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1 2 - ANNÉE — N° 6O2 LE NUMERO 5O CENTIMES Dimanche 2O Juillet 1884

LES L L Q U Û JJJLiET DU CANNET

Politique, Littérature, Beaux-Arts. Agriculture. Commerce. Industrie,. Liste des Étrangers. Aniionc-es (lommereiale et JudiciairesMONITEUR DES ÉTRANGERS

A B O N N E M E N T S

6 mois 3 moisCannes et dépt. voisins . . . 12 > fi,50Aut res dépar tements 13» 7 >

Etranger, frais de posle en sus.

P R I X DES ANNONCES

la ligneAvis divers et réclames ÔO c.Annonces légales 25 >

— ordinaires 20 >

PARAIT TOUS LES DIMANCHESM. Ferdinand Jacob, Avocat, Directeur-Gérant

Les Abonnements partent du 1er et du 16 de chaque mois

REDACTION & GERANCE

C A N N K S

8 2 , — B u e d ' A n t i b ô n , — 82

(.iffrunchir)

BUREAUX DABONHEJfENTS

CANNES.— Imprimerie, rue d'Autibee, 13,

— Robaudy, libraire, r. d'Antilles.

NICE. — Agoncô Dalgoutt*.

FAILLITE DE LA BANQUE BIGALPremière réunion des Créanciers

Ce fut le lundi lu mai, premierjour des Rogations, que se fit la

^fermeture des guichets de la banqueRigal.

Nous avons relaté, dans notre_ ivaméro du 25 mai, dans quelles

otirconstances M. A Rigal avait dûse résigner à prendre cette doulou-reuse déterminai ion, et la paniqueque causa dans toute notre contréela fermeturo de cette banque que1 on croyait assise sur les bases lesplus solides.

Bien convaincu de ne rien faireperdre à ses créanciers., si la liqui-dation de sa maison de banque sefaisait avec prudence,M. Rigal avaitchargé de cette liquidation MM.Gazagnaire, Vestennann et Ay-naud, tous irois notaires à Cannes,M Baron, architecte, M. Loubet,négociant et M. Joseph Roubaud,avocat, à Grasse. La juste notoriétédont jouissaient ces six personnesinspira, de prime abord, à tous lescréanciers la confiance la plus en-tière et nous n'eûmes à signaler, àla fermeture de cette banque aucunfait digne d'être mentionné.

Dès qu'ils furent investis de leurs• fonctions, les liquidateurs se mirent

à l'œuvre, compulsèrent les livres,étudièrent la situation et, finale-ment, à la date du 30 mai, ils crurentdevoir conseiller à M. Rigal dedéposer son bilan et de se déclareren état de faillite.

-Û,u bilan déposé par M Rigal ledit jour 30 mai, il résultait que sonactif s'élevait au chiffre d'envi-ron dix-huit millions et demi —

< 18,500,000 fr. — et que son passifatteignait la somme d'environ qua-torze millions ci —1-1,000,000.

La situation, en apparence dumoins, semblait donc rassurante :l'actif devait dépasser le passif d'en-viron quatre millions et demi.

Le dit jour 30 mai, la faillite futdéclarée; M. Morel Lautier, jugeau tribunal de commerce do Grasse,t' t investi des fonctions de juge'.oramissaire ; M. Guerby, ancienprofesseur au collège de Grasse,fut nommé syndic provisoire.

Si nous nous référons à l'article462 du code de commerce, M lejuge commissaire aurait dû, dans((• juinzaine du jugement de dé-claration de la faillite, réunir lescréanciers présumés et les consul-ter sur la nomination de nouveauxsyndics, dresser procés-verbal deleurs diverses observations qui se-rait représenté au tribunal lequelnommerait enfin les syndics défini-tifs qui auraient la mission spécialede conduire, concuremment entreeux, toutes les opérations de lafaillite.

; Cette procédure édictée par l'arti-j cle 4G2 aurait pu, selon nous, êtreI suivie avec d'autant plus de facilité

que le syndic provisoire nomméavait dû trouver, en entrant enfonctions, un état à peu près com-plet de la situation de la banqueRigal et, notamment, la liste à peu

j près complète de tous les créanciers,! le tout dressé par MM. les liquida-

teurs amiables qui avaient été nom-més par M. Rigal, lesquels durantles dix jours qu'ils étaient restés enfonctions, avaient dressé cet état,et avaient dû, sous ce rapport, sin-gulièrement faciliter la tâche dujuge commissaire et du syndic pro-visoire. Mais il parait que cesderniers avaient, dans ce momentbien d'autres préoccupations.

La banque Rigal avait, dopuislongtemps un fondé de pouvoirsspécial, M. Signoret, qui était l'àmede la banque ; qui s'était, disait-on,livré personnellement à des spécu-lations de terrain et avait mêmeeu l'idée de se qualifier du titre debanquier dans certains actes. M.le juge commissaire et le syndicprovisoire, se croyant parfaitementen droit de se dispenser des pres-criptions de l'article 4G2, laissenttranquillement passer ce délai dequinzaine durant lequel ils devaientconvoquer les créanciers et faireconfirmer la nomination du syndicprovisoire en syndic définitif, pré-férant se subtituer aux droits descréanciers et, de leur autorité pri-vée, assignèrent M. Signoret en dé-claration de faillite. 11 était absolu-ment indispensable, prétendaient-ils de mener les deux faillites defront ; cela faciliterait leurs opé-rations.

M. Signoret,nous le comprenons,était, de par les fonctions qu'il avaitoccupées à la banque Rigal, l'hom-me lige de ce dernier, et il devaitse croire à la merci du syndic qui,jusqu'à confirmation de ses pou-voirs provisoires, représentaient lamasse des créanciers.

Il fut déclaré en faillite commeson patron, M. Rigal.

Nous ne voulons pas examinerici si cette demande en déclarationde faillite contre M. Signoret étaitfondée en droit et, surtout, si elleétait bien nécessaire ; disons seule-ment, en passant, que le jour mêmeoù M. Rigal dut fermer ses guichetsM. Signoret s'offrit spontanémentà abandonner aux créanciers deM. Rigal et à ses créanciers per-sonnels tout ce qu'il, possédait, qu'ilsigna même un acte contenant cetabandon.at l'on se demande qu'ellepouvait être la portée de sa miseen faillite en présence de cet aban-don spontané de tout ce qu'il possé-dait.

Mais il parait que cette mise eufaillite de Signoret ne suffisait pas

encore au syndic provisoire pourlui permettre de suivre le cours desopérations de la faillite de la ban-que A. Rigal.

Après la faillite de la banque A.Rigal père, après la faillite de Si-gnoret, le fondé de pouvoirs decette banque,ce fut la faillite de M.Léon Rigal fils, avocat, qui futdemandée et poursuivie à outrance.

M. Léon Rigal crut de son devoirde protester contre cette poursuite ;le jeune bâtonnier de l'ordre desavocats du barreau de Grasse priten main la défense de son confrère ;sur la demande de son client, ilsouleva d'abord, dans la chambredu conseil, un incident qui avaitson importance: il contesta a M.

| Maurel-Lautier, qui était le jugecommissaire de la faillite delà ban-que et sans l'autorisation duquel lapoursuite intentée contiv Léon Ri-gal par le syndic de cette failliten'aurait pu avoir lieu, le droit desiéger parmi les membres du Tri-bunal qui devaient juger cetteaffaire et, finalement^ ce derniercomprenant que sa dignité ne luipermettait pas d'être tout à la foisjuge et partie dans une affaire aus-si délicate, se récusa et l'on sait cequi arriva : le tribunal déclara nonrecevable et mal fondée la demandeen déclaration do faillite de M.Léon Rigal et condamna le syndicaux dépens.

Notons en passant que les motifsqui ont obligé M. Maurel-Lautier àse récuser sur la poursuite intentéecontre Léon Rigal, aurait dû déjàl'engager à se récuser sur la pour-suite intentée contre Signoret etque si cette récusation, pour causedesuspicion légitime,s'était produi-te, la demande en déclaration dela faillite Signoret n'aurait peut-êtrepas été mieux accueillie que la de-mande en déclaration de. faillitede Léon Rigal.

Ces divers incidents vidés, il fal-lait pourtant songer à se conformeraux prescriptions del'article 402, etfinir par où l'on aurait dû commen-cer, c'est-à-dire convoquer les cré-anciers de la banque Rigal et leurdemander leur sentiment sur laquestion de nomination de syndicsdéfinitifs.

Tandis que ces procès contre J-'i-gnoret et Rigal Léon se suivaient aGrasse, il se formait, à Cannes,deux courants d'opinions sur la fail-lit,' de la banque A. Rigal. Les uns— et l'on affirme que M. Gazagnaire, notaire et maire, était à leurtète — voulaient la confirmationpure et simple de la nomination deM. Guerby, qui serait passé de l'é-tat de syndic provisoire à l'état desyndic définitif ; les autres préten-dant, à tort ou à raison, que M.Gazagnaire exerçait une prépondan-ce trop accentué sur le syndic pro-

visoire M. Guerby, voulaient, aucontraire, adjoindre à ce dernierdeux autres syndics jouissant d'uneindépendance plus complète, et,tandis que l'on rapportait que M.Gazagnaire s'efforçait do concen-trer entre ses mains le plus de pro-curations possible de la part descréanciers, un groupe de créanciersse formait et s'organisait rue Her-mann, sous la présidence de M.Giraud, ancien notaire, et tachaitd'attirer à lui fous les créanciersqui voudraient leur donner leurconfiance.

Lorsque donc le greffier délivraet expédia à tous les créanciersconnus de la banque Rigal, des let-tres de convocation pour statuersur cette importante question Cenomination de syndics définifs, cha-cun connaissait ces deux courantsd'idées et on se demandait ce quiallait se produire.

Les lettres de convocation por-taient que la réunion aurait lieu, àGrasse, le jeudi 1T juillet courant,à 9 heures du matin, dans Ja salleordinaire du tribunal de commerce.

A l'heure indiquée, la plupart descréanciers convoqués se trouvèrentréunis, à Grasse, sur l'esplanadequi précède le palais de justice. Ons'accorde généralement à dire queces créanciers étaient au nombred'environ douze cents ; ils étaientvenus de Cannes et de tous les payscirconvoisins : les uns à pied, d'au-tres achevai, d'autres en voitures,d'autres enfin en chemin de 1er, etils ne tardèrent pas à envahir, lespieds poudreux et 'a sueur au front,la grande salie des pas perdus, lescouloirs, voire même la tribune dupremier étage.

En présence de cette armée decréanciers invités à se trouver dansune salle qui contient tout au pluscent cinquante personnes, on se de-mandait par quel miracle la réunionpourrait s'opérer dans ce local siexigu.

Quoi qu'il en soit, à 9 heures pré-cises, les portes de l'audience sontouvertes ; 150 personnes sur 1200envahissent la salle ; M. le jugecommissaire siège au bureau ayantà ses^côtés M, le greffier du tribu-nal et M. le syndic provisoire.

— Mais on ne peut entrer, crie-t-on de toute part ; et, nonobstantces protestations, M. le juge com-missaire déclare la séance ouverteet donne la parole à M. Guerby.

— On n'entend pas, on n'entendpas, répètent en chœur les créan-ciers hors de la salle ; on se pousseon se heurte et, finalement, M. lejuge commissaire, qui finit par com-prendre l'imprudence qu'on a euede convoquer dans une salle aussiétroite tous ces créanciers qui ont ledroit incontestable de voir, d'enten-

dre et de savoir tout ce qui se passe,lève la séance et convie tous cescréanciers à se rendre à la salle duthéâtre.

Au Ihéàlre. — La salle du théâ-tre, à Grasse, n'est pas des plusvastes ; en temps ordinaire, ellepeut contenir environ 600 person-nes mais, jeudi dernier, chacuns'entassa comme il put et les logesqui, par exemple, ne sont destinéesà recevoir que quatre ou six person-nes, étaient bondées de spectateurs.Partout on se tenait debout ; du par-terre au paradis, tout était plein,même les couloirs, C'était vraimentun jour de représentation excep-tion nelle.

M. le juge commissaire, le gref-fier, le syndic prennent place surla scène, devant une table disposéeà la hâte ; derrière ces personnagesofficiels s'installent, d'un côté, MM.les membres du comité d'initiativede la rue Hermann, ayant à leurtête M. Giraud, leur président ; del'autre côté se tient M. Gazagnaireet quelques personnes appartenantau groupe de créanciers qu'il repré-sente.

Bientôt le silence se fait, et M.Maurel-Lautier, juge commissaire,après avoir exposé le but de la réu-nion, donne la parole à M. Guerby,syndic provisoire, pour la lecturede son rapport.

Après la lecture de ce rapport,M. le jugo commissaire annonçaqu'il donnerait la parole à ceux quidésireraient la prendre.

Ce fut M. Giraud, président ducomité établi à Cannes, rue Her-mann,et représentant, nous assure-t-on, un groupe imposant d'environmille créanciers figurant à la failli-te de la banque pour un chiffre deprés de 10 millions, qui demanda,le premier, la parole.

M. Giraud lut à haute et intelli-gible voix un avis motivé,rédigé ausein du comité dont il avait la pré-sidence et aux termes du quel cecomité demandait, pour la conti-nuation des opérations de la faillitede la banque Rigal, la nomination,en qualité de syndics, de 1* M.Khabn,comptable émérite de Paris,spécialement recommandé par lagrande maison Goudchaux frères deParis si honorablement connue ; 2°M. Bret, avocat à Nice, ancien pré-sidentdu tribunal civil de Brignoles,et qui passe, à juste titre, pour undes jurisconsultes les plus énnnentsde notre région ; 3° et, par déféren-ce pour le tribunal, M. Guerby, quia rempli, jusqu'à ce jour, les fonc-tions de syndic provisoire.

Cette motion de M. Giraud futaccueillie avec un grand enthousias-me ; des applaudissements nom-breux et des bravos réitérés se fi-rent entendre.