# 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à...

45
la revue Texaa ® # 1

Transcript of # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à...

Page 1: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

la revueTexaa®

# 1

Page 2: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

Édito

« Depuis plus de trente ans, Texaa® conçoit, fabrique et distribue des matières de confort, revêtements et objets permettant d’améliorer l’acoustique d’une grande variété d’espaces… »

Tout au long de ces années, nous avons noué des relations durables, respectueuses et amicales avec certains concepteurs – acousticiens, architectes, designers – qui ont su nous déporter vers des territoires nouveaux, et avec des maîtres d’ouvrages attentifs aux enjeux architecturaux et humains du confort acoustique.

Notre communication habituelle dit ce que nous faisons : catalogue, fiches techniques, schémas de montage. Nous avons eu envie de parler ici de comment nous le faisons.

Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. Non par leur importance mais parce que nous y trouvons matière à réflexion, doute et expérimentation. Récits de réalisations, témoignages de ceux qui y sont impliqués.

Avec le concours de nos compagnons du ppLab, ce premier numéro s’attarde sur la caractéristique première des produits Texaa® : l’enveloppe textile. Rapports anciens qui unissent textile et architecture. Les vêtements et les maisons. Les abris. Marqueurs des civilisations du monde. Au-delà de leurs propriétés « absorbantes » évidentes, l’étoffe, le tissu, la maille sont associés par notre œil, à cette notion subtile : une ambiance confortable.

Matthieu Demptos

Page 3: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

5

Sommaire

Hors champ 7 « Le silence est une vraie note… »

John Cage, 1952

Focus 13 Textile et architecture

19 Les origines textiles de Texaa®

Près de nous34 Appartement privé, Pau

36 Ateliers Texaa®, Gradignan

38 Maison des arts, Pessac

40 Euratlantique, Bordeaux

42 Atelier Zélium, Bordeaux

Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

47 Le département des arts de l’Islam, musée du Louvre Architectes : Rudy Ricciotti et Mario Bellini

61 Des rideaux acoustiques pour les trente ans du Frac /collection Aquitaine Designer : Olivier Vadrot

75 Des voiles acoustiques dans un gonflable pour arc en rêve centre d’architecture, à Bordeaux Architecte : Hans-Walter Müller

Page 4: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

76

Hors champ

« Le silence est une vraie note… » John Cage, 1952 1—Dans la brochure de présentation du spectacle donné le 29 août 1952 au Maverick Concert Hall de Woodstock, à New York, on annonce un concert de musique contemporaine pour piano. Les spectateurs voient le pianiste, comme à l’habitude, poser sa partition sur le chevalet, étirer son dos, pousser son tabouret. Puis il ferme le couvercle du clavier. Trente-trois secondes passent et David Tudor 2 ouvre à nouveau le couvercle. Alors qu'aucun son n'est sorti de l'instrument le premier mouvement de la pièce est achevé…Le deuxième peut commencer, le troisième suivra.

Page 5: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

8 9Hors champ

Écouter le silenceLe public présent ce soir-là vient d’assister à la première représentation de 4’ 33” – souvent décrite comme « quatre minutes trente-trois secondes de silence ». Cette œuvre musicale de John Cage constitue aujourd’hui une étape charnière de l’histoire de la musique : « Au-delà de l’aplomb et de la performance de David Tudor, c’est toute une conception de la musique qui est en jeu dans 4’ 33”, œuvre majeure d’un compositeur bien décidé à “faire entendre” autrement. Comment le silence peut-il devenir musique ? Et comment devient-il même le fondement de notre rapport à la musique ? » 3

Apprendre à entendreIndissociable des recherches techniques de l’ère industrielle, 4’ 33” est né dans une chambre anéchoïque 4 de l’université de Harvard. Surpris, dans cette ambiance particulièrement isolée et silencieuse, d’entendre encore des sons, John Cage s’aperçoit bien vite qu’il en est la source. Deux bruits perdurent malgré l’apparent silence. L’un aigu, l’autre grave. Rien d’autre que le battement de son cœur et l’activité de son système nerveux. Une découverte qui sonne comme une évidence ; le silence n’existe pas. Cette expérience va conforter ses positions quant à la valeur musicale des bruits du monde, nés hors de toute intention mélodique : « Le silence est une vraie note. »Dans cette quête d’un silence impossible, John Cage abandonne sa posture de compositeur et n’agence plus autre chose que l’attention de celui qui l’écoute. Mais cette perte est joyeuse : « Il y a poésie dès lors que nous réalisons que nous ne possédons rien », concède-t-il, comme une évidence. La vie, elle, bruisse continuellement. Ce silence qui n’en est pas un renverse les rôles ; Cage s’arrange d’un contexte de représentation pour propulser le spectateur hors de lui, hors de ce qu’il attend, pour en faire l’acteur de la musique. Propre à son lieu, à son temps et à l’attention de l’auditeur, 4’ 33” a tout du dialogue expérimental, de l’invention dont chacun tire les fruits. Les souffles et chuchotements, le bruissement du vent, les mouvements des spectateurs sont autant d’éléments d’une symphonie unique. « Le public peut devenir interprète. Que devient le compositeur ? Il devient un auditeur, il se met à l’écoute. »

1. John Cage (1912 –1992) Compositeur, poète, théoricien, plasticien et écrivain. Tout son travail vise à la relativisation de la personnalité de l’auteur et au refus d’établir une distinction entre vie et art. C’est la source, dans son œuvre, de l’utilisation du hasard qui émancipe la musique de la mémoire et de l’intention, et de l’absence de hiérarchie entre les sons musicaux et les autres. En témoignent, dès le début des années 1940, l’utilisation de sons produits électriquement, et des pièces telles que 4’ 33” où le son ambiant de la salle de concert est toute la substance de l’œuvre.

2. David Tudor (1926 –1996) Pianiste et compositeur de musique expérimentale. Il assure la création américaine de la Sonate pour piano nº 2 de Pierre Boulez en 1950. Karlheinz Stockhausen lui dédie son Klavierstück VI (1955). Son nom est surtout associé à celui de John Cage pour qui il a créé Music of Changes, le Concerto pour piano & orchestre et le célèbre 4’ 33”.

3. Guillaume Benoît, in. Evene.fr

4. Une chambre anéchoïque (ou chambre sourde) est une salle d’expérimentation dont les parois absorbent les ondes sonores. On utilise de telles chambres pour mesurer des ondes acoustiques en l’absence de composantes ayant subi une réverbération sur des parois, par exemple, pour caractériser la directivité ou la sensibilité d’un microphone, ou la bande passante d’un haut-parleur, d’une enceinte acoustique, etc.

Le silence est une vraie note

David Tudor

Une chambre anéchoïque

Page 6: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

10 11Hors champ

5. « Le titre de cette œuvre figure la durée totale de son exécution en minutes et secondes. À Woodstock, New York, le 29 août 1952, le titre était 4’ 33” et les trois parties 33”, 2’ 40” et 1’ 20”. Elle fut exécutée par David Tudor, pianiste, qui signala les débuts des parties en fermant le couvercle du clavier, et leurs fins en l'ouvrant. L’œuvre peut cependant être exécutée par n’importe quel instrumentiste ou combinaison d’instrumentistes et sur n’importe quelle durée. »

Une démarche radicale4’ 33” est une pièce à vivre, aux limites de la performance artistique, et elle repose sur le comportement de l’interprète. Dans la note sur la partition publiée après la première représentation 5, John Cage détaille les trois mouvements de la pièce, qui durent respectivement 30”, 2’ 23” et 1’ 40”. Mais, précise-t-il, il est possible de jouer ce morceau dans « n’importe quelle configuration » et « aussi longtemps que souhaité ». Il offre ainsi à sa pièce une vie mouvementée, qui promet d’être ressuscitée à chaque nouvelle représentation. John Cage transpose ici, dans le domaine de la musique, certaines recherches menées dans les arts plastiques, comme celle de Robert Rauschenberg, l’un de ses amis peintre, qui avait produit une série de peintures blanches. Apparemment vides, ces toiles changeaient de ton en fonction de la luminosité de la pièce dans laquelle elles étaient exposées, ou en fonction de l’ombre des personnes qui les regardaient.Pied de nez à l’industrie musicale, 4’ 33” reprend le format standard des chansons populaires (« Quatre minutes trente-cinq de bonheur… »). Sorte de degré zéro de la musique, elle en redéfinit un nouveau socle. Et l’on a d’ailleurs rapproché la durée du morceau (273”) de la mesure de la température, sachant que la température de 0 ° Kelvin est égale à – 273,15 ° C et correspond au zéro absolu.Une autre théorie voudrait que 4’ 33” soit une sorte de ready-made à la manière de Marcel Duchamp : John Cage se trouvait en France lors de la composition de l’œuvre, et sur le clavier, en azerty, de sa machine à écrire, le 4 correspond au signe « ’ » et le 3 au signe « ” »…

John Cage

Le silence est une vraie note

Partition annotée de la main de l’artiste

Page 7: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

1312

Focus

Textile et architecture—Partons d’une expérience commune, celle de visiter un appartement vide, de le trouver horriblement sonore et réverbérant, puis de découvrir qu’en l’habitant avec des meubles, des rideaux, des corps, cet espace peut devenir particulièrement douillet, confortable, apaisant… Et remarquons que le textile est depuis longtemps utilisé à ces fins dans l’aménagement intérieur (rideaux, tentures, tapisseries, etc.).

Page 8: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

14 15Focus

1.Les mots « textile » et « architecture » entretiennent des relations anciennes : ils renvoient tous les deux à l’idée de structures élaborées, organiques, complexes… Ne dit-on pas « le tissu urbain » ? Tous deux participent des civilisations du monde : « texture » et « -tecture », les sonorités se confondent, rappelant leur fonction commune, celle de clore et de couvrir. Ils impliquent tous deux l’intime et le collectif… C’est l’architecte allemand Gottfried Semper (1803 –1879) qui, le premier, a commenté systématiquement l’étymologie des termes architecturaux et ce qu’il a nommé « l’origine textile de l’architecture » : « En allemand, écrit-il 1, le mot decke désigne à la fois une couverture et un plafond. zaun “clôture” a la même origine étymologique que saum “ourlet” ; gewand, le mot “vêtement”, contient le mot wand : “mur”… » Selon Semper, ces termes ne sont pas de simples métaphores, mais ce sont certainement les vestiges d’une origine textile de l’architecture. « Il est probable que les plus anciens modèles textiles s’inspirent des palissades grossièrement tressées des époques préhistoriques, écrit Jacques Bril 2. Textile et maçonnerie, tissage et architecture, ont joué dans l’imaginaire et dans la technique des rôles homologues et souvent imbriqués, au service de la réservation de l’espace et de la quête d’un refuge. » Ainsi, au-delà de la référence à la yourte et à la tente, le textile fait l’architecture : le vêtement est le premier « chez-soi », la tapisserie rend le château habitable, etc. L’un et l’autre enveloppent le corps : le textile a vocation à s’y coller au plus près alors que l’architecture se tient à distance…

Khaimah ou rhaima. C’est la tente nomade des habitants du Sahara, traditionnellement faite de bandes de toile tissées – en poils de chèvres et de chameau –, parfois longues d’une dizaine de mètres et larges d’environ 80 centimètres. Elle est parfois décorée, à l’intérieur, avec des motifs géométriques très colorés. Ce sont les femmes qui ont la charge de tisser et de coudre ces éléments entre eux. La khaima est ainsi naturellement leur propriété…

La Dame à la licorne, « Le goût » (détail), fin du XVe siècle ; tenture composée de six tapisseries (Musée national du Moyen Âge, Paris).

1. Gottfried Semper, Les quatre éléments de la construction, 1851

2. Jacques Bril, De la toile et du fil, éd. Clancier-Guénaud, 1984

2.Contrairement à certaines idées reçues, tous les architectes modernes n’ont pas banni le textile de leurs réalisations, loin de là. Quand on pense à l’architecture de Mies van der Rohe (1886 –1969), par exemple, c’est souvent l’image du pavillon qu’il a construit pour l’exposition universelle de 1929, à Barcelone, qui vient à l’esprit : un bâtiment de fer et de verre, épuré à l’extrême, mais faisant également appel à des matériaux plutôt luxueux comme le marbre, le travertin ou l’onyx rouge. C’est effectivement l’un des monuments les plus emblématiques de l’histoire de l’architecture moderne. Ce que l’on sait moins, c’est qu'il a également réalisé le Café Samt & Seide « café de velours et soie », dans le cadre de l’exposition de mode Die Mode der Dame organisée à Berlin, en 1927. Ce café, réalisé en collaboration avec Lilly Reich, a été pensé comme un lieu ouvert : les espaces et les ambiances y étaient uniquement définis par une construction minimale faite de velours et des tissus de soie de différents formats et couleurs, suspendus verticalement, comme des rideaux, à des tubes d’acier. Pour ce projet, comme deux ans plus tard pour le pavillon de Barcelone, Mies van der Rohe exploite les qualités spatiales des matériaux et leurs interactions…

Textile et architecture

Café Samt & Seide, Ludwig Mies van der Rohe et Lilly Reich, 1927. Cette installation ayant été démontée après l’exposition, l’unique documentation graphique connue et conservée jusqu’à nos jours réside dans quelques photographies noir et blanc.

Page 9: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

16 17

3.« L’architecture actuelle demande que l’on réchauffe ses murs… », écrit Le Corbusier (1887 – 1965) dans un article 3 où il fait un éloge appuyé de la tapisserie : « C’est le mural du nomade, explique-il : elle s’adapte au mode de vie de l’homme moderne ; elle s’emporte avec soi, de chambre en chambre d’hôtel, de résidence en résidence… Vous la roulez sous le bras, vous partez à la campagne, vous la mettez sur un mur de pierre, de bois… Tout de suite, c’est un vêtement, ça réchauffe. La laine, ça appartient à la terre, aux moutons. Vous la palpez, vous la touchez, vous la lavez… »

Focus

4.Dans la maison qu’il construit à Floirac, près de Bordeaux (1998), l’architecte néerlandais Rem Koolhaas aménage, à l’étage intermédiaire situé en rez-de-jardin, un réseau complexe de rails encastrés en plafond, et permettant le libre coulissement de toutes sortes de rideaux, tapisseries, voilages, etc. Ces « rideaux » ne constituent pas simplement un filtre suspendu devant les vitrages, ils apportent de la complexité

Charles-Édouard Jeannerey, dit Le Corbusier, couvent de La Tourette, 1959. Les rideaux rouges et verts de La Tourette, que ce soit dans les cellules des moines ou dans le réfectoire, sont loin d’être anecdotiques…

3. Le Corbusier, « Tapisseries Muralnomad », in. Zodiac 7, Milan, 1960

et de la texture à l’architecture : le temps, la lumière, l’ambiguïté, l’excentricité. Ils se déploient vers l’extérieur, encerclent la maison. L ’effet est étonnant : de nouveaux espaces se mettent en place ; leurs parois gonflent et se courbent, changeant constamment de forme dans le vent, dans une sorte de « danse des rideaux ». En 2012, ces rideaux ont été revisités par l’artiste Petra Blaisse que Rem Koolhaas avait déjà invité à intervenir à la villa Dall’Ava (Saint-Cloud, 1991), puis à la Casa da Música (Porto, 2005), en lui proposant d’aborder l’espace avec les rideaux exubérants qui sont sa signature : « Les plis font du bruit, écrit-elle 4. Les choses qui enveloppent nos corps et touchent notre peau deviennent des composants de l’architecture… ».

Textile et architecture

4. Petra Blaisse, Inside Outside, MAI publisher, 2009

Rem Koolhaas, OMA, Maison à Bordeaux, France, 1998.Partout dans la maison, le textile, sous toutes ses formes, est omniprésent. Matières, contrastes, couleurs.

5. Effusivité. Lorsque l’on marche pieds nus dans une salle de bains, nous ressentons le tapis de douche comme plus chaud que le carre-lage, alors qu’ils sont tous les deux à la même température : celle de l’air ambiant. Ce phénomène étrange résulte du fait que l’un et l’autre ne se réchauffent pas à la même vitesse parce qu’ils n’ont pas le même coefficient d’ef-fusivité (Ef) : plus ce coefficient est bas, plus le matériau se réchauffe vite. L’effusivité thermique, parfois dénommée « chaleur subjective », caractérise donc la capacité d’un matériau à échanger de la chaleur lors de sa mise en contact avec un autre. Elle permet ainsi de carac-tériser cette sensation de « chaud » ou de « froid » que donne chaque matériau.

5.Nous captons les perceptions multiples que nous procure notre environnement, dans des registres variés qui font appel à des paramètres quantifiables et objectifs liés aux usages, mais également à des phénomènes subjectifs : sentiments, émotions, culture… C’est le croisement de ces différents phénomènes qui constitue l’impression globale du confort : le confort thermique, acoustique, visuel, etc. est donc une notion nécessairement subjective qui place la perception de chaque individu au cœur de l’analyse… Les matières textiles se rattachent directement aux notions d’ambiance et de confort : ce sont, par excellence, des matériaux que nous percevons comme « chauds » à la différence, par exemple, de l’acier ou du verre que nous trouvons toujours beaucoup plus « froids ». Cette sensation repose sur des critères objectifs, que l’on peut et que l’on sait mesurer : les textiles possèdent un faible indice d’effusivité 5. Mais comme ces matières accompagnent au plus près la vie des humains depuis des siècles, nous devons également prendre conscience que, dans notre culture, et au-delà de leurs propriétés « absorbantes » évidentes, la toile, l’étoffe, le tissu, le tricot sont aussi « naturellement » associés, par notre œil, à l’idée même de confort.

Petra Blaisse / Inside Outside, rideaux et tapis rouges pour la Maison à Bordeaux, 2012

Page 10: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

18 19Focus

Focus

Les origines textiles de Texaa®

—Le symbole de Texaa®, son « ADN », c’est sans doute la maille de l’Aeria, ce textile transonore tricoté dans les ateliers de Gradignan, en Gironde. Ni l’œil ni la main ne restent indifférents à cette matière, et la façon particulière dont ce grain accroche la lumière provoque une irrésistible envie d’effleurement – comme pour confirmer de façon plus sensible, intime, quelque chose que l’œil ne saurait renseigner sans le recours à l’expérience du toucher.

Page 11: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

20 21Focus

Texaa®, près de Bordeaux, en Gironde.

Page 12: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

22 23 Les origines textiles de Texaa®

Page 13: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

24 25Focus

Page 14: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

26 27 Les origines textiles de Texaa®

Page 15: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

28 29Focus

Le Vibrasto 03 se compose d'une ouate absorbante de 3 mm revêtue d'Aeria sur une de ses faces et se pose en tendu.

Le Vibrasto 20 est une tenture acoustique à coller composé d'une mousse de 20 mm alliée à une face textile en Aeria.

Page 16: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

30 31Focus

De la maille au chantierConversation avec Bernard Demptos, sur les choix et partis-pris qui ont jalonné – et continuent d’alimenter – le long processus technique et industriel qui donne naissance à l’Aeria, cette matière si singulière qui habille l'ensemble des produits Texaa®.

« L ’histoire de Texaa® commence en 1979, avec la reprise d’une très ancienne maison bordelaise qui fabriquait, depuis une centaine d’années, de la passementerie – pompons, rubans, etc. –, et des textiles “ouverts”, très lourdement apprêtés, pour fournir les industries de pantoufles et de sandales régionales.Quand j’ai repris cette entreprise après sa fermeture, elle disposait d’une gamme de textiles aérés dans une grande variété de mailles et de fils… Comme ces textiles étaient transparents au son, on lesavait associés aux premières mousses souples pour créer des sortesde “tapisseries acoustiques”. J’ignorais alors tout de l’acoustique,mais j’avais l’intuition qu’en m’appuyant sur le savoir-faire decette entreprise, nous pourrions nous inscrire dans le mondede la construction. J’ai donc repris cet établissement sans chercher à reconstruire son activité principale, mais avec le projet d’y développer du textile acoustique. Et nous nous sommes alors demandés comment fabriquer le tissu le plus “acceptable” pour l’architecture… »

Une maille à l’endroit…« Pour obtenir un textile ouvert dont vous contrôlez la forme, vous devez trouver le moyen d’espacer les fils à intervalles réguliers, ce qui n’est pas possible avec la technique du tissage : la seule solution, c’est de nouer les fils pour obtenir des filets, ou de la maille. C’est pour cette raison que, quand ils ont eu besoin de tissu aéré pour fabriquer des sandales, mes prédécesseurs se sont tournés vers le tricot.Accompagné par le regard avisé de mon ami l’artiste plasticien Daniel Dartois, j’ai d’abord retenu une maille “point de riz”, assez violemment rejetée par le marché et que nous avons été conduits à abandonner assez rapidement, au profit d’une maille “ronde”, qui est celle – largement revisitée – que nous tricotons encore aujourd’hui. L’avantage de cette maille, c’est sa souplesse, extrêmement précieuse dès lors qu’il s’agit de l’utiliser en association avec de la mousse polyuréthane : imaginez la déformation à laquelle est soumis le tissu collé sur la mousse (qui était, dans les débuts, de très forte épaisseur), et roulé en épaisses balles pour le transport. Grâce à sa maille ronde, il ne plisse pas, ne se déchire pas et reprend sa forme initiale dès qu’on le remet à plat. Pour certaines utilisations particulières – notamment pour les stores –, nous tricotons aussi une maille “carrée” qui a la qualité inverse de ne pas se déformer… Ce choix de la maille ronde a été suivi de nombreux développements, essais et tâtonnements, dans une série d’allers et retours permanents entre tricotage et apprêtage. Aujourd’hui, cette matière que nous avons nommée Aeria, représente sans doute l’un des plus précieux de nos fondamentaux. »

Les origines textiles de Texaa®

Bande d'enrobage, exemples de coloris

Pompons POP, diamètres 70 mm, 60 mm et 50 mm

Galons « Chamonix », qualité « soie », « laine » et « brillante »

Page 17: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

32 33Focus

Chimie des matériaux« Notre matière première, c’est la fibre, que nous avons sélectionnée avec soin, au terme d’un très grand nombre de tests. Elle demande un soin particulier et notamment un filage extrêmement lent.Par ailleurs, les réglementations évoluent sans arrêt, de même que la composition des substrats – résines – que nous utilisons. Nous testons donc continuellement toutes les nouvelles fibres qui apparaissent dans le monde, parfois même avant leur commercialisation et c’est à la fois sur la fibre elle-même et sur son association avec d’autres matériaux que nous sommes continuellement en recherche. De la même manière, en ce qui concerne les mousses, nous travaillons en relation étroite avec nos fournisseurs. Que les tests réglementaires le mettent en évidence ou non, nous privilégions les produits qui, en cas d'incendie, ne fondent pas et ne produisent aucune goutte. Nous sommes là dans le domaine de la chimie des matériaux et en l’occurrence, notre exigence est aussi une protection de nos savoir-faire : les caractéristiques de nos produits sont très difficilement reproductibles. »

De la maille au chantier« Nos premières productions se présentaient sous la forme d’une gamme de revêtements muraux qui ont permis à l’entreprise de croître durant les dix premières années. Pendant toute cette phase de la vie de Texaa®, nous pensions – et présentions – nos produits comme des tapisseries. Et ces “tapisseries” suffisaient à nous faire vivre, car leur efficacité en matière acoustique était incontestable et nous avions la confiance des ingénieurs ou des bureaux d’étude. Aucune raison, donc – nous n’en avions surtout pas les moyens – d’en abandonner la fabrication. Pourtant, nous ne parvenions pas vraiment à convaincre – et encore moins à séduire – les architectes, qui ne consentaient à mettre en œuvre nos produits que parce qu’ils ne trouvaient pas d’alternative. Moment difficile où nous avons pris conscience que notre savoir-faire avait une utilité certaine mais limitée.Nous avons alors entrepris de nous remettre en question, de tâtonner encore : nouvelles recherches sur la qualité de la maille, son grain, sa texture, etc. Nous avons commencé à développer des panneaux et écrans tendus sur cadres, puis des objets acoustiques de différentes formes (cônes, cubes, pavés, etc.), sur un principe – l’acoustique par l’objet – complémentaire du simple traitement de surface. Nous avons, avec l’aide de Christine Bernos, architecte et coloriste, abandonné les couleurs de nos débuts pour mettre au point une vraie gamme de couleurs utilisable en architecture.Parallèlement, nous nous sommes intéressés de très près à la question de la mise en œuvre, aux détails de pose, aux finitions, en nous appliquant à trouver des solutions techniques aux problèmes qui peuvent se poser concrètement, sur le chantier. C’est alors que nous avons pu rencontrer et former des artisans qui sont devenus en quelque sorte spécialistes de la pose de nos produits.

Les origines textiles de Texaa®

Aujourd’hui, la gamme de nos produits Vibrasto – comme matières à coller ou à tendre directement sur les murs ou au plafond – intéresse fortement une nouvelle génération d’architectes et d’architectes d’intérieur qui semblent trouver dans ces textiles une matière, une chaleur, une couleur, un “grain” adapté pour traiter efficacement du confort acoustique. Nous en sommes heureux et fiers. »

Partager la joie du travail bien fait.« Si je regarde aujourd’hui le chemin parcouru depuis les débuts de Texaa®, je réalise à quel point nos choix ont été régulièrement orientés par une ambition partagée avec la plupart des personnes qui ont écrit cette histoire. Ambition commerciale, certes, et nous restons attentifs à la santé de notre entreprise, mais pas seulement. L'ambition véritable, finalement, c’est de participer à de belles réalisations. Grandes ou petites. »

Bernard Demptos a dirigé les ateliers Texaa® depuis leur création. C’est désormais son fils Matthieu qui assume cette responsabilité.

Page 18: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

34 35Focus

Appartement privé, Pau Vibrasto 10 collé en parement d'un meuble de cuisine

Près de nous—

Appartement privé, Pau

Ateliers Texaa®, Gradignan

Maison des arts, Pessac

Euratlantique, Bordeaux

Atelier Zélium, Bordeaux

Page 19: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

36 37Près de nous

Hall d’accueil Texaa®, GradignanPanneaux Stereo 1 face combinés

Page 20: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

38 39

Maison des arts, Pessac Architectes : Massimilano Fuksas (1994 –1995), Emmanuelle Poggi (2013)Panneaux Stereo 2 faces en mur et panneaux Stereo 1 face en plafond (fabrication spéciale)Revêtement Vibrasto 03 tendu en plafond

Près de nous Prés de nous

Page 21: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

4140 Près de nous

Maison du projet Euratlantique, Bordeaux Architectes : agence AVA / Audrey AldebertStores Vibrasto utilisés en cloison mobile une face blanche (maille carrée), une face gris Métal MR840

Page 22: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

42 43Près de nous

Atelier Zélium, Bordeaux Construction de décors Architecte : Atelier du vendredi, Alain Fonta Vibrasto 03, tendu en mur rouge Trafic MR470

Page 23: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

44 45Réalisations

Page 24: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

46 47 Détail d'angle, Vibrasto tendu

Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

Le département des arts de l’Islam, au musée du LouvreArchitectes : Rudy Ricciotti et Mario Bellini, 2012—C’est un projet architectural des plus surprenants : le musée du Louvre s’est doté d’une sorte de toit flottant qui couvre la célèbre cour Visconti (jusqu’ici inaccessible au public) pour y ménager de vastes espaces d’exposition dédiés aux arts de l’Islam.

Page 25: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

48 49Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

Dessiné par les architectes Rudy Ricciotti et Mario Bellini, cette extension est, en réalité, abritée par une verrière ondulante de 48 mètres sur 32, une « aile de libellule », selon Mario Bellini, un nuage doré, un tapis volant ou une tente bédouine, si l’on veut user de métaphores en résonance avec le monde des Mille et une nuits.À l’intérieur, pour qui connaît un peu l’ambiance particulièrement sonore de la pyramide construite juste à côté par Ieoh Ming Pei (1983), on pourrait craindre le pire. Il n’en est rien : ici, l’acoustique est feutrée, particulièrement propice à la découverte de l’une des plus importantes collections dédiées aux arts de l’Islam dans le monde. Un trésor de près de 3 000 œuvres : céramiques, verreries, pièces d’orfèvrerie, ivoires, éléments d’architecture, tapis, miniatures, etc. Cet accrochage dense sur 2 800 m² rend compte de la richesse des collections du Louvre qui couvrent le champ culturel du monde de l’Islam dans toute son ampleur géographique, de l’Espagne jusqu’à l’Inde. Les œuvres datant du VIIe au XIe siècle sont au rez-de-cour, tandis que le sous-sol, dit « parterre », contient les œuvres du XIe à la fin du XVIIIe siècle et notamment une prestigieuse collection de tapis. Au rez-de-cour, la lumière naturelle est largement diffusée par la verrière dont la peau multicouche en maîtrise l’intensité. Au parterre, l’ombre et la lumière dessinent un lieu plus intime, silencieux, mystérieux… Les plafonds et les différentes trémies faisant communiquer les deux niveaux sont entièrement habillés de textile acoustique, gris, discret, technique… 2 500 m² de Vibrasto 03 de Texaa®, posé « en tendu », ce qui a permis de régler tout à la fois la question du confort acoustique et celles, nombreuses, liées aux contraintes techniques à gérer en plafond.

En français, le mot islam écrit avec une minuscule initiale désigne la religion, tandis qu’Islam avec une majuscule recouvre, selon le Robert, « l’ensemble des peuples qui professent cette religion et la civilisation qui les caractérise ». En nommant son « département des arts de l’Islam », le Louvre se défend donc d’avoir eu une approche confessionnelle, contraire au principe républicain de laïcité.

Ci-contre, la verrière ondulante du département des arts de l'Islam, dans la cour Visconti

Page 26: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

5150 Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes Le département des arts de l’Islam, au musée du Louvre

Page 27: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

52 53Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

Déployer de nouveaux espaces à l’intérieur d’un musée aussi vénérable, cela ne pose-t-il pas des questions spécifiques ?Oui ! Parce qu’il s’agit d’un « projet dans le projet ». En l’occurrence, il était assorti d’un cahier des charges extrêmement sévère, puisqu’il n’était pas question de fermer le Louvre au public pendant les travaux. C’est la cour Visconti qui a été retenue pour créer le nouveau département des arts de l’Islam, c’est-à-dire le point le plus bas du musée – juste à côté de la Seine. Il a fallu décaisser cette cour à -12 m, au ras des façades, avec La Joconde d’un côté, et les « salles rouges » (qui abritent Le sacre de Napoléon) tout près.

Qu’en était-il des questions acoustiques ?Le cahier des charges faisait état d’une exigence particulière en ce qui concerne l’acoustique : on nous demandait un temps de réverbération de 2 secondes dans les salles d’exposition, ce qui est extrêmement difficile à obtenir (par comparai-son, il est de 7 secondes sous la pyramide).Nous avons mis en œuvre des produits Texaa® au niveau -1, celui que l’on appelle « le parterre ». Les objets et les œuvres y sont exposés dans une ambiance sombre. Les murs sont en béton gris. J’avais proposé, pour des raisons acoustiques, de choisir un caoutchouc pour le sol – haute performance et haute qualité –, mais le président du Louvre souhaitait un sol minéral – nous sommes dans un palais – et c’est donc un béton fabriqué avec des agrégats de marbre qui a été retenu. Il est assez réverbérant, et surtout très sensible aux bruits d’impact.Le projet initial prévoyait un plafond tendu de cuir, mais il aurait été trop peu absorbant avec ce type de sol. J’ai proposé d’interroger Texaa®, avec qui nous avons pu établir une relation de travail en amont, de manière à résoudre plusieurs questions spécifiques. Nous souhaitions obtenir une nappe en surface continue, sans joints visibles, ce qui a été possible grâce à leur système de petits profils en PVC, qui permettent d’obtenir un pli tapissier, un joint creux (en tôlerie, on appelle ça « une paire de fesses »). En arrière, nous avons posé une couche de laine de verre. Et comme nous avions

besoin d’un très grand nombre de trappes d’accès techniques, nous avons imaginé une solution de démontage de l’enveloppe textile pour permettre l’accès à certaines trappes de second niveau – obligatoires dans la réglementation, mais qui, à l’usage, ne sont que rarement utilisées…Au final, nous obtenons une très bonne absorp-tion : le temps de réverbération mesuré est de 1,5 seconde (c’est-à-dire bien mieux que ce qui nous était demandé), ce qui, pour un musée, est tout à fait inhabituel. L’ambiance est donc extrê-mement feutrée, calfeutrée… Cette absence de nuisance a forcément une influence sur le compor-tement des visiteurs : elle engendre le calme, les gens chuchotent. Le jour de l’inauguration, Henri Loyrette, le président du musée du Louvre, nous a dit : « Ici, on est serein. »

Ce qui est très étonnant pour le visiteur, c’est que l’on ressent très bien cette qualité acoustique et cette ambiance feutrée dont vous parlez, mais pourtant, on « ne voit rien ». Est-ce une volonté ?Oui, tout à fait. Et si notre intervention parvient à se faire discrète, c’est même le signe de notre réussite ! Au Louvre particulièrement, nous avons cherché à être le plus discret possible : ici, ce sont les œuvres qui comptent, pas les matériaux, ni les prouesses techniques, aussi sophistiquées soient-elles.En ce qui concerne le plafond, ce textile [l’Aeria] ne donne pas une impression de fragilité : on sent bien qu’il est pérenne, qu’il résiste au temps : on n’est pas dans le registre de la décoration. Quand la question de la couleur s’est posée, nous n’avons pas choisi le noir, qui aurait pu être perçu comme un peu cheap, banal. Dans la gamme Texaa®, il y a un très beau gris-brun, qui renvoie à l’idée d’ombre : la pénombre, ce n’est pas noir, c’est plus doux. Nous avons opté pour des éclairages encastrés, pour échapper à ce type de projecteurs que l’on appelle des « chauves-souris », suspendus à leurs pattes. De la même manière, tous les appareils électriques (sondes, appareils de sécurité, etc.) sont logés dans des gorges ména-gées dans la nappe textile. On obtient de la sorte, visuellement, une grande neutralité auquel le

Entretien avec Gérard Le Goff

Le département des arts de l’Islam, au musée du Louvre

visiteur ne prête généralement pas attention, mais qui se révèle, si on s’avise de l’examiner de près, d’une grande complexité. Cette nappe sans aucun relief, sans aspérité, présente aussi l’intérêt de ne pas expliciter sa fonction acoustique : on a bien une absorption, sans que l’on ne puisse distinguer un seul panneau acoustique.

Comment s’est passé le chantier ?Vous imaginez bien que la pose de 2 500 m² de revêtement en plafond, avec ce degré de finition, est, sur le chantier, d’une grande exigence. Chaque élément, précisément repéré, avait été taillé sur mesure, en usine, chez Texaa®. Et c’est un artisan très qualifié qui s’est chargé de la pose.

La question de l’acoustique est-elle pour vous une composante à part entière de l’architecture ?Je pense même que c’est une donnée fondamen-tale ! À tel point que j’ai complété mes études d’architecte par une formation d’acousticien, ce qui me permet d’anticiper les questions liées à la qualité sonore des espaces. Souvent, l’acousti-cien n’a qu’une intervention limitée sur les projets et un certain nombre de décisions qui pourraient le concerner sont prises par l’architecte d’opéra-tion, ce qui explique que certaines intentions de départ ne parviennent pas toujours à se concréti-ser. Ma réflexion, sur ces questions commence très tôt, dès l’origine du projet, et j’essaie de la mener jusqu’à la fin du chantier.J’ai travaillé avec Rudy Riccioti sur le programme de reconversion des Grands Moulins de Paris en bibliothèque universitaire : 30 000 m², pour 1 400 personnes. Il aurait été illusoire de se fixer un objectif de silence absolu : nous voulions obtenir une acoustique « de tous les jours » : permettre le bruit, mais pas trop. Pour cela, nous avons surtout travaillé à la source, c’est-à-dire cherché à limiter les bruits d’impact, en traitant acoustiquement le sol, en choisissant un matériau adapté pour les dessus de table, etc. J’explique, dans un article que j’ai rédigé il y a quelques temps 1, que, dans une bibliothèque, le silence n’est pas nécessaire si la nature des bruits est correctement qualifiée. La signification du son,

sa « signature », est déterminante : quelqu’un qui écrit peut être gêné par le bruit d’un ordinateur près de lui, alors qu’il acceptera très facilement le bruit de la pluie sur la vitre voisine. Et je pense que, dans les musées, c’est la même chose : les visiteurs y sont a priori calmes, mais ils le seront d’autant plus que le niveau sonore général sera bas 2. Et même si on ne peut pas empêcher un enfant de pleurer ou de crier, on peut s’efforcer d’en limiter l’impact.—1. in. Bibliothèques d’aujourd’hui. À la conquête de nouveaux espaces de bibliothèque, sous la direction de Marie-Françoise Bisbrouck, éd. du Cercle de la librairie, 2010.

2. Dans une situation publique donnée, les personnes qui parlent se gênent les unes les autres car le volume sonore est identique dans toute la pièce. Ainsi, pour se faire entendre, chacun commence à parler de plus en plus fort jusqu’à ce que tout le monde se mette à crier. Ce phénomène est parfois nommé « effet cocktail ».

Gérard Le Goff est architecte et acousticien. Il était directeur général des travaux du départe-ment des arts de l’Islam pour le compte de la maîtrise d’œuvre.

Page 28: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

54 55Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes Le département des arts de l’Islam, au musée du Louvre

Page 29: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

56 57Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

Changer d’échelle…Cédric Legrand, alors chargé d'affaires pour la région parisienne, a instruit et suivi pendant près de trois ans le chantier du département des arts de l'Islam au Louvre. Témoignage.

« C’est presque par hasard que nous en sommes venus à mettre en œuvre du Vibrasto 03 au Louvre ! En 2008, quand je rencontre pour la première fois Gérard Le Goff, c’est simplement pour lui apporter un écran sur pied destiné à son bureau de chantier, au Louvre… Il m’explique alors que le cuir micro-perforé qui avait été initialement choisi pour habiller le plafond du parterre vient de se révéler inadapté ; il faut trouver une autre solution. Ne pourrions-nous pas faire une proposition ?

Schémas de pose du Vibrasto 03 en intégration de spot, angle saillant, intersection et habillage de menuiserie.

Le département des arts de l’Islam, au musée du Louvre

En concertation avec l’équipe de conception, nous envisageons, dans un premier temps, la mise en œuvre de plafonds Strato sur une trame carrée, mais cette solution se révèlera finalement trop complexe, compte tenu de la nécessité de ménager toutes sortes de trappes d’accès. L’hypothèse de coller du Vibrasto 10 sera ensuite envisagée mais nous buterons encore sur quelques difficultés de mise en œuvre. Ce n’est finalement que dans un troisième temps que nous en viendrons à proposer du Vibrasto 03 : le système de pose “en tendu” sur des baguettes de jointement en PVC vient d’être repensé, et il s'adapte maintenant particulièrement bien à une grande variété de situations (traitement des angles, des jouées, des bordures, des réservations, etc.).

Gérard Le Goff, en liaison avec le bureau d’études Berim, se penche alors sur le plan de calepinage, et sur tous les types de réservations et de finitions. La bonne surprise, c'est que tout se révèle finalement assez simple ! L’ensemble des besoins peut être couvert avec des produits standard (coloris, largeur de laize, etc.), et finalement aucune fabrication spéciale ne sera nécessaire pour traiter l'ensemble du projet, soit une surface de près de 3 000 m²…

L’autre bonne surprise, c’est que les performances du Vibrasto 03 simplement tendu devant son panneau RI et des plaques BA 13 permet une correction acoustique supérieure aux contraintes du cahier des charges, sans qu’aucun autre absorbant ne soit nécessaire. Par contre, nous n'avons pas droit à la moindre erreur : après la livraison du bâtiment proprement dit, il ne sera plus possible d'intervenir pour rectifier quoi que ce soit sur le plafond, en raison du chantier de scénographie, particulièrement complexe lui aussi, qui démarre en suivant. Nous préconisons donc de confier la pose du Vibrasto 03 à une équipe de professionnels parfaitement formés pour mettre en œuvre les produits Texaa®. Deux entreprises habituellement concurrentes (Artis et Pascal Cauvin) acceptent alors de coordonner leurs forces pour mener ce chantier dans les délais impartis. Je ne dirais pas que tout a été très simple ; mais nous y sommes arrivés sans casse et dans le temps donné !

Au bilan, il me semble que ce projet a permis à Texaa® de changer d'échelle d’intervention. Nous en avions très envie, mais nous étions aussi un peu inquiets… Au-delà d'une certaine surface – il y a quelques années, c'était un peu notre limite –, personne n'envisageait d'employer nos produits – notamment au prétexte de leur prix supposé trop élevé. Or dans ce cas précis, le choix du Vibrasto 03 a non seulement permis de répondre très efficacement, du point de vue acoustique, à un programme très contraint, mais également de le faire pour un coût extrêmement raisonnable. »

Cédric Legrand est responsable des ventes pour la France chez Texaa®.

Page 30: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

58 59

Page 31: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

6160

Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

Des rideaux acoustiques pour les trente ans du Frac / collection AquitaineDesigner : Olivier Vadrot—Il y a trente ans, sous l’impulsion de Jack Lang, naissaient les Frac (Fonds régionaux d’art contemporain), destinés à rendre accessible l’art de notre temps sur l’ensemble du territoire français, avec trois missions : collectionner les artistes vivants, favoriser l’accès aux démarches majeures de l’art contemporain et en faire la pédagogie pour permettre la rencontre entre des œuvres et des populations parfois éloignées des grandes métropoles.

Page 32: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

63

À l’occasion de cet anniversaire, les vingt-trois Fonds régionaux d’art contemporain ont décidé de donner une carte blanche à un ou plusieurs créateurs pour imaginer des expositions à partir de chaque collection. Claire Jacquet, directrice du Frac Aquitaine, a choisi d’inviter Olivier Vadrot, architecte et designer. Revendiquant son statut de designer et donc de créateur d’espaces et d’outils pour répondre à des usages autant qu’accueillir des pensées, Olivier Vadrot a souhaité centrer son approche sur la relation d’intimité entre le spectateur et l’œuvre, et concevoir un « dispositif de monstration » original d’une sélection opérée parmi les 1 000 œuvres que compte la collection. Il a ainsi imaginé Coulisses, dispositif constitué de vastes rideaux disposés dans l’espace de façon concentrique, au sein duquel le public est invité à entrer. Dispositif spatial monumental, Coulisses s’organise ainsi autour de dix anneaux qui accueillent peintures, sculptures, photographies, vidéos et installations emblématiques : « J’ai conçu cet espace comme un outil scénographique, transposable, adaptable, mais surtout non autoritaire, explique Olivier Vadrot. Mon idée de départ était que chaque visiteur puisse se construire un parcours personnel, non linéaire. Et qu’il soit impossible de faire une photo générale de l’exposition, que celle-ci ne puisse pas se résumer à un “visuel” ou à un commentaire… »

En 30 ans, les 23 Fonds régionaux d’art contemporain ont acquis plus de 26 000 œuvres réalisées par 4 200 artistes, et chaque année, l’ensemble de leurs projets (environ 600) touchent plus d’un million de personnes. Avec plus de 1 000 œuvres, le Frac Aquitaine possède la plus importante collection publique de la région en matière d’art contemporain. Cette collection, reconnue au niveau international, est jugée comme l’une des plus belles collections publiques de France.

Maquette du dispositif de Coulisses pour l'exposition dans les espaces du Frac, à Bordeaux

Exposition Coulisses, Frac Aquitaine Bordeaux, 2013

De haut en bas : vue de l’œuvre de Karina Bisch, Teapot, 2005

vue de l’œuvre de Jessica Warboys, Sea painting, Dunwich, Summer 2011, 2011

Collection Frac Aquitaine

Page 33: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

6564

Simplement interpellée pour fournir de l’Aeria destiné à la confection de ces rideaux, la société Texaa® a décidé de s’engager dans une expérimentation en vraie grandeur, dans un dialogue fructueux avec Olivier Vadrot, pour essayer d’imaginer ce que pourraient être des « tentures acoustiques » réalisées avec les matières et savoir-faire de l’entreprise : « Nous sentions bien, chez Texaa®, une attirance et une envie nouvelle pour essayer d’inventer des choses suspendues, non contraintes par une structure, démontables, amovibles, explique Bernard Demptos. Mais, en ce qui concerne les tentures, nous nous heurtions à une difficulté de taille : comment maîtriser l’allongement, inéluctable, de la maille Aeria ? Olivier Vadrot nous a proposé de développer un projet de tentures, à la fois de grande ampleur et éphémère, c’est-à-dire avec un risque très faible de déformation. Alors, nous avons décidé de jouer le jeu, même si un tel engagement représentait un gros effort pour Texaa® et je dois dire qu’à plusieurs moments, je me suis posé bien des questions sur sa pertinence… Mais au bout du compte, le bilan est largement positif : il n’est, bien entendu, pas question de commercialiser des tentures sous la forme de celles qui sont présentées ici, mais l’expérience, conduite jusqu’à son terme, s’est révélée tellement convaincante qu’elle nous mènera très probablement vers des développements futurs. »

Exposition Coulisses, Frac Aquitaine Bordeaux, 2013

De gauche à droite : vue de l'œuvre de Raphaël Zarka, Rhombicuboctaèdres (Réplique n°1, version 2), 2007

vue des œuvres de Serge Comte, Tapisserie repositionnable, 1996, et Diane Arbus, Untitled 4, 1970 –1971

Collection Frac Aquitaine Dessin de Fabio Viscogliosi pour l'exposition

Des rideaux acoustiques pour les trente ans du Frac / collection Aquitaine

Page 34: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

66 67

Olivier Vadrot, vous êtes architecte, designer, scénographe…J’ai fait des études d’architecte et je suis diplômé en architecture. J’ai d’abord travaillé pour le théâtre, puis j’ai créé un petit centre d’art indépen-dant – La salle de bains – avec des amis, à Lyon. Bref, j’ai pas mal vagabondé… C’est ma nature : je suis dispersé, voilà ! Donc, architecte ? Desi-gner ? Scénographe ? Finalement, ça ne sert à rien d’essayer de définir des catégories. Je crois quand même être architecte dans la façon dont j’aborde et je m’engage dans les projets, dans la méthodo-logie… même si ce n’est pas « de l’architecture » qui en sort, à la fin.

Comment avez-vous abordé ce projet d’exposition ?Dans le monde de l’art aujourd’hui, c’est la ques-tion de l’exposition qui vient à prendre le pas sur la notion d’œuvre et le commissaire – le curator – devient un personnage central. Je ne souhaitais pas jouer ce rôle : ce n’est ni ma nature, ni mon propos ; je n’ai aucun point de vue sur l’art à « imposer », et je cherchais une façon d’échap-per à ce type de présentation qui organise des œuvres pour illustrer un discours. Je souhaitais un dispositif qui permettrait à chaque visiteur de construire son propre parcours dans l’exposition, de vivre une rencontre singulière avec les œuvres.Il a quand même bien fallu faire un choix dans la collection ; je n’avais accepté cette exposition qu’à la condition de travailler en relation étroite avec Claire Jacquet, la directrice du Frac Aquitaine. Et nous avons décidé d’associer à cette réflexion d’autres personnes, du côté de l’histoire de l’art.Restait à concevoir le dispositif scénographique. J’avais déjà pensé à me servir de rideaux à propos d’un autre projet, une installation sonore. Et je venais de me replonger dans le travail d’un architecte et scénographe d’origine autrichienne, assez fameux, Frédérick Kiesler (1890 –1965). C’est l’image, dans l’une de ses réalisations, de grands rideaux en éponge, qui m’a rappelé cette ancienne idée, et a fait naître l’intuition qu’il y avait quelque chose à creuser, par là.

L’idée du dispositif spatial est assez simple : un système de rideaux concentriques régulière-ment disposés tous les trois mètres. En plan, ça ressemble un peu à une tranche d'oignon… ou à une coupe d’arbre. L’ensemble fonctionne aussi comme un outil que l’on peut démonter, transporter, reconfigurer en fonction d’autres espaces. D’où l’intérêt des plis, qui permettent de s’adapter, absorbent le contournement des obstacles, comme un accordéon.

Comment imaginer une exposition dans un décor fluide, mouvant ? Ne prend-on pas un risque de déstabiliser les visiteurs ?Le rideau ne remplace pas le mur : aucune œuvre ne s’y « accroche ». J’aimais bien cette idée que les visiteurs seraient peut-être un peu perdus, tout en ayant la possibilité de retrouver quelques repères : le principe des anneaux concentriques, c’est que, quand ils rencontrent un mur, ils s’ar-rêtent. On va donc, dans l’exposition, trouver des rideaux, et des murs. L’idée, c’est que le dispositif transforme l’espace préexistant, et d’une certaine façon le dilate, puisque les parcours seront plus longs. Enfin peut-être, il y a l’envie d’interroger cette convention de l’espace blanc – le white cube –, qui est devenue une sorte de norme pour présenter l’art aujourd’hui…

Comment avez-vous rencontré l’entreprise Texaa® ?J’avais, depuis le début de ce projet, un souci de la question acoustique. Nous sommes ici, comme dans beaucoup de lieux d’art contemporain aujourd’hui, dans un ancien bâtiment industriel. Et je sais, pour m’être déjà confronté à ce genre de situation, que dans de tels espaces l’acous-tique est rarement traitée. Quand j’ai commencé à dessiner le plan de ce projet, c’est plutôt le tissu en tant qu’outil d’organisation spatiale qui est passé au premier plan. Alors, par réflexe – et pour des questions de coût – et je me suis tourné vers des fabricants de rideaux de scène. Mais j’avais beau commander des échantillons, je ne trouvais pas du tout ce que je voulais, ni comme aspect, ni comme couleur…

Retour sur expérience avec Olivier Vadrot

Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

Claire Jacquet m’a alors parlé de l’entreprise Texaa®, à Gradignan, près de Bordeaux. Et j’ai pensé, immédiatement, que si on pouvait avoir la chance de travailler avec ces produits là, ce serait un vrai plus pour ce projet, parce que le son fait vraiment partie de l’expérience que l’on tire d’un espace.La rencontre avec les responsables de l’entreprise a commencé par une visite des ateliers : j’ai vu comment les produits sont fabriqués et j’ai pu expérimenter une sorte de laboratoire acoustique : on entre dans un volume, tout en béton ; l’acous-tique est épouvantable… Mais il suffit de venir apporter deux ou trois objets fabriqués par Texaa® et tout change : l’acoustique devient à peu près parfaite ! Cette expérience, somme toute modeste, m’a vraiment éclairé sur la question : c’est ce jour-là, en manipulant physiquement des matériaux dans cet espace, que j’ai réellement compris la différence entre confort et isolation acoustique.

Dans ce projet, le traitement acoustique participe-t-il à établir une relation d’intimité entre le spectateur et l’œuvre ?Oui, les choses sont liées. Je pense qu’un espace qui génère de l’écho est immédiatement perçu comme un lieu public, collectif. Fractionner l’es-pace, au contraire, c’est proposer une expérience intime, et les rideaux isolent acoustiquement, de la même manière qu’ils isolent visuellement. Je ne parle pas d’une isolation phonique au sens où on l’entend habituellement : si le son d’une vidéo « bave » sur l’espace voisin, et que l’on continue à l’entendre alors qu’on n’est plus devant le moniteur, ça ne me gêne pas du tout. Pour qu’un rapport d’intimité se crée, il faut qu’il y ait un confort, tout simplement.

Les produits mis en œuvre dans cette exposition ne sont pas des standards de la gamme Texaa®. Ce projet a donc été l’occasion de développer ensemble quelque chose de nouveau…Au début, nous sommes allés voir les respon-sables de l’entreprise en imaginant qu’on allait pouvoir utiliser leur tissu pour faire des rideaux, tout simplement… Mais quand j’ai compris tout

ce qu’ils pouvaient nous apporter en termes d’acoustique (c’est quand même leur métier !) et dans la mesure où cette dimension m’inté-ressait, nous avons commencé à y réfléchir ensemble. À partir de ce moment, il ne s’agissait plus d’utiliser un produit industriel qui existe en catalogue : il s’agissait de faire une exposition. Manifestement, de part et d’autre, nous avions tous envie de travailler ensemble sur ce projet et la discussion s’est très vite installée sur des questions techniques. J’ai cru comprendre que, depuis le début, ils essayaient d’éviter de faire des rideaux ! Et au final, nous sommes arrivés à des rideaux – probablement bien différents de ceux qu’ils auraient pu faire au début… Je ne pense pas qu’il soit possible de se ressai-sir de ce que nous avons fait là pour en faire directement un produit du catalogue, mais sans doute nous avons là réglé certaines choses, qui pourront servir par la suite – et pour moi, et pour eux.

Des rideaux acoustiques pour les trente ans du Frac / collection Aquitaine

Olivier Vadrot est né en 1970, à Semur-en-Auxois. Il vit à Beaune. Il a été pensionnaire de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, en 2012 – 2013.

Page 35: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

68 69Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

Page 36: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

7170

Dans les coulisses de Coulisses avec Edwige CarnisRetour sur un projet singulier.

« J’ai rencontré Olivier Vadrot quand il est venu pour la première fois chez Texaa®. Il nous a parlé de son projet et de l’esprit dans lequel il imaginait cette exposition : de grandes tentures souples, en tissu, avec de la ouate et des plis… En l’écoutant, en regardant ses dessins, nous avons essayé d’imaginer comment nous allions pouvoir concrétiser son idée. Fallait-il coller de l’Aeria sur les deux faces de la ouate, ou laisser les tissus libres, simplement piqués ensemble dans le haut ? Comment suspendre les tentures ? Comment les relier ? Comment indiquer les passages entre deux tentures ? Où trouver des liens – des lacettes – aux normes antifeu ? Quelles sortes de surpiqûres ? Avec quelles couleurs de fil ? etc.À partir de ce moment, cette histoire est devenue une sorte de grand projet dans l’atelier, et tout le monde s’y est mis : Céline, Bernard, Matthieu, Nathalia, Grégoire, Georgia, Romain… Nous avions chacun mille idées. Alors nous nous sommes lancés dans les essais : nous en avons fait plus d’une dizaine, que nous avons envoyés à Olivier Vadrot, alors pensionnaire à la villa Médicis, à Rome. Lorsque tout a été au point – y compris le choix des couleurs –, nous avons lancé la fabrication.

Assembler des pièces de trois mètres de long, avec des matières fluides, n’a rien d’évident ! Il faut tenir le tissu, s’assurer qu’il est bien droit et qu’il ne plisse pas… Nous n’étions pas vraiment organisés pour ce type de travail, alors nous avons dû installer de grandes tables, près de la machine à coudre. Maria et son équipe ont commencé à superposer tissu et ouate avant la couture. Puis il a fallu les recouper en largeur, avant de me les faire passer pour la couture. Au début, j’assurais seule ce travail, mais finalement, les délais de productions étant vraiment très serrés, Fanny m’a aidée pour terminer.

Le jour de l’inauguration de l’exposition, j’ai ressenti une grande fierté. Oui, il avait fallu s’accrocher : la fatigue, le stress… Mais ça valait vraiment le coup ! Ces grandes tentures, avec tous ces plis, les couleurs… fabriquent un espace douillet, intime, presque un cocon. Il me semble que ce projet nous a fait grandir, il nous a montré une autre façon de considérer les matières que nous utilisons, et je veux bien parier que ce projet va faire naître d’autres idées ! »

Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

Edwige Carnis est chef d’équipe couture chez Texaa®.

Pages 70 et 71 :Du 28 septembre 2013 au 5 janvier 2014, Coulisses est présentée dans une nouvelle version au musée des Abattoirs de Toulouse dans le cadre de l’exposition collective Les Pléiades réunissant les 23 projets initiés par les 23 Frac à l’occasion de leur 30 ans.

Exposition Coulisses, Frac Aquitaine à Toulouse, 2013

vue des œuvres de Joachim Mogarra, Bouquet perpétuel, 1988 et Jeff Koons, New Hoover Convertibles Green, Green, Red, New Hoover Deluxe Shampoo Polishers, New Shelton Wet / Dry 5-Gallon Displaced Tripledecker, 1981 – 1987

Collection Frac Aquitaine

Des rideaux acoustiques pour les trente ans du Frac / collection Aquitaine

Ateliers Texaa® , test pour la mise en œuvre des rideaux pour l'exposition Coulisses

Page 37: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

72 73

Page 38: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

7574

Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

Des voiles acoustiques dans un gonflable pour arc en rêve centre d’architecture, à Bordeaux Architecte : Hans-Walter Müller —Deux bulles géantes.Blanches et jaunes, aux couleurs d’arc en rêve.Deux-cent vingt-huit mètres carrés chacune,sept mètres de hauteur…

Page 39: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

7776 Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

Une œuvre d'Hans-Walter MüllerHans-Walter Müller est l’un des pionniers des gonflables, ces bulles de plastique souple, simplement mises en tension par de l’air sous pression. Il a construit des dizaines de structures de ce type depuis les années 1960, pour des théâtres, des expositions et même une église pouvant accueillir 200 personnes et ne pesant que 39 kg. « Un gonflable, explique-t-il, c’est simplement une peau qui contient un espace, sépare extérieur et intérieur, apparaît et disparaît et parfois se dématérialise. En cela c’est un espace ludique, fantastique et inhabituel, très loin de la construction traditionnelle… Avec peu d’énergie, on peut créer des constructions très vastes… » 1

Un espace nomade d’expositionCette structure est une commande artistique faite à Hans-Walter Müller, par arc en rêve, en 2012, à l’occasion de la présentation d’une exposition consacrée à l’opération « 50 000 logements » initiée par la communauté urbaine de Bordeaux. Le centre d’architecture bordelais souhaitait disposer d’un espace d’exposition itinérant : une structure légère, facilement transportable et aisée à mettre en œuvre, suffisamment extraordinaire pour susciter l’intérêt des habitants et susceptible de s’installer en quelques heures, avant de reprendre son chemin tout en laissant le site intact. Le projet d’Hans-Walter Müller répond particulièrement bien à ce programme : c’est non seulement un espace fonctionnel et polyvalent, mais c’est également un très bel objet plastique, coloré, surprenant.

Confort acoustiqueComme ce gonflable est composé de deux dômes parfaitement hémisphériques, l’acoustique intérieure y est particulièrement sonore : « Une forme de ce type est toujours très réverbérante, explique Fabrice Lalanne, qui a suivi de près le développement de ce projet chez Texaa®. Il s’y produit des effets acoustiques curieux : placé à un endroit précis, vous entendez très distinctement une conversation qui se tient à l’opposé de l’espace, mais vous avez des difficultés à comprendre ce que dit votre voisin. Ces phénomènes de propagation sont connus depuis longtemps ; ils ont même été exploités, autrefois, dans les salles voûtées de certains hospices, où l’on pouvait ainsi communiquer avec un malade contagieux tout en restant à plusieurs mètres de lui, les voix se transmettant le long de la paroi… »Mais ce qui n’est pas trop gênant en situation d’exposition devient vite problématique dès lors que ce gonflable devrait aussi pouvoir accueillir des rencontres, conférences et débats… Comment résoudre ce problème ? Ici, pas de plafond à habiller de matériaux absorbants, ni de structures porteuses auxquelles suspendre des objets acoustiques de grandes dimensions… Différents objets de la gamme Abso (totems, coussins, etc.) ont été positionnés pour briser les ondes sonores qui circulent parallèlement aux parois du gonflable. Sollicité dans le cadre d’un partenariat amical, Texaa® a invité, pour avis, un spécialiste

1 in. Techniques et architectures nº 304, 1975, pp. 73-74

Des voiles acoustiques dans un gonflable pour arc en rêve centre d'architecture à Bordeaux

Gonflable installé sur les quais de Bordeaux, automne 2012

Page 40: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

7978

de l’acoustique des salles de spectacles, Christian Malcurt. Il fallait également trouver un moyen de placer des obstacles dans l’espace, pour le fractionner : tentures ? velum ? « Plutôt des voiles triangulaires, tranchera Michel Jacques, directeur artistique d’arc en rêve ; elles vont permettre de jouer librement dans l’espace tout en préservant la perception du volume… » « Ces objets ont été fabriqués sur-mesure, à la manière dont nous faisons nos stores, explique Edwige Carnis, chef d’équipe couture, chez Texaa®, mais en utilisant du Vibrasto 03 habillé d’Aeria sur ses deux faces. Le plus compliqué pour nous, c’était de trouver comment assembler les deux ou trois éléments qui composent chaque voile. Quel type de couture adopter pour que ça tienne et que ce soit beau des deux côtés ? Finalement, nous avons choisi une couture zigzag : les deux bords sont assemblés à vif, par une suture, sans aucune épaisseur. Les finitions renforcées, à chaque angle, ne nous ont pas inquiétés particulièrement : nous faisons déjà les mêmes pour les cubes Abso… »Après avoir testé leur comportement acoustique en laboratoire, un premier essai d’accrochage a été réalisé à l’intérieur du gonflable, pour vérifier la pertinence et solidité du dispositif de fixation et pour voir – et écouter – le résultat…Les voiles sont tendues et amarrées à différents points d’attache fixés par soudage haute fréquence sur la paroi de PVC du gonflable. Hans-Walter Müller maîtrise parfaitement cette technique : « Quand j’ai commencé à faire des gonflables, explique-t-il, j’utilisais les matériaux les moins chers en les scotchant. Je me rappelle que pour assembler deux lés de 50 m, je scotchais en reculant : ainsi je voyais ce que j’avais déjà fait et pas ce qu’il me restait à faire. Lorsque j’ai montré le résultat, une partie du public ne voyait que le scotch : ils m’appelaient “Müller la Rustine”. La différence, aujourd’hui, c’est que je ne scotche plus, je soude à haute fréquence. Je suis donc devenu “Müller le Soudeur ” ! » Et à considérer les forces que ces soudures sont capables d’encaisser, il faut bien reconnaître qu’à près de 80 ans, M. Müller est un vrai spécialiste…Ainsi suspendues, les « voiles acoustiques » flottent littéralement dans l’espace., leurs courbes s’accordant particulièrement bien à celles de chaque demi-sphère. Ombres et couleurs. Simple et particulièrement efficace : l’amélioration acoustique est immédiatement perceptible. Il suffit de se déplacer du premier espace équipé de trois voiles au second, qui ne l’est pas encore, pour apprécier la différence… Cette expérimentation improvisée pour des volumes tout à fait atypiques pourrait-elle avoir une place et quelque utilité dans des volumes plus conventionnels ? « Cette aventure était un peu un défi pour nous, conclut Fabrice Lalanne, et il y a un certain plaisir à chercher des solutions acoustiques dans des espaces singuliers : ce genre d’expérimentations nous bouscule, mais finalement, elles nous font avancer. Et puis, personnellement, j’aime ce gonflable ! »

Dossier Vibrasto 03, une matière sous différentes formes

Hans-Walter Müller est ingénieur et architecte, né à Worms en Allemagne en 1935.

Une voile installée, pour mesure de son efficacité acoustique, dans la grande salle réverbérante des ateliers Texaa®, à Gradignan.

Page 41: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

80 81

Page 78 à 81 : tests de positionnement et de suspension des voiles à l’intérieur du gonflable, juillet 2013

Des voiles acoustiques dans un gonflable pour arc en rêve centre d'architecture à Bordeaux

Page 42: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

8382

À suivre…

Page 43: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

84

Colophon

Texaa®

textile, acoustique, architecture43, allée MégevieF-33174 Gradignan

tél. : 33 (0)5 56 75 71 56fax : 33 (0)5 56 89 03 56e-mail : [email protected]://www.texaa.fr

Merci aux architectes, architectes d’intérieur, acousticiens, maîtres d’ouvrage et installateursdont les réalisations illustrent les pages de cette revue.Merci à tous ceux qui ont accepté de nous apporter leur témoignage.Merci aux photographes.

Document non contractuel.Actualités, fiches techniques et mises à jour sur www.texaa.fr© Avril 2014 Texaa®

Tous droits réservés

Crédits photo :pages 9 à 17 : photos DR ; pages 20 à 29 : photos M+B et Anne-Perrine Couët & Guillaume Delamarche ; pages 34 à 37 : photos M+B ; pages 38, 39 : photos Vincent Monthiers ; pages 40 à 42, 43 (bas) : photos M+B ; pages 43 (haut), 44, 45 : photos François Passerini ; page 46 : photo M+B ; pages 49 à 51 : photos DR ; pages 54 à 55 : photos M+B ; pages 58, 59 : photos DR ; page 60 : photo M+B ; pages 63 à 65 : photos André Morin ; pages 68, 69 : photos M+B ; page 71 : photo DR ; pages 72, 73 : photos Cedrick Eymenier ; page 74 : photo Anne-Perrine Couët & Guillaume Delamarche ; pages 77, 79 : photos DR ; pages 80 à 83 : photos M+B ; 3e de couverture : photo Anne-Perrine Couët & Guillaume Delamarche

Conception graphique :Anne-Perrine Couët & Guillaume Delamarche

Achevé d’imprimerAvril 2014sur les presses de l’imprimerie BMF-33610 ZI Canéjan

Texaa®, la revue #1 — 2e édition,est un projet accompagné par Marie Bruneau et Bertrand Genier, dans le cadre du ppLab, Bordeaux 2013

Page 44: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

Lors de notre première visite des ateliers Texaa®, nous avons été saisis par les fragments de fils colorés éparpillés sur le rouleau gris du métier à tricoter. Ils nous ont inspiré le dessin de couverture de ce numéro de la revue.

Anne-Perrine Couët & Guillaume Delamarche

Page 45: # 1 la revue Texaa · ici de comment nous le faisons. Cette « revue » – à périodicité et à géométrie variables – revient sur quelques projets qui nous font avancer. ...

Actualités, fiches techniques et mises à jour sont sur www.texaa.fr

Texaa®

textile, acoustique, architecture43, allée MégevieF-33174 Gradignan

tél. : 33 (0)5 56 75 71 56fax : 33 (0)5 56 89 03 56e-mail : [email protected]://www.texaa.fr