Post on 04-Aug-2020
L'étude des annexes embryonnaires
- anatomie et physiologie -
chez Galien *
par Christine BONNET-CADILHAC **
D a n s son projet d'étudier l'anatomie des organes pour c o m p r e n d r e c o m m e n t et pour
quoi ils fonctionnent, Galien d o n n e u n e place toute particulière à celle d e l'appareil
génital chargé de la reproduction :
"La nature aurait désiré créer son oeuvre immortelle. Comme la matière ne le permettait
pas... elle a inventé un moyen admirable pour substituer toujours à l'animal mort un animal
nouveau" (1).
Il base son travail sur l'étude critique d e ses prédécesseurs en se réclamant c o m m e le
successeur d'Hippocrate, sur les préceptes d'Aristote et surtout sur la dissection.
Il décrit avec m é t h o d e et précision l'utérus, m a i s il lui attribue la m ê m e f o r m e q u e
celle de l'animal, c'est-à-dire "double" o u bicorne car il n'a disséqué q u e des a n i m a u x
et refuse la matrice en " f o r m e de ventouse" plus c o n f o r m e à la réalité h u m a i n e ( c o m m e
pour R u f u s et Soranos). Il prouve expérimentalement q u e les trompes utérines s'abou
chent dans l'utérus (et n o n dans la vessie) pour transporter la s e m e n c e élaborée dans les
"testicules" féminins à partir d u sang provenant des veines ovariennes : par là, il défend
les théories hippocratiques qui assuraient à la f e m m e u n rôle direct dans la reproduction
contre l'opinion d'Aristote qui voulait q u e celle-ci ne soit q u e le "réceptacle", la matiè
re façonnée à partir d u s p e r m e m â l e , seul initiateur de la vie (2).
N o u s laisserons d e côté dans ce travail le p r o b l è m e de la formation d e l'embryon
pour n o u s intéresser à "ce qui grandit dans l'utérus pendant la grossesse" (3), c'est-à-
dire les annexes foetales : placenta, vaisseaux ombilicaux, m e m b r a n e s et liquides o v u -
laires.
L e s difficultés sont fréquentes, soit q u e la terminologie, encore floue, diffère de celle
q u e n o u s e m p l o y o n s actuellement, et n o u s d e v r o n s alors n o u s reporter a u x autres
auteurs antiques ; soit, plus souvent, qu'il faille chercher u n m o d è l e chez l'animal car
Galien étend, par analogie, ses découvertes de dissection à l'espèce h u m a i n e .
* Communication présentée à la séance du 25 février 1989 de la Société Française d'Histoire de la
Médecine.
** 6, rue de la Loge, 34000 Montpellier.
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1/ L e placenta
N o u s emploierons ce terme, le plus usuel à l'heure actuelle, en sachant bien qu'il n e
désignait chez les latins qu'un gâteau plat o u u n e galette et n'a été introduit dans le lan
g a g e médical qu'à la Renaissance, tandis q u e les grecs usaient préférentiellement d u
terme d e "chorion".
P o u r les m é d e c i n s hippocratiques, le c h o r i o n est f o r m é e n m ê m e t e m p s q u e
l'embryon : le s p e r m e m â l e , retenu dans la matrice, se m ê l e à celui d e la femelle et se
coagule " c o m m e caille le lait", o u " c o m m e u n e croûte légère se f o r m e à la surface d u
pain qui cuit", puis e n gonflant attire le souffle et le sang menstruel qui, après avoir
f o r m é les chairs, se répartit dans les poches formées par les m e m b r a n e s appelées cho
rion (4).
Galien reprend cette théorie dans son traité Sur la semence :
"Le sperme... forme un corps continu et sans interruption... et, comme il est visqueux, épais et
en contact avec ces corps chauds, il se transforme facilement en membrane... il s'attache uni
quement aux endroits de la matrice où sa tunique est rabotteuse : c'est-à-dire à l'embouchure
des vaisseaux, où seulement il adhère".
"Il se procure les matériaux qui ont de Vaffinité avec lui, qu'il doit attirer de l'utérus et qui
sont le sang et le pneuma, à travers la membrane qui ne s'est pas durcie... Cette membrane
devient dure et continue... elle entoure entièrement tout le produit de la conception, percée seule
ment aux endroits à travers lesquels les matières cheminent... et où il se forme nécessairement
un vaisseau (5).
Voici la description qu'il d o n n e d u chorion :
"Le chorion adhère à l'utérus de la façon suivante : les vaisseaux de l'utérus qui se dirigent
vers l'intérieur et par lesquels la femme est purifiée de ses règles, voient leurs abouchements
s'ouvrir quand la femme va concevoir...
... L'adhérence se fait de la manière suivante : le vaisseau qui naît dans le chorion débute à
l'extrémité de celui qui se jette dans l'utérus ; on dirait alors que les deux en forment un seul.
Car ils se réunissent à leur embouchure, et chacun reçoit de la part de l'autre la veine, le
sang venant de la veine, l'artère, le "pneuma" de l'artère. Ainsi, les intervalles entre les vais
seaux du chorion que la membrane laisse voir sont aussi grands que ceux qui séparent les vais
seaux qui s'abouchent dans l'utérus" (6).
"Les vaisseaux sont rattachés les uns aux autres par une membrane mince, mais forte, qui
adhère extérieurement à tous les vaisseaux et s'insère sur les parties internes de la matrice. On
appelle chorion cette radication formée d'une multitude de vaisseaux qu'on ne saurait compter
facilement, et qui sont rattachés par une membrane mince et double" (7).
Galien c o m p a r e alors la distribution des vaisseaux aux racines d'un arbre qui s'unis
sent entre elles, progressivement, pour donner finalement les vaisseaux ombilicaux et il
s'extasie de n'avoir jamais v u se mêler veines et artères (8) mais, certain qu'il existe u n
passage direct d u sang entre la m è r e et son foetus, il fait s'aboucher les vaisseaux d u
chorion dans ceux de l'utérus, alors q u e les échanges se font à travers la " m e m b r a n e
villositaire" qui isole les d e u x circulations m a i s dont l'épaisseur infime n e peut être v u e
à l'oeil nu. U n e d e u x i è m e erreur, b e a u c o u p plus importante, est d'appliquer à l'espèce
h u m a i n e les résultats d e ses observations sur l'animal :
"En disséquant des femelles pleines, dont la nature n'est pas éloignée de la nature humaine,
comme la chèvre, la brebis, la vache, la jument et l'ânesse, on voit que le chorion est adhérent à
la matrice de la femelle pleine, au niveau des artères et des veines.
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Et le début de ces vaisseaux provient des artères et des veines de l'utérus dont les orifices
s'ouvrent dans la cavité interne ; et c'est par eux seulement qu'il y a communication entre le
foetus et la mère" (9).
A u c u n e espèce, en effet, n'est plus éloignée de la f e m m e q u e celles q u e Galien cite,
car elles possèdent u n placenta de type "diffus" o ù les vaisseaux foetaux serpentent sur
toute la surface de la m e m b r a n e choriale, tandis q u e les carnivores, et surtout la gue
no n , ont u n m o d e d e placentation qui pourrait se rapprocher d e l ' h o m m e .
Soranos, au contraire, d u fait d e sa pratique obstétricale, est plus proche de la réalité
h u m a i n e car il c o m p a r e cette m e m b r a n e , f o r m é e de nerfs, veines, artères et chairs : "à
une feuille de nénuphar, épaisse là où elle s'insère au fond de la matrice, membraneuse et fine
ailleurs" (10). Il n o u s fournit ensuite les différentes étymologies des termes e m p l o y é s
pour désigner le placenta :
"Chorion parce qu'il contient entièrement ( x o j p é ï v ) l'embryon et ce qui va avec lui, mais
d'autres disent que c'est parce qu'il est formé de nombreux éléments, comme un choeur, réser
voir ( a y y e w v ) parce qu'il recouvre complètement l'embryon, comme un récipient : secondines
( ô e v r s p o v ) et arrière-faix ( v a r e p o v ) parce qu'il suit de près l'arrivée de l'enfant ; enveloppe
(TtpopprjYpcc) parce qu'il enveloppe et secrète le liquide environnant pour un accouchement
plus doux" (11).
D a n s le langage populaire, % o p t o v représentait plutôt le cuir, la p e a u (cf. le proverbe
Xakenov xoptot) icova yexioai Thérocrite X , 11 : " F â c h e u x q u ' u n chien goûte au
cuir") et le terme rxyyEiov désignant d'abord u n récipient, u n réservoir, était utilisé par
les m é d e c i n s pour les canaux, les vaisseaux o u les enveloppes des organes, indifférem
m e n t , ce qui peut n o u s poser quelques problèmes de traduction. Actuellement, le cho-
rion est défini c o m m e l'enveloppe la plus externe de l'oeuf, qui dans l'espèce h u m a i n e
se différencie pour former la partie foetale d u placenta et la m e m b r a n e dite chorionique.
L e p r o b l è m e d e la fixation d u chorion, au niveau de l'abouchement des vaisseaux
utérins, est intimement lié à celui des cotylédons :
"Il y a aussi, les "cotylédons" qui sont pour le chorion des liens sûrs avec l'utérus, bien que
l'on dise que l'utérus de la femme n'a pas de cotylédons, car ils existent chez la vache, la
chèvre, la biche et d'autres animaux semblables, et leur corps est spongieux et chargé de muco
sités, et a une forme identique à la plante "cotylédon", l'herbe aux petites cymbales d'où leur
vient précisément leur nom" (12).
L e s cotylédons, appelés aussi caroncules utérines, sont des p r o é m i n e n c e s d e la
m u q u e u s e d u corps et des cornes de l'utérus des ruminants. C h e z la vache, ils sont au
n o m b r e d e cent environ qui sont disposés irrégulièrement sur toute la surface o u e n u n e
douzaine de rangées.
D a n s l'utérus n o n gravide, ils mesurent environ 15 m m d e long, u n p e u m o i n s en lar
geur et en épaisseur. L e u r surface profonde possède u n hile o ù pénètrent les vaisseaux ;
le reste de la surface a u n e apparence spongieuse d u fait d e n o m b r e u s e s cryptes qui
reçoivent les villosités choriales.
Il n'en existe ni chez la truie, ni chez la jument, ni chez la biche, contrairement aux
affirmations de Galien (13).
C'est à partir d'observations faites chez la brebis o u la chèvre dont les cotylédons
sont plus petits et présentent u n e dépression sur la surface libre, légèrement concave,
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q u e le n o m d e cotylédon fut d o n n é (dérivé d e K O T U À T I " c o u p e , jatte") qui désigne
divers objets en f o r m e d e c o u p e c o m m e les suçoirs de poulpe (Odysse V - 4 3 3 ) , la cavité
d e la h a n c h e o u la plante (14).
P o u r Aristote aussi, les cotylédons, qui sont des réserves de sang nourricier et qui se
vident au fur et à m e s u r e q u e la grossesse avance, ont "la partie c o n v e x e tournée vers
l'utérus, la partie concave vers l'embryon" (15).
G a l i e n s'appuie sur H i p p o c r a t e , citant l'aphorisme 4 5 (qu'il c o m m e n t e aussi
ailleurs) et sur d'autres auteurs, pour affirmer q u e l'utérus féminin possède des cotylé
d o n s :
"Hippocrate dit : toutes celles qui, d'une constitution normale, avortent à deux ou trois
mois sans cause évidente, ont des cotylédons pleins de mucus qui ne peuvent retenir l'embryon
du fait de son poids et s'arrachent" et assurément, Diodes de Carysto et Praxagoras de Cos,
fils de Nicarchos, qui vécurent peu après Hippocrate, disent cela, et beaucoup d'autres" (16).
M a i s il a besoin d'élargir la dénomination de cotylédon à l'ouverture des vaisseaux
dans l'utérus :
"Parce que la membrane qui l'entoure est encore molle et que les vaisseaux sont ouverts,
l'utérus par leur intermédiaire s'accroche à la membrane comme les poulpes s'attachent par
leurs suçoirs.
Car ces formations vasculaires sont tellement semblables aux suçoirs des poulpes qu'on ne
leur a pas donné d'autre nom. Je me suis longuement étendu sur cette question dans le 5e livre
sur l'anatomie dHippocrate (17) pour réfuter l'ignorance de ceux qui accusent cet homme qui,
d'après eux, appelle cotylédons les excroissances de chair qui se développent tout autour des
abouchements des vaisseaux, dans certaines espèces animales. Ce n'est pas notre opinion car,
en réalité, les cotylédons sont les extrémités des vaisseaux à travers lesquels chaque mois le
résidu du sang qui provient de tout le corps se déverse dans l'utérus'" (18).
C e p r o b l è m e devait diviser les anatomistes antiques et Galien pense pouvoir trancher
en reprenant à son c o m p t e la définition d e Praxagoras :
"Ils (Diodes et Praxagoras) nomment ainsi les ouvertures des vaisseaux dans l'utérus qui
possèdent pendant la grossesse des dilatations saillantes en forme d'articulation, identiques à
celles du rectum qui deviennent des hémorroïdes. Je tiens ce propos, non pour l'avoir deviné,
mais appris de Praxagoras. Car Praxagoras dit à peu près : "Les cotylédons sont les embou
chures des veines qui arrivent dans l'utérus". Alors l'utérus pourrait posséder des cotylédons.
Et je pense avoir clairement démontré les différences entre la femme et les animaux" (19).
M a i s pour R u f u s , qui a disséqué des singes, et Soranos, qui préconise la révision uté
rine manuelle en cas d'anomalie de la délivrance, la f e m m e n'a pas de cotylédons. C e
dernier, lorsqu'il cite Diocles, semble assimiler cotylédons et trompes :
"Diodes prétend qu'il y a aussi ce que Von appelle cotylédons, tentacules et cornes, dans la
cavité ( e v p v x c o p i a ) de l'utérus qui sont des excroissances semblables à des seins, larges à la
base et effilées à leur extrémité, situées de chaque côté, et prévues par la nature pour que
l'embryon s'exerce à tirer sur le bout du sein. Ce qui est anatomiquement faux. Car on ne peut
trouver les cotylédons, et les propos tenus à leur sujet sont contraires à la nature comme cela a
été prouvé dans les traités sur la reproduction" (20).
Il pourrait en effet faire référence a u x m ê m e s travaux de Diocles q u e cite Galien qui,
lui, interprète ces prolongements c o m m e des cornes utérines (21) dressées d e chaque
côté, n o n dans la cavité utérine, m a i s vers l'extérieur.
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Si l'utérus de la f e m m e n e possède pas de cotylédons au sens q u e Galien leur d o n n e ,
puisque la circulation materno-foetale se fait par l'intermédiaire d e centaines d'arté-
rioles spiralées et d e veinules diffuses dans la m u q u e u s e utérine sans a b o u c h e m e n t s
perceptibles, les m é d e c i n s ont gardé le terme d e cotylédon p o u r désigner les zones
polygonales séparées par des sillons, visibles sur la face maternelle d u placenta après la
délivrance.
2/ L e s vaisseaux ombilicaux
"Les vaisseaux du chorion, comme des racines nombreuses et petites, se réunissent et, dans
leur jonction, deviennent plus larges que les premiers. Ensuite, en grossissant progressivement,
tous se terminent dans deux espèces de troncs : les veinules dans les veines, les artérioles dans
les artères, une de chaque côté, à droite et à gauche, pénétrant dans le foetus par l'ombilic. Car
l'ombilic n'est rien d'autre que ces quatre vaisseaux avec iouraque au milieu" (22).
Galien n e fait q u e reprendre u n e idée bien ancrée dans l'antiquité, m a i s fausse : le
cordon ombilical est f o r m é de quatre vaisseaux, alors q u e la simple observation m o n t r e
qu'il n'en comporte q u e trois chez l'enfant : d e u x artères et u n e seule veine.
Hippocrate n'était pas aussi précis, m a i s il cherchait à n o u s prouver q u e les oiseaux
aussi possèdent u n cordon ombilical (23) puisque c'est par le cordon q u e le foetus res
pire et se développe (24).
P o u r Aristote également, tous les a n i m a u x , ovipares o u vivipares, ont u n cordon
ombilical en relation soit avec l'utérus, soit avec l'oeuf. M a i s le n o m b r e des vaisseaux
est fonction d e la taille des a n i m a u x puisque les bovins en auraient quatre et les oiseaux
u n seul (25).
R u f u s (26), c o m m e Soranos (27) voyaient dans le cordon d e u x artères, d e u x veines
et u n cinquième : l'ouraque.
D a n s la réalité, les espèces animales diffèrent entre elles. Si, par e x e m p l e , le cheval,
le porc ont u n e veine ombilicale unique, la vache et les carnivores en ont d e u x dans le
cordon (28).
Il est étonnant q u e Galien n'ait pas remis en cause cette croyance car il s'étonne d e
ce q u e les d e u x veines d u cordon, sitôt rentrées dans l'abdomen foetal n'en forment
plus qu'une seule. C'est lui qui n o u s d o n n e la première description exacte des vais
seaux ombilicaux embryonnaires, car pour les autres auteurs, les veines restent doubles,
c o m m e chez Aristote pour qui d e u x veines traversent le foie jusqu'à la "grande veine"
tandis q u e les d e u x artères se jettent au niveau d e la bifurcation aortique (29).
Soranos r é s u m e les opinions de ses prédécesseurs :
"L insertion de ces vaisseaux, Empedocle pensait qu' elle se faisait dans le foie, Phèdre dans
le coeur. Beaucoup pensent que les veines arrivent à la veine cave, les artères dans l'artère
épaisse qui s'étend le long des vertèbres et qu'avant de s'y jeter, elles longent la vessie en se
portant obliquement de chaque côté. Eudemos dit simplement à propos du cordon ombilical foe
tal que les vaisseaux s'y rassemblent et, au-delà, se séparent vers ce qu'on appelle les "cornes"
du diaphragme (30).
A propos de ces vaisseaux ombilicaux, n o u s avons u n b o n e x e m p l e sur la m é t h o d e
de raisonnement qu'emploie Galien dans l'Utilité des Parties.
Partant d e l'idée q u e "les artères devaient s'insérer sur le principe des artères, à
savoir le ventricule g a u c h e d u coeur" et les veines, dans le principe des veines, c'est-à-
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dire le foie, il vérifie ensuite si la dissection confirme ses dires. Lorsqu'il rencontre u n e
anomalie, il en cherche la raison, d o n n e u n e réponse q u e la nature vient approuver.
L a nature a choisi le c h e m i n le plus court, d o n c le plus sûr, pour porter les veines de
l'ombilic, après avoir réuni les d e u x troncs e n u n seul, plus solide, jusqu'à la face
c o n c a v e d u foie, près d u canal biliaire, p o u r permettre a u sang d e se purifier ; par
contre, pour les artères, c o m m e le coeur est trop éloigné de la région ombilicale, elle a
préféré les a m e n e r à l'aorte (en réalité, à ses branches iliaques internes) n o n directe
m e n t , m a i s en les attachant fortement a u x bords de la vessie : puisqu'elles y c h e m i
naient en toute sécurité, il n'était pas utile qu'elles forment u n seul tronc (31).
3/ L e s m e m b r a n e s et liquides ovulaires
U n e fois encore, n o u s avons la preuve q u e Galien n'a pas disséqué de foetus d e pri
mates, ni m ê m e e x a m i n é le produit d'une fausse c o u c h e o u le délivre h u m a i n .
Il n o u s est difficile de préciser quel animal, Galien o u ses prédécesseurs, ont étudié,
car ils cherchaient dans l'anatomie c o m p a r é e les principes généraux qui permettent de
définir des structures c o m m u n e s , universelles en négligeant les différences entre les
espèces. Si l'embryologie des m a m m i f è r e s m o n t r e qu'effectivement tout foetus possède
au départ les m ê m e s annexes, celles-ci évoluent d e façons fort différentes pour dispa
raître c o m p l è t e m e n t ( c o m m e l'allantoïde de l ' h o m m e ) o u pour se développer préféren-
tiellement ( c o m m e celle-ci chez le cheval).
N o u s avons déjà étudié l'une d e ces m e m b r a n e s , le chorion, au début de ce travail, il
nous reste d o n c l'allantoïde et l'amnios, avec les liquides qu'ils contiennent.
"Les membranes, l'une enveloppant Vembryon tout entier, l'autre posée dessus, sont doubles
sur les parties saillantes, la tête, les fesses, les pieds ; voici leurs noms : l'amnios pour l'une,
l'allantoïde pour l'autre car elle ressemble à la saucisse, d'où son nom. Toutes deux sont minces
et blanches, d'un aspect proche de la toile d'araignée" (32).
"Le foetus est complètement enveloppé d'une membrane mince nommée amnios, qui reçoit ce
qui peut passer pour la sueur du foetus ; à l'extérieur, une autre membrane plus mince le
recouvre, appelée allantoïde, qui s'ouvre dans la vessie du foetus et se laisse remplir, jusqu à la
naissance, par l'urine du foetus. Plus en dehors, circulairement, le chorion l'entoure, qui tapisse
entièrement la face interne de l'utérus" (33).
Il s'explique sur la fragilité des membranes :
"Les membranes sont si minces et si délicates qu'en les disséquant, si on ne les touche pas
avec précaution, elles se déchirent facilement. Et pourtant, elles ne se déchirent pas lorsque la
femelle court ou saute, car elles sont rattachées les unes aux autres par de fins filaments. La
nature, avec raison, créant minces toutes les membranes a pourvu à leur sécurité en les ratta
chant les unes aux autres" (34).
Il reprend l'idée d'Hippocrate, à savoir q u e les m o u v e m e n t s d u foetus déchirent ces
m e m b r a n e s et provoquent l'accouchement. Celui-ci était b e a u c o u p plus v a g u e à propos
des m e m b r a n e s :
"Avec le temps beaucoup d'autres fines membranes s'étendent à l'intérieur de la première et
se forment de la même manière qu'elles. Elles sont tendues à partir du cordon ombilical et sont
reliées entre elles" (35).
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L ' e x a m e n d u délivre, e n effet, peut faire croire qu'il existe plusieurs m e m b r a n e s
accolées d u fait des ponts m e m b r a n e u x , des plis et des déchirures. Si "7toÀAoi" est
peut-être abusif, n o u s récusons absolument la note ironique d e R. Joly dans l'édition
qu'il n o u s a d o n n é : " L e foetus, n'en déplaise à notre auteur, n'est entouré q u e d'une
seule m e m b r a n e " (36). N o u s savons q u e le foetus h u m a i n en a d e u x et q u e celui des
a n i m a u x en possède trois o u quatre.
P o u r Aristote aussi, il existe d e u x m e m b r a n e s "entre lesquelles se trouve u n liquide
a q u e u x o u sanguin, q u e les f e m m e s appellent les e a u x " et il ajoute cette notion tout à
fait étrange : "Uembryon sort en même temps que l'utérus se retourne, c'est-à-dire que ce qui
était à l'intérieur se trouve à Vextérieur" (37).
"L'inversion" de l'utérus en doigt d e gant peut arriver de façon pathologique, lors
d'efforts expulsifs trop violents, chez la chèvre et la brebis, à p e u près jamais chez la
f e m m e .
R u f u s , le plus souvent, n o u s d o n n e des descriptions conformes à l'anatomie h u m a i n e
o u à celle des primates : il semblerait qu'ici, il ait disséqué sans doute u n équidé :
"Le foetus est enveloppé de membranes, d'abord d'une membrane mince et molle... que nous
avons trouvée pleine d'un liquide beaucoup plus limpide que celui enfermé dans le chorion ; ce
liquide semblait, à y réfléchir, comme la sueur du foetus ; il semblait aussi qu'un liquide comme
l'urine se déversait à travers V ouraque, dans le chorion. L'amnios, interne, entourait le foetus ;
le chorion externe et autour de l'utérus était une membrane rugueuse et vasculaire" ( 3 8 ) .
C a r dans cette espèce, la m e m b r a n e allantoïde, qu'il n e mentionne pas, tapisse les
faces internes d u chorion et externes d e l'amnios, donnant l'impression q u e le chorion
f o r m e u n e p o c h e venant doubler la cavité amniotique et c o m m u n i q u e avec la vessie
foetale par l'ouraque.
C h e z Galien, par contre, la m e m b r a n e allantoïde n e recouvre q u e les "parties
saillantes" d e l'embryon, à l'extérieur d e la cavité amniotique.
L e n o m d"'allantoïde" ("en f o r m e d e saucisse", o u "d'intestin d e porc") s'applique
plus particulièrement aux ruminants chez lesquels ce sac a u n e f o r m e allongée et boudi
née, avec des prolongements dans les cornes utérines, et est situé d u côté ventral d e
l'embryon, n'étant e n contact avec lui q u e sur ses parties saillantes.
L'utilité différente des d e u x sacs m e m b r a n e u x et de leurs liquides est l o n g u e m e n t
expliquée :
"Les deux membranes contiennent une grande quantité de liquides, différents par la couleur
et l'abondance. Le liquide dans Vallantoïde est jaune, tandis que celui dans l'amnios est plutôt
blanc, et il est aussi plus abondant que le précédent. Car c'est la plus grande des membranes,
puisqu'elle enveloppe l'embryon tout entier, tandis que l'autre n'en recouvre qu'une partie seu
lement" (39).
L'amnios reçoit u n e h u m e u r : "qui peut passer pour la sueur d u foetus et n e peut
blesser sa p e a u " et qui lui permet de bouger e n l'allégeant, sans qu'il tire les attaches
qui le suspendent à la matrice, m a i s "ceux qui prétendent que le foetus devient plus léger
pour la mère elle-même... sont complètement ridicules, car ils ne comprennent pas que le liquide
aussi est porté par celle-ci" (40).
D e plus, lorsque les m e m b r a n e s se r o m p e n t lors d e l'accouchement, le liquide vient
lubrifier le col, le ramollir et l'aider à se dilater (41). Cette opinion, vérifiée par la cli
nique (en réalité la rupture des m e m b r a n e s entraîne u n e libération de prostaglandines
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qui ont u n effet ocytocique) amenait les s a g e s - f e m m e s à faire des injections vaginales
d'huile tiède pour lubrifier les voies génitales dans les accouchements dits "à sec" (de
Soranos (42) jusqu'au siècle dernier).
Vallantoïde a la m ê m e origine embryologique q u e la vessie : lors de la fermeture de
la paroi abdominale et d e la formation d u cordon, la vessie et l'allantoïde se séparent et
s'éloignent, restant reliées par u n canal : l'ouraque, plus o u m o i n s dilaté, plus o u m o i n s
long selon les espèces, allant jusqu'à régresser e n u n résidu fibreux intra a b d o m i n a l
chez l ' h o m m e .
P o u r Galien, l'urine d u foetus contenue dans l'allantoïde "est éloignée et séparée du
foetus ; elle ne touche ni sa peau, ni les veines du chorion afin de ne pas nuire par son âcreté
aux parties voisines" (43).
Cette "finalité", encore u n e fois, est erronée, puisque le foetus h u m a i n urine dans le
liquide amniotique, l'avale, sans d o m m a g e pour sa peau o u son tube digestif.
Puis il n o u s d o n n e u n e belle démonstration de la c o m m u n i c a t i o n entre la vessie et
l'allantoïde :
"Enlevez la partie du péritoine qui repose sur la vessie... refoulez le liquide enfermé dans la
vessie en l'entourant de votre main : vous verrez couler l'urine dans-1 allantoïde par le canal de
Vombilic. Puis pressez l allantoïde, vous remplissez la vessie" (44).
L'excrétion urinaire se ferait alors par l'ouraque plutôt q u e l'urètre, n o n parce q u e le
foetus n'est pas capable d e contracter o u relâcher volontairement le sphincter vésical,
m a i s parce que, m é c a n i q u e m e n t , l'urine passe par le trajet le plus facile :
"La largeur de l'ouraque est bien plus importante que celle du col de la vessie... Le col de la
vessie est très courbe, l'ouraque parfaitement droit... Aucun muscle n'enveloppe extérieurement
l'ouraque pour empêcher un écoulement intempestif des résidus, comme le fait chez les ani
maux, après la naissance, le muscle du col de la vessie" (45).
N o u s trouvons chez Soranos (46) u n long passage o ù il essaie de faire coïncider les
opinions de ses prédécesseurs, basées sur l'anatomie animale, et ce q u e sa pratique obs
tétricale a p u lui enseigner ; le désaccord porte sur l'existence de la m e m b r a n e a m n i o
tique qui dans l'espèce h u m a i n e est accolée au chorion pour ne former avec lui qu'un
sac u n i q u e d a n s lequel baigne le foetus. Cette réalité était difficilement acceptée
puisque l'amnios "devait" protéger le foetus des aggressions d u liquide allantoïdien
d'origine urinaire (mais qui a totalement disparu chez l'embryon h u m a i n ) . C'est pour
quoi certains en sont m ê m e arrivés à retrouver cette m e m b r a n e appliquée sur les ouver
tures u n i q u e m e n t : narines, b o u c h e , anus. P o u r Soranos, cette description n'est pas
valable puisque "la b o u c h e n e se laisse pas forcer par u n liquide... Et q u e la respiration
a lieu par l'ombilic", aussi e n arrive-t-il à imaginer q u e les e a u x "se trouvent dans
l'épaisseur même du chorion où elles se font place en s'insinuant, de sorte que le chorion
devient double ou même triple quelquefois", en prétextant d u cas o ù u n premier écoulement,
lié à l'existence d'une p o c h e amnio-choriale, se produit avant la rupture franche des
m e m b r a n e s .
Nulle part chez Galien ce p r o b l è m e n'est soulevé, puisqu'il n'a disséqué q u e des foe
tus a n i m a u x dont il a étendu l'embryologie à l'être h u m a i n , n e cherchant à travers la
diversité des espèces, qu'à atteindre le principe général.
128
Il reconnaît la difficulté d e son entreprise :
"Tout ce que, pour l'animal encore dans le sein de sa mère, la nature a mis en oeuvre, en le
façonnant, en empruntant chez sa mère nourriture et souffle, en disposant des endroits pour ses
excréments, est difficile à expliquer clairement ; mais s'il lexamine avec attention dans les dis
sections, Vobservateur ne peut qu'aussitôt être plein d'admiration" (47).
Galien m o n t r e u n e grande clarté et u n e grande précision dans ses observations anato-
m i q u e s , m a i s l'extension à l'espèce h u m a i n e des résultats d e la dissection animale
l'amène à des erreurs, ici encore plus q u e p o u r le reste d e l'anatomie, car le foetus
h u m a i n , m ê m e s'il suit la m ê m e évolution ontogénique q u e les autres m a m m i f è r e s , e n
diffère totalement par le m o d e d e placentation et les m e m b r a n e s ovulaires (des analo
gies existent seulement avec les primates). M a i s ne connaissant pas (ou n e voulant pas
connaître) les d o n n é e s apportées par la pratique obstétricale, il n e se trouve pas
confronté a u x problèmes q u e Soranos n'arrivait pas à résoudre.
Galien, d e plus, n e peut e n rester à l'observation objective : partout, il cherche à
démontrer la perfection des oeuvres d e la nature, e n justifiant la f o r m e o u la structure
des organes par les fonctions auxquelles il les croit destinées, et n o u s avons v u l'ingé
niosité qu'il déploie pour expliquer par e x e m p l e le trajet intra-abdominal des vaisseaux
ombilicaux o u la c o m m u n i c a t i o n entre la vessie foetale et l'allantoïde.
N o u s n e p o u v o n s q u e conclure avec C h . D a r e m b e r g :
"Ses raisonnements sont aussi déraisonnables que ses observations sont précises et sûres
quand il veut bien regarder la nature au lieu défaire des actes de foi, parfois un peu hypocrites,
envers Hippocrate et Aristote" ( 4 8 ) .
N O T E S
(1) De Usu Pentium XIV, 1, 2, texte édité par C.G. Kûhn, C. Galieni Opéra Omnia tome IV, Leipzig 1823, p.
142, 143, traduction de Ch. Daremberg : Oeuvres anatomiques, physiologiques et médicales de Galien,
Paris, Baillère, 1856.
(2) Nous renvoyons pour une étude plus complète à notre article "Connaissances de Galien sur l'anatomo-
physiologie de l'appareil génital féminin" History and Philosophy of the life sciences, 10 (1988), 267-
291.
(3) De Uteri dissectione X, 1, Kiihn, op. cit. tome II, Leipzig 1821, p. 902.
D. NICKEL, texte et commentaire allemand Corpus Medicorum Graecorum, Berlin 1971.
(4) HIPPOCRATE : De Natura Pueri XIV, XV, XVI, texte et traduction de Littré : Oeuvres complètes
d'Hippocrate, Paris, Baillère, 1839-61, tome VII Texte et traduction de R. Joly, Paris, Les Belles Lettres,
1970, p. 56 à 59.
(5) De Semine I, 4 Kiihn, op. cit. tome IV, 1823, p. 526-527.
(6) Anat. Ut. X, 4-7, K II, 902-904.
(7) De Usu part. XV, 4-5, K IV, 225-232.
(8) Anat. Ut. X, 12-14, K II, 906-907.
(9) De foetus formatione I, 2 K IV 655-656.
(10) SORANOS Gynécologie I, 57
. Sorani gynaeciorum texte de V. Rose, Leipzig, Teubner, 1882.
. Texte établi et traduction allemande, J. Ilberg corpus medicorum graecorum Leipzig, Teubner, 1927.
. Traduction anglaise O. Temkin, Baltimore, J. Hopkin's press 1956.
129
(11) Ibidem.
(12) Anat. Ut. X, 8,KJI908.
(13) Cf. : SISSON S. "The anatomy of the domestic animals" revised by J.D. Grossmann, Ed. Saundus
Company, London, 1953, p. 606-224.
(14) ""Cotylédon" ou "petite massue" ou encore "petite cymbale". Il a une feuille circulaire en forme de.
saucière, imperceptiblement creuse, une petite tige courte qui porte à son extrémité la graine, une racine
ronde, comme une olive".
D I O S C O R I D E De Materia Medica IV, 91.
"Le nombril de Vénus" (cotylédon umbilicus L.) est une plante poussant dans les murailles, dont la feuille
arrondie forme une légère cavité, et entrait dans la composition des philtres d'amour pour des raisons évi
dentes. Nous remercions Mademoiselle Amigues, professeur à l'université P. Valéry de Montpellier, de
nous avoir communiqué ces renseignements botaniques.
(15) A R I S T O T E : De generatione Animalium II,
7 (746 a), texte établi et traduit par P. Louis,
Paris, Les Belles Lettres, 1971.
(16) Anat. Ut. X, 9, K II905.
(17) D e l'ouvrage de G A L I E N "Sur l'anatomie
d'Hippocrate", il ne nous reste qu'une traduc
tion arabe.
(18) D e Sem. I, 7, K I V 537.
(19) Anat. Ut. X, 10, 11, K U 905.
(20) S O R A N O S Gyn I, 14.
(2\)Anat. Ut. III, 2, K II890.
(22) Anat. Ut. X, 14,KII 907.
(23) H I P P O C R A T E De Nat. Puer. X X I X , Littré
VII 530, Joly 77.
(24) Ibidem XIV, 2, Littré Vu, 492, Joly 56.
(25) A R I S T O T E De Historia animalium VII, 7, 8
(586 b), texte établi et traduit par P. Louis,
Paris, Les Belles Lettres, 1971.
(26) R U F U S . De corporis humanis partium
appelatione, 232, texte établi, traduit et com
menté par Ch. Daremberg et C E . Ruelle,
Paris, Baillère, 1839.
(27) S O R A N O S Gyn. I, 57.
(28) D E R I V A U X . Obstétrique vétérinaire, Paris,
Vingot Frères, 1967.
(29) ARISTOTE, Hist. An. VII, 8 (587 a).
(30) S O R A N O S . Gyn. I, 57.
(31) De Usu part. XV, 4, K TV 227-231.
(32) Anat. Ut. X, 3, KII902.
(33) De Usu. part. XV, 4, K I V 224, 225.
(34) Ibidem XV, 5, K I V 235.
(35) H I P P O C R A T E : De Nat. pueri XIV, 2, Littré
492, Joly p. 56.
(36) H I P P O C R A T E . De Nat. puer XIV, 2, Littré
492, Joly p. 56.
(37) ARISTOTE. Hist. an. VII, 7-9 (587 a).
(38) R U F U S . De nom. corp. 230-32.
(39) Anat. ut. X, 16,KII 907.
(40) De usu part. XV, 4, K IV 224.
(41) Ibidem XV, 5, K IV 232-235.
(42) S O R A N O S : Gyn IV, 4.
(43) De usu part. XV, 5, K IV 232.
(44) Ibidem 239-240.
(45) Ibidem 240.
(46) S O R A N O S . Gyn I, 57-58.
(47) De usu part. XV, 4, K IV 224.
(48) Ch. D A R E M B E R G : Histoire des sciences
médicales, Paris, Baillière, 1870,1.1, p. 206.
SUMMARY
Throughout his works, Galen attempts to prove that nothing has ever been created vainly by
Nature. He demonstrates how the placental organs are absolutely necessary to the embryo's
growth. His observations on animals are often accurate and right ; but he makes many errors
generalizing those observations to man which is quite different. These errors are obvious espe
cially as he tries to give finalist explanations according to the philosophic rather than the medi
cal theories of the anatomo-physiology of the time.
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