Qu'Est-ce Que s'Orienter Hui Jean Guichard, InETOP Le Mans, 22 Septembre 2010, Diaporama 74 p

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Qu’est-ce que s’orienter aujourd’hui?

Jean Guichard

Equipe de Recherche de Psychologie de l’Orientation (CRTD. EA 4132)

41, rue Gay Lussac 75005 Paris – France jean.guichard@cnam.fr

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Qu’est-ce que s’orienter aujourd’hui ?

La mondialisation en cours depuis environ trois décennies a transforméles problèmes d’orientation. On attend désormais des personnes qu’ellesconstruisent les compétences nécessaires pour s’orienter. Quelles sont ces compétences ? Comment se forment-elles ? Quel rôle tient l’école dans cetteformation ? Comment aider les personnes à construire de telles compétences ?

Comment les accompagner dans cette activité de s’orienter ? Sur quelles connaissances scientifiques développer des

interventions rigoureuses ?

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1. S’orienter dans les sociétés occidentales d’aujourd’hui 1.1 S’orienter : une tâche socialement produite

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S’orienter, c’est avoir le souci de soi, le souci dugouvernement de soi (Michel Foucault). Mais pour se « gouverner », pour s’orienter lui-même, l’individu doit disposer des « compétences » (des vertus) nécessaires…

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1. S’orienter dans les sociétésoccidentales d’aujourd’hui 1.2 La centralité de l’activité

de travail Les sociétés industrialiséesoccidentales reposent surl’échange de travail. Le travail s’y effectue dans desorganisations complexes : chacundoit tenir certains rôles, s’inscriredans une histoire collective, etc.

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1. S’orienter dans les sociétés occidentales d’aujourd’hui 1.2 La centralité de l’activité de travail L’activité de travail joue un rôle majeur dans la constructionidentitaire individuelle.

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S’orienter, c’est avoir le souci de se réaliser par sonactivité professionnelle. D’où la terminologie anglaise pour designer l’orientation aujourd’hui :

- Career development - Career construction

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1. S’orienter dans les sociétés occidentales d’aujourd’hui 1.3 S’orienter dans un monde incertain…

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Cette montée de l’incertitude se donne à voir, en France, au plus haut niveau de l’Etat : En 2006, le Commissariat Général du Plan qui était chargé, depuis 1946, de définir la planification économique du pays a été remplacé par le Centre d’Analyses Stratégiques. Dans la deuxième moitié du 20ème siècle, au niveau de l’Etat français, on pensait qu’il était possible d’orienter la construction de la société civile selon des plans rigoureusement élaborés. Corrélativement, on pensait que les individus pouvaient élaborer pour eux-mêmes des projets d’orientation au moins à moyen terme.

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S’orienter dans un monde incertain… …Ce n’est plus formuler des projets…

….C’est être capable de stratégie : de repérer dans une situation les éléments essentiels permettant de définirdes objectifs pour soi en fonction des ressourcesqu’elle offre.

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Wikipédia : « Alors que l’idée de plan est l'œuvre d'un raisonnement linéairequi privilégie la relation objectifs - contraintes, (…) le raisonnement stratégique renverse les données du problème. Cesont les ressources qui seront déterminantes, et non pas lesobjectifs. C'est en fonction de ces ressources qu'il faut sinondéterminer, du moins ajuster les objectifs. La réflexion (…)consiste en (…) la saisie de toutes les occasions et de touteconjoncture favorable, avec la minimisation des coûts etl'économie des énergies. Quant aux contraintes et aux obstacles,on essaye de les aménager, de les contourner, mieux encore, deles transformer en ressources ».

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Le point d’ancrage et l’empan temporel changent :

- Conduite de projets. On définit un idéal – plus ou moins lointain – àatteindre. Puis on définit des moyens et des ressources pour l’atteindre. Ces moyens, ces ressources et ces activités conduiront sans doute àredéfinir le projet.

- Attitude stratégique. On part de ce qui est. Dans ces contextesactuels, des possibilités surgissent pour qui sait les voir et en faire desobjectifs pour soi. Les ressources sont données en même temps : il y aces possibilités pour l’individu, parce qu’il y a ces ressources.

L’art de s’orienter, c’est la planned happenstance : la capacité à se saisir d’événements fortuits et à les inscrire dans certaines perspectives personnelles (Mitchell, Levin, & Krumboltz, 1999).

L’art de l’adaptation et la flexibilité sont des facteurs majeurs de cette capacité à se saisir de ce qui s’offre.

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Cette distinction entre projet etstratégie est trop tranchée :

Pour qu’une conduite stratégique soit possible, il fautque l’individu ait le sens de soi. Avoir le sens de soi, dans nossociétés instables, ne peutadvenir que par l’engagementdans une activité réflexive sursoi, sur ses activités, sur sesattentes, sur le monde, etc.

Cela suppose un travailjamais achevé depersonnalisation (Malrieu).

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Cette activité réflexive est d’autant plus nécessaire que les sociétés occidentales d’aujourd’hui ne fournissent plus des étayages établis et indiscutés (Cf. A. Giddens).

L’individu n’a d’autres alternatives que de déterminer progressivement par lui-même ce sens de la vie, ces valeurs fondamentales, ces « key-goods » (Charles Taylor, David Parker) qui vont assurer cette fonction de « holding » (Donald Winnicott) et lui permettre de s’orienter…

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S’orienter, c’est savoir se saisir des opportunités qui seprésentent, voire en créer, dans les différents contextesoù nous interagissons, en vue d’atteindre ceux desobjectifs qui nous semblent alors fondamentaux danscertains de nos contextes de vie, ou de redéfinir cesobjectifs primordiaux.

La définition et la redéfinition de ces objectifs

majeurs constituent elles-mêmes une activité réflexiveessentielle dans cette activité de s’orienter.

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1. S’orienter dans lessociétés occidentalesd’aujourd’hui 1.4 Orientation et

organisation du travail L’organisation du travail aprofondément changé…

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Jusque dans les années 1980-90, on pouvait parler du développementd’une carrière au sein d’une entreprise. Le contrat de travail comprenait l’idée selon laquelle celle-ci s’engageait à offrir à ses salariés un emploistable et même une « carrière », en échange de leur dévouement. Aujourd’hui, les notions de métiers, de professions et de trajectoiresprofessionnelles relativement définies au sein de l’entreprise sontremises en cause dans les organisations du travail « boundaryless ». Dans ces entreprises, des collaborateurs sont réunis le temps nécessairepour mener à bien une mission dont ils sont jugés responsables.

Ils doivent, à chaque nouvelle mission, faire à nouveau la preuve de leurs compétences. Une qualification n’est jamais définitivement reconnue : elle se réduit aux compétences qui se manifestent dans cecontexte.

L’entreprise n’est pas estimée devoir assurer un avenir en son sein àses collaborateurs. Ceux-ci ne sont pas jugés devoir lui être fidèles.

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Pour le collaborateur des entreprises « boundaryless »,s’orienter, c’est savoir :

- Formaliser ses compétences (= être capable d’une attituderéflexive d’un certain type par rapport à ses activités).

- Repérer les opportunités qui se présentent dans un contexte

professionnel (des opportunités en lien avec ses proprescompétences).

- Savoir placer, investir judicieusement (comme un

placement à la bourse), ses compétences.

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Le travail est devenu très flexible… L’emploi l’est aussi pour un nombre croissant de salariés. Laproduction à flux tendu implique que les entreprises emploient destravailleurs périphériques. Or, il est difficile de passer du statut de travailleur périphérique à celui de travailleur central : le marché du travail est segmenté. La précarité professionnelle va statistiquement de pair avec uneprécarité accrue dans les autres domaines de vie.

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S’orienter, pour les personnesdont la vie est précaire, suppose de savoir analyser sasituation dans ses différentesdimensions.

C’être être capable de mobiliser ses ressources de tousordres, de chercher tous les typesde soutiens dont elles peuventespérer une aide de quelquenature que ce soit.

C’est savoir mettre en placedes stratégies de coping visanttant agir sur la situation que surla signification du problème,mais aussi à gérer le stress, etc.

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En résumé : La question de l’orientation ne se pose pas dans les mêmes termes pourles travailleurs périphériques ou incertains et pour les travailleurscentraux. Parmi les travailleurs centraux, cette question diffère aussi selon qu’ilsse trouvent dans des organisations traditionnelles ou dans desorganisations sans barrière. Par-delà ces différences, un point commun : s’orienter est considérécomme une tâche donc chacun est individuellement responsable. Pour y faire face, l’individu doit mobiliser certaines « compétences »…

…qui ne sont pas également réparties entre les membres de lapopulation.

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1. S’orienter dans les sociétésoccidentales d’aujourd’hui 1.5 Capitaux de carrière et

d’identités On observe de grandesdifférences, en fonction del’origine sociale et culturelle,du genre, des parcours scolaireset de vie des individus, quant àleurs compétences pours’orienter. Robert DeFillippi & MichaelArthur (1994, 1996) :« Compétences de carrière »

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Knowing-how : les savoirs, connaissances, savoir faire,savoirs pratiques, attitudes, etc.permettant à la personned’effectuer les activités qu’ellesait faire.

Knowing-who : les réseaux de relations sociales sur lesquelsla personne peut compter.

Knowing-why : le sens quela personne accorde à sesdifférents investissements dansses différents domaines de vie enrelation avec ses attentesmajeures relatives à son existence. Loïc Cadin : « capital decarrière ».

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James Côté (1996, pp. 425-426) : Capital d’identité(s) « Le terme de capital d’identités désigne ce queles individus investissent dans ‘qui ils sont’. Cesinvestissements produisent des dividendespotentiels sur les « marchés identitaires » des communautés de la modernité tardive.

« Pour pouvoir être un acteur (player) sur ces marchés, il faut d’abordétablir un sens de soi stable soutenu par les éléments suivants : deshabiletés et savoir faire techniques et sociaux dans des domaines trèsvariés, des répertoires de conduites efficaces, un développement psychosocial optimal et des relations dans des réseaux sociaux etprofessionnels clés.

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James Côté (1996, pp. 425-426) (suite) :

« Compte tenu du chaos apparent de la modernité tardive, [ce capitalcomprend] des habiletés à négocier avec d’autres certaines transitionsdans l’existence telle que celles permettant de se faire reconnaître dansdes communautés d’étrangers et de devenir membre de cercles ougroupes auxquels on aspire appartenir.

« Les investisseurs ayant le plus de succès sur les marchés

identitaires semblent avoir des portefeuilles de compétences comprenantdeux types d’atouts :

- l’un d’ordre plutôt sociologique, - l’autre d’ordre plutôt psychosocial.

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James Côté (1996) : Atouts sociologiques : diplômes, appartenance à des groupes, clubs,associations, présentation de soi (vêtement, attraction physique, manièrede parler, etc.).

Ces appartenances sont liées à des interactions quotidiennespermettant « d’accroître le capital d’identités en accumulant (accrueing)des concepts de soi et des modes de présentation de soi négociables » Atouts psychosociaux : Savoir explorer ses engagements etinvestissements, force de l’ego, sentiments d’efficacité personnelle,complexité et flexibilité cognitives, observation de soi (self-monitoring),capacités de pensée critique et de raisonnement moral, etc.

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Comment ces compétences se forment-elles ?

Quels sont les facteurs et processus de leur construction ? Peut-on aider les personnes à les développer ?

Comment procéder pour les accompagner dans la construction de telles compétences ?

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Vondracek, F.W., Lerner,R.M., & Schulenberg, J.E.(1986). Careerdevelopment: A life spandevelopmental approach. Hillsdale, N.J: LawrenceErlbaum.

2. Le développement des compétences pour s’orienter 2.1 Le rôle des interactions et interlocutions en contextes

dans la construction des compétences pour s’orienter La construction de ces compétences est liée à la diversité desexpériences que l’individu peut effectuer dans ses différents domainesde vie.

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Dans un contexte donné :

- Certaines représentations sociales dominent. - Certaines valeurs ont cours. - Certains modèles sont valorisés. - Certains types d’activités sont – obligés – encouragés –

découragés – interdits – à tel ou tel, en fonction de sa position, deson âge, de son sexe, etc.

- Certains modes d’interlocution se pratiquent. - Certaines rétroactions adviennent. On est reconnu (ou méprisé) ou

non pour telle activité. - Certains positionnements sont plus ou moins strictement définis

pour les différents acteurs. - Etc.

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Les individus peuvent avoir l’occasion d’interagir dans unnombre plus ou moins grand de contextes. Ces contextes peuvent être plus ou moins dissonants ouconsonants entre eux.

Plus ils sont dissonants entre eux, plus les individus doivents’engager dans des transitions méso-systémiques(Bronfenbrenner) : dans des vas-et-viens d’un contexte à un autre, les obligeant à une grande flexibilité dans leur manièred’être, d’agir, d’interagir et de se rapporter à eux-mêmes. Conséquence : on observe de grandes différences, en fonctionde l’origine sociale et culturelle, du genre, des parcoursscolaires et de vie des individus, quant à leurs compétencespour s’orienter.

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2.2 La formation à l’adolescence et à l’âge de l’adulte émergeant de cescompétences nécessaires pour s’orienter

L’adolescence et l’âge de l’adulte émergeant (de 20 à 25 ans) sont, dans nos sociétés, des moments fondamentaux dans la construction de ces compétences pour s’orienter.

Robert Havighurst (1950) (photo

à droite) et Jeffrey Arnett (aujourd’hui) : les jeunes effectuent alors des expériences qui sont des essais leur permettant de développer les savoirs, savoir-faire, savoir-être et les nombreux modes de rapports à soi et à leurs expériences nécessaires pour s’orienter dans l’existence.

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Les activités, dialogues, échanges, rétroactions, etc., dans les différents contextes où le jeune interagit (famille d’origine, relations amoureuses,vie de couple à l’essai, école et formation, activités sportives ou deloisirs, travail rémunéré, pratiques religieuses, associatives oupolitiques, etc.), lui permettent de construire :

- Certaines compétences liées aux activités qu’il effectue, - Certain modes de rapports à soi et à ses expériences le conduisant

à se percevoir comme ayant ces intérêts, ces qualités, cescompétences, comme capable ou non de s’autodéterminer dans telou tel domaine de vie, etc.,

- Certaines représentations de rôles susceptibles de lui convenir ouà éviter,

- Des identifications à certains personnages ou figures deprofessionnels et des rejets.

- Etc.

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Cependant, les expériences que peuvent effectuer les jeunes sont, dansune certaine mesure, contraintes par ce que l’on pourrait nommer des« grands modèles de socialisation des jeunes » qui diffèrent selon lessociétés : c’est ce qui ressort des observations de Cécile Van De Velde.

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Cécile Van de Velde (2008) a étudié les cadres macro-sociaux qui déterminent les expériences et structurent les anticipations de jeunes issus de 4 pays d’Europe :

- Deux du Nord : Danemark et Royaume-Uni. Point commun : la norme sociale de devoir quitter jeune sa famille et de mener une vie autonome, dès 21 ans environ.

- Deux du Sud : l’Espagne et la France. Dans ceux-ci un lien plus fort est maintenu pendant une période plus longue avec la famille.

Dans chacun de ces deux groupes, les deux pays concernés ne sont cependant pas assimilables l’un à l’autre.

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Van de Velde (2008) observe qu’en fonction des cadres macro-sociauxdéterminant les expériences des jeunes et, par là, structurent leursanticipations, ceux-ci apprennent à…

- « Se trouver » par un temps long d’expérimentation, rendu possible par un Etat providence offrant une allocation universelle àtous les jeunes (Danemark).

- « S’assumer » le plus vite possible (études courtes, insertionprofessionnelle rapide, mariage précoce) (Royaume Uni).

- « S’installer » dans une vie familiale en construisant sonindividualité au sein d’une appartenance familiale grâce à unelongue cohabitation (Espagne).

- « Se placer » en s’investissant dans son orientation scolaire ; lajeunesse est pensée comme celle d’un investissement à vie,déterminant de façon figée le statut social de l’individu (France).

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La France se caractérise par la centralité de l’expérience scolaire dansla socialisation des jeunes. Cette expérience scolaire permet-elle bien aux jeunes français dedévelopper les compétences nécessaires pour leur orientation ? 2.3 Expérience scolaire et développement des compétences

nécessaires pour s’orienter En tant que dispositif social spécialisé dans la préparation des jeunes àla vie adulte, l’école a pour mission fondamentale de les conduire àformer les pré-requis nécessaires. S’agissant de leur préparation à orienter leur vie adulte, l’école ycontribue de manière explicite et implicite.

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Contribution explicite de l’école à la formation des « compétences » nécessaires pour orienter sa vie adulte :

Par des activités d’éducation à l’orientation (career education)réalisées soit à l’occasion d’ateliers spécifiques, soit par infusion de laquestion de l’orientation dans les enseignements ordinaires (l’écoleorientante).

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La contribution implicite de l’école est liée : - A la forme des architectures des organisations scolaires et aux

procédures de sélection et de répartition des élèves & - A la place plus ou moins centrale accordée à l’institution scolaire

dans la socialisation des jeunes. L’architecture des organisations scolaires et les procédures de sélection et de répartition des élèves les prédisposent à se poser la question de leur avenir d’une certaine façon La massification de l’école a fait naître des problèmes d’organisation :

- Comment structurer cette institution ? Quelle architecture lui donner ?

- Comment procéder pour sélectionner et répartir les élèves ?

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Les réponses apportées à ces deux questions ont différé d’un pays àl’autre :

- La formation professionnelle et technique peut être incluse dansl’organisation scolaire (France) ou dépendre des entreprises(Allemagne).

- Les enfants peuvent être répartis jeunes (Allemagne) ou à un âge plus tardif (France) dans des types différents de formation.

- L’offre de formations peut prendre la forme de filières auxcontenus déterminés (France) ou de modules que les jeunes peuventcombiner à leur guise en respectant certaines règles (Finlande).

- Les modalités de sélection et de répartition des élèves peuventprendre des formes très différentes. Elles peuvent relever des établissements d’accueil, des établissements d’origine, être plus oumoins étroitement contrôlées par des pouvoirs organisateurs (l’Etat,les collectivités locales, une organisation religieuse, etc.). Ellespeuvent se fonder sur des examens, des tests, des entretiens, desdossiers, les résultats scolaires antérieurs, etc.

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Ces différences relatives à l’architecture des systèmes scolaires et auxprocédures de sélection et de répartition des élèves ont desconséquences importantes :

- Certains modes d’organisation produisent de fortes différencesentre une élite scolaire atteignant de très hauts niveauxd’excellence et un nombre important de jeunes en grave échec(France) alors que d’autres permettent à une masse d’élèvesd’atteindre un bon (ou excellent) niveau de réussite (Finlande).

- Ces différences se traduisent par des différences notables dans la

manière de se représenter son avenir et de se poser la question deson orientation.

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En France : l’organisation de l’école prend la forme d’une hiérarchie defilières de formation estimées plus ou moins prestigieuses. Dans ce cadre, la logique dominante des jeunes et des parents en matière d’orientation est celle de l’excellence scolaire (Bernadette Dumora). L’idée est de s’engager le plus longtemps possible dans les filières les plus valorisées sans trop s’interroger sur ce que l’on fera par la suite. Cette logique d’excellence est d’abord celles des bons élèves et de leur famille. Plus généralement : la projection dans l’avenir des lycéens français prendla forme d’intentions d’études. Il s’agit d’un appariement de schémas desoi scolairement produits (par exemple : « bon en maths ») avec desreprésentations stéréotypées (simplifiées) de filières de formation (« des études d’ingénieur, ça suppose d’être bon en maths ») et de professionsprototypiques (« ingénieur », c’est un métier scientifique »).

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Ceux qui sortent de l’école sans diplôme génèrent souvent le sentiment d’être dépourvus de qualités et de compétences : un ensemble de représentations de soi correspondant à ce que Serge Paugam a nommé un sentiment de disqualification sociale. En Finlande : l’organisation de l’école est modulaire. Le poids de lastructure scolaire est moindre dans la mise en forme des projectionsdans l’avenir des élèves (Michael Motola).

Les jeunes sont immédiatement confrontés à des problèmesd’orientation scolaire qui ressemblent beaucoup à ceux qu’ilsrencontreront dans leur vie d’adulte : quel sens cela a-t-il pour moique de m’investir dans tel module ? Dans quelle perspective future,j’inscris ce choix ou cette combinaison de choix ?

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En résumé : - L’organisation française de l’école et les procédures d’orientation

qui y ont cours conduisent les jeunes à se poser la question de leuravenir en s’interrogeant sur leur passé scolaire.

- L’organisation finlandaise de l’école conduit les élèves às’interroger sur leur avenir en se posant la question du sens futurde leur engagement dans tel ou tel module ou dans la conjonctionde tel apprentissage avec tel autre.

La question primordiale de l’élève français en matière d’orientationest :

- Qu’est-ce que celui que je suis (d’un point de vue scolaire) mepermet d’espérer ?

Celle d’un élève finlandais est : - Quel/qui est celui que je souhaite construire ?

La manière finlandaise semble plus en consonance que la manièrefrançaise avec les modes de rapports à soi et à ses expériences quesupposent les sociétés de la modernité avancée.

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3. Aider les jeunes à former leurs compétences pour s’orienter et les

accompagner dans leur orientation

- Comment faire pour aider chacun et, plus particulièrement les jeunes, à se former de telles compétences ?

- Comment faire pour les y aider et les accompagner dans leur

orientation ? Trois catégories d’interventions, formant trois niveaux, peuvent être distinguées.

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3.1 Des interventions d’information en orientation professionnelle (et

par extension : scolaire) Objectif : Aider les bénéficiaires à se construire une idée plus précise dutravail et de l’emploi d’aujourd’hui (fonction professionnelle, activités,organisation du travail, conditions de travail, perspectives d’emploi,évolution prévisibles, carrière, formation, procédures et modalités derecrutement, etc.) Les interventions de ce premier niveau sont fondamentalement de naturepédagogique.

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3.2 Des interventions psychopédagogiques en orientation

professionnelle (et par extension : scolaire) Objectif : Conduire les bénéficiaires à développer des modes de rapport àeux-mêmes et à leurs expériences en relation avec les exigences decertaines activités ou fonctions professionnelles d’aujourd’hui. Les questions centrales sont relatives tout particulièrement auxcompétences :

- Requises pour exercer telle ou telle activité professionnelle, à lamanière dont les personnes qui les effectuent ont construit cescompétences (à l’occasion de quelles expériences ?),

- Déjà construites par le bénéficiaire et aux expériences qui lui ontpermis de les construire,

- Qu’il pourrait encore développer et aux expériences de formationrequises.

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Exemples d’interventions de ce type : - Les ateliers d’éducation à l’orientation DAPP - Le portefeuille de compétences, élaboré par Jacques Aubret et La

Fédération Nationale des Centres Interinstitutionnels de Bilans deCompétences (2001)

La nature de ces activités d’accompagnement suppose qu’elles soientconduites par des professionnels ayant reçu une formation théorique etpratique conséquente en psychologie du conseil et de l’orientation.

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3.3 Des interventions dialogiques de conseil d’accompagnement à la

construction de soi 3.3.1 Knowing why Les objectifs des interventions psychopédagogiques ne peuvent suffire dansnotre contexte d’incertitude et d’interrogations sur les repères et valeurspermettant à l’individu de s’orienter. Les interventions psychopédagogiques portent fondamentalement sur leknowing how et le knowing whom. Elles ne peuvent aborder quemarginalement la question du knowing why. Knowing why : le sens que prend pour l’individu tel ou tel engagement dans sa vie. La réflexion ne porte plus simplement sur le parcours professionnel : c’est celle de l’intégration de ce parcours dans une vie qui fasse sens pourlui.

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Pour s’orienter dans les sociétés industrialisées contemporaines la personne doits’engager dans des activités réflexives visant à construire ce sens de soi, un sens de soi qui ne soit pas unidimensionnel (Cf. Herbert Marcuse).

Une telle réflexivité ne peut se construire que, progressivement, via des dialogues – des interactions et des interlocutions : un tenir conseil (Alexandre Lhotelier) qui permettent à la personne de mettre en différentes perspectives futures ses différentes expériences et d’en déterminer le sens, un sens qui n’est jamais définitivement établi.

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Une telle construction concerne tout particulièrement les adolescents et adultesémergeants.

Pour ceux-ci, s’orienter, c’est d’abord construire certaine(s) mise(s) enperspective(s) de soi (de son présent, de ses différents présents) du point devue de certaines anticipations de soi qui importent aujourd’hui pour eux. Les entretiens de conseil en orientation constructiviste / constructionniste ontpour objectif de les accompagner dans une telle réflexion. Ces entretiens visent àaider la personne à construire des récits de soi (aujourd’hui imaginaires) telsqu’elle pourrait les tenir à certain(s) moment(s) de son futur (à un ou desmoment/s où elle aurait le sentiment d’avoir accompli quelque chose dans l’un deses domaines de vie), sur le thème :

- Voici ce qui, dans mon passé (donc dans ce qui est son actuel présent,passé et futur) m’a conduit à être – ou m’a permis d’être – ce que je suisaujourd’hui (cet aujourd’hui étant dans le futur).

Ces récits peuvent être plus ou moins précis, réalistes, etc. Et, c’est là-dessus quel’engagement dans l’activité de s’orienter doit faire porter le travail. De tels entretiens ne peuvent être conduits que par des professionnels de la psychologie du conseil.

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C’est à la mise au point de telles interventions, en relation avec la définitiond’un cadre théorique, que nous travaillons depuis cinq ans, au sein d’un petit groupe de chercheurs issus de cinq pays d’Europe : Belgique, France, Italie, Pays-Bas, Portugal, Suisse et des Etats-Unis : L’International Life Design Research Group.

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Le postulat fondamental de L’International Life Design Research Groupest que, dans notre contexte social actuel, l’activité de « s’orienter » ne peutplus se réduire à la question de la construction d’un parcoursprofessionnel, mais qu’elle est un acte continué de conception et deconstruction sa vie : un acte de « life designing » qui inclut la constructiond’un parcours professionnel, mais ne peut s’y réduire.

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3.3.2 L’entretien constructiviste de conseil en orientation Une synthèse des recherches contemporaines en sciences humaines et

sociales, relatives à la construction de soi, dont l’objectif est de fournir unebase théorique pour des entretiens de conseil en orientation.

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L’entretien constructiviste de conseil en orientation – destiné principalement à de grands adolescents et à des adultes émergeants – a été élaboré dans ce cadre conceptuel constructiviste.

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L’entretien constructiviste de conseil en orientation s’adresse à des jeunesdont les interrogations majeures sont les suivantes :

- « Que pourrais-je bien faire plus tard ? », - « Que veux-je faire de ma vie ? », - « Comment parvenir à réaliser certaines de mes attentes ? »

Objectifs fondamentaux : Aider le consultant à :

o Définir certaines ANTICIPATIONS relatives à son avenir, o Définir certaines conduites susceptibles de favoriser la réalisation

de ces anticipations, o S’engager dans de telles conduites.

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Se faire soi Les travaux contemporains en psychologie et en sociologie décriventl’individu des sociétés postmodernes comme un être pluriel qui s’unifie entotalisant ses différentes expériences, dans des mises en perspectives de soi,alors fondamentales pour lui. Dans nos sociétés, l’individu interagit et dialogue dans des contextes qui nesont pas nécessairement consonants entre eux. Il tient des rôles qui diffèrentd’un contexte à l’autre où il agit et interagit d’une manière propre à chacund’entre eux. Il développe ainsi un répertoire d’expériences plus ou moinsdiversifiées et plus ou moins hétérogènes qui le conduisent à produire desreprésentations diversifiées de soi. Pour décrire cette pluralité, le modèle Se faire soi décrit l’identité individuellecomme un système dynamique de formes identitaires subjectives.

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Le concept de forme identitaire subjective (FIS) vise à décrire chacun dessois qu’un individu construit et met en œuvre (ou a construit et mis en œuvreou, encore, anticipe de les construire et de mettre en œuvre) dans un certaincontexte. Une FIS : un ensemble de manières d’être, d’agir et d’interagir en lien avecune certaine représentation de soi – une certaine conception de soi – dans un certain contexte.

Cette représentation de soi peut être plus ou moins claire et explicite etdonner lieu à des affects et émotions plus ou moins vifs.

Une FIS correspond généralement à un certain rôle social. Mais une FIS est plus qu’un rôle : elle inclut les schémas d’actions et

d’interactions dans ce rôle, la réflexion sur soi dans ce rôle, les manièrescorrespondant à ce rôle de se rapporter à soi, aux autres et aux différentsobjets du monde, les discours sur soi à propos de ce rôle, etc.

Exemple : « moi élève de terminale scientifique »

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Une FIS correspond à un ensemble constitué, dans un certain contexte,

Exemple : Moi, élève de terminale scientifique

- De schémas d’actions et d’interactions (liées à des scripts) renvoyant à des savoirs, savoir-faire et savoir-être (des attitudes), etc.

- En maths, je fais systématiquement chez moi tous les exercices du bouquin correspondant au cours.

- …

- De modes de rapports aux « objets » du contexte en question.

- Pour moi, les maths et l’anglais sont les deux disciplines indispensables pour réussir dans le monde d’aujourd’hui

- … - Des modes de rapports aux autres

participants à ce contexte, d’interactions et d’interlocutions avec eux.

- Mon meilleur copain est vraiment une grosse tête en maths. On discute ensemble des problèmes de maths quand on ne comprend pas. Mais on a aussi les mêmes goûts pour les films. On va souvent au cinéma ensemble

- … - De modes de rapports à soi générés

dans ce contexte (généralisations d’observations de soi, sentiments de compétences, une certaine estime de soi, etc.).

- Je suis bon en maths. J’aime ça. - Dans les autres matières, ça va. - …

- Dans certains cas : d’anticipations futures liées à ce contexte présent

- Avec mon copain, on veut déposer un dossier pour entrer en classe prépa, l’année prochaine.

- Parfois on délire : on s’imagine à Princeton en train de résoudre ensemble un problème de maths.

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Certaines FIS renvoient aux contextes actuels d’interactions et de dialoguesde l’individu.

D’autres renvoient à des anticipations ou à des imaginations de soidans le futur.

D’autres correspondent à des expériences passées ayantdurablement marqué la personne.

A un moment donné, certaines FIS tiennent généralement une place pluscentrale que d’autres dans l’organisation du SFIS d’un individu donné. Pourun jeune, ce sera « moi, lycéen de terminale scientifique ». Pour un autre, cesera « moi, pompier volontaire ». Les FIS centrales sont généralement celles qui donnent lieu à l’élaborationde FIS anticipées (FISA) : elles conduisent l’individu à imaginer son aveniren privilégiant cette ou ces perspective(s)-là et à donner une cohérence àl’ensemble de son Système de FIS à partir d’elle(s).

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Le Système des FormesIdentitaires Subjectives de Hasni (un exemple fictif fondé sur des cas rééls)

Hasni, 17 ans, né en France, de parents originaires du Maroc est élèveen Bac Professionnel électrotechnique.

Les 5 sphères formant un X au niveauintermédiaire figurent des FIS correspondant àdes activités actuelles de Hasni

•Sphère centrale: FIS “moi, lycéen de Bac Pro électrotechnique s’anticipant comme futur étudiant”• Sphère droite: FIS “moi, employé les week-ends dans une PME d’assistance informatique à domicile”• Sphère gauche: FIS “moi, aimant de Nathalie”•Etc.

L’axe central représente le passé (bas), le présent(centre) et le futur (sommet)

• Sphère inférieure: FIS “moi, fils d’immigrés du Maroc, attendant de la réussite à l’école de leursenfants intégration et ascension sociale”• Sphère supérieure centrale: FIS anticipée “moi, étudiant en BTS informatique”• Sphère supérieure arrière droite: FIS anticipée“moi, technicien en informatique”• Sphère supérieure arrière gauche: FIS anticipée“moi, en couple avec des enfants”

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Cette illustration ne donne qu’une image simplifiée de la subjectivité del’individu et en masque le dynamisme La structure, que montre l’image, évolue en lien, avec différents processusdynamiques, notamment, deux types de réflexivité en tension :

- des processus d’identification conduisant à l’élaboration de certainsidéaux (par exemple : l’identification à l’image de certainspersonnages ou à des grands systèmes de croyances, comme unereligion, ou de valeurs, comme les droits de l’homme, etc.).

- et des processus d’interprétation conduisant à s’interroger sur ces

identifications, à les mettre en perspectives, à les discuter, endéveloppant notamment des métacognitions, des mises à distance de cequi, à un moment donné, apparaît comme une certitude établie.

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Ce système de formes identitaire subjectives tend à être d’autant plusdiversifié (correspondant à une pluralité de FIS) et susceptible dedynamisme que l’individu a l’occasion d’interagir dans des contextesnombreux et différents entre eux. Conséquence :

Dans des sociétés « fluides », les individus – certains plus que d’autres– peuvent développer des répertoires « d’identités » actuelles oupotentielles plus vastes – et aussi modifier plus aisément ces répertoires –que dans des sociétés plus rigides, moins diversifiées, plus monolithiques. Cf. Les différences de capital d’identités pointées par James Côté.

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L’entretien de conseil en orientation constructiviste vise à aider lesbénéficiaires à :

- Identifier certaine(s) forme(s) identitaire(s) subjective(s) (FISA)correspondant à des anticipations majeures pour eux.

o Cela suppose qu’ils cartographient le système actuel de leurs

formes identitaires subjectives (SFIS) (passées, présentes etanticipées).

- S’engager dans des activités favorisant la réalisation de telles

anticipations (et, corrélativement, dans certains cas : s’engager dans unprocessus de transformation de leur système actuel de formesidentitaires subjectives).

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Cet entretien ne diffère pas – dans ses principes généraux et sa structure –d’une interaction dialogique de conseilen orientation (counseling interventionou career counseling intervention) « classique » (Par exemple : Gysbers, Heppner, & Johnston, 2003, parties II à IV ; Guichard & Huteau 2006, pp. 231-274 ; Guichard & Huteau, 2007,pp. 95-102 & 173-182) :

- Construction de l’alliance de travail

- Analyse et réflexion de la part du bénéficiaire.

- Synthèse personnelle, définition d’un projet et conclusion de l’interaction.

Pour une présentation détaillée de sa méthodologie:

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Remarques sur cet entretien : Il s’agit d’une forme d’accompagnement en orientation ambitieuse etcoûteuse, dont la visée est émancipatrice.

- Ambitieuse : cet entretien se donne pour objectif fondamental d’aiderles consultants à faire face à l’exigence sociale propre à nos sociétésd’être des « entrepreneurs de leur vie ». Il vise à aider le consultant à construire certains modesd’interrogations relatives à lui-même le conduisant à mettre enperspectives ses manières habituelles de se rapporter à soi, aux autreset aux objets de son monde. L’intention fondamentale de cette approche est d’aider la personne àdévelopper certains modes d’interrogativité à propos de soi et de sonexistence.

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Cette intervention d’accompagnement en orientation est …

- Coûteuse : Atteindre un tel objectif prend du temps : une simplematinée d’entretien avec un conseiller ne peut permettre au consultantde développer de tels processus de réflexivité.

Plusieurs sessions réparties sur quelques semaines sont nécessaires.

De plus : Ce qui se passe entre les sessions joue un rôle important dansla progression du consultant.

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- Cette intervention d’accompagnement en

orientation a une visée émancipatrice De nombreux auteurs ont observé (voirnotamment : Rogers, 1951; Kelly, 1955;Bourdieu, 1997, pp. 276-288) qu’une prise deconscience par l’individu de la manièredont il structure et se représente sonexpérience – dont il l’a construit de manièreimplicite – constitue toujours en elle-mêmeune certaine émancipation. L’objectivation de ce qui reste habituellementimplicite constitue une prise de distance parrapport au « ça va de soi » de l’expérience etdes routines quotidiennes et, par là même, uneouverture vers la possibilité de développer denouvelles expériences et routines.

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Conclusion : aider les personnes à s’orienter Trois mots-clés pour résumer les compétences fondamentales requises pours’orienter aujourd’hui :

- Souci de soi (Michel Foucault) : une connaissance de soi par soi et uneactivité de soi sur soi tendue vers la réalisation d’un certain idéal (voirDits & Ecrits, Tome 4, pp.622-623).

- Narrativité : l’habilité à intégrer dans un récit unifié sur soi différentes vues de soi dans le futur permettant de mettre son présenten perspectives. Cf. Philippe Malrieu : la personnalisation.

- Art de l’adaptation : l’habilité à repérer dans un contexte deséléments faisant sens pour soi et à s’en saisir, pour les inscrire danscertaines perspectives personnelles déjà-là, ou bien définies ouredéfinies à ce moment. L’art de l’adaptation n’est pas un simple ajustement à un contexte, mais une capacité à anticiper quelque chosepour soi dans ce contexte (en le transformant éventuellement).

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En résumé… L’organisation de l’enseignement secondaire en France ne favorise pas laconstruction par les jeunes de telles compétences fondamentales. Aucontraire. On peut distinguer trois niveaux différents d’intervention en vue d’aider lespersonnes à s’orienter :

- Information, - Approche psychopédagogique, - Conseil.

Dans les trois cas, il est nécessaire que les professionnels qui en ont la chargesoient formés. Les interventions de conseil ne peuvent être conduites que par des personnesayant suivi une formation théorique et pratique de haut niveau en psychologie du conseil. Ce serait une garantie pour les bénéficiaires si ces interventionsd’accompagnement ne pouvaient être effectuées que par des professionnelsayant de telles qualifications.

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Limites de la conception de l’orientation qui vient d’être présentée S’orienter, dans nos sociétés contemporaines occidentales, est une activitéde gouvernement de soi par soi, en relation avec des normes sociétales etinstitutionnelles définissant certains modes pertinents de rapports à soi et àses expériences. S’orienter, c’est se centrer sur sa construction personnelle. Cependant : la situation économique, sociale, écologique, etc., mondialeactuelle n’exigerait-elle pas de revoir notre conception de l’orientation ? Ne conviendrait-il pas d’aider les individus à s’interroger sur les conséquences pour eux-mêmes et pour l’humanité en général de leurengagement dans telle ou telle activité professionnelle ? Ne conviendrait-il pas d’introduire systématiquement les problématiques ducare – du souci d’autrui – au cœur même de la réflexion sur legouvernement de soi ?

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L’objet même de l’orientation professionnelle changerait.

Il ne s’agirait plus seulement pour la personne de savoir repérer certaines opportunités qui s’offrent à elle en fonction de ses compétences techniques, des relations qu’elle a bâti et du sens qu’elle donne à son existence, mais aussi de s’interroger systématiquement sur les conséquences humaines – pour elle et pour autrui – de son éventuel engagement dans cette mission professionnelle et, plus généralement, dans ce parcours de vie. Un tel changement de perspective n’a de sens qu’en relation avec unetransformation fondamentale de l’organisation et de la répartition mondiale dutravail. Celles-ci étant alors pensées, non pas en fonction de la maximisation desprofits financiers, mais en fonction de la maximisation du développementhumain qu’elles peuvent produire. Définir les finalités, les objectifs de l’orientation conduit nécessairement à s’inscrire dans un débat politique majeur…

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Qu’est-ce que s’orienter aujourd’hui?

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MERCI POUR VOTRE ATTENTION _______________

Jean Guichard jean.guichard@cnam.fr