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Revue Francophone de Haïku
Hors série n° 3
Janvier 2007
Édition de l’Association Française de Haïku
Spécial concours
AFH2006
& thé
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Ce hors série regroupe les textes préférés de nos jury parmi tous ceux que nous avons reçus pour nos concours. 1. Concours AFH2006. Comme chaque année, notre concours a remporté un vif succès. Nous avons reçu 258 haïkus de 54 auteurs et 170 senryûs de 28 auteurs. Nous publions 88 haïkus de 45 auteurs et 43 senryûs de 26 auteurs. Tous les auteurs qui ont obtenu la moyenne ont au moins un texte publié. Ils sont présentés par ordre alphabétique de prénom d’auteur, sauf les 3 premiers de chaque catégorie, haïkus et senryûs, qui sont classés, pages 5 et 23 de la revue. 2. Concours THE Dans le cadre du 2ème Festival du thé et de notre 2ème Festival francophone de haïku, nous avons organisé, en collaboration avec Chajin, la maison du thé vert japonais à Paris, un concours de haïku sur le thème du thé. Nous avons reçu 147 haïkus de 79 auteurs. Nous publions, à partir de la page 30, les 10 haïkus préférés du jury. En effet, si les deux premières places ont été attribuées sans problème, le jury a dû procéder à un deuxième tour de vote pour attribuer les places 3 à 5 parmi les 8 haïkus qui étaient arrivés à égalité.
Henri Chevignard ensemble à petits pas le tour de son jardin ... de plus en plus sauvage
Damien Gabriels Apprenti-jardinier, par le hasard d'un achat immobilier, je suis sen-sible à ce poème, qui met en paral-lèle un jardin avec la personnalité de celui qui s'en occupe (ou qui le délaisse). Le tour du jardin est un rite bien connu, qu'on réserve à ceux qu'on accueille pour la première fois, comme aux familiers. On y pré-sente les récentes évolutions, on y guette la manifestation des sai-sons, on s'y échange des conseils... on y prend de la graine. Ici, le tour du jardin se fait "à pe-tits pas", bien sonores, dans la ten-dresse d'un "ensemble", où l'on perçoit déjà le regard que l'on porte à un aîné, un ancien. Puis cette perception nous est con-firmée : le jardin prend un tour "de plus en plus sauvage". Plus qu'à la dernière visite. Le choix du mot "sauvage" laisse aussi imaginer, une vieillesse où le désordre a commencé à s'installer. Peut-être que les cheveux sont aussi de plus en plus ébouriffés, la cuisine moins nette, et les pensées moins fluides? Mais ce caractère sauvage, calqué
sur l'envahissement du liseron et les assauts du lierre, est aussi le signe d'une vie foisonnante, et donc de sentiments et d'une espé-rance indéracinables. Daniel Py attendant le car ils partagent en silence la même pluie
Franck Vasseur
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Les coups de cœur du jury
Concours AFH 2006
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Les voilà, tous réunis, ces gens que j'imagine du matin, pour partir au travail, sans trop d'entrain, et encore un peu endormis, ils restent donc dans leurs pensées, chacun pour soi / chacun chez soi, en-core?, ils ne communiquent pas les uns avec les autres, et pourtant ils sont unis dans cette attente, ils sont baignés par la même pluie. Séparés et rassemblés à la fois. Baignés par la pluie, et, qui sait ?, au-delà de leur silence – ou le jus-tifiant peut-être ? - par le bruit de la rue affairée où ils se trouvent ainsi. Ce haïku m'évoque le fameux haïkaï de Ryôta :
Ils sont sans parole l'invité, l'hôte et le chrysanthème blanc
où l'on ressent aussi que, par delà leurs natures différentes d'humains et de végétal, les "acteurs" de la scène évoquée sont en (comm)u- nion véritable... Unité que savait si bien évoquer Ryôkan (dans Contes Zen, Éd. Le Courrier du Livre, 2001, isbn : 2-7029-0425-4 p.220) qui écrivit : "La lumière de la lune étant pure , elle a éclairé jusqu'au bout la Chine et le Japon, autrefois et maintenant, le mensonge et la vé-rité"
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Après le mariage le curé balaye le riz pour ses poules
Jean Féron Ce senryû, très bien agencé, très malicieux, nous amène très habile-ment à sa chute finale. Nous sommes entraînés, conquis par son déroulement des plus naturels pos-sible, chronologique, qui fait que le sens véritable du senryû ne se dévoile qu'au dernier mot du poème. Ce riz, symbole, souhait de fécon-dité pour les nouveaux mariés, est avant tout - ce senryû sert à nous le rappeler ! - un aliment. Il re-tourne donc à sa fonction pre-mière, celle de nourrir ... les poules du curé. Rien ne se perd, dit le proverbe, tout se transforme. Effectivement ! Passons-nous là du sacré au trivial ?... Nous reve-nons sur terre, devant - avant tout ? - pour (sur)vivre, prendre soin du corps ... Ce qui est également mis en lu-mière, à travers ce peu de mots, ce sont aussi les qualités, les vertus du curé : remettre de l'ordre, net-toyer, mais aussi avoir le sens de l'économie - tel ce célèbre moine Zen dont l'eau de cuisson servait ensuite d'eau pour laver son bol, et enfin pour nettoyer (?) le sol de sa hutte... - : le riz qui a servi à la cé-rémonie nourrira ses animaux. Tout est parfait, complet, accompli. Nous avons, en ces trois
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lignes, fait le tour du monde. Avec, Dieu merci, l'humour en prime. Serge Tomé Griffes ouvertes sur le ciel Le merle mort Attend le bus avec moi Thierry Cazals Il ne respecte pas la règle de rythme. Il pèche par l'aspect sub-jectif de la description. L'auteur parle de lui... Trois raisons objec-tives de le déclasser. Mais c'est mon coup de cœur. Par la force de son image, l'orientation des plans (le ciel, le merle, moi) qui induit le début d'une réflexion
sur la mort (de lui à moi). Par l'ori-ginalité de la dernière partie (L3) qui me semble placée là pour nier cette angoisse née de la mort per-çue, ressentie. On banalise pour couper court, pour normaliser la situation. Les griffes ouvertes vers le ciel sont comme l'image d'un re-proche du merle, un ultime sursaut de révolte face à l'injustice de son sort. La Vie, une dernière fois ! Un moment très fort, dit en toute simplicité avec le ton de l'humour qui nous sauve si souvent dans ces situations.
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corbeille de fruits - le point du jour
sur chaque cerise
Damien Gabriels
Clic ! Sur le coupe-ongles Brille la lune
Paul de Maricourt
matin de brouillard- dans le bassin aux lotus
un paon mort
Jean-Claude Cesar
attendant le car ils partagent en silence la même pluie
Franck Vasseur
1er prix
2ème
prix
3ème
prix
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neige qui recouvre le souvenir du grand-père que je n'ai pas eu
Alain Richard
souriant le vieux pissant comme avant
sous le vent
André Cayrel
chez le psy. à la porte d’entrée
des pensées fleurissent
Benoît Moreault
soleil splendide un nénuphar sur la rivière
à la dérive
Benoît Moreault
Jours caniculaires - un chat repu délaisse un oisillon sans tête
Bruno Hulin
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sur le fil à linges un merle noir sèche ses ailes soleil matinal
Cécile Boucher
Dans une flaque d'eau Une fillette, à cloche-pied Applaudit l'été
Chantal Couliou
Sous la vieille halle l'écho d'anciennes clameurs et ce piaf qui piaille
Chantal Peresan-Roudil
Révisions du bac Principes philosophiques
ruminés sur l’herbe
Christophe Rohu
Fête de la musique Ses orteils dans la tong
battent la mesure
Christophe Rohu
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Début des vacances Sur la barquette de beurre
la date de leur fin
Christophe Rohu
Une pelote de plumes Une hulotte dans la nuit Le grand vent gémit.
Colette Lamarque
silence du soir - à la place du bouleau un pan de ciel rose
Damien Gabriels
vent de mai - les hampes nues des pissenlits
Damien Gabriels
ensemble à petits pas le tour de son jardin ... de plus en plus sauvage
Damien Gabriels
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bol de café crème dont le bord est barbouillé
d'un peu d'elle-même
Diane Descôteaux
gris sur le bitume le chat
n’a que des yeux
Dominique Champollion
striant mon sommeil le vacarme minuscule
d’une sauterelle
Dominique Champollion
coup de sifflet les élèves immobiles une bille finit sa course
Franck Vasseur
apprendre l'heure les deux aiguilles sur le douze l'heure des mamans
Franck Vasseur
G o n g H o r s s é r i e n ° 3 - J a n v i e r 2 0 0 7 10
Soudain la sirène rompt le rythme de la pluie. Pour qui meurt l'été ?
Frans Terryn
Nuit de trêve - les chants de Noël enjambent le no man's land.
Frans Terryn
il s'immerge entre les plantes aquatiques quelques bulles d'air
Geert Verbeke
à contre-jour il est plus beau que jamais son gros ventre
Geert Verbeke
avoir ri en voyant la ville disparaître dans le rétroviseur
Hélène Boissé
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averses soudaines le linge sur la corde
de nouveau rincé
Hélène Boissé
dans la baie pas de baleines en vue que des moutons
Hélène Bouchard
sur la corde un petit bas rouge sans partenaire
Hélène Leclerc
trois petits cailloux courent derrière la bétonneuse
Hélène Leclerc
Neige de printemps sur le cerisier en fleurs double parure
Hélène Leclerc
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Le cri rauque des grues Qui passent, longtemps, s'entend,
Dans le vent d'automne
Henri Lachèze
Neige sur l'écran Une citrouille a poussé sur la parabole.
Jean Féron
Le parapente finit par rattraper son ombre au pied du volcan.
Jean Féron
Tout autour du volcan on voit quinze départements et quantités de fleurettes.
Jean Féron
fraîcheur estivale- le cul du paon
en plein courant d'air
Jean-Claude César
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entendre la grenouille deux fois dans la nuit...
c'est tout
Jean-Claude César
matin ensoleillé- par la fenêtre du bureau
le vol de la huppe
Jean-Claude César
Bout de la jetée Epave de la nuit blanche
Litron cinq étoiles
Jean-Claude Touzeil
La mouche la frôle tendue entre deux poireaux la toile d'araignée
Jean-Marie Pilorge
vingt-cinq décembre tout est blanc - il gèle deux vers de terre font l'amour
Joël Picard
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à l’orée du bois un orignal
avalé par les ombres
Louise Vachon
Premier jour d'été En chœur musiciens et pluie Battent le pavé
Lydia Padellec
Jour de canicule Sur le bitume brûlant Un pigeon mort
Lydia Padellec
coquille en spirale la mer revient te bercer petit coquillage
Marie Lasson
Séparés par la vitre le moineau et moi allongeant le cou
Marie-Sylvine Dechaume
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Orage passé dans le jardin silencieux un papillon plane
Marie-Sylvine Dechaume
branches en croix l'arbre à la porte de l'église taillé et pansé
Martine Brugière
bateau face au ciel un poisson mort sur le pont brisé par la vague
Martine Brugière
Matin de trêve, Les enfants jouent au ballon, Près de leurs fusils
Martine Hautot
Oh ces petits bruits Le long du sentier De tous ceux que je dérange
Maryse Chaday
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à la brunante la grive comme hier
Monika Thoma-Petit
sortie en ville il fait craquer l'asphalte le pissenlit
Monika Thoma-Petit
Arbres alignés A l'horizon immuable Péniche en attente
Nathalie Dhénin
soir de mousson – le camaïeu bleu du paon
se joue de la pluie
Olivier Walter
mi Juillet sur les feuilles des marronniers des taches brunes
Pascal Quéro
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sa queue de cheval se balance sur le tempo des talons aiguilles
Pascal Quéro
Traces de lune Sur le sable humide Clapotis de l'eau
Patrick Faucher
L'espace d'un soir d'été L'hibiscus sans fleur Est seulement vert.
Patrick Simon
Vasistas La lune se dilue Dans la buée
Paul de Maricourt
Soirée crêpes Aux carreaux de la cuisine La lune pleine
Paul de Maricourt
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En colonnes Crevant la bâche noire Les fraisiers
Paul de Maricourt
De la lune noyée Dans l’étang endormi Des lotus ont émergé
Philippe Gontier
le vent ride l'eau et pousse le soleil blanc
à contre-courant
Pierre Saussus
journée sans fin - le soleil s'appuie un instant sur une balle de paille
Richard Breitner
Dans la baie vitrée Le soleil dans l'océan. Je mange une orange.
Séverine Denis
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Griffes ouvertes sur le ciel Le merle mort Attend le bus avec moi
Thierry Cazals
Soir d'avril Je partage le dernier rayon de soleil Avec sept mouches énervées
Thierry Cazals
Examinant les trous du gruyère Cherchant un raccourci Vers le printemps
Thierry Cazals
Parfois, le poids D'un seul flocon sur la nuque Suffit
Thierry Cazals
Ma valise pleine à craquer Envie Les orangers en fleurs
Thierry Cazals
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Journal télévisé dans le soir qui tombe deux crépuscules dialoguent
Thomas Vinau
Nuit moite la marque des draps sur sa peau
Thomas Vinau
à la fin du jour les nénuphars se referment - un ciel sans étoiles
Yves Brillon
elle déploie un éventail l’Andalouse aux yeux sombres - soir de demi-lune
Yves Brillon
G o n g H o r s s é r i e n ° 3 - J a n v i e r 2 0 0 7 21
Après le mariage le curé balaye le riz pour ses poules.
Jean Féron
jeunes mariés - cœurs en papier tremblent dans le caniveau
Ynyr Lloyd
étreinte du lierre autour d’un arbre sans âge - deux vieux sur un banc
Yves Brillon
1er prix
2ème
prix
3ème
prix
nue dans la prairie un tatouage d’herbes sèches le long du dos
Olivier Walter
fin de journée - la voix éraillée du distributeur bancaire
Damien Gabriels
la chemise hawaïenne sous l’imper transparent
pluie d’été
André Cayrel
vent de folklore des pantalons sur la corde à linge
dansent la gigue
Benoît Moreault
Journée pluvieuse l'ouvrier en salle d'études rêve parmi les livres
Bruno Hulin
La marée montante rassemble en haut de la plage le flot d'estivants
Bruno Hulin
Eux deux enlacés en suivant le corbillard l'enfant sous les fleurs
Chantal Peresan-Roudil
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Du fond du tiroir tirer le tranche-tomate - Le goût de l'été
Chantal Peresan-Roudil
En goutte à goutte temps et chimio s'écoulent... Printemps au dehors
Chantal Peresan-Roudil
Au cœur de la ville Visages et banques fermés
à double tour
Christophe Rohu
Grande braderie Un euro le recueil
à compte d’auteur !
Christophe Rohu
Après la dispute elle s’est agenouillée pour ranger le frigo
Christophe Rohu
G o n g H o r s s é r i e n ° 3 - J a n v i e r 2 0 0 7 23
métro bondé - il desserre le nœud de sa cravate
Damien Gabriels
fin de roman - un reste de café froid au fond de la tasse
Damien Gabriels
finale de tournoi - plus de monde à la buvette que dans les gradins
Damien Gabriels
Mondial de football les deux courts de tennis
enfin libres
Dominique Champollion
seule sur le banc dans la cour immense ses poux la démangent
Franck Vasseur
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Premier bikini - s'apercevant des regards, elle rougit un peu.
Frans Terryn
sur les trottoirs reconnaître facilement les sans-amis
Hélène Boissé
petit souper avec un grand italien vin rouge de Sicile
Hélène Bouchard
instant d’arrêt face à mon squelette sur la radiographie
Hélène Leclerc
fin novembre une larme glisse lentement entre mes seins
Hélène Leclerc
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Petites menottes… L'une qui tient la poupée Et l'autre un grand-père
Henri Lachèze
picorant ses poux il vole d’un toit à l’autre le pigeon
Janick Belleau
Au pied du poteau Mon chien sniffe son courrier avant de répondre.
Jean Féron
A la sortie de l'exposition sur les volcans un extincteur !
Jean Féron
marché du dimanche- dégustation de miel et
de petites culottes
Jean-Claude César
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sur la promenade le petit homme au parapluie poursuivi par des goélands
Louise Vachon
Tassé sur sa chaise contemplant ses mains le gardien du musée
Marie-Sylvine Dechaume
Vieille dame refermant sa fenêtre rideaux gris
Marie-Sylvine Dechaume
au bras du docker un papillon tatoué rêve de voyages
Michel Duflo
dans l'aquarium trois tourteaux attendent leur mort
en faisant des bulles
Michel Duflo
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chêne centenaire je lui montre que j'ai aussi
un gland
Michel Duflo
baiser profond puis soudain un petit goût d'aïoli
Monika Thoma-Petit
un vieux pêcheur le profil d’un goéland
casquette en plus !
Olivier Walter
Trop court discours Les pains surprises N'ont pas dégelé
Paul de Maricourt
La ronde des enfants boucle l'année scolaire la buvette aussi
Pierrette Vergneau
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après l'amour la brise par la fenêtre ultime frisson
Richard Breitner
surplombant la ville la lune est dans le brouillard un soûlard aussi
Yves Brillon
elle lit dans ma paume - je cherche dans ses yeux les signes du destin
Yves Brillon
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Janick Belleau J’ai particulièrement aimé sept haïkus traditionnels et un senryû – pour lequel je craquais chaque fois que je le lisais. Lequel choisir? Dans ces conditions, mon coup de cœur est allé au haïku qui m’a le plus touchée : un bol de thé chaud dans ses vieilles mains malades – l’été en hiver
Yves Brillon Ce haïku moderne, par l’alliance de la Nature et de la nature hu-maine, me va droit au cœur… peut-être parce que j’y vois l’image d’une personne aimée dé-crépite, tel un parent ou unE parte-naire de vie; un être dont le voyage sur terre …s’achève inexo-rablement. La compassion que cette personne inspire à l’auteurE est reflétée par le ton affectueux de la L3 : « l’été en hiver ». Ces mots supposent que le « bol de thé chaud » offre une chaleur différente que celle prodiguée par la chaleur humaine; une chaleur, de type énergétique, non moins nécessaire, non moins vitale.
Xavier Negiar
Le ciel dans une flaque Des feuilles rousses s’y jettent Infusion d’automne
Les coups de cœur du jury
Concours Thé
Gwénaëlle Dufour
J’ai apprécié le double sens du haïku, décrivant une scène de tous les jours (une flaque d’eau et des feuilles mortes éparses) mais aussi l’évocation voire l’insinuation de la saison d’automne (les feuilles dorées, l’humidité, le ciel ora-geux). Puis le couperet tombe et suggère la chaleur d’une gorgée de thé, et ses promesses de douceur, de goût et de parfum mêlé à l’odeur de sol humide … Au travers de ces quelques lignes, on vit une véritable programma-tion neurolinguistique, qui nous replace dans un contexte maintes fois vécu, avec donc les mêmes sentiments qui remontent à notre surface. En ces quelques instants évocateurs, on se sent à nouveau retourné sur ces mêmes lieux, dans les mêmes conditions ; peut-être que le Haïku est ainsi la seule forme de contradiction au fameux « Ichi go Ichi e » J’ai également apprécié l’absence apparente d’effort dans la cons-truction du rythme traditionnel d’un haïku japonais 5-7-5. Gilles Maucout
Maison de thé entre deux gorgées des regards discrets.
Carmen Leblanc
Voila un extraordinaire concentré d' Asie : La maison (de thé) à
l'écart du bruit, le temps qui passe et auquel les asiatiques savent donner du poids (entre deux gor-gées) et cet art de vous mettre à nu sans que vous vous en rendiez compte : (des regards discrets)… vous êtes à l'intérieur du lieu, mais vous restez en dehors de la scène, incapable d'abattre ce mur invi-sible qui vous sépare de l'autre, car vous ne pouvez capter son regard, ni le sortir du temps qui passe et sur lequel vous n'avez aucune prise… Bravo. Le chat au jardin la cérémonie du thé lui paraît bien longue.
Martine Brugière Digne des grands maîtres japo-nais! Le chat élevé au rang de par-ticipant (c'est du Ryota?) qui plus est, critique vis à vis de la scène, alors que lui-même se prélasse sans doute à l'ombre… C'est vrai qu'une cérémonie du thé peut être longue. Mais ce commentaire as-sassin et désabusé, comme un coup de patte! C'est presque du Buson...
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Dominique Chipot averse de neige – un thé aux fruits rouges à petites gorgées
Damien Gabriels Par ce haïku, l’auteur nous invite à partager un court moment de son existence, simple et sans impor-tance particulière. Comme dans un tableau impressionniste, le lec-teur/observateur devient vite ac-teur invisible de la scène. J’ai l’impression d’accompagner l’auteur dans chacun de ses gestes.
La force de ce haïku réside dans le choix des mots. Cela crée une at-mosphère de contrastes (la froi-dure extérieure et la chaleur du thé, la neige blanche et les fruits rouges, la sérénité intérieure et l’agitation au dehors) tout en éveillant nos cinq sens : je vois l’averse par la fenêtre, je sens l’odeur du thé, je touche la tasse chaude que je porte à mes lèvres, et je goûte à petites gorgées pour mieux savourer ce liquide récon-fortant dans le silence de l’hiver. Une belle réussite, qui montre à quel point le haïku est vecteur de sensations.
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Premier thé de l'an. Dans l'antique bouilloire l'eau au goût de fleur
Chantal Peresan-Roudil
un bol de thé chaud dans ses vieilles mains malades - l'été en hiver
Yves Brillon
Le ciel dans une flaque Des feuilles rousses s’y jettent Infusion d’automne
Gwénaëlle Dufour
1er prix
2ème
prix
3ème
prix
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dans mon thé sans doute la guêpe avait décelé la fleur de jasmin…
Dominique Champollion
maison de thé entre deux gorgées des regards discrets
Carmen Leblanc
Poudre de thé vert Autour du bol... silence Le bruit clair de l'eau
Chantal Peresan-Roudil
4ème
prix
5ème
prix
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buée sur la vitre les feuilles de thé s'étirent - petit matin
Richard Breitner
à l’heure du thé une mouche sur ma tasse – chacune un côté
Diane Descôteaux
La tasse a glissé La bergamote parfume Les poils du chat
Joëlle Delers
La bouilloire chante. Dans nos bols, elles vont danser Les feuilles de thé.
Isabelle Hémery
Gong, revue francophone de haïku – Hors série n°3
Éditée par l’Association Française de Haïku
14 Rue Molière, 54280 Seichamps, France http://www.afhaiku.org
afh@afhaiku.org Adresse postale : c/o J. Antonini-10, rue St Polycarpe-69001 Lyon
Directeur de la publication : Jean Antonini
© 2007, AFH & les auteurs Les auteurs sont seuls responsables de leurs textes
Calligraphies de Henri Chevignard - Logo AFH de Ion Codrescu
Photo de couverture : Théier sous la coupole de la Bourse du Commerce À Paris, Festival du thé 2006 © Dominique Chipot
Tiré à 320 exemplaires
par Conceptlaser, 65bis Av Foch, 54270 Essey-les-Nancy, France
ISSN : 1763-8445 Dépôt légal : Janvier 2007
Prix unitaire : 2.50 Euros 4.00 CAD