- À quelle heure viennent-ils - Oxfam-Magasins du monde · Ce n’est pas secret, nous discutons ....

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1 Ce soir, Caline doit absolument rester éveillée! Pendant le souper, elle a entendu son père et sa grand-mère parler. Sa grand-mère a demandé : - À quelle heure viennent-ils ? Caline sait ce que ça veut dire : ce soir, il va y avoir une réunion secrète chez elle ! Des réunions comme ça, il y en a souvent ces derniers temps. Des gens viennent à la maison pour discuter. Parfois Caline est dans son lit et elle les entend. Mais elle ne comprend pas ce qu’ils disent, elle ne sait même pas de quoi ils parlent. Et bien sûr son papa ne veut pas qu’elle reste… c’est sûrement parce qu’ils racontent des secrets ! Mais ce soir, c’est le grand soir ! Elle va tout savoir ! Après le souper, elle a fait semblant d’aller se coucher, puis elle est vite revenue se cacher derrière l’armoire où sa grand-mère range les casseroles et les assiet- tes. De là, elle voit toute la pièce où les gens commencent à arriver. Il y a au moins quinze personnes. Caline les connaît presque toutes. Ce sont des gens du village qui, comme la famille Cabosse, s’occupent de cacaoyers et vendent du cacao. C’est Caleb qui parle le premier. Caline est fière de son papa parce que les autres l’écoutent très attentivement.

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Ce soir, Caline doit absolument rester éveillée! Pendant le souper, elle a entendu son père et sa grand-mère parler. Sa grand-mère a demandé :

- À quelle heure viennent-ils ?

Caline sait ce que ça veut dire : ce soir, il va y avoir une réunion secrète chez elle !

Des réunions comme ça, il y en a souvent ces derniers temps. Des gens viennent à la maison pour discuter. Parfois Caline est dans son lit et elle les entend. Mais elle ne comprend pas ce qu’ils disent, elle ne sait même pas de quoi ils parlent. Et bien sûr son papa ne veut pas qu’elle reste… c’est sûrement parce qu’ils racontent des secrets !

Mais ce soir, c’est le grand soir ! Elle va tout savoir ! Après le souper, elle a fait semblant d’aller se coucher, puis elle est vite revenue se cacher derrière l’armoire où sa grand-mère range les casseroles et les assiet-tes. De là, elle voit toute la pièce où les gens commencent à arriver. Il y a au moins quinze personnes. Caline les connaît presque toutes. Ce sont des gens du village qui, comme la famille Cabosse, s’occupent de cacaoyers et vendent du cacao.

C’est Caleb qui parle le premier. Caline est fière de son papa parce que les autres l’écoutent très attentivement.

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simplement de choses qui nous concernent tous : le cacao, le commerce, la vie des gens du village… Et nous prenons des décisions pour essayer que tout le monde vive mieux. Par exemple, l’année passée, c’est comme ça que nous avons décidé d’acheter un camion tous ensemble pour aller en ville, tu te rappelles ? Mais tu sais, si ça t’intéresse, tu pourrais venir à la prochaine réunion… pour du vrai, pas cachée dans mes armoires !

Caline s’imagine au milieu de tous les adultes du village… elle n’oserait jamais parler ! Mais ça pourrait être bien, et après tout sa grande sœur Calista y est déjà allée. C’est alors que Caleb arrive.

- La réunion est terminée ? demande la grand-mère.

- Oui, répond-il, et je voudrais parler à Caline.

Aïe aïe aïe, Caline est sûre que son papa va la gronder parce qu’elle les a espionnés. Mais il lui demande simplement :

- Serais-tu d’accord de participer à la prochaine réunion ?

- Moi ? Mais pourquoi ? Caline est très surprise, et un peu inquiète.

- Parce qu’on va parler de quelque chose qui t’intéresse… quelque chose dont tu as très envie…

- L’école ?

- Exactement ! Les gens de la coopérative pensent que ce serait bien de construire une école plus près, pour tous les enfants du village… Mais il faut y réfléchir tous ensemble. Alors, tu viendras ?

Caline lui saute au cou.

- Oh oui je viendrai ! Merci papa !

Quand il est parti, Caline se rendort. Elle rêve d’une école magnifi-que, où un instituteur génial porte le nom de… Mr Coopérativo.

- Mes amis, dit Caleb, aujourd’hui la coopérative doit décider du prix du cacao pour cet été. Après il parle de chiffres, de kilos, d’acheteurs, de météo… Caline ne comprend pas tout et elle est un peu déçue : c’est ça leur secret ?

Après, d’autres personnes prennent la parole. Il y en a qui crient fort, ils n’ont pas l’air d’accord. Tout le monde parle de la coopérative, Caline se dit que ça doit être quelqu’un d’important. Elle essaie de se rappeler si elle l’a déjà vue, mais elle est tellement fatiguée… Elle reconnaît la voix de Camille, sa grand-mère. Elle a l’impression d’être très loin…

Puis une affreuse voix lui crie :

- Alors, on écoute les réunions ? Je suis Coopérator, et je vais te manger !

Caline voit un monstre vert avec une énorme bouche pleine de dents et de bave qui se penche vers elle. Elle se lève pour s’enfuir, mais elle trébuche dans les casseroles, elle tombe, le monstre arrive et il va l’at-traper…

- Caline ! Caline !

Caline ouvre les yeux. C’est sa grand-mère qui est penchée sur elle et la réveille.

- Et bien ma chérie, qu’est-ce que tu fais endormie au milieu de mes casseroles ? Ton lit n’est pas assez confortable ? Et pourquoi as-tu

crié ? Tu as fait un cauchemar ? Allez, viens, au lit maintenant ! Camille prend sa petite-fille dans ses bras et la ramène dans la

chambre. Caline lui raconte son cauchemar.

- Coopérator ? La grand-mère rigole. Mais ma petite, la coopérative ce n’est pas une personne, c’est le nom du groupe.

- Le groupe des réunions secrètes ?

- Quelles réunions secrètes ? Ce n’est pas secret, nous discutons

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Marc est tout excité, sa maman ne le reconnaît plus. Il a été gentil toute la journée, il a aidé sa maman, il a rangé sa chambre et il a même dressé le couvert tout seul ! Il est impatient car il n’a plus vu son papa depuis longtemps. Marius, le papa, revient en effet d’un long voyage. Mais soudain, la porte de la maison s’ouvre et Marc fonce sur Marius pour sauter dans ses bras. Son papa a juste le temps de l’attraper ! Marc a tout de suite reconnu son papa, même s’il est tout bronzé. Il sent le soleil, c’est normal, il fait chaud là où il est allé. Le papa de Marc le serre très fort puis le repose à terre.

Le temps que Marius accroche sa veste au portemanteau, Marc est déjà en train de tourner autour de la valise. Marius la prend et va dans la chambre pour la défaire. Marc est sur ses talons, à l’affût, nettement plus curieux qu’à son habitude. Quand Marius l’ouvre, Marc rit de bon cœur. En effet la valise est toute en désordre ! Elle a du être secouée dans l’avion. Marc se lance dans une fouille méthodique de la valise. Des chemises de toutes les couleurs, des bermudas, Marc évite mal-gré tout le coin avec les chaussettes sales. Tout d’un coup, il se sent soulevé !

- Mais qu’est-ce que je trouve dans ma valise moi maintenant ? demande Marius le sourire aux lèvres. J’aurais ramené une grosse bestiole de mon voyage sans le savoir ?

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- Tu sais bien que c’est moi, papa ! fait observer Marc.

- Qu’est-ce que tu cherches petit curieux ? insiste Marius en le déposant à terre une nouvelle fois.

- Mon cadeau, répond-il simplement.

Marius a l’air embarrassé.

- Je ne t’ai rien apporté cette fois-ci, fiston…

Marc est très déçu.

- C’est pas juste, tu pars en vacances et tu reviens sans rien pour moi !

- Mais c’est parce que je t’ai déjà amené quelque chose de là bas lors de mon précédent voyage.

- Alors t’as qu’à partir autre part, comme ça tu pourras m’offrir autre chose !

Marie, la maman, intervient :

- Tu sais, ton papa ne part pas en vacances mon poussin, il va voir des gens pour son travail. Tu te souviens de Monsieur Jian ? Et bien ton papa est allé le voir pour qu’ils continuent à faire des affaires ensemble.

- Et pourquoi c’est toujours avec lui que tu travailles ? demande Marc à son papa.

- En fait, avant, je changeais tout le temps. Mais travailler toujours avec les mêmes personnes ça a des avantages. D’abord, on se connaît mieux, on se fait confiance, on peut s’organiser à l’avance. On sait que l’autre ne va pas nous lâcher n’importe quand. Et puis je ne dois pas chercher le chemin quand je vais chez lui !

Marie rigole, c’est vrai que son mari a tendance à se perdre en route…

- Ça me fait gagner du temps, continue Marius. Et ce temps là on peut l’utiliser à des choses plus utiles. Par exemple, on réfléchit ensemble à améliorer la qualité des produits.

- Ah oui, dit Marc, c’est comme à la récré, je préfère jouer à un jeu que je connais déjà, comme ça on ne doit pas me ré expliquer les règles et on peut s’amuser plus longtemps.

- C’est un peu ça, oui. En tout cas, depuis que je travaille avec M. Jian, j’ai l’impression d’être plus efficace.

- Peut-être, fait remarquer Marc, mais moi j’ai moins de cadeaux.

- J’ai peut être une idée, déclare Marius tout d’un coup. Le meilleur cadeau que je puisse te donner ce sont des images. La prochaine fois que je pars là-bas, je prendrai plein de photos. Comme ça tu verras à quoi ressemblent M. Jian et son pays. Et peut-être qu’un jour je vous emmènerai tous là-bas.

- Ça me va, dit Marc après un instant de réflexion.

- A moi aussi, dit Marie. Et maintenant, si tu rangeais cette valise mon chéri ?

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Je m’appelle Paty et j’ai 8 ans. Je vis près d’une plantation de bananes avec mon papa Pablo, ma maman Patricia et mes frères Philippe et Pedro. Philippe et mes parents travaillent tous à la plantation. Voici une histoire qui est arrivée à notre famille.

Ça faisait une semaine que mon frère Philippe m’embêtait tout le temps. Quand je rangeais quelque chose, il le faisait tomber. Quand je faisais la vaisselle, il m’éclaboussait. Pourtant lui aussi il avait du travail à faire ! La vérité, c’est qu’il était très excité : Papa lui avait annoncé que nous allions recevoir une visite importante : les Dulieux. Notre famille allait travailler avec eux.

Un jour, j’étais seule à la maison, les autres travaillaient à la banane-raie. J’étais en train de nettoyer. Soudain, on a frappé à la porte. C’était peut-être la voisine qui voulait emprunter une casserole ou du sel ? Je suis allée ouvrir. C’était un monsieur que je ne connaissais pas. Il était bien habillé, avec un costume avec une cravate jaune.

- Bonjour, je m’appelle Désiré Dulieux. Est-ce que tes parents sont là ?

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- Non Monsieur, ils sont à la plantation. Vous voulez que je vous explique le chemin ?

- Non merci, c’est gentil, je sais où c’est. Mais toi, tu ne devrais pas être à l’école en ce moment ?

- J’aimerais bien Monsieur, mais je n’ai pas le temps, je dois m’occuper de la maison et préparer à manger. Et puis, l’école est trop loin.

Monsieur Dulieux parti, j’ai mis à chauffer une casserole de riz. On la mangerait avec du poisson que j’étais allée chercher au marché le matin. Souvent, notre famille mange la même chose : du riz, du pois-son et des bananes. Parfois on achète des conserves pour améliorer le menu. Pendant que le repas cuisait, j’ai regardé par la fenêtre. Comme je n’ai pas beaucoup le temps de jouer, j’aime bien rêver en regardant dehors. Et là, j’ai vu Monsieur Dulieux et mes parents parler en faisant des grands gestes. Ça avait l’air sérieux. Ensuite, Philippe et le petit Pedro sont arrivés en courant, avec un autre garçon.

- Paty ! Paty ! Viens jouer avec nous ! Je t’aiderai pour la cuisine ! a crié Philippe.

- Bonjour, je m’appelle Damien. Je suis son fils, a dit le nouveau venu en montrant Mr Dulieux.

Nous sommes allés dehors et pendant des heures nous avons joué en-semble, on a couru dans les hautes herbes, on a beaucoup ri. On aurait dit que Damien et Philippe étaient copains depuis toujours. Le soir tombé, Mr Dulieux et son fils sont partis main

dans la main. Au repas, Philippe et moi nous nous sommes regardés tristement.

- Allons les enfants, ne soyez pas tristes, nous a dit Papa. Nous les reverrons.

- Oui, a ajouté Maman, nous avons signé un contrat avec les Dulieux : nous sommes partenaires

- Mais maman, ai-je demandé, je croyais qu’un partenaire c’était un copain. Maintenant, Damien est le copain de Philippe et pourtant, ils n’ont pas signé de contrat.

- Ma chérie, « partenaire » ne veut pas dire « ami ». Mais rien n’empêche des partenaires de devenir des amis.

- Oui, mais alors, c’est quoi un partenaire ?

- Des partenaires, ce sont des gens qui font une activité ensemble. Désormais, nous vendrons nos bananes à Mr Dulieux. Ensemble, nous essayerons de faire en sorte qu’elles soient de la meilleure qualité possible. Mr Dulieux s’est engagé à acheter nos bananes à un prix juste pendant plusieurs années. Grâce à cet argent, j’espère que vous pourrez aller et rester à l’école.

- Oh, génial !

- Oui, mais en attendant, il est l’heure d’aller au lit ! Et les garçons aussi !

Nous sommes tous les trois allés dans notre partie de la chambre. Tout bas, j’ai dit à Philippe :

- Nous aussi, on peut faire un partenariat ?

- D’accord, mais quoi ?

- Quand je cuisine, je garde les boîtes de conserve et je les nettoie pour que tu puisses les utiliser quand tu fabriques des petites voitures. En échange, c’est toi qui t’occupes du potager.

- C’est une bonne idée… mais on n’a pas de quoi signer.

- Tant pis ! Tape dans ma main !

On s’est tapé dans la main : le contrat était conclu.

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Aujourd’hui, c’est vendredi. Demain, les vacances de Pâques com-mencent. Enfin ! Corentin et ses copains partent quelques jours à la mer, rien qu’entre eux. A 17 ans, c’est la première fois qu’ils partent sans parents et ils sont très impatients. Il y aura Farid, le meilleur ami de Corentin, Léo, Anne et surtout Flora, la jolie Flora… Des vacances avec elle, c’est le rêve ! Mais avant de partir, il y a des tas de choses à préparer. Anne a vérifié les horaires de train, Léo s’occupe des tentes. C’est Corentin et Farid qui sont chargés de faire les courses pour le pique nique.

Cet après-midi là, après les cours, les deux amis rentrent dans le su-permarché.

Corentin soupire déjà :

- Faire les courses, c’est lourd! Pourquoi c’est tombé sur nous ? On fait ça le plus vite possible, hein!

Farid sort une liste de courses, ce qui fait sourire Corentin. Farid com-mence à remplir le chariot. Corentin voudrait déjà avoir terminé. Il choisit des chips, des boissons… il trouve que tout est très cher.

- En tout cas, il faut faire attention à ce qu’on dépense pour la

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nourriture si on veut garder de l’argent pour là-bas. On avait dit qu’on ferait du surf ou du saut à l’élastique !

- D’accord, réplique Farid, mais on ne va tout de même pas acheter n’importe quoi ! Bon, je vais chercher les biscuits, tu t’occupes du pain.

Quand il revient auprès de Farid, Corentin s’aperçoit que celui-ci a pris du chocolat, mais qu’il n’a pas choisi le moins cher.

- Mais enfin, tu as des goûts de luxe ! Comment veux-tu qu’on ait assez d’argent pour faire du saut à l’élastique si tu achètes des produits aussi chers ? Prends plutôt cette marque-ci, « Héco »

- Mmmm, ça n’a pas l’air super. Je préfère choisir des produits pour lesquels le producteur est correctement payé, répond Farid.

- Comment ça ? dit Corentin. Les acheteurs de la marque « Héco », ils doivent aussi le payer, le cacao, pour faire leur chocolat, non?

- Oui, mais tu ne sais pas s’ils paient un prix juste aux gens qui ont cultivé ce cacao.

Le temps tourne, la discussion dure… A un moment, une vendeuse re-marque les deux jeunes:

- Dites donc les jeunes, il serait temps de terminer vos courses. Le magasin va fermer!

Mais les deux amis n’arrivent pas à se décider. Ils sortent les mains vides. Ils se dirigent vers le parc où leurs amis les attendent. Léo s’écrie :

- Et alors! Ou sont vos sachets ?

Les garçons se regardent, un peu gênés. Ils ne répondent pas. Tous leurs copains éclatent de rire.

- Mais enfin, qu’avez-vous fait pendant tout ce temps dans ce magasin ? Joué aux cartes ?

- En fait, on n’a pas réussi à se mettre d’accord, explique Farid, tandis que Corentin boude dans son coin.

- Evidemment, Farid ne voulait acheter que des produits de luxe, dit Corentin.

- Non, simplement payer un prix juste. Attendez, je vous explique. Parfois, le prix de certains aliments est si bas que la personne qui l’a fabriqué ne reçoit pas de quoi faire vivre sa famille. Pour certaines marques, ils sont un peu plus chers mais on sait que le producteur a été payé à un prix juste.

- Mais c’est seulement un peu plus cher, fait remarquer Flora.

- Pour toi oui, mais ça peut faire toute la différence ! dit Farid.

Flora demande à Farid :

- On veut bien payer un prix plus juste. Mais comment on sait s’il l’est ?

- C’est simple, c’est écrit dessus ! Tu n’as qu’à regarder les labels du commerce équitable ! Les produits sur lesquels il y a ce label permettent aux producteurs d’être mieux payés. Et puis ils sont aussi très bons.

Anne réfléchit:

- Donc, on participe au bien-être de ces personnes en faisant nos courses… C’est très bien comme idée, mais faut pas oublier qu’on est des étudiants… on n’aura jamais assez d’argent pour acheter que des produits comme ça.

Corentin sent qu’il faut prendre une décision. Il propose :

- Bon, Farid, on retourne au magasin demain matin, et on achète un aliment avec un label par repas.

- C’est un bon début… Tout le monde est d’accord ? demande Farid.

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Tout le monde fait signe que oui.

Le lendemain, les amis se rejoignent à la gare, avec les courses cette fois ! Juste avant d’embarquer, Flora s’approche de Corentin.

- C’est chouette de ta part de penser aux autres…

Corentin devient tout rouge. Il se dit que si c’est comme ça, il veut bien faire des efforts. Tant pis pour le saut à l’élastique, il ira faire des balades au clair de lune avec Flora…

Tristan attendait à la sortie de l’école depuis au moins 10 minutes. En voyant arriver la vieille voiture verte au bout du chemin, il soupira de soulagement. Il était temps, quelques instants plus tard il aurait été obligé d’aller à la garderie où l’on meurt d’ennui. Il était exceptionnel que Tahera, sa belle-mère, arrive à temps à la sortie des classes et lui épargne ainsi cette attente toujours trop longue.

La voiture se rangea sur le côté. Il ouvrit la portière et s’installa. Tout de suite Tahera lui fit une remarque :

- Tu montes derrière et tu mets ta ceinture.

Avec son père, il pouvait parfois s’installer à l’avant. Avec Tahera, il valait mieux ne pas discuter. Il soupira, descendit de la voiture, et remonta à l’arrière. La voiture démarra.

- Ça a été aujourd’hui, à l’école ? Mets ta ceinture.

- Oui, on a fait un match génial, pendant la récré.

- Ah bon ? À part cela tu as des devoirs ?

- Je dois préparer un travail.

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- Quel sujet ?

- Comme on veut. Je vais parler des frères M’Penza, j’ai déjà plein d’articles sur eux.

- Oui, je sais, répondit Tahera en levant les yeux au ciel. Elle n’aimait pas le foot ni le désordre... Un peu trop même ! Tu devrais ranger toutes ces revues dans ta chambre. Et mets ta ceinture.

- En plus, l’instit, elle est chouette, continua Tristan sans faire attention à la remarque. Elle a dit qu’on aurait un bonus de 5 points en lui donnant le sujet pour demain et le reste des points quand on présente le travail devant la classe. Moi c’est lundi prochain. Comme ça on a des points supplémentaires pour améliorer notre cote. Tu comprends?

- Oui, je crois que je comprends. C’est un peu comme cela que je travaille.

- Comment ça ? questionna Tristan, qui ne voyait pas le rapport avec son travail pour l’école.

- Dans l’organisation où je travaille, quand on décide d’acheter des produits aux agriculteurs, on leur paie une partie à l’avance, pour qu’ils puissent acheter des outils corrects, des semences. Le reste est payé à la récolte. Cela permet à ceux qui n’ont pas assez d’argent de côté de commencer leur travail sans devoir emprunter de l’argent à la banque. On appelle ça le préfinancement, parce qu’on paie avant d’avoir la marchandise. Tu comprends ?

- Mais ce n’est pas toujours comme ça ? Les joueurs de foot aussi sont payés avant de jouer et ils ont encore plus s’ils gagnent le match.

- Non, ce n’est pas toujours comme cela, parfois c’est même le contraire: les acheteurs paient longtemps après avoir reçu la marchandise, et les producteurs restent des mois sans argent pour vivre, expliqua Tahera.

- Et si ce que tu as acheté ne pousse pas, tu fais quoi ?

- Dans ce cas, l’argent avancé est souvent perdu. Le risque est partagé entre le producteur et le commerçant. Cela ne te semble pas mieux ?

- Moi, j’aime pas perdre. Quand on perd on gagne moins.

- C’est un choix. Moi je trouve qu’il y a des choses plus importantes dans la vie que de gagner de l’argent à tout prix.

- Moi pas, répondit Tristan.

- C’est ton avis. Mais tu vas mettre ta ceinture !

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- Maintenant, Lily ma chérie, il nous faut du café.

- J’y vais, j’y vais!

Lily fonce vers le rayon où se trouvent le café et le thé. Elle slalome entre les gens et dépasse tout le monde afin d’apporter à sa maman ce qu’il lui faut. Face au rayon plein à craquer, Lily hésite. Là ! Cette boîte là, elle est de la même couleur que ce que Maman range dans la cuisine.

Lily s’empare de sa trouvaille, et rejoint sa mère :

- Voilà, maman!

Lola, sa maman sourit.

- C’est gentil ma chérie, mais la prochaine fois, au lieu de courir si vite, attends-moi. Comme ça tu sauras quoi prendre exactement.

- Ce n’est pas ça?

- Ne fais pas cette tête voyons! Nous prenons une boîte qui ressemble à celle-ci, mais pas celle-ci. Je vais te montrer.

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Lily et sa maman retournent ensemble vers le rayon. Lola remet le pa-quet et en prend un autre

- Tu vois, c’est celui-ci qu’il faut prendre, avec ce dessin-là.

- D’accord. Je le retiendrai. C’est joli comme dessin, répond Lily en prenant le café et en regardant attentivement la boîte.

Toutes deux poursuivent leurs courses. Lily est à présent très attentive aux choses qu’achète sa maman. Comme ça, la prochaine fois elle ne fera plus d’erreurs.

Lola regarde longuement les produits qu’elle prend et parfois en remet certains dans les rayons. Elle choisit souvent des paquets avec des des-sins particuliers. “C’est bizarre” se dit Lily, en mettant les courses dans les paniers pendant que sa maman paye la vendeuse.

De retour à la maison, toutes deux rangent les courses dans la cuisine. Mais Lily est préoccupée.

- Dis maman... Le dessin sur la boîte de café, c’est toujours celui-là? Ça ne change jamais?

- Non, pas souvent. Pourquoi ?

La petite fille ne répond pas mais elle pose une autre question

- Et pourquoi est-ce que sur le sucre il y a ce dessin là? Pourquoi c’est celui-là que tu as choisi? Le dessin est moche. Et le riz ?

Lily regarde sa maman dans les yeux.

- C’est un code c’est ça? Comme dans le livre hier? C’est un code secret pour pas que des gens découvrent des choses? Tu es une espionne?

Sa maman la regarde étonnée puis éclate de rire.

- Une espionne?

- Espionne? Où ça une espionne? s’écrie Lisou, déboulant dans la pièce. Je te l’avais dit, qu’il y avait des espions partout! On va les trouver et je les arrêterai! Yaaaaaaa! crie-t-elle en faisant une prise de karaté sous le nez de sa sœur. Toutes deux se mettent à courir dans la maison pour fouiller les pièces à la recherche d’espions.

Lola rit de plus belle. Peu à peu elle se calme, et rappelle ses filles.

- Non mes puces, il n’y a pas d’espions dans cette maison, pas que je sache du moins.

- Justement, tu n’en sais peut être rien, interrompt Lisou.

Sa maman sourit.

- C’est vrai. Mais en tout cas, pour le moment, il n’y en a pas. Tu as vu toi-même.

- Mais alors, intervient Lily, s’il n’y a pas d’espion, à quoi sert le code sur les boîtes?

- Ça n’est pas un code. C’est un label, dit Lola.

- C’est quoi un label maman? demandent les jumelles en même temps.

- C’est un petit dessin sur les emballages des produits, qui donne une information à celui qui le regarde ou l’achète.

- Et bien tu vois que c’est un code! dit Lisou.

- Mais ça n’a rien de secret. Le label te dit par exemple si le produit est fabriqué à la main, s’il est acheté à un prix juste si l’emballage est recyclable…C’est une garantie, si tu veux.

- D’accord, j’ai compris!

- On va faire un test! s’exclame Lisou. Pour voir si tu connais tout les labels, comme tu dis!

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Pendant 10 minutes, les sœurs jumelles vident les armoires de la cui-sine à la recherche de labels à montrer à leur maman. Lola en connait beaucoup, mais pas tous.

- Alors mes chéries, ai-je réussi mon test? demande leur maman avec le sourire.

- Pas mal, mais il y a encore des choses à travailler, répond très sérieusement Lisou.