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7/21/2019 Objectif 2 Degrs
1/4
Gigatonnesde CO
2
4 C
5,3 C
2 C
45
55
35
25
15
2000 2010 2020 2030 2040 2050
Hypothse pessimisteHausse des tempraturesde 5,3 C.
Hypothse intermdiaireHausse des tempraturesde 4 C.
Hypothse optimisteHausse des tempraturesde 2 C.
60- Sciences et Avenir - Juillet 2014 - N 809
NATURE
L .Et si nous parvenions la contrler ? contenir
laugmentation moyenne deson rchauffement 2 Celsius,
comme le prconisent les expertsdu Giec, le groupe dexperts inter-gouvernemental sur lvolutiondu climat ? Une quipe de scien-tifiques relve ce dfi. Elle entenddmontrer aux politiques que lesstratgies pour limiter le rchauf-fement climatique existent danschaque pays, pourvu quon lesmette en uvre ds aujourdhui.Ce Yes we can de la science estport par le Sustainable Develop-ment Solutions Network (SDSN)
et lInstitut du dveloppementdurable et des relations inter-
a ne semble pas grand-chose, mais 2C de plusen moyenne lchelle de la
plante constituent une limite
au-del de laquelle lhumanit
risque gros. Selon le rapport
2013-2014 du Groupe dexperts
intergouvernemental sur
leclimat (Giec), dpasser
ce seuil serait annonciateur
de phnomnes climatiques
extrmes. Or, les activits
humaines produisent des gaz
effet de serre (GES) qui fontcrotre la temprature de telle
manire que les prvisions
annoncent une augmentation
moyenne jusqu 5,3C dici
2050. Lobjectif de 2C (par
rapport lre prindustrielle)
ne pas dpasser a pourtant
t act par les Nations unies
lors de la 15eConfrence des
parties sur le changement
climatique Copenhague
(COP 15) en 2009. Mais cet
engagement est actuellement
non contraignant (ni contrleni sanction). Il reste donc
lentriner et le rendre effectif
de toute urgence. Lesommet
qui aura lieu Paris,
en dcembre 2015, pour
la COP21 sera crucial en
cesens. Tous les acteurs de
la lutte contre le changement
climatique se mettent en ordre
de bataille.Sciences et Avenir
suivra au plus prs les enjeux,
dbats, projets, qui permettront
dobtenir ou pas
ce vritable accord ambitieuxsur le climat.
nationales (Iddri). Baptis DeepDecarbonisation Pathway Pro-ject (DDPP), il va faire lobjet dunpremier rapport remis le 8 juillet Ban Ki-moon, secrtaire gn-
ral des Nations unies, dont nousavons la primeur.Rappelons les faits : si lhumanitcontinue se dvelopper sans rienchanger son mode de consom-mation et de production businessas usual , la plante se rchauf-fera dici 2050. Et ce, en raison delmission des gaz effet de serre(GES), le protoxyde dazote (N
2O),
le mthane (CH4) et, principale-
ment, le dioxyde de carbone (CO2)
manant des activits humaines
(voir linfographie ci-dessus). Cesgaz persistants dans latmosphre
Objectif 2 C :mission possible ?
Un groupe de scientifiques de 15 pays propose des scnarios innovants
de dcarbonation pour limiter le rchauffement de la plante. Exclusif.
Par Elena Sender
La hausse attendue
des tempraturesmoyennes mondiales
est fonction delaugmentation delmission de CO
2.
SOURCE:AGENCEINTERNATIONALEDELNERGIE-INFOGRAPHIE:BETTYLAFON
Hausse des tempratures selon le Giec
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2/4
Chine
tats-Unis
Inde
Russie
Japon
Allemagne
ore du Sud
Canada
Mexique
Indonsie
oyaume-Uni
ique du Sud
BrsilAustralie
France
9621
5118
2240
1802
1254
732
611
505
476
476
471
461
447371343
N 809 - Juillet 2014 - Sciences et Avenir - 61
NATURE
Climatologie
forment comme un couvercle deCocotte-Minute au-dessus de nos
ttes qui, en empchant la cha-leur dtre vacue, fait grimperle thermomtre terrestre. Conte-nir laugmentation de cette temp-rature 2 C implique de diviserde moiti les missions mondialesde GES dici 2050 et par quatredans les pays les plus industrialiss. Cest impossible, assure ChristianGollier, professeur dconomie Toulouse School of Economics,membre du Giec. Il faudrait uneaction massive immdiate et gn-
rale, cest illusoire. Pour beau-coup, en effet, lobjectif du 2 Cest irraliste.Mais pas pour tous. LconomisteJeffrey Sachs (lire p. 61), directeurdu SDSN et de lEarth Institute deluniversit Columbia New York,et Laurence Tubiana, fondatricede lIddri et reprsentante sp-ciale du gouvernement franaispour la confrence Paris Climat2015, ont eu lide de runir autourde la table des scientifiques issus
des 15 pays parmi les plus met-teurs de GES et de leur confier
une mission : tablir les trajec-toires de dveloppement de leur
pays compatibles avec lobjectif de2 C. Ils doivent dfinir des scna-rios sectoriels et technologiques cr-dibles, ralistes et conomiquementviables lhorizon 2050, afin de per-mettre une division des missions deCO
2par 2 par rapport aujourdhui,
explique Emmanuel Gurin, delEarth Institute, coordinateur duDDPP New York. Son alter ego Paris, Henri Waisman, de lIddri,prcise : Cela revient dfinir
AGENDA
PARIS 2015. Jusqu 25 000 dlgus sontattendus pour 21econfrence des parties de lONU(COP 21) sur le climat qui se tiendra Parisdu 30 novembre au 11 dcembre 2015,
sur le site du Bourget. 195 pays tenteront nouveau de signerun accord pour limiter le rchauffement climatique. 40 000 50 000 personnes sont attendues.
LES PROCHAINS RENDEZ-VOUS22 septembre 2014 : sommet sur le climat lors de lAssemblegnrale des Nations unies.14 au 18 octobre 2014 : runion du Giec Batoumi (Gorgie) :adoption de la synthse du cinquime rapport dvaluation.1erau 12 dcembre 2014 : COP 20 Lima (Prou).1ersemestre 2015 :remise des engagements et des plans daction
des tats.30 novembre au 11 dcembre 2015 :COP 21 Paris.
Les 15 pays participant au projet DDPPeprsentant 75 % des missions de CO2au
nde (en millions de tonnes de CO2en 2012).
La Chine va devoir investir dans les nergies renouvelables (ici, le solaire) pour faire baisser sa partde production dlectricit issue du charbon, nergie hautement missive de CO
2.
BETTYLAFON
REUTERS/CHINADAILY
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NATURE
Climatologie
INTERVIEW
JEFFREY SACHSDIRECTEUR DE LEARTH INSTITUTE
LUNIVERSIT COLUMBIA, TATS-UNIS, ET DIRECTEUR DU SDSN
Cela supposeune transformationprofondede lconomie
mondiale Comment contenir laugmentation detemprature moyenne en de de 2 C ?Les missions de CO
2tendent augmenter
paralllement lconomie mondialequi crot de 3 4 % par an. Elles sontactuellement denviron 36 gigatonnesde CO
2par an et senvoleront plus de
50 Gt/an dici 2050 si on nagit pasimmdiatement. Un scnario 2 C impliquede les ramener environ 15 Gt/an en 2050.Comme la population devrait augmenterde 7,2 milliards 9,3 milliards dhabitants,
cela revient viser en moyenne 1,7 tonnede CO
2mis par personne et par an cette
chance. Cest le chiffre de travail priscomme rfrence dans notre projet derecherche DDPP (lire ci-contre).
Que rpondez-vous ceux qui estiment quele scnario 2 C nest plus raliste ?Ce scnario est possible. Il a t act parles Nations unies. Il est clair quil rclameun effort gigantesque. Les changementsne surviendront pas en une nuit, ilsdemanderont des dcennies de politiquerigoureuse, mais ils peuvent se produire.Dnormes gains en matire defficacitnergtique sont ralisables dans chaquesecteur majeur de lnergie, beaucoupde grandes villes peuvent rduireleur poids nergtique travers un meilleururbanisme, un dveloppementdes transports publics, etc.
Dans votre Deep decarbonisation pathwaysproject le mot deep (profond) est crucial.Pourquoi ?Nous devons abaisser les missions globalesde manire brusque alors que dans le mmetemps lconomie va crotre. Cela impliquedes transformations profondes de lconomie
mondiale. Plus profondes que les politiquesne semblent le raliser. Propos recueillis par E. S.
des trajectoires dont les missions
ne dpassent pas, en moyenne pourles quinze, un chiffre de rfrencede 1,7 tonne de CO
2mis par per-
sonne et par an en 2050. Certainsmettront un peu plus, dautres unpeu moins. Cest la moyenne quicompte. Aussi, depuis dix mois,une soixantaine de scientifiquesde 15 pays (Afrique du Sud, Alle-magne, Australie, Brsil, Canada,Chine, Core du Sud, tats-Unis,France ; Inde, Indonsie, Japon,Mexique, Royaume-Uni et Russie)
responsables de 75 % des mis-sions de CO2actuelles planchent
sur leur scnario dun monde aurgime dcarbon.
Deux outils danalyse innovants
servent aux projectionsLa chasse au carbone est ouverte.Comment ? Au lieu de faire des
prvisions (forecasting) partir desdonnes actuelles, comme le pratiquele Giec, nous faisons du back casting,explique Henri Waisman.Cest--
dire que chaque pays part de son pointdarrive en termes de dveloppementen 2050 (croissance, population,mobilit, occupation rsidentielle,taux dlectrification, rduction de la
pauvret, etc.), associe un objec-tif de forte rduction des missionsde CO
2par personne. Puis il tablit
les chemins possibles pour y parve-nir. Chaque quipe utilise pourcela deux outils danalyse dve-lopps par lIddri et le SDSN. Une matrice de stratgie de dcarbo-
nisation , sorte de grand tableau entres multiples, qui dcritlvolution des dix grandes acti-vits sources dmissions. Puis untableau de bord qui traduit ceschoix en chiffres.
Mission accomplie ? Oui ! En
France, nous proposons deux sc-narios 1,4 t de Co2
par personneet par an contre 5,6 aujourdhui,affirme Patrick Criqui, reprsen-tant franais du DDPP, directeurdu laboratoire dden (CNRS)(lire p. 60). Les tats-Unis fontpresque aussi bien. Nous avonsquatre scnarios 1,7 t de Co
2,
contre 17,5 t en 2010, expose JimWilliams, reprsentant amri-cain de DDPP, directeur scienti-fique dEthree (E3), une socit
de conseil californienne spcia-lise dans llectricit. Pour cela,btiments, vhicules et industriesdoivent avoir la plus grande effica-cit nergtique possible. Llectricitdoit tre quasi dcarbone (doriginenon fossile), soit ne pas dpasser 5 %de llectricit venant du gaz naturel(contre 27 % aujourdhui) ou 2,5 % ducharbon (39 % aujourdhui). Enfin,tous les usages finaux qui peuventtre lectrifis doivent ltre. Et laChine ? Il est difficile denvisager
quelle se dgage compltement ducharbon, explique Henri Wais-man. Cest pourquoi, le dploiementde solutions de capture et de stoc-kage du carbone (trs incertaines)ainsi que le dveloppement maxi-mal des technologies bas carbone,notamment renouvelables, consti-tuent des enjeux techniques essen-tiels pour elle. Une fois ce premier rapport remis lONU en juillet, senclenchera ladeuxime phase du projet : dter-
miner les cooprations interna-tionales mettre en place pourrendre ralistes ces scnarios auplan mondial. Comment financertout cela ? Ce sera aux politiquesde rpondre cette question-l.
Chaque pays part de son pointdarrive en termes de dveloppementen 2050, associ un objectif de forte
rduction des missions de C02Henri Waisman,Institut du dveloppement durable et des relations internationales
DEPAULA/AFP