégralité de l’interview est disponible en annexes.

Page 53: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

52

- La création et la validation du projet : il s’agit de définir précisément le concept de

l’événement, sa date et les objectifs à atteindre.

- La budgétisation : cette étape consiste à mettre un coût sur l’organisation de

l’événement et à rechercher des partenaires économiques potentiels pour celui-ci.

- La formalisation : il s’agit de la validation du projet auprès des acteurs publics et de

celle des ressources en interne.

- La planification : l’objectif est de planifier les étapes à réaliser, d’affecter les

ressources humaines et d’établir la coordination générale du projet.

- La commercialisation et la communication : l’événement est présenté au public à

travers différents outils de communication et notamment les médias. Aussi, les

inscriptions ou la billetterie s’ouvrent au public.

- La livraison : il s’agit de coordonner l’événement.

- L’évaluation : un bilan sportif et financier est établi à la fin de l’événement. Des

recommandations sont faites et le nouveau plan d’action est défini, en prévision de la

prochaine édition.

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53

Michel DESBORDES et Julien FALGOUX48 résument ces sept étapes en quatre

phases chronologiques49 :

- La conception : l’objectif, selon eux, est d’innover et de se démarquer des offres

d’événements sportifs préexistantes. Pour ce faire, l’analyse approfondie du public et

de la concurrence est indispensable.

- Les grandes fonctions préparatoires : elles se résument en six catégories

(administratif et financier, législatif et sécuritaire, communication et média,

commercial et sponsoring, logistique, et sportif) et doivent être correctement

coordonnées.

- Le déroulement.

- La phase post-événement : il s’agit de l’évaluation financière et politique, de

l’évaluation de l’organisation, mais également d’une analyse d’impact et de

satisfaction auprès du public.

Les éléments qui vont nous intéresser pour notre sujet sont davantage les étapes de

conception et de post-événement.

Pour ce qui est de la conception, l’important va être la mise en place de la stratégie

marketing attachée à l’événement sportif. Dans un premier temps, il est important de

segmenter le marché et de déterminer la cible de l’événement sportif : les sportifs de haut-

niveau, les amateurs, les passionnés, etc. C’est dans la phase de conception que les

organisateurs vont définir le ou les sports concernés, les modalités d’organisation voire les

règles de la compétition s’il s’agit d’un événement nouveau, le ou les lieux de celui-ci, les

objectifs et les attentes sportifs, etc. Tous ces éléments demandent en amont une véritable

analyse du marché, de la concurrence et des consommateurs. L’événement doit

impérativement être innovant, au vu de la multiplicité des événements sportifs et de la

demande de nouveauté de la part des consommateurs :

48 DESBORDES, M. et FALGOUX, J., Organiser un événement sportif, op. cit. 49 Le schéma de « L’organisation et la gestion d’un événement sportif » par Desbordes et Falgoux figure dans les

annexes.

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54

« L’innovation est à la fois un résultat et un processus, c’est-à-dire qu’elle concerne

toutes les étapes qui partent de la gestation de l’idée puis toutes les étapes qui vont de la

conception à la commercialisation (…). Si l’événement n’est pas nouveau, ce sont des

innovations d’amélioration, mineures, qui cherchent à en améliorer les caractéristiques sans

en modifier fondamentalement la structure et les usages, ou encore des innovations

incrémentales, graduelles, de perfectionnement, qui apportent une plus-value par adjonction

d’une ou plusieurs caractéristiques nouvelles : modalités de compétition, animations. »50

L’innovation et la créativité sont donc des facteurs-clés de succès dans l’organisation

d’un événement sportif. Les autres facteurs-clés de succès sont, selon Kévin Bottin :

- La qualité de l’événement : réponse à une demande du public (innovation et

créativité entrent dans cette catégorie).

- La forte notoriété de l’événement et l’image de l’épreuve : ces éléments vont

dépendre notamment des athlètes participants, du sport choisi, du lieu, etc.

- Une couverture médiatique importante : nous l’avons vu, les médias permettent de

retransmettre l’événement partout dans le monde. Une bonne médiatisation est

essentielle.

- Un timing respecté : il faut qu’il n’y ait aucun retard, d’où la nécessité d’être

rigoureux et de respecter les étapes chronologiques.

- Une sécurité assurée : nous l’avons vu à travers l’exemple des Jeux Olympiques, la

sécurité des sportifs, du comité d’organisation et du public est primordiale dans la

réussite d’un événement sportif.

Ainsi, la création et l’organisation d’un événement sportif exigent de réaliser de

nombreuses études en amont et de respecter les différentes étapes du processus. L’acquisition

de certaines compétences précises est indispensable pour créer et surtout organiser un

événement sportif. Les entreprises ont-elles les compétences et les moyens à la fois humains

50 DESBORDES, M. et FALGOUX, J., Organiser un événement sportif, op. cit.

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55

et financiers nécessaires à la création et à l’organisation d’un événement sportif ? Dans notre

étude de cas, sur le groupe Danone, nous verrons que si la création de l’événement est souvent

le fruit de l’entreprise elle-même, plusieurs étapes de l’organisation sont externalisées et

déléguées à des agences d’événementiel sportif. Une entreprise se démarque toutefois :

Redbull.

Page 57: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

56

2. Analyse des impacts générés par la création d’événements sportifs :

l’exemple de Redbull

La création d’événements, qu’ils soient sportifs ou culturels, par une entreprise n’est

pas une pratique récente. Rappelons par exemple que la Fête des Pères a été créée en 1952 par

l’entreprise fabricante des briquets Flaminaire. De même, la Fête des Grand-Mères a été créée

par la marque de café Grand-Mère. Ces deux exemples illustrent bien que la création

d’événements par une entreprise est un projet qui s’inscrit pleinement dans la stratégie de

communication de l’entreprise. Le but est dans ces deux cas de communiquer sur l’offre afin

de booster les ventes du produit et d’accroître le chiffre d’affaires de l’entreprise. La création

d’événements représente une aubaine pour l’entreprise, créant alors une nouvelle manne de

ressources et attirant parfois une nouvelle catégorie de consommateurs.

La logique est la même pour la création d’un événement sportif et les entreprises

semblent de plus en plus attirées par ce type de stratégie. L’exemple le plus marquant est très

certainement la création du Tour de France par le journal L’Auto. Revenons quelques années

en arrière : à la fin du 19ème siècle, il n’existe qu’un seul quotidien dédié au sport, Le Vélo.

Afin d’arrêter cette situation monopolistique, Henri Desgrange crée un journal concurrent,

qu’il décide d’appeler L’Auto-Vélo. Cependant, la ressemblance des titres étant trop frappante,

le directeur du Vélo intente un procès, qu’il gagne en 1903. Henri Desgrange est alors

contraint de renommer son journal L’Auto. Cette décision est des plus importantes pour le

nouveau journal, dans la mesure où le cyclisme est à cette époque un des sports les plus

appréciés et les plus rentables médiatiquement. Au même moment, Géo Lefèvre, journaliste et

chef de la rubrique cycliste de L’Auto, constate une baisse du lectorat et des évènements

sportifs lors de la période estivale. Il propose alors d’organiser une course cycliste. C’est ainsi

que le 19 janvier 1903, le journal L’Auto déclare la création d’un nouvel événement sportif :

le Tour de France. Cette année 2013, le Tour de France a fêté son centième anniversaire et est

véritablement devenu un événement de renommée internationale.

Quels sont les objectifs d’une entreprise qui crée son propre événement sportif ? Les

coûts et les bénéfices sont-ils les mêmes que pour une ville ou un pays ? Pour illustrer notre

propos, nous nous appuierons principalement sur l’entreprise autrichienne Red bull, qui a

basé toute sa stratégie de communication autour du sport et de l’événementiel sportif.

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57

Avec son logo en taureau rouge, elle est aujourd’hui une marque connue à travers le

monde entier. Sa boisson énergisante Red Bull Energy Drink est commercialisée dans plus de

165 pays et près de 35 milliards de canettes ont déjà été vendues. Peu de temps aura été

nécessaire pour faire de cette marque un véritable icône. En effet, la boisson est lancée sur le

marché autrichien en 1987 par l’autrichien Dietrich Mateschiltz. En France, elle n’est

commercialisée qu’à partir de 2008. Il s’agit d’une véritable innovation sur le marché des

boissons dans la mesure où Red bull Energy Drink est la première de sa catégorie, celle des

boissons dites énergisantes. La première campagne publicitaire de Red Bull, en 1992, est très

originale (il s’agit d’un dessin, représentant Léonard De Vinci peignant une canette de Red

Bull) et est révélatrice de la stratégie marketing adoptée par la société : « un personnage, un

sujet ou un événement très connu, auquel un large public peut s’identifier, évolue dans un

scénario peu banal qui prend une tournure inattendue. »51 Toute l’ambition de Red Bull

découle de cette phrase et se résume en quelques expressions-clés : sortir de la normalité,

créer, innover, inventer, etc.

La stratégie de Red Bull est également fortement ancrée dans la logique sportive, du

fait notamment de ses cibles principales de consommateurs que sont les sportifs et les jeunes.

Ainsi, le groupe a axé toute sa stratégie de communication sur le sport et sur l’innovation dans

le sport, principalement dans les sports extrêmes et les défis. En plus d’être le sponsor

principal de nombreux sportifs (Sébastien Loeb, Lindsay Vonn, etc.) et de posséder entre

autres deux écuries de Formule 1 et cinq clubs de football, Red Bull a, au fil des années, créé

une multitude d’événements sportifs, dont plusieurs contenant des sports complètement

nouveaux. Voici quelques exemples de ces événements témoignant de la réelle créativité du

groupe et de l’adéquation parfaite de la communication avec le produit :

- Le Red Bull Dolomitenmann : il s’agit d’un marathon pendant lequel les participants

pratiquent un mélange atypique de sports, à savoir la course à pied, le parapente, le

VTT et le kayak.

- Le Red Bull Flugtag : les équipes participantes doivent fabriquer et piloter un engin

volant à propulsion humaine. Si l’objectif est de réussir à voler sur la plus longue

distance possible, les résultats tiennent davantage à la créativité des différentes

équipes et de leur sens de la mise en scène.

51 Informations disponibles sur le site officiel de Red Bull : www.redbull.com

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58

- Le Red Bull Cliff Diving : il s’agit d’un plongeon de haut-vol incluant des figures

spectaculaires). Chaque année, une édition est organisée à La Rochelle.

- Red Bull King of The Air : c’est la première compétition internationale de kitesurf ;

le but est de réaliser des sauts de douze à dix-huit mètres de haut.

- Red Bull Caisse à Savon : il s’agit d’une course en descente dans des engins créatifs,

sans moteur ni pédale, fabriqués par des pilotes amateurs.

- Red Bull Down Hill Extreme : cette course s’effectue en rollers ou en longboard

depuis la montagne de la Table, au Cap. C’est le premier événement Red Bull

retransmis à la télévision.

- Red Bull Crashed Ice : les participants, chaussés de patins de hockey, s’affrontent

lors d’une course de 300 mètres, remplie d’obstacles et de virages en épingle.

- Red Bull X-Fighters : il s’agit là d’un concept innovant et totalement inédit puisque

l’événement combine le motocross freestyle à la tauromachie. Il existe aujourd’hui un

World Tour de cet événement et des compétitions sont organisées dans de nombreux

pays du monde, avec une grande finale à la clé.

- Red Bull Air Race : cette course d’avions Red Bull est le résultat de la création des

Flying Bulls, engins pilotés et entretenus par des passionnés d’aviation et garés sous

un Hangar Red Bull. L’événement associe les éléments de la haute-voltige à ceux de

la course.

- Red Bull X-Alp : il s’agit d’une traversée des Alpes de 800 km.

- Red Bull BC One : des danseurs de break dance, venus du monde entier, s’affrontent

au cours de « battles », un contre un.

- Red Bull Elevation : cette compétition rassemble les meilleurs acteurs internationaux

du BMX ; acrobaties et sauts spectaculaires sont au rendez-vous.

Page 60: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

59

- Red Bull Paper Wings : cet événement est tout simplement un concours de

construction d’avions en papier. Le vol le plus long, en distance et en temps, et le plus

acrobatique est désigné vainqueur.

- Red Bull Stratos : le 14 octobre 2012, l’autrichien Felix Baumgartner s’est élancé en

parachute depuis l’espace, à une altitude record de 39 000 mètres, et est devenu le

premier homme à traverser le mur du son sans propulsion. Cet événement, très attendu

du grand public mais aussi des scientifiques de par la pertinence des données

recueillies, a été visionné en direct sur Youtube par plus de huit millions de personnes.

La plupart de ces évènements ont un site Internet propre, permettant un suivi sur le

long terme de la part de l’entreprise, des sportifs et des consommateurs. Egalement, un site

Internet créé par Red Bull évoque l’ensemble des actualités de ses événements 52. L’accent est

donc mis sur la communication digitale afin notamment de capter l’attention de sa cible de

consommateur, les jeunes.

Les facteurs-clés de succès de la création d’événements sportifs sont pour Red Bull :

- La multiplicité des événements créés : organisation de près de 500 événements

annuels dans le monde.

- La présence dans la durée : suivi de l’événement sur le long terme grâce aux sites

Internet.

- La démultiplication internationale : tournées sur chaque continent, participants en

provenance du monde entier, audience internationale.

- La multiplicité des supports : sites dédiés, web TV, TV, live, réseaux sociaux, etc.

52 www.redbullcontentpool.com

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60

- L’amplification par la mobilisation du public : événements dans de grandes villes,

événements accessibles à tout public, professionnels ou amateurs, reporters, etc.53

Ainsi, Red Bull n’est plus simplement un producteur de boissons énergisantes, mais

est également considéré comme un créateur d’événements sportifs à part entière. Le groupe

crée et organise lui-même ses événements sportifs, sans passer par des agences

d’événementiel sportif. Quels sont les bénéfices d’une telle stratégie ? Sont-ils les mêmes

pour une entreprise que pour une ville ou un pays organisateur ? La difficulté du calcul

d’impact pour la création d’événements sportifs est également présente dans le cas d’une

entreprise. Il a été d’autant plus complexe d’obtenir des résultats précis dans la mesure où les

salariés de Red Bull ne souhaitent pas communiquer sur leur stratégie afin de maintenir l’effet

de surprise. De plus, en étant créateur et organisateur, les coûts et les retombées sont

différents. Toutefois, nous pouvons faire plusieurs suppositions. Nous l’avons vu, une ville ou

un pays accueillant un événement sportif retirent deux types de bénéfices, en termes

économiques et d’image, que nous allons retrouver dans le cas d’une entreprise.

D’une part, au niveau économique, la stratégie de Red Bull alliant sport et innovation

semble être véritablement fructueuse. Dans les années 1990, le groupe consacrait déjà près de

30% de son chiffre d’affaires dans le marketing sportif. A peine plus de vingt ans plus tard,

Red Bull est implanté dans 165 pays du monde et connaît une croissance de 15,9% en 2012 ;

l’investissement est donc rentable. Le fondateur Dietrich Mateschiltz est d’ores et déjà

l’homme le plus riche d’Autriche et se classe à la 193ème du classement des fortunes

mondiales du magazine Forbes. De plus, le fait d’être à la fois créateur et organisateur des

événements permet à Red Bull de percevoir seul tous les bénéfices économiques :

« En créant ses propres événements, l’entreprise en devient propriétaire et détient ainsi

tous les droits de diffusion. C’est via sa filiale spécialisée Red Bull Media House que la

marque conçoit et diffuse ses contenus. La chaîne de télévision web Red Bull TV (disponible

aussi sur iPhone et SmartTV de Samsung) est le relais principal des créations et productions

de la marque. Y sont ainsi disponibles plusieurs centaines d’épisodes de sports extrêmes.

Mais la filiale contribue aussi à la production de films destinés à une diffusion plus large

53 BO, D., GUEVEL M., et LELLOUCHE, R., Brand Culture : Développer le potentiel culturel des marques,

Collection Tendances Marketing, Dunod (2013).

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61

comme ce fut le cas pour « The Art of Flight », documentaire sur le snowboard, coproduit

avec Brain Farm Digital Cinema et Quiksilver et sorti au cinéma en 2011. »54

En termes d’image, l’avantage d’une telle stratégie est que les consommateurs se

reconnaissent dans l’image de marque déployée par Red Bull. Lors du lancement du produit

en 1987, Dietrich Mateschiltz déclare : « Tout ce que nous faisons doit être synonyme

d’énergie, de force et d’endurance, mais aussi d’esprit et de créativité. »55 Les consommateurs

partagent alors ces mêmes valeurs et ces mêmes ambitions, à savoir le goût pour l’extrême,

pour la nouveauté, la création et le challenge, etc. Le slogan « Red Bull donne des ailes » joue

également un rôle important dans cet attrait pour l’aventure et le défi. Les consommateurs ont

donc une excellente image de cette entreprise, notamment face à son concurrent principal

Monster Energy Drink. Grâce à la très forte couverture médiatique des événements, le groupe

bénéficie d’une visibilité internationale et l’image de marque positive est retransmise à travers

le monde entier. De plus, sa stratégie suscite un véritable intérêt de la part du public, ce qui

l’amène à se renseigner sur le produit, sur son origine et sur ses diverses activités. De ce fait,

la notoriété du groupe croît constamment.

Appuyons-nous sur le dernier événement en date créé par le groupe, le Red Bull

Stratos, pour estimer la rentabilité coût-bénéfices. Préparé pendant plus de cinq ans,

l’événement est d’ores et déjà considéré comme historique. En effet, il y a presque un an de

cela, un ancien militaire effectuait une chute libre de cinq minutes et trente-cinq secondes

devant les yeux ébahis de plus de huit millions de personnes. La préparation (près de 120

scientifiques ont encadré ce défi) et l’organisation (sécurité, réalisation) de cet événement ont

un coût estimé à plus de cinquante millions d’euros. Si le montant semble faramineux, les

retombées le sont également, ce qui permet à nouveau à Red Bull de largement rentabiliser le

coût de cet événement. En effet, la plupart des auteurs s’accordent à dire qu’un tel événement

a généré des retombées économiques et d’image inégalées. La très vaste couverture

médiatique a permis de diffuser ce saut historique dans le monde entier, faisant rêver des

millions de personnes. Tous les journalistes ont en parlé ; la communauté des réseaux sociaux

a été des plus actives, avec près de 2000 tweets par seconde.

54 RIVALS, T., « Du sponsoring à l’organisation d’évènements sportifs : comment Red Bull est devenue bien

plus qu’une boisson ? », in Articles (21/12/2012). 55 RIVALS, T., Ibid.

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62

Ainsi, en montrant au monde que Red Bull n’était pas qu’un simple fabricant de

boissons, mais également un expert incontestable de l’innovation sportive et du sport extrême,

cet événement et tous les autres créés depuis 1987 ont permis au groupe de se démarquer petit

à petit de la concurrence. La création d’événements est pour Red Bull une stratégie gagnante

qui lui a permis d’accroître sa notoriété et ses ventes à travers le monde entier.

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63

Conclusion de la partie II

Nous avons vu dans cette partie que la création et l’organisation d’événements sportifs

étaient une stratégie pouvant générer des retombées à la fois positives et négatives. Pour une

ville ou un pays, les bénéfices d’un événement sportif se mesure en termes économiques

(augmentation de l’emploi, augmentation du tourisme, augmentation de la demande de

logement, de services touristiques, etc.) et en termes d’image (amélioration de la notoriété,

amélioration de l’image renvoyée à travers le monde, couverture médiatique forte, etc.).

Toutefois, le coût des investissements est considérable, comme nous l’avons vu à travers les

exemples des Championnats d’Europe de Football et des Jeux Olympiques, et certaines villes

en payent encore le prix, n’ayant pas bénéficié des retombées attendues. Si les effets

économiques sont parfois mitigés, les effets d’amélioration de l’image semblent partiellement

vérifiés puisque la ville et le pays-hôte sont mis en lumière pendant toute la durée de

l’événement. Cependant, les difficultés de mesure empêchent d’obtenir une véritable analyse

d’impacts.

Nous nous sommes ensuite intéressés à la création et à l’organisation d’événements

sportifs par une entreprise. Tout comme le sponsoring, il s’agit là d’une stratégie de

communication à part entière. A l’instar de Red Bull, nous avons vu qu’il était possible d’axer

entièrement sa stratégie marketing sur le sport et sur l’innovation sportive. Red Bull est

désormais considéré comme un acteur de l’événementiel sportif, en plus d’être un fabriquant

de boissons énergisantes. La réussite de cette stratégie tient notamment à la parfaite

adéquation entre le produit – boissons énergisantes – et la communication qui en est faite.

Egalement, en innovant toujours plus et en créant de nouveaux sports, Red Bull a réussi à

capter l’attention de sa cible première de consommateurs, à savoir les jeunes et les sportifs.

Ce cas illustre donc parfaitement notre sujet, dans la mesure où le groupe a fait le choix

d’aller encore plus loin que le sponsoring, en créant lui-même ses propres évènements

sportifs.

Nous allons maintenant analyser le cas du groupe Danone, dont la stratégie est aussi

très fortement liée au sport et à l’innovation. Egalement créateur d’événements sportifs,

Danone se différencie de Red Bull par le fait qu’il n’en est pas pleinement l’organisateur.

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64

PARTIE III

ETUDE DE CAS : LE GROUPE DANONE

Cette dernière partie va nous permettre de vérifier l’ensemble des connaissances

théoriques obtenues à partir d’un cas empirique : le groupe Danone. Dans un premier chapitre,

nous verrons de quelle manière Danone entretient des rapports étroits avec la logique sportive

(1). Puis, dans un second chapitre, nous étudierons deux cas d’événements sportifs créés par

le groupe : l’Evian Masters et la Danone Nations Cup (2).

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CHAPITRE 1

DANONE ET LE SPORT : UN FORMIDABLE PARTAGE DE VALEURS

1. Danone en quelques mots : genèse d’une stratégie axée sur la santé et le

bien-être.

En 2012, Danone réalise près de 21 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont plus

de la moitié dans les pays émergents, et emploie plus de 100 000 personnes dans le monde.

Elue marque préférée des français pour l’année 2012 et figurant dans le top 10 des entreprises

préférées des français, Danone est aujourd’hui un leader incontournable, tant sur la scène

française qu’internationale. Revenons d’abord sur sa création.

Son fondateur, Isaac Carasso, originaire de Turquie, décide en 1919 de développer un

produit peu connu en Espagne et en Europe : le yaourt. Souhaitant mettre en avant la qualité

et les bienfaits du produit, il vend ses premiers pots uniquement dans des pharmacies, sous la

marque « Danone ». Les yaourts Danone sont donc d’ores et déjà ancrés dans une forte

dimension de bien-être et de santé qui perdure encore aujourd’hui.

En 1967, Danone fusionne avec Gervais, spécialisée dans les fromages frais : le

groupe Gervais-Danone devient le leader français de l’alimentaire et s’implante dans

plusieurs pays d’Europe et du monde. Parallèlement, en 1966, deux entreprises verrières

fusionnent dans une logique de diversification : la Verrerie Souchon-Neuvesel, spécialisée

dans le verre creux (qui possède 25% du capital des Eaux Minérales d’Evian), et les Glaces de

Bussois, spécialisées dans le verre plat. La société BSN est ainsi créée, à la tête de laquelle on

retrouve Monsieur Antoine Riboud. Dès 1969, souhaitant se dégager d’une production

uniquement industrielle, BSN prend le contrôle d’Evian, de Kronenbourg et de la Société

Européenne de Brasseries et devient alors le leader français de la bière, des eaux minérales et

de la nutrition infantile.

Dans un discours de 1972 à Marseille, Antoine Riboud rompt avec la conception

libérale classique de l’entreprise, qui serait une entité uniquement productrice de richesse. Il

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66

affirme au contraire qu’une entreprise réussit si l’économique et le social convergent, s’il y a

épanouissement et développement des salariés. C’est la naissance du double projet, véritable

politique ancrée dans la culture du groupe Danone.

En 1973, Daniel Carasso et Antoine Riboud se rencontrent et décident, via une

nouvelle fusion entre leurs deux sociétés, de mener une importante stratégie de croissance

externe. Le groupe BSN-Gervais-Danone choisit désormais de sortir de l’industrie du verre

plat et de se concentrer sur l’alimentaire, tout en faisant le choix de l’internationalisation. Dès

1979, le Groupe réalise de nombreuses acquisitions sur plusieurs continents, dans des métiers

existants (bières, emballage, pâtes, produits laitiers, eaux minérales) mais également dans de

nouveaux métiers tels que la confiserie et pâtisserie industrielle, les biscuits et les sauces et

condiments.

Grâce à cette forte stratégie de croissance, le BSN-Gervais-Danone devient le

troisième groupe alimentaire européen, numéro un en France, en Allemagne, en Espagne, etc.

En juin 1994, dans un souci de créer une marque forte et de s’imposer tant en France qu’à

l’international, le Groupe change de nom et s’appelle désormais « le Groupe Danone ».

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67

Dans les années 2000, Franck Riboud, qui succède à son père à la tête du groupe,

décide d’un recentrage sur trois métiers : les produits laitiers frais, les biscuits et les eaux.

Petit à petit, Danone revient à ses objectifs originels que sont la santé et l’alimentation saine.

De 2000 à 2007, Danone cède alors toutes les marques qui n’entrent pas dans ce cadre, y

compris la branche biscuit.

1996 – 2013 : TRANSFORMATION DU BUSINESS56

1996 : 39% santé 2013 : 100% santé

La mission du groupe devient « d’apporter la santé par l’alimentation au plus grand

nombre », et va s’orienter autour de quatre axes :

- Renforcer la crédibilité de Danone en matière de santé et de nutrition en interne et en

externe : les Instituts de Recherche Danone.

- Proposer au plus grand nombre des produits de qualité à un prix accessible : Danone

Communities qui supporte et finance le social business dans le monde (exemples :

création d’usines au Bangladesh, accès à l’eau potable au Cambodge, etc.).

56 Source : fichiers internes à l’entreprise Danone.

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68

- Développer les hommes et les femmes chez Danone et dans son écosystème :

importance des « valeurs Danoners » sous l’abréviation « HOPE » (en français :

« espoir ») : Humanisme, Ouverture, Proximité et Enthousiasme.

- Réduire l’impact des activités de Danone sur l’environnement : packaging écolo,

lutte contre le changement climatique, protection de la biodiversité.

Dans cette même logique, le sport va alors devenir un axe stratégique privilégié pour

le groupe.

Page 70: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

69

2. Les relations entre Danone et le sport : une implication forte auprès

des salariés et des consommateurs.

En parallèle avec la logique de recentrage vers le bien-être et la santé, Danone

interagit avec le sport de plusieurs manières, à la fois en interne et en externe de l’entreprise.

Tout d’abord, Danone cherche à valoriser le sport et à encourager la pratique du sport

auprès des consommateurs, mais également auprès de ses salariés. En interne, cela se

matérialise par l’utilisation d’un vocabulaire très sportif. Sont régulièrement utilisés les

termes : team, challenge, coach, best practice, etc. Ces mots ne sont pas choisis par hasard et

répondent au contraire à une volonté d’intégrer les valeurs sportives à la culture d’entreprise.

Dans cette logique, des challenges basés sur la performance et sur la réussite des objectifs

quantitatifs et qualitatifs sont lancés tous les ans aux salariés. Par exemple, en ce qui concerne

la force de vente du groupe, des objectifs sont lancés au niveau national et des équipes sont

ensuite constituées au niveau régional. A la fin de la période du challenge, les trois équipes

ayant rempli au mieux leurs objectifs sont désignées vainqueurs et gagnent un voyage

ensemble.57 Cette pratique permettant de stimuler les salariés s’inspire indéniablement du

sport. Enfin, toujours dans le but de fédérer les salariés autour des valeurs sportives et de

maximiser la performance, des activités de team-building sont mises en place chaque année

au sein du groupe. Régulièrement, les salariés reçoivent des invitations pour participer à des

évènements sportifs. Ce fût par exemple le cas lors de la finale de la Coupe de France de

Football 2013 opposant Bordeaux à Evian-Thonon-Gaillard au Stade de France à Paris.

La pratique sportive est aussi fortement encouragée pour les salariés. Un terrain de

football est d’ailleurs à la disposition des salariés à côté du siège de Danone à St-Ouen.

Souhaitant aller plus loin encore, le groupe Danone a également mis en place depuis 1998 une

compétition internationale de football, interne à l’entreprise : la Danone World Cup. Suivant

le même principe qu’une compétition sportive classique, les salariés de Danone France,

hommes et femmes, font d’abord une compétition nationale entre eux afin de désigner une

équipe représentante du groupe France. Le vainqueur participe alors à la Danone World Cup,

localisée dans un des pays participants. La compétition dure plusieurs jours et rassemble

57 Informations issues des témoignages de Arnaud San José, chef de marché Danone Eaux France.

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70

chaque année entre 10 000 et 15 000 salariés Danone en provenance du monde entier.58

D’après Franck Riboud, PDG du groupe, un tel événement reflète parfaitement les valeurs du

groupe : « Comme vous le savez, j'attache une attention toute particulière à cet événement

qui, depuis sa création en 1997, a permis de mobiliser plus de 50 000 salariés dans le monde

entier. La Danone World Cup est en cela une des expressions les plus évidentes de nos

valeurs (…) » (2004).

Au niveau externe, de nombreuses actions sont menées auprès des consommateurs

dans ces mêmes logiques. Les Instituts de Recherche Danone ont pour mission de « fédérer

expertises et expériences, afin de répondre concrètement aux questions scientifiques,

économiques et sociétales dans le domaine de l’alimentation, la santé et le bien-être. »59 Ils

jouent un rôle dans la promotion du sport auprès des adultes et des enfants, à travers

notamment des articles publiés régulièrement sur le site Internet de l’Institut Danone. Par

exemple, un article écrit par Serge Berthouin, professeur à la Faculté des Sciences du Sport et

de l’Education Physique de l’Université de Lille 2, témoigne de l’importance de l’activité

physique et du sport chez l’enfant.60

58 Informations issues des témoignages de Maxime Rolland, chef de marché Danone Eaux France et membre de

l’équipe Danone France participant à la finale de la Danone World Cup. 59 Vous trouverez cette définition et davantage d’informations sur : www.institutdanone.org 60 Article disponible sur : http://www.institutdanone.org/objectif-nutrition/traiter-lhypercholesterolemie-de-

lenfant/tribune-activite-physique-et-sport-chez-lenfant/

Page 72: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

71

3. Quelle stratégie marketing pour Danone dans le sport : entre

sponsoring et partenariats.

Concernant le sponsoring sportif, Danone a une stratégie complètement différente des

stratégies classiques que nous avons étudiées auparavant. Assez peu visible sur la scène du

sponsoring sportif, l’entreprise aurait-elle anticipé les limites du sponsoring que sont

l’encombrement et la confusion ? En effet, Danone semble avoir opté pour une stratégie de

sponsoring « minimaliste », privilégiant un angle d’attaque différent de celui de ses

concurrents et préférant parler de « partenariats ». A titre d’exemple, Franck Riboud a refusé

en 2011 de participer à une opération de naming concernant le stade de football de Lyon faute

de moyens, alors même que la naming était en plein développement en France. Attention, il

serait faux de dire que Danone n’est pas présent dans le sponsoring. Au contraire, le groupe

met en place une stratégie réfléchie et cohérente avec ses valeurs.

D’abord, notons que Danone est le sponsor principal du club de football Evian-

Thonon-Gaillard. Ce partenariat a des origines historiques et s’inscrit dans un réel projet

sociétal. En effet, le groupe emploie sur la région d’Evian près de 60% de la population. En

accord avec la logique de double projet (convergence entre la variable économique et la

variable sociale), l’entreprise souhaite utiliser le football pour développer les relations

sociales et le bien-être, tant de la population d’Evian que de ses salariés. En 2005, alors que le

club Football Croix de Savoie 74 connaît des difficultés financières, Franck Riboud accepte

de devenir partenaire principal du club et offre des solutions de financement. Il exige alors

quelques années plus tard que le club se rapproche du lieu où se situe la marque

emblématique du groupe : Evian-les-Bains. C’est dans cette logique que fusionnent en 2007

les clubs du Football Croix de Savoie 74 et de l’Olympique Thonon Chablais et qu’est créé le

club Olympique Croix-de-Savoie 74. En 2009, le club est rebaptisé Evian-Thonon-Gaillard

Football Club (ETGFC) dans le but d’intégrer au nom la marque de l’eau minérale phare de

Danone, Evian. Cela soulève certaines protestations de la part des supporters dans la mesure

où le club est souvent appelé par le diminutif « Evian », alors même qu’il ne s’agit pas d’une

des villes fondatrices du club. En parallèle avec ce changement de nom, l’ETGFC renouvèle

la couleur de ses maillots et choisit le rose et le blanc, qui rappelle à nouveau la marque Evian

puisqu’il s’agit de ses principales couleurs. Aujourd’hui, le club évolue en Ligue 1 et a été

finaliste de la Coupe de France 2013. Chaque année, Danone donne à peu près trois millions

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d’euros au club (ce qui correspond environ à un tiers du budget du club) et n’a pas l’intention

d’augmenter cette part pour éviter des dérives liées à l’argent. Franck Riboud, considéré par le

Président du Club Patrick Trotignon comme étant « le vrai président du club », a également

convaincu nombreux de ses proches d’être actionnaires du club (Zinédine Zidane, Bixente

Lizarazu, etc.).

De plus, Danone mène quelques actions de sponsoring à travers ses spots publicitaires.

Après le succès du slogan « On se lève tous pour Danette » dans les années 1980-1990, la

crème-dessert favorite des français s’offre une seconde jeunesse dans les années 2000 avec la

« saga des champions ». Une série de sportifs fait alors son apparition petit à petit dans des

spots publicitaires. Tour à tour, Jean Galfione, Robert Pirès, Stéphane Diagana, Nicolas

Anelka, Sylvain Wiltord et Yannick Noah se succèdent et marquent les esprits grâce au

nouveau slogan « On r’met ça ? ». La campagne est une réussite et Danone détient toujours

60% des parts de marché des crèmes-desserts. L’objectif de « la saga des champions » était

d’augmenter encore les ventes du groupe en enlevant dans l’esprit des consommateurs l’idée

selon laquelle les produits Danette seraient très caloriques et à consommer avec modération.

Ainsi, la logique était que, si Danette c’était bon pour un sportif, alors c’était un produit bon

pour tout le monde. Egalement, de 2008 à 2010, le groupe Danone était partenaire de l’Equipe

de France de Football, sous l’égide de sa marque phare Danette, devenant ainsi « Fournisseur

Officiel de l’Equipe de France de Football ». Dans le cadre du contrat, la marque pouvait

utiliser l’image de l’Equipe de France dans de nombreux supports, tels que le packaging, les

opérations promotionnelles, la PLV, etc. N’oublions pas également que Zinédine Zidane, déjà

star des spots publicitaires de la marque Volvic en 2001, est associé à la marque Danone

depuis 2004, en tant qu’ambassadeur de la marque, et ce pour une durée de onze ans et un

coût estimé à plus d’un million d’euros. Ce contrat de partenariat est innovant dans la mesure

où il perdure même après la retraite sportive du footballeur favori des français.

Au-delà du football, sport fétiche de Danone et de son PDG Franck Riboud, il existe

d’autres sports dans lesquels Danone a investi. Par exemple, Danone a signé en 2007 un

partenariat avec le All England Club, organisateur du tournoi du Grand Chelem de

Wimbledon. De cette manière, Evian est devenue la bouteille officielle du tournoi : elle est

fournie aux joueurs, aux officiels mais également aux spectateurs, durant toute la durée du

tournoi. Il ne s’agissait pas là des premiers pas de Danone dans le tennis puisque le groupe

était déjà partenaire des Internationaux des Etats-Unis et des Internationaux d’Australie, deux

autres tournois du Grand Chelem. En 2012, le contrat a été renouvelé pour une durée de cinq

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ans. Le groupe en a profité pour renouveler son contrat de partenariat avec la joueuse

internationale Maria Sharapova, ambassadrice de la marque jusqu’en 2015. Cette année, le

partenariat Danone-Wimbledon a été mis en avant grâce à un coup de communication

exceptionnel de la part du groupe agroalimentaire : la danse du Wimbledon Wiggle61. Les

consommateurs pouvaient donc soumettre leur propre vidéo du Wiggle et tenter de gagner des

places premium pour le tournoi. Le groupe ne s’est pas arrêté là et a également mis en place

tout un packaging Wimbledon, une chasse aux trésors (« Evian Ball Hunt »), une campagne

d’affichage mettant en scène Maria Sharapova vêtue d’un t-shirt de la nouvelle campagne

publicitaire Baby Inside, un Café Evian, etc. Ce partenariat et toutes les actions marketing qui

l’accompagnent permettent au slogan d’Evian, Live Young (« Vivez jeune »), de prendre tout

son sens.

Quels sont les effets de ces différentes stratégies de sponsoring et de partenariat ?

Rappelons que les trois catégories d’objectifs du sponsoring que nous avons énoncées en

première partie sont les suivantes : objectifs d’entreprise, objectifs marketing et objectifs

média. L’objectif pour Danone est-il réellement d’améliorer sa notoriété et son image de

marque, alors même que le groupe est déjà mondialement reconnu ? Au contraire, l’objectif

n’est-il pas là d’accroître la proximité entre la marque et le consommateur ? Prenons

l’exemple de Coca-Cola : la marque et le produit sont connus par plus d’une personne sur dix

dans le monde ; l’intérêt pour l’entreprise n’est donc plus de faire connaître la marque et de

développer sa visibilité, mais bien de se rapprocher le plus possible des consommateurs afin

de développer un lien affectif avec eux. Il en est de même pour Danone : Evian, Danette,

Bledina, Badoit sont tant de produits reconnus nationalement voire internationalement par les

consommateurs. L’ambition du groupe est donc de développer un marketing dit relationnel et

de créer une relation de proximité avec les consommateurs. Pour cela, le sponsoring, mais

aussi la création d’événements, sont des outils véritablement efficaces. Les créations de

l’Evian Masters et Danone Nations Cup prennent alors tout leur sens.

61 Vidéo et informations supplémentaires disponibles sur :

http://www.sportsmarketing.fr/2013/06/22/evian-wiggle-wimbledon/

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74

CHAPITRE 2

DEUX EXEMPLES ILLUSTRANT LA STRATEGIE DE DANONE :

L’EVIAN MASTERS ET LA DANONE NATIONS CUP

1. L’Evian Masters : le choix du golf pour un positionnement haut de

gamme.

Dans une interview accordée à France Football, Franck Riboud explique la stratégie de

Danone en termes de sponsoring sportif : « Aujourd’hui, la philosophie de Danone est de

démarrer des événements. Notre politique n’est pas d’aller mettre la marque sur le maillot de

Manchester United ou de l’OL. »62 Ces propos témoignent de l’ambition de Danone pour

« démarrer des événements », pour « créer des événements », en complément de la stratégie

de sponsoring et de partenariat mise en place.

Le groupe Danone n’est pas novice dans la création d’événements sportifs. Tout

d’abord, retraçons l’histoire de l’Evian Masters63. Si aujourd’hui ce tournoi est devenu

incontournable dans le calendrier du golf féminin, rappelons qu’il a été créé de toutes pièces

en 1994 par Antoine et Franck Riboud, l’objectif étant de développer le golf féminin. Localisé

sur le parcours du Evian Masters Golf Club, à Evian-les-Bains, le premier tournoi Evian

Masters, en 1994, est intégré au circuit européen et propose d’ores et déjà la seconde dotation

la plus élevée du Circuit Européen Féminin (232 500 £). Les débuts de ce tournoi sont très

promoteurs, puisque l’événement compte déjà de nombreuses icônes du golf féminin, venues

du monde entier. Afin d’attirer encore plus de participantes internationales, l’Evian Masters

augmente le montant de la dotation, qui passe à 500 000 £ en 1998, puis à 1 000 000 £ en

2000, 1 500 000 £ en 2001 et 2 500 000 £ en 2004. Cette stratégie permet alors à l’Evian

62 DENIS, S., « OL : Aulas voulait un Danone Stadium » (16/11/2010). Disponible sur :

http://www.footmercato.net/breves/ol-aulas-voulait-un-danone-stadium_58237 63 Informations disponibles sur : http://www.evianchampionship.com/fr/le-tournoi/histoire/

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Master d’intégrer le top 10 des plus gros tournois du monde ainsi que la LPGA Tour (circuit

nord-américain féminin). Il propose aujourd’hui la dotation la plus élevée d’Europe.

Parallèlement à la dotation, le parcours évolue, s’élargit et s’améliore au fil des

années. La volonté de constamment innover du groupe Danone se reflète alors sur le tournoi,

puisque l’Evian Masters est un des premiers tournois à intégrer le nouveau Rolex Rankings à

ses critères de sélection. Egalement, un centre d’entraînement ambitieux est inauguré en 2006

(l’Evian Masters Training Center), permettant aux joueuses, de plus en plus nombreuses, de

s’y préparer. En 2010, le champ s’élargit et l’événement accueille pour sa 17ème édition cent

onze joueuses internationales. En 2011, une annonce des plus importantes est faite par Mike

Whan, Commissaire de la LGPA, Jacques Bungert, Directeur du tournoi, et Franck Riboud,

Président du tournoi : dès 2013, l’Evian Masters sera officiellement un Majeur Féminin, alors

même qu’il était déjà considéré par les joueuses et les professionnels du golf comme étant le

« cinquième chelem ». Ce changement est considérable dans la mesure où il transforme

complètement la nature de l’événement, à commencer par son intitulé. A partir de septembre

2013, le tournoi s’appellera The Evian Championship.64 Le parcours a été complètement

modifié et repensé par des architectes – toujours en adoptant une démarche environnementale

poussée – afin de répondre aux exigences des instances internationales du golf féminin. Des

travaux annexes ont également été mis en place au niveau des vestiaires, des locaux

techniques, de la restauration, etc. Neuf mois ont été nécessaires à la réalisation de ces

travaux, pour accueillir du 12 au 15 septembre 2013 le nouveau tournoi.

Toutes ces modifications représentent bien sur un coût important et Danone y a investi

7,5 millions d’euros. Cette somme non négligeable fait partie d’une enveloppe

d’investissements de près de 100 millions d’euros consacrée aux rénovations de l’ensemble

de l’Evian Resort (hôtels de luxe, thermes, casino et golf à Evian-les-Bains)65. De même,

Danone a créé dès le départ un Club de Sponsors très solide, permettant d’assurer la

rentabilité et le pérennité financière de l’événement.

Ce club se compose de :

64 Voir l’affiche du nouvel événement en annexe. 65 L’Evian Resort est un complexe hôtelier de luxe. Il comprend deux hôtels prestigieux (Hôtel Royal et Hôtel

Hermitage), un service d’animation pour les adultes et les enfants (le Kid’s Resort), l’Evian Resort Golf Club

(où se déroule l’Evian masters), un parcours d’entrainement de golf (l’Academy), le centre termal d’Evian ainsi

qu’un casino. L’Evian Resort appartient au groupe Danone.

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- Partenaires majeurs : Evian, Rolex, Lacoste, la Société Générale et

Renault/Infiniti. Ces entreprises sont engagées sur le long terme (entre cinq et dix

ans).

- Partenaires officiels : Randstad, le Conseil Général de Haute-Savoie,

SFR/Vodafone, IBM, Accenture, Europe 1 et Canal +.

- Fournisseurs officiels : Ransomes Jacobsen, JCDecaux, Veuve Clicquot Ponsardin

et Sofitel.

En quoi peut-on considérer que l’Evian Masters est une réussite pour le groupe

Danone et quelles sont les retombées d’un tel événement ?

Dans un premier temps, la réussite tient aux facteurs-clés de succès de l’Evian Masters

que sont d’une part, l’excellence de la compétition, qui attire chaque année les meilleures

golfeuses du monde, et d’autre part, l’environnement du tournoi. En effet, toujours dans cette

logique de bien-être et de santé prônée par Danone, de gros efforts ont été faits quant à la

qualité du parcours (il s’agit d’un parcours entièrement biologique, situé entre le lac Léman et

la montagne) et de l’accueil (notons que les joueuses sont hébergées dans les hôtels de l’Evian

Resort et qu’elles ont accès aux thermes d’Evian ainsi qu’au centre d’entraînement). Les

joueuses témoignent d’ailleurs du côté agréable du cadre : « Il n’y a pas beaucoup de choses

plus appréciables que jouer et gagner à Evian » (Helen Alfredsson, 1998). Ensuite, nous

avons vu que l’adéquation et la cohérence entre l’événement sportif créé et les produits de

l’entreprise étaient deux caractéristiques essentielles dans la réussite d’une telle stratégie. Le

choix du golf n’est donc pas anodin et répond pleinement à l’ambition de Danone de se

positionner sur un marché haut de gamme. En effet, le golf est encore aujourd’hui considéré

comme un sport réservé à une clientèle aisée voire bourgeoise, du fait notamment du prix

élevé des équipements nécessaires à la pratique. Avec des sponsors comme Rolex ou Lacoste,

le golf reflète des valeurs telles que la précision, l’excellence et le prestige. Ainsi, l’Evian

Masters et Danone s’associent à ces valeurs.

Si les chiffres de l’impact économique que représente l’Evian Masters ne sont que peu

connus, les dirigeants assurent que le tournoi est rentable économiquement. Les bénéfices

proviennent principalement des sponsors, des droits de diffusion, mais également de la

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billetterie et du marchandising. Par exemple, pour l’édition 2013, une large collection de

produits de golf, affichant le nouveau logo The Evian Championship, sera vendue pendant le

tournoi, mais également sur une boutique en ligne. Toutefois, Franck Riboud mentionne bien

le fait que la vocation de ce tournoi n’est pas uniquement économique, mais correspond

davantage à une logique sociale, dans le respect de la stratégie de « double projet » évoquée

dans la partie précédente.

En termes d’image, l’Evian Masters apportent une visibilité internationale incroyable à

la marque Evian et plus largement au groupe Danone, mais également à chacun de ses autres

sponsors. L’événement bénéficie en effet d’une très forte couverture médiatique (vingt-deux

heures de direct, diffusées par plus de 127 chaines télévisées dans la quasi totalité des pays) et

fait partie des trois événements sportifs français les plus diffusés au monde (derrière Roland

Garros et le Tour de France). En 2012, les retombées presse ont été estimées à plus de 50

millions de dollars à travers le monde et la visibilité internationale était en croissance de

19%.66 Nous pouvons espérer que The Evian Championship sera d’autant plus médiatisé cette

année grâce au nouveau statut de Majeur : plus de trois cents journalistes internationaux et

près de 50 000 personnes sont d’ailleurs attendus sur le site. Egalement, la multitude de

personnalités invitées chaque année contribue à valoriser l’événement : Hugh Grant, Zinédine

Zidane, Laurent Blanc ou encore Dany Boon ont déjà fait partie des milliers de spectateurs

présents. L’aspect fortement qualitatif de l’événement va générer des impacts positifs sur

l’image du groupe.

L’Evian Masters, très prochainement The Evian Championship, est incontestablement

une grande réussite pour le groupe Danone puisqu’il permet chaque année de rendre visible la

marque sur la scène internationale. Toujours dans cette volonté de constamment innover,

Franck Riboud ne manque pas d’idées quant à la création de nouveaux projets golfiques. Son

nouvel objectif est d’ailleurs de créer l’année prochaine une compétition destinée aux

golfeuses de moins de quinze et dix-sept ans et d’offrir à la gagnante une « wild card » pour

jouer le tournoi Majeur. Ce projet s’inscrit dans la continuité de l’Evian Masters Junior Cup et

de la Haribo Kids Cup, qui rassemblent respectivement, pendant l’Evian Masters, les

meilleurs joueurs et joueuses de moins de quatorze ans et de moins de huit ans, et témoigne

de l’intérêt tout particulier que porte Franck Riboud aux enfants et à leur développement. 66 BAILLEUL, A., « The Evian Championship : l’événement sport & business à ne pas rater ! », in Sport Buzz

Business (17/06/2013). Article disponible sur : http://sportbuzzbusiness.fr/plus-de-sports/the-evian-

championship-levenement-sport-business-a-ne-pas-rater-30414

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2. Danone Nations Cup, une compétition à renommée internationale pour

un marketing relationnel.

Un des préoccupations majeures du PDG de Danone, Franck Riboud, est la jeunesse.

Cet intérêt se retrouve dans la stratégie de communication du groupe, puisqu’une grande

partie des produits a pour cible prioritaire les enfants (entre autres Danette, Danonino, Evian,

Blédina). Il se retrouve également dans la stratégie de création d’événements sportifs, à

travers la Danone Nations Cup. Créée en 2000 par Franck Riboud, la Danone Nations Cup est

un tournoi international de football réservé aux enfants, garçons et filles, âgés de dix à douze

ans. L’organisation se fait de la sorte : dans le monde entier, des équipes locales s’affrontent

dans leur pays respectif lors de plusieurs tournois de qualification ; une finale nationale est

ensuite organisée pour déterminer quelle équipe représentera le pays lors de la finale

mondiale. Ainsi, chaque année, près de 2,5 millions d’enfants participent à la compétition.

Agréée par la FIFA, la Danone Nations Cup est un tournoi de renommée internationale, qui

reçoit chaque année de nombreux soutiens de la part des fédérations sportives nationales, des

ministères et des collectivités. Par exemple, le Président uruguayen a déclaré que la Danone

Nations Cup était un événement d’intérêt national.

Les auteurs l’ont démontré, l’innovation est primordiale quand il s’agit de créer un

événement sportif. Danone l’a bien compris et ne cesse d’apporter des modifications

novatrices à la Danone Nations Cup. Au départ, la compétition ne rassemblait que huit

équipes, en provenance de deux continents seulement : la Bulgarie, la France, la Roumanie,

l’Italie, l’Ukraine, la Turquie et l’Afrique du Sud. Au fil des éditions, l’événement s’est

agrandi et rassemble aujourd’hui quarante pays, en provenance des cinq continents.

Parallèlement à l’augmentation du nombre de participants, le nombre de spectateurs s’accroît.

A partir de 2003, le tournoi prend une autre dimension puisque Zinedine Zidane, considéré

comme l’un des meilleurs joueurs de football du monde, en devient l’ambassadeur officiel.

Egalement, l’année 2009 marque un tournant : pour la première fois, la finale mondiale est

organisée à l’étranger, alors que jusque -là, elle se déroulait au Parc des Princes de Paris ou au

stade Gerland de Lyon. L’objectif est ici d’internationaliser encore plus l’événement. Après le

Mexique, l’Afrique du Sud, l’Espagne et la Pologne, la finale se déroulera cette année à

Londres, au Royaume-Uni.

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Pourquoi le groupe Danone a-t-il choisi le football ? Si le football est une véritable

passion pour Franck Riboud, le choix de ce sport s’est effectué de manière stratégique, en

cohérence avec les recommandations des spécialistes du sport que nous avons étudiées

auparavant. D’abord, il s’agit d’un sport universel, pratiqué dans tous les pays du monde, et

accessible à tous. La pratique est non excluante et non discriminante puisqu’elle ne requiert

que la possession d’un ballon et qu’elle peut s’effectuer sur n’importe quelle surface (gazon,

bitume, terre, sable, etc.). De même, le football est un des sports qui suscite le plus d’intérêt et

d’attention au niveau mondial. De ce fait, il bénéficie de la plus forte diffusion médiatique. A

titre d’exemple, la Coupe du Monde de Football organisée en Allemagne en 2006 a drainé

plus de vingt-six milliards de spectateurs. Au contraire du golf, le football est cette fois un

sport populaire et largement démocratisé, ce qui lui vaut d’être un vecteur de communication

efficace pour une entreprise.

Comment le groupe Danone organise-t-il la Danone Nations Cup ? Quel est le rôle des

salariés Danone et quel est le rôle des intervenants extérieurs ? Au niveau de l’organisation,

les témoignages d’Ophélie Carreyre, apprentie au sein du service Communication Corporate

de Danone, nous ont permis d’en savoir plus. En fait, la Danone Nations Cup est gérée par

plusieurs entités :

- L’équipe du marketing sportif au siège de Danone (Paris), au sein du service

Communication Corporate : « cette équipe s’occupe de l’organisation de la finale

internationale d’un point de vue « acceleration unit », c’est-à-dire tout ce qui est :

travail avec les agences sur le suivi des pays, productions vidéos et papiers,

coordination internationale avec les project leaders des différents pays participant,

réunions en conf-call avec les project leaders pour des points réguliers, etc. Cette

équipe a un rôle très important de coordination et de suivi de l’avancée de

l’organisation du tournoi national de chaque pays. »67

- Un Communication Manager Danone : cette personne se trouve pendant près d’un

an avant l’événement dans le pays où doit se dérouler la finale mondiale. Ses

missions consistent à trouver toutes les infrastructures nécessaires à l’organisation de

l’événement, à savoir un stade, des hôtels, des lieux de restaurations, mais également

des visites et des activités pour les participants. Actuellement, Monica Garcia est

67 Entretien avec Ophélie Carreyre, apprenti au sein du service Communication Corporate de Danone.

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Communication Manager pour Danone et travaille à Londres en vue de préparer la

finale. Nous n’avons malheureusement pas pu la contacter, la finale approchant à

grands pas.

- L’agence Prodéo : dès la première édition de la Danone Nations Cup, Danone a

choisi l’agence de marketing sportif Prodéo pour gérer la conception et la mise en

œuvre de l’événement, tout en respectant les volontés du groupe. Prodéo est alors en

relation constante avec l’équipe marketing de Danone et avec le Communication

Manager.

Enfin, au niveau des étapes nationales, chaque pays doit organiser ses propres tournois

(lieu, matériel, etc.) et trouver ses propres sponsors et partenaires, ainsi que son ambassadeur.

Il faut savoir que les équipes organisatrices des différents pays sont en relation permanente :

« ainsi des responsables de la coordination internationale peuvent dialoguer en direct avec les

project leaders des équipes nationales par téléphone (conférence téléphonique à plusieurs).

Par exemple : l’équipe organisatrice principale au siège va être en conférence téléphonique

avec les project leaders américains, anglais et australiens. »68 En 2012, l’agence Prodéo a

d’ailleurs créé un Intranet, facilitant et coordonnant le travail des équipes organisatrices.

Pour la compétition nationale française, Danone France a choisi de travailler depuis

deux ans avec l’agence de marketing sportif et de communication pour le sport Quaterback.

Egalement, la nouveauté de l’édition 2013 est le partenariat avec la Fondation du Football.

« C’est tout naturellement que la Fondation du Football qui a pour vocation de promouvoir un

football citoyen, a accepté de soutenir cette opération dont elle partage ses valeurs de respect,

tolérance, échange, solidarité et convivialité. Des valeurs essentielles dans la pratique

du football mais aussi dans la vie de tous les jours, inculquées aux enfants dès leur plus jeune

âge et renforcées par le partage d’une activité sportive. » Ces valeurs ont été mises en avant

sur les cinq étapes nationales69 et lors de la finale nationale organisée au stade Vélodrome de

Marseille. Cela se matérialise par différentes activités relayant ces valeurs. Par exemple, lors

du tournoi de qualification organisé à Bordeaux, les jeunes joueurs étaient invités à participer 68 Entretien avec Ophélie Carreyre, apprenti au sein du service Communication Corporate de Danone. 69 Organisée aux clubs de Evian Thonon Gaillard (23/03/2013), FC Girondins de Bordeaux (06/04/2013),

Valenciennes FC (28/04/2013), Paris Saint-Germain (04/05/2013), Marseille (18/05/2013). Les trois premières

équipes de chaque tournoi de qualification sont qualifiées pour la finale nationale.

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à un jeu concours sur les thématiques de l’environnement, la santé, le fair-play et l’arbitrage,

l’égalité des chances et l’engagement citoyen. Le vainqueur gagnait un ballon de football

dédicacé par l’équipe professionnelle des Girondins de Bordeaux. Lors de l’étape à Saint-

Germain-en-Laye, les arbitres distribuaient des points aux équipes les plus fair-play. L’équipe

ayant récolté le plus de bons points recevait en cadeau le maillot du célèbre joueur anglais

David Beckham. Au niveau des sponsors, la Danone Nations Cup France 2013 a choisi de

travailler avec Kappa, Canal +, RMC et France Football. Enfin, l’ambassadeur 2013 est

Christophe Dugarry : son rôle est d’accompagner les enfants, de les conseiller et surtout de les

faire rêver, notamment lors de la finale nationale. Soutenue par Zinedine Zidane, l’équipe du

RC Lens représentera la France lors de la grande finale mondiale au stade Wembley de

Londres, le 7 septembre.

La Danone Nations Cup demande donc une organisation minutieuse et coordonnée au

niveau national et au niveau international. Pour garantir le succès de l’événement, Danone y

consacre un budget de plusieurs millions d’euros : financement de la compétition pour chaque

enfant, financement des prestataires, location des infrastructures, gestion sportive, publicité,

etc. Le budget alloué à l’événement étant renégocié chaque année, il est nécessaire de

convaincre les instances financières du groupe quant aux intérêts à la fois économiques et

sociaux que représentent un tel événement. Notons que les retombées de l’événement se

mesurent davantage en termes d’image puisque toutes les recettes du tournoi sont reversées à

l’Association Européenne contre les Leucodystrophies (ELA). Il n’y a donc pas d’impact

économique direct. Suite aux différentes observations réalisées dans l’entreprise Danone et

aux différents entretiens avec des salariés du groupe, nous pouvons définir quatre objectifs

principaux de la Danone Nations Cup :

- Accroître la notoriété du groupe à l’international :

Danone bénéficie déjà d’une très forte notoriété en France. L’intérêt de la Danone

Nations Cup est davantage de développer sa popularité à l’étranger, et notamment dans des

pays où le groupe est encore peu reconnu. La Danone Nations Cup permet d’élargir le champ

de consommateurs des produits Danone, dans la mesure où elle réunit quarante pays du

monde entier, qui ne sont pas forcément touchés par les campagnes publicitaires

traditionnelles. La présence du logo et du nom Danone sur l’événement rend visible le groupe,

dans des pays parfois exclus des médias classiques.

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- Bénéficier d’une couverture médiatique importante :

Les retombées médiatiques de la Danone Nations Cup sont énormes. En effet,

l’événement se déroule sur presque toute une année, des premiers tournois de qualification à

la grande finale mondiale. Ainsi, pendant près d’un an et dans chaque pays participant,

Danone bénéficie d’une très large publicité. Les matchs sont rediffusés sur Internet et des

sites web dédiés permettent de suivre en direct les compétitions et la finale mondiale70.

Egalement, le groupe n’hésite pas à inviter de nombreux journalistes à l’événement ; certains

sont même logés par Danone pour qu’ils soient dans les meilleures conditions possibles pour

réaliser leur reportage ou la rédaction de leurs articles de presse. Depuis 2011, Danone a

développé un partenariat avec la célèbre entreprise de photographie, Canon, les photos étant

l’élément le plus marquant pour un événement sportif.

- Améliorer l’image du groupe en France et à l’international :

Franck Riboud a dès le début fixé les objectifs de la Danone Nations Cup : « Le but de

l’opération, ce n’est pas de vendre plus de yaourts, mais de transformer l’image de Danone.

(…) L’idée est de redonner aux jeunes de 10 à 12 ans des réflexes pour faire des activités

physiques et lutter contre les mauvaises habitudes alimentaires. »71 De cette manière, Danone

démontre de son implication dans la lutte contre l’obésité, alors même que les entreprises

alimentaires sont mises en cause quant à la surconsommation de sucre et de matières grasses.

Par exemple, depuis 2011, Danone travaille en partenariat avec l’agence-conseil en

communication santé Protéines. Ensemble, ils ont développé le nouveau concept de

l’événement : « Bien dans ton assiette, bien dans tes baskets ».

Aussi, en créant un événement annuel, Danone s’engage sur le long terme dans un

projet sociétal : permettre à des enfants du monde entier de participer gratuitement à une

compétition internationale de football. Quelle autre entreprise peut en dire autant ? Enfin, à

travers la Danone Nations Cup, Danone mène plusieurs actions annexes en partenariat avec

diverses associations caritatives telles qu’ ELA, Well Child, Change 4 Life, etc.

70 Le site web officiel de la compétition (www.danonenationscup.com) mais également les pages Facebook et

Twitter officielles. 71 NACYZK, R., « United Colors of Danone Nations Cup », in References (09/10/2010).

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- Créer une relation de proximité avec le consommateur :

Un des enjeux majeurs de la Danone Nations Cup est de faire du marketing

relationnel, c’est-à-dire d’établir une réelle relation de proximité avec le consommateur. En

rassemblant des millions d’enfants, de parents, de supporters, de locaux, Danone s’associe à

la population et se mêle à ses consommateurs. Par exemple, un tournoi de football est

organisé pendant les quatre jours de la Danone Nations Cup et rassemble des personnalités

sportives mais aussi des joueurs amateurs. De cette manière, l’entreprise se trouve au plus

près des consommateurs et est à l’écoute de leurs besoins et leurs demandes.

L’événement permet également à toute une cible de consommateurs de s’identifier aux

produits Danone, de se reconnaître dans l’image et les valeurs transmises par Danone. Le rôle

des différents ambassadeurs nationaux, mais surtout de l’ambassadeur mondial Zinedine

Zidane, est primordial dans cette logique d’identification. Il a fait et continue de faire rêver

des millions d’enfants et d’adultes ; Danone, en s’associant à lui, a pour objectif de faire rêver

ses consommateurs. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le slogan de l’événement est « Il faut

croire en ses rêves ». Les « Zidane Challenge » sont des outils supplémentaires dans la

relation de proximité. En plus d’assister à la finale mondiale, le célèbre numéro 10 poste, sur

le site officiel de l’événement, plusieurs vidéos de lui faisant divers gestes techniques. A leur

tour, les jeunes joueurs doivent l’imiter et refaire au mieux ces gestes. Des récompenses sont

ensuite attribuées aux enfants.

Le choix Zinedine Zidane comme ambassadeur mondial n’est pas anodin, dans la

mesure où il partage les mêmes valeurs que Danone pour l’enfance. Ensemble, Danone et

Zidane renforcent la relation de proximité recherchée :

« Je participe au développement des programmes pour l’enfance, dont bien

évidemment la Danone Nations Cup fait partie à part entière. Dans mon désir de transmettre

et de rendre aux enfants ce que la vie m’a offert, je me suis naturellement rapproché de

Danone et Franck Riboud qui lancent de nombreuses actions pour les enfants du monde

entier. Ensemble nous développons à travers le monde des programmes pour l’enfance,

essentiellement autour de la nutrition (…). »72

72 Extrait de l’interview de Zinedine Zidane disponible sur le site officiel de l’événement

www.danonenationscup.com.

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CONCLUSION

Nous avons démontré à travers l’ensemble de ce mémoire de l’importance pour une

entreprise de s’associer, de près ou de loin, au sport et aux valeurs qu’il véhicule. Le moyen le

plus répandu est aujourd’hui le sponsoring sportif. Rappelons-le, il peut s’agir du sponsoring

d’une personnalité sportive, d’une équipe, d’un club, d’un événement sportif, etc. En

investissant dans des contrats de sponsoring, les entreprises s’assurent des retombées

importantes en termes d’image : en s’associant à un sportif bénéficiant d’une image positive

ou à un événement de renommée internationale, les entreprises profitent d’une forte

couverture médiatique, améliorent leur image de marque et se différencient alors des

concurrents. Des retombées économiques sont évidemment attendues par les entreprises ; en

améliorant leur notoriété et leur image, les entreprises sponsors espèrent une augmentation

des volumes de ventes et, par suite, du chiffre d’affaires.

Attention toutefois aux limites d’une telle stratégie. Nous avons pu constater au fil de

notre recherche que les effets du sponsoring étaient difficilement mesurables. Les méthodes

de calcul d’impacts sont diverses et variées, et il n’existe pas d’éléments universels de

mesure. Les chercheurs n’ont toujours pas réussi à s’accorder quant à la création d’éléments

précis. De plus, une des caractéristiques du sport est l’incertitude. En effet, les sportifs ne sont

pas à l’abri d’une blessure ou d’un scandale public et les évènements sportifs ne sont pas sans

risque d’une météo médiocre ou d’une ambiance défavorable. Egalement, de plus en plus

d’entreprises agissent en passager clandestin et pratiquent l’ambush marketing, créant de la

confusion dans l’esprit des consommateurs.

Pour contrecarrer ces limites, certaines entreprises ont fait le choix d’aller plus loin

que la simple stratégie de sponsoring, aujourd’hui utilisée par la plupart des grandes sociétés :

elles ont décidé de créer leurs propres événements sportifs. Il convient de ne pas confondre la

création d’événements sportifs avec la stratégie de naming qui consiste simplement à donner

son nom à un événement ou à une infrastructure sportive. Le fait qu’une entreprise soit

créatrice d’événements sportifs est encore rare aujourd’hui et il n’existe que peu d’exemples

empiriques à ce sujet. Toutefois, à travers le cas de Red Bull et surtout de Danone, nous avons

pu observer que la création d’évènements sportifs était une stratégie plus bénéfique que le

sponsoring sportif.

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D’abord, si le sponsoring sportif est une aubaine à court et moyen terme pour une

entreprise, du fait de la durée des contrats, la création d’évènements sportifs est une stratégie

de long terme. L’événement créé s’inscrit généralement dans la durée avec une fréquence

annuelle voire pluriannuelle. Il ne s’agit pas d’un événement « one shot », ce qui permet aux

consommateurs de découvrir progressivement l’événement et d’en devenir fidèles. Nous

l’avons vu, grâce à la Danone Nations Cup et à l’Evian Masters, le groupe Danone s’assure de

la fidélité de ses consommateurs en leur donnant rendez-vous chaque année pour une nouvelle

édition. Egalement, l’entreprise n’est pas exposée aux risques de rupture imprévue de contrat,

de scandale, de retraite prématurée, d’annulation, etc.

De plus, en créant son propre événement, l’entreprise fait face à la saturation de l’offre

d’évènements sportifs. En effet, le nombre d’événements sportifs internationaux est limité

dans le temps et dans l’espace, alors même que la demande de sponsoring de la part des

entreprises est croissante. Les entreprises sponsors sont dépendantes des événements sportifs,

de leur date, de leur lieu, de leur public, etc. Au contraire, en créant leurs propres évènements

sportifs, Danone et Red Bull ont fait le choix d’être autonomes et indépendants. Créer un

événement sportif permet à l’entreprise d’en déterminer toutes les modalités. Si les agences

d’événementiel ou de marketing sportifs peuvent jouer un rôle dans l’organisation de

l’événement, elles restent à l’écoute de l’entreprise créatrice. De ce fait, l’événement

correspond parfaitement aux ambitions de l’entreprise, qui détermine ses partenaires, ses

prestataires et ses sponsors, et vise une cible définie de consommateurs (les enfants pour la

Danone Nations Cup, la clientèle haut de gamme pour l’Evian Masters, les jeunes et les

sportifs pour les défis Red Bull). L’entreprise est maîtresse de son événement et n’est donc

dépendante, comme lors d’une stratégie de sponsoring.

Enfin, l’objectif le plus important de l’entreprise est d’améliorer son image de marque.

Si le sponsoring répond également à cet objectif, les impacts en termes d’image sont moins

évidents du fait de la multiplication des sponsors. Créateurs d’évènements, Red Bull et

Danone bénéficient d’une visibilité totale, sans qu’aucune confusion ne soit possible dans

l’esprit des consommateurs. La marque et les produits ne peuvent être davantage mis en

avant. Egalement, cette stratégie permet de créer une relation unique de proximité avec les

consommateurs, dans la mesure où l’entreprise créatrice et les consommateurs se retrouvent

ensemble, au cœur de l’événement.

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Ainsi, les avantages de la création d’événements sportifs sont multiples pour une

entreprise et permettent de surmonter les limites du sponsoring sportif. Quelles sont alors les

perspectives d’avenir d’une telle stratégie ? Nous avons démontré à travers l’exemple du

groupe Danone que la création d’événements sportifs était véritablement une nouvelle piste de

travail intéressante pour les entreprises. Pour autant, il n’existe aujourd’hui que peu de cas

d’entreprises ayant opté pour cette stratégie. Il semblerait que la plupart ne soit pas encore

dans cette optique et favorise aujourd’hui la stratégie de naming. Cette pratique, encore très

récente en France, a en effet un fort potentiel de développement. Danone maintiendrait donc

son avantage concurrentiel avec la Danone Nations Cup et The Evian Championship.

L’entreprise suisse Nestlé, principal concurrent de Danone, est également très engagée dans le

sport à travers ses différentes marques : fournisseur officiel du Tour de France, du Marathon

de Paris, de Rolland Garros, etc. Alors, à quand un événement créé par Nestlé ?

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ANNEXES

Table des annexes :

Annexe 1 : « Schéma de l’organisation et la gestion d’un événement sportif », tiré de

l’ouvrage Organiser un événement sportif, de Michel DESBORDES et Julien FALGOUX

(Editions d’Organisation, 2003).

Annexe 2 : Stéphanie FALZON, les Jeux Olympiques et les sponsors. Entretien et photos.

Annexe 3 : Entretien avec Kévin BOTTIN, Chargé de communication digitale chez Amaury

Sport Organisation.

Annexe 4 : Nouvelle affiche de The Evian Championship, édition 2013 (du 12 au 15

septembre).

Annexe 5 : « Franck Riboud : si Evian monte, Danone ne mettra pas un centime de plus », in

Le Parisien (15/05/2011).

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ANNEXE 1 :

Organiser un événement sportif, de Michel DESBORDES et Julien FALGOUX

Editions d’Organisation, 2003 ISBN : 2-7081-2893-0

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ANNEXE 2 :

Stéphanie FALZON, les Jeux Olympiques et les sponsors.

Entretien effectué avec Mlle Stéphanie Falzon, membre de l’Equipe de France de lancer de

marteau. Entretien réalisé le 4 février 2013, à Bordeaux.

- Bonjour Stéphanie. D’abord un grand merci de me recevoir et d’accepter de

répondre à mes questions. Pouvez-vous dans un premier temps vous présenter et

parler de votre passion ?

J’ai 30 ans, j’ai commencé l’athlétisme à l’âge de 6 ans. Je faisais des épreuves combinées

(heptathlon) jusqu’au jour où un entraîneur de lancer est arrivé dans le club et m’a fait essayer

le lancer de marteau. J’ai très vite fait des résultats et donc j’ai tout de suite « accroché ». J’ai

commencé à me spécialiser à l’âge de 16 ans et un an après, je décrochais ma première

sélection en Equipe De France alors que je n’étais que cadette. J’ai aimé la complexité de ce

sport et l’alliance de la vitesse, de la force et de la technique.

- Quel est votre palmarès sportif ?

J’ai sept titres de Championne de France Elite (séniors) et j’ai tout gagné dans les catégories

cadette, juniors et espoirs. J’ai participé à trois Championnat du Monde (2007 Osaka, 2009

Berlin, 2011 Daegu), à trois Championnat d’Europe (2006 Göteborg, 2010 Barcelone, 2012

Helsinki) et à deux Jeux Olympiques (2008 Pékin et 2012 Londres). J’ai remporté les Jeux de

la Francophonie, j’ai fait médaillée de bronze à la Coupe d’Europe Hivernal en 2012, finaliste

Page 91: « Du sponsoring à la création d'événements sportifs : le cas de ...

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aux Europe à Helsinki en 2012 et finaliste à Londres. J’ai 30 sélections internationales, ce qui

fait beaucoup !

- Vous avez participé deux fois aux Jeux Olympiques. Qu’est-ce que cela

représente pour vous ?

Les JO c’est tout simplement le sommet. Le but suprême de tout sportif ayant des objectifs de

haut-niveau. Ca a toujours été un rêve pour moi d’y participer car je regardais Perec et Carl

Lewis à la télé. Tellement bien qu’en 2008, lorsque j’ai fait les minimas me permettant de me

qualifier pour les Jeux Olympiques, j’avais l’impression que ma saison était finie et que

j’avais accompli ce que je voulais.

- Quels souvenirs en gardez-vous ? Qu’est-ce qui vous a le plus marqué

(positivement et négativement) ?

Franchement je ne peux pas exprimer mes souvenirs. Il y en a tellement. Tout l’ensemble des

JO est extraordinaire mais aussi surdimensionné. J’ai eu la chance de vivre ceux de Pékin et

tout était démesuré ! Chaque sportif avait sept chinois en moyenne à leur disposition ! Quand

on est aux JO, on est sur une autre planète : on peut croiser dans la même journée les plus

grands sportifs de la planète (Raphael Nadal, Roger Federer, Ronaldino, La dreamteam) et en

même temps voir les Kenyans ou les Ethiopiens remplir leur sacs de nourritures pour les

envoyer à leur famille, tellement il y en a!!! Je dirais que c’est ça le « point négatif ».

Pour ce qui est de « positif », ce serait l’organisation. On ne peut pas s’imaginer le nombre de

bénévoles. Rien que pour les déplacements, il y a au moins trente-quatre sites de compétions

différents et une centaine de lieux d’entraînement. Sans parler des lieux de visites pour

« détendre » les sportifs. Par exemple, à Pékin on pouvait aller visiter la muraille de Chine, la

Cité Interdite, et encore au moins quinze autres sites culturels. Chaque endroit était desservi

par des navettes qui partaient toutes les quinze minutes et cela tous les jours.

Le « self », où l’on peut manger 24h/24, propose toutes les cuisines du monde : américaine

avec un stand spécial pizza, un Mc Do à volonté mais aussi chinoise, japonaise, européenne,

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méditerranéenne, halal, végétarienne, indienne, spéciale soupe, spéciale pain, spéciale

crudités, etc. !

Et je ne parle pas des 21000 journalistes qui couvrent l’évènement dont il faut s’occuper et

des 10500 sportifs présents (sans compter les DTN, l’encadrement et le médical) qui sont

logés et qui ont des besoins. Bref, l’organisation des JO, on se demande par où ça

commence !

- Pensez-vous qu’accueillir les Jeux Olympiques a des retombées positives ou

négatives sur une ville ? Si oui, lesquelles ?

Je pense un peu des deux. Accueillir les JO, c’est un réel trou financier pour le pays

organisateur. Ils mettent des années des années à les payer malgré les centaines de sponsors,

les aides diverses (état, CIO etc.). Je crois qu’Albertville les paie encore !

Par contre, en termes de retombées économiques pour le pays, c’est énorme ! Au niveau

médiatique également, la vitrine du pays est mise en valeur pendant un mois dans le monde

entier. C’est une façon de mettre en avant le pays car c’est l’événement sportif le plus

médiatisé au monde. Tout le monde regarde les JO !! Je pense que la cérémonie d’ouverture,

qui relate l’histoire du pays sous forme de spectacle, est visionnée par les pays du monde

entier.

- Avez-vous remarqué la présence de nombreux sponsors aux Jeux Olympiques ?

Sont-ils différents des compétitions nationales et internationales ?

On ne remarque que ça, et ce dès la réception des équipements. A Pékin, on a reçu dans nos

sacs : un gel douche Ushuaia, des bonbons Haribo, des shampoings Pétrolhan, des savanes de

Brossard et j’en passe. On nous a également donné avec nos accréditations un badge pour

pouvoir retirer des boissons Coca-Cola et d’autres dans les distributeurs disposés tous les 15

mètres dans tout le village Olympique ! Donc tous les 15 mètres, on pouvait « badger » le

distributeur et boire !! Ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres. En 2000 au JO de

Sydney chaque athlète avait eu un téléphone portable offert par le sponsor de la téléphonie. Ils

peuvent être différents : pour les JO, ce sont des sociétés mondialement connues du style

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Coca Cola, Samsung, Mc Do, Visa… alors que dans les compétitions nationales ou

internationales, il y en a moins et parfois, ce sont des marques du pays organisateur que l’on

ne connait pas forcément. Parfois, il y a un seul gros sponsor sur une compétition et le nom

apparaît directement sur le nom de la compétition. Par exemple : le meeting AREVA, qui est

l’un des plus grands meetings d’athlétisme privés au monde (fait partie de la Ligue de

diamant) ou la coupe d’Europe Spaar, une compétition par équipe regroupant 12 pays

européens et étant retransmis dans ces 12 pays en direct.

- Quels sont vos sponsors actuellement ? Quels ont été vos sponsors auparavant ?

Actuellement, j’ai seulement un sponsor équipementier : Asics. J’ai également des partenaires

« ponctuels » : le restaurant « La Criée » de Mérignac où je vais manger gratuitement lorsque

j’ai envie. Le contrat s’est terminé il y a un mois. J’ai aussi un magasin de discount

alimentaire qui m’offre depuis 2008 des bons d’achats de 30 euros tous les mois. Depuis un

an et demi, j’ai des cageots de légumes par un petit producteurs à Eysines (tous les quinze

jours). En 2007-2008, j’étais sponsorisée par Puma, mais après les JO c’était fini. Dans cette

même période, j’étais aussi sponsorisée par le Groupe Pichet Immobilier. Après je suis passée

chez Adidas pendant 3 ans. Dans la période où je n’avais pas d’équipementier, j’ai le groupe

Le Saint (Bretagne) qui m’a offert du matériel et des équipements. Je commandais tout ce

que je voulais au groupe Lepape (haute qualité, spécialisé dans l’athlé).

En fait, vu ma difficulté à trouver des sponsors financiers directs dans ma discipline non

médiatisée, j’ai préféré miser sur les frais « quotidiens » pour réduire mon coût de vie. Donc

j’ai démarché différemment.

- Quelles relations entretenez-vous avec les sponsors ? A quelle fréquence les

voyez-vous ?

Je ne vois mes sponsors que lors des compétitions. Après, nos échanges se font beaucoup par

mail et téléphone, lorsque j’ai besoin d’une paire de chaussures en plus etc. Les démarches de

départ se font « par arrangement » lors de rencontres « programmées ».

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- Selon vous, une entreprise peut-elle créer par elle-même un événement sportif ?

Une entreprise peut créer un évènement sportif, cela se fait déjà. Mais il faut quand même que

ce soit encadré par des professionnels de l’athlétisme. Par exemple le Décastar de Talence est

un meeting international privé reconnu dans le monde. L’organisation est gérée par une

association. Le meeting est financé en majeure partie par des sponsors privés mais est chapoté

par la Ligue d’Aquitaine, le Comité de Gironde, le club de Talence etc.

- Participeriez-vous à un meeting d’athlétisme créé de toute part par une

entreprise privée ?

Cela dépend beaucoup de la période. Si c’est une période « creuse » où il y a peu de

compétitions, peu d’objectifs, j’irais pour l’argent, donc les conditions me seraient égales. Par

contre, si c’est une grosse période où il faut faire des performances, je me déplacerais dans

des meetings dont je connais l’organisation et où je sais que tout sera « pro » autour de moi.

Dans tous les cas, je me déplace sur les meetings « privés » mais seulement s’il y a une prime

d’engagement. Tous les sportifs sont professionnels et ne se déplacent donc pas pour rien. Si

la prime est intéressante, alors oui j’y participerais. Les négociations passent par mon agent.

C’est surtout lui qui « négocie ».

- Merci beaucoup pour la pertinence de vos réponses et bonne continuation

Stéphanie.

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Quelques photos données par Stéphanie, mettant en scène sa discipline sous les couleurs

françaises et montrant le spectacle des Jeux Olympiques.

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ANNEXE 3 :

Entretien avec Kévin BOTTIN, Chargé de Communication Digitale

chez Amaury Sport Organisation (ASO)

- Bonjour Kévin. D’abord, un grand merci d’avoir accepté de répondre à quelques

questions. Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Je suis étudiant en master marketing à l’ESC Rennes School Of Business. Je suis me

spécialisé dans le marketing digital et plus particulièrement dans le secteur du sport. Je viens

de terminer mon année de césure au sein d’Amaury Sport Organisation où j’occupais le poste

de chargé de communication digital.

- Pouvez-vous présenter la société ASO en quelques mots ?

ASO est le leader en France sur le marché de l’évènementiel sportif. En organisant des

événements internationaux et premium comme le Tour de France, le Dakar, ou encore le

marathon de Paris, ASO se positionne comme une référence mondiale. L’entreprise organise

250 jours de compétitions par an avec un peu plus de 40 évènements.

- Quelle est votre fonction à ASO ?

J’occupais le poste de chargé de communication digital sur les épreuves Grand Public. J’étais

en charge d’une part de la création de la stratégie de communication à appliquer sur ces

évènements, de la couverture média des évènements en live, et du développement du chiffre

d’affaire via les nouveaux médias (réseaux sociaux, site internet, applications mobiles).

C’est un poste transverse qui permet de travailler avec plusieurs départements afin d’affiner et

de créer la meilleure stratégie.

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- De quels événements sportifs aviez-vous la charge cette année ?

Je m’occupais de 9 épreuves sportives dans différentes disciplines : running, cycling, VTT, et

course à obstacles. J’ai donc travaillé sur les évènements suivants : Schneider Electric

Marathon de Paris, Semi Marathon de Paris, 10Km L’Equipe, Run In Lyon, l’Etape du Tour,

Etapa de la Vuelta, le Roc d’Azur, le Roc des Alpes et The Mud Day.

- Quels évènements vous ont le plus marqués ?

Chaque événement a un positionnement unique et une atmosphère propre. Le Marathon de

Paris est un événement incroyable pour la Capitale. L’épreuve rassemble 50 000 coureurs

mais à cela, il faut ajouter les 30 000 accompagnateurs. L’épreuve se déroule sur 4 jours, 3

jours de « village » (Running Expo étant la référence mondiale sur salon du Running) puis 1

journée d’épreuve. Le marathon reste une épreuve mythique et magique. Le départ est très

impressionnant avec plus de 50 000 personnes massées sur les Champs Elysées, l’Arc de

Triomphe en arrière plan. La ligne d’arrivée est un endroit fort en émotions, un lieu où l’on

vit le sport, les coureurs sont dans un état second car ils se sont dépassés, ils ont été au bout

d’eux même, et fondent en larmes.

Le second événement marquant a été l’Etape du Tour. Chaque année, le Tour de France

propose aux amateurs de la Grande Boucle, de parcourir une étape dans les mêmes conditions

que les professionnels (routes fermées, voitures de courses, motos, couverture média…).

C’est donc à Annecy (dernière étape des Alpes de l’édition 2013) que 15 000 cyclistes se sont

rassemblés. Un cadre magique !

- Quelles sont les différentes étapes de l’organisation d’un événement sportif ?

Selon vous, quelle est l’étape la plus complexe ?

L’organisation d’un événement se divise en 7 étapes :

- Création et validation du projet : définition du concept, date de l’événement, et

objectifs à atteindre.

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- Budgétisation : recherche de partenaires économiques potentiels, budgétisation de

l’épreuve, acteurs et prestataires à définir.

- Formalisation : validation du projet auprès des acteurs publics (préfecture,

gendarmerie, mairie…), validation des ressources internes à déployer.

- Planification : planifier les étapes à réaliser, affecter les ressources humaines,

développer le projet, coordination générale.

- Commercialisation et communication : communiquer sur l’événement auprès du

public, ouvrir les inscriptions, prospecter les partenaires, couverture média.

- Livraison de l’événement : livrer l’événement, coordonner l’épreuve.

- Evaluation : bilan sportif et financier, recommandation, définition du nouveau plan

d’action pour la prochaine édition.

Il existe beaucoup de difficultés dans l’organisation d’un événement. L’étape la plus

compliquée selon moi est la planification. C’est l’étape la plus longue et la plus lourde. C’est

à ce moment que l’on doit coordonner l’ensemble du projet dans un timing parfois serré. Il est

donc primordial d’anticiper et d’avoir des plans de secours au cas où un problème survienne.

- Quels sont les facteurs clés de succès dans l’organisation d’un événement

sportif ?

Les facteurs de succès sont :

Qualité de l’événement (respecter les engagements pris auprès du public)

Forte notoriété et image de l’épreuve

Couverture média importante

Timing respecté – aucun retard

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Sécurité assurée

Flexibilité et réactivité (gérer les situations de crise rapidement)

Accompagnement du client et du spectateur

- Quelles relations entretenez-vous avec les entreprises sponsors des évènements ?

En fonction du partenariat négocié, chaque sponsor occupe une place précise. Partenaire titre,

partenaire majeur, fournisseur officiel, c’est le capital apporté qui détermine la place de

chaque sponsor. Les relations entre les entreprises sponsors et ASO sont basées sur la

fonction du sponsor au sein de l’événement. En amont de l’épreuve les relations concernent

principalement les retombés médiatiques et l’exposition terrain proposée.

ASO travaille également avec les sponsors pour développer des actions conjointes comme un

jeu concours, une promotion digitale…

Une fois l’événement passé, l’heure est au bilan et aux recommandations pour l’année

suivante.

- Pensez-vous qu’une entreprise peut organiser elle-même son propre événement

sportif ? Pour quelles raisons ?

La question est avant tout de définir la portée et l’enjeu de l’événement. L’organisation d’un

événement est relativement couteuse si l’on ne possède pas toutes les compétences en interne.

Externaliser certaines tâches pourraient plomber le résultat.

Je pense donc qu’une entreprise peut organiser son événement. En revanche l’événement

reflétera la puissance de l’entreprise organisatrice. Exemple : un évènement organisé par une

multinational comme la Sosh Freestyle Cup et un événement d’une PME qui ne restera qu’à

l’échelle locale.

L’organisation d’événement nécessite des compétences précises, qu’une entreprise non

spécialisée ne possède pas. Il faudra dans tous les cas externaliser. La recherche de partenaires

compétents est donc l’enjeu principal.

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- Quels sont selon vous les bénéfices que peut espérer obtenir une entreprise en

créant son propre événement sportif ?

Les bénéfices dépendront du positionnement de l’épreuve en fonction du secteur d’activité de

l’entreprise et surtout des résultats. Dans le cas où, l’épreuve est un succès les bénéfices sont :

- Augmentation de la notoriété

- Amélioration de l’image de la société au travers de l’événement

- Résultats économiques

- Création d’un sentiment d’appartenance et d’affection du public pour la marque

- Amélioration des résultats commerciaux (ventes)

- Développement de nouvelles compétences

- Diversification de l’activité de l’entreprise

- Que pensez-vous de la Danone Nations Cup ? Qu’est-ce que cela vous évoque en

matière d’organisation ?

La Danone Nations Cup est un événement ancré maintenant dans l’univers du sport. C’est une

opportunité offerte à tous les enfants de réaliser un rêve. La cible reste jeune. Malgré tout, la

médiatisation autour de l’événement n’intervient qu’à l’approche du Jour-J.

La communication de l’événement bénéficie de la notoriété de l’icône du football mondial :

Zidane.

En matière d’organisation, le système doit être complexe. En effet il y a de nombreux

évènements locaux et nationaux avant d’atteindre la final internationale. Le nombre

d’interlocuteurs et d’intermédiaires doit être élevé. L’externalisation doit être importante

notamment à l’échelle locale.

- Un grand merci pour vos réponses et bonne continuation.

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ANNEXE 4 :

Nouvelle affiche de The Evian Championship

Edition 2013 – du 12 au 15 septembre

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ANNEXE 5 :

Franck Riboud : « Si Evian monte,

Danone ne mettra pas un centime de plus »

Publié le 15.05.2011 dans Le Parisien

Un rendez-vous avec un grand patron du CAC40, même pour parler de sport, obéit à des

règles : plutôt habitué — et parfois victime — des gazettes économiques, Franck Riboud se

méfie des journalistes. Il nous parlera une heure, dans son bureau, et « il n'y aura pas de off! »

assène-t-il dès le début de l'entretien. Sujet principal : Evian Thonon Gaillard, « (son) club de

cœur », en passe de monter en Ligue 1.

Mais le patron de Danone, ami intime de Zinedine Zidane, évoque aussi l'affaire des quotas,

le PSG…

Même s'il commence toujours par s'en défendre, il a son avis sur tout et toujours avec passion.

Finalement, l'entrevue a duré deux heures.

Quelles sont vos véritables ambitions avec Evian TG ?

Franck Riboud. Sportivement, aucune, même si les gens ne le comprennent pas. Il faut revenir

au projet initial. Sur la région d'Evian, 60% des gens sont employés par Danone. Depuis

toujours, on estime que le rôle d'une entreprise ne s'arrête pas aux murs des usines. On a un

rôle social et sociétal. On est parti sur l'idée d'utiliser le foot et les enfants pour faire du lien

social. A ce moment-là, les gens de Gaillard nous ont contactés. J'ai dit OK, mais on fait un

club de région. Nous ne sommes pas propriétaires, ce n'est pas le club de Danone et encore

moins le club de Franck Riboud. Nous sommes sponsors, comme Emirates à Arsenal.

Pourquoi n'êtes-vous pas actionnaire ?

Pour une raison très simple : je ne suis pas propriétaire de Danone, j'en suis salarié. Ce n'est

pas mon argent, c'est celui des actionnaires. Si Danone finançait un club dont j'étais en partie

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propriétaire, en cas de revente, je serais accusé d'abus de bien social. Je ne participe pas au

conseil d'administration du club mais je conseille, ça m'amuse… Et je suis écouté car je suis

le plus gros sponsor du club, ce qui est voué à diminuer.

Vraiment ?

Evidemment! Je dois assurer la pérennité de ce club. Or, si demain Danone est racheté par des

gens qui n'aiment pas le foot et qui suppriment le budget sponsoring d'Evian TG, que devient

le club? Si Evian monte en Ligue 1, Danone ne mettra pas un centime de plus! Les droits télé

passeraient de 4 M€ à 14 M€ et on arriverait à un budget total de 22 M€ ou 23 M€ (NDLR :

en fait, le budget sera de 25 M€ en cas de montée). Le raisonnement est très simple. Ce club

est en construction, je trouve que c'est un peu rapide pour monter en Ligue 1, mais, si on

monte, on va assumer car ça fait rêver les gamins, donc c'est cohérent avec le projet. Il faudra

garder un modèle économique basé sur la Ligue 2. Pourquoi y a-t-il des déficits dans le foot?

Parce que certains dirigeants pètent les plombs!

Combien Danone donne-t-il chaque année à Evian TG ?

Environ 3 M€, soit environ un tiers du budget du club. Je ne veux jamais entendre « Danone

peut payer ». C'est ce que je lis toute la journée mais ce n'est pas vrai, je vous l'affirme! En

revanche, on a une puissance économique, on a des relations, alors on peut aider.

Comment interviennent les actionnaires que sont Zidane ou Lizarazu ?

Ils sont là pour une histoire d'amitié. Quand on a changé d'entraîneur, je leur ai passé un coup

de fil. Ce serait bête de ne pas leur demander leur avis! Liza et Zidane ont investi 10 000 €.

Moi, j'ai fait une donation de 15 000 €.

Seriez-vous tenté d'augmenter le montant de vos donations ?

Non, car je ne veux pas que le club tombe dans la facilité.

Si Evian monte, dans quel stade jouerez-vous ?

Mettre aux normes le stade d'Annecy, on sait faire. Ça coûtera 600 000 € (NDLR : en fait, 1,5

M€), le club va se débrouiller. Après, il y a deux débuts de pistes pour construire un stade.

L'un du côté d'Annemasse, l'autre à côté d'Annecy, à Seynod. Mais ils ne seront pas financés

par Danone. Nous n'avons pas vocation à construire un stade.

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Quel regard portez-vous sur la récente affaire des quotas ?

Que des vrais sujets de fond aient été mal exprimés, c'est évident. Comme l'a dit Noah, ça

relève de la boulette. Toute cette mayonnaise, je trouve ça triste car cela casse quelque chose

qui était vraiment sympathique. Connaissant Laurent Blanc, je ne laisserai jamais dire qu'il est

raciste!

Pourquoi un club comme le PSG est-il si difficile à vendre ?

Je n'en sais rien. Je ne parle pas du PSG avec Sébastien Bazin (NDLR : lui aussi actionnaire

d'Evian TG). A-t-il vraiment toute liberté pour vendre à qui il veut? Et puis, ça dépend du

prix… Il y a sans doute des difficultés extra-sportives. En tant qu'homme de marketing, je

pense que le PSG est une superbe marque. Les dirigeants ont été courageux avec le plan

sécurité, même si cela a été très coûteux.

Soutenez-vous toujours la candidature d'Annecy pour les Jeux de 2018 ?

C'est une région que j'adore, j'ai grandi là-bas, c'est une belle candidature. Si on avait choisi

initialement le projet Chamonix-Annecy, ça aurait été mieux. J'ai questionné Jean-Claude

Killy et je suis proche de Grospiron qui a fait un travail fantastique auprès du CIO. Après, je

me suis détaché de la chose et je ne peux pas m'exprimer sur la manière dont le dossier est

conduit. Et puis, mon métier, c'est de gérer une société de 100 000 personnes…

Auteur non précisé.

Article disponible en ligne sur :

http://www.leparisien.fr/sports/franck-riboud-si-evian-monte-danone-ne-mettra-pas-un-

centime-de-plus-15-05-2011-1450338.php

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www.evianchampionship.com

www.redbull.com

www.danone.com

www.danonenationscup.com

www.institutdanone.org

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Interview :

Michel DESBORDES : spécialiste et professeur du marketing du sport.

André RICHELIEU : spécialiste et professeur du marketing du sport (Université de Laval,

Canada).

Kévin BOTTIN : chargé de communication digitale à Amaury Sport Organisation.

Stéphanie FALZON : lanceuse de marteau et internationale française.

Arnaud SAN JOSE : chef de marché Danone Eaux France.

Maxime ROLLAND : chef de marché Danone Eaux France.

Ophélie CARREYRE : apprenti au sein du service Corporate Communication de Danone, en

charge de l’organisation de la Danone Nations Cup.

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ....................................................................................................................6

PARTIE I : ..............................................................................................................................14

INVESTIR DANS LE SPORT : GENESE DU SPONSORING SPORTIF ......................14

CHAPITRE 1........................................................................................................................15

LE SPORT, UN OUTIL STRATEGIQUE POUR LES ENTREPRISES ?................................................15

1. Le sport, un outil politique pertinent et représentatif d’une situation géopolitique..15

2. De la mondialisation de l’économie à la mondialisation du sport : émergence du

« sport-spectacle » et du « sport-business ».....................................................................18

3. Sport et entreprises : une stratégie win-win ? ...........................................................22

CHAPITRE 2........................................................................................................................25

LE CHOIX D’UNE STRATEGIE D’ENTREPRISE CENTREE VERS LE SPORT ...................................25

1. Les bases de la stratégie d’entreprise : quel rôle pour la stratégie marketing et la

politique de marque ?.......................................................................................................25

2. Le sponsoring : historique et éléments de définition .................................................28

3. Les retombées d’une stratégie de sponsoring sportif : avantages et limites. ............32

PARTIE II...............................................................................................................................39

DU SPONSORING A LA CREATION D’EVENEMENTS SPORTIFS :........................39

ALLER PLUS LOIN DANS L’INVESTISSEMENT SPORTIF. ......................................39

CHAPITRE 1........................................................................................................................40

L’ORGANISATION D’EVENEMENTS SPORTIFS :........................................................................40

ENJEUX ET RETOMBEES POUR LA VILLE OU LE PAYS HOTE......................................................40

LE CAS DES JEUX OLYMPIQUES .............................................................................................40

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1. L’organisation d’un événement sportif par une ville ou un pays : quels coûts pour

quels bénéfices ? Eléments de mesure..............................................................................40

2. Le cas des Jeux Olympiques ......................................................................................45

CHAPITRE 2 : .....................................................................................................................51

L’ENTREPRISE, CREATRICE D’EVENEMENTS SPORTIFS :..........................................................51

LE CAS DE RED BULL ............................................................................................................51

1. Créer et organiser un événement sportif : un projet considérable............................51

2. Analyse des impacts générés par la création d’évènements sportifs : l’exemple de

Redbull..............................................................................................................................56

PARTIE III .............................................................................................................................64

ETUDE DE CAS : LE GROUPE DANONE........................................................................64

CHAPITRE 1........................................................................................................................65

DANONE ET LE SPORT : UN FORMIDABLE PARTAGE DE VALEURS ...........................................65

1. Danone en quelques mots : genèse d’une stratégie axée sur la santé et le bien-être.

65

2. Les relations entre Danone et le sport : une implication forte auprès des salariés et

des consommateurs...........................................................................................................69

3. Quelle stratégie marketing pour Danone dans le sport : entre sponsoring et

partenariats. .....................................................................................................................71

CHAPITRE 2........................................................................................................................74

DEUX EXEMPLES ILLUSTRANT LA STRATEGIE DE DANONE : ..................................................74

L’EVIAN MASTERS ET LA DANONE NATIONS CUP .................................................................74

1. L’Evian Masters : le choix du golf pour un positionnement haut de gamme. ...........74

2. Danone Nations Cup, une compétition à renommée internationale pour un

marketing relationnel. ......................................................................................................78

CONCLUSION.......................................................................................................................84

ANNEXES...............................................................................................................................87

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112

BIBLIOGRAPHIE ...............................................................................................................106

TABLE DES MATIERES ...................................................................................................110

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Résumé :

Le sponsoring sportif est aujourd’hui une stratégie très courante employée par les

entreprises afin de redorer leur image de marque, mais également afin d’augmenter leur

chiffre d’affaires via l’augmentation des ventes. Toutefois, nous assistons aujourd’hui à une

certaine saturation du marché du sponsoring sportif : les évènements sportifs sont limités dans

le temps et dans l’espace alors même que la demande de sponsoring est croissante de la part

des entreprises. Pour surmonter cette externalité négative du sponsoring, certaines entreprises,

encore rares aujourd’hui, ont fait le choix de créer leur propre événement sportif et d’être

donc totalement indépendant dans la stratégie. C’est notamment le cas du groupe Danone, un

des leaders mondiaux de l’agroalimentaire, qui a créé deux évènements d’ampleur

internationale : la Danone Nations Cup et l’Evian Masters. Les bénéfices d’une telle stratégie

sont considérables, tant en termes d’image qu’en termes d’impact économique.

Mots-clés :

Sport – Stratégie d’entreprise – Sponsoring sportif – Evènement sportif – Création – Danone