Venise « insolite », c’est aussi des marchés… flottants, installés sur des barques, comme en...

Post on 09-Feb-2016

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Bienvenue à la gare de Venise ! La seule du monde, à ma connaissance, où les trains, quand l’œil s’aventure par leurs fenêtres, glisse avec

un étonnement émerveillé sur l’eau turquoise de la lagune. La seule dont je sois jamais sortie pour me trouver nez-à nez, d’emblée, avec l’eau et le bourdonnement du trafic maritime, comme si le parvis et les marches conduisaient directement dans les vagues…

Même sensation de rêver en embrassant le panorama du haut du premier pont après la gare (encore visible sur la gauche) : on

quitte les rails et la terre ferme, avec son défilé rassurant de cultures et d’habitations campagnardes, pour être projeté(e) brusquement dans un paysage de palais disparates en lisière d’une forêt touffue de poteaux d’amarrage… Surréaliste !

On prétend qu’il faut « voir Venise et mourir »… Pour ma part, je n’ai encore pas trop envie de mourir, mais je dois dire qu’entrer

dans la réalité déconcertante de cette ville mythique m’a permis de réaliser un vieux rêve et que je n’ai pas été déçue… Rien que cette sortie sidérante de la gare m’a noué la gorge d’émotion et de surprise.

Car rien n’est vraiment comme ailleurs à Venise, ni même comme on se l’imagine d’après les « clichés » ordinairement associés à

cette ville (masques, gondoles, palais, fastes, carnaval, sites classés… bref, tout ce que vous avez dans l’autre diaporama !)

Et c’est cette Venise insolite que j’ai encore préférée à la Venise « classique ». Cette Venise qui fait sauter vos repères,

dynamite vos clichés, vos habitudes… Petit détail tout simple, par exemple : ici, on n’arrive pas à la gare en voiture –taxi mais … en « bateau-taxi » ! Et il vaut mieux ne pas rater le trottoir, sinon, vos bagages et vous, vous finissez à la lagune…

Venise « insolite », c’est aussi des marchés… flottants, installés sur des barques, comme en Asie…

… des gondoliers en chômage technique, errant placidement le long de terrasses de restaurants étonnamment vides de touristes…

… ou tapant la causette à l’ombre triple de leur canotier, de leurs lunettes noires et d’un parasol… ou matant les jolies filles…

… ou distraits, et ce au péril de leur vie, car les arcs sont bas à Venise et un pont a vite fait de vous tomber sur la tête !

Venise insolite, c’est aussi, à l’écart des sites touristiques rénovés et des monuments bien entretenus, des palais décrépis,

délicieusement décadents…

… des ruelles miteuses festonnées d’eau glauque…

… où, comme dans toutes les villes du Sud, on étend sa lessive au-dessus de la « rue », par la fenêtre…

… au p’tit bonheur… Même quand la rue est un canal étroit, humide et ourlé d’algues où le linge va s’imprégner d’une délicate

senteur de moisi …

… ou sécher dans une arrière cour lépreuse, comme surgie d’un autre âge, où les murs suivent du regard le touriste aventureux

par d’étranges yeux globuleux, protégés par des paupières à bascule…

Car dans la Venise insolite, derrière les volets clos d’anciennes villas au luxe écaillé, (sont-elles abandonnées ?... Pourquoi ?....),

les murs ont des yeux, ceux de de la curiosité, - ou ceux de muettes solitudes, peut-être…

… Ils ont aussi des oreilles… et des nudités qui ne savent pas leur voyeurisme surpris par plus voyeuse qu’elles… !!

Venise insolite, c’est aussi un curieux mélange de tradition et de modernité…

… sur l’eau comme sur les murs…

… des parents qui rivalisent de sens pratique et d’ingéniosité pour descendre-monter-remonter-redescendre des dunes d’escaliers

abrupts, aucunement aménagés pour les bipèdes sur roulettes (qu’ils soient en poussette ou en fauteuil…)

… Et comment font ceux qui visitent la ville avec une photographe dont les mains et les yeux sont déjà accaparés par l’objectif ? ...

Hé bien, ils se musclent en portant pour deux ! Je demande un tonnerre d’applaudissement pour ces travailleurs de l’ombre, que les figurants en costume ne songent pas à aider, bien sûr : à leur époque, on ne connaissait déjà que la chaise à porteurs…

Dans les vitrines de la Venise insolite, on ne trouve plus de masques à dorures, de costumes chamarrés ni de bibelots multicolores

en verre de Murano, mais du bois humble pour évoquer un héros local né dans les bas-quartiers…

… ou pour confectionner de bien étranges vêtements : quelle vérité dans ces souliers, dans cette chemise de bois dont les plis sont

reproduits avec une telle fluidité qu’on écarquille les yeux pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un imprimé sur tissu !

Et le concepteur n’a pas oublié les dames : il a conçu aussi la lingerie ! Sexy non ? Pour le confort, je n’ai pas testé… Regardez la profondeur

de ces bonnets de soutien-gorge ! On est bien au pays de Lolo Bridgida ! En revanche, j’ignore si la Cicciolina se fournit ici…

La « Venise insolite » pense aussi à la garde-robe de ses enfants (la dentelle est l’une des spécialités artisanales de la ville ). Après

les mensurations de l’ogresse de bois, plongée dans un Lilliput immaculé de douceur miniature…

… à des prix prohibitifs !

Plus loin, retour au pays du bois avec le pantin Pinocchio (vous l’aviez reconnu, n’est-ce pas ?...)

Cette fois, il a accroché ses ficelles de marionnette dans une papeterie (les papiers précieux sont une autre spécialité de la ville).

Une foule de gants en cuir délurés, de toutes races et de toutes couleurs, se partage pacifiquement le territoire d’une toute petite

échoppe voisine et nous salue amicalement au sortir du quartier commerçant : on dirait qu’ils dansent…

Et la Venise insolite, après nous avoir fait passer un porche de ciel, nous entraîne à présent loin de la foule des touristes :

qu’elle reste agglutinée à l’arrière-plan du décor…

Ici s’ouvre un pays de rives tranquilles, de reflets immobiles sur une eau que ne trouble le passage d’aucune embarcation,

de fenêtres mauresques, de poches ombreux, de seuils à fleur d’eau…

Ici, loin du mugissement de la marée humaine, seul le clapotis de la lagune murmure dans le silence, conversation mystérieuse du turquoise de

l’eau avec le jade des plantes… De concert avec elles, presqu’en secret, le soleil improvise une chorégraphie à rubans de lumière …

Au carrefour suivant, nouvelle surprise : ici commence le monde magique des jardins suspendus et des couverts volants,

vigiles du canal-rue confié à la surveillance insolite de leur apesanteur…

Les maisons d’époque, malmenées par le temps et le sel, ont fait place à de pimpants quartiers modernes hauts en couleurs…

une Venise liftée !

Mais la Venise insolite, infatigable, nous entraîne plus loin encore… sur une place où pigeon iconoclaste, ne se sachant pas

observé, confond le chapeau d’un noble local avec un cabinet d’aisances…

… puis sur le bord de mer où un jeune touriste, non moins iconoclaste, snobe les gondoles pour un véhicule tellement moins vieillot et

tellement plus passionnant ! Qu’ont donc les adultes à se pâmer devant ces barques à pointe ?! Il faut vivre avec son temps, que diable !

… Ce que les enfants de la Venise insolite font à merveille, plongés dans leurs jeux comme les enfants de toutes les villes du monde,

indifférents à la foule et aux monuments historiques qui ne sont, pour eux, que des terrains de jeux ordinaires …

… Comme partout, amusés et passionnés par un minuscule trois- fois-rien …

… comme partout, portés sur la hanche de leurs mères et immergés dans la vie de leur quartier… A Venise, dans le flux envahissant des

touristes qui déferle dans chaque ruelle, c’est finalement de ces petits grains de vie ordinaire qu’écume parfois l’insolite… Et puis…

… il y a eu ELLE. Cette petite forme noire recroquevillée à même le sol, comme une ombre au tableau inondé de soleil et de commerce,

comme un rappel au sinistre de certaines réalités dans l’univers magique de cette ville de rêve… Nous l’avons croisée deux fois…

Etait-ce une autre ? Etait-ce la même ? Etait-ce une misère vraie ou comédienne ? Etait-ce un appel à la compassion ou une sordide

roublardise ? Je n’ai pas su… pas su quoi faire, non plus… Alors, je l’ai prise en photo, au milieu de cette foule indifférente qui la nie, qui la gomme, et je me suis dit que diffuser cette photo, c’était peut-être lui rendre un peu de sa dignité. Mais je n’en suis pas sûre…

Alors, comme je ne veux pas vous laisser sur une note triste, je clôturerai ma visite de la « Venise insolite » par cet ultime clin d’œil,

surpris au pied d’un ultime pont… « Enjoy ». Remerciez pour ce que vous avez. C’est, de nos jours, devenu une attitude bien insolite.