Post on 13-Sep-2018
L’héritagedesChatsfield
DerrièrelessomptueusesportesdeshôtelsChatsfieldexisteunmondefaitdeluxe,deglamouretdevolupté,réservéauxélites,auxrichesetauxpuissants.Etdepuisdesdécennies,Gene
Chatsfield,lepatriarche,estauxcommandesdecetempirehorsducommun,tandisqueseshéritiersparcourentlemondepours’adonneràleursplusscandaleuxplaisirs.
Aujourd’huipourtant,toutestsurlepointdechanger:GeneanomméunnouveauP.-D.G.Unhommequ’onditfroidetimpitoyable.Unhommequin’ajamaisconnul’échecetdontlamission
estdefairerentrerleshéritiersChatsfielddanslerang.Passezlesportesdel’hôtel,installez-vousconfortablementdanslaluxueusesuitequivousaétéréservéeetassistezauxbouleversementsquivontsecouercetuniversdescandaleetdepassion…
1.
Enprincipe,elledevraitêtreauxanges.Laveille,quandsonagentluiavaitannoncéqu’elleavaitdécrochéletrèsconvoitécontratdes
cosmétiquesDemarche,elleavaitexulté.Mais en réalité, elle n’arrivait toujours pas à y croire. Cara Chatsfield soupira. L’anxiété la
poursuivrait certainement jusqu’à l’annonce officielle prévue à Londres dimanche prochain. Danshuitjours…
Ceseraitunesoiréesiprestigieusequemalgrésonexpérience,elleauraitforcémentuntracfou.D’autantplusqueleschosesavaientunefâcheusetendanceàmalsepasserdanslesmomentsclésdesavie.Pourquoi?Ellen’enavaitaucuneidée.
Maiscettefois,elleprendraittouteslesprécautionspourqu’aucunincidentdéplaisantnegâchecet événement. Son agent n’avait pas ménagé ses efforts pour convaincre les responsables deDemarche qu’elle avait changé. Que sa réputation de fêtarde n’était plus méritée et qu’elle étaitvénéréedanslemondeentier.
Sansdouteétait-ceunpeuexagéré…MaisHarrietHarlandcroyaitsincèrementenelleetilétaithorsdequestionde ladécevoir.Surtoutquandnombrede ses relationsavaientpris leursdistancesavec elle, après cette vidéo désastreuse à laquelle elle avait commis l’erreur de participer l’annéedernière…Unevidéoquiavaitétécensurée,maispasavantd’êtredevenueviralesurinternet.
Elleavaitbiencrudireadieuàsacarrièredemannequin.C’étaitd’ailleurscequesonpèreavaitlaisséentendre.
Ce qui la ramenait à la raison pour laquelle elle ne pouvait pas savourer sa victoire pourl’instant.
Elleétaitenretard.Trèsenretard.Cen’étaitpas toutàfaitsafauteparcequefranchement,quiauraitpuprévoirqu’elleresterait
bloquéecinqheuressur lapiste,à l’aéroport internationaldeLosAngeles,àcaused’unoragequigrondaitau-dessusdelaville?
Et à en juger par la pluie battante, elle pouvait sans doute s’estimer heureuse que l’avion aitfinalementatterriàLasVegasaulieud’êtredéroutévers…l’Ouzbékistan,parexemple!
Aupointoùelleenétaitaujourd’hui…Sansdouten’aurait-ellepasdûfairecedétourparL.A.Maisquandonluiavaitdemandéd’aller
àVegas,elleavaitdécidéd’enprofiterpourinvitersonagentàdéjeuner.Saufqueledéjeuners’était
transforméenfêteprivéeet…bon,ellen’allaitpasperdredetempsàleregretter.Apartsesfrèresetsasœur,personnenel’avaitjamaissoutenue.ElledevaitbiençaàHarriet.
AugrandsoulagementdeCara,lespassagersdeboutdansl’alléecommeelle,depuisdixbonnesminutes,commencèrentàavancerverslessortiesdel’appareil.
Elleseseraitbienpasséedecettesoirée.Lepokern’avaitpasgrandintérêt,mêmesiletournoiqu’elledevaitanimerdansl’undeshôtelspharesdesonpèreavaitleplusgrosprixd’entréedetouslescasinosdumondeoccidental.Cen’étaitqu’unjeu,quipoursapartnel’avaitjamaisexaltée.
Elleregardal’heuresursonportablepuisremitcelui-cidanssonsacetdescenditlapasserelle.Uneheure.Il lui restait une heure, dont la moitié pour le trajet en taxi entre l’aéroport international
McCarranet leChatsfieldInternational—diamantquibrillaitdemillefeuxsur leStrip,boulevardemblématiquedeLasVegas.
Auneépoque,ilétaitconsidérécommel’hôtelabritantlemeilleurcasinodeLasVegas.C’étaitpourtenterdeluiredonnertoutsonlustrequesonpèreavaitrécemmentnomméunnouveaudirecteurgénéral—lesuperbemaisarrogantChristosGiatrakos.ChristosavaitpourmissionderéorganisertousleshôtelsChatsfield,afinquelenomdelafamilleretrouvesonancienprestige.
Prestige perdu plusieurs années auparavant, après le départ de la mère de Cara. Lorsque safemmelesavaitlaisséstomberluietleursenfants,GeneChatsfieldavaitprisuneénièmemaîtresse…et noyé son dépit dans l’alcool.Aujourd’hui, il avait rencontré une autre femme et— surprise—retrouvéunsecondsouffle.
Cara réprimaun soupir.Christos—quiprenait son travailbeaucoup tropau sérieux—avaitdécidé que tous les enfantsChatsfield devaient contribuer à redorer le blason de l’empire hôtelierfamilial.Perspectivequirebutaitsesfrèresetsasœurautantqu’elle!
Atortouàraison,leshôtelsdesonpèrenel’intéressaientpaslemoinsdumonde.Etilfallaitbienreconnaîtrequ’elleavaitétéblesséelorsqu’elleavaitreçul’e-mailqueChristos
luiavaitenvoyé,pour« l’informer»qu’il l’envoyaitàLasVegasoùelledevraitanimerungrandtournoidepoker—soi-disantl’événementleplusimportantdel’annéedanslesCasinosChatsfield.Laprenait-ilvraimentpouruneidiote?Ellesavaitparfaitementqu’ilavaitjustevoulusedébarrasserd’elleafindeconfieràsesfrèresetàsasœurlesmissionslesplusimportantes.
Commeelleauraitaimél’envoyerpromener!Cequil’avaitarrêtéecen’étaitpasseulementlerisquedeperdrelarentedontelleétaitbénéficiairedanslecadredelafiduciefamiliale—menacequiplanaitsurchacundesenfantsChatsfield.C’étaitaussil’insinuationcontenuedanslemessagedeChristos,quisuggéraitque la«fêtarde»n’étaitpasà lahauteurdesesaînés.Çal’avaithorripilée.Elle avait soudain eu envie de montrer de quoi elle était capable. A Christos et à son père. Sansespérerpourautantlemoindrecomplimentdelapartdecederniersiellefaisaitdubontravail.Ilneleremarqueraitsansdoutemêmepas…
Cependant,adoptercommenouvellecoiffureuncarrécourtteintenrosen’étaitsansdoutepasuneidéetrèsbrillante.SelonsasœurLucilla,elleavaitfaitçapournarguerChristos.Parcequ’ellen’avaitpasappréciéqu’illuidise«Ilesttempsquevousvousrendiezutileàlafamilleetquevousfassiezhonneuraunomquevousportez,Cara.Aprèstout,c’estluiquiafinancévotreéducationetvousaofferttoutcequevotrecœurdésirait.»
Acesouvenir,Caraserralesdents.Commeelleavaithaïledirecteurgénéraldesonpèreàcetinstant!Parcequec’étaitfaux.Cenomneluiavaitpasofferttoutcequesoncœurdésirait.Ilneluiavaitpasdonnédeuxparentsquil’aimaient.
Mais ce soir, elle allait semontrer à la hauteur.Rien que pour donner tort àGiatrakos.Et lasemaineprochaine, lorsquesonnouveaucontratdeviendraitofficiel,sonpèreseraitbienobligédereconnaîtrequenonseulementelleexistait,maisqu’elleétaitquelqu’unavecquiilfallaitcompter!
Unpeuragaillardie,Carapénétradans l’aéroportd’unpasdécidé,aussitôtassailliepar l’éclatdeslumièresetlecrépitementdesmachinesàsous.
«Bienvenue àVegas », songea-t-elle avec une pointe d’amertume. Son univers familier étaitbienloinetellesesentaitunpeucommeDorothéeaupaysd’Oz.Elledonneraitn’importequoipourretourner à sa vie normale. Sauf qu’elle ne risquait pas de tomber sur la méchante sorcière. LesméchantssorciersdesaviesetrouvaientàLondres,àdesmilliersdekilomètres.Dieumerci.
Tirantsavalisederrièreelle,Carasemêlaàlafoule,ignorantlesregardscurieux.Etantdonnésonnom,sacarrièredemannequinetsatendanceàprovoquerdesscandalesmêmequandellen’enavaitpasl’intention,sonvisageétaitconnu.
Elleréprimaunnouveausoupir.Oui,ellevivaitcommedansunbocaldeverre.Depuistoujours.Alorspourquoicommençait-elleàavoirdumalàlesupporter,alorsqu’auparavantelles’enmoquaitéperdument?
L’estomacsoudainnoué,elleprituneprofondeinspiration.Toutallaitbiensepasser.Elleétaitarrivée.Etuneheure—d’accord,cinquanteminutes—c’étaitsuffisantpouralleràl’hôtel,prendreune douche, s’habiller, puis se renseigner sur l’identité des participants au tournoi. Informationqu’elle posséderait déjà si le casino ne lui avait pas envoyé un fichier infecté, qu’elle n’avait pasréussiàouvrirdansl’avion.
Peuimportait.Improviserneluiavaitjamaisfaitpeur.Ilfallaitjustequ’ellearriveàl’hôtel.Etvite.C’étaitune
decessoiréesqu’ilfallaitsubirenprenantsonmalenpatience.Non,secorrigea-t-elleaussitôt.Cesoiriln’étaitpasquestiondesubirmaisdeconquérir.Baissantlesyeuxsursesbrasetsesjambesultraminces,ainsiquesursesspartiatesàtalons,elle
esquissaunsourire.Ellen’avaitpasvraimentl’étoffed’unconquérant…Ellenel’avaitjamaiseue.Maismalgrécela,cesoirellenesèmeraitpaslapagaille.Safiertéleluiinterdisait.Ellefitunpasdecôtépouréviterungroupedetouristes.Aumêmeinstantsontéléphonesonna.
Toutenfouillantdanssonsacellecontinuademarcher,vaguementconsciented’unhommegrand,élégantetpressé,quiarrivaitensensinverse.Alorsqu’ellefaisaitunnouveaupasdecôté,illuirentradedans. La violence du choc lui arracha un petit cri, tandis que sa cheville se tordait.Deuxmainspuissantes se refermèrent sur ses bras, l’empêchant de perdre l’équilibre. Simultanément, unedéchargeélectriquelafittressaillir.
Troublée,ellelevalesyeuxversl’inconnu.Lesyeuxbleuglacierfixéssurelleluicoupèrentlesouffle. Et s’il n’y avait que les yeux…Cheveux blond cendré, nez droit, bouche au dessin fermebordéed’unebarbenaissante,cethommeétaitd’unebeautésaisissante.Sonvisage tailléà la serpeévoquaitunHighlanders’apprêtantàlivrerbatailledanslalandesauvaged’Ecosse…
S’efforçantdeseressaisir,elleplissalefront.—Pourriez-vousregarderoùvousallez,laprochainefois?—Regarderoùje…?
***
AidanKellyplissa lesyeux. Ilarrivaitd’Australieaprès trente-troisheuresdevoletd’escalesinterminables.Ilétaitépuisé,affamé,pressé,etcettegaminequivenaitdelepercuterosaitl’accuser
d’êtredanssontort?—Jeregardaisoùj’allais,figurez-vous.C’estvousquiaviezlatêtedansvotresac.—Jemesuisécartéepourvouslaisserpasseret…oh,non!Jecroisquevousavezcassémon
talon.Aidaneutungrognementdédaigneux.—Jen’airiencassédutout.La jeune femme tordit son pied vers l’extérieur et fit descendre samain le long de sa jambe
interminable.Suivantsesmouvementsdesyeuxmalgrélui,Aidanfutassailliparuneboufféededésirinattendue.Deplus enplus exaspéré, il crispa lamâchoire.Avait-elle fait çadélibérément, pour ledésarmer?
—Pasdedoute,marmonna-t-elle.Ilestcassé.Aidanroulalesyeux.Passonproblème.—Laprochainefois,vousregarderezpeut-êtreoùvousirez.Ellerestabouchebée,commesiellen’encroyaitpassesoreilles.—Etvous,laprochainefoisvousvoussouviendrezpeut-êtrequ’unaéroportn’estpasunchamp
de courses, rétorqua-t-elle d’un air hautain en bougeant son pied avec précaution dans une dessandalesdontleslanièress’enroulaientautourdesesmollets.Cesontmeschaussurespréférées.Çafaitdesannéesquejelesmets.
—Fascinant.Maintenant,sivousvoulezbienm’excuser,jesuispressé.Elle secoua la tête d’un air dégoûté et s’éloigna vers un siège en clopinant. Les mots
«grossier»,«irresponsable»et«machotypique»parvinrentdistinctementauxoreillesd’Aidan.Ilredressa les épaules. S’il y avait bien une qualité qu’il se flattait d’avoir, c’était le sens desresponsabilités.Etiln’étaitpasquestiondelaissercetteAnglaisepimbêchelerendreresponsabledesontaloncassé.
—Qu’avez-vousdit?demanda-t-ild’untondangereusementposéenlarejoignant.Il avait un rendez-vous important au Casino Chatsfield, et chaqueminute passée avec elle le
retardait…Leslèvresdelajeunefemmesemirentàtrembler.Illevalesyeuxauciel.—Etmaintenantleslarmes…Ils’interrompitetlaregardaplusattentivement.Oùavait-ildéjàvucevisage?Maisnon,ilnela
connaissaitpas.Etiln’avaitaucuneenviedelaconnaître.—Vousêtesdésagréabledenature,c’estça?Avecunsoupiragacé,ilsortitsonportefeuilledesapoche.—Voici50dollars.Çadevraitsuffirelargement.Elleécarquillalesyeux.—Loindelà.Ellerelevalementon.Sescheveuxglissèrentenarrière,dégageantsonvisage,qu’ilsesurprità
admirer.Elleétait trèsmignonneaveccetairdedéfi.Lèvresrosevif,pommetteshautes, longscilsnoirs…
—Ceschaussuresvalent1000livres.Il tressaillit.Allonsbon, ilétait tellementoccupéà laregarderqu’ilenavaitperdulefilde la
conversation…Seressaisissant,ileutunemoueméprisante.—J’endoute,chérie.—Chérie?
—Oh!çava,j’aicompris.Onbousculeunhommeetensuiteontentedel’escroquer.Désolé,jenesuispasidiot.
—Escroquer?Elleécarquilla lesyeuxdeplusbelle.Maispasquestiondeselaisserfasciner.Pasquestionde
s’attardersurcespetitsseinssexynisurceslonguesjambessoyeusessibienmisesenvaleurparunminusculeshortenjean…
— Ecoutez, je ne sais pas si vous êtes une touriste fauchée ou une professionnelle, mais jen’aimepasqu’onmeprennepourunimbécile.
—Uneprofessionnelle…?Elle plissa les yeux, tandis que ses magnifiques pommettes devenaient écarlates. Puis elle se
redressa lentement, telle Cléopâtre sur le trône. Allait-elle le gifler ? Non, apparemment elle seravisait.Aidanréprimaunemouededérision.Sagedécisiondesapart…
—Vousêtesvraimentunhommeodieux.—Riennemeditquevotretalonn’étaitpasdéjàcassé.—Odieuxetd’unemauvaisefoiconfondante,commenta-t-ellesèchementenprenantlapoignée
télescopiquedesavalise.Demauvaisefoi,lui?Elleallaitvoircequ’il…—MonsieurKelly?Ooh,monsieurKeellly?Aidanseretourna,s’efforçantdecontenirsonirritation.Cettevoixstridente,c’étaitcelledel’hôtessequinel’avaitpaslâchéunseulinstantpendantce
volinfernal.—Oh!monsieurKelly.Jesuissiheureusedevousavoirtrouvé!J’aiquelquechosepourvous.Ileutjusteletempsdevoirlafilleauxjambesinterminablesroulerlesyeuxavantdedisparaître
danslafoule.Ilauraitpourtantbienaiméluidiresesquatrevérités…Frustré,ildardasurl’hôtesseunregardnoir.
—J’espèrepourvousquec’estimportant.
***
Non mais quel cinéma ! Cara roula les yeux en voyant l’hôtesse essoufflée poser une mainmanucurée sur sa poitrine façon Scarlett O’Hara, tout en dévorant l’odieuxmacho des yeux. Nuldoutequec’étaitsonnumérodeportablequ’elleluiapportait.Oupeut-êtreavait-ellel’intentiondeletraînerjusqu’auplacardàbalaisleplusproche…Avecunpeudechance,ilattraperaitunmicrobe.
Çaluiapprendraitàcegoujat!Bouillonnant de rage, Cara se dirigea en boitillant vers la sortie d’un air aussi digne que
possible.Dieumerci,ellenereverraitplusjamaiscevisagearrogant!Le terminal grouillait demonde et dehors il tombait des trombes d’eau. Comment pouvait-il
pleuvoir à la fois à L.A. et à Vegas ? En Californie, le soleil n’était-il pas censé briller enpermanence?QuantàSinCity,elleétaitsituéeaumilieududésert.Ildevraitfairechaud,non?Enfranchissantlesportes,elleeutlesoufflecoupéparunventglacial.
Sefrottanténergiquementlesbras,ellepromenasonregardsurlalonguefiledesvoyageursquiattendaient des taxis inexistants. Il ne manquait plus que ça… Elle ne pouvait pas se permettred’arriverenretard.Ellenepouvaittoutsimplementpas!
Assaillie par une bouffée de panique, elle rentra dans le terminal. Il ne restait plus qu’unesolution.Louerunevoiture.Quelquesinstantsplustard,elles’immobilisaàproximitédescomptoirs
desagencesdelocationenréprimantungémissement.Detouteévidence,plusieurscentainesd’autresvoyageursavaienteulamêmeidée…Aucombledelafrustration,elleressortit.Lafileavaitavancédequelquespas.Troistaxisavaientchargédesclients.Maisaucunautreenvue…
Une limousine métallisée ruisselante se rangea le long du trottoir, attirant des regards deconvoitise.Carasemaudit.Siseulementelleavaitprissesprécautionsetdemandéqu’onluienenvoieune !Lechauffeurdescendit et scruta la fouleunpanneauà lamain.Parcuriosité,Cara sepenchapourlirelenomquiyétaitinscrit.
M.Kelly.«MonsieurKelly?Ooh,monsieurKeellly?»Lavoixaiguëdel’hôtesses’imposaàl’espritde
Cara.Elleplissalesyeux.Non…Lalimousineétaitpourlegoujat?EtpourquoicenomdeKellyluisemblait-ilfamilier,toutàcoup?
Maisquelleimportance?C’étaitsansdouteunacteurdecinémaàl’egosurdimensionné.Etsielle luipiquait sabelleMercedes?SabelleetchaudeMercedes?Cara jetauncoupd’œilvers lesportes du terminal. Franchement, cet odieux macho ne méritait pas cette voiture. Une énièmebourrasquedepluieetdeventluicinglalevisageetlesjambes.
Unenfantéternuanonloind’elleetsemitàpleurnicher.—Iln’estpascensépleuvoiràVegas,commentaavecbonnehumeurunefemmequientourait
desesbrasdeuxenfantsblottiscontreelle.—Iln’estpascenséyfairefroidnonplus,renchéritCara.—Oh!monDieu,vousêtesCaraChatsfield,n’est-cepas?—J’avoue.S’efforçantderestersereine,Carasourit.Deuxsolutions.Oubienlafemmesedétournaitavec
unemouedégoûtée.Oubienelleexprimaitbruyammentsonexcitation.—Oh!j’aimalheureusemententenduparlerdecescandaleterriblel’annéedernièreetjetiensà
vousdirequevousavezeuraisonderenvoyervotremanager.En réalité, c’était sonagentqueCaraavait renvoyé.Mais elle était si stupéfaitepar le soutien
chaleureuxdelajeunefemmequ’elleenrestauninstantsansvoix.—Merci.—Jetrouvelamentablelafaçondontcertainespersonnesexploitentlesautres.Etsivousvous
êtes fait éreinter pour cette vidéo c’est parce que vous êtes une femme. J’ai remarqué que votrepartenairemasculinaétéépargnéalorsqu’ilétaitàpeineplusvêtuquevous.
—Eneffet.—Excusez-moi,jeparletrop.Les jouesenfeu, la jeunefemmebaissa lesyeuxsurundesesenfants,dontelleébouriffa les
cheveux.—Non,jevousenprie.Carasourit.—Parleztantquevousvoudrez.Lajeunefemmeluirenditsonsourire.—Commej’aimeraisquecettelimousinesoit làpourmoi!Quiattend-elle,àvotreavis?Un
prince?Caraarquaunsourcil.—Pasprécisément.Elle jetauncoupd’œilautourd’elle.Peut-êtreque legoujatétait réellementdans leplacardà
balais…Entoutcas,luivolersalimousineétaitdeplusenplustentant…Ellesouritàl’inconnue.
—Peut-êtrequec’estnousqu’elleattend.—Siseulement!Undesenfantséternua.Redressantlesépaules,Carasedirigeaverslejeunechauffeur.—Désolée de vous avoir fait attendre, déclara-t-elle d’un ton désinvolte. J’ai rencontré une
vieilleamie.—Pardon?—C’estbienmoiquevousattendez,n’est-cepas?—Ah,non,madame.J’attendsunM.Kelly.Inclinantlégèrementlatête,Caraadressaaujeunehommeundesessouriresdontonluiavaitdit
qu’ilsfaisaientoublierleurproprenomàtousleshommes.—C’étaitcenséêtreMlleKelly,maispeuimporte.Cen’estpasgrave.—Etvousêtes…MlleKelly?—Non.Caraeutunnouveausourireenjôleur.—Jevoyageincognito.Jesuisobligéeaprès…voussavez…cevidéoclip,l’annéedernière.Commeellel’espérait,lejeunechauffeurrougit.—Oh!jene…D’ungestedelamain,elleleréduisitausilence.—S’il vous plaît, je préférerais ne pas en parler.Maintenant, si ça ne vous dérange pas, j’ai
promisàmesamisdelesdéposer.Ilfaittropfroidpourqu’ilsattendentuntaxi.Lechauffeurs’empressadeluiouvrirlaportière.—Biensûr,mademoiselleChats…jeveuxdiremademoiselleKelly.Ignorant lapointede remordsqui s’insinuait enelle,Cara fit signeà la jeune femmeetà ses
enfants.—Finalementc’étaitmoiquelalimousineattendait.Vousvoulezquejevousdépose?—Oh!waouh.Vraiment?—Biensûr,mais…ilfautsedépêcher.Le remords poursuivit Cara pendant une grande partie du trajet. Si elle pouvait revivre cet
instantelleseconduiraitsansdoutedifféremment,maisilétaittroptard.Etdetoutefaçon,rienquepourlesoulagementetlajoiedesespassagersçavalaitlecoup.
Dieumerci,ellenereverraitjamaisM.Kelly.Malgrétout,elleessaieraitpeut-êtredesavoiroùil était descendu. Et elle lui enverrait une bouteille de champagne anonymement en remerciementpoursalimousine…
Elleréprimaunsouriremalicieux.Ilallaitêtrefouderageenconstatantquesavoitureavaitétéréquisitionnéeparquelqu’und’autre.
Dommagequ’ellenepuissepasvoirsatête.
2.
Aidanaperçutdesmèchesrosesetunejambeinterminabledisparaîtreàl’arrièredelalimousineavantquecelle-cidémarre,sesfeuxarrièrebrillantdanslanuit.
Incroyable.Lafemmequ’ilavaitprisepourune touristefauchéeavait lesmoyensdesepayerune limousine. Amoins qu’un riche amant l’ait attendue. Avec des jambes comme les siennes, lasecondehypothèseétaitplusvraisemblable.Desjambesfinesetdorées.Sansaucundoutetrèsdoucessouslamain.Unemainqu’ilferaitremonterlentementjusqu’àceshortminuscule.Il imaginaitsonpetitgémissementétoufféquandilglisseraitundoigtsousletissupour…Bonsang,queluiprenait-il?
S’efforçantd’ignorerl’éveildesavirilité,Aidansefrottalefrontensecouantlatête.Ildevaitavoirperdulatêtepourfantasmercommeçasuruneinconnue.
Unefemmedontlesvêtementsdévoilaientbeaucoupplusdechosesqu’ilsn’encachaient.Bon,d’accord,soncorsagevioletétaitampleetnefaisaitquesuggérerlespetitsseinshautsetrondsquisetrouvaientdessous.Maisjustement,ilavaitpourfonctiond’exciterl’imaginationdeshommes.Etceschaussures?N’avaient-ellespasétéétudiéespouralimenterlesfantasmesmasculins?
Oui,elleavaitexhibésesatouts.Maismêmes’iln’yétaitpasrestéinsensible,iln’avaitpaseuunseulinstantl’intentiondemordreàl’hameçon.IlétaitàVegaspourunenuitetdansunbutbienprécis.Coucheravecunefemmenefiguraitpasàsonprogramme.Aidanboutonnasavestepourseprotégerdufroidetcherchasalimousinedesyeux.Sondirecteurdesressourceshumainesluiavaitassuréquecelle-ci l’attendrait à la sortie du terminal et c’était quelqu’un à qui on pouvait se fier. Il vit unpanneaublancabandonnésurletrottoirmouillé.Sonfrontseplissa.Pourquoisonnométait-ilinscritsurce…?Lagarce!Elleluiavaitvolésalimousine!
Il prit son téléphone et fit défiler ses e-mails à la recherche de celui contenant le nom del’agence de location de limousines. Mais il en avait reçu plus d’une centaine depuis et il perditpatienceavantdeleretrouver.
Serrantlesdents,ilimaginatouteslestorturesqu’ilferaitsubiràlagrandepercheauxcheveuxrosesdèsqu’il l’aurait retrouvée,une fois réglée l’affairequi l’amenaitàVegas.Avecunprofondsoupir,illevalesyeuxverslecielnoir.
Les nuages cachaient la lune, mais à coup sûr elle était pleine. D’ordinaire il n’était passuperstitieux,maiscommentexpliquerautrementqu’unejournéequiavaitplutôtbiencommencésesoit poursuivie par une succession ininterrompue de catastrophes ? D’abord, son assistante avaitdémissionnésousprétextequ’ilétaitunpatrontropexigeant.Ensuite,ilavaitétébloquésurlaroutedel’aéroportdeSydneyparunemanifestationimpromptuecontrel’exportationd’animauxvivants—
unebonnecauseà laquelle ilauraitpeut-êtreapportésonsoutiensi sesdéfenseursne l’avaientpasretenu aussi longtemps. Et lorsqu’il avait fini par arriver à l’aéroport, il avait découvert que sonavionétaitimmobilisépardesproblèmestechniques.SurleseulautrevolàdestinationdeLasVegas,ilnerestaitqu’uneplace.Enclasseéconomique.
Nonqu’ilsoitsnob.Loindelà.Ilavaitgrandidansunefamillemodesteetn’avaitcommencéàvoyagerenpremièreclassequ’aprèsavoirremisl’entreprisedesonpèresurpied,alorsqu’ilavaitun peu plus de vingt ans. Non, ce n’était pas la classe en elle-même qui l’avait dérangé, mais lemanquedeplacepoursesjambesetladifficultédetravaillersurlaminusculetablette.Surtoutaveclepetitgarçoninstallédevantlui,quin’arrêtaitpasdepasserlamainentrelessiègesetdedéplacersesdocuments. Aidan poussa un soupir. Ce n’était pas dans cet état de nervosité qu’il avait prévud’affronter son adversaire, Martin Ellery, mais tant pis, il s’en accommoderait. Le désir devengeance,quicouvaitenluidepuisquatorzeans,étaitdevenudévorantdouzemoisplustôt,quandsonpères’étaitéteint.Cesoirill’assouvirait.Peuimportaitlenombred’obstaclesquisedresseraientdevantlui.Echouerétaitexclu.Nonseulementiln’avaitjamaisconnuuneseulefoisl’échec,maisilavaitpromisàsonpère,sursonlitdemort,delevengerdel’hommequiavaitgâchésavie.Or,unepromesse c’était sacré.Malheureusement, les règles duCasinoChatsfield étaient très strictes pourcettesoiréequiverraits’affronterquelques-unsdesmeilleursjoueursdumonde.Sionrataitledébutdu tournoionnepouvait pasyparticiper.Aidanconsulta samontre et sanervosité s’accrut.Alorsqu’il envisageait de louer un hélicoptère, une armée de taxis apparut et des exclamations de joies’élevèrentdelafiled’attente.
Trente-neufminutesplustard,rasédeprès,vêtud’unsmokingetd’unechemisenoire—pasdecravate parce qu’il détestait ça— Aidan s’immobilisa sur le seuil de la Salle Acajou de l’HôtelChatsfieldetlaparcourutduregard.Ledécorétaitsomptueux,maisilleconnaissaitdéjà.Lalumièredes grands lustres de cristal rehaussait le brillant des lambris d’acajou, tandis qu’un bar courbeautourduquelétaientdisposésd’élégantstabouretsdeveloursoccupaitlemurdufond.Lasalleétaitdéjààmoitiépleineetdeseffluvesdetabaccubainsemêlaientàceuxdestropnombreuxparfumsquiflottaientdansl’atmosphère.Quelques-unsdeshommescontrequiiljoueraitétaientdéjàinstallésàlatable principale. Mais pas Martin Ellery. Où se trouvait-il ? Aidan scruta la foule élégante. Samâchoiresecrispa.Elleryétaitaubar.Encompagniedelagrandepercheauxcheveuxrosesquiluiavait volé sa limousine ! Celle-ci était étonnamment chic dans cette minirobe noire ajustée. Elleportaitdescollants—oudesbasquitenaienttoutseulstrèshautsurlescuisses?—etunenouvellepaire d’escarpins à talons aiguilles vertigineux.Une image s’imposa à l’esprit d’Aidan.Lagrandeperche aux cheveux rosesuniquementvêtuede sesbas et de ses talons aiguilles, deboutdevant luiassissurunlit.Ildéglutitpéniblement.Allonsbon…Ilferaitbiendeseressaisir.Unefemmen’avaitpas trente-sixraisonsdefréquenter lasalledesflambeurs.Soitellecherchaitunhommeriche,soitelle en avait déjà trouvé un.C’était sans doute une généralisation abusive qui donnerait envie auxféministesdel’écharper,maisils’enmoquait.Ilétaitrichedepuisassezlongtempspourconnaîtrelachanson.Cettefemme—cettevoleusedevoiture!—cherchaitunpigeon.Çacrevaitlesyeux.
Ellery se penchait vers elle…Y aurait-il déjà quelque chose entre eux ? Ça n’aurait rien desurprenant.Sadernièreépouseétaitmortedepuisdix-huitmois,maisd’aprèslarumeurilavaitdéjàtournélapagebienavant.«Loyauté»n’étaitpasunmotquifaisaitpartieduvocabulairedeMartinEllery. Ils ne s’étaient pas croisés depuis un certain temps et ce soir ils n’auraient sans doute pasgrand-choseàsedire.Aidanréprimaunemouededérision.Detoutefaçon,Elleryneserisqueraitsûrementpasà lui adresser laparole. Il savaitqu’il lehaïssait.Etàvraidire, ilhaïssait égalementcette façon qu’il avait de caresser lamain de sa voleuse de voiture, pour bien signifier à tous les
hommesprésentsqu’ellen’étaitpasdisponible.Aidancrispalamâchoire.S’ilsétaientdéjàensemble,Ellery l’avait certainement amenée ici pour qu’elle lui porte chance. Sauf qu’il faudrait bien plusqu’unefemmesculpturalepourluiporterchancecesoir…Lavoleusedevoitures’écartad’Elleryetluiadressaunsourirecharmeur.Asongrandagacement,Aidanfuttranspercéparuneflèchededésir.Pourquoicettefemmeluifaisait-elleunteleffet?D’accord,elleavaitunegrâceféline.Etdesjambessuperbes…Maiselleluiavaitsoufflésalimousinedelocation,etseuleunefemmesansscrupuleoupersuadéed’avoir tous lesdroitspouvait secomporterdemanièreaussi inadmissible.Legenredefemmequinel’attiraitpaslemoinsdumonde.Ellerysedirigeaitverslatableprincipale.Lavoleusedevoitureauxcheveuxrosesetàlabouchepulpeuseétaitàprésentseule…
Comment allait-elle réagir quand elle le verrait ? La réponse à cette question ne se fit pasattendre longtemps. Comme si elle se sentait observée, la voleuse promena lentement son regardautour d’elle.Aidan eut à peine le tempsde compter jusqu’à six avant qu’il croise le sien. Il restadélibérément impassible malgré la satisfaction intense qui l’envahissait. Les yeux de la belles’agrandissaientcommeceuxdeBambifaceàunetroupedelionsaffamés…
***
Oh ! non ! Il l’avait suivie. Et il se trouvait dans la Salle Acajou, accessible uniquement surinvitation… Le cœur battant à tout rompre, Cara restait clouée sur place. Savait-il qu’elle avaitempruntésavoiture?Sansaucundoute.Pourquelleautre raisonserait-il là?Ledécoret la fouleautourd’elles’estompèrent.Ellen’étaitplusconscientederiend’autrequedesbattementsfrénétiquesdesoncœur.Etdesyeuxsaphirfixéssurelle…Ilfallaitabsolumentqu’ellesedébarrassedelui.Trèsvite.Avantque le tournoi commence.Et avantqu’il fasseun scandalequi arriverait forcément auxoreillesdeChristos.
Lameilleuredéfenseétaitl’attaque,non?S’efforçantdemaîtriserletremblementdesesjambes,ellesedirigeaverslui.Ladistancequilaséparaitdelaportesemblaitavoirtriplé…Pourvuqu’ilnesachepasquec’était ellequi lui avait soufflé savoiture.L’agencede location le lui avait-elledéjàdit?Siseulementellen’avaitpaseul’idéestupidedesefaireteindrelescheveuxenrose!Pourunefois, elle aimerait être fade, telle qu’en elle-même. Une fille aux cheveux brun terne aurait étébeaucoupplusdifficileàrepérer.Etsicen’étaitpasàcausedelavoiturequ’illacherchait?Ets’illaprenaittoujourspouruneprofessionnelleetenvisageaitdelouersesservicespourlanuit?Carafutélectrisée par cette possibilité. A son grand dam. Vu les circonstances, comment pouvait-elle êtreattiréeparcethomme?Ilfallaitespérerqu’unjourelleparviendraitàriredecettejournéequ’ellevenait de passer. Un jour très lointain, sans aucun doute. Pour l’instant, elle devait ignorer lesréactions intempestives de son corps et l’éclat de ces yeux saphir, rehaussé par la peaumate et lachemisenoiredeleurpropriétaire.Biensûr,pluselleavançaitverscedernier,plussonestomacsenouait. Et lorsqu’il promena le regard sur son corps, son assurance la déserta complètement. Elles’immobilisaenfacedelui,maisàplusieursmètresdedistance.
—Jesuisdésolée,maiscettesallen’estaccessiblequesurinvitation,déclara-t-elled’unevoixmoinsfermequ’ellenel’auraitvoulu.
Ilscrutasonvisage,puissourit.—Ah,lafemmedontj’aicassélachaussure.LesondesavoixprofondeaccrutletroubledeCara.—Oh!vousnel’avezpasvraimentcassée.Ellelaissaéchapperunpetitrirenerveux.
—C’étaitunaccident.Etvousaviezraison,j’auraisdûregarderoùj’allais.—Magnanimedevotrepart,étantdonnéquec’estmoiquivousaibousculée,répliqua-t-ild’un
tonaffable.Tropaffable…Ilsavaitpourlavoiture.Ellelesentait.Lesjouesenfeu,elles’exhortaaucalme.
Ilnesavaitpeut-êtrepas.C’étaitpeut-êtresonsentimentdeculpabilitéquilarendaitparanoïaque.—Jevousenprie,n’enparlonsplus.Elles’éclaircitlavoix.—Enrevanche,jesuisdésoléemaisjesuisobligéedevousdemanderde…Elles’interrompit, tandisquelavoixaiguëdel’hôtesseluirevenaitàlamémoire.«Monsieur
Kelly?Ooh,monsieurKeellly?»AidanKelly?Oh!monDieu!Pasétonnantquecenomluiait sembléfamilier…Cethommen’étaitpasun
acteurdecinémamaislecélèbreAidanKelly,fondateurdeKMG,KellyMediaGroup.Ungroupedetélévision australien qui avait connu une croissance spectaculaire et qui était devenu le leader del’industrieduspectacleauxEtats-Unis.Ungroupequiavait égalementdepuispeudes liensavec latélévisionbritannique.Ellenesesouvenaitplusexactement lesquels,maisunechoseétaitcertaine :Cethommeétaitaussiricheetaussiinfluentqu’onpouvaitl’être.C’étaitégalementungoujatimbudelui-même,mais…Elledéglutitpéniblement.
—Vousavezuneinvitation,jesuppose.Asongranddépit,savoixétrangléefutàpeineaudibleetlesourired’AidanKellys’élargit.—Pourquelleautreraisonserais-jeici?demanda-t-il,toujoursaussiaffable.Aucune autre. S’il était ici c’était pour participer au tournoi de poker… Elle gémit
intérieurement.La soirée était fichue.Elle était fichue. Il allait seplaindre àChristos et… Il fallaitqu’elle luiprésentesesexcuses.Qu’elle reconnaisseses torts.Qu’elleexpliquequ’elleétait trèsenretard, très angoissée, très…Non, pas question de paniquer et de tout gâcher. S’il ne savait rien,avouerqu’elleluiavaitprissavoitureseraitstupide.Mieuxvalaitfairecommesiderienn’était.
—Ehbien,monsieur…Elleattenditqu’ildonnesonnom.Esquissantunsourire,ildéclara:—Kelly.AidanKelly.Bond,JamesBondn’arrivaitpasàlachevilledecethomme…—Ehbien,jevousprésentemesexcusespourlemalentendu,monsieurKelly,etjesuisheureuse
devousaccueillirdanslaSalleAcajou.MonnomestCaraChatsfieldet…—Ilmesemblaitbienvousavoirdéjàvue.Endehorsdeschaussures,biensûr.Caraeutunsourirecrispé.—Oui…Jedisaisquej’étaisl’hôtessedutournoidecesoir.Sivousvoulezbienmesuivre…Ils’exécutaetelleréprimaunsoupirdesoulagement.Avecunpeudechance,elleallaitpeut-être
s’ensortir.—Veuillezexcusermonretard,dit-ild’untondésinvolte.J’aiété…Ilmarquaunepauseetelletournalatêteverslui.—Retardéàl’aéroport,poursuivit-ilavecunlargesourire.«Oh!non…»—Riendegrave,j’espère?demanda-t-elled’unevoixmalassurée.—Non,pastrop.Le sourire d’Aidandevint carnassier et elle fut assaillie par unenouvelle boufféed’angoisse.
Elleavaiteutortdeluiprendresalimousineetilnefallaitpassementir,siellel’avaitfaitcen’était
paspour lesdeuxenfants,mêmesielleavait étéheureusede leuréviterd’attendreplus longtempsdanslefroid.Cequil’avaitpousséec’étaitl’angoissed’arriverenretard,etaussiledésirdeprendresarevancheaprèslamanièredontil l’avait traitée.Pasdedoute, ilfallait luiprésenterdesexcuses.Luiexpliquerqu’elleétaitstresséeetaussiunpeuirritéeparsonattitude.Cen’étaientpasdesraisonsvalablesmaistantpis,elleassumerait…Demain.
Demainelleiraitletrouverpours’excuser.Unefoisquecettesoiréeseraitterminée.—Ilyavaitunmondefou,n’est-cepas?commenta-t-elled’untonqu’elleespéraitléger.Il se contenta de hocher la tête.Un peu rassurée, elle le conduisit jusqu’à sa place à la table
principale,situéesuruneestradecirculaireaucentredelasalle.Ilenlevasaveste,maisnelaluitenditpastoutdesuite.
—Aufait,mademoiselleChatsfield?Elleseraiditimperceptiblement.— Si ça ne vous ennuie pas, pourriez-vous chercher pour moi le numéro de téléphone du
commissariatleplusproche?J’aiunincidentàsignaleretjen’aipaseuletempsdelefaire.Catastrophe.Cettefoisçayétait.Elleallaitunefoisdeplusêtreconsidéréecommelabenjamine
idiote de la famille Chatsfield. La vilaine fille. Celle qui ne devrait même pas exister. Et elle nepouvaits’enprendreàpersonned’autrequ’àelle-même.
—Unincident?répéta-t-elled’unevoixfaible.Siellesejetaitàsespiedsenimplorantsapitié,l’écouterait-il?Non,biensûr.Ilsuffisaitdese
rappelersonarroganceetsonméprisàl’aéroport…—Rienquidoivevousinquiéter,répliqua-t-ilenluitendantsavesteavantdes’asseoir.
3.
Aidan se cala dans son fauteuil en réprimant un sourire. Le suspense devait la tuer… Etcurieusement,iltrouvaitçatrèsamusant.Lorsqu’ilavaitmentionnélapolice,ilavaitcruqu’elleallaits’évanouirdevantluietilavaiteuenviedesiffloterunpetitairjoyeux…Iln’avaitpasl’intentiondeporterplainte,biensûr.Lamaintenirdansl’angoissetoutelasoiréeseraitunepunitionsuffisante.
Saufquelescoupsd’œil inquietsqu’ellen’arrêtaitpasde lui lanceravaientuneffet inattendu,constata-t-il bientôt.Malgré lui, il avait une conscience aiguë de sa présence.Or, ce soir plus quejamaisilavaitbesoindetoutesaconcentration.
Maisbon,jusque-là,lapartiesedéroulaitcommeprévu.Elleryétaitsuffisammentanxieuxpourcommettredes imprudences,mais pas assezpour jeter l’éponge.Commeà sonhabitude il tenait àbrillerdevantsescompatriotesetterminerlapartieenbeauté.Cependant,ilavaittendanceàlouchersurledécolletédeCaraChatsfield…
Aprèstout,siElleryetlaplupartdesautresjoueursétaientdistraitsparlaprésencedelajeunefemme, il ne pouvait que s’en réjouir. Ça lui facilitait la tâche… Cependant, Aidan ne pouvaits’empêcherd’éprouveruncertainagacement.Pasétonnantquetousceshommessoientfascinés,vutoutes les ressources de séduction qu’elle déployait pour animer la table. Sourires charmeurs,mouvements gracieux, elle respirait la sensualité… Elle était très expérimentée pour quelqu’und’aussijeune.Etlesmainsbaladeusesnesemblaientpasl’incommoderlemoinsdumonde.Amoinsque… Par moments elle donnait l’impression d’être mal à l’aise. Vulnérable. Comme si elle nes’amusaitpasautantqu’ellevoulaitlefairecroire…
Mais non, c’était une idée stupide. En réalité, elle attendait sans doute de voir commentévolueraitlapartie,dansl’intentiondejetersondévolusurlegagnant.Sonexpériencedesfemmesluiavaitapprisqu’ellesétaienttoutesaussiintéresséeslesunesquelesautres.
Maisalorspourquoilatrouvait-ilaussiattirante,bonsang?Unémirdemandaunepausepourallerauxtoilettes.Lecroupierleuraccordaunquartd’heureet
touslesjoueursselevèrentpoursedégourdir.Aidannebougeapas.Ilpourraitresterassistoutelanuit sans bouger si ça lui permettait de ruiner Martin Ellery. Objectif qu’il était en bonne voied’atteindre. Ellery avait paru surpris par son habileté parce qu’il savait qu’il n’était pas joueur denature. Ilavait toujoursété tropprudent.Commesonpère.Maissachantque lepokerétait lepointfaibled’Ellery, ilavaitpatiemmentapprisà jouer.Adevenirunbonjoueur.Satendancenaturelleàmasquersessentimentsétaitunatout.Etunautretraitdecaractèrequ’iltenaitdesonpère.
Sonpèreàprésentdisparu,àcausedesmanœuvresfrauduleusesdeMartinElleryquil’avaientbrisé,quatorzeansplustôt.Aujourd’hui,c’étaitàsontourdebriserEllery.Ilallaitmettreenpièces
sonamour-propre,saréputation,sonassurance…Ilallaitlepriverdesaraisondevivre.C’étaittoutcequ’ilméritait.
Elleryétaitdéjàsurleflanc.Sapiledejetonsavaitsérieusementdiminué.Unhommeplusaviséauraitdéjàquittélatable,maissonegol’enempêchait.Exactementcequ’ilavaitprévu…Etirantsesjambesdevantlui,Aidanfitsigneàunserveurdeluiapporterunautreverredethéglacé.Ildétestaitça,maisçaressemblaitàduwhiskyetçadonnaitlechange.Ilpassaitpourunvraijoueurauxyeuxdesautres.
Aidancrispa lamâchoire.Elleryavait traversé la salleet tenaitCaraChatsfieldpar lebras. Ill’avait tripotée toute la soirée, mais à en juger par le rire rauque qu’elle laissait échapperrégulièrement,celaneladérangeaitpas.
Alors,pourquoicespectaclelecontrariait-ilàcepoint?Cen’étaitpasunejeunefilleinnocentemaisunefemmeintéressée.Quandilavaitcrudécelerunecertainevulnérabilitéchezelle, ils’étaitsûrementtrompé.Ilavaitprissesdésirspourdesréalités.
Maispourquoiaurait-il enviedevoirchezcette femmeautrechosequecequ’elleétait ?Unebimbo sans intérêt. Aidan promena son regard sur le cou crémeux de Cara, sur ses yeux vertémeraudebordésdekhôlnoir.Ilsdevaientêtreaussifauxquesescheveux.Encequiconcernaitcesderniers,ilfallaitbienreconnaîtrequececarrérosevifluidonnaitunairdepetitlutinsexy.Non,ungrandlutinsexy.
CarasepenchaversEllerypourmieuxentendrecequ’illuidisait,puisellel’entraînahorsdelapièceavecunsourireétincelantquihérissaAidan.Oùallaient-ils?Danslasuited’Ellery?Lapauseneduraitqu’unquartd’heure.S’ilavaitlachancedelamettredanssonlit,Ellerydevraitavoirenviedelasavourer,non?
Contrarié par le tour que prenaient ses pensées, Aidan se cala dans son siège et parcourutdistraitementlafouleduregard.Deshommesfortunésaccompagnésdefemmesintéressées.Schémaclassique.Mais qui n’était pas le sien. L’essentiel de son temps il le passait à travailler, à faire del’exercice et à dormir. Dans cet ordre. Occasionnellement il sortait avec une femme. Plusoccasionnellement encore il prenait un verre avec des collègues.Mais depuis lamort de son pèrel’annéeprécédente,ilétaitenproieàunenervositéextrême.Dontilneseraitdélivréqu’aprèsavoirécrasé Martin Ellery et l’avoir dépouillé de tout ce qui comptait pour lui. Son entreprise et saconfianceenlui.
Le regard d’Aidan s’attarda malgré lui sur la porte derrière laquelle Ellery et Cara avaientdisparu.Iln’avaitaucuneraisondesepréoccuperdusortdelafilleChatsfield.Cen’étaitpasàluidelaprotégersielleétaittropstupidepourvoirEllerytelqu’ilétait.
Ils’était juré,desannéesplustôt,denejamaisselaisseralleràdesréactionsaffectives.Etdetoute façon,CaraChatsfieldn’était visiblementpasdugenre à avoirbesoinqu’on laprotège, saufpeut-êtred’elle-même.
Alors quelle importance si le vieux avait les mains dans son décolleté ? Sa bouche sur lasienne?S’ilétaitentraind’embrassersoncoucrémeux…
—Surquoidonnecetteporte?La serveuse àquiAidanvenait deposer cettequestiond’un tonhargneux le regardad’un air
interloqué.—LeBardesGrossesMiseset sa terrassequidonnesur leStrip.Mais ils sont tous lesdeux
ferméscesoir,monsieur.Aidanlaissaéchapperungrognementdedépit.Siquelqu’undevait touchercecoucrémeuxce
soir,ceseraitlui,etpasavecsabouche…
***
Réprimantunsoupir,Caraesquivalesmainsd’Ellerypourlaénièmefois.Direqu’elle l’avaitcru quand il lui avait dit qu’il voulait admirer la vue spectaculaire depuis la terrasse du Bar desGrossesMises…Commentpouvait-elleêtreaussicrédule?Cesoir, les tablesde jeuétantcenséesmonopolisertouslesregards,lebarétaitfermé.Etlesilencequirégnaitdanslapièceplongéedanslapénombresemblaitplusassourdissantquelebrouhahaducasino.
Endébutdesoirée,Elleryluiavaitexpliquéquesapremièreépouseavaitperduleurbébépeudetempsavant l’accouchementetquecettepetite filleauraitaujourd’huisonâge.Sur lemoment,elleavaitéprouvéde lacompassionpour lui,maisàprésent, ellen’étaitpluscertainede lavéracitédecette histoire.Une chose était claire, cependant.Les caresses furtives sur son bras ou le dos de samainn’avaientriendepaternel.Siellen’avaitpasétéaussiangoisséeparAidanKelly,elleenauraitsansdouteprisconscienceplustôtetelleneseraitpasseuleavecluidanslapénombredubar…
Levolcandel’hôtelMirageentraenéruptionderrièreelle,etCaraperçutvaguementles«oh»etles«ah»éblouisdestouristesmassésdevantcetteattractiongratuite,unecentainedemètresplusbas.Sicettesoiréeneseterminaitpasbientôt,elleallaitelleaussientrerenéruption…
— J’espère que vous appréciez la vue et que vous reviendrez un soir où le bar sera ouvert,déclara-t-elleens’écartantdelabalustrade.Maispourl’instant,ledevoirm’appelleàcôté.
Avantquesonsourirefacticeaitletempsdes’estomper,Elleryl’agrippaparlebras.—Voussavezbienquejenesuispasvenuicipouradmirerlavue,Cara.Rejoignez-moidans
machambreaprèsletournoi.Jesaisquevousenavezenvie.Ilsavaitqu’elleenavaitenvie?Aucombledel’indignationetdudégoût,Cararestasansvoix.Il
pouvait peut-être encore plaire à certaines femmes, mais qu’avait-elle bien pu faire pour qu’ils’imaginequ’ellefaisaitpartiedecettecatégorie?Etsurtout,commentallait-ellesedépêtrerdeluisans trop le vexer ? Il ne manquerait plus qu’il fasse un scandale qui parvienne aux oreilles deChristos…
Ellesursautaensentantsesmainsserefermersurseshanches.Illacoinçacontrelabalustrade.—MonsieurEllery!protesta-t-elleenposantlesmainssursontorsepourlerepousser.Jesuis
avecquelqu’un.Ilplissalesyeux,maisnebougeapas.—Qui?Qui?MonDieu,commentcethommepouvait-ilêtreaussi lourd?Elle jetaitdescoupsd’œil
désespérésverslaporte,enpriantpourquequelqu’unvienneàsarescoussequandillâchaunjuronretentissant.
—Nemeditespasquec’estKelly.Kelly ? Il fallut quelques secondes àCarapour comprendrequ’il neparlait pasd’une femme
mais d’Aidan Kelly. Les pensées bouillonnèrent dans son esprit. Il était évident d’après leurcomportementàlatabledejeuquelesdeuxhommesnes’aimaientpas.Parmoments,elleavaitmêmecruvoirdelapeurdanslesyeuxdeMartinElleryquandAidanremportaitunemanche.Quelmalyaurait-ilàlelaissercroirequ’elleavaituneliaisonsecrèteavecAidanKelly?Illalaisseraitpeut-êtretranquilletoutlerestedelasoirée.
—Lesavoir-vivrem’interditdevouslepréciser,murmura-t-elle.Commeelles’yattendait,ilpritcetteréponsepouruneconfirmation.—Kellyestunmisogyne.Croyez-moi. Ilbriseravotrepetit cœur,monchou,et il l’enterrera
avectousceuxqu’ilabrisésenAustralie.
Vu qu’elle n’avait pas l’intention d’avoir lemoindre contact avecAidanKelly une fois cettehorriblesoiréeterminée,ellenesefaisaitaucunsoucipoursoncœur,sedit-elleaussitôt.Aumêmeinstant, le visage d’AidanKelly s’imposa à son esprit.Quand elle avait croisé son regard pour lapremièrefois,elleavaiteul’impressionquesoncœurs’arrêtaitdebattre.Quelesolsedérobaitsousses pieds…Ça, c’était parce que son talon s’était cassé, bien sûr.Mais elle était si désespérémentromantiquequ’ellel’avaitprispourleprincecharmantenpersonne.
Elle avait été très vite détrompée par son attitude détestable,mais ça ne l’avait pas empêchéed’être irrésistiblementattiréepar lui.Elle l’avait regardéavec lesmêmesétoilesdans lesyeuxquel’hôtessequiétaitarrivéequelquesinstantsplustardencriantsonnom.Malheureusement,iln’avaitpascachéleméprisqu’elleluiinspiraitetill’ignoraitsuperbementdepuis.Enfin,pastoutàfait…Aucours de la partie, elle l’avait surpris à plusieurs reprises en train de la regarder. Ce qui avaitdéclenchéenelleuntroubleintense…
Mais au lieudepenser àAidanKelly, elle feraitmieuxd’obligerMartinElleryd’enlever sessalespattesdeseshanches!Accrochantunsourireàseslèvres,elletentadeluifairelâcherprise.
—Ecoutez,monsieurEllery…—J’espèrequejenevousdérangepas.La voix profonde d’AidanKelly eut un effetmiraculeux.MartinEllery lâcha aussitôtCara et
l’écartadelui.Ellepoussaunsoupirdesoulagement.—Tiens,tiens,regardezquivoilà,commentaElleryd’untonnarquois,donJuanenpersonne.Carafaillits’étrangler.Lepirequipouvaitluiarriverseraitqu’AidanKellydécouvrecequ’elle
avaitlaissécroireàMartinEllery!—C’estvousquiavezlamain,monvieux.Letondangereusementposéd’AidanfitfrissonnerCara.—Quevoulez-vous,Kelly?demandaEllery.—Prendreunpeul’air,répliquaAidanenavançantsurlaterrassed’unpasnonchalant.—Lebarestfermé,ditEllery.—Onnediraitpas.Elleryplissalesyeux.—Jedoisdirequej’aiétésurprisdevousvoiricicesoir.Aidans’accoudaàlabalustradeetpromenasonregardsurleslumièresscintillantesduStrip.—Vraiment?L’hostilitéentrelesdeuxhommesétaitpalpable,maisAidanKellymasquaitmieuxlasienneque
sonadversaire,constataCara.Ellerys’écartadequelquespas.—Vousenprendreàmoic’estavoirlesyeuxplusgrosqueleventre,mongarçon.Tournantàpeinelatête,AidanclouaEllerysurplaced’unregardglacial.—Nem’appelezplusjamais«mongarçon».—Oh!inutiled’userdel’intimidation.Deshommesplusfortsquevousontessayédem’abattre,
maisaucunn’yestparvenu.Aidanesquissaunsourire.—Vousêtesparano,monvieux.Jesuisvenuicipourjoueraupoker.Commevous.Ellerys’esclaffa.—Ehbien,profitezdevotrepériodechance.Ellenedurerapas.—Ellesnedurentjamais,acquiesçaAidand’unevoixtraînante.
Caradéglutitpéniblement.C’étaitdetouteévidenceunadversaireredoutableets’opposeràluiserait dangereux.Non qu’elle en ait l’intention.Dans lamesure du possible, elle feraitmême toutpourl’éviter.Elledétestaitlesconflitsetpréféraitfairel’autrucheplutôtqued’avoirunedisputeavecquelqu’un.
C’étaitpeut-êtrelâchedesapart,maisentrel’enviedeconnaîtrelegoûtdesaboucheetcelledeprendresesjambesàsoncou,ellecèderaitsanshésiteràlaseconde.Quelquechoseluidisaitquesielle se risquait à embrasser Aidan Kelly, cette expérience la changerait à jamais… Commentréagirait-ilsielleluidemandaitdelalaisserl’embrasserpuisd’oubliersonbaiser?
«Maisoùas-tulaissétoncerveau,cesoir,petiteidiote?»semorigéna-t-elle,atterrée.Aumêmemoment,commes’illisaitdanssespensées,Aidanplongeasonregarddanslesienavantdeleposersurseslèvres.S’efforçantd’ignorersontrouble,elledéclara:
—Ilvaudraitmieuxquenousregagnionslasalledejeu.Entantqu’hôtessedutournoi,n’était-cepassonrôlededésamorcerleconflitquicouvaitentre
lesdeuxhommes?Asongranddépit,aucundesdeuxneluiprêtalamoindreattention.—Vousn’êtespasàlahauteur,mongarçon.Exactementcommevotrepère.L’estomacdeCarasenoua.Elleignoraitquelétaitlecontentieuxentrelesdeuxhommes,mais
Martin Ellery venait de fairemonter la tension d’un cran. La colère qui faisait vibrer Aidan étaitnettement perceptible… Elle se retourna lentement vers ce dernier, s’attendant presque à le voirbrandiruncouteau.Maisàsagrandesurprise,cedernieradressaaucontraireunsouriremagnanimeàl’hommequivenaitdel’insulter.
—Messieurs…Elletressaillitalorsqu’Ellerylaprenaitparlataille.—Faitesattention,Kelly.Vouspourriezperdrebeaucoupplusquevousnelepensez.Oh!non!Elleryallaitrévélercequ’elleluiavaitlaissécroire…—Cessez de vous inquiéter,Martin, répliqua Aidan d’un ton affable. Vous donnez vraiment
l’impressiond’êtreparano.Cara sentit la main d’Ellery trembler et s’écarta de lui. S’ils avaient envie de s’étriper, ils
n’avaientpasbesoind’ellecommespectatrice.Maisavantqu’elleaitletempsdes’esquiver,Elleryluibloqualepassage.
—Atoutdesuite,autourdelatable,Kelly.—Avecplaisir,répliquaAidandesavoixtraînante.EllerylefoudroyaduregardavantdequitterlaterrasseenignorantCara.—Trèsintéressant,murmura-t-elleauboutd’unmomentpourromprelesilence.—Seulementsivousaimezlesvieuxcochons.D’accord…— Je ne sais pas quel est le problème entre vous, mais… vous devriez peut-être y aller
doucementavecM.Ellery,sesentit-elleobligéededire.Jepensequ’ilavraimenttrèspeurdevous.AidanKellyrestaimpassible.—Iladesraisons.«Etmoiaussi»,songea-t-elleavecanxiété.—Aimez-vouslesvieuxcochons,mademoiselleChatsfield?ajouta-t-ild’untonsarcastique.Malgrétoussesefforts,elleneparvenaitpasàluttercontrelafascinationqu’ilexerçaitsurelle.
Avecsacarrured’athlèteetsesmanchesdechemiseremontéesjusqu’auxcoudes,c’étaitl’hommeleplusvirilqu’elleavaitjamaisvuendehorsdesfilmsd’action.
—Ehbien,çadépenddecequevousentendezparvieux.
Elleseforçaàsourirepourtenterdedétendrel’atmosphère.—Maisenrèglegénérale,jediraiquenon.—Danscecas,gardezvosdistancesavecEllery.Ilesttoxique.—Mercipourleconseil,répliqua-t-elled’untonaussienjouéquepossible.Maintenant,sivous
voulezbienm’excuser,ilfautquejeretournedanslasalle.Contrairementàsonintention,ellerestaimmobile.—QuevoulaitEllery?demandaAidan.—Rien.—Rien?Ilplongeasonregarddanslesien.—Etes-vousaveclui?—Aveclui?Vousvoulezdire…?Non.—Enavez-vousenvie?—Pasdutout!Leseulfaitd’ypenserlarendaitmalade!—Danscecas,vousdevriezéviterdeluisourirecommevousl’avezfaittoutelasoirée.—Jen’aifaitquemontravail.—Vousl’avezaguichéaveccesourirequiprometdesplaisirsincomparables.Cara regardaAidan avec stupéfaction.Elle aurait pourtant juré que son sourire n’avait aucun
effetsur lui…Envahieparunevivechaleur,elleneparvenaitpasàdétachersesyeuxdelabouched’Aidan.Impossibledenepasimaginersabouchesurlasienne.Elledevaitavoirungoûtdélicieux…
Ilavançaverselle.Sanslevouloir,ellereculaetseretrouvaledoscontrelemur.Cethommen’avait même pas besoin de sourire pour promettre des plaisirs incomparables. Son regard s’enchargeaittoutseul…
—Monsourirene…Lesyeuxd’Aidanseposèrentsursabouche,luicoupantlaparole.Ilss’yattardèrentuninstant
puisplongèrentdanslessiens.—Si,ilestpleindepromesses,insista-t-ild’unevoixrauque.Etilpeutsansdoutevousaiderà
berner un pauvre chauffeur sans méfiance, mais un homme comme Ellery le prendra pour uneinvitation,quevouslevouliezounon.
«Chauffeur.»CefutleseulmotqueCararetintdecettedéclaration.—Voussavez,murmura-t-elle,mortifiée.N’est-cepas?Aidanserapprochaencoreetelledutpencherlatêteenarrièrepourleregarder.—Cequejesaisc’estquevousm’avezrendufoutoutelasoirée.Maisdites-moi,mademoiselle
Chatsfield,êtes-vousvraimentàlahauteurdevotreimagedefemmehypersexy?Carafutdéstabiliséeparlapointed’agressivitédanslavoixd’Aidan.Avantqu’elleaitletemps
deréfléchiràuneréactionappropriée,ils’approchaencoreplusprèsd’elle.Assezprèspourqu’ellesentelachaleurquiémanaitdesoncorps.L’airsechargead’électricitétandisqu’ilpromenaitsursonvisageunregardbrûlant.Lagorgesèche,elleétait incapabledebouger. Ilpencha lentement la têteverselle.Sonêtretoutentiern’étaitplusqu’attente.Uneattenteàlafoisdélicieuseetcruelle.
Leslèvresd’Aidaneffleurèrentlessiennes.Douces.Caressantes.Ilsrestèrentuninstantimmobiles,lesyeuxdanslesyeux,puisAidanenfonçaunemaindansses
cheveux et captura sa bouche avec avidité. Prise de vertige, elle vacilla sur ses jambes et dut secramponner à lui pour ne pas tomber. Avec un grognement étouffé, il approfondit son baiser etresserra son étreinte, écrasant ses seins contre son torse et plaquant son bassin contre le sien. Le
témoignagedesondésirpourellelagalvanisa.Laissantéchapperunlonggémissement,elleréponditaubaiseravecfougue.Muesparunevolontépropre,sesmainscaressèrentlesépaulesmusclées,puissenouèrentsurlanuqueavantdeplongerdansl’épaissechevelure.Ellenesavaitplusoùelleétait—LasVegas,Paris,Rome…Mars?Plusrienn’existaitquecebaiserenivrant.
Malheureusement, un grand boumprovenant d’une attraction sur le Strip les fit tressaillir.Labouche d’Aidan s’arracha à la sienne, son corps se détacha du sien, et elle resta tout étourdie,vacillante,lesoufflecourt.
Aussiessouffléqu’elle,illadévoraduregard.—Rejoins-moiplustard.Aprèsletournoi.Cen’étaitpasunedemandemaisunordre.Abrupt.Impérieux.Excitantauplushautpoint.Vibrant de désir, elle était incapable de détacher ses yeux de son regard brûlant. Elle n’avait
qu’uneenvie,sejeterdanssesbraspourassouvirlapassionquilaconsumait.Jamaisaucunhommeneluiavaitfaituneffetaussidévastateur.Aussigrisantetterrifiantàlafois…
Ilfallaitgarderlatêtefroide.Résisteràlatentation.Ycéderseraitbeaucouptropdangereux…Elleprituneprofondeinspiration.
—D’accord.
4.
Avait-ilvraimentdemandéàCaraChatsfielddelerejoindreaprèsletournoi?C’étaitinsensé.Maisilfallaitbienreconnaîtrequecebaiserl’avaittransportéetqu’ilavaittoutes
lespeinesdumondeàchassercesouvenirdesonespritpourseconcentrersurlejeu.Ce baiser avait été impulsif. Or il ne cédait jamais à ses impulsions. Tout dans sa vie était
planifié à l’extrême. Sa gouvernante le taquinait souvent à ce sujet,mais il savait qu’au fond elleappréciaitqu’ilmèneunevieaussiréglée.
—Régléecommeunehorloge,disait-elleengloussant.Oui,commeunehorloge.Ilaimaitavoirl’assurancequ’aucunemauvaisesurprisenel’attendait.
Qu’aucunimprévunerisquaitdelefairedévierdelavoiequ’ils’étaittracée.Maispourquoipensait-ilàça?Aumomentoùilavaitbesoindetoutesaconcentration.
D’accord,il trouvaitCaraChatsfieldattirante.Etalors?Ilavaitdéjàétéattirépardesfemmessanspourautantdevenirl’esclavedesalibido.C’estvrai,ellesentaitdélicieusementbonetelleavaitunpetitgraindebeautéderrièrel’oreilledroite.Maiscen’étaitqu’uneminette.Etquellequesoitsabeauté,iln’étaitpasdugenreàs’intéresseràunefemmeindignedeconfiance.Mêmeàcourtterme.
CaraChatsfieldétaittropjeune,tropinconséquenteetsansaucundoutetropsuperficielle.Cequiétaitirritant—non,consternant—c’étaitquemalgrécequ’ilsavaitd’elle,ilnerenonceraitpasàcerendez-vous.Pouruneraisonmystérieuse,ellele…«Fascinait»n’étaitpasletermeapproprié,maisil n’en trouvait pas d’autre pour décrire l’effet qu’elle lui faisait. En gros, il ne parvenait pas àdétachersesyeuxd’elle.Commeencemoment,parexemple.Ellediscutaitavecunbarmanàl’autreboutdelasalle…Depuisleurrencontresurlaterrasseellenes’étaitpratiquementpasapprochéedelatableprincipale.Leur«rencontre»!Encoreuntermeimpropre.Enréalitéill’avaitsuivie.IlavaitécraséEllery de sonmépris, puis il avait fini par la plaquer contre lemur…et il avait bien failliperdrecomplètementlatête.
Aidan se remémora la scène qu’il avait surprise sur la terrasse. Les mains d’Ellery sur leshanches deCara…De toute évidence, elle avait été soulagée par son arrivée. Il l’avait lu sur sonvisage.Parailleurs,elleluiavaitassuréqu’iln’yavaitrienentreelleetElleryetquecederniernel’intéressaitpas.Danscecas,pourquoine l’avait-ellepasgiflé?Maisquelle importance?Que luiprenait-il de se poser ce genre de question ?Elle n’était pas lamaîtresse d’Ellery.C’était la seulechosequ’ilavaitbesoindesavoirpoursavourerlaperspectivedepasserlanuitavecelle.
Ilpourraitcommanderàdînerdanssachambre.Ensuiteilsboiraientunverre,etensuite…aulit.Sicebaisertenaitsespromesses,ceseraitgrandiose.Etensuite…ehbien,demainmatinilprendraitl’avionpourlesFidji,oùdevaitseteniruncongrèsorganiséparsasociété.
EtilenauraitterminéavecladélicieuseCaraChatsfield.Aidanressentitunetensiondanssondosetremualesépaules.Lebarmanavecquiellediscutait
devait avoir à peu près lemême âge qu’elle. Ils avaient sans doute regardé lesmêmes émissionsenfantines.
Emissionsenfantines?Bravopourlaconcentration,Kelly!Excellentestratégiepourgagneraupoker…
Iljetauncoupd’œilàEllery,quitripotaitunedesesdernièrespilesdejetons.C’étaitpourluiqu’ilétaitlà.Pourcethomme.Ouplusexactementpourruinercethomme.Etsicetteperspectiveluilaissaitcurieusementungoûtamer…quelle importance? Ilavaitpromisà sonpèremourantqu’ildétruiraitElleryet ilnemanquait jamaisàsespromesses.Sonpèrene luiavaitpasdemandéde levenger?Certes.Maisçaprouvaitjusteàquelpointilavaitétéaffectéparlatrahisond’Ellery.Parcequefranchement,sonpèreauraitdûsevengerlui-même.Aulieudechoisirlafuite…
Aidanpassalamaindanssescheveux,tandisqu’unfiletdesueurcoulaitsursanuque.Unrirefémininsefitentendreàl’autreboutdelapièce.Rauque,sexy.Cara.Ilcrispalepoing.Saboucheétaitsidélicieuse…Soncorpssisoupleetsichaudcontrelesien…
—MonsieurKelly?C’estàvous,rappelalecroupier.Inspirant profondément,Aidan chassaCaraChatsfield de son esprit pour se concentrer sur le
jeu.Ilavaitunebonnemain.Unemaingagnante.Etàenjugerparsonattitude,cen’étaitpaslecasd’Ellery.Aprèscinqheuresdejeu,ilnerestaitplusàlatableàparteuxdeuxqueleno1coréendel’ameublement, qui s’était déjà couché pour ce tour. Le moment était venu de porter l’estocade.D’autantplusqu’il commençait à ressentir leseffetsdumanquede sommeil.Mieuxvalait réserverl’énergiequiluirestaitpourlasuitedelasoirée…
—Jerelance,annonça-t-ilenmisanttoussesjetons.Desexclamationsétoufféess’élevèrentdelapetitefoulequisepressaitsurl’estradeautourdela
table. Martin Ellery leva vers Aidan un regard dans lequel brillait une lueur affolée. Réactionprévisible, puisque son tapis était très réduit et qu’il avait déjà stupidement utilisé son entreprisecomme caution pour acheter des jetons supplémentaires. Aidan réprima unemoue de satisfaction.Ellery était au bord de la ruine et c’était lui qui allait le faire basculer. Après avoir vu son pèredépérirsoussesyeuxpendantdesannées,ilallaitenfinavoirleplaisird’assisteràl’effondrementdecetteordure.LavoixdeCaraluidemandantdeménagerEllerys’imposaàsonesprit,mais il lafittaireaussitôt.Dequoisemêlait-elle?Ellen’avaitrienàvoiravecça.Riendutout.
Lesminutess’écoulaienttandisqu’Elleryhésitaitsurlaconduiteàtenir.Visiblementcaptivés,lesspectateursserapprochaientpeuàpeu.
—Allons,Ellery,déclaraAidand’untonsec.Suivezoucouchez-vous.Ellerypritunairhautainetpoussalerestedesesjetonsenavant.—Jesuis.Aidanlâchaungrognementdédaigneux.—Cen’estpasavecçaquevousallezréussiràresterdanslecoup,monvieux.—Vousêtesunbeaufumier,Kelly.—Etdanscedomainevousvousyconnaissez,n’est-cepas?rétorquaAidand’untoncinglant.
Maisvousavezdéjàengagévotreentrepriseetleranchfamilial.Quepouvez-vousbienavoird’autreenréserve?
Ellery pâlit etAidan eut une décharge d’adrénaline. Il y avait si longtemps qu’il attendait cetinstant!MartinElleryàterre,anéanti…
—Alors,Ellery,qu’avez-vousd’autre?
Elleryjetauncoupd’œilverslebaretilsemblasoudainragaillardi.—Quelquechosequivousintéresse,jelesais,déclara-t-ilavecunsouriresuffisant.D’unsignedetête,ilindiquaCaraChatsfield,quiregardaitdansleurdirection.—Elle.Aidanplissalefont.—Dequoiparlez-vous?—UnenuitavecCaraChatsfield.Voilàcequejemetsenjeu.UnenuitavecCaraChatsfieldneluisuffiraitsûrementpas.Cefutlapremièrepenséed’Aidan.
La seconde fut beaucoup plus déplaisante. Le film de la soirée depuis son arrivée à LasVegas serejouadanssonesprit.CaraChatsfieldlebousculaitàl’aéroport,elleluisoufflaitsalimousine, luidemandaitdenepasêtretropduravecEllery…Cebaiser.Avait-ilpourbutdeledistraire?Iljetaunnouveau coup d’œil vers le bar. Elle regardait toujours dans sa direction. Les yeux légèrementécarquillés, et autantqu’ilpouvait en juger à cettedistance, le souffleunpeucourt, commesi elleattendait leur rendez-vous avec excitation. Remarquable. Elle mériterait l’oscar de la meilleureactrice…
Aidan fut assailli par une bouffée de colère.Quel crétin ! Il n’y avait aucun doute.Ce baisern’étaitriend’autrequ’unemanœuvredestinéeàledéconcentrer.Etilavaitbienfaillisefaireavoir.«Rejoins-moiplus tard.Après le tournoi. »Oui, le parfait crétin…Malheureusement pour eux, ilavaitreprissesespritsàtemps.Maistoutdemême,pourquoin’avait-ilpasouvertlesyeuxplustôt?Parcequ’ils’étaittransforméenobsédésexuelchaquefoisqu’ilavaitposélesyeuxsurelle.Ehbien,ilétaitguéri.Désormais,ilnelatoucheraitpourrienaumonde.
Reportant toutesonattentionsurEllery, ilarqualessourcilsetseforçaàémettreunpetit riredésinvolte.
—Vraiment?Ilvafalloirtrouvermieuxqueça.Elleryétaitàsamerci.Pasquestionderenonceràlemettreenpièces.—Vousnepouvezpasmiserunefemme.—Le règlementde lamaison stipulequevousdevez accepter lamiseque jepropose, quelle
qu’ellesoit,mongarçon.—Dansleslimitesduridicule.Orvotrepropositionlesdépasselargement.Alorstrouvezautre
chose,intimaAidand’untoncassant.Ilattendaitdepuistroplongtempsdedépouillercethommedetoutcequ’ilpossédait.Seuleune
défaitetotale—etpublique—suffiraitàvengersonpèredestortsqueluiavaitcausésceluiquiavaitétésonami.
Lesilencequirégnaitautourdelatableétaitàpeinetroubléparlevaguebruitdefondprovenantdubar.Ellerysetortillasursonsiège,lefrontluisantdesueur.
—Vousêtesfichu,déclaraAidanàvoixbasse.Admettez-le.Lavictoireétaittouteproche.Alorspourquoiétait-ilaussitendu?Nedevrait-ilpasaucontraire
sesentirsoulagéd’unfardeauinsupportable?Avoirlecœurléger?Etreheureux?CaraChatsfieldchoisitcetinstantpourmontersurl’estrade,arborantunair innocentbienque
vaguement préoccupé. Savait-elle que son amant venait de la jouer au poker ? Etait-ce une autremanœuvresurlaquelleilss’étaientmisd’accordsurlaterrasse?
Uneévidences’imposasoudainàl’espritd’Aidan.Cen’étaitpasdusoulagementqu’ilavait lusurlevisagedeCara,àsonarrivéesurlaterrasse.C’étaitdelapeur.ParcequeElleryetelleavaientfailliêtreprissurlefait…Avraidire,toutçan’étaitpastrèslogique,songea-t-ilconfusément.Mais
peuimportaitlalogique.Soninstinctluidisaitquequelquechoseclochait.Etce,depuisl’instantoùellel’avaitbousculéàl’aéroport.
—Finalement,j’acceptevotremise,sesurprit-ilàdéclarer.Il l’emmènerait dans sa suite. Et il la prendrait avec une telle sauvagerie qu’elle regretterait
amèrementd’avoirvoulusemettreentraversdesonchemin.
***
Il y avait un problème, comprit Cara en arrivant près de la table. Elle avait évité de s’enapprocherdepuissonretourdelaterrasse.Lebaiserd’AidanKellyl’avaitcomplètementdéstabilisée.Sur lemoment, elle avait été incapablede lui résister.Son regardbrûlant, la chaleurde soncorpsmusclésiprochedusien…Elleavaitétélittéralementensorcelée.Etquandsabouches’étaitemparéedelasienne…quandelleavaitsenticontresonventresavirilitépleinementéveillée…elleavaitététransportée.Submergéeparunevaguededésirqui luiavaitcoupé le souffle.Etelleavaitperdu latête.
Mais pouvait-elle vraiment le rejoindre après le tournoi ? Pouvait-elle coucher avec uninconnu?Uninconnuàquielleavait«emprunté»savoiture…
Peut-être était-ce ledestinqui les avait jetésdans lesbras l’unde l’autre.Comment expliquerautrementqu’ellesesoitsentieaussibiendanssesbras?Qu’elleaitvusursonvisageundésiraussiintensequelesien?
Maisalors,pourquoineluiaccordait-ilplusunseulregardàprésent?UngrandfroidenvahitCara.Ilyavaitunproblème.Unproblèmetrèsgrave.Ellel’avaitsentidepuisl’autreboutdelasalle.C’étaitcequil’avaitpousséeàrevenirverslatable.Maiselleauraitsansdoutemieuxfaitdepartirencourant…MartinElleryétaitd’unepâleurcireuseetAidanKellyarboraitunairguerrier.Lafemmequisetrouvaitàcôtéd’ellesoupiraetluilançaunregardcompatissant.Perplexe,elleluisourit.
—Quesepasse-t-il?Qu’ont-ilsmisé?Lafemmelaissaéchapperunpetitriretremblant.—Vous.—Moi?s’exclamaCarad’unevoixétranglée.Vousêtessérieuse.—Oh!oui.C’estlejoueurleplusâgéquil’aproposé.Ellery?Carafutprisedenausée.—Et…etl’autreaaccepté?—Al’instant.Oh!monDieu.Pourquoi?PourquelleraisonAidanavait-ilaccepté?Etqu’était-ilpasséparla
têtedeMartinEllerypourqu’ilfasseunepropositionaussiinconcevable?Quedirepoursesortirdeceguêpier.L’imagedesonpèresecouantlatêted’unairrésignés’imposaàelle.Sielleprovoquaitunscandale,ilcroiraitqu’ellel’avaitfaitexprès.Quec’étaitsafaçondes’amuser…
Dansl’incertitude,ellerestasilencieuse.Cequ’Ellerypritpourunconsentement.—Elleestd’accord!Touslesregardssetournèrentverselle.Quefaire?Iln’avaitsûrementriendeplusentêtequ’un
dîner.Commelorsqu’elleavaitacceptéqu’undînerentêteàtêteavecellesoitproposécommelotàuneventedecharitépourlessansdomicile.Sonpèreavait trouvéçadetrèsmauvaisgoût.Maiscesoir,c’étaitencorepire.Elleavait le sentimentqu’elleauraitde toute façondroità sa réprobation,qu’elleaccepteouqu’ellerefuse.
—Ehbien…sivousparlezde…
—Affaireconclue,coupaMartinElleryendonnantuncoupsur la table.Montrezvotremain,Kelly.
Aidan Kelly jeta ses cartes sur la table avec un grognement qui accrut l’angoisse de Cara.Pourquoi évitait-il de la regarder ?Et pourquoi avait-il un air aussi dur ?Ce n’était pas lemêmehommequil’avaitembrasséeavecpassionsurlaterrasseetregardéecommesiaucuneautrefemmeaumonden’existaitàsesyeux…
Queferait-elles’ilgagnait?Etsic’étaitMartinElleryquigagnait?Elleréprimaunenouvellenausée.
—QuinteflushpourM.Kelly,annonçalecroupier.MonsieurEllery,voscartes,s’ilvousplaît.Trèspâle,Elleryse figea. Il restasansréaction, l’airhébété,quand lecroupierprit sescartes.
Caraavaitdesbourdonnementsd’oreilles.Ellesentaitlesregardscurieuxfixéssurelleetsesjouesétaientenfeu.Unmurmureparcourutlafoule.Quatrereines…Elleryavait-ilgagnéouperdu?
—UncarrépourM.Ellery.Lecroupierfitunepauseetelles’attenditpresqueàentendreunroulementdetambour.—M.Kellyremporteletournoi.M. Kelly remporte le tournoi ? Il fallut quelques secondes à Cara pour prendre pleinement
conscience de ce que signifiaient cesmots. Elle leva les yeux et rencontra le regard de l’hommequ’elleavaitdéjàacceptéderetrouverenfindesoirée.Pourquoiétait-ilaussifroid?PourquoiAidanKelly semblait-il avoir compris que, sous des dehors plutôt glamours, elle était d’une nullitéaffligeante?
«Dites-moi,mademoiselleChatsfield,êtes-vousvraimentàlahauteurdevotreimagedefemmehypersexy?»
Aidanselevaetpromenasurlatableunregarddédaigneux.—Vouspouvezgardervotreprécieuseentrepriseetvotreargentcontaminé,Ellery.Jen’enveux
pas.Elleryouvritdegrandsyeux,l’airplushébétéquejamais.—Vousmelaisseztout?—Presque.AidandardasurCaraunregardfroid.—Tout,saufelle.
5.
Aidan était furieux contre lui-même. Pourquoi avait-il épargné Ellery ? Et renoncé à savengeance?Iln’ensavaitrien.Maisunechoseétaitcertaine.Ilétaitperturbéparcetteexpérience.Parla femmequi l’accompagnait. Par son baiser, son air innocent, sesmensonges.Etmaintenant, elleallaitpayer.Oh!pasavecsoncorps.Ça,iln’enavaitplusenvie.Non,ilallaitluidonneruneleçond’unautregenre,pouravoirosés’enprendreàlui.Caratrébuchatandisqu’ilstraversaientlaSalleAcajousouslesregardsfascinés.Ilresserralesdoigtssursoncoude.
—Souris,mabelle.Tout lemondevacroireque tun’espasenchantéed’avoirétégagnéeaupoker,railla-t-il.
—MonsieurKelly…Ils’immobilisaavecunsouriresansjoie.—Jecroisquenousavonslargementdépassélestadedu«MonsieurKelly»,non?Enfait,je
medemandesinousnedevrionspasdonneràtouscesgensunaperçudetontalent.D’aprèscequej’aipuvoirdansuncertainclip,tuesdugenreexhibitionniste.
—Non,je…AidanattiraCaracontrelui.—Alorssuis-moisansrechigner,intima-t-ilàvoixbasse.Sinon,j’oublieraiquejesuisunêtre
civiliséetjesoulèveraitarobepourteprendresauvagementcontrelemurleplusproche.Cara blêmit.Quelle importance si elle était blessée ? se dit-il aussitôt.Elle neméritait pas sa
considération.N’avait-ellepasacceptédes’offrircommeappât?Malheureusementpourelle,c’étaitlemauvaispoissonquiavaitmordu.Sansunmotdeplus,ill’attiradansl’ascenseuretsortitsacartemagnétique pour actionner la commande. Une fois au dernier étage, il la poussa dans la suiteprésidentielleetrefermalaportederrièreeuxd’uncoupdepied.
—MonsieurKelly,s’ilvousplaît…—Appelle-moiAidan,mabelle.Etarrêtedemevouvoyer.—Sivousvouliezbienmelaisserparl…—Jeneveuxpasquetuparles.Jeveuxquetutedéshabilles.Etsanstepresser.Aidaneutunsourirefroid.—Jeveuxprendreletempsdesavourerchaqueminute.Ils’installasurlecanapéetétenditlesbrassurledossier.—Gardejustetesbasettestalonsaiguilles.Ellevacillasursesjambes.—Vousn’êtespassérieux.
—Oh!si.Jet’aiimaginéetoutelasoiréepenchéesurlatabledusalondanscettetenueetj’aihâtedevoirçaenvrai.
Il y eut un silence tendu.Aidan attendit, impassible.Qu’allait-elle faire ? Jusqu’où s’était-elleengagéeàaller?
***
Comment avait-elle pu accepter de retrouver cet étranger au regard froid pour coucher aveclui?sedemandaCaraavecincrédulité.Lebaiserpassionnésurlaterrassen’étaitplusqu’unlointainsouvenir.Lagorgesèche,elles’efforçademaîtriserlesbattementsdesoncœur.Ilnepouvaitpasêtresérieux.C’étaitimpossible.Etpourtant…Sonvisagedurnelaissaitpasentrevoirlemoindreespoirdeclémence.Ellesecoualatêteetditd’unevoixétranglée:
—Jenepeuxpas.—Tuveuxboirequelquechosed’abord?demanda-t-ilavecunesollicitudefeinte.Jenepensais
pasquetuenauraisbesoinpuisquetusavaiscequit’attendait.—Ecoutez,nousn’avonsrienprécisétoutàl’heure.Jen’aijamaisacceptéde…coucher.—Tuasacceptéd’êtrejouéeaupoker.Tupensaisquec’étaitjustepourdîner?Pourbavarder?Letond’Aidandevintcassant.—Tut’imaginaispeut-êtrequenouspasserionslasoiréeàdiscuterdesderniersfilmssortis?—Jevoisbienquevousêtesencolère,mais…—Oh!jenesuispasencolère.Jesuisexcité.Cen’estpastouslesjoursqu’unhommegagne
unefemmeaupoker.—Cen’étaitpassérieux.Ellen’auraitjamaisdûdireça,comprit-elleaussitôt.Aidansepenchaenavant,l’airmenaçant.—L’enjeuétaitcolossalpourmoi,figure-toi.JetenaisMartinElleryàmamerci.Ilfrappadupoingcontrelapaumedesamain.—Ilétaitruiné!Etunefoisdeplus,tut’esmêléedecequineteregardaitpas.Tuluiasdonné
unepossibilitédegagner.S’ilavaitgagné…L’espaced’uninstant,uneautreémotionquelacolèreperçadanslavoixd’Aidan.Carafouilla
son regard. Serait-ce…de la souffrance ? En tout cas, une chose était sûre. Le fond du problèmec’étaitmoinsellequel’hommequ’ilavaitlaissévaincuethumiliéàlatabledepoker.
—Pourquoienvoulez-vousàcepointàM.Ellery?demanda-t-elled’unevoixapaisante.Quevousa-t-ilfait?
—Commesitunelesavaispas.Ellesecoualatête.—Jevousassurequejel’ignore.Aidanselevaets’avançalentementverselle.—Tues trèsdouée. Jedois le reconnaître. J’ai cru absolument tout ceque tum’asdit sur la
terrasse.Ellereculad’unpas.—Jen’aipasmenti.Ilcontinuaàavancercommesiellen’avaitriendit.— J’ai cru qu’il n’y avait rien entre Ellery et toi.Mais la voiture, la scène de la terrasse, la
mise…Ilémitunrireamer.
—Jedoisdirequependantunmomenttum’asbieneu.—Voussaviezpourlavoiture…Oh!monDieu.Jemedoutaisquevoussaviez.—Mais tu n’avais pas l’intention dem’en parler. Tu n’avais pas prévu de t’excuser, n’est-ce
pas?Caraprituneprofondeinspiration.—Cequej’aifaitestinadmissible,jelereconnais.Maisiln’yavaitpasdetaxis,etjenepouvais
pasmepermettred’arriverenretardàl’hôtel,et…Jesuisvraimentdésolée.Entempsnormaljenemepermettraisjamaisunechosepareille,maisj’étaisfatiguée,stressée…
Elledéglutitpéniblementtandisqu’Aidanmimaitunennuiprofond.—J’étais…—Egoïste?Sansscrupule?Enfantgâtée?—Furieusecontrevous,sivousvouleztoutsavoir.—Ah,enfinlavérité.—MonsieurKelly…—Allons,mabelle, tu dois bienpouvoirm’appeler parmonprénom.Surtout après la façon
donttumedévoraisdesyeuxsurlaterrasse.—Jenevousdévoraispasdesyeux.—Nonseulementtumedévoraisdesyeux,maistum’asinvitéàdévorertabouche.—Pasdutout…Jenevoulaispas…—Si,tuvoulais.Tuavaisenviequejet’embrasseetbienplusqueça.Ettuvasrecommencer.Aidans’approchaencoredeCara.Ellereculaetheurtaunfauteuil,danslequelelletombaassise.—Tuvasmedonnertoutcequetuauraisdonnéàtonamant.Ellesemorditlalèvreinférieurepourl’empêcherdetrembler.—Cen’estpasmonamant.Il se pencha vers elle et posa les mains sur les accoudoirs, la retenant prisonnière dans le
fauteuil.— Tu ferais une excellente actrice, ma belle. Mais la comédie est finie. Alors arrête de me
mentir.—Jenevousmenspas.Jenesaispasdequoivousparlez.Jevousaidéjàditqu’iln’yavaitrien
entreluietmoi.—J’adoreceregardinnocent.C’estundétailtrèsconvaincant.Ilbaissalesyeuxsursesmains,qu’elletordaitsurlesgenoux.—Trèsconvaincantaussi.Ilpromenaensuiteleregardsursesjambesavantderemonterlentementjusqu’àsonvisage.A
songranddam,ellesentitunedoucechaleurl’envahiretl’atmosphèresechargeadevibrationsquin’avaientrienàvoiraveclacolère.
—Ecoutez, j’aicommisplusieurserreursaujourd’hui,dit-elled’un ton implorant.Jen’auraisjamaisdûalleràL.A.Mêmepour remerciermonagent. J’estimaissansdoute inconsciemmentquetoutallaittropbienpourmoi.Qu’ilyallaitforcémentavoirunproblème.Alors,jel’aiprovoqué.Jeveuxdire, ilya toujoursunproblème.Biensûr, jenepouvaispassavoirque levolserait retardé,mais…
—Dequoiparlez-vous?—Demoi.Effarée,Carasentitunelarmeroulersursajoue.—Jesuisnulle.
Unedeuxièmelarmesuivitlapremièreetelleenfouitsonvisagedanssesmains.—Mêmequand toutvabien les choses finissent toujoursparmal tourner.Et je… je saisque
c’estmafaute.Je…
***
A lagrandeconsternationd’Aidan,Cara fonditen larmes. Iln’avait riencomprisàcequ’elleavaitraconté.L.A.,leschosesquitournaienttoujoursmal,levolretardé…Ets’ils’étaittrompé?SielleavaitétébernéeparEllerycesoircommesafamillequatorzeansplus tôt?Ses larmesétaientbienréellesetellefaisaitdeseffortsmanifestespourlescontrôler.Ilétaitclairqu’ellenejouaitpaslacomédie.Lacolèrefroidequiétreignaitlecœurd’Aidan,depuisqueCaraavaitétémiséeaupoker,commença à se dissiper. Il n’avait jamais eu l’intention de la faire pleurer. Il pensait qu’elle allaitjouerjusqu’auboutlerôlequ’ilcroyaitlesien.Qu’elleallaits’offriràlui.Sedéshabillercommeilluiavaitdemandé.Etavantqu’elleaitterminé,ilauraitsecouélatêteavecleméprisqu’elleméritait,puisill’auraitjetéedehors.Pourêtretrèshonnête,ilavaitégalementeul’intentiondeluifairepeur.Justeassezpourqu’àl’avenirelleréfléchisseavantdeseconduiredemanièreaussistupide.Avantdesemettredansunesituationaussirisquée.«Ehbien,missionaccomplie,mongarçon.»LavoixdeMartinElleryrésonnadanssatête.Queluiarrivait-il?Iln’avaitrienàvoiraveccethomme!IllaissaéchapperungrognementquifittressaillirCara.Instinctivementilmitlesmainssursesépaulespourlarassurer.Elletentadesedégager,maisillamitdebout,s’assitàsaplaceetlapritsursesgenoux.
—Toutvabien,Cara.Tun’asaucuneraisond’avoirpeur.Illuicaressaledos.—Jeneteveuxaucunmal.Détends-toi.Ilsentitlatensionlaquitterpeuàpeu,tandisquesespleurssecalmaient.—Vousaviezraisontoutàl’heure,dit-elleenreniflant.Ilpritunmouchoirenpapierdanslaboîteposéesurlatablebasseetleluitendit.Elleessuyases
yeuxrougisetsemoucha.—Jenesuispassûrd’avoirenvied’entendrecequetuessurlepointdemedire,commenta-t-il
d’untonbourru.—C’est vrai que… je vous dévorais des yeux sur la terrasse. Et que j’avais envie que vous
m’embrassiez.Allonsbon.Pourquoifallait-ilqu’elleluirappellecebaiseralorsqu’elleétaitsichaudeetdouce
dans ses bras ?Alors que ses fesses étaient nichées contre son ventre ?Aidan fut assailli par unebouffée de désir.Manifestement consciente de l’éveil de sa virilité,Cara se figea. Puis ses grandsyeuxémeraudeseposèrentsurseslèvres.Il juraintérieurementets’efforçad’ignorerlesréactionsintempestivesdesoncorps.Ilnel’avaitpasamenéeicipourcoucheravecelle.Iln’étaitpasquestionde…
—Cara,tu…tu…Voilàquec’étaitluiquibégayait,àprésent!—Jequoi?Oh!etpuis tantpis. Ilavaitenvied’elle.Pourquois’obstinerà lenier?Surtoutquandelle le
regardaitaveccesyeux-là.Commesielleavaitenviedeluielleaussi…Refermantunemainsursanuque, il se pencha lentement vers elle. Lorsque ses lèvres se posèrent sur les siennes, elle laissaéchapperunpetitgémissement.Puiselleluiabandonnasaboucheetileutl’impressionquec’étaitlepremierbaiserde savie. Il avait legoûtducafé,duchocolatnoir, etplus sublimeencore, legoût
incomparabledeCara…Il l’approfondit avecdélectation touten lapressantétroitementcontre lui.Maislefeuquileconsumaitlerendaitimpatient.Larenversantlégèrementenarrière,ilrefermalamainsurunsein.Elleprononçasonnomd’unevoixrauque,lesmainscrispéessursesépaules,tandisqu’ilquittaitsabouchepourtracerunsillondebaiserslelongdesoncousoyeux.
Irrésistiblementattiréesparsondécolletéseslèvrespoursuivirentleurdescente,etelleenfonçalesdoigtsdans sescheveuxen secambrantdavantage. Il fitglisser lesbretellesde sa robe sur sesépaules,dévoilantsesseins,dontlespointesfrémissantessemblaientvouloirpercerladentellepêchequi les recouvrait. Il referma les mains sur les deux globes délicieusement ronds et fermes encaressantleursbourgeonshérissésavecsespouces.Ellelaissaéchapperunlonggémissement,quisemua en cri étrangléquand les lèvresprirent le relais desdoigts à travers la dentelle.Galvanisé, ildénuda un sein et aspira goulument sa pointe durcie, la léchant et la mordillant tour à tour. LesgémissementsdeCaraetlesondulationsfrénétiquesdeseshanchesachevèrentdeluifaireperdrelatête.Ils’arrachaàsonseinpourl’installeràcalifourchonsurlui.Maisaumomentoùils’apprêtaitàremonter la robe jusqu’à la taille, lavoixd’Ellery résonnadenouveaudans sa tête.«Bravo,mongarçon.Tuas réussiàallerplus loinquemoi.»Atterré, il ferma lesyeuxetse renversacontre ledossierdufauteuil.Caraselaissaallercontrelui,maisillapritparlataillepourlaredresser.
—Arrête.Ilsecoualatêteens’efforçantdereprendresesesprits.—Arrête,Cara.—Qu’ya-t-il?Elleleregardaitd’unairinterloqué,leslèvresgonfléesetlespupillesdilatées.Iljura,lasouleva
desescuissesetseleva.Lalaissantassisedanslefauteuil,ilsedirigeaverslebar.Ilpritlacarafedecristalposéesurunplateaud’argentetseservitundoublewhisky.Ilfallaitaumoinsçapourl’aideràretrouverunsemblantderaison…
—Aidan?Plusde«M.Kelly»…Ilvidasonverred’untrait.Ilattenditdeuxsecondes,letempsdesavourer
labrûluredel’alcool,puisils’enservitunautre.Iljetauncoupd’œildanslemiroirovaleaccrochéderrière le bar. Elle s’était levée et avait remis en place le haut de sa robe.Dieumerci. Ses yeuxétaient brillants dedésir et ses cheveux courts ébouriffés.Bon sang, cequ’elle était belle !Elle semorditlalèvreetiléprouvaunepointedeculpabilité.Iln’avaitpaseul’intentiond’alleraussiloin.Enfin,si.Ilavaitmêmeprévud’allerbeaucoupplusloin.Avantlamiseaupoker.Levisagerépugnantd’Ellery s’imposa à Aidan et il réprima une nausée. Il avait absolument besoin d’effacer de samémoiretoutsouvenirdecettesoirée.
—Ilfautquetut’enailles.Illavitrougirdanslemiroir.—Maisjecroyais…Ilreposasonverresurlebaravecunbruitsec.Atoutinstant,ilrisquaitdeperdredenouveaula
tête.Ilfallaitqu’elles’enaille.—Ecoute,mabelle,jenesaispascequetupensais,maistun’aspasdeplombdanslacervelle.
Onnedétournepas les voitures des autres parce qu’on est en retard, onne se laisse pasmiser aupoker,onnerejointpasdesinconnusdansleurchambreetonne…Nerecommencepasàpleurer!s’exclama-t-ilenvoyantdenouvelleslarmesinonderlevisagedeCara.
Quelleplaie!Pourquoiceslarmeslebouleversaient-ellesàcepoint?Sansréfléchir,ilpivotasurlui-mêmeetseprécipitaverselle,maisellelevalesmainspourl’arrêter.Commesielleavaitla
moindrechancederéussir.Ellesemblaitsivulnérablemalgrésonregardfarouche…Enaucuncasellenepourraitl’empêcherdedisposerd’elles’ilétaitdénuédescrupule.
—Nem’approchepas.—Jen’enaipasl’intention,répondit-ild’unevoixapaisante.Laporteestjustederrièretoi.Jete
suggèredelafranchir.—Avecplaisir.Une fois laporte referméeavecunbruit sourd, le silencequi tombasur lapièce futécrasant.
Aidansedirigeaverslabaievitrée.LeStripscintillaitcommeundécordefêtemasquantuneréalitélugubre.Eclairsderouge,vert,bleu,or.
Eclairsderose.
6.
Caradétestaitselevertôt,surtoutaprèsseulementdeuxheuresdesommeilentrecoupédecrisesdelarmes.
Commentunemêmesoiréepouvait-elleluilaisseràlafoislespiresetlesmeilleurssouvenirsdesavie?Commentunhommequi laméprisaitprofondémentavait-ilpu luidonner l’impressiond’êtredésiréecommeellenel’avaitjamaisété?
Ilfallaitvraimentqu’ellesoitstupidepouravoirimaginéqu’ilétaitdévoréparlamêmepassionqu’elle.C’étaitlafaçondontill’avaitréconfortée,quandelleavaitfonduenlarmes,quiluiavaitfaitbaissersagarde.Sagentillessesubite,sesgestesapaisants.C’étaitexactementcequ’elleavaitattendude son père les rares fois où elle avait eu l’occasion de le voir pendant son enfance. Un peud’affectionpourl’aideràsupporterlasolitude.
Cara ferma les yeux avec un gémissement de dépit au souvenir des caresses et des baisersd’Aidan.Jamaisaucunhommenel’avaitembrasséecommeça…Commes’ilnepourraitjamaisêtrerassasiéd’elle.Etjamaisnonplusellen’avaitéprouvédessensationsaussiintensesdanslesbrasd’unhomme.C’étaitcommesiellenecontrôlaitplusdutoutsoncorps.Nisonesprit.
Avait-ilvraimentcruqu’ellen’étaitpaslamaîtressedeMartinEllery?Malgrélaferveurdesesbaisers,ellen’enétaitpassûre.Maispourquoicetteincertitudelaminait-elle?Quelleimportances’ilnel’avaitpascrue?Ellenelereverraitjamais,aprèstout.
Oh!commeellesesentaitmal!Embarrasséeparlesréactionsqu’elleavaiteuesdanssesbras.Mortifiéeparsonrejetsoudain.Commentavait-ilpularepousseraussisubitementetse leverpourallerboireunverre,commesiriennes’étaitpassé?Etceregardfroidqu’elleavaitcroisédanslemiroir…Direqu’iln’avaitmêmepasprislapeinedeseretournerpourluiparlerenface!
Caraallumasonportable,qu’elleavaitéteintavantdesecoucherunpeuplustôt.Neufmessages.TroisdeChristos,troisdeCilla,undesonamieLucyetdeuxdesonagent.
Unhorriblepressentiment luinoua l’estomac.Elle cliqua sur lepremiermessagedeChristosavecappréhension.
De:christos.giatrakos@hotelchatsfield.comPour:cara.chatsfield@hotelchatsfield.comSujet:URGENT!Appelez-moi.
Ehbien,ellen’étaitpasplusavancée…Ellecliquasurlesuivant.
De:christos.giatrakos@hotelchatsfield.com
Pour:cara.chatsfield@hotelchatsfield.comSujet:URGENT!Immédiatement.
Pasdedoute,c’étaitunhommelaconique.Caraouvritunmessagedesasœur.
J’espèrequetuvasbienaprèshiersoir.Appelle-moi.Bises.
De plus en plus inquiète, Cara se connecta à internet et fit une recherche sur son nom. Lesrésultatsluidonnèrentenviedes’enfouirlatêtesousl’oreilleretdeneplusjamaisvoirlejour.
CARACHATSFIELDPRÊTEÀTOUT.
CARACHATSFIELDENTRAÎNÉEDANSUNPLANÀTROIS.
Unplanàtrois!
L’ENFANTTERRIBLEDUCLANChatsfieldgagnéeaupokerparAIDANKELLY.
Oh!génial…Caraétaitsurlepointdejetersontéléphonesurlelitquandlenomdesonagents’affichaàl’écran.Elleneréponditpas.Harrietdevaitêtrefurieusecontreelle.Depuisceclipqu’elleavait tourné un an plus tôt, Harriet lui répétait que si elle ne s’achetait pas une conduite elle neretrouveraitjamaisuntravailcorrect.Quandelleavaitacceptédedevenirsonagentelleluiavaitditqu’elle croyait en elle et qu’elle ferait tout pour relancer sa carrière. Elle avaitmis sa réputationprofessionnelleenjeupourelle…
Caracliquasurlemessage.
De:harriet.harland@agenceharland.comPour:cara.chatsfield@hotelchatsfield.comSujet:C’estquoicedélire???Demarchefurieux.Vientd’annulertoncontrat.Lasituationestgrave.Appelle-moi.
Pendantuninstant,l’espritdeCarasevida.Ellejetasontéléphonesurlelitcommes’ilvenaitdelamordre.DécrocherlecontratDemarcheavaitétéunegrandevictoire,etmaintenantc’étaitfichu.Ilétaitsi importantpourelle…Audépartelleétaitdevenuemannequinàcausedesonphysiqueetdesonnom.C’étaitamusantd’êtreentouréedegensauxpetitssoinspourelleetquin’arrêtaientpasdelui direqu’elle était belle.Qu’elle était « sublime,machééérie. »C’était un tel changementdevieaprès avoir grandi entre un vieuxmanoir et une pensionde filles odieuses ou adorables selon lesjours…
Et puis elle avait pris goût au métier. Elle avait appris avec plaisir à mettre en valeur lesvêtementsqu’elleportait.Lamodeétaitdevenueunepassion.
Cependant, Demarche lui avait ouvert de nouvelles perspectives. Ils lui avaient offert lapossibilitédedevenirnonseulementl’égériedelamarque,maisaussiunereprésentantedelasociété.Degagnerencrédibilitéetd’intégrerungroupe.Unenouvellefamille.
Mais à présent ils ne lui offraient plus rien et c’était entièrement sa faute… Cara refoularageusementunenouvellecrisedelarmes.Cen’étaitpaslemomentdes’effondrer.C’étaitlemomentdeseressaisiretde…dequoi?
DerentrerencourantàLondres,toutepenaude?Deretrouversonappartementetsesamiesquitrépigneraientd’indignationparsolidaritéavantdeluitendreunmargarita.Ellen’aimaitmêmepaslemargarita!
Etellen’avaitaucuneenviedeparlerdelasoiréed’hier.Surtoutàsesamies,parcequ’ellesnecomprendraientpas.
Lucillapourraitpeut-êtrecomprendre,maisencemomentelleavaitelleaussidesproblèmes.Commesesfrères.Etellen’avaitaucuneenvied’entendreAntonioluidireunefoisdeplusqu’elledevaitassumerlaresponsabilitédesesactes.Ellelesavait.
Parailleurs,lesjournalistesallaientsansaucundoutecamperdevantsaportedejourcommedenuitetlaharcelersansrelâche.IlsétaienttrèsdouéspourçaenAngleterre.Pourl’instant,lapresseaméricainesemblaitplusindulgente.
Non.RentrerenAngleterrehumiliéeetsansavenirn’étaitpasuneoption.Restericinonplus.EllehaïssaitofficiellementVegas,désormais.Caraselevaetgagnalasalle
de bains pour prendre une douche.Que pensaitAidanKelly de tout le battage autour de la soiréed’hier ?De la photo où on le voyait la tirant vers la sortie de la SalleAcajou ?Quelle plaie, lesnouvellestechnologies!
Ildevaitêtrefurieux.Ilavaitmêmesansdoutedéjàfaitunedéclarationpoursedissocierd’elleauplusvite.C’étaitengénéralcequefaisaitsonpère.
Denouveauauborddeslarmes,Carasemorditlalèvre.Aulieudesegaverdechocolatunefoisderetourdanssachambrelanuitdernière,elleauraitmieuxfaitdeviderlesbouteillesdechampagneduminibar. Elle aurait peut-être des souvenirsmoins précis de tout ce qui s’était passé. Peut-êtremêmequ’elledormiraitencore.
Etsiellesecachaitdansunecommunautéd’artisteshippiesauNouveauMexique?Ellepourraitmêmeapprendreàfabriquerdesbijouxaztèques,unedesesrécentespassions.
Saufque les journalistes en concluraient certainementqu’elle était en curededésintoxication.Maispourquoiattachait-elleautantd’importanceàcequ’ilspouvaientpublieràsonsujet?Ehbien,parce qu’elle en avaitmarre d’être cataloguée comme lemouton noir de la famille. LamauvaiseréputationdesesfrèresOrsinoetLucca—lesjumeaux—donnaitàcesderniersuncertainprestige.Alorsquelasienneétaittrèsmalvue.Etcettenuit,AidanKellyl’avaittraitéecommeunefillefacile.
Cequ’ellen’étaitpas.Ellen’avaiteuquedeuxamantsdanssavie.Maispersonnenevoudraitlecroire.
C’étaitinjuste.Cilla luidiraitd’arrêterd’être«aussisensible»,maisellenepouvaitpass’enempêcher.Elle
étaitcommeça.Sesentantpiégéeetdéprimée,Caradécidad’alleràl’aéroport.Ellechoisiraitsurletableaudes
départsladestinationlapluslointaine.D’accord, ce n’était pas un plan particulièrement brillant… et pourquoi se raconter des
histoires?Elledétestaitêtreseule.Enplus,ceseraitlemeilleurmoyenderessasserlessouvenirsdelanuitdernièrejusqu’àcequ’ellesoitbonnepourl’asile.
Elle envoya un texto àHarriet pour lui demander si elle pouvait squatter son canapé pendantquelques jours.C’était l’endroit leplussûrqu’elleconnaissaitpour l’instant.Et tantpissielleétait
obligée de donner des explications et de faire amende honorable.Harriet répondit par un « oui »immédiat,maisCaranefutpassoulagéepourautant.
«Jedoisladécevoirsicruellement…»Toutens’efforçantdenepasimaginerlatêtequeferaitsonagentàsonarrivée,elleremitses
vêtementsdanslavalise.Quelsépisodesdelasoiréeallait-elleraconteràHarriet?PasceluioùAidanKelly l’avait embrassée et presque déshabillée, en tout cas. Pas question non plus de lui confierqu’ellebrûlaittoujoursdedésirpourunhommequilaméprisait.Troppathétique.
Son père la considérait comme une incapable,mais tout au fond d’elle-même elle savait quec’étaitfaux.Ellesesentaitjusteunpeu…perdueparmoments.Commesiellen’avaitsaplacenullepartdanslemonde…
Maiscen’étaitpas lemomentde ruminerdespenséesaussinégatives.Elleenfilaunpantalonlargeenlinetundébardeur.SeslunettesdesoleilstyleJackieO.masqueraientsesyeuxrougisparlespleursetlemanquedesommeil.Plusunecasquettedebase-ballpourmasquersescheveuxroses.Enprincipe,personnenedevraitlareconnaître…
Ellefermasavaliseetappelalaréception.Siellen’avaitpasétéaussiépuiséeparsanuitblancheetperturbéeparsesproblèmes,elleaurait
sansdouteétémoinspriseaudépourvuparlafouledepaparazziquiseprécipitaverselledèsqu’ellefranchitlesportesdel’hôtel.Obligéedereculerprécipitamment,elleseretrouvaledoscontrelabaievitrée, sans casquette ni lunettes. Elle parvint tant bien que mal à se baisser pour ramasser cesdernièresetlesremitaussitôt.Puiselleseredressalentementenpriantpourquesonaffolementpasseinaperçu. Piégée… Elle était complètement piégée, songea-t-elle tandis que les questionsintempestivesfusaientdetoutesparts.
***
Enrèglegénérale,Aidanse levait tôt.C’étaitunehabitudequidataitdu jouroù ilavait reprisl’entreprisedesonpère.Ilcommençaitlajournéepardesexercicesdanslasalledesportdesavillaou par un jogging dans les jardins botaniques de Sydney, à côté de chez lui. Ensuite, il buvait unexpressopréparéparsagouvernante,puisilprenaitsavoitureavecchauffeurpourserendreàsontravail.
Au début, il conduisait lui-même. Sa première voiture était une berline bleu ciel, qui étaitaffreuse et qu’il détestait. Il rêvait du jour où il la changerait pour une Ferrari. Rouge, bien sûr.Pourquoi la choisir noire ou jaune canari ?A l’époque il voulait du rutilant et du flamboyant.Duspectaculaire.
Finalement, ilnes’était jamaisdécidéàachetercetteFerrari.Aquoibonposséderunevoiturequ’onn’avaitpasletempsdeconduire?LaMercedesavecchauffeur,c’étaittellementpluspratique.Ilpouvaittéléphoner,travaillersursonordinateuroumêmeteniruneréunionsinécessaire.Ilavaitmêmecouchéavecune femmedans sa limousine,unenuitoù il étaitpresséetoùelle le suppliait.L’expériencenel’avaitpasenthousiasmé.Pascommehiersoir…
MaisquevenaitencorefaireCaraChatsfielddanssespensées?Aidancrispalamâchoire.C’étaitcommeuneplaiequineserefermaitpas.Iln’auraitjamaisdûlatoucher.Combiendefoiss’était-ildéjàditça?Combiendefoiss’était-il répétéqu’avoirbrièvementgoûtéàcequ’ellepouvaitoffrirétaitplusquesuffisant.
Hiersoir,ilétaittellementobsédéparlasoifdevengeancequ’ilavaitfrôlélaparanoïa.Ilétaitdevenuincapablededistinguerlaréalitédel’illusion.Etàvraidire,iln’étaitpasconvaincud’enêtre
capableaujourd’hui.Uneseulechoseétaitcertaine.BattreEllery,puiss’enprendreàCara,nel’avaitpasdélivrédupoidsdupassé.
Devait-il des excuses à la jeune femme ? Sans doute. La reverrait-il un jour pour les luiprésenter?Sansdoutepas.
Maisbonsang,pourquoioccupait-elleencoresonesprit?Ilsavaitpourtantmieuxquepersonnecequ’ilpouvaitencoûterdeselaisserdistrairedesonobjectif.
Ondevenaitstupideaupointd’épargnerEllery,parexemple…Aidanpoussaunprofondsoupir.Peut-êtreferait-ilbiend’allernagerdanslapiscinedel’hôtel
avantdepartir.Il jetauncoupd’œilauréveil.7heures.Enréalité, iln’étaitmêmepascertainqu’ilauraitlaforcedeseleversil’hôtelétaitenfeu.Iln’avaitpasfermél’œildepuisqu’ils’étaitcouché,deuxheuresplustôt.
Irritécontrelui-même,ils’assitauborddulit.Aumêmeinstant,sonportablesonna.C’étaitlarédactrice en chef de son plus grand quotidien. Curieux. Il était rare qu’elle ait une raison de luitéléphoner.Ilpritl’appel.
—Dana,quesepasse-t-il?—Bonjouràvousaussi,chef.Ondiraitquevousavezeuunenuitdifficile.Çanemesurprend
pas,remarquez.Aidanseraidit.Cetteentréeenmatièreneprésageaitriendebon…—Dequoiparlez-vous?—Devotrefollenuitavecl’enfantterribledel’Angleterre.Toutlemondeiciesttrèsenrogne
contre vous. Pourquoi avez-vous laissé l’exclusivité à nos concurrents ? Ils sont en train de nousmettreenpièces.
—Jen’aipasséunefollenuitavecpersonne.Danalutquelques-unsdesjournauxdumatinetAidanétouffaunjuron.Commentavait-ilpuêtre
assezstupidepournepasprévoirça?Lasalledejeuétaitpleineetlesgenssepressaientautourdeleurtabledanslesdernierstoursdelapartie.Décidément,ilétaitvraimentàcôtédelaplaque…
Commentça sepassaitpourCara, cematin? Il réprimaunnouveau juron.Cen’étaitpas sonproblème,bonsang!Etdetoutefaçonelledevaitjubiler.Lesfemmesdesonespècenevivaientquepourça.Seretrouversouslesprojecteurs.
Cequil’arrangeait,parcequepoursapartc’étaitcequ’ildétestaitleplusaumonde.L’attentiondespaparazziseconcentreraitsurelle.
—Vousvoulezquejepublieunedéclaration?demandaDana.—Non,ignoreztoutça.Après tout, c’était l’attitude qu’il avait choisi d’adopter lui-même et il n’y en avait pas de
meilleure.
7.
Après avoir appelé l’agence de location pour demander qu’une limousine l’attende devant lasortiedesecours,situéeàl’arrièredel’hôtel,Aidanquittasasuite.Dansl’ascenseur,iltournaledosàunjeunecouplequis’embrassaitpassionnément.Idiots,songea-t-ilennotantdistraitementquelesfleurs que la fille tenait à lamain étaient rosevif.Presque lemême roseque les cheveuxdeCaraChatsfield…Allonsbon,voilàqu’ilpensaitencoreàelle!C’étaitinsensé!Maissansdoutesesentait-ilcoupableparcequ’ill’avaitfaitpleurer.Iln’yavaitpasd’autreexplication.ContrairementàRoméojusteàcôtéde lui, iln’avaitpas lamoindre fibre romantique.Aidan resta impassible tandisque lejeunehommemurmurait«Jet’aime,jet’aime,jet’aime»àl’oreilledelafille,quigloussait.Ah,lesamoursdejeunesse…Heureusementpourlui,lavieluiavaitouvertlesyeuxavantqu’ilaitletempsdeseridiculisercommecepauvreimbécile.Dèsquelesportesdel’ascenseurs’ouvrirent,ilsehâtade quitter la cabine. Sa note ayant déjà été réglée, il n’avait plus qu’à quitter l’hôtel. S’en aller etoubliercequis’étaitpassélanuitdernière.
Alorsqu’ils’apprêtaitàgagnerlasortiedesecours,ilaperçutàtraverslabaievitréeduhallunechevelurerosetropfamilière.Lafemmeàquiils’efforçaitenvaindenepaspensersemasquaitlevisaged’unemain,toutententantdeforcerlebarragedepaparazziquilaretenaitprisonnière.Sansaucun succès. Lâchant un juron retentissant, il franchit en quelques enjambées la distance qui leséparaitde laporteprincipalede l’hôtel. Jouantdescoudesavecénergie, ilparvint jusqu’àelleaumomentoùdesmembresdelasécuritéarrivaientenrenfort.Illapritdanssesbras.Mais,lesmainsdevantlesyeux,ellenelereconnutpasetsedébattit.Maispeut-êtresedébattait-elleaucontraireparcequ’ellel’avaitreconnu,songea-t-ilavecremords.Vulafaçondontças’étaitterminéentreeuxlanuitdernière,çan’auraitriend’étonnant…
— Mon cœur, c’est moi, déclara-t-il assez fort pour que les journalistes les plus prochesl’entendent.Excuse-moidet’avoirfaitattendre.Sij’avaissuquetuseraisagresséedecettefaçon,jenet’auraisjamaislaissédescendretouteseule.
Ellesefigeaetlevalevisageverslui.Seslèvrestremblaient,constata-t-ilavecunpincementaucœur.Sielle fondaitdenouveauen larmes, ilne lesupporteraitpas…Instinctivement, ilsepenchavers elle et effleura sa bouche dans un baiser furtif. C’était juste pour la rassurer et lui fairecomprendrequ’ilétaitdesoncôté,sedit-ilaussitôt.Riendeplus.
—Metstesbrasautourdemoncou,murmura-t-ilàsonoreille.Elles’exécutaet il lasoulevade terre.Jetantaupassageunregardmeurtrierauxpaparazzi, il
rentradansl’hôteletlaportajusqu’àsasuite,oùilladéposasurlecanapé.Ellereniflaetleregarda,lesyeuxnoyésdelarmesdecolère.
—Tiens,dit-ilenluitendantunmouchoirenpapier.Çadevientunehabitude.Mouche-toi.Ellereniflaencore,puiss’essuyalesyeuxsousseslunettesnoiresavantdesuivresonconseil.—Çava?demanda-t-ild’untonbrusque.—Non…pasvraiment.Ils’éloignaducanapé.—Ques’est-ilpassé?Jet’auraiscruehabituéeàtedépêtrerdecegenredesituation.Elleseredressaetrepliaseslonguesjambessouselle.—J’avaisl’illusionquelesjournalistesaméricainsétaientmoinsagressifsquelesjournalistes
anglaisetje…jen’avaispaslesidéestrèsclairesquandj’aiquittémachambre.—Lespaparazzisontlesmêmespartout.—Tudoismetrouvernulle,murmura-t-elle.Il ne répondit pas.Elle ressemblait à un chaton qui venait d’être arraché à samère pour être
confiéàunnouveaupropriétaire.—C’estcatastrophique,murmura-t-elle.Jesupposequetuasvulestitresàproposd’hiersoir.—Ma rédactrice en chefm’a appelé pourm’annoncer la bonne nouvelle.Elle voulait savoir
pourquoij’avaislaissél’exclusivitéànosconcurrents.Caraeutunpâlesourire.—Queluias-turépondu?—Rien.Jen’accordejamaisaucuneattentionauxragots.— C’est une chance pour toi, parce que je n’ose pas imaginer ceux que va déclencher ton
intervention.Touslesjournauxvontaffirmerquenoussommesuncouple.Pourquoias-tuvoléàmonsecours,aufait?
Bonnequestion,songeaAidanavecdérision.Unequestionà laquelle iln’avaitpasderéponseacceptable.Pireencore,iln’avaitpasréfléchiunseulinstantàl’interprétationquiseraitdonnéeàsesactions.Iln’avaitpenséqu’àuneseulechose:MettreCaraàl’abri.
—Tuavaisdesproblèmesetpersonnene tevenait en aide. J’aurais fait lamêmechosepourn’importequi.
Cequiétaitpeut-êtrevrai.—Maispourquoiattaches-tuunetelleimportanceàcequeracontentlesjournalistes?Elles’essuyalesjouesaveclemouchoir.—Jen’yattacheaucuneimportance.—Danscecas,pourquoipleures-tu?—Jenepleurepas.—Si.Ettuaccordesvisiblementtropdepoidsàcequerapportelapresse.—Tuenferaisautantsituvenaisdetoucherlefond.Detouteévidence,elleavaittendanceàdramatiser…Aidancroisalesbrasens’efforçantdene
pasavoirl’airexaspéré.—Pourquoias-tutouchélefond?—Hier soir, j’étais censéemeconduiredemanière irréprochable, et cematin j’ai envoyéun
texto àChristospour lui dire que je nememontrerais plus jusqu’à ceque toute cette histoire soitoubliée,etmaintenantilvayavoirdenouvellesphotosetilvaêtrefurieuxcontremoi,et…
—Reprendstarespiration,Cara.EtquiestceChristos?Unamant?—Non.LesyeuxdeCaraseposèrentbrièvementsurlabouched’Aidan,puissefixèrentaussitôtsurle
tapis.
—ChristosGiatrakos.Iltravaillepourmonpère.C’estmonpatron.Enquelquesorte.—Tonpatron?Ellesoupira.— Il m’avait confié le rôle d’hôtesse au tournoi de poker en me donnant comme consigne
d’évitertoutscandale.Elle laissa échapper un petit hoquet, puis elle expliqua à Aidan qu’elle venait de perdre un
contratprestigieuxavecDemarche,legéantfrançaisdel’industriecosmétique.—Enmatière de scandale, je n’ai jamais fait pire…Misée au poker par deuxhommes.Mon
Dieu…Elleenfouitsonvisagedanssesmains.—Jenetravailleraiplusjamais.—Situcontinuesàpleurersansarrêt,ilyadeschanceseneffet.Pourquoileslarmesdecettefemmeleperturbaient-ellesàcepoint?sedemandaconfusément
Aidan.D’ordinaire lorsqu’une femmepleuraitdevant lui, il nepouvait s’empêcherd’êtrepersuadéqu’elletentaitdelemanipuler.Maiscurieusement,ilsavaitqueleslarmesdeCaraChatsfieldn’étaientpasfeintes.Etiléprouvaitdelacompassionpourelle.
—Jenepeuxpasm’enempêcher,répliqua-t-elle.Etjenecomprendspaspourquoitun’espasfurieux.
—Lesragotsdecegenresontmonnaiecourante.—Peut-être.Maiscen’estpastoiqu’ontraiteàdemi-motdetraînée.Cen’estjamaisl’homme
quipâtitdecegenredescandale.Enfait,tuparaisd’autantplusviriletséduisant.Alorsquemoi…Caras’essuyadenouveaulesyeuxsoussesaffreuseslunettesnoiresetseslèvresseremirentà
trembler.Maisçanel’empêchaitpasdecontinueràlatrouverséduisante,constataAidan.—Tuasmangé?demanda-t-ilabruptement.—Pourquoicettequestion?Sansprendrelapeinederépondre,iltraversalapièceetdécrochaletéléphonedel’hôtel.—Bonjour,c’estpourunecommande.Ducafé,desviennoiseries,dubacon,desœufs,dupain
grilléetdesantalgiques,s’ilvousplaît.—Pourquoias-tucommandétoutça?demandaCaraquandileutraccroché.—C’estplusdurdepleurerquandonal’estomacplein.—Ahbon?Aidanpassalamaindanssescheveux.—Jen’ensaisrien,maisdetoutefaçon,mangeratténueratamigraine.—Commentsais-tuquej’aimalàlatête?Ilesquissaunsourire.—Lescomprimésétaientpourmoi.—Oh.DevantlaminecontritedeCara,lesourired’Aidans’élargit.Enprincipe,ildevraitêtrefurieux
quesaviebienorganiséesoitperturbée.Orcurieusement,ilnel’étaitpas.—Maisjeviensdemerendrecomptequetun’arrêtaispasdetemasserlanuque.Ilfautquetute
détendes.Toutçavasecalmertrèsvite.Elleeutunemouedubitative.— Pour toi, peut-être. Pourmoi… la soirée d’hier ternit un peu plusma réputation, qui n’a
vraimentpasbesoindeça.EtjenesaispascequejevaispouvoirdireàChristos.Ilm’adéjàenvoyédeuxmessagestrèsénervéscematin,etc’étaitavantcedernierexploit.
Aidan se surprit à se masser la nuque à son tour. Il avait agi dans l’intention de lui rendreservice.Pasdel’enfoncerdavantage.Etcommentnepassesentircoupablepourhiersoir?Ilauraitpurejeterlasuggestiond’ElleryetrefuserqueCaraservedemise.Maisilnel’avaitpasfait.Pourlapremièrefoisdesavieils’étaitlaisséaveuglerparunerageviscérale,parcequ’ilavaitcruqu’ellel’avaitmenéenbateau.Cequis’étaitrévéléinexact.
Cependant, pour être très honnête, ce n’était pas la seule raison de sa conduite. A partir dumomentoùilavaitétéconvaincuqu’elleétaitencoupleavecEllery,iln’avaitpluseuqu’uneidéeentête.L’arracherauxgriffesdeceminable.Puisl’enfermerdansunepièceetluidemandercommentelleavaitpuêtreassezstupidepours’acoquineraveclui.
Maispeut-êtren’était-cepasellequiavaitétéstupide.Peut-êtreétait-celui…Aidantiranerveusementsurlecoldesachemise.—Si tuconsidères lasituationd’unpointdevue logique,cequivientdesepasserdevant les
journalistesestplutôtbonpourtoi.Cararenifla.—Jenevoispasenquoi.—Réfléchis.J’aientenduparlerdeChristos.S’ilpensequenoussommesvraimentensemble,il
seraplussoulagéqu’autrechose.Tun’asqu’àluidirequetoutecettehistoireestunmalentendu,quenoussommesuncoupleetqu’iln’yaaucunproblème.
Ellesemorditlalèvreetils’efforçadeseconcentrersursesyeux.Impossible,aveccesfichueslunettesnoires…
—Enlève-les.Elledéglutitpéniblement.—Quoidonc?«Tesvêtements.Déshabille-toiquejepuissetevoir.Tetoucher.Terenversersurlecanapé,te
savourertoutentière.»AssaillipardesimagesdeCaranuedanssesbras,Aidansemaudit.—Teslunettes,répondit-ild’unevoixrauque.Jenepeuxpasdiscuteravectoisitugardesces
fichueslunettes.
***
Carafutparcourued’unlongfrisson.Cettevoixrauque…Avait-illudanssespensées?Avait-ilcomprisàquelpointelleétaittroubléedelevoirfairelescentpasdevantelle?Ilétaitsiséduisant…Ilavaitunetelleaisance,unetelleassurance…Toutàl’heureill’avaitprisedanssesbrasetsoulevéedeterrecommeunchevalierblanc.Elleétaitaussitôtredevenuelapetitefillequirêvaitd’êtreunjoursauvéecommeuneprincessedansuncontede fées.Ces stupides contesde fées.De toute évidenceécritspardesgensquiavaientune imaginationdébordanteet aucuneviedignedecenom.Unpeucommeelleencemoment…
—J’aibesoindelesgarder.Aidans’immobilisadevantelle.—Pourquoi?—Parcequej’aimalauxyeux.Avantqu’elleaitletempsderéagir,ilsepenchasurelleetlesluienleva.Ellebaissaaussitôtla
tête,maisilluipritlementon.Ellefermasesyeuxrougisettentaderepoussersonbras.Iljuraetlalâcha.
—Cettehistoiret’avraimentaffectée.Il croyait que c’était à cause du scandale qu’elle avait pleuré au point d’avoir les yeux aussi
gonflés,comprit-elle.Tantmieux.Ellen’avaitaucuneenviequ’ilsachequec’étaitluilacausedesondésespoir.Parcequ’ill’avaitrejetéeetqu’ellesesentaithorriblementnulle.
—Oui,acquiesça-t-elle.—Attendsunpeu.Illuirepritlementonetluifitreleverlatête.—Tesyeuxnesontplusvertsmaisbleus,aujourd’hui.—Enréalité ilssontviolets.Maisçanedoitpassevoirparcequ’ilssont injectésdesang.Je
portedeslentillesdecouleur.Jemesuisfaitlesyeuxd’ElizabethTaylorpourmeremonterlemoral.Aidanarqualessourcils.—Tuasbesoindeporterdeslentilles?—Non.C’estjustequej’aimeça.—Quelleestlacouleurnaturelledetesyeux?—Unecouleurterne.Avantqu’ilaitletempsd’objecterqu’ilseraittrèsétonnéqu’ilpuisseyavoirquoiquecesoitde
ternechezelle,uncoupdiscret fut frappéà laporte. Il laissa tomber les lunettessur lesgenouxdeCara. Pendant qu’il allait ouvrir, elle se leva et se précipita dans la pièce voisine. La chambred’Aidan… Son parfum épicé flottait encore dans l’atmosphère. Il fallait l’ignorer, se dit-ellefermement. Comme tout ce qui était sexy chez lui. Elle se regarda dans le miroir. Ses paupièresavaientunpeudégonflé,maisellenes’étaitpastrompée.Sesyeuxétaienttoujoursunpeurouges.Etcommesesjouesn’avaientrienàleurenvier,elleavaitunetêteépouvantable…
—Cara.Oùes-tu?—Ici.Elleregagnalapiècevoisineens’efforçantdeparaîtreunpeumoinsperturbéequ’àsonarrivée.
Aidanétaitdeboutàcôtéd’unchariotrecouvertd’unenappeenlinblancetchargédeplats.Ellesentitsonestomacgargouiller.
—Jenevoulaispasquelegarçond’étagemevoie.—Ilestunpeutarddes’inquiéterpourça,non?répliqua-t-ilavecunpetitsourireenluitendant
unetassedecafé.—Commentlebois-tu?—Avecunepincéed’arsenic.Lesourired’Aidans’accentuaetellepritlatassed’unemaintremblanteavantd’yajouterdulait
etdusucre.Etait-ilobligéd’avoir l’airaussipimpantetsereindanssoncostumeimpeccable?Elleavaitl’impressiond’êtreunefleurfanéeencomparaison…
—Lasituationn’esttoutdemêmepasgraveàcepoint,commenta-t-il.—Pourtoi.Maismoi,jenesaistoujourspascequejevaisdireàChristos.—Neluidisrien.—Commesic’étaitaussisimple.—Alorsdis-luiquenoussommesuncoupleetquecequis’estpasséhiersoirétaitunpetitjeu
sexuelentrenous.—Malheureusement,ilcroiralasecondepartiedecetteexplicationmaispaslapremière.—Pourquoi?— Ça ne te paraît pas évident ? Le respectable Aidan Kelly et la lamentable Chatsfield, un
couple?Tuplaisantes?
Ellesecoualatêtepourrefuserlescomprimésqu’illuitendait.—Non,merci.Jesuisunedinguedeviesaine.Jepréfèreattendrequeçapasse.—Admirable.Prends-les.Elleroulalesyeux,maispritlescomprimés.—Tuestoujoursaussiautoritaire?Aprèsunehésitation,ilhaussalesépaules.—Apparemment,oui.Puisilluitendituncroissant.—Jenemangejamaisrienquicontiennedubeurrenonplus.—C’estridicule.Pasétonnantquetupleuresautant.Elleneputs’empêcherdesourireetjetauncoupd’œilàl’assiettequ’illuitendait.Ilyavaitdes
annéesqu’ellen’avaitpasmangédecroissantaubeurre…Etdetoutefaçon,discuteravecAidanétaitvisiblementinutile.Ellepritlecroissant.
— Je ne peux pas m’empêcher de me sentir un peu responsable du pétrin dans lequel tu tetrouves,poursuivit-il.Jesuissérieux,tupeuxvraimentdireàChristosquenoussommesuncouple.
—Çat’estégalcequelesgensvontdiredetoi?—Jesuisau-dessusdeça,Cara.La gorge soudain sèche, elle eut du mal à avaler le morceau de croissant qu’elle venait de
prendre.EntendreAidanl’appelerparsonprénométaittrèstroublant…Ellebutunegorgéedecaféets’éclaircitlavoix.
—Ilnevoudrajamaismecroire.Et quandAidan apparaîtrait dans les journaux dans une prochaine semaine avec une superbe
femmeaubras,ellesesentiraitencoreplusridicule.—Merci,maisçavaaller.Ilarqualessourcilsd’unairdubitatif.—Quecomptes-tufaire?— Je crois que je vais faire tourner un globe terrestre, fermer les yeux pour pointer une
destinationauhasardetdisparaîtrependantquelquetemps.—Touteseule?Ellefrissonna.—Tuasraison,c’estunemauvaiseidée.JevaismecacherchezmonagentàL.A.Saufqu’ellen’enavaitpasvraimentenvie.ParcequeHarrietallaitlapousseràréfléchiràson
avenir.Orpourl’instant,sonavenirc’étaitfairel’autruche.—O.K.Aidanvidasatasseetlareposasurlatable.—Tuviensavecmoi.—Oùça?— J’ai un congrès de deux jours aux îles Fidji. Tu peuxm’accompagner, te prélasser sur la
plage,allerauspa.Prendreletempsderéfléchiràuneautresolutionquedefairetournerunglobeterrestre.
Elleeutunpâlesourire.—Aquoibon?Tumedétestes.—Maisnonjenetedétestepas.Aidansedirigeaverslabaievitréeetregardalavue.
—Etcommeça,notre relationserasuffisammentcrédibleauxyeuxdeChristospourqu’il telaisseunpeutranquille.
Allons bon, il avait pitié d’elle…Cependant, il fallait bien reconnaître que la perspective delézardersuruneîletropicaleétaittrèsalléchante.
—Yaura-t-ildespaparazzi,là-bas?—C’estunestationtouristiqueoùl’onveilleàlatranquillitédesclients.Etjen’accepteraipas
unrefus.Cara regardaAidan. Il lui tendait une planche de salut et elle devrait se sentir plus soulagée
qu’ellenel’était.Pouvait-ellepasserlesdeuxprochainsjoursencompagnied’unhommequil’attiraitplusqu’aucunautreavantlui?
—Çat’arriveparfois?—Non.Ilsouritetellesentitsoncœurs’affoler.Pasdedoute,elleavaitraisond’êtreinquiète.Parceque
siàunmomentouàunautreilluiprenaitl’enviedecoucheravecelle,iln’étaitpascertaindutoutqu’ellesorteindemnedel’expérience.
8.
QuelledifférenceavecLasVegas!CefutlapremièrepenséedeCaraàleurarrivéeauxFidji.Las Vegas était une ville de lumières clinquantes au milieu du désert, tandis que sur l’île où ilsvenaientdeseposerlanatureétaitomniprésenteetluxuriante.Pasdelumières,maislevertvifdelavégétation tropicale, le bleu aux mille nuances du Pacifique et l’air humide chargé de senteursépicées.
Ils avaient atterri en fin d’après-midi, et le temps qu’ils arrivent au hors-bord qui devait lesconduire à leur île, le soleil avait disparu derrière l’horizon. La nuit tomba très vite ensuite.Lorsqu’ilsfurentinstalléssurlabanquettedecuirblanc,lesétoilesscintillaientdéjàdanslecielnoiretellessemblaientsiprochesqueCaraavaitl’impressiondepouvoirlestoucherentendantlebras.
Sescheveuxsemirentàvoleretsonvisagefutaspergéparlesembrunscommelebateaufendaitl’eaudansunrugissementdemoteur,contournantdespetitesîles,certainesparseméesdeminusculespoints de lumière, d’autres entièrement noires. Toutes étaient entourées d’un pâle ruban de sableblanc,surlequelsedressaientdespalmiersquisemblaientmonterlagarde.
Avait-elle eu raison de suivre Aidan ? se demanda-t-elle pour la énième fois. Au départ,l’occasionde fuir sesproblèmespendantquelques joursavait étéalléchante.Maisn’aurait-ellepasmieuxfaitderetourneràL.A.ouàLondresauprèsdesesamis?Aveceuxaumoins,elleauraitététropoccupéepourpenseràlasituationdésastreusedanslaquelleellesetrouvait.
Alors que là…quand elle ne passerait pas de longues heures seule, elle serait en compagnied’un homme qui l’avait embrassée avec fougue, pour finalement trouver qu’elle n’était pas à songoût…
Le bateau ralentit aux approches d’une île qui ressemblait en tout point à celle deRobinsonCrusoe. Une rangée de torches plantées dans le sable traversait la plage et disparaissait dans lavégétation.Plusieurspetitsbateauxétaientalignéssurlerivage.Seulsdeuxsonstroublaientlesilence.Lebruitdumoteurauralentietlebruissementdesvaguesquiléchaientlesable.
Carasentitsonestomacsecontracter.Elleallaitêtrecoincéetouteseulesuruneîle,pendantdeuxjours,avecpourtoutecompagnielessouvenirsaffligeantsdelanuitprécédente.
UnFidjienapparutsurlaplage.Illevalamainencriantunsalut,toutenentrantdansl’eaupoursaisirlaprouedeleurbateau.
—C’esttoujoursaussicalme?murmuraCaralorsqueAidanseleva.—Acetteheuredelasoirée,oui.Tuferaismieuxd’enleverteschaussuresetderemonterton
pantalon.Ilfautdescendredansl’eau.—Oh!d’accord.
Elleregardapar-dessusbord.—Iln’yapasdepoissonscarnivoresauxFidji,n’est-cepas?—Seulementdespiranhas,maislanuitilsdorment.Ellerelevavivementlatête.—Trèsdrôle,commenta-t-elledevantlesouriremalicieuxd’Aidan.Elletenditsonsacàmainetsessandalesàl’hommequiattendaitetselaissaglisserdansl’eau
tièdeetpeuprofonde.—Tuessûrquelecongrèsalieuici?demanda-t-elleàAidanlorsqu’illarejoignit.—Qu’est-cequinevapas?—Jen’entendsrienàpartlebruitdesfeuillesdanslabriseetceluidel’eausurlesable.Etilfait
sisombre…C’estunpeuflippant.—Nemedispasquetuaspeurdunoir?Confuse,Caradétournalatêteetseconcentrasursespiedsaucasoùilyauraitdestrousdansle
sable.Ellesursautaensentantlamaind’Aidansursoncoude.—D’accord,tuaspeurdunoir.—Paslenoirenlui-même…J’ailaphobiedelasolitude.Aidanarqualessourcils.—Laphobie?—Oui,parmomentsçaressembleàunevéritablephobie.J’aimeavoirdumondeautourdemoi.
Quandj’étaispetitejegrimpaisdanslelitdemasœurpresquetouteslesnuitspourdormiravecelle.—Pasavectesparents?—Non.Ilsn’étaientpassouventlà.Carafuitleregardcurieuxd’Aidan.Elleneparlaitjamaisdesesparents…nideleurabsence.—Bula.BienvenueàCoconutBeach.—Merci,réponditCaraàunautreFidjienquiétaitvenuàleurrencontre.Ilavaitlephysiqueimpressionnantd’unsumo,maissonsourireétaittrèsengageant.—Dinesh!Aidanlesaluaavecchaleurcommeunvieilamietilséchangèrentunepoignéedemainvirile,
commecellequesesfrèressedonnaientquandilsnes’étaientpasvusdepuislongtemps.—Ravidevousrevoir,patron.Çafaittroplongtemps.Patron ? Etait-ce un terme amical utilisé sur cette île pour se saluer ou bien Aidan était-il
réellementlepatrondecethomme?—Dinesh,jeteprésenteCaraChatsfield.Elleestmoninvitée.—Enchantéde fairevotreconnaissance,mademoiselleChatsfield. J’espèrequevouspasserez
unbonséjour.Dineshindiquaunpetitbuggy,unpeuplushautsurlaplage.—Sivousvoulezbienmesuivre,jevaisvousconduireàvotrebungalow.Quelquesminutesplustard,ils’arrêtadevantunebure—huttetraditionnelledeboisetchaume
des îles Fidji—de construction récentemais très pittoresque.Caramonta les deuxmarches de lavérandaenpromenantautourd’elleunregardravi.
UneFidjiennevêtued’unsarongetd’uncorsageblancleuroffritungrandverredejusdefruits.Carabutlesienavecdélectationtoutenjetantuncoupd’œilàl’intérieurdubungalow,oùledécoralliaitaupittoresqueun luxeraffiné,avecdesmursblancs,descanapésmoelleuxetunsoldeboissombre recouvert de tapis de chanvre traditionnels. Tout autour du salon étaient disposés des
bouquetsdefleursexotiques.Avantdepénétrerdanscedernier,Carasedébarrassadusablecollésursespiedsenlesrinçantdansunpetitbacposéàcôtédel’entrée.
—C’estvraimentravissant,commenta-t-elleenreculantpourlaisserpasserDinesh,quiportaitlesbagages.
Elletressaillitensentantdesmainspuissantesserefermersursataille,puislaissaéchapperunpetit rire nerveux. Elle avait failli heurter Aidan…L’espace d’une seconde, elle sentit ses cuissesmuscléescontresesfesses.Lesoufflecoupé,ellefutsubmergéeparunevivechaleur.Elles’écartaaussitôtdeluietillalâcha.
—Excuse-moi,dit-elled’unevoixétranglée.—Non,c’estmoi,répliqua-t-ilsanslaregarder.PuisilsedirigeaversDinesh.Aucombledelaconfusion,elledécidadevisiterleslieuxpendant
que lesdeuxhommesdiscutaient.Elledécouvritune immensesalledebainsenmarbredigned’unhammamettroischambres,dontuneplusgrandequelesdeuxautres,aumilieudelaquelletrônaitunimmenselitàbaldaquin.Unbruitdepasderrièreelleindiqual’arrivéedeDineshaveclesbagages.Unsourireéblouiauxlèvres,elleseretournaavecungrandgestedelamain.
—Dinesh,c’estabsolumentmerveil…Sesyeuxs’écarquillèrentetsonbrasretomba.Cen’étaitpasDineshmaisAidan,etillafoudroya
duregard.—Tavalise.—Oh!merci.Pourvu qu’il ne s’imagine pas qu’elle s’était attribuée d’office la chambre principale…
S’efforçantdenepasenvisagerlapossibilitédelapartageraveclui,elles’éclaircitlavoix.—Tupeuxprendrecettechambre.Jenevoulaispas…—Pasdeproblème,coupa-t-il.Jenedorspasbeaucoup,detoutefaçon.Désireusedenepasresterpluslongtempsàcôtédecelittrèstentantencompagnied’Aidan,elle
commitl’erreurdesedirigerverslasortieàl’instantprécisoùilavançaitdanslapièce.Maiscettefois,aulieudel’effleurer,elleseretrouvabrièvementplaquéecontrelui.
—Oh!jesuisdésolée.Ledésirquilasubmergeafaillitluicouperlesjambes.Lesyeuxbleusd’Aidanlafixèrent.Elle
retint son souffle,dans l’attentede sonbaiserdévastateur.Maisau lieude l’embrasser, ilpinça leslèvresetposalesmainssursesépaulespourlarepousser.
—Essaiededormirunpeu.Il quitta la pièce avant qu’elle ait le temps de prononcer unmot. Complètement abattue, elle
gagnalasalledebainsetpritunedoucheavantdesecoucher.Uneheureplustard,malgrésonépuisement,ellen’avaittoujourspasfermél’œil.Sansdouteà
causedecenouveaudécalagehoraire.Etmalheureusement,elleneparvenaitpasnonplusàfairelevidedanssonesprit.Elleétaitincapabledenepaspenseraudésastredelasoiréeprécédente.
Roulantsurledos,elleécoutalesbruitsdel’île,inconnuspourelle,quiluiparvenaientparlabaie vitrée. Aidan dormait-il ? Elle eut une moue de dérision. Sans aucun doute. Il manquait desommeilautantqu’elleetilétaitdugenreàpouvoirs’endormirparlaseuleforcedesavolonté.Peud’hommesavaientunetelleautoriténaturelle.Mêmesonpèren’avaitpaslemagnétismed’Aidan.
Lesouvenirdesespremièresannéesd’écoles’imposaàCara.Lesautresfillesjasaientderrièreson dos sur le départ de sa mère et les maîtresses de son père. A l’époque, elle croyait être enconcurrenceaveccesfemmespourl’affectiondesonpère.Puiselleavaitfiniparcomprendre.Iln’yavaitpasdecompétition.Pourlabonneraisonqu’ellen’avaitaucunechance…
Mais pourquoi pensait-elle à ça ? D’habitude, elle n’avait aucun mal à chasser ce genre depensées de son esprit. Avec un soupir agacé, elle se leva. Oui,mais d’habitude elle était toujoursoccupée. A déjeuner avec des amies, à faire du shopping, à danser… Elle s’étourdissait dans untourbillond’activités.Alorsquesurcetteîlesilencieuse,perdueaumilieudel’océan,ellesesentaitplusseulequejamais.
Surtoutdanscetimmenselitvide…Peut-être qu’un verre de lait chaud l’aiderait à trouver le sommeil. Elle ouvrit la porte avec
précautionetlongealecouloirsurlapointedespiedsjusquedanslesalon.Contrairementàcequ’ellecroyait,Aidannedormaitpas.Ilétaitaffalésurlecanapé,vêtud’un
T-shirt usé et d’un pantalon de jogging gris. Les cheveux ébouriffés, il fixait l’écran de sonordinateurportable,ouvertsursesgenoux.Etilétaitincroyablementsexy…
—Jesuisconfuse.Jenesavaispasquetuétaisdebout.
***
AidanseraiditetlevalesyeuxversCara,immobilesurleseuildusalon.Malgrélapénombrequirégnaitdanslapièce,ilétaitimpossibledenepasremarquerqu’elleportaitunechemisedenuitclaire à fines bretelles. Une chemise de nuit courte… Dans laquelle, avec ses cheveux courtsébouriffés,elleluiévoquaitunefoisdeplusunlutinsexy.
—Queveux-tu?Elleeutunmouvementdereculetilsemauditaussitôt.Pourquoiavait-ilpriscetonagressif?
Quellequestion…Carilétaitjustemententraindesedemanderpourquoiilavaitquittésachambretoutàl’heureaulieudelaprendredanssesbrasetdel’embrasseravecavidité.Detouteévidence,elleenavaiteuenvieautantque lui.Pourtantquelquechose l’avaitarrêté.Quelquechosequ’ilavaitvudanssonregard.Maisàprésentqu’elleétaitàmoitiénuedevantlui,ilneparvenaitpasàserappelerquoi…
—Jesuisnavrée,jenevoulaispastedéranger.—Tunemedérangespas,mentit-il.Qu’est-cequinevapas?—Jen’arrivepasàdormiralors jemesuisditque jedevraispeut-êtreboireunverrede lait
chaud.Çam’aidaitquandj’étaisenfant.—Vas-y,jet’enprie.Ellenebougeapas.—Maisçanemarcherasansdoutepas,alorsexcuse-moide…—Tuveuxbienarrêterdet’excuser?—Excuse-moi.Prenantconsciencedecequ’ellevenaitdedire,ellesourit.—Oups,excu…,nonjemetais.Aidanneputs’empêcherd’esquisserunsourireàsontour.—Vacherchertonverredelait.—Merci.Tandisqu’ellesedirigeaitverslacuisineaméricaine,ils’efforçadereportersonattentionsurle
tableuraffichéàl’écrandesonordinateur.—Dansl’avionjen’aipaseul’occasiondeteremercierpourtonaideparcequetutravaillais,
mais…Caracalaunemècherosederrièresonoreille.
—Jem’enveuxbeaucoupdet’imposermaprésence.—Pasdeproblème.C’estmoiquiaiaggravélasituation.—Tuvoulaisjustem’aideretjet’ensuisreconnaissante.—Tantmieux.—Jevoudrais…—Lelaitneboutpasencore?coupa-t-ild’untonbrusque.—Oh!Elle se retourna vivement vers les plaques chauffantes pour vérifier la casserole. Sa courte
chemisedenuitremontalégèrementsursescuissesetAidanréprimaungrognementdefrustration.Commentréagirait-elles’illarejoignait,laprenaitparlatailleetl’attiraitcontrelui?Avantqu’ilaitle temps de décider s’il devait ou non tenter l’expérience, elle se retourna vers lui et pointa unecuillèredeboisdanssadirection.
—Ilyauntrucquejenecomprendspas.—Quoidonc?—Teschangementsd’humeur.Tuessympaetpuistoutd’uncoup,tufaislatête.—Tun’yespourrien.Ellelaissaéchapperungrognement.—Etmaintenanttuparlescommeunhommequiveutrompre.Renonçantàpoursuivresontravail,Aidanétenditsesjambesdevantlui.—Tufaisallusionàlaformuleclassique«Cen’estpastoi,c’estmoi»?—Exactement,acquiesça-t-elleensouriant.—Tul’assouventutilisée,jeparie.Elleeutunemouedésabusée.—Jel’aiplussouvententendue.—Tuplaisantes?—Malheureusement,non.Lucillaaunethéorie.D’aprèselle, jenefréquentequedeshommes
quinemeconviennentpassousprétextequejeveuxêtreconfortéedansmavisiondumonde.—Quiest?Aidanpromenasonregardsurelle.Quellesraisonsavait-ildenepascoucheravecelle?Elle
étaitjeune,sansaucundoutefrivoleetimpulsive.D’accord.Maisquelleimportance?Iln’envisageaitpasdesemarieravecelle.Niavecaucunefemme.
—Ellepensequej’aiététropsouventdéçueparl’amour,sibienquejenechoisisplusquedeshommesquinepeuventpass’engager.
Ilréprimaunemouededérision.Exactementcommelui…—Intéressant,murmura-t-il,surprisd’êtrevraimentintéressé.Ettoi,qu’enpenses-tu?Ellehaussalesépaules.—Jepenseque jesuiscapablederepéreruncarriéristeouunmarginalàdixkilomètresà la
ronde,mêmeattachéeàunpoteaulesyeuxbandés.Aidanritdeboncœur.—Ettoi?demanda-t-elle.Ilcessaderireetlaregardaavecappréhension.—Quoimoi?—Tun’aspasdepetiteamieencemoment,n’est-cepas?—Si j’enavaisune, jene t’auraispasamenée ici.Maisde toute façon, les femmesne restent
jamaisassezlongtempsavecmoipourdevenirdespetitesamies.
—Pourquoi?—Ellesdisentquejetravailletrop.—Etc’estvrai?demanda-t-elleenjetantuncoupd’œilàsonordinateurtoujoursposésurses
genoux.—Sansdoute,répondit-ilenriant.Ellepointadenouveaulacuillèredeboisverslui.—Ehbien,j’aiunethéorieàcesujet.—Encoreunethéorie?Pourquoi était-il toujours assis sur le canapé, à l’écouter bavarder depuis la cuisine ? se
demandaAidan. Il serait tout demêmeplusmalin de faire en sorte qu’elle prenne la placede sonportablesursesgenoux…
—Oui,poursuivit-elle.Quandonrencontrelabonnepersonne—l’hommeoulafemmedesavie—onnepeutpasnepasresteravecelle.
Aidaréprimaunsouriremoqueur.—Onlaissetombertoutlereste,tuveuxdire?Onnetravailleplus,onnemangeplus,onne
dortplus.Onvitd’amouretd’eaufraîchejusqu’àlafindestemps.—Non,biensûrquenon.Jeveuxdirequ’onaimetellementcettepersonnequ’onnesupporte
pasd’êtreséparéd’elle.—Legrandamour,ironisa-t-il.Voilàpourquoielleétaittoujoursdanslacuisineetpassursesgenouxetpourquoi,unpeuplus
tôtdans lachambre,sonsixièmesens l’avaitempêchéde laprendredanssesbraspourdévorersabouche.Ellevoulaittoutcequ’ilfuyait.Legenredefemmequiétaitsonpirecauchemar.
Elleeutunemoueboudeuse.—Tutemoquesdemoi.Surprisd’êtreunpeudéstabiliséparlarévélationqu’ilvenaitd’avoir,ileutunpâlesourire.—Justeunpeu.Maisdois-je comprendreque tune sors qu’avec des hommes dont tu penses
qu’ilssont«labonnepersonne»?—Ehbien,jenesorsjamaisavecunhommedontjepensequ’iln’aaucunechancedel’être.Et ilyavaitdegrandesprobabilitéspourqu’ellenecouchepasnonplusaveceux…S’était-il
donccomplètementtrompésursoncompte,hiersoir?Apparemment,oui.Ilétaitdoncurgentqu’elleretournedanssachambre…
—Etcelait,ilnebouttoujourspas?—Oh!Elleseretournavivementetretiralacasseroledufeu.—Jel’avaiscomplètementoublié!Maisçava,iln’yapasdedégâts.Tuenveux?Ilsecoualatête,effaré.—Non,merci.—Çat’aideraàdormir.Il faillit s’esclaffer.Après l’avoirvuedanscette tenue,seulungrandcoupsur la têtepourrait
l’aideràdormir!—Sijecomprendsbien,tunecroispasaugrandamourettun’asjamaisétéamoureux.Ils’efforçadedétacherlesyeuxdesapoitrinerondeetferme.—J’aifréquentéungrandnombredefemmesetjepeuxt’assurerquejelesaitoutesvuespartir
avecsoulagement.Maisparlonsplutôtdetoi.Etais-tuamoureusedecetartisteavecquitut’esenfuieàIbiza,aulieudepassertonexamendefind’étudessecondaires?demanda-t-ild’untonnarquois.
Detouteévidence,elleétaitblesséeparcettequestion.Maistantpis.Ilavaitbesoindeserappelerquelgenredefemmeelleétaitvraiment,aulieudeselaisserabuserparl’imagequ’ellevoulait luidonner.
—Lesjournauxontracontéquej’étaispartielà-basavecunartiste,maisenréalitéj’ysuisalléepourlui.
Ilsecoualatête.Commesiçafaisaitunedifférence…— J’espère qu’il en valait la peine, commenta-t-il d’un ton indiquant qu’il était persuadé du
contraire.—Enfait,jeneleconnaissaispaspersonnellement,avoua-t-elle,lesjouesenfeu.Jesuisalléeà
Ibizapourvoir sesœuvresparcequ’elles étaient enthousiasmantes et qu’il souffrait d’unemaladieincurable. Cette exposition était sa dernière. A l’époque il m’a semblé plus important d’aller luitémoignermonadmirationquedepasserl’épreuvedemaths.
—Ehbien,j’espèrequ’aujourd’huitusaisquec’étaituneerreur.—Jesaissurtoutquelorsqu’oncommetuneerreur,ellevouscolledéfinitivementàlapeauquoi
qu’onfasseparlasuite.Elleposasonverresurlecomptoir.—Jesaisque toiçane t’arrive jamais,maisnous, lecommundesmortels,nousn’avonspas
cettechance.Ilnousarrivedenoustromper.Cependant,sichacunsemontraitplusindulgentenverslesfaiblessesdesautres,lemondeseraitunendroitplusheureux.Cesontlesgensquis’accrochentàleur ressentiment et ne savent pas pardonner qui causent le plus de mal, conclut-elle d’une voixvibrantd’émotion.
Puis elle semordit la lèvre inférieurepour l’empêcherde trembler.Aidan semaudit.Que luiavait-ilprisd’évoquercetépisodeetdes’érigerenjuge?Maismieuxvalaitignorersesremords.S’iltentaitdelaréconforter,ilrisquaitdedéraper…
—Vatecoucher,Cara,déclara-t-ild’untonneutre.Lesyeuxétincelants,ellelefoudroyaduregard.Maiscontretouteattente,aulieudel’accabler
de reprochesmérités, elle lui souhaita unebonnenuit d’un ton crispé et quitta la pièce, lementonrelevé.
Il poussaunprofond soupir.Le seul fait de la regarder l’excitait auplushautpoint…Depuisquandcelaneluiétait-ilpasarrivé?Uneévidences’imposaàlui.S’il l’avaitamenéeici,cen’étaitpas seulement pour lui venir en aide. Tout au fond de lui, il espérait bien finir ce qu’il avaitcommencéàLasVegas,danssasuite,aprèslapartiedepoker…
Malheureusement, à présent qu’il savait qu’elle rêvait du grand amour, sa conscience le luiinterdisait.Parcequ’iln’avaitrienàluioffrir.
Résultat,ilseretrouvaitcoincésuruneîleavecunefemmequilerendaitfoudedésir,maisqu’ilnepouvaitpastoucher.
Super.Les prochains jours promettaient d’être un formidable exercice de maîtrise de soi. Le seul
avantagec’étaitquelaprésencedeCaradétournaitsonespritdeMartinEllery.Enfait,depuisqu’ill’avaitentraînéehorsdelaSalleAcajouaprèslapartiedepoker,ilnepensaitplusàceminableniàlavengeancequ’ilavaitruminéependantdesannéespouryrenoncerauderniermoment.
Etc’étaittrèsbiencommeça.
9.
—Granddiscours,commentaBenJames,l’adjointetamid’Aidan.TuaseuraisondeleconfieràSmithy.Jenemedoutaispasqu’ilavaitunespritaussipénétrant.
—Heureuxquetul’aiesapprécié.Pour sa part, il n’avait pas entendu un seulmot après la plaisanterie initiale, reconnutAidan
intérieurement.Etàprésentilsdevaientserendreàlasessionsuivante,maisilnesesouvenaitplusquelenétaitlesujet.Contrairementàsonhabitude,ilétaitincapabledeseconcentrer.
L’échodeladéclarationvéhémentedeCaraetl’imagedesalèvretremblantelepoursuivaient.Ilavait tout de suite compris qu’elle ne parlait pas des gens en général mais d’un problème qui latouchaitpersonnellement.Commentnepasregretterdes’êtremontréaussiodieux?Maisç’avaitétéplusfortquelui.Cettehistoired’Ibiza,qu’ilavaitdûliredanslapresse,luiétaitbrusquementrevenueàlamémoireetilavaitétéassailliparunejalousieféroce.
Par ailleurs, ses propos sur les gens qui ne savaient pas pardonner l’avaient profondémentperturbé.Lepardonn’étaitpasunenotionsurlaquelleils’étaitpenchéjusque-là.Maisàlaréflexion,sonpèren’avaitpasétéunhommequiaccordaitsonpardon.Ilavaitnourrijusqu’àsamortunehainetenaceetjustifiéecontreMartinEllery.Etilavaitsouventrépétéavecamertumequ’iln’avait«rienvuvenir».
EtsienplusdenepasavoirpardonnésatrahisonàEllery,ilnes’était jamaispardonnéàlui-mêmesonaveuglement?Etait-cecelaquiavaitprovoquésamort?Et lui-même,pourquoiavait-iltenu à reprendre le flambeau ?Quelles étaient sesmotivations profondes quand il avait décidé devengersonpère?Maispourquelleraisonseposait-ilsoudaintoutescesquestions?
AcausedeCaraChatsfield.Ilétaitaussidangereuxdeparleravecellequedelaregarder.Raisondepluspourpasserlemoinsdetempspossibleensacompagnie.Lesoleilétaithautdanslecieletsachaleursefitsentirdèsqu’AidanetBensortirentdubâtiment
principal pour emprunter le chemin qui sinuait entre les plantes exotiques. Que faisaient-ils encostumeetchaussuresdecuirblanc?Ilsdevraientporterdesshortsetdestongs.Commecesurfeurquivenaitdelesdépasser.
C’étaitlaqualitéexceptionnelledelavaguequiavaitattiréAidansurcetteîle.Dixansplustôt,iln’yavaitriend’autrequ’unpetitvillage,pauvreetdélabré.Maisdèsqu’ilavaitvucettevague,ilavaitdécidédecréerunestationtouristique.Etçaavaitpayé.L’îleétaitlaplusprospèredetoutl’archipeldesFidji.
Promenantsonregardsurlaplage,Aidanaperçutunetacherosevifenmêmetempsqu’unrirefémininparvenaitàsesoreilles.Ils’immobilisa.Cara,uniquementvêtued’undeux-piècesdoré,était
debout sur le sable lesmains sur les hanches, en grande discussion avec un surfeur quiwaxait saplanche.Cedernierladévoraitdesyeuxavecunetelleaviditéqu’ilnetarderaitpasàwaxerlesablesansmêmes’enrendrecompte.
AprèsavoirditàBenqu’illerejoindraitplustard,Aidansedirigeaàgrandspasverslecouple.En approchant, il reconnut l’homme. Un champion de surf aussi réputé pour ses exploits sur lesvagues que pour ses talents de séducteur. Pourquoi avait-il les yeux rivés sur le ventre de Cara ?Aidansuivitsonregard.LenombrildeCaraétaitentouréd’uncerclede…étaient-cedesfleurs?Non.Des cœurs. De minuscules cœurs rouges. C’était le tatouage le plus sexy qu’il avait jamais vu…Assailliparunedoubleboufféededésiretdecolère,ils’efforçadegardersonsang-froidtandisqueCaraluijetaituncoupd’œilméfiant.Ellefitlesprésentationsetlesurfeurlesaluad’unsignedetête.Ignorant ce dernier, il s’approcha d’elle en arborant un air possessif. Le surfeur saisit aussitôt lemessageets’éloignaverslamer,saplanchesouslebras.
—Qu’as-tufaittoutelamatinée?CararegardaAidanaveccirconspection.—J’airéponduàmese-mailsetj’aienfinenvoyéuntextoàChristosetàmasœur.—Queleuras-tudit?—Quej’allaisbienetquejeleurexpliqueraistoutplustard.Cara changeade position et du sable fut projeté sur les chaussures d’Aidan. Ils baissèrent les
yeux tous les deux et il réprima unemoue agacée. Il avait l’air ridicule en costume et chaussuresferméesàcôtéd’unefemmeendeux-pièces.
—Enrèglegénérale,cequetufabriquesm’estcomplètementégal.Maistantquenoussommesici,jetedemandedenepasflirteravecd’autreshommes.
—Jeneflirtaispas.Jediscutais.— Cette station m’appartient, Cara. Et aux yeux de tout le monde, tu es ici en tant que ma
compagne.Conduis-toicommetelle,s’ilteplaît.—Jenesavaispasquelastationt’appartenait.Pourquoinemel’as-tupasditplustôt?—Iln’yavaitpasderaison.—De toute façon, je ne flirtais pas. Jon-Jon a dit qu’ilme donnerait une leçon de surf dans
l’après-midi.Aidancrispalamâchoire.Horsdequestion!—C’esttropdangereux.—Çaa l’air amusant.Tudevraispeut-être essayer, toi aussi.Devivredangereusement.De te
laisseraller.L’irritationd’Aidanmontad’uncran.Detouteévidence,ellenelecroyaitcapablenidel’unni
del’autre…Ehbien,ellesetrompait.Auneépoque,illuiarrivaitsouventdefairedelamoto,etdel’héliskidanslesAlpes.Uneannée,ilavaitmêmeenvisagédeparticiperàlaSydney-Hobart,unedescoursesaulargelesplusimportantesetlespluspérilleuses.Non,iln’étaitpasincapabled’apprécierles sports extrêmes. Il avait juste de l’ambition.Des contraintes professionnelles. C’était différent.Maisça,Caranelecomprendraitsansdoutepas.S’amusersemblaitsonseulbutdanslavie.
—S’amusern’estpastoutdanslavie.—Jesais.—Vraiment?—Oui.D’ailleurs,jesongeaisàtedemandersituavaisbesoind’aide,maisjenesuispassûre
quecesoitunebonneidée.—Del’aide?
Aidanneputs’empêcherdebaisserlesyeuxsurlemaillotdeCara.—Habilléecommeça?Apartl’accompagneraubungalowpourqu’ilspuissentenfinseretrouvernustouslesdeuxsur
unlit,ilnevoyaitpasquelleaideellepourraitluiapporter…—Oui.Ellemitlespoingssurleshanchesetlefoudroyaduregard.—Aucasoùça t’auraitéchappé,presquetout lemondesur l’îleesthabillécommeça.Même
certainsparticipantsàtoncongrèssontenshort.Ahbon?Iln’avaitpasremarqué…—Pourquoiveux-tum’aider?CettequestionsemblacalmerunpeulacolèredeCara.—Jenesaispas…J’aimeêtreoccupée.Jen’arrêtepasdepenseràcettehorriblepartiedepoker.
Etpuishier tuesvenuàmonsecours, alorsque laveille je t’avaispris ta limousine. J’éprouve lebesoindemeracheter.Etcommetonassistanteadémissionné…oh,laissetomber.Vulatêtequetufais,ilestévidentquetutrouvescetteidéestupide.
Quand une femme lui avait-elle déjà proposé de l’aider ? se demandaAidan.D’habitude, lesfemmesvenaient le trouvercarellescherchaientunpostedanssasociétéouuneplacedanssonlit.Parfoislesdeux.Maisjamaisellesneluiproposaientleuraide,qu’ellesluisoientredevablesoupas.Commeilenavaitlesmoyens,elless’attendaientàcequ’illesprenneencharge.EtvoilàqueCaraChatsfieldluiproposaitdel’aider.C’étaitpourlemoinsinattendu!
Seserait-iltrompésursoncompte?Ils’étaitdéjàposélaquestion,maisilavaitdumalàcroireque la réponse soit oui. Pourquoi le nier ? Au fond de lui, il la prenait toujours pour une petiteminetteindignedeconfianceetpersuadéed’avoirtouslesdroits.
—Quesais-tufaire?demanda-t-ild’untonbourru.LevisagedeCaras’éclaira.—Jepourraisprendretesappelspendantquetuassistesauxsessions.—Lesrarespersonnesquiontmonnuméronem’appellentqu’encasd’urgenceets’attendent
quejerépondepersonnellement.—D’accord.Jepourraispeut-êtresurveillertamessagerieetteprévenirquandilyadese-mails
urgents.—Lecontenudemese-mailsestconfidentiel.—Oh!biensûr.Ehbien,as-tudesdocumentsàsaisir?—Tusaistaper?—Biensûr.Carafronçalenez.—Maispastrèsvite…—Tusaisteservird’Excel?—Réflexionfaite,oubliemaproposition.Iln’yarienenquoijepuisset’êtreutile.Jevaisrester
surlaplage.DansceBikini?Pourquetousleshommessoientattiréscommeparunaimant?Aidanréprima
unsoupir.—Ilyaunechosequetupeuxfairepourmoi.J’aibesoinquequelqu’unailleexaminerl’école
duvillage.Cen’étaitpasvrai.Ilétaitprévuqu’unexpertvienneinspecterleslieux.Maisbon…
— L’année dernière les bâtiments ont été endommagés par des dégâts des eaux. Il a falluentreprendredes travaux importantset jen’aipasencoreeu le tempsd’y jeteruncoupd’œilpourvoirsilerésultatétaitcorrect.Tupourraisalleryfaireuntouretmedirecequetuenpenses.Riendetechnique.Juste…tesimpressions.
—Vraiment?—Tuvoulaisterendreutile.—Oui!DevantlesourireravideCara,ilfutassaillideremords.—Parfait.Çanedevraitpasteprendreplusd’uneheure.Ledéjeunerseraservisurlaterrassedu
grandrestaurantà13heures.—Jeserailà,lança-t-elleenprenantlechemindubungalow.Illasuivitdesyeuxjusqu’àcequ’elledisparaisseparmilavégétation,puisilsedirigeaversle
centre du congrès. Sa bonne volonté était-elle aussi sincère qu’elle le paraissait ? D’après sonexpérience, il n’y avait pas de fumée sans feu. La réputation de Cara Chatsfield était peut-êtreexagérée,maiscertainementpasinfondée.
Deuxheuresplustard,ilfutconfortédanscetteopinion.—Tuessûrqu’ellevient,Aidan?Jesuisimpatientedefairesaconnaissance.Elleestsibelle.AidandesserralamâchoireletempsderépondreàKate,lacharmanteépousedeBen.—Ilmesemblequ’elleaditqu’elleviendrait,mais…«Elleestsansdouteentraindeflirteravecunautresurfeur.»—…elleadûperdrelanotiondutemps.IlselevaetsedirigeaversDinesh,quiinstallaitàleurtabledesparticipantsaucongrès—ceux
quiétaientenshort!—Dinesh,as-tuvumoninvitée?—MlleChatsfield?Oui,patron.Jeluiaiindiquélechemindel’école,toutàl’heure.—Neserspasnotretabletoutdesuite,tuveuxbien?Elledoitvenir.Biensûr,ilpourraitcommenceràdéjeunersansl’attendre,songea-t-ilenregagnantsaplace.Sa
présencen’étaitpasindispensable.Cependant,illuiavaitdonnéunrendez-vousqu’elleavaitaccepté.Iltenaittoujoursparoleetilattendaitdesautresqu’ilsenfassentautant.
***
Caraétaitauxanges.C’étaitjourdemarchéetlesvillageoisproposaientleursmarchandisessurdestablesrecouvertesdetissuscolorés.Aprèsavoirfait letourdel’écoleetnotésesobservations,ellene résistapas à l’enviede flânerparmi les étals, suiviepar des écoliers qui lui parlaient et laprenaientparlamain.
ElleavaithâtedemontrersesnotesàAidanpourluiprouverqu’ellen’étaitpasuneravissanteidiote,contrairementàcequ’ilcroyaitàenjugerparsonattitude.
Ensouriant,ellepritunsarongsurunetable.Cetteîleétaitl’endroitidéalpourprendredurecul.Les habitants n’avaient jamais entendu parler d’elle et les touristes étaient là pour se détendre ouassisteraucongrès.Biensûr,sesproblèmesn’avaientpasdisparucommeparenchantementdanslachaleurtropicale—dommage!—maispasquestiondepenseràl’avenirpourl’instant.
— Vous voulez acheter un sarong ? demanda une femme d’un certain âge à la silhouetteimposanteetauxcheveuxfrisés.
Caravérifialaqualitédutissuqu’elletenaitdanslamain.
—Oui.Elle fouilla dans son petit sac en cuir porté croisé.La couleur était parfaitement assortie aux
yeuxdeCilla.—Lacouleuretlatexturesontvraimenttrèsbelles.—C’estmafille,Jenny,quilesfabrique,répliqualafemmeensouriantfièrement.Cara lui rendit sonsourire.Lesgensétaientvraiment trèschaleureux. Ilsaimaientdiscuter.Et
leursujetdeconversationfavoriétaitAidanKelly.Cederniern’avaitvisiblementaucundéfautàleursyeux.Avraidire,elleavaitétéimpressionnéeendécouvrantqu’ilinvestissaitquatre-vingtspourcentdes bénéfices de la station dans le village pour améliorer les conditions de vie de ses habitants.Apparemment, il considérait qu’en le laissant exploiter leur île, ils lui faisaient une faveur. Ellen’aurait jamais imaginé ça d’un homme d’affaires milliardaire doublé d’un joueur de pokerimplacable, qui l’autre soir était déterminé à ruiner Martin Ellery. Mais il est vrai qu’au derniermomentill’avaitépargné.
Etquandilluiavaitparléd’Elleryunpeuplustard,elleavaitperçudelasouffrancedanssavoixetsonregard.Peut-êtres’était-elletrompée,maiselleendoutait.Detouteévidence,l’animositéentrelesdeuxhommesremontaitàtrèslongtemps,maisc’étaitunsujetsensible.Adeuxreprises,elleavaittentéd’ensavoirplus,maiselles’étaitheurtéeàunmur.Biensûr,ellenes’attendaitpasàcequ’Aidanse confie à une étrangère. Mais après tout, elle était une étrangère qu’il avait embrassée. Uneétrangèrequ’ilavaitcaressée.
Envahie par une chaleur familière, Cara s’efforça de chasser ces souvenirs de son esprit. Lathéorie de sa sœur se confirmait. Elle était attirée par les hommes qui ne recherchaient que desrelationsàcourtterme…MieuxvalaitconsidérerAidanKellycommeunamietoublieràquelpointilétait séduisant. Iln’étaitpas faitpourelle.Orunanplus tôt,elles’étaitpromisdepasseràautrechosedèsqu’elledécouvriraitqu’unhommen’étaitpasfaitpourelle.
Même imaginer qu’il y avait de l’amitié entreAidan et elle serait une erreur. Ils étaient justedeuxêtresquis’étaientrencontrésparhasardetquirepartiraientchacundesoncôtéaprès-demain.Cedontelleavaittouteslesraisonsdeseréjouir.Aprèstout,çaferaitunepersonnedemoinsquiauraitunemauvaiseopiniond’elle…
Prenantconsciencequelafemmecontinuaitdeluiparler,Caras’efforçadeseconcentrersurlaconversation.
—JennyfaitégalementdesbijouxaveclesperlesnoiresdesFidji.Vousvoulezlesvoir?—Avecplaisir.Lafemmepritsouslatableunegrandeboîteenmétaletl’ouvrit.Caraeutlesoufflecoupéàla
vue des perles de toutes tailles, réparties dans des compartiments capitonnés de velours. Leurscouleursallaientdunoirleplusprofondaugrisargent.Certainesavaientdesrefletsvertsouroses.Toutesétaientmagnifiques.Etadmirablementmisesenvaleurparlestrèsfineslanièresdecuirsurlesquellesellesétaientenfilées.
—Oh!monDieu,ellessontsplendides!Jepeuxlestoucher?—Biensûr.Carapritunbraceletdetroisperlesséparéespardeminusculesnœudstrèsdiscrets.L’effetétait
saisissant.Elleétaitenthousiasmée.Trouverdesalliancesoriginalesdevêtementsetdebijouxétaitsapassion.Ellecaressaitleprojetd’ouvrirunjouruneboutiquequiproposeraitàlafoisdesvêtementsde prêt-à-porter et des bijoux anciens.Devant la beauté des tissus et des perles, une nouvelle idéegermadanssonesprit.Pourquoinepasprésenterdansunmêmelieuunassortimentdevêtementset
debijouxd’originesdiverses ?Des écharpesdeParis, des châlesduNépal, desbouclesd’oreillesaztèques,desbottestexanes…
—Est-cequeJennyvendsesœuvresàl’international?—Oh!non.Ellevientde finir sesétudesenAustraliegrâceàM.Kellyet…oh, justement le
voici.Carajetauncoupd’œilderrièreelle.Aidansedirigeaitverselle,eneffet.Etilnesemblaitpas
ravi…—MonsieurKelly.Bula.—Bula,Esther,commentallez-vous?—Mieuxquevous.Esthertenditlajoueenriant.—Vousavezchaudetvousêtespressé,ondirait.Ilfautralentirlerythme,monsieurKelly.—C’estcequevousditeschaquefoisquejeviensvousvoir.—Oui,maisvousnem’écoutezpas.Estherpoussaunsoupirthéâtral.—Vousêteslaseulepersonnequejeconnaissequinesemetjamaisàl’heurefidjienne.—L’heurefidjienne?intervintCara.—Lesgensd’iciviventàunrythmetrèspersonnel,expliquaAidanavecunbrefsourire.Qu’en
Australienousqualifionsdelent.—C’estpourçaquelesgensviennentici.Pourdécompresser.Sedétendre.Lavieestfaitepour
êtresavourée,insistaEsther.AidandardaunregardnoirsurCara.— Certaines personnes sont plus douées pour ça que d’autres. Tu n’as pas oublié quelque
chose?—Qu’est-ceque…Oh!monDieu.Tum’avaisinvitéeàdéjeuner.—Nousaurionsdûcommencerlerepasilyavingtminutes.—Oh!jesuisvraimentdésolée.CararenditlebraceletàEsther.—Merci,Esther.Ditesàvotrefillequejelatrouvegéniale.Esthersepenchaverselleetposalamainsursonbras.—Leshommesn’aimentpasquelesfemmesfassentdushopping.Ilvasecalmer.Dubitative, Cara dut hâter le pas pour suivre Aidan, qui fonçait sur le sable sans prêter la
moindreattentionàl’eaucristallinequiléchaitlerivage.Direqu’ellel’avaitfaitattendre!Unefoisdeplus,elleavaitétécomplètementnulle…
—Excuse-moide…—Jecroyaisquetudevaisarrêterdet’excuser,coupa-t-ild’untonfroid.—Jesais,maisunefoisdeplusj’aiéténulleavectoietjevoisbienquetuesfurieux.—J’attendsdesgensqu’ilsrespectentleursengagements.Detouteévidence,fairedushopping
étaitplusimportantpourtoiquederespecterletien.
***
EnvoyantCara tressaillir commes’il l’avaitgiflée,Aidan semaudit.Bonsang, il auraitbienbesoindesedéfoulersurunring.Peut-êtrequeDineshaccepteraitdedisputerquelquesroundsavec
luiunpeuplustard…Furieuxcontrelui-mêmeetconscientquesaréactionétaitexcessive,ilcontinuad’avanceràgrandspas.LesilencedeCaraàsoncôtérenforçasonsentimentdeculpabilité.
Ils’arrêtaetl’attiradansl’ombred’unpalmier.—Pourquoimelaisses-tutehouspillersansréagir?Tunedevraispas.Ellehaussalesépaules.—Tesreprochessontjustifiés.J’aiperdulanotiondutemps,maiscen’estpasuneexcuse.—Çaarrive.Elleeutunsouriresansjoie.—Pasàtoi.Ilsongeaàsoninterventionunpeuplustôtpendantlasession.Ilavaitétécomplètementàcôtéde
la plaque. Et curieusement, il avait envie de le dire à Cara pour la réconforter. Pour lui prouverqu’ellen’étaitpaslaseuleàêtrefaillible…Maisbonsang,queluiarrivait-ildonc?
Caradéglutitpéniblementetleregardd’Aidanfutattiréparsoncou,puisparlesarongvivementcoloré qu’elle avait noué sur sa poitrine. Cemorceau de tissu cachait tout et rien à la fois. Et cenœud…Ilmouraitd’enviedetirerdessus.
Unsouffled’airfitvoleterunemècherose.—Qu’as-tufaitàtescheveux?Ellelevalamainettouchalesminusculestresses.—Desécolièresm’ontfaitdestressespendantquejeprenaisdesnotessurl’école.D’ailleurs,
lesvoici.Aidan prit les deux feuilles de papier pliées avec soin et les mit dans sa poche. Comment
pouvait-ilêtrefurieuxcontreelle,alorsqu’elleavaitjusteprisletempsdefaireconnaissanceaveclesgensduvillage?
Il s’attendait à la trouver allongée sur le sable en compagnie d’un surfeur prêt à lui sauterdessus.Voilàpourquoiilétaitfurieux…
Il fallaitqu’il se ressaisisse.Maiscurieusement,Cara lui rappelait samère.Ouplutôt, elle luirappelaitcequ’ilavaitressentiquandsamèreétaitpartie.Ungrandvide…etuneprofondetristesse.Dessentimentsdestructeurs.Qu’ilnevoulaitplusjamaiséprouveraprèsavoirvucommentilsavaientminésonpère.
Mais pourquoi Cara lui évoquait-elle ces souvenirs ? Lui donnait-elle envie de lui caressertendrementlajoue?Deseperdreenellepourytrouverl’oubli?
—Aidan?IldétournasonregarddelapoitrinedeCarapourfixersesyeuxgris.Gris?—Tuportesdenouvelleslentilles?Lesyeuxdequias-tuvoulutefaireaujourd’hui?—Ceuxd’AishwaryaRai.—Quiça?—Uneactriceindiennequiaunimmensetalentetdesyeuxfabuleux.—Pourquoinepasrestertoutsimplementtoi-même,Cara?—Oh!parcequejesuisbeaucouptropfade.Oui, à peu près autant qu’un spectacle du Cirque du Soleil… Aidan secoua la tête avec
effarement.Elleétaitsincère.Ellesetrouvaitvraimentfade…S’ilneseretenaitpas,illaplaqueraitcontre le tronc du palmier et lui prouverait à quel point il la trouvait piquante. Savoureuse.Terriblementexcitante…
Commesielle lisaitdans sespensées,ellevoulut s’écarterde lui,maiselle trébucha. Il tenditaussitôt lesmains pour l’empêcher de tomber et elles se refermèrent sur son buste. Juste sous lesseins, que ses pouces effleurèrent furtivement. La flèche de désir qui le transperça lui coupa lesouffle. Au même instant, elle s’agrippa à ses bras. Ses pupilles étaient dilatées. Une petite veinebattait frénétiquement à la base de son cou. De toute évidence, elle était aussi troublée que lui…Incapablede réprimerplus longtemps l’enviede l’embrasser, il se penchavers elle sansmêmeenavoirconscience.
Les trois coups de sifflet du ferry qui abordait dans l’île deux fois par jour le ramenèrentbrutalement à la raison. Il la lâcha et s’écarta d’elle. Passa la main dans ses cheveux. Inspiraprofondément.
—Combiendetempstefaut-ilpourtechangerpourledéjeuner?—Tuveuxtoujoursquejedéjeuneavectoi?s’exclama-t-elleavecunesurprisemanifeste.Ilconsultasamontre,toutententantdesepersuaderqu’ilcontrôlaitparfaitementlasituation.—Tuasmangé?—Non,mais…—Combiendetemps?
10.
—Pourquoiroses?Kate,pourquiCaraavaitéprouvéunesympathieimmédiate,sepenchaverselleavecunlarge
sourire.Ellesétaientassisesàtablesurlaterrassedurestaurant.Lavuesurlamerturquoiseetlesîlesquiseprofilaientdanslelointainétaitenvoûtante.
Cara pensait au coup de téléphone reçu de son agent un peu plus tôt.Apparemment,Christosn’étaitpas le seulàêtre impressionnépar sa toute récente relationavec lecélèbreAidanKelly.LecontratDemarcheétaitdenouveaud’actualité.Oudumoinsunevarianteducontrat.
—Engros,çasejoueentretoietladernièrecoqueluchedel’Amérique,avaitexpliquéHarriet.Vousvouspointeztouslesdeuxaudînerdegaladimanchesoirprochain,vousfrimezunpeuetilsprennentunedécisiondanslafoulée.
«Untestenquelquesorte»,songeaCara.LesresponsablesdeDemarchevoulaientsansdouteassurerleursarrières,aucasoùunnouveauproblèmeluivaudraitlaunedestabloïdsd’icidimanche.
A vrai dire, la perspective de s’exhiber dans une salle bondée, devant des cadres supérieurschargésdel’évaluer,avaitquelquechosed’offensant.Cependant,lemannequinatétaituneprofessionoùlaconcurrenceétaitparticulièrementrude.Siellevoulaitcecontrat,elledevaitjouerlejeu.
Etquelnouveauproblèmepouvaitsurgird’icidimanche?Ellesetrouvaitsuruneîletropicaleen compagnie d’un homme d’affaires respectable.Qui l’attirait irrésistiblement comme la flammeattirelepapillondenuit…
Lebruitd’unplongeondanslapiscinetouteprochearrachaCaraàsespensées.EllereportasonattentionsurKate.
—Jeveuxdire,sur toi lescheveuxroses je trouveçagénial,mais jenesuispascertainequej’auraislecouragedeteindrelesmiens.
—J’aiobéiàuneimpulsion,reconnutCara.Commetrèssouvent,àvraidire…—Etdis-moi…Kateposalescoudessurlanappeenlin.—Jesuistrèscurieusedesavoircommentvousvousêtesrencontrés,Aidanettoi.Caraouvritlaboucheetlareferma.Allonsbon.Ellenes’attendaitpasdutoutàcequequelqu’un
luiposecettequestionsurl’île…—Oh!jet’aiembarrassée.Kategrimaça.
—Pardonne-moi mon indiscrétion. Je suis mariée et mère d’une petite fille.Ma vie est pardéfinitiontrèsennuyeuse.
Aenjugerparl’amourqueBenetKateportaientàleurfille,cen’étaitsûrementpasvrai,songeaCara.Maisaufondqu’ensavait-elle?Sapropremèreavaitvisiblementvéculamaternitécommeunfardeau.
—Etremèreneteplaîtpas?Kateécarquillalesyeux.—Non!Jeveuxdire,si,biensûr!Ellepouffa.—Jemesuismalexprimée.Jesuisravied’êtremèreetj’adoremafille.Jesuisjustemortede
curiosité.Jen’aijamaisvuAidanaussidéboussoléetj’ail’impressionquevousêtespartispourtrèsbien vous entendre. C’est vrai que vous vous êtes rencontrés quand Aidan t’a jouée au poker ?demanda-t-elle en baissant la voix. Je sais que les journaux ont présenté ça comme un épisodesordide,maisentrenous,jetrouveçaterriblementromantique.
Siseulement…MaisAidanluiavaitdemandédesecomportercommesileurrelationétaitbienréelle,tantqu’ilsseraientsurl’île,serappelasoudainCara.Devait-ellejouerégalementlacomédievis-à-visdeKate?Devait-elleluimentir?
Ellejetauncoupd’œilàAidan,quidiscutaitavecungrouped’hommes,unpeuplusloin.Ilétaitplus sexy que jamais dans ce nouveau costume à la coupe impeccable, qui mettait en valeur sasilhouetteathlétique…Toutnu, ildevaitêtresublime.Avait-iluneépaisse toisonsur le torse?Sonventreétait-ilaussimuscléqu’elleenavaiteul’impressionl’autresoirdanslefauteuil?
Le cœur battant, elle se remémora lemoment où il l’avait attirée dans l’ombre d’un palmieravantledéjeuner.Sanslescoupsdesiffletduferry,ill’auraitembrassée…Leregardbrûlantdontill’enveloppaitluiavaitdonnélevertige.Sondésirpourelleétaitsiflagrantqu’elleavaiteuenviederenoncerà touteprudence.D’oublierqu’iln’étaitpas faitpourelle.Qu’il sedésintéresseraitd’elledèsqu’ilsauraientcouchéensemble.
Visiblement conscient de son regard sur lui, il tourna la tête vers elle. Puis il levaimperceptiblement lementon, comme pour lui demander si tout allait bien. Les joues en feu, elledétournaaussitôtlesyeux.ElleallaitrépondreauxquestionsdeKateens’éloignantlemoinspossibledelavérité,décida-t-elle.
—Non,cen’estpasexactementàcemoment-làquenousnoussommesrencontrés.Enfait,nousnoussommesrentrésdedansàl’aéroport.
—Raconte.—Oh!çan’ariend’extraordinaire.Jecherchaismonportabledansmonsacetjen’aipasvu
Aidan.Jel’aiheurtéetmontalons’estcassé.—Alorsils’estarrêtépourt’aider.—Oui…Nousavons…discuté.«Ilm’aprisepourune«professionnelle».Etmoijel’aitrouvéodieux.»—Etensuite,ilm’afaitprofiterdesalimousinepouralleràl’hôtel.«Enfin,sionveut…»—Etc’estàpartirdelàquetoutacommencé…«Par pitié nemedemandepas plus de précisions, sinon tu vas comprendre que tout ça n’est
qu’unecomédie.»Kate ne posa pas d’autres questions. Se calant dans son fauteuil en teck, elle poussa un petit
soupirnostalgique.
—Commec’estromantique…Benetmoinousnoussommesrencontrésparhasardégalement.Il devait donner une conférence à l’Université où j’étudiais et j’avais décidé de ne pas y assister.J’étaispersuadéequececadredirigeantseraitpleindecondescendanceaveclesétudiants.Etpuisjenesaispaspourquoi,auderniermomentj’aichangéd’avisetj’ysuisallée.Pournousaussiç’aétélecoupdefoudre.
—Oh!entreAidanetmoiçan’apasétélecoupdefoudre.KateposalamainsurcelledeCara.—Vousêtesaussiamoureuxl’unquel’autre.Çasevoit.Vousn’arrêtezpasdevousdévorerdes
yeux.Carasentitdenouveausesjouess’enflammer.Nuldoutequec’étaitsurtoutsesregardsàelleque
Kate avait surpris…A son grand soulagement, la fille deKate fit diversion en arrivant lesmainspleinesdecrèmeglacée.Samèrel’empêchadejustessedelescollersursajupe.
—Petitecoquine.Vafaireçaàpapa.—Travailpapa.—Oui,c’estvrai.KateregardaCaraavecuneminedeconspiratrice.—AlorsvavoironcleAidan,Emma. Il a toujoursdu tempspour lesmainspoisseusesde sa
filleule.Valuimontrer.KateadressaàCaraunsourireespiègleetellesregardèrentlapetitefilleenrobeàpoisroses
trottinerjusqu’àAidanettirersursaveste.Cararetintsonsouffle.Commentallait-ilréagir?AidanpritEmmadanssesbrasensouriant,
inconscientdesdégâts.Benluitapasurl’épaulepourluimontrerunetraînéecrémeusesursaveste,puis il prit une serviette sur une table voisine pour essuyer les mains de sa fille. Loin d’êtrecontrariés,lesdeuxhommeséchangèrentensuiteunsourireamusé.
Beaucoup plus émue qu’elle ne l’aurait voulu, Cara ne put empêcher son imagination devagabonder.Ceseraitcommentd’avoirunenfantavecunhommecommeAidan?D’êtrevraimentencoupleaveclui?Çaressembleraitbeaucoupàl’amoursansaucundoute.Pourelle,entoutcas…
Maispourquoiserait-ceunrêveimpossible?L’amourvoustombaitdessusaumomentoùons’yattendaitlemoins,non?
Lapetitefilleavaitlesmêmescheveuxblondcendréqu’Aidanetpourraitpasserpoursafille…CaraentenditKatepoufferetellesurpritleregardéperduqueluilançaitsonmari.Ça,c’étaitlegrandamour,songea-t-elle,lagorgenouée.Emmaquittalesbrasd’Aidanpourrevenirencourantverssamère.Katelapritsursesgenouxetparsemasoncoudebaisers,déclenchantdeséclatsderireravis.
PourCara,lafamillen’incluaitpaslesparents.Elleselimitaitàsesfrèresetàsasœur,qu’elleadorait.C’étaientLucillaetAntonioquiavaientchangésescoucheset luiavaientdonné lebiberonquandsespleursincessantsfaisaientfuirlesnurseslesunesaprèslesautres.C’étaitOrsinoquiavaitcollédessparadrapssur sescoudeset sesgenoux,quandelleavaitessayéd’escalader la façadedeChatsfieldHouseàlasuitedesjumeaux,pourjouerauxgendarmesetauxvoleurs.C’étaitLuccaquil’avait aidéependant sesétudesd’artsplastiques.Nicoloqui luiavait enlevésacigarettedes lèvresalorsqu’ellevenaitderentrerdepensionàquatorzeans,etquiluiavaitpromislacorrectionlapluscuisantedesavies’il lareprenaitunjouràfumer.Etc’étaitFrancoquiluiavaitapprisàéviterlesmédias—uneleçonqu’ellen’avaitpastrèsbienapprise.
Cependant,dansses rêves lesplusmerveilleux,unevraie famillec’étaitça.Unhommeetunefemme qui s’aimaient assez pour affronter ensemble n’importe quelle épreuve, et un enfant qu’ilsaimaientau-delàdetout.
***
Lesquatreguitaristes fidjiensqui jouaientpour lesclients sur la terrassedu restaurantétaientfantastiques.Aidancroisalesbras,tandisqu’EmmatendaitlesmainsàCarapourquecelle-cilafassetourbillonnerencoreunefoissurlapistededanse.
— Elle est sympa, commenta Ben. Pas tout à fait comme je l’imaginais, mais vraiment trèssympa.
Aidanrestasilencieux.QuepenseraitBens’illuidisaitqueCaraluiavaitsoufflésalimousineetqu’ellen’avaitpasbronchéquandilavaitétéquestiondelajoueraupoker?
Mais tout ça, il s’enmoquait à présent, constata-t-il.En revanche, il était impressionnépar laqualitédesrelationsqu’elleavaitdéjànouéesavecleshabitantsdel’île.Certes,cesderniersétaienttrèschaleureux,maislaplupartétaientégalementtimidesetréservés.Ilsn’établissaientpasfacilementdes contacts physiques.Or, des écolières qui la voyaient pour la première fois lui avaient fait destresses.
Aproposdecontactsphysiques…Ilneparvenaitpasàoublierladouceurdesapeaul’autresoir.Legoûtenivrantdesabouche.D’ailleurs,ilavaitbienfaillisuccomberàlatentationdel’embrasser,toutàl’heure…
Bonsang!Aidanpassalamaindanssescheveux.Lafrustrationluiportaitdeplusenplussurlesnerfs…Et
regarderCaradansernerisquaitpasd’arrangerleschoses.Tournantledosàlapiste,ilmitlamaindanssapocheetsentitsoussesdoigtslesfeuillesqu’elleluiavaitremises.Illessortitetlesdéplia.Tout à l’heure, il leur avait à peine jeté un coup d’œil, se rappela-t-il, pris de remords. Pas trèsélégantdesapartdeluiconfierunemissionbidon.Etiln’avaitpasimaginéunseulinstantqu’elleprendraitsatâcheàcœur…Commes’illisaitdanssespensées,Bendéclara:
—Katem’aditquetuavaisenvoyéCarainspecterl’école.Maistusaisqu’unexpertdoitvenirlasemaineprochaine,n’est-cepas?
—Oui,jesais.Jevoulaisjusteluitrouveruneoccupationpourmedébarrasserd’elle.Aidan entendit une petite exclamation étranglée derrière lui et il se maudit. Les guitaristes
avaientarrêtédejouer,etdetouteévidenceCaral’avaitentendu…Ilseretournalentement.Sonairblessél’accabladeremords.
—Excusez-moi,ilfautqueje…Sansterminersaphrase,ellepivotasurelle-mêmeetquittaprécipitammentlaterrasse.Beneut
unemouecompatissante.—Cettenuit,tuasdroitàlaniche,monvieux.Aidanréprimaunemouededérision.Ceseraitsansdoutelemeilleurendroitpourlui.Reléguéà
laniche,ilauraitmoinsdemalàrésisteràlatentation.LorsqueCaradisparutderrièreunmassifdeplantestropicalesquiséparaitlaplageduchemin,il
poussaunprofondsoupir. Jamaisauparavant iln’avaitétéaussipartagé.Ecarteléentreson instinctquiluicriaitdecourirderrièreelleetsaraisonquiluiintimaitdenepasbouger.
Il s’était déjà levé pour la suivre, constata-t-il soudain avec effarement. Sansmême en avoirconscience!Commes’ilétaitpossédé…Maisilnevoulaitpasavoirenviedecourirderrièreelle.Ilne tenait pas à être la proie d’un désir aussi impérieux. Il aspirait à retrouver sa vie réglée. Sadétermination.Saconcentration.
La fille aux cheveux roses et aux jambes interminables ne lui apporterait que le chaos, lapassion,l’émotion…lavulnérabilité.
Etilavaitbeauchercher,ilnetrouvaitpasd’explicationlogiqueaudésirirrépressiblequ’elleluiinspirait.
«Parcequ’iln’yenapas.»Amoinsque…Ilavaitfaitd’elleunfruitdéfendu.Uninterdit.Graveerreur,quiengendraitautomatiquementle
désirdetransgression.S’interdiredecoucheravecunefemmec’étaitlemeilleurmoyend’enavoirencoreplusenvie…
Aidaneutunlargesourire.Commentn’avait-ilpascomprisplustôtcequiluiarrivait?C’étaitpourtanttrèsclair.Quelsoulagement!Ilsesentaitdenouveaului-même.
Plusqu’unjouretbye-bye!Elleretourneraitdanssonmondeetluidanslesien.Ilretrouveraitenfinsavieréglée,sadétermination,saconcentration.
11.
—Pourquoifais-tutavalise?Cara jeta sa chemise de nuit dans la valise en refoulant les larmes de colère quimenaçaient
d’inondersesjoues.Ellen’avaitpasentenduAidanarriveretellen’avaitqu’unehâte.Qu’ilreparte.Ellenevoulaitpaspleurerdevantlui.Plusjamais.
Cen’étaitpourtantpas lapremièrefoisqu’elleétait rejetéeparquelqu’un.Pourquoisouffrait-elle encoreplusqued’habitude ?Sansdouteparcequ’elle avait passédemerveilleuxmoments audéjeuner.Direqu’elleavaitététouchéeparlesattentionsqu’Aidanavaiteuesàsonégard.Delapurecomédie.Pourdonnerlechangeàsesamis.
Quelle idiote ! Elle avait baissé sa garde. Une fois de plus ! Parmoments elle s’était mêmesurpriseàl’apprécier.Enfin,c’étaitsurtoutsoncorpsqu’elleappréciait.Çanepouvaitpasêtreautrechosepuisqu’ilétaittoujoursl’hommearrogantquiavaitvoululuidonnercinquantedollarspoursontaloncassé,à l’aéroport.Lemêmehommequi luiavait intimédesedéshabillerdevant luidanssasuite.Puisquil’avaittenuedanssesbrasavectendresse.Quil’avaitembrasséeavec…
Stop!PlusquestiondepenseràembrasserAidanKelly.Enfait,elledevraits’estimerheureused’avoir
découvertqu’il avait toujoursaussipeud’estimepourelle.Parcequesinon,elleaurait finipar luitomberdanslesbras.Uneexpérienceàcoupsûrtorride.Maisquin’auraitpasduré.Etquiluiauraitsansaucundoutebrisélecœur.Elleauraitdûs’enteniràsapremièreidée.SeterrerchezHarrietàL.A.Nonqu’illuiaitlaissélechoix…Ehbien,aujourd’huic’étaitellequidécidait.Departir.
Maisc’étaitunerébellionbiendérisoire.Parcequ’ilnel’empêcheraitpasdepartir.Ilseraittropcontent.
«Jevoulaisjusteluitrouveruneoccupationpourmedébarrasserd’elle.»CommeChristos.Commesonpère.Saufquesonpèren’avaitjamaisessayédeluitrouverune
occupation.Ils’étaitcontentédel’envoyerenpensionetdelalaisserseuleàChatsfieldHouseaveclesdomestiquespendantlesvacances.Biensûr,sesfrèresetsasœuravaientpasséeuxaussibeaucoupdetempsàChatsfieldHouseaufildesans,maisilsétaientbeaucoupplusâgésqu’elleetilsavaientleur propre vie. Elle n’avait pas voulu les ennuyer avec sa carence affective et son sentimentd’exclusion.C’étaitsamèrequiauraitdûêtrelàauprèsd’elle.
Cararepensaauravissementd’EmmaquandKatel’avaitprisesursesgenouxetembrasséedansle cou. Sa gorge se noua et des larmes lui brouillèrent les yeux. Où se trouvait sa mère, en cemoment?Quefaisait-elle?Elleétait relativement jeunequandelleétaitpartie.Avait-elleuneautrefamille,aujourd’hui?D’autresenfantsqu’elleaimaitplusqu’elle?
—Jet’aiposéunequestion.Lavoixd’Aidanl’arrachaàsespensées.Tantmieux.Ilétaitpréférabledenepass’attardersur
l’abandondesamère.S’efforçantdedurcirsoncœur,ellecontinuadefairesavalise.—Va-t’en.Elleavaitl’impressiond’êtredebois.Aidannevoulaitpasd’elle.Iln’éprouvaitrienpourelle.
Mêmepasun semblantd’affectionet sonmanquede respect avait étépalpablequand il avait parléd’elleàBen.
—Jerentrechezmoi,ajouta-t-elle.—Tudisaisquec’étaitlepireendroitpourtoi.—Ehbien,aujourd’huij’aidécidéquec’étaitici.—Jesuisdésolédet’avoirblessée.Ellehaussalesépaules.—Tul’asremarqué?Çamesurprend.—Jel’airemarqué.Etalors?Çanesignifiaitrien.Mêmeuninsecteaveugleauraitremarquésondésarroi.—Félicitations.—Cara,j’aimeraisqueturestes.Surpriseparl’accentdesincéritédanslavoixd’Aidan,ellesetournaverslui.Ilavaitlesmains
danslespochesetilsemblait…songeur.—Pourquoi?—Jet’aipromisdeuxjoursderépit.—Ettutienstoujourstespromesses.—Oui.Ellesecoualatête.—Jenemesuisjamaissentieaussimal.MêmeaprèsuncommentairedeChristos.—Jesuisnavré.Jenem’étaispaspréparéàrépondreàdesquestionsàtonsujet.—Quandjepensequej’aipasséunlongmomentàdiscuteravecKate—quej’aimebeaucoup,à
propos—pourlaconvaincrequ’ilyavaitvraimentquelquechoseentrenous!Ellevameprendrepourunefiefféementeuse,oualorspourunegrandenaïvequisefaitdesillusions.
—Pourquoias-tufaitça?—Parcequ’unpeuplustôt,tum’avaisdemandédemeconduirecommesinousétionsvraiment
uncoupleet…Peuimporte.Quelleidiote…Aidan était à la fois déconcerté et au comble de l’embarras. Il ne s’attendait pas du tout à la
trouverentraindefairesavalise!—Jenepensaispascequej’aiditàBen.Caraneréagitpas.Ilprituneprofondeinspiration.—C’étaitirréfléchi.—Maisvrai.Ilfermalesyeux.—Situveuxsavoirlavérité,jet’aienvoyéeàl’écoleparcequejenevoulaispasquetupasses
toutelajournéeseulesurlaplage.Surtoutaprèsavoirvucetatouagesexyqu’ilauraitvouluêtreleseulàpouvoiradmirer…Caralevaversluicesyeuxgrisembuésdelarmes.
—Qu’est-cequipourraitm’arriversuruneplage?Tum’asdittoi-mêmequ’iln’yavaitpasdepaparazziici,et…
—Cen’estpasça.Ilserralesdents.—Quandjet’aivuedanscedeux-pièces,j’aisuquej’allaisimaginertouslessurfeursdel’île
entraindetedragueretqueçam’empêcheraitdemeconcentrer.—Pourquoi?Ilhésita.Devait-illuiavouerqu’ellelerendaitfoudedésir?Non.Mieuxvalaitéviter.—Tuesmoninvitée.Jesuisdoncresponsabledetoi.Le regarddeCara rencontrabrièvement le sien,puis elle se retournavers le lit et continuaà
remplirsavalise.Ilréprimaunsoupirexaspéré.Qu’aurait-ellevouluqu’illuidise?Qu’ilvoulaitlaprotéger?Qu’ilétaitjaloux?
—Ecoute,jenesuispasvraimentmoi-mêmeencemoment…—Pourquelleraison?—Jen’aipasenvied’entrerdanslesdétails,mais…—C’estàcausedeMartinEllery?J’aientenduBenprononcersonnompendantledéjeuneret
depuistun’espluslemême.Aidan réprima un juron. Il pensait pourtant avoir réussi àmasquer sa consternation quand il
avaitapprislanouvelle.MartinEllerylaissaitentendrequ’ilallaittenterdeluiarracherlesdroitsderetransmission de l’AFL, le championnat de football australien. C’était le plus gros contrat dediffusiontélévisuelleenAustralieetleseuljoyaudelacouronnedesonpèresurlequelElleryn’avaitpasréussiàmettrelamain,quatorzeansplustôt.
—Jememoqued’Ellery,déclara-t-ild’untonvif.Caraluilançaunregardindiquantqu’ellen’encroyaitpasunmot,puisellepoursuivitsatâche.
Il leva les mains en l’air. Bon sang, ne voyait-elle donc pas qu’il faisait des efforts ? Il prit uneprofondeinspiration.
—J’ailulesnotesquetuasprisesausujetdel’école.Elles’immobilisauninstant,puisfermasavalise.—S’ilteplaît,jeneveuxpassavoircequetuenpenses.Impossibledelalaisserpartirsansrienfaire!Illasaisitparlesépaulesetlafitpivoterfaceà
lui.—Ellessonttrèsutiles.Ellesedégagead’unmouvementd’épaulesetsedirigeaverslabaievitrée.—Tun’espasobligédedireça.Jesaisqu’unexpertdoitvenir.—Toutcequejedis,jelepense.Toujours.Nonseulementtuasremarquéquel’entrepreneura
bâclél’appartementduprofesseur,maistuassoulignéquelesenfantsmanquentdefourniturespourles cours d’arts plastiques et de manuels à jour. J’ai en effet prévu de faire venir un expert et ilviendra. Il vérifiera en particulier la solidité du bâtiment. Mais il n’aurait jamais relevé tous lesdomainesdanslesquelsl’entrepreneurarognésurlescoûts.
—Pourquoiessayerdefairedeséconomiessurlaconstructiond’uneécole?C’estaudétrimentdesélèves.
— Il est ambitieux. Il a voulu réduire les coûts et rester en deçà du budget prévu pourm’impressionner.Maisjepeuxt’assurerqu’iln’estpasprèsderecommencer.
—Tul’asrenvoyé?—Non,répliquaAidan,unpeudérouté.
Croyait-elle vraiment qu’il était du genre à renvoyer quelqu’un sans lui donner une secondechance?
—Jeluiaiexpliquéquelarentabilitédelastationfaisaitbienentendupartiedemesobjectifs,maisqu’iln’étaitpasquestionpourautantdeléserlesvillageoisdansquelquedomainequecesoit.
—Oh.C’est…louable.—Jenesuispasunrequin,Cara.Alorsd’oùluivenaitencemomentmêmelesentimentd’enêtreun?sedemandaAidanavant
d’ajouter:—Reste,s’ilteplaît.Ellecroisalesbras,commesielleavaitfroid.—Jenesaispas.Jenecroispasquecesoitunebonneidée.Jenesuispassûredesavoirceque
jeveux.Ilfitunpasverselle.—Tupeuxavoircequetuveux.Elleseretournaetilfutsaisiparsonairvulnérable.—Peut-êtredanstonmonde,Aidan,maispasdanslemien.J’aifailliperdreuncontratàcause
decequis’estpasséceweek-end.Etcerisquen’estpasencorecomplètementécarté.Dansl’ensemble,lesgensestimentquejenesuispasàlahauteur.Etilsontraison.Mapropremèrenemesupportaitpas.
—Elletel’adit?— Pas directement. Le seul souvenir que je garde de la voix de ma mère provient d’un
enregistrementvidéo.—Unenregistrementvidéo?—Tunelisvraimentpaslesrubriquespeople,n’est-cepas?Elleestpartiequandj’étaisencore
bébé.Aidans’efforçademasquersoneffarement.C’étaitforcémentunsujettrèssensiblepourelle…—Laraison?—J’étaisdifficile.—Amaconnaissance,unemèren’abandonnepassonbébéparcequ’ilestdifficile.—J’étaisinsupportable.LesdoigtsdeCarasecrispèrentsursonT-shirt.—Jepleuraistoutletemps.Jenedormaispas.Jerefusaistoutenourrituresolide…Aidanplissa le front.A l’époqueoù lesparentsdeCaras’étaientséparés ilétaitencore jeune,
maisilgardaitunvaguesouvenirdecertainséchosconcernantdesproblèmesd’alcool,defemmesetdechiffred’affairesendéclin.
—Tunepeuxpasterendreresponsabledesondépart.—Non.Jesaisqu’ellesouffraitd’unedépressionpost-nataleetquemonpèreetelletraversaient
unepériodedifficile.BouleverséparladétressequialtéraitlavoixdeCara,Aidanserapprochad’elle.—Cara,cen’estpasàcausedetoiqu’elleestpartie.—Jesais.Jeviensdeledire.Ellelevalesmainscommepourleteniràdistance.—Ellevoulaitchangerdevieetj’auraisétéuneentrave.Jecomprends.«Jecomprends,tuparles!»Lecœurserré,AidanpritlementondeCaraetluifittournerlatête
verslui.
—Cen’estpasàcausedetoiqu’elleestpartie,Cara.Elleécartasamaind’ungestevifets’éloignaàl’autreboutdelachambre.—Tun’ensaisrien.Sij’avaisétéplussage,plusmignonne…—Plusintelligente,ouplusforte.Silaterreétaitcarrée…C’estillogique,Cara.Tamèreétait
adulteetelleavaitsixautresenfants.Elleestlaseuleàsavoirlaraisonpourlaquelleelleestpartie.—Si ce n’est pas à cause demoi, pourquoimonpère neme supportait-il pas lui non plus ?
Pourquoiétait-ilincapabledemeregarder?Oh!ça,jelesais.Parcequejeluiressembleetqu’ilnesupportepasqu’ellesoitpartie.
SiCara se repliait sur elle-mêmequand elle était blessée, si ellemodifiait régulièrement sonimage,c’étaitpour tenterdesecacher,compritAidan.Pourprotéger lapetitefillequiavaitgrandiavecdesparentségoïstes.
—J’aimaismonpère,dit-elled’unevoixàpeineaudible.Jel’aimetoujours.Illarejoignitendeuxenjambéesetlapritdanssesbras.L’espaced’unesecondeelleseraidit,
puiselleenfouitsonvisagedanssoncou.—J’avaisdécidédenepluspleurer.—Toutvabien,moncœur.Toutvabien.Un sanglot étranglé s’échappa de la bouche de Cara. Spontanément, il l’embrassa. C’était la
choselaplusnaturelledumonde.Laseulechoseàfaire.—Toutvabien,murmura-t-ilenpressantseslèvrescontrelessiennesdansunbaisertrèschaste,
uniquementdestinéàlaréconforter.
***
Caraétaitenproieàuntourbillond’émotionsquimenaçaitdelasubmerger.Aidanétaitsidoux,si tendre…Danssesbras,ellesesentaitspécialetoutàcoup.Digned’intérêt.Désirée.Soncœursenoua douloureusement. Sa tendresse était insupportable. Parce qu’elle l’incitait à rêver del’impossible.
—Aidan?Elleposalesmainssursontorse.—Arrête,s’ilteplaît.Illevalentementlatêteetplongeasonregarddanslesien.—Jesaiscequejedevraisfaire,dit-ild’unevoixrauque.Etjesaiscequej’aienviedefaire.Ce
sontdeuxchosescomplètementdifférentes.Elle sentit son cœur s’affoler dans sa poitrine. Elle était si bien dans ses bras… Elle savait
d’instinct qu’il serait un amant extraordinaire. Passionné. Attentif. Déterminé à donner autant qu’àrecevoir.Latentationétaitgrandedes’abandonner…
Maissoninstinctluidisaitégalementquecethommeavaitlepouvoirdelafairesouffrircommeelle n’avait jamais souffert. Car déjà, elle attendait trop de lui. Partager avec lui desmoments deplaisir,mêmeexceptionnels,neluisuffiraitpas.Illuifaudraittoutlereste.Toutcequ’ilnepouvaitpas—nevoulaitpas—luioffrir.Etlorsqu’ils’enirait,ellenes’enremettraitjamais.
—Aidan,s’ilteplaît,laisse-moi,murmura-t-elledansunsouffle,auprixd’uneffortsurhumain.S’ilinsistait,s’ill’embrassaitencore,elleseraitincapabledelerepousser…Iln’insistapas.Ilprituneprofondeinspiration,illalâcha,puispivotasurlui-mêmeetquittala
pièce.Ellerestaunlongmomentfigéeàlamêmeplaceaprèssondépart.
12.
Le congrès était terminé. Il ne restait plus qu’à demander à l’équipage de tenir le jet prêt àdécollerpourSydney.Cependant,Aidann’arrivaitpasàsedécider.Ilsavaitqu’Elleryavaitrendez-vousaveclesmembresduconseild’administrationdel’AFLdansl’après-midietilavaitenvoyéBenàSydneypoursuivrel’évolutiondelasituation.Mêmesiceminabled’Elleryn’avaitaucunechancededécrocherlecontratdediffusion.Ilauraitdûl’acculeràlaruinequandilenavaiteul’occasion.Pourquoinel’avait-ilpasfait?Ilétaittoujoursincapablederépondreàcettequestion.Aidanpritlechemindubungalowens’efforçantderéprimersanervosité.Caraserait-elleencorelà?Ilnel’avaitpasrevuedepuisqu’ellel’avaitrepousséhieraprès-midi.Lesoir,ellenel’avaitpasaccompagnéaudînerducongrèsenraisond’unemigraine.Etcematin,elleétaittoujoursaulitquandilétaitparti.Pendant la session de clôture, une idée extravagante lui avait traversé l’esprit. Il avait envisagéd’emmenerCaraàSydneyavec lui.Heureusement, il avait trèsvite retrouvé la raison.Si elleétaittoujourslà,illuiproposeraitsimplementderesterquelquesjoursdeplussurl’île.Riennel’obligeaità rentrer à Londres avant la fin de la semaine. Et comme elle devait éviter les problèmes pourdécrochercecontratauquelelletenaittant,c’étaitencoreiciqu’elleseraitlemieux.Ici,ouaveclui.
Un voilier majestueux attira le regard d’Aidan. Depuis combien de temps n’avait-il pasnavigué?Lorsqu’ilétaitàl’Université,troisdesescamaradesetluis’étaientcotiséspourlouerunpetityachtpouruneheuredansleportdeSydney,parcequ’ilsvoulaientimpressionnerleurspetitesamies.Ilss’étaientbienamusés.Ilsavaientbudelabière,beaucoupri,etmêmedansé!Aujourd’hui,personnenes’attendraitàlevoirdanser.Aujourd’hui,ilétaitunhommequiportaitdescostumessuruneîletropicaleetquis’autorisaitdixminutesdepausepourledîner,saufquandildevaitinviteraurestaurantunerelationd’affairesouunefemmeavecquiilavaitprévudecoucher.Depuisquandsavieétait-elledevenueaussiorganisée?Aussiprévisible?Etait-ilsaindevivrecommeça?Sanslemoindreimprévu.Dansl’obsessiondutravail.Oudelavengeance.
LesouvenirdeCaraaudéjeuners’imposaàl’espritd’Aidan.Elleétaitunehôtessedélicieuseetil était clair qu’elle aimait les gens. Elle les acceptait tels qu’ils étaient, malgré les profondescicatricesqueluiavaitlaisséesledoubleabandondesesparents.Lecœurd’Aidanseserraetilcrispalespoingsmalgrélui.Ilnesupportaitpasl’idéequ’elleavaitsouffert.Qu’ellesouffraitencore…Elleétaitsensible.Tropsensible,parfois.Etellecherchaitl’amour.EllerêvaitdevivrelamêmechosequeBenetKate.MaisBenetKatec’étaitl’exception.Paslarègle.Aidans’arrêtaàquelquesmètresdeleurbungalow.Caraétaitdans lavérandaetellecontemplait l’océan. Il suivit son regard.Des surfeurs,allongéssurleursplanches,guettaient lesvagues,s’apprêtantàchoisircellequ’ilsallaientprendre.Les conditions étaient idéales. Les vagues, hautes et puissantes, parfaitement formées, étaient très
tentantes…Ceseraitsibond’oublieruninstantsesobligations,sesambitions,savieréglée.AidanreportasonattentionsurCara.Elleétaitvêtued’unT-shirtcoloréetd’unpantalondetoile.Tenuedevoyage.Uncrijoyeuxs’élevadel’eau.Iltournalatêteetvitunsurfeurseredressersursaplanche,emportédansuntubeparfait.Ils’élançaetmontalesmarchesdelavéranda.«Tudevraistelaisseraller»,luiavait-elledit.Ehbien,ilallaitluimontrerdequoiilétaitcapable.
Surpriseparsonapparitionsoudaine,Caraseretournaetcroisalesdoigts.—Mavaliseestprêteet…—Nousnepartonspastoutdesuite.—Ahbon?—Non.J’aienviedeprendrequelquesvaguesd’abord.—Tusurfes?DevantlamineébahiedeCara,Aidanpouffa.Ilyavaitlongtempsqu’ilnes’étaitpassentiaussi
léger!—J’aifaitdelacompétition.Auniveaulocal,certes,mais iln’étaitpasobligéde lepréciser…Uneheureplus tard,Aidan,
euphorique et revigoré, ruisselant, souleva sa planche et sortit de l’eau. Il savait exactement où setrouvait Cara. Comme tous les types présents ! Avec ses cheveux roses et son deux-pièces doré,deboutauborddurivage,elleattiraittouslesregards.Sibienqu’ilavaitpuprofiterdeladistractiondes autres surfeurspourprendrequelquesvagues exceptionnelles.Etqu’il en avait perduquelquesautres, chaque fois qu’elle lui avait fait desgrands signes…Vibrant d’excitation, il la rejoignit encourant.Poingssurleshanches,ellelefoudroyaduregard.
—J’aicruquetuallaistefairetuer,là-bas!Bonsang,cequ’elleétaitbelle!Ileutunlargesourire.—Jet’aiditquej’aifaitdelacompétition.Ellesecoualatêteetluirenditsonsourire.—C’estamusant?Oh!oui!—Situessayaispourvoir?—Ici?—Non.Lesvagues sont trop fortes.Mais ilyaunepetitecriqueprotégée,de l’autrecôtéde
l’île.Ilnedevraitpasyavoirtropdemonde,unjourcommeaujourd’hui.Çatedit?—Tuessérieux?
***
Crachotantdel’eau,Caraémitungrognementdégoûtéaprèsêtretombéedelaplanchepourlacentièmefois.Aidanrefermalesbrassurellepourl’empêcherdecouleretelleneputs’empêcherdesavourersaforceetlecontactdesapeaumouilléecontrelasienne.
—C’estplusdurqueçaenal’air,marmonna-t-elleaveclassitude.Aidanlacaressaduregardetellefutenvahieparunechaleurtropfamilière.—Essaiejustedesentirlapousséedelavaguederrièretoi,sanschercheràteredresser.—Non,jeveuxmemettredebout!Etcettefois,elleneselaisseraitpasdistraireparlesmusclesd’Aidan.Niparlafinetoisonqui
recouvrait son torse, descendait en pointe très fine sur ses abdominaux, puis disparaissait sous laceinturedesoncaleçontaillebasse…
—D’accord,maisilfautqueturamesplusviteaveclesbras.Quelquesminutesplustard,ellefutsurpriseparunevagueettombasouslaplanche,quiroula
sur elle.Elle remontaà la surfaceet aspiraunegrandegouléed’air, tandisqu’Aidan la rejoignait.Ellen’yarriveraitjamais!
—Çava?—Berk,l’eausaléecen’estvraimentpasbon.Ilpouffa.—Tuenasassez?Ellehésita.Renoncermaintenant,alorsqu’ellen’avaitpasréussiuneseulefoisàtenirdebout,ne
serait-cequequelquessecondes?—Encoreunefois.—Deladétermination.Çameplaît,commentaAidanenluitenantlaplanche.Ellesehissadessusenjurantquecettefois,elleyarriverait.Aidanluiexpliquadenouveauen
détail toute la technique, la guida au départ, et quelquesminutes plus tard, elle parvint à semettredebout et à surfer une vague jusqu’au rivage. Transportée, elle sauta de la planche avec un cri detriompheetlalaissaglisserjusqu’ausable.Puis,sansréfléchir,ellecourutversAidanetsejetadanssesbras.
—J’airéussi!J’airéussi!J’airéussi!Ellenoualesjambessursesreinsetlesbrassursondosensetortillantdeplaisir.— Maintenant je comprends pourquoi tous ces surfeurs passent des heures sur la plage à
attendrelesvagues.C’étaitunesensationextraordinaire!J’avaisl’impressiondevoler.Depouvoirfairetoutcequejevoulais.
MaispourquelleraisonAidanrestait-ilaussisilencieux?sedemanda-t-elleavecperplexité.Aumême instant, elleprit consciencede savirilitépleinement éveillée contre sonventre.Transpercéepar une flèchededésir, elle creusa instinctivement les reins.Aidan crispa lesmains sur ses fessespourl’empêcherdebougerdavantage.
—Cara,s’ilteplaît,arrêtedegigoter.Tumetues…Vraiment?Unenouvelleflèchededésirlatransperça,luiarrachantungémissement.Mûparune
volontépropre,sonbassinignoralaprièred’Aidanetsemitàonduler,accentuantlapressionsursavirilité.Illâchaunjuronretentissant.Puisils’emparadesabouchedansunbaiservorace,auquelellerépondit avec ferveur en promenant les mains sur son dos. Tout à coup, elle sentit des doigts seglissersousl’élastiquedesonbasdemaillot.Elles’arrachaàsabouche.
—Aidan!Il l’embrassa dans le cou, tandis que ses doigts exploraient le cœur de son intimité.Elle crut
défaillir.—Aidan,arrête,murmura-t-elled’unevoixétranglée.Les doigts experts se retirèrent aussitôt. Elle se maudit et faillit le supplier de continuer au
contraire.Denesurtoutpass’arrêter.Unbruitdevoixdistantlaramenaàlaraison.—Noussommessurlaplage,murmura-t-elle.Aidanredressalatêteetrivasonregardausien.—Sinousallionsaubungalow?Commentrefuser?—Oui.
13.
Dès qu’ils eurent franchi le seuil du bungalow,Aidan referma la porte d’un coup de pied etplaquaCaracontreelle.Ilglissalesdoigtssouslesbretellesdesonhautdemaillotetlesfitglissersursesépaules.Lesdeuxminusculestrianglesdoréstombèrent.
—Tuesbelle,dit-ild’unevoixrauque.Sibelle…Ellelefixadesonregardbleuturquoise.Bleuturquoise?—Enlèveteslentilles.Il ne savait pas de qui elle avait voulu s’inspirer aujourd’hui,mais c’était à elle qu’il voulait
faire l’amour. Elle pouvait se teindre les cheveux de toutes les couleurs, s’habiller comme ellevoulait,maissurlesyeuxilseraitintraitable.Ilpritsonvisageentrelesmainsetinsistad’unevoixdouce:
—Jeveuxvoirtesyeux,Cara.Lestiens.Jeveuxlesvoirs’agrandirquandjem’enfonceraientoipourlapremièrefois.
Lesjouesenfeu,ellebaissalatêteetenlevaseslentilles.Lorsqu’ellelareleva,ilsentitsoncœurtambourinercontresacagethoracique.Elleavaitlesyeuxbruns.Unbrunchaudetlumineuxdegrainsdecaféfraîchementtorréfié.
— S’il te plaît, promets-moi que tu ne porteras plus jamais de lentilles en ma présence,demanda-t-ild’unevoixrauque.
—D’accord.Il déposa sur ses lèvres un baiser qu’il approfondit peu à peu. Elle se pressa contre lui en
gémissant.Au contact de ses petits seins contre son torse, il s’arracha à sa bouche pour tracer unsillon de baisers le longde son cou, puis il poursuivit lentement sa descente jusqu’à unbourgeonhérissé,qu’illéchaduboutdelalangueavantdel’aspirergoulûment.Elleenfonçalesdoigtsdanssescheveux en gémissant. Il tomba à genoux devant elle et se mit à lécher son tatouage, les mainsrefermées sur ses hanches. Elle creusa les reins avec des gémissements étranglés. Il inspiraprofondément.Iln’avaitqu’uneenvie.Larenversersurlesoletplongerauplusprofondd’ellesansattendre,pourluifairel’amouravecsauvagerie…Ilpritunenouvelleinspiration.Ducalme.Iln’étaitpasquestiondecéderàcegenred’impulsion.Caraméritaitbeaucoupmieuxqueça…Ilfitglisserlaculottedesonmaillotlelongdesesjambesinterminables,puisilluiécartadoucementlescuissesethumasonparfumdefemmeavecdélectation.Lorsqu’ileffleurasonsexeduboutdelalangue,elleprononça sonnomdansungémissement étoufféqui l’électrisa.Approfondissant ses caresses, il laconduisit au bord du précipice.Mais il ne l’y précipita pas. La première fois qu’elle atteindrait le
plaisirsuprême,ilvoulaitêtreenelle.Ilserelevapourcapturersabouchedansunbaiserqu’elleluirenditavecuneaviditéégaleàlasienne.
—Enlève-moimoncaleçon,demanda-t-ild’unevoixrauque.Elles’exécutaavecdesdoigtstremblants,puisellerefermalamainsursonsexedressé.Avecun
grognementretenu,illasaisitparleshanches,lasoulevacontrelaporteets’enfonçaenelle.Cefutcommes’ilplongeaitdanslecratèred’unvolcanenéruption.S’efforçantdecontenirlapassionquileconsumait,ildonnaunpremiercoupdereinsnonchalant.Puisillâchaunjuronretentissant.
—Aidan?—Préservatif.—Oh.Ilsemaudit.D’ordinaire,iln’oubliaitpas.Jamais!—Tuprendslapilule?Ellesecoualatête.Serrantlesdents,ilseséparad’elle,puislaportajusqu’aulit.Allongéesurle
dos,elleleregardaenfilerunpréservatif.Illarejoignit,ladévoraduregardets’enfonçadenouveauenelled’uncoupde reinspuissant.Savourant la sensualitédébridéedececorpsqui s’accordait sibien avec le sien, il accéléra peu à peu le rythme jusqu’à ce qu’elle sombre dans le gouffre de lavoluptéavecdescrisextatiques.Illarejoignitpresqueaussitôt.
***
LorsqueCaraseréveilla,ilfaisaitnuit.ElleétaitblottiecontreAidan,latêtesursonépaule,lesjambesmêléesauxsiennes,undesesbrasautourdelataille.C’étaitbon.Merveilleusementbon.Tropbon.Beaucouptropbonpourdurer.Avait-elledéjàéprouvéunplaisiraussiinouïdanslesbrasd’unhomme?Unetelleplénitude?Non.Ellesedétachad’Aidanavecprécautionetse leva.Les jambeslégèrement tremblantes, elle gagna sa chambre et n’alluma la lumière qu’une fois dans la salle debains.Elleseregardadanslemiroir.Sescheveuxétaienttoutébouriffésetsesyeuxbrunsreflétaientuntourbillond’émotionsindicibles.Venait-elledecommettreuneénormeerreur?
—Toi,tutedemandessitun’aspascommisuneerreur.La voix d’Aidan la fit tressaillir. Elle prit un drap de bain et s’enveloppa dedans. Après les
moments qu’ils venaient de vivre, cet accès de pudeur était ridicule, se dit-elle aussitôt.Nonchalammentappuyécontre lechambranle,encaleçon, ilétaitd’unebeautéetd’unesensualitéàcouperlesouffle.
—Pastoi?demanda-t-elle.—Non.Moi,j’aiunecertitude.C’étaitfabuleux.—Oh.Ilsepenchaverselleetdéposaunbaiseraucoindeseslèvreseneffleurantcedernierduboutde
lalangue.Ellesentitunechaleurliquideserépandreentresescuissesetfermalesyeuxpourmieuxsavourercettesensation.
—Parailleurs,jenesuispasencoreprêtàretourneràSydneyajouta-t-il.Ilyalongtempsquejen’aipasprisdevacancesetj’aienviedememettreàl’heurefidjienne.Pourquoinet’ymettrais-tupasavecmoi?
—JedoisêtreàLondresdimanchepourledînerdegaladeDemarche.Ill’embrassadanslecou.—Danscecas,nouspartironsvendredi.C’estasseztôtpourtoi?—Oui,mais…«nous»?
—Tum’asditquetun’aimaispasêtreseule.Amoinsbiensûrquetuaiesprévud’yalleravecquelqu’und’autre.
—Non.Jeseraistrèsheureusequetum’accompagnes.—Alorsc’estréglé.Le souffle d’Aidan caressait la peau de Cara et elle était parcourue de longs frissons. Elle
enfonçalesdoigtsdanssesépaischeveux.Avait-ilvraimentl’intentiondeveniravecelleàLondres?Unsourirejoyeuxétiraseslèvres.Unepetitevoixintérieureluisoufflaqu’ilnecroyaitpasaugrandamour.Ellelafittaire.
—Ilresteundernierdétailàrégler,reprit-il.—Lequel?Illapritparlatailleetl’entraînaàreculonsversladouche.—Gaspillerl’eauesttrèsmalvusurl’île.Jen’aipasvoulut’enparleravant,mais…Ilouvritlerobinetetdénoualedrapdebaindanslequelelles’étaitenveloppée.—Ilseraitplusjudicieuxdeprendrenotredoucheensemble,àpartirdemaintenant.—Situpensesqueçapeutréduirelegaspillage…
14.
Caraseregardadanslemiroirde lasalledebains.Avait-elleeuraisondesefaire teindrelescheveux?Elleavaitobéiàuneimpulsionalorsqu’ellesetrouvaitauspa,oùAidanluiavaitréservéunaprès-mididerelaxation.«Etcesoirnousallonsdansunendroitspécial,avait-ilprécisé.»
Toutela journéeelles’étaitdemandéavecexcitationcommentilallaitconclurelestrois joursfantastiquesqu’ilsvenaientdepasser.Auleverdusoleil ilsprenaientunpetitdéjeunerrapide—leplussouventaulit—puisilssepromenaientdansl’île,etfaisaientparfoisdukayakdanslabaieounageaientavecunmasqueetuntuba.Endébutd’après-midiilsfaisaientlasiestedansunhamac,oudansleurimmenselit.
Aujourd’hui,Aidanavaitlouéunvoilieretilsétaientalléssuruneîlevoisinequiétaitdéserte.Ilsavaientpique-niquésurlaplage,puisilsavaientfaitl’amour.Quandilsavaientregagnélebateau,Aidan avait sorti des équipements de plongée et l’avait emmenée sous l’eau. C’était un mondefabuleux,peuplédepoissonsauxcouleurschatoyantesquisemblaientjoueràcache-cacheparmilescoraux, et d’animaux bizarres comme le concombre de mer ou l’étoile de mer. De retour sur levoilier,ilss’étaientallongéssurlepontausoleil,etavaientfinilechampagne.
Une journéemagique, avec pour seule note un peu discordante une conversation visiblementtroppersonnellepourAidan.Après lui avoir racontéplusieursexploitsdes jumeauxdatantde leuradolescence,elleluiavaitposédesquestionssursafamille.
—Rienàsignaler.Pasdefrèresetsœurs,avait-ilrépondu.—Ettuasgrandidansquelgenred’endroit?—Banal.Sesréponsesévasivesl’avaientpousséeàluidemanderpourquoiiln’aimaitpasparlerdeson
enfance.—Çanemedérangepasd’enparler,avait-ilassuré.—Tuasgrandidansunegrandemaison?—Non.J’étaisungamindelabanlieueouest.Al’origine,monpèreétaitunpetitcommerçant.Il
alancéunquotidiengratuitàuneépoqueoùçan’existaitpasencore,puisdefilenaiguilleilamontésonentreprise.
—C’estdeluiquetutienslesensdesaffaires?— Sans doute. Du jour au lendemain nous avons quitté la banlieue ouest pour Rose Bay,
beaucouppluschic,àl’estdeSydney.—Ondiraitquetun’aspasétéenchantéparcedéménagement.Aidanavaitlevélesyeuxverslecielcommesic’étaitlapremièrefoisqu’illevoyait.
—Beaucoupdechosesontchangéaprèsça.Mamèreestpartie.—Oh.Laruptureaétédifficile?—Riend’insurmontable,Cara.J’étaisdéjàgrand.—Tulavoistoujours?—Non.Elleestmortedansunaccidentdevoitureilyadix-huitmois.Maisjevaistefaireune
confidence.Curieusement,lesconversationsennuyeusesonttendanceàm’exciter.Sur ces mots, Aidan avait brusquement roulé sur elle. Et le contact de sa virilité pleinement
éveillée avait chassé de son esprit les nombreuses questions qu’elle aurait voulu encore lui poser.Quandilavaitparlédesamère,ilyavaiteudanssavoixuneamertumeperceptible.Sonallergieauxrelationsàlongtermeserait-elleliéeaudépartdesamère?Sansdoute.Aprèss’êtrejetéunderniercoupd’œildanslemiroir,Caragagnalesalon.Aidanétaitdéjàprêt.Vêtud’unjeanetd’unechemiseblanche à col ouvert. Installé sur le canapé, il regardait du sport à la télévision. Elle déglutitpéniblement.C’étaitvraimentl’hommeleplussublimequ’elleavaitjamaisvu…Iltournalatêteverselleetladétailladelatêteauxpieds.Pourmasquersanervosité,elletournoya.
—Commentmetrouves-tu?—Superbe.—Cettecouleurdecheveuxesttrèsprochedemacouleurnaturelle.—Elletevabien.Tuestrèsbelle.Ilselevaetlarejoignit.Sonregardseposasursabouche.—Çatache,cetruc?Ellepouffa.—Ças’appelledurougeàlèvres.Oui,çatache.—Alorsjevaisêtreobligédemecontenterdetoncou.Ellerefermalesmainssursesépaules,tandisqu’ill’attiraitcontreluipourdéposerunbaiserà
labasedesoncou.Lecontactdusexed’Aidanpressécontresonventreluicoupalesjambesetelles’alanguitcontrelui.
—Tutiensàgardercerougeàlèvres?demanda-t-ild’unevoixrauque.—Non.Maisnesommes-nouspascenséssortir?—Oui,maisavantj’aiquelquechoseàtemontrer.Il l’entraînaversunepetite table, sur laquelleétaitposéeunepetiteboîtedeveloursnoir.Elle
sentitsoncœurs’affoler.—C’estpourmoi?—Jemesuisditqu’aprèscequis’estpasséleweek-enddernier,tuméritesunbeaucadeau.LecœurdeCaraseserra.Unecompensation?Rienderomantique,alors…Maispourquoiétait-
elledéçue?Ellesavaitàquois’entenirdepuisledébut,non?Elleouvritlecoffret.—LesperlesdeJenny…Ellecaressalerangdeperlesgrisargent.—Ilestmagnifique.Jenel’avaispasvucelui-ci,l’autrejour.—C’estundespremiersbijouxqu’elleacréés.Aidanluipritlamainetentourasonpoignetd’unbraceletassorti.—Oh!Aidan.Tun’auraispasdû.—Esthernevoulaitpasmelaisserpartirsans.Et…Desbouclesd’oreilles.—Jenesaispasquoidire.Ellesemorditlalèvreinférieure.—Nepleurepas,sinonjereprendstout,plaisanta-t-ild’untonbourru.
Réprimantl’émotionquiluinouaitlagorge,ellemitlesbouclesd’oreilles.—Elles sont trèsbelles.Merci. J’aibeaucouppenséà l’avenir,dit-elleen tentantd’ignorer le
videquivenaitdeserouvrirenelle.Jepensequ’unjourj’ouvriraiunepetiteboutique.TucroisqueçapourraitintéresserJennydecollaboreravecmoi?
—Peut-être.Maislemannequinat?— J’aime ça,mais… je crois que je suis plus douée pour composer des tenues que pour les
porter.—Jesuisd’accord,commenta-t-ilavecleplusgrandsérieux.Tuesaffreuseavecdesvêtements.
Apartirdemaintenant,jepensequetudevraistepromenertoutenue.Cararoulalesyeux.—Je suis sérieuse. J’aime l’idéedevendredesvêtementsetdesaccessoiresoriginaux, rares,
quelesfemmesgardenttouteleurvie.Aidan l’embrassa, mais quand elle se pressa contre lui il s’écarta et prit une profonde
inspiration.—Sinousnepartonspasmaintenant,nousnesortironspas.Queveux-tufaire?—Çadépenddecequetuasorganisé.Aidansortitunefeuilledepapierdesapoche.Unprospectusd’unetroupedethéâtreanglaiseen
tournéeenAustralie.—RoméoetJuliette?s’exclama-t-elled’untonjoyeux.Sérieusement?Aidanémitungrognementthéâtral.—Sij’encroisl’éclatdetesyeux,tuaschoisidesortir.Carasourit.—Ehbien,j’aimebeaucouplethéâtreetçanedurequedeuxheures.—Trèsbien.Illuipritlamainetl’entraînaverslaporte.—Finissons-en.—Ondiraitquetuparsàunrendez-vouschezledentiste,dit-elleenriant.—Çaseraitpeut-êtremoinspénible.—Tuveuxdirequetun’aimespasShakespeare?Ill’entraînaverslebuggygarédevantlebungalow.—Hé,jesuisjusteunpetitgarsdelabanlieueouest.—Merci,dit-elled’unevoixvibrantd’émotion.Pourtout.—Ahnon,nepleurepas.
***
—Tum’avaispromisdenepaspleurer,seplaignitAidanquelquesheuresplustardlorsqu’ilsremontèrentdanslebuggy.
Cararenifla.—Jen’aipaspromissolennellement,etjefaistoutmonpossiblepourretenirmeslarmes.Mais
c’étaitsibeau!Tun’aspastrouvé?AidanessuyaunelarmesurlajouedeCara.—JevaisêtreobligédefairedesprovisionsdeKleenex.—Chaque foisque jevoiscettepièce je suis tellement tristequeJulietteetRoméomeurentà
causedetouscesgensquisontincapablesdetireruntraitsurlepassé!Leuramourestsibeau…Ils
méritentderesterensemblepourtoujours.—Pourtoujours?—Biensûr,puisqu’ilss’aiment.Aidansecoualatêteavecunpetitsourireindulgent.—Jepariequetulisaisbeaucoupdecontesdeféesquandtuétaispetite.Lorsqu’ilsarrivèrentaubungalow,AidanpritCaradanssesbrasetlaportaàl’intérieur.Cette
nuit-là, alors qu’ils faisaient l’amour avec ferveur, elle eut une révélation. Elle était tombéeamoureuse d’Aidan. Follement amoureuse. Et lui ? Parmoments il était si tendre, si attentionné…Serait-ilpossibleque…?Non, ilyavaitpeudechances.Etellen’étaitpasassezcourageusepourchercheràledécouvrir.Pasmaintenant.Ilétaittellementplustentantdes’abandonneràlapassionquiles dévorait sans se torturer l’esprit…Demain.Demain, il serait bien assez tôt pour se poser desquestions.
***
LorsqueCaraseréveillalelendemain,lachambreétaitinondéedesoleil.Elleétaitseuledanslelitetlavoixd’Aidanluiparvenaitdusalon.Apparemment,ilétaitencolère…Elleseleva,enfilalachemisequ’ilportaitlaveilleetsedirigeaverslesalon.
Uniquementvêtudesoncaleçondesurf,ilarpentaitlapièceàgrandspas,letéléphonevisséàl’oreille.
—Ilnel’obtiendrapas.Jel’enempêcherai.Oui,personnellement.DemandeàSamdepréparerle jet.Etorganiseune réunionavec le conseild’administrationd’AFLà lapremièreheuredemainmatin.
Il raccrocha et lança son portable sur la table d’un geste rageur. Puis il prit conscience de laprésencedeCarasurleseuildelapièce.
—Desproblèmes?demanda-t-elleavecappréhension.—Onpeutdireça,oui.IlfautquejeretourneenAustralie.—Oui,j’aientendu.Deboutdevantlabaievitrée,Aidannesemblaitpasdisposéàluidonnerlamoindreprécision…
Carasentitungrandfroidl’envahir.—C’estquoil’AFL?— La Ligue de football australien, organisatrice du championnat de football australien,
répondit-ilsansseretourner.—Etelleadesproblèmes?— Non, c’est nous qui avons des problèmes. KMG détient les droits de retransmission du
championnatdepuisquatorzeans.C’est leplusgroscontratdediffusion télévisuelled’Australie.EtMartinElleryestentraindemanœuvrerpourlerécupérer.
—MartinEllery?—Jen’aipasenvied’endiscuter,Cara.Il traversa lapièceetpassaàcôtéd’ellesansunregard.L’estomacnoué,elle lesuivitdans la
chambre.—C’estpourçaquetuledétestesàcepoint?— Je t’ai dit que je ne voulais pas en discuter, répondit-il en prenant des vêtements dans la
penderieetenlesjetantsurlelit.Elledéglutitpéniblement.
—J’ai ledînerdegaladeDemarchedansdeux jours, rappela-t-elled’unevoixplushésitantequ’ellenel’auraitvoulu.Jecroyais…Jepensaisquetum’accompagnerais.
—Jenepeuxpas.Ilfautquejerègleceproblème.—Tunepeuxpasdéléguer?Bennepeutpasalleràlaréunionàtaplace?—Non. Il faut que je m’occupe de ça moi-même. Quand on ne garde pas le contrôle de la
situation, ça dégénère forcément. Cette semaine j’ai relâché ma vigilance et… c’est toujours uneerreur.
Aidanétaitvisiblementexaspéréparsesquestions,maisc’étaittropimportant,décida-t-elle.Elleavaitbesoinderéponses.
—Çat’estdéjàarrivédanslepassé?Ilyeutunsilence.—C’estarrivéàmonpère.Nouveausilence.—TuveuxsavoirpourquoijehaisEllery?Ilyaunanpresquejourpourjour,monpères’est
suicidé.Acaused’Ellery.—Oh!Aidan…—Iln’ajamaisreprisconscienceaprèsavoiravaléunflacondecomprimés.Jesuisrestéàson
chevetpendanttroisjours,àleregardermourir.CarafitunpashésitantversAidan.—Pourquoia-t-il…?A-t-illaisséunmot?—Cen’étaitpasnécessaire,réponditAidand’untonamer.Ils’estsuicidéparcequ’iln’yavait
plusaucunechancequemamèrerevienne.—Parcequ’elleétaitmorte?Aidanhochabrièvementlatête.—Ellel’avaitquittédesannéesplustôt,maisilalaissésessentimentspourelledominertoute
savie.—Jesuisdésolée.Jenesaispasquoidire.—Iln’yarienàdire.Ilyaquatorzeans,elleaquittémonpèrepourunhommequipouvaitlui
offrir une vie plus confortable et il ne s’en est jamais remis. Plus tard, il s’est suicidé. Fin del’histoire.
Non,cen’étaitpastoutàfaitlafindel’histoire,compritCaraintuitivement.—Tuasditqu’ilétaitmortàcausedeMartinEllery.C’estpourluiquetamèreestpartie,c’est
ça?—Oui.Elleryétaitl’associéetl’amidemonpère.Iladétournédesfondsetilafaillidétruire
l’entreprisedemonpère.—Oh!c’esthorrible.CarasemitderrièreAidanetappuyalefrontcontresondos.—Jecomprendslaraisonpourlaquelletun’aspasputournerlapage.Pourquoituneveuxpas
lelaissergagner.—Vraiment?—Oui,etjevaisveniravectoi.Aidanseraidit,puisseretournaverselle.—Quoi?—Jevaisveniravectoi.J’aiéprouvéuneantipathieimmédiatepourElleryetjeveuxtesoutenir.—EtledînerdegaladeDemarche?
—J’estimeplusimportantd’êtreàtoncôtéàunmomentoùtuesaussibouleversé.Aidans’éloignadeCara.—Jenesuispasbouleversé.—Aidan…—Jecroyaisquetacarrièreétaitimportantepourtoi.Jecroyaisquesituétaisvenueicic’était
pourpréservertaréputationetimpressionnertonpère.—Oui,c’étaitpourça.Carasentitsagorgesenouer.Lemanqued’enthousiasmed’Aidanétaittrèsrévélateur…—Maisjecroyais…Qu’avait-elle cru ? Qu’ils formaient un vrai couple ? Que ses sentiments pour lui étaient
partagés ? Elle était vraiment d’une stupidité affligeante… Aidan avait juste décidé de s’offrirquelquesjoursdedétenteensacompagnie.Riendeplus.Ilétaittempsqu’elleseressaisisseetqu’ellereprennesavie…Acettepensée,elleeutl’impressionqu’unepoigned’acierluibroyaitlecœur.MonDieu, ellen’imaginaitdéjàplus lavie sans lui…Mais le salut étaitdans la fuite.Avec le temps, lasouffrancefiniraitpars’estomper.
Derrièreelle,Aidanémitungrognementdefrustration.Elleseretourna.—Tuasraison.C’estuneidéestupide.Oubliemaproposition.—Cara,nemeregardepascommeça.Nouspourronsdiscuterunautre jour.Pour l’instant il
fautquejemeconcentresurlecontratAFL,etçanem’yaidepas.Ilprononçait«ça»commesic’étaituneobscénité…Elleserralesdents.—Ehbiença,commetudis,étaittrèsimportantpourmoi.Plusquepourtoi,visiblement.—Oh!bonsang…Ilplongealesdeuxmainsdanssescheveux.— Cara, tu es une fille fantastique. Intelligente, drôle, loyale et… Tu mérites de trouver
quelqu’undespécial.Quelqu’unquit’aime.Elleeut l’impressionderecevoiruncoupdepoingdans l’estomac. Ilnepouvaitpasêtreplus
clair.Ce«quelqu’un»,cen’étaitpaslui…Inspirantprofondément,ellerépliquad’untonneutre:—Jesuisd’accord.Alorsmercidem’avoiroffertunrefugependantquelquesjours.Jet’ensuis
trèsreconnaissante.Aprésentjevais…cherchermavalise.Illasuivitdanslachambre.—Cara, je ne peux pas gérer les complications émotionnelles. J’ai besoin d’avoir les idées
claires.—Jecomprends. Iln’yapasdeproblème.Au revoir,Aidan.Et…bonnechanceavecMartin
Ellery.—Prendslejet.—Non,tuenasplusbesoinquemoi.Jevaisprendreunvolcommercial.Ellesedirigeaverslaporte,enpriantpournepass’effondreravantd’avoirembarquéàbord
d’un avion à destinationdeLondres.Elle tint le coup.Mais dès qu’elle fut installée à sa place, leslarmesinondèrentsesjoues.
Etellescontinuèrentderuisselerpendanttoutlevol.
15.
Elle n’avait pas pris le jet !Quand son pilote l’avait prévenu, il avait tout de suite décidé del’appeler.Maisiln’avaitpassonnumérodeportable!
Aidanréprimaunjuron.IlavaitvécuavecCaraChatsfieldlesmomentslesplusintensesdesonexistence.Lesnuitslesplustorrides.Lesjournéeslesplusjoyeuses.Lesdiscussionslesplusintimes.Etiln’avaitpassonnumérodetéléphone!Quelleabsurdité!
Mais le pire, c’était son incapacité à se concentrer sur l’essentiel. Les droits de diffusion del’AFL.Alorsqu’ildevraitmettretoutesonénergiedanslesnégociations,ilnepensaitqu’àelle.Cara.
Lecœurd’Aidanseserra.Elleavaiteul’airsiblesséquandilluiavaitditdeprendrelejet…Cesouvenirlehantait.Biensûr,elleauraitvouluqu’ill’accompagneàLondres.Maisc’étaitimpossible!Il fallait absolument qu’ilmetteEllery en échec. Il l’avait déjà épargné une fois. Il ne pouvait pasrecommencer.
Aidan se leva.Autourde lui la conversation s’interrompit. Il regarda lesdouzepairesd’yeuxfixéssurlui.
—Continuez,dit-ilengagnantlafenêtre.Ilregardasanslevoirl’OpéradeSydneyquiscintillaitsouslesrayonsdusoleil.Oùétait-elleen
ce moment ? En Angleterre ? Non, elle ne pouvait pas être déjà arrivée. Etait-elle perturbée ?Angoissée par la perspective du dîner de gala ? Il était allé trop loin avec elle.C’était une erreur.L’engagement,lesrelationsdurables,cen’étaitpassontruc.Aprèsledivorcedesesparents,ils’étaitpromisdenejamaisselaisserdominerparsessentiments,commesonpère.Ethier,ilavaitcomprisques’ilneprenaitpassesdistancesavecCara,ilsuivraitlechemindesonpère.Unhommequ’ilavaitaimé, mais pour qui à la fin il n’éprouvait plus de respect… Le cœur d’Aidan se serradouloureusement et il semaudit. Pourquoi pensait-il encore à ça ? Il était en pleine réunion, bonsang!Uneréuniondontl’enjeuétaiténorme.IldevaitécraserEllery.
Aidan soupira.Même s’il réduisait Ellery en bouillie, ça ne changerait pas le passé. Rien nepourrait jamaischangerlepassé.Parailleurs,cettesoifdevengeanceempoisonnait leprésent.Ellefaisaitdeluiunhommeaussiméprisablequeceluiqu’ilpoursuivait.
Pardon.AidanentenditlavoixdeCaramurmurercemot.Commesielleétaitdanslapièce.Asoncôté.Uneévidences’imposasoudainàlui.Commentnel’avait-ilpascomprisplustôt?Silesouvenir
deCara lepoursuivait, s’ilétait incapabledeseconcentrersurautrechose,c’étaitpourune raisontrèssimple. Ilétait tombéamoureuxd’elle.Etsonabsence luiétait insupportable.Elleavait raison.Quandonaimaitquelqu’un,onnesupportaitpasd’enêtreséparé.
—Aidan?AidanregardaBen,assisàlatable.Oùenétaitlaréunion?Iln’enavaitaucuneidée…—Messieurs, si vous voulez bien m’excuser, j’aimerais parler seul à seul avec Ben James
quelquesinstants.Lesmembresduconseild’administrationarquèrentlessourcils,puisilsselevèrentlentementet
quittèrentlapièce.Benémitunpetitsifflement.—Jenesuispassûrquequelqu’unaitdéjàdemandéauxmembresduconseild’administration
d’AFLd’attendredans lecouloir.Drôledestratégiepour lesconvaincrederejeter l’offred’Ellery.Qu’est-cequisepasse,bonsang?
Aidanpritsaveste.—J’aibesoinquetuconduiseslaréunionàmaplace.Benécarquillalesyeux.—Pourquoi?—Ilfautquej’aillequelquepart.—Toutdesuite?Aidaneutunpâlesourire.—J’aiprisunemauvaisedécision,hier.Etmaintenantquej’enaiprisconscience,ilfautquej’y
remédieimmédiatement.—Jesuisaucourantdecettedécision?Tuasbesoindeconseils?Aidansourit.—Non.Justequetuassuresl’intérimenmonabsence.—Etsi jeperds lecontrat?En tempsnormal, jemesens toutà faitcapablede te remplacer,
maiscecontrat…Jesaisàquelpointc’estimportant.Sijeleperds…—Cen’estpasgrave.—Tuessûrquetuvasbien?Lesourired’Aidans’élargit.—Oui.Jepensequejevaisenfinbien.
***
—Tuessûrequetuvasbien?Cara regarda Lucilla, qui avait insisté pour l’accompagner au dîner de gala de Demarche.
Malgrédelégerscernes,elleétaitsuperbe.Elleleseraitencoreplusaveclescheveuxdétachés,maisilétaitinutiledeleluisuggérer.Lucillaattachaittoujourssescheveux.Apartça,commentrépondreàsaquestion ?Cara soupira.Oui, elle allait bien,même si elle avait l’estomacunpeu contracté.Lemannequinavecquielleétaitenconcurrenceétaitunedesfemmeslesplusbellesqu’elleavaitjamaisvues.Etdesplussympathiques.Suruneéchelledeunàdix,ellemettaitSerenaBhattessaàonze,etelle-mêmeàsept.Danslesbonsjours.
Maisàvraidire,décrochercecontratneluisemblaitplusaussiimportant.Pourquoisementir?Laseulechosedontelleavaitvraimentenvie,c’étaitd’êtreàSydney—oun’importeoùailleurs—avecAidan.S’illuiavaitdemandédelesuivre,elleauraitlaissétombertoutlereste,sanslamoindrehésitation.Carasentitsagorgesenouer.Elles’étaitpromisdenepaspenserà luipendant lestroisprochainesheuresaumoins.Jusque-là,elleavaittenucinqminutes…
—Jenemesuisjamaissentieaussibien,mentit-ellepourrassurersasœur.Lucillaeutunemouedubitative.
—Tusembleschangée.—C’estlescheveuxchâtains.J’ail’airnormal.—Cara,tuesbeaucouptropbellepouravoirl’airnormal.Non,c’estautrechose.Tusembles…
inquiète.Allonsbon…Cararedressalesépaules.—C’estcettecompétition.J’aihorreurdem’exhiberetl’attentemetue.—J’imagine.C’estdommagequ’Aidann’aitpaspuvenir.—Oui.LagorgedeCara se serra.Ellen’avaitpasencoreexpliquéà sa sœurque toutecettehistoire
n’étaitqu’uneruse.Etcen’étaitpasmaintenantqu’elleallaitlefaire!Ilavaitfalluunedosemassivedegouttestrèsspécialesettroissachetsdethéparœilpourvaincrelesrougeursetlesgonflements.Elleavaitpleurépendantvingt-quatreheuressansinterruption…Etàprésent,elledevaitàtoutprixarrêterdepenseràAidan,sinonellerisquaitdefondreenlarmesdenouveau.
—Tuneveuxpasrentrercheztoi,Lucilla?Tuasl’airfatigué.Lucillaeutunehésitation.—Non,jevaisrester.—Tunem’esd’aucunsoutiensitunetienspasdebout.Rentrecheztoi.Jet’enverraiuntexto.—Tuessûrequetun’aspasbesoindemoi?Jepourrais…Caraposalamainsurlebrasdesasœur.—Tuastoujoursétélàpourmoietjenecroispast’avoirjamaisditàquelpointçam’aaidée
quand j’étais enfant. Je t’assure que ça va aller.Rentre chez toi. S’il te plaît. Tu sembles vraimentépuisée.
—C’estChristos.Cetypeestleplus…Jenesaismêmepascommentlequalifier!Caraarqualessourcils.LucillaavaitdéjàfaitallusionàlatensionentreelleetGiatrakos,mais
c’étaitlapremièrefoisqu’ellelavoyaitréagiravecunetellevéhémence.Cependant,cen’étaitpaslemomentdechercheràensavoirdavantage.ElleembrassaLucillasurlajoue.
—Net’inquiètepaspourmoi,çavaaller.Rentrecheztoi.—D’accord.Carasuivitsasœurdesyeux,puisellepromenasonregardsurlasalle.D’habitude,lorsqu’elle
était seule dans une soirée de ce genre, elle n’avait qu’une envie. Se cacher. Pour échapper auxregardsdescurieuxquiespéraientquel’enfantterribledesChatsfieldprovoqueraitundesscandalesdontelleavaitlesecret.Maiscesoir,pasquestiondesecacher.
Ce soir, elle était là pour le contratDemarche,mais aussi pour faire connaître les bijoux deJenny.Avantdequitterl’île,elleavaitdiscutéaveclajeunefilledesonprojet.CesoirelleportaitlesperlesqueluiavaitoffertesAidan,etàenjugerpar lesréactions,Jennyallaitêtreobligéedefaireconstruireuneusine…
—MademoiselleChatsfield,vousêtesrayonnante,cesoir.Oh!non.EllesouritaupatriarchedugroupeDemarche.—Merci,monsieurDemarche.J’espèrequevouspassezunebonnesoirée.—Excellente.Etjetiensàvousdirequevousêtesparticulièrementélégante.Carabaissalesyeuxsursarobebleumarine.C’étaitsatenuelaplusclassique.Sanslesperlesde
Jennypourl’égayer,elleseraithorriblementterne…—Merci.Jevoussuisreconnaissantedem’avoirdonnéunechancecesoir.—Jedoisavouerqu’aprèscequis’estpassélasemainedernière,j’aiunpeuhésité.Cetincident
àVegasaétéunchoc.Laprésentationdevotrecoupleégalement.Dites-moi,c’estvraimentsérieux?
Jepensaisqu’AidanKellyseraiticiavecvous,cesoir.Lecontratdépendrait-ildel’authenticitédesoncouple?sedemandaCara.Lespaparazzimassés
devantl’hôtelluiavaientposélemêmegenredequestionsàsonarrivéeenlimousine.Maisentrelabarrièreetl’équipedesécurité,ellen’avaiteuaucunmalàlesesquiverenfeignantdenepaslesavoirentendues.Alorsquelà,c’étaitplusdélicat…
—Oh!ilest…Cara s’interrompit. Prétendre qu’Aidan était pris et que tout allait bien entre eux ?Non, elle
n’avaitplusenviedementir.Demêmequ’ellen’avaitplus l’intentionde faire l’autrucheencasdeproblème. Contre toute attente, elle avait changé. Et elle n’avait plus besoin de l’approbation desautres.Elleregardalepatriarche,quiattendaitsaréponse,sourcilsarqués.
—En vérité,monsieurDemarche, j’ai décidé de ne travailler pour votre société que si vousm’engagezpourmoi-mêmeetpaspourmagarde-robe,monlookoumesfréquentations.
—Etes-vousentraindemedirequevousretirezvotrecandidature?—Oui,réponditCaraavecunsourireirrépressible.—Maisquevontpenserlesgens?—Jen’ensaisrienetjem’enmoque.Ellerelevalementon.—Jevaisouvriruneboutique.C’estmonrêvedepuistoujoursetilesttempsquejevivemavie
pourmoi.Et si ça devait être sans Aidan, eh bien… Sa gorge se noua. Il ne fallait pas penser à ça
maintenant.Elleavaitd’autreschosesàfaire.—Maisjevousremerciedem’avoirdonnéunechance,ajouta-t-elleensouriant.QuantàAidan
Kelly…ehbien,ilest…—Enretard.Jesuisdésolé,moncœur.LecœurdeCarafitunbonddanssapoitrine.Aidan?Elleouvritdegrandsyeux.Ensmoking
et…cravate?—Tuportesunecravate?Iltirasursoncoldechemisecommesicelui-cil’étranglait.—L’occasionl’exigeait.Bryce,enchantédevousrevoir.—Aidan.IlpritCaraparlataille.—Bryce,vouschoisissezbienvoségéries.Tuveuxboireunautreverre,machérie.Machérie?Oh!non.C’étaitpourlespaparazzi,biensûr.Ilétaitlàparcequ’ilavaitpitiéd’elle.—Aidan?Jepeuxteparleruneminute?—Biensûr.CarasouritàM.Demarche.— Je crois que nous vous avons tous sous-estimée, ma chère, déclara ce dernier. Si vous
changezd’avis,prévenez-nous,jevousenprie.—Je…Merci.Jepensequec’estlachoselaplusgentillequ’onm’ajamaisdite.—Bonnechance.Aidan,ilfaudraitqu’onsevoie,unjour.—Avecplaisir.Maissivousvoulezbienm’excuser,Bryce,j’aimeraisparleràCaraenprivé.AidanentraînaCaradansuncouloiretouvritdeuxportesavantdetrouverunepiècevide.—Tupeuxm’expliquercequisepasseavecDemarche?—Ehbien…Jecroisquejeviensderenonceràunemploitrèslucratifparcequejeveuxouvrir
uneboutique.
Aidaneutunsourireapprobateur.—C’estbien.Peut-être,mais…Elledéglutitpéniblement.—Ecoute,Aidan.J’appréciebeaucoupquetusoisvenu.Maisjen’aipasbesoinquetutedonnes
toutcemalpourmoi.Jevaisbien.—Tuvasmieuxquemoi,alors.—Queveux-tudire?—Aprèstondépart,jemesuissentitrèsmal.Toutallaitdetraversettumemanquais.—Maisjet’aiproposédet’accompagneràSydneyettuasrefusé.—Uneerreurquejenerenouvelleraipas.—Aidan,tespropossontincompréhensibles.—C’estcequepenseaussileconseild’administrationdel’AFL.—Oh!monDieu,J’aioublié.As-turéussiàsauverl’entreprise?Tuasgagnélapartiecontre
Ellery?— Je ne sais pas. J’ai confié la responsabilité des négociations àBen. Je pense qu’elles sont
toujoursencours.Jen’aipasconsultémesmessages.—Tun’aspasconsultétesmessages?Etpourquoicesourire,toutàcoup?—Parcequetuavaisraison,Cara.—Aquelpropos?—Destasdechoses,moncœur.—Aidan,s’ilteplaît,nem’appellepascommeça.Je…AidanpritlevisagedeCaraàdeuxmainsetl’embrassa.—Tuavais raisonàproposde l’amour.Quandon tombeamoureuxdequelqu’un,onneveut
pluslequitter.Plusjamais.LecœurdeCarasemitàpalpiter.—J’aiditça?—Oui.Etj’espèrequec’estcequeturessenspourmoi.—Pourquoi?—Parcequejetetrouvemerveilleuse,quejet’aimeetquejeveuxpasserlerestedemavieavec
toi.—Tu…m’aimes?Tumetrouvesmerveilleuse?Aidaneutunlargesourire.—Absolument.Carasecoualatêteavecincrédulité.Etsielleétaitentrainderêver?Aidanresserrasesbrasautourdesataille.—Qu’ya-t-il,machérie?Dis-moicequinevapas.LesyeuxdeCarasenoyèrentdelarmes.—Tudisçaaujourd’hui,maisquepenseras-tudemoisij’agisavantderéfléchir?Sijetevole
tavoiture?—Tul’asempruntée.— Je suis trop impulsive pour toi. Ma vie n’est pas aussi bien organisée que la tienne. Ma
réputation…—Cara,çan’apasd’importance.Quandjesuisavectoi,jesuisheureux.Quandjeteregarde,
j’aienviedet’embrasser.Quandj’entendstavoix,j’aienviedet’écouter.Voilàcequicompte.Sanstoi,mavieestgrise.J’aibesoindetoi,Cara.Etjeveuxterendreheureuse.
—Vraiment?Oh!Aidan.Caranoualesbrasautourducoud’Aidan.—Jen’arrivepasàycroire.Jet’aimetant.—Dieumerci.Aidancapturasabouchedansunlongbaiserlangoureuxavantd’ajouter:—Jet’aime,Cara.Jeregrettedet’avoirblessée,hier.Den’avoirpasvuplustôtcequiétaitsous
mesyeux.—Cen’estrien.Elledéposaunbaiseraucoindeseslèvres.—Maistusaisquetumedoistoujoursmillelivrespouravoircassémontalon.Ilpartitd’ungrandéclatderire.—Pourlesrécupérer,ilvafalloirm’épouser,mabelle.Elleeutunsouriremutin.—Jelesaimaisbeaucoup,ceschaussures…
TITREORIGINAL:SOCIALITE’SGAMBLE
Traductionfrançaise:ELISABETHMARZIN
HARLEQUIN®
estunemarquedéposéeparleGroupeHarlequin
Azur®estunemarquedéposéeparHarlequin
©2014,HarlequinBooksS.A.
©2015,Traductionfrançaise:Harlequin.
Levisueldecouvertureestreproduitavecl’autorisationde:
HARLEQUINBOOKSS.A.
Tousdroitsréservés.
ISBN9782280282307
Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.Celivreestpubliéavecl’autorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationde l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’uneœuvre de fiction.Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.HARLEQUIN,ainsiqueHetlelogoenformedelosange,appartiennentàHarlequinEnterprisesLimitedouàsesfiliales,etsontutiliséspard’autressouslicence.
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1.
MonDieu…C’étaitbienlui…LiamHunter!Etilétait…ChloeTylerseplaquadosaumurens’efforçantdedétournerlesyeux.Maiscommentnepasregarderunhommeaussiirrésistible,aussisexy?
A dix-huit ans, il était le garçon le plus populaire du lycée— après avoir été sans doute lechouchou des nounous qui s’étaient occupées de lui enfant.Avingt-trois, il était devenu la star decinémalaplusaduléedesmédiasetdupublic.
Privilégié. Riche. Beau comme un dieu. Autant dire l’opposé total, à tout point de vue, del’adolescente gauche et empruntée qu’elle était, partie naïvement à l’aventure enAmériquedans lecadred’unprogrammed’échangescolaire.
Comme toutes les autres filles du lycée où elle avait alors atterri, elle était tombée folleamoureusedeLiam.Ensuite,grâceauxtravauxenbinômes,elleavaiteul’occasiondeserapprocherdelui—laprofd’anglaisluiavaitdemandéd’aiderLiamengrammaire,matièredanslaquelleChloeexcellait.Enrevanche,ilétaitbienmeilleurqu’elleenmaths.
C’est alors qu’elle avait découvert qu’en plus d’être somptueux, il était adorable. Avant deperdresesillusionsdefaçonspectaculaire.Etenpublic.
Cethorriblecanularavaitreprésentél’expériencelaplushumilianteetlaplustraumatisantedesavie,d’autantquecelamentableépisodeavaitétéfilméetlavidéomiseenlignesurYouTube,oùelleavaitfaitlebuzz.MonDieu,mêmelepèredeChloel’avaitregardée…
CertainequeLiamnepouvaitlavoir,elleledévoradesyeuxmalgréelletandisqu’ils’avançaitsur le tapis rougeen saluant la fouledephotographesetde fans.Cinqans s’étaient écoulésdepuiscettesoiréecauchemardesque.Cinqansdepuisladernièrefoisqu’elleavaitvuLiamHunter,c’est-à-direletypeleplusnuldelaTerre—lepiredessalopards—enchairetenos.Etmalheureusement,ilétaitencoreplussomptueuxqu’autrefois.Plusgrand.Plusmince.Plusmusclé.Plussexy…
A présent, il portait ses épais cheveux châtain clair mi-longs, juste au-dessus de l’épaule, etsavammentdécoiffés.EntrouvertesurunT-shirtblancdecréateur,sachemisebleuoutremermettaitenvaleursacarrured’athlète.Sonjeandélavétaillebassefaisaitressortirseshanchesétroitesetsescuissesmusclées,lebasdisparaissantdansdesbootsstyleouvrierencuirpatiné.
Maisiln’avaitd’ouvrierquesesboots,carpourenarriverlà,iln’avaitpaseuàleverlepetitdoigt.Enunéclair,LiamHunterétaitdevenul’enfantchéridupublic.Etpourtant,soussoncharmeàlafoisviriletinoffensif,ilcachaitunepersonnalitéretorse.Chloeétaitbienplacéepourlesavoir,etlachuteavaitétéd’autantplusdurequ’ilavaitfaitpreuved’unecruautéinouïeenverselle.Illuiavaitdonnél’impressiond’êtrespéciale.Merveilleuse.Belle.
C’estd’ailleurscequiauraitdûluimettre lapuceà l’oreille.Parcequ’ellen’était riende toutcela.Oh!ellepossédaitbienquelquesatouts:unepeaulaiteuse,unteinttransparentparsemédetrèspeudetachesderousseurendépitdelacouleurdesescheveux,desyeuxbleusauxlongscilsfoncésetunjolisourire.Maissescheveuxétaientroux,vraimentroux,etilsavaientenoutreunefâcheusetendanceàfriserpartempshumide…Etpuisilyavaitsonnez,tropproéminent,défautrenforcéparunebouchetropgénéreuse.Aquoiilfallaitencoreajouterqu’ellechaussaitduquaranteetun,etétaittrèsgrande.
Asaconnaissance,seulslesmannequinsetlesbasketteusesnesouffraientpasdeleurtaille.Orellen’étaitnil’unenil’autre.
Soudain gagnée par un vertige, Chloe réalisa qu’elle retenait son souffle et se força à sedétendre.Cen’étaitpas lemomentde se laisserenvahirpardes souvenirsdouloureux.SielleétaitvenueauChatsfieldLondonHotel,c’étaitpourtravailler,etnonfantasmersurlepassé.
Cettemission lui était tombée dessus la veille, lorsqueCandy, sa collègue chargée des pagesspectacledumagazineGlobe,avaitdécidédequitter lamaisonpourse lancerdansunecarrièredechanteuse.
Devant l’urgencede lasituation,Chloeavait trèsviteacceptéde la remplacer,sansprendre letempsdedemanderàsonpatronlenomdelapersonneàinterviewerlelendemain…Pourquoiavait-ilfalluqu’elletombesursonpirecauchemar?
Bon, inutile de se lamenter sur son sort— de toute façon, il était trop tard pour revenir enarrière.Lentement,elles’écartadumur,etpassadevantlafouleagglutinéederrièrelesbarrièresdesécurité. Tout lemonde attendaitmaintenant l’arrivée de la seconde super star : la divineBethanyLord.
Aprèsavoirmontrésacartedepresseauportierenuniforme,Chloe,nerveuse,regardaàpeinel’escaliermonumental et les élégants clients du luxueux hôtel. Elle s’engouffra dans un dédale delargescouloirs,puiss’arrêtabientôtauboutd’unelonguefiledejournalistes.
L’homme placé devant elle se retourna en souriant. Il portait des lunettes aux verres épais.Commeelleautrefois,avantdesubirunechirurgieaulaser.Unjour,Liamluiavaitditqu’ilaimaitbienseslunettes,etelle,pauvreidiote,ellel’avaitcru.Ellel’avaitcruparcequ’elleétaitaveugléeparsessentimentspourlui,voilàtout.Acesouvenirpénible,ellelaissaéchapperungémissementétoufféet,atterréeparcesoudainmanquederetenue,portaaussitôtlamainàseslèvresenfaisantminedetousser.
Elleétaitsistupide,sinaïve,àl’époque…Uneamieluiavaitsimplementditqu’auxEtats-Unis,les Américains la trouveraient exotique et qu’elle deviendrait la fille la plus populaire dès sonarrivée. Elle avait été assez bête pour la croire, et avait tout fait pour participer à l’échange entrelycées.
Seulementvoilà,elleétaittrèsloind’êtredevenuepopulaire,bienaucontraire.Sagaucherieensociété,satendanceàprendrelesgensaumot, toutcelal’avaitfaitpointerdu
doigt comme une curiosité, un être bizarre tombé d’une autre planète, si bien qu’elle était restéel’étrangèredurant tout sonséjour.Enfin,pas toutà fait.Asaplusgrande surprise,durant lesdeuxdernières semaines, elle avait soudain été acceptée par le groupe des branchés, du jour aulendemain…Et s’était bien vite rendu compte que ce n’était qu’un coupmonté. Evidemment. Unehorriblepetitemiseenscènedestinéeàl’attirerdansunpiègecruel.
Etquand,nesedoutantderien,Chloeyétaittombéelatêtelapremière,sessoi-disantamisenavaientpleuréderire.
AsonretourenAngleterre,sa tanteavait tentéde lui remonter lemoralen luiprodiguantsesconseils:lameilleurefaçondesevengerétaitdevivresavie,lemieuxpossible.CequeChloeavaitfait.Elleavaittiréuntraitsurlepassé,s’étaitconcentréesursacarrièreetavaitréussiàsecréeruneexistenceheureuseetconfortable.
Oui, elle était heureuse. Seule ombre au tableau : cet entretien.Mais ce n’était qu’unmauvaismomentàpasser.
Unesortedecourantélectriqueparcourutsoudainlafiled’attente.—Ilestlà,l’informalejournalisteàlunettes,presqueàvoixbasse.Sansblague,songeaChloe.Commes’ilsfaisaientlaqueuepourguetterl’arrivéedelafemmede
ménage…Bien décidée àmaîtriser sa nervosité, elle repensa au scénario imaginé dans lemétro. Liam
Hunter la verrait entrer dans le salon réservé aux interviews, sûred’elle.Fascinépar sonnouveaulook,iltomberaitàgenouxenlasuppliantdeluipardonner.Puis,quandilluidemanderaitdesortiraveclui,sincèrementcettefois-ci,Chloesecontenteraitdeleregarderdehaut,commeatterréeparcettedemande.
Maistoutcelan’étaitquefantasme,bienentendu.Etpuis,ellen’avaitenréalitéaucuneenviequeLiamHuntersoitattiréparelle.Absolumentpas.Sielleétaitvenue,c’étaitpoursontravail,riendeplus.Refuserdefairecetteinterviewétaittoutsimplementinconcevable.Elleauraitsansdouteperdulejobderêvedécrochésixmoisplustôt.
Acettepensée,ellebaissalesyeuxverssaminijupeetsonchemisierajusté.Bon…Lechoixdesatenuen’étaitpeut-êtrepastotalementinnocent,maisquelmalàvouloirsemettreenvaleur?
—Ne soyez pas nerveuse, dit l’homme à lunettes d’un ton rassurant.D’après ce que je sais,LiamHunterestuntypesympathique.
Sympathique?Tiensdonc.Cen’étaitpascommecelaqu’elleauraitqualifiélepersonnage.Maisellesecontentadesourirefaiblementensongeantàcequisedissimulaitsousl’airsympathiquedeLiamHunter…
Aufuretàmesurequelafiledejournalistesdevantellediminuait,ellesentitsonventresenouerdefaçoninquiétante.Oh!cen’étaitsansdoutepasgrand-chose.Unpeudenervosité,voilàtout.
Etpuis,elleferaitmieuxdeseconcentrersursesquestionsettrouverunmoyenderéduirelescinqminutes allouées àdeux.Tout enmontrant àLiamHunterqu’elle avait complètementdépasséleursinistre…expérience.
Maismalgré ses résolutions, c’est en pensant au passé queChloe se retrouva devant la portelaquéeivoire.Lascènedemeuraitsiprécisedanssonespritqu’elleauraitpus’êtredérouléelaveille.Elle se revit au bal de fin d’année, affublée de l’affreuse robe violette achetée avec ses dernièreséconomiesetquilagênaitsouslesbras.PuisàlasoiréeorganiséechezlemeilleuramideLiam.
Pourlamillièmefois,ellesentitlachaleurdecettenuitd’étésursapeau.Entenditlechantdescigalesmontantdesjardinsplongésdansl’obscurité.Ellepénétradenouveaudanslevastehalloùungroupederockjouaitunereprise.
Pireencore,ellesentaitladouceurdusouriredeLiamHunterluicaresserlevisagetandisquelesmerveilleux effluves de son essencemasculine lui titillaient les narines, alors qu’il se penchaitversellepourl’embrasser.Pourlapremièrefois.
Les mains tremblantes, elle se rappela le reste. L’excitation d’avoir été invitée à la soiréeorganiséepourlajeunessedoréedelaville.Lemomentoùelles’étaitavancéedansl’immensesallederéceptionéclairéepardescentainesdebougies;ladoucemusiquediffuséeparunechaînestéréo.
Etlalargebanderoleaccrochéeaumurdufondportantcesmots:«Veux-tum’épouser,ChloeTyler?»
Commentoublierl’euphorieressentieenréalisantquesonamourpourLiamétaitpartagé?Cen’estqu’aprèsqu’elleavaitsongéàl’absurditédelademande.Surlemoment,ivredebonheuretdesdeuxverresdevinbusaubaldefind’année,elleavaitjetélesbrasautourducoudeLiamHunteretluiavaitdéclarésonamour,devanttoutlemonde.
Avantqueleslumièresserallumentdansl’hilaritégénérale…Chloesesouvenaitparfaitementdeleursrires,quelavidéoavaitimmortalisés,aucasoùelleauraitunpetittroudemémoire.Ainsiquel’expressiondeLiamHunter.Illaregardaitavecpitié.Etlorsqueensuite,lavidéoqu’ilsavaientappelée«Laponetteinsipideetlesuperbeétalon»avaitétépostéesurYouTube,toutlemondel’avaiteneffetconsidéréecommelacréaturelapluspitoyabledelaTerre.Chloeycompris.
Laplaisanterieavaitétédesplusréussieetelle-mêmeunepauvreidioted’yavoircru,l’espaced’unbrefetmerveilleuxinstant.
Quant àLiam, il avait bien essayé de faire retomber la responsabilité sur ses amis,mais ellen’avaitpasétédupe.L’unedesfillesayantcompatiàsonsortluiavaittoutracontéet…Maispourquoirepenseràcettehistoiresordide?Ellen’étaitplusunegodicheauxcheveuxfrisottantdanstouslessens. Elle avait mûri, depuis, était devenue une jeune femme libre et indépendante, entamant unecarrièrepleinedepromesses.
—C’estàvous.Danssonélégant tailleurnoir, la femmeà l’allurede topmodelsemblaitavoirétéparachutée
directement deLosAngeles,mais elle se tenait devant la porte ouverte d’un airmartial, avec uneautoritédechefd’entreprise.
Autant dire tout le contraire deChloe, qui était sur le point de défaillir, là sur lamoquette…C’étaitimpossible,ellenepouvaitpasaffronterLiamHunter…Ellenepouvaitpasyaller…
Biensûrquetupeuxyaller,sedit-ellepoursedonnerducourage.Ettuvasyaller.Discrètement, ellevérifiad’unemainque sonchignon lisse était toujours enplace et sourit à
MissLAavantderedresserlementonetdepasserdevantellelatêtehaute.En jeune journaliste pleine d’avenir, et déjà réputée pour sa maîtrise d’elle-même et son
professionnalisme en toutes circonstances,même sous la pression. Et LiamHunter avait beau êtrel’hommeleplusadulé,leplussexy,etleplussomptueuxqu’elleeûtjamaisrencontré,cen’étaitpasluiquiallaitchangercela…
Lecœurbattantjusqu’àsestempes,Chloes’arrêtasurleseuilpourcontemplersonennemijuré.Installénonchalammentdansunfauteuilgondole,seslonguesjambesétenduesdevantlui,ildégageaituneauradesensualitéquisemblaitflotterdanstoutlesalonpourtantspacieux.
Sentant le rouge lui monter aux joues puis gagner son cou et sa gorge, elle inspira le peud’oxygènequ’ilrestaitencoredanslapièce.
Heureusement Liam Hunter ne la regardait pas. La tête penchée, il était absorbé dans lacontemplation de l’écran de son smartphone, ses cheveux luisant de reflets dorés dans la blondelumière inondant le salon.Ces cheveuxqui, la veille, avaient fait se pâmerd’admiration toutes lesfemmes lors de la projection réservée à la presse. Sans doute Miss LA était-elle chargée de lesébourifferavecart…
Se forçant à détacher son regard de son épaisse chevelure, elle se concentra sur l’affichegigantesquefixéeaumur.OnyvoyaitLiametBethanyLordcôteàcôte,dans toute leursplendeurmédiévale:BethanyrevêtuedesonarmureaucompletetLiamavecsacapedefourrurenoireflottant
derrièrelui,sonépéed’argentétincelanteappuyéesuruneépaule.Ilregardaitdroitdevant luid’unairfarouche,prêtàconquérirlemondeentier,àmainsnuess’illefallait.
Aubasdel’affiche,àcôtédesonnom,étaitécrit:«L’hommeleplusrecherché,leplusconvoitéetleplusinsaisissable».Pourquoicesprécisions,superflues?songea-t-elleenlevantlesyeuxverssapuissante silhouette.Le charismedeLiamHunter suffisait à lui seul, sonbeauvisage et son corpsd’athlèteétantlacerisesurlegâteau.Quantaufilm,uneépopéeémouvanteoùsemêlaientcombats,loyautéetamour,ilétaitparticulièrementréussi—etLiamexcessivementbondanscerôlehéroïque.
—Liam,jevousprésenteCandyLane,dumagazineGlobe.Ilredressalatête,unsourireéblouissantauxlèvres:cesouriresexyetcharmeurqueChloeen
étaitvenueàhaïr.La secrétaire deGlobe avait manifestement oublié de prévenir du changement d’interviewer.
Chloe s’apprêtait à corrigerMissLA,maiscelle-ci tapotaaussitôt sur le clavierde sonordinateurportableduboutdesesonglesvermillon.
—Vousavezcinqminutes,mademoiselleLane.«Etjevoussuggèredenepaslesgâcherenrestantbouchebéedevantlasuperstar»,aurait-elle
aussibienpuajouter.Ehoui, endépitde toutcequ’elle s’était racontépour sedonnerducourage,Chloe sevoyait
forcéedereconnaîtrequ’elleétaittoujoursaussifascinéeettroubléeparLiam…Reprenantsesesprits,ellesoutintsonregardtandisqu’ilcontinuaitdeluisouriretranquillement.
Sanslamoindresurprisesursonvisage.Ilnel’avaitpasreconnue!comprit-ellesoudain.Impossible.Incroyable.Etpourtantc’étaitmanifestementlecas.Elles’étaitattendueàcequ’ilse
senteaumoinsunpeumalàl’aiseenlarevoyant.Ellel’avaitmêmeespéré,avaitattenducetinstantavecimpatience…
Maisnon,ilnelareconnaissaitpas—aprèsl’avoirembrasséeavecunedouceurexquise.Aprèsl’avoirhumiliéedevanttoussesamis.
Chloesentitunpuitssombres’ouvrirenelle,siprofondqu’ellecrutqu’ilallaitl’engloutir.Etait-ellesiinsignifianteàl’époque?Et,pireencore,l’était-ellerestée?Glacéeparl’indifférencedeLiamHunter,ellesesentitredevenirinvisible,submergéepartoutes
les insécuritésqu’ellecroyaitavoirdépasséespourdebon—etparundégoût immenseenverscethomme.
2.
Encore sous le choc,Liam s’efforçait de dissimuler sa stupeur sous un sourire éclatant, avecl’espoird’êtreaussibonacteurqueleproclamaientlescritiques.ChloeTyler…
Quandilavaitcrulareconnaîtreappuyéecontreunmur,à l’extérieurdel’hôtel, ilavaitcruàunehallucination.Ç’auraitététropbeaupourêtrevrai—Chloeétaitjustementlaseulepersonneavecquiilavaitl’intentiondeprendrecontactaucoursdesonbrefséjouràLondres.Maisiln’avaitpasrêvé.C’étaitbienelle,là,devantlui.Etellen’avaitpaschangé.
Elleavaitcertesuneallureplussophistiquéequ’autrefois,ellesavaitmaintenants’habilleret,detouteévidence,avaitgagnéenassurance.Maiselleavaittoujourssesgrandsyeuxbleus,sacrinièreflamboyanteetsonteintdeporcelaine.Déjà,quandilstravaillaientensemble,Liambrûlaitdecaressersapeauclaire.Lesoirdubaldefind’année,ilavaitmêmefaillicéderàlatentation.
Etenfin,lorsqu’ill’avaitembrasséeenarrivantàlasoiréeorganiséechezsonamiaprèslebal,sadouceurl’avaitépoustouflé.Liamavaitdéjàembrassépasmaldefilles,maisaucuneneluiavaitfaitbattrelecœurcommeChloeTyler.Surlecoup,ilavaitrefusédel’admettre,surtoutquesesamisl’avaientmisaudéfideséduirelafillelaplusringardedulycée.Aleursyeux.
Lui ne l’avait jamais considérée comme ringarde et, au fil des heures passées à travaillerensemble, il avait appris à la connaître et à l’apprécier. Il aimait bienChloe.Mais pas au point desortiravecelle.Al’époqueilsesouciaitbeaucouptropdesonimage.Sanscompterqu’ilnevoulaitpassefâcheravecsonpère.Cedernierleharcelaitsuffisammentcommecelaàproposdesesétudesuniversitaires, lui demandant sans cesse s’il avait envoyé ses lettres de motivation. Il aurait étémalvenudeluirépondrequ’iln’enavaitpaseuletemps,tropoccupéàsortiravecunejeunefille,quiplusest inappropriéeaugoûtdesonpaternel.Etpuis,sesamisseseraientmoquésde lui ;etLiamn’étaitpasassezmûrpourgérercegenredesituation.
Aveclerecul,ilserendaitcomptequ’iltraversaitalorsunesortedecrised’identité,faceàunpèreavocatetfilsd’avocat,persuadéqu’ilsuivraitlemêmecheminquelui.Legrand-pèredeLiamavaitfondélecabinetetlesdeuxhommesaimaientàrépéterqueHunter&HunterdeviendraitbientôtHunter,Hunter&Hunter,ouHunter&Fils,aupluriel.
OrLiam désirait devenir acteur, et la seule fois où il avait abordé le sujet avec son père, cedernierluiavaitriaunez.Seulsleshomosexuelsetlesfillesselançaientdansunecarrièreartistique.
L’annéescolairetouchantàsafin,Liamavaiteubesoindedistractionspouroubliersonstress,d’oùceparistupidequil’avaitconduitàblesserlaseulepersonnequisemblait l’apprécierpourcequ’ilétaitvraiment,etnonpourcequ’ildeviendraitplustard.Laseulepersonneàqui,endehorsdesonpère,ileûtjamaisconfiésonrêvededeveniracteur.
Et voilà qu’aujourd’hui, cette personne se trouvait en face de lui. Distante et froide,mais enchairetenos.Detoutefaçon,Liamn’auraitpulablâmerdesafroideur.Aucontraire,illuidevaitdesacréesexcuses…
Maispourquoicechangementdenom?S’agissait-ild’unpseudonyme?Peut-être.Ilconnaissaitnombred’acteursqui avaient transformé leurnompour luidonneruneconsonanceplusbranchée,plusglamourouplussexy.
Amoins que…Chloe se soitmariée, et qu’elle ait choisi d’adopter officiellement le surnomaffectueuxdonnéparsonmari…Il jetauncoupd’œil furtifàsamaingauche,mais impossibledevoirsesdoigts—ceux-cirestaientcrispéssursoniPad.Enrevanche,difficiledenepasremarquerles longues jambes deChloe, dont il s’était toujours demandé si elles étaient aussi galbées que lesuggéraientseschevillesfines.
Ehbien,laréponseétaitoui,incontestablement…Unevisionl’assaillittoutàcoup.Cesjambesfuseléesenrouléesautourdeseshanchestandisqu’illapénétraitd’unvigoureuxcoupdereins…
Traverséparune flèchededésir, il se redressa légèrement sur sonsiègepourdissimuler sontrouble.D’oùluiétaitvenuecetteimagetorride,bonsang?D’accord,ilaimaitbienChloeautrefois,il se rappelait encore la chaleur et la douceur de leur premier et unique baiser, mais de là às’imaginerentraindeluifairel’amour…
IlnedésiraitpascoucheravecChloeTyler,ilsouhaitaitseulements’excuseretluidemanderdepardonnersonactecruel,sinondélibéré.Ilvoulaitluimontrerqu’ilavaitchangédepuis,etluidirequec’étaitenvoyantlasouffranceimpriméesursestraitsdélicatsqu’ilavaitcommencéàmûrir.
Enfait,Liamauraitmêmepularemercier.Carlorsquelavidéoréaliséeensecretparsesamisétait passée sur YouTube, où elle avait été visionnée par desmilliers d’internautes, des agents decastingl’avaientappelédesquatrecoinsdumonde.Grâceàcetodieuxcanular,Liamavaitdémarrélacarrièredanslaquelleilrêvaitdeselancer.
Seulement, pour prendre son essor, il avait fallu qu’il se serve de cette jeune fille et de sasouffrance.Aucundoute,ilétaitvraimentledernierdessalopards.
Avait-elleoubliécetteplaisanteriedetrèsmauvaisgoût?Oulehaïssait-elleencoreautantquecesoir-là?
Cen’étaitpasvraimentencinqminutes,etsouslesyeuxdesaredoutableetefficaceassistante,qu’ilallaitapaisersaconscienceouobteniruneréponseàsesquestions.MaislaprésencedeChloeavaitaumoinsunavantage:iln’auraitpasbesoindefairederecherchespourlaretrouveretilnelalaisseraitpaspartirsansluiavoirfixéunrendez-vous.
—Asseyez-vous,dit-ilenindiquantlefauteuilquiluifaisaitface.
***
La voix de Liam enveloppa Chloe tout entière, riche, onctueuse, profonde…Des frissons laparcoururent…Maisnon!Cetypeestunnul,unsalaud, se rappela-t-elleencarrant lesépaules. Iln’étaitpasquestiondeselaisserémouvoirparsoncharme.
Ledosraide,elles’avançaverslefauteuilets’assitenfacedeLiamHunter,posasoniPadsursesgenouxpuisaffichasurl’écranlesquestionsqu’elleavaitpréparées.
D’aprèslarumeur,LiametBethanyLordétaientdavantagequedespartenairesàl’écran,maisChloenes’intéressaitpasauxrumeurs.Elleétaitbienau-dessusdecegenredescoopetneseseraitjamaisabaisséeàbrodersurdesinformationsdouteusesetsordides.Etpuis,LiampouvaitcoucheravectouteslesactricesdeHollywood,elles’enfichaitroyalement.
Ainsi,ilnel’avaitpasreconnue…Etalors?Enfait,ellepouvaitsedétendre,àprésent.Letraitercomme n’importe quelle personne à interviewer. Comme n’importe quel étranger qu’elle étaitamenéeàrencontrerdanslecadredesontravail.Commes’ilnereprésentaitriendeparticulierpourelle…
Commesi.Carlaréalitéétaitbiendifférente.Cequ’elleauraitaimépouvoirfaire,c’étaitsortiruncouteaudesapocheetleluienfoncerdanslecœur…
—Ehbien,monsieurHunter,commença-t-elleavecuncalmeunpeuhautain.Félicitationspourlefilm!Quellehistoire,quelromanesque…
UnlentsouriresedessinasurlabouchedeLiam.—Jene sais si jedoisprendrevosparolespouruncompliment,mademoiselle…Lane, c’est
biencela?Répugnantàmentir,Chloes’humectaleslèvresetpoursuivitsanss’arrêtersursaquestion.— C’est la première fois que vous jouez dans un film d’époque. Aimeriez-vous renouveler
l’aventure?Ilhaussalesépaules.—Sil’onm’enproposeunautre,etquelescriptestbon.—Trèsbien,répliqua-t-elleenfixantl’écrandesoniPad.Avez-vousaiméinterprétercerôle?—Oui,énormément.—Pourquoil’avoiraccepté,audépart?Et ne reconnaissez-vous vraiment pas la fille que vous avez embrassée si tendrement après ce
fichubaldefind’année,avantdel’humilierdefaçonspectaculairedevanttousvosamis?—J’aiacceptépourlescript.Leréalisateur.L’aspectphysiquedecerôle.Non,ilnelareconnaissaitvraimentpas.C’étaitahurissant.Maisleplussurprenant,c’étaitqu’au
lieud’enêtresoulagée,ellesesentaitoutragée,follederagemême.Cequ’ellenedevaitsurtoutpaslaisservoir.
—Trèsbien,répéta-t-elleentapantmachinalementlesréponsesdeLiam.Etl’aspectphysique,c’estimportantpourvous,n’est-cepas?
Ilinclinauntantinetlatête,commesurlepointdedirequelquechose,maisseravisa.—Parfois,dit-ilfinalementavecunsourire.Sansdouteparcequejesuisuntypephysique.Mais
pourmoi,leplusimportant,c’estlescénario,l’intrigue.—Ahoui,l’intrigue,parlons-en…,fitChloeduboutdeslèvres.Pasvraimentrévolutionnaire…
Ne trouvez-vous pas qu’elle renforce les schémas poussiéreux qui ont encore cours de nos jours,concernantlesrapportshomme-femme?
Alors qu’elle pensait avoir marqué un point, Liam se contenta de lui adresser l’un de sessouriresdontilavaitlesecret.
—Celadépenddequelsschémasvousparlez?Oh!ilsavaittrèsbienlesquels…Etplutôtqued’êtreagacéouincommodéparsaremarque,il
paraissaitaucontrairelasavourer…—Ehbien,voussauvezl’héroïnedesgriffesdesméchantsettoutestbienquifinitbien.Dites-
moi,était-ceéprouvantdejouerleshéros?Surtoutquecelanefaitmanifestementpaspartiedevotrehéritagegénétique,ajouta-t-elleenson
forintérieur,avantdesursauterenentendantMissLAtoussoterdiscrètement.MonDieu,avait-elleprononcécettedernièrephraseàvoixhaute?— Je ne crois pas aux êtres sans défauts, mademoiselle Lane. Même les héros ont leurs
faiblesses.
SonregardfouillaceluideChloe,puisilsouritdenouveau.—Aunmomentdufilm,reprit-il, lepersonnagejouéparBethanymedonneuncoupdepied
auxfesses,pourmepunirdemaméchanceté.Vousavezdûapprécierlachose…Ilnecroyaitpassibiendire!—Eneffet.Jusqu’àcequevousrepreniezledessus—danstouslessensduterme.A ces mots, le sourire de Liam s’agrandit, si ravageur, si charismatique qu’elle ne put en
détacherlesyeux.—Jenepensepasqu’elles’ensoittrouvéemalheureuse.—Danslavieoudanslefilm?Chloe se serait giflée ! Fallait-il vraiment qu’elle s’abaisse à des questions racoleuses ?Dire
qu’elleavaitprisVeronicaGuerinpourmodèle,pleined’admirationpourl’intégritéetlecouragedelajournalisteirlandaise…
Elleredressalementon,décidéeàsereprendre,etvitleslongscilsdeLiamsebaissersursesfascinantsyeuxverts.Cettefois,elleavaitmanifestementmarquéunpoint…
***
SurprisparlapetitequestioninsidieusedeChloeTyler,Liamplissalesyeux.D’ordinaire,ilneseseraitmêmepasdonné lapeinederéagiràuneallusiondecetordre.Les liaisonsentreacteurs,réellesousupposées, faisaient leschouxgrasdesmagazinespeople : il lesavaitaussibienque lesactricesavecquiiltravaillait,maisniluiniellesn’alimentaientcegenrederagots.
Cependant,pouruneraisonobscure,lapiquedeChloeletracassait.Sansdouteluirappelait-ellel’imagequeluirenvoyaitsonpère.Celled’unebellegueuledoubléed’unimbécile.Etilrefusaitquelajeunefemmevoieenluiuneespècedeplay-boyincapablededominersalibido.
Dèssonentréedanslemilieuducinéma,iln’avaitpasmanquédepropositionssexuellesplusoumoinsouvertes,etilauraitpucomptersurlesdoigtsdelamain—soyonshonnête,desdeuxmains— les fois où il y avait cédé. Mais sa carrière comptait davantage qu’un bref épisode de plaisirpartagé avec des femmes prêtes à s’allonger pour n’importe quelle star dont elles croisaient lechemin.
— Autant me demander si j’ai vraiment enfoncé mon épée dans le cœur de mon ennemi,répondit-ilenfin.
MaisChloen’étaitpluslasouristimided’autrefois.—Pasdutout,répliqua-t-elleenleregardantdehaut.Tuerquelqu’unestillégal.Pasembrasser
unefemme.—Non,eneffet…,murmuraLiam.Portait-elletoujourssesadorableslunettesrondes?sedemanda-t-ilsoudain.Lentement, il laissa descendre son regard sur son cou, puis l’arrêta sur le chemisier ajusté.
Chloedéglutit.Ilavaitenviedeladéshabiller…Decontemplerchaquepartiedesoncorps…Bon sang, il était grand temps qu’il reprenne le contrôle de ses sens— il ne désirait quand
mêmepasChloeTyler…—Bethany Lord et moi jouions un rôle, affirma-t-il. Si vous avez pensé que l’alchimie qui
vibraitentrenousétaitréelle,c’estquenousavonsbienfaitnotretravail.C’étaitlastrictevérité:travailleravecBethanyavaitétéuneexpérienceformidable,maisiln’y
avaitjamaiseulamoindreromanceentreeux.
Liamattendit,impatientd’entendrecequ’allaitrépliquerChloe,lorsqueNoellelevalesyeuxdesonordinateur.
—Lescinqminutessontécoulées,mademoiselleLane.
***
Dieumerci…Elleallaitenfinsortirdel’atmosphèreirrespirabledecesalon—etpeut-êtresecommanderungintonicaubardel’hôtel,àcôtédugrandhall.Un,oudeux.Voiretrois…Sanstonicpourlesdeuxpremiers.
—Merci,monsieurHunter,dit-elleenluitendantmécaniquementlamain.Un geste qu’elle regretta aussitôt. Dès l’instant où les doigts de Liam se refermèrent sur les
siens,sachaleurvirileluimontadanslebraspoursepropagerdanstoutsoncorps…Lecœurbattantàtoutrompre,ellenepouvaitdétacherlesyeuxdeleursdeuxmainsjointes.Une
excitation insensée gagna tous ses sens, faisant naître un frisson au creux de ses reins. Ce qui,évidemment, n’échappa guère àLiam, dont le sourire en disait long— il connaissait la nature dufrissonquil’avaitparcourue.Unfrissondedésircharnel,pur,brûlant.
Profondémenttroublée,Chloevoulutdégagersamain,maisillaretintdanslasienne.—J’organiseunefêtedansmasuite,cesoir.Venez.Toutenparlant,illuicaressaitledosdelamainsoussonpouce,toutdoucement,enungestequi
n’auraitpuêtreplusclair.Unlongtremblements’emparadeChloe:pouvait-ilêtrepossiblequeLiamHuntersoitattiréparelle?
Non.Pasvraimentparelle.A la rigueurparcettenouvelleversiond’elle. Ilétait séduitpar lafemmeàl’apparencesoignée,aumaquillagediscret,et,ilfallaitbienl’avouer,parlaminijupeetlechemisier près du corps. Il n’était pas intéressé par la fille empotée qu’elle avait été autrefois, etqu’elleétaitrestéeauplusprofondd’elle-même.Cellequipréféraitencorelechocolatchaudaucaféetqui,chezelle,portaitdeschaussonsenformed’animaux.Cellequidevaitsebattrechaquematinavec ses cheveux, et qui ne s’était peut-être jamais complètement remise de son amour pourl’adolescent qu’avait été Liam, ni de la déception atroce et de l’humiliation cuisante qu’elle avaitsubies.
L’adolescent devenu un homme qui l’invitait à venir dans sa suite pour une petite partie dejambesenl’air.Commeilseseraitfaitmonterunen-cas.Lagrandeclasse.
Maisqu’est-cequi ladégoûtait leplus, au juste ?Qu’il ne l’ait pas reconnue, et la contempleavec l’assurance d’un séducteur irrésistible, ou qu’elle soit forcée d’admettre que le mot oui luibrûlaitleboutdelalangue?
Soudain,ellerepensaaupetitscénarioélaborédanslemétro.Aufond,pourquoinepasalleràcettesoiréeetjouerlejeudelaséduction,avantdeleridiculiserenluirévélantsavéritableidentité…Celaeffaceraitcesourireparesseux,cetteexpressionconfiantequiéclairaitsonvisagetropparfait.LiamHunterseraitsansdoutehorrifiéd’avoireuenviedeChloeTyler,laplusringardeentretoutes.Etceseraitbienfaitpourlui.
—Allez,ditesoui…Candy…Celanousdonneral’occasiondebavarder.Debavarder?Aveccetéclatincandescentdanssesyeuxverts,etlafaçondontilavaitditCandy,
commes’ilsuçaitunbonbon?LiamHuntern’avaitpasenviedepapoter,celanefaisaitpasl’ombred’undoute.Acettepensée,elleneputcontrôlerlesentimentdetriompheanticipéquidéferlaenelle.Niledésird’êtreembrasséeparLiam,surchaqueparcelledesoncorps.
Carillaregardaitcommeelleavaittoujoursdésiréqu’illaregarde.Commeelleavaitcruqu’illaregardaitcesoir-là,aprèslebal.Etmêmesiellecontinuaitàserépéterqu’iln’étaitqu’unsalopard,ellesavouraitlaperspectivedeprofiterdesesattentions.
—InscrivezMlleLanesurlalistedesinvités,Noelle,dit-ilsanslaquitterdesyeux,luiarrachantpresqueunlégersoupir.
C’estalorsque, sans réfléchir,elle laissasonmédiuscaresser l’intérieurdupoignetdeLiam,enivrée par la sensation euphorique qui l’envahit en voyant ses pupilles se dilater, ses narinesfrémir…
Sielleréussissaitsonplanetrabaissait,neserait-cequ’unpeu,l’egodel’irrésistibleplay-boy,sarevancheseraittotale.
—Quelestlenumérodevotrechambre?demanda-t-elleavecunsourireenjôleur.Sesyeuxvertsétincelèrentcommedespierresprécieuses.—Quatrecentvingt-six.A21heures—nesoyezpasenretard.
3.
«Nesoyezpasenretard»…IlseprenaitvraimentpourundonJuan.Etautoritaire,enplus!Pasquestionqu’elleailleàsafichuesoirée,fulminaChloe.Ellesedirigeaverslehallàgrands
pas avant de ralentir brusquement. Plusieurs personnes la regardaient d’un drôle d’air, sans doutecurieuses de savoir pourquoi elle était si pressée.Bonne question, d’ailleurs…Que fuyait-elle, aujuste?Sesinsécuritésdupasséquil’assaillaientdetoutesparts.Riend’autre.
Maispouvait-ellevraimentaccepterl’invitationdeLiamHunter?Pourcommencer,ellen’avaitrienàsemettrepourcegenredesoirée,sedit-elleensongeantaucontenudesagarde-robe.Sajupeet son chemisier étaient les plus jolis et les plus sexy de tous ses vêtements, qui consistaientessentiellemententailleursetjeans.Unjeansuffirait-ilàretenirsonattention?Peut-être,àconditionqu’ilsoitsuffisammentmoulantpournerienlaisseràl’imagination…
MonDieu, se reprit-elle brusquement, l’estomacnoué.Aquoi avait-elle la tête ?Après s’êtrelaisséealleràunégarementpassager,elleprenaitconsciencede laréalité :elleétait toujoursaussiattiréeparLiamHunter—autrementdit,paruntypeodieuxetcruel.
Commentavait-ellepuseconvaincreducontraireaucoursdeleursséanceshebdomadairesdetravailenbinôme?
«Tu vois toujours les autres sous leurmeilleur jour,Chlo », disait son père quand elle étaitenfant. Elle avait toujours pris cela pour un compliment,mais à présent, elle n’en était plus aussicertaine.
N’était-cepasàcausedecette«qualité»qu’elleavaitétééblouieparLiam,aupointdenepasvoircequisetramaitautourd’elleetdeseretrouverhumiliée,ridiculiséedevanttoutlemonde?
Etvoilàque,cinqansplustard,elleretombaitentrelesgriffesdeLiamHunter.Autantsejetertoutdesuitesousunbus,sadestructionseraitplusrapide…
Non,ellene feraitpascetteerreur.Perduedans sespensées, elle s’arrêtadevantuneboutiqueglamouroùlemoindreaccessoiredevaitcoûterunepetitefortune.
Siellepersistaitdanssonidéefolle,ellepossédaitdeuxavantagessurLiam:ilnesavaitpasquielleétaitet,cettefois-ci,elleneressentaitpourluiqu’uneattirancepurementphysique.
Danslavitrine,unemagnifiquerobedosnud’unravissantroseclairétaitexposéeaumilieudesacsdecréateurs,deflaconsdeparfumouvragésetdebijoux.Sansplusréfléchir,ellepoussalaportedelaboutiqueeteffleurabientôtlasoiefineetdouce.
Cintrée à la taille, la robe se déployait comme une corolle fluide. Elle recula d’un pas pourmieuxlavoir.Dommagequ’ellen’aitpassurellelenuancieroffertparsatante,bonindicateurdes
teintesquilamettaientounonenvaleur.Maispeuimportait.Detoutefaçon,elleétaitbientropgrandepoursepermettredeporterunerobepareille,longue,décolletée…
—Elles’accorderaitàmerveilleavecvoscheveuxetvotreteint.Sansparlerdevotretaille.Chloe se retourna vivement. Elle s’attendait à voir une élégante vendeuse déterminée à lui
vendre la robe, mais non. En face d’elle se trouvait l’une des jeunes femmes les plus en vue dumoment—etquidonnaitdufilàretordreauclanChatsfield.
—Vous…VousêtesCaraChatsfield…Souslechoc,elleenbredouillaitpresque…—Excusez-moi,reprit-elle.Jesuisvraimentmaladroite…Caraéclatad’unrirelégeretmusical.—Maisnon,pasdutout!Pourunefoisquejerencontreunefemmeaussigrandequemoi,je
suisravie,aucontraire!s’exclama-t-elleensouriant.Cetterobeconvientaussibienpoursortirquepourlajournée—toutdépenddeschaussuresquevousporterezavec.
Chloebaissalesyeuxsursesballerinesàtalonsplats.— De préférence pas celles-ci ! fit remarquer la jeune femme en riant de nouveau. Allez,
essayez-la…— Je crois vraiment que je suis trop grande, répliqua-t-elle en contemplant la robe d’un air
sceptique.—Vousvoustrompez,jevousassure:elleestfaitepourdesfemmescommenous.Etcerose
feraressortirlesrefletscuivrésdevoscheveux.Votrecouleurest-ellenaturelle?—Oui,répondit-elletimidement.— Alors là, je suis franchement jalouse… Mais essayez-la, insista Cara. J’adore ce jeune
créateur:ilestfantastique!Comme l’était sans doute le prix affiché sur l’étiquette invisible…Chloe suivit néanmoins le
conseil du célèbremannequin en se demandant si elle n’était pas tombée dans un terrier de lapin,commedansAliceaupaysdesmerveilles.Amoinsqu’ellenesoitendormiedanssonlitentraindefaireunrêveétrange…
Mais non, la boutique, la robe et Cara Chatsfield étaient bien réelles…, songea-t-elle ensoupirant.Aussiréellesquel’éventailauquelelleallaitressemblerdansquelquesinstants…
Etpourtant,quandelle sevitdans lemiroir aprèsavoirpassé la robe rose, elle fut forcéedereconnaîtrequeCaraavaitraison.Lerésultatétaitmêmestupéfiant!
—Qu’est-cequejevousavaisdit?Caravintseposteràcôtéd’elle,visiblementsatisfaite.Elleétaitvêtued’unerobesansbretelles
bleuélectrique,outrageusementcourte, et chausséede spartiatesdecuir couleurbronze.Une tenuedanslaquelletouteautrefemmeauraiteul’airridicule,maisCaraétaittoutbonnementmagnifique.
—Vouscomptezlaporterpouruneoccasionspéciale?demanda-t-elleenregardantChloedanslemiroir.
Aprèsavoirhésitéuninstant,Chloeoptapourlafranchise.—JesuisinvitéeàlasoiréedeLiamHunter.—Waouh ! s’exclama Cara en roulant des yeux avec malice. Il va craquer, en vous voyant
arriverdanscettetenue!Voussortezaveclui?—Non,rétorqua-t-elleaussitôt.SavoixavaitdûtrahirlechaosquirégnaitenellecarCaraluiposalamainsurlebras.—Jesensquevousmecachezquelquechose.Quediriez-vousdem’accompagneràl’institut?
Vouspourriezmeracontertoutel’histoirependantqu’ons’occupedenous…
Sansluilaisserletempsderépliquer,lecélèbremannequinsetournaverslavendeuseultrachic.—Sara,mettezcesdeuxrobessurmoncompte,voulez-vous?—Mais…Vousnepouvezpasm’achetercetterobe,protestaChloe.—Monpèreestlepropriétairedel’hôtel,ripostaCaraensouriantd’unairespiègle.Unsourireauquelpersonnenedevaitrésister,songeaChloeensouriantàsontour,sanspouvoir
s’enempêcher.—Allez,ditesoui…,poursuivitCara.Faites-moiplaisir,j’enaigrandementbesoinaujourd’hui.
Commentvousappelez-vous,aufait?—Chloe,maisje…—Venez,Chloe,fit-elleenlaprenantparlebras.Caral’entraînahorsdelaboutiqueetluifittraverserl’immensehallavantdepénétrerdansun
vastesalondebeautéàl’élégancediscrète.Ehbien,Chloen’avaitvisiblementpaslechoix…Tantpis,ellelaisseraitunchèqueàlaréceptionavantdepartir,décida-t-elle.
Toutefois,elledevaitpréciserundétailimportantàCaraChatsfield.—Ilfautquejevousdisequelquechose,Cara.Jesuisjournaliste.Maisnevousinquiétezpas:je
nerépéterairiendesproposquenousauronséchangés.Carainclinalégèrementlatêteenplissantlesyeux,puissourit.—J’aiencoreplusconfianceenvousqu’avant.Charles!Unpetithommeauxcheveuxgrisetaumentonprolongéparunbouctailléenpointes’avança
aussitôtverselle.Caraluidéposaunbaiserfurtifsurlajoue.—JevousprésentemonamieChloe,Charles.Elleabesoindevotrepetitebaguettemagique.
Quantàmoi,c’estdécidé:jelesveuxroses.Chloejetauncoupd’œilauxmagnifiquescheveuxblondsdeCara.—Roses?Sanouvelleamiehaussalesépaules.—C’estàpeuprèslaseulecouleurquejen’aiepasencoreessayée.Aveclebleu…
***
Deuxheuresplus tard,Chloecontemplaavec stupéfaction son refletdans lemiroir étincelant.Depuis sadésastreuseexpérienceaméricaine, elle avait faitbeaucoupd’effortspour améliorer sonlook,maisCharlesavaitréussiunvéritableprodige.
Nonseulementilavaitmissonteintetlacouleurdesesyeuxenvaleurgrâceàunmaquillagesobreetlumineux,àpeinevisible,maisilluiavaitdégradélescheveuxqui,aulieuderemuerautourdesonvisageaumoindremouvement,ondulaientdésormaisdoucementsursesépaules.
— Charles est un magicien, dit Cara à côté d’elle. Et dites-moi, Chloe, où allez-vous vouschanger?
Chloebattitdespaupières.Laréponseallaitdesoi,non?—Jepensaispasserchezmoiet…— Et ruiner votre coiffure et votre maquillage ? l’interrompit Cara, outrée. Pas question.
Pourquoinepasvenirdanslasuitequej’airéservée?J’organisemoiaussiunepetitefête,cesoir.Nouspourrionsd’ici làenprofiterpourmettreaupointvotreplan.LiamHuntervavoircequ’ilaraté,croyez-moi!
MonDieu…CommentChloeavait-ellepuracontersesdéboirespassésàcesuperbemannequin,qu’elle connaissait à peine ? Sans qu’elle sache pourquoi, il y avait quelque chose en celle-ci qui
l’avaitdécidéeàseconfier.Oupeut-êtreavait-ellebesoindeparleràquelqu’un,toutsimplement.Entoutcas,lesconseilsdeCaraseraientlesbienvenus—lavengeancen’avaitjamaisétésontrucetilétaithorsdequestiondeseridiculiser,unefoisdeplus,devantLiamHunter.
Devinantsescraintes,Caraluidonnadesidéesprécieuses,etretournamêmeàlaboutiqueavecelle pour compléter sa tenue en lui achetant des escarpins à talons aiguilles. Il fallaitmettre LiamHunteràgenoux,précisalemannequin,avantdelelaisserenplanetdefranchirleseuildesasuitelatêtehaute.
Néanmoins,elleavaiteubeauluiraconteràquelpointelledétestaitLiam,Chloesentaitencorela chaleur de ses longs doigts enlacés aux siens.Elle voyait encore les traits sculptés de son beauvisage,serappelaitleseffluvesmusqués,entêtants,virils…
Elle détestait le personnage. Mais physiquement, c’était une tout autre histoire. Et son corpssemblaitseficheréperdumentdecequepensaitsoncerveau.
Parailleurs,unequestionlataraudait:Liamlatrouvait-ilvraimentséduisanteouavait-ellerêvélachaleurirradiantdesesyeuxverts?
Quant aux sensations qui déferlaient en elle à l’éventualité que la première hypothèse soit labonne…ellesétaientfranchementpathétiques…
Chloedéglutit.Plusellepensaitàson«plandevengeance»,etplusellesesentaitmal.
4.
Ellen’arrivaittoujourspas.Elleneviendraitpas…Liamrevintsursespasettraversalevastesalondesasuiteprisd’assautparlafouled’invités
qu’ilneconnaissaitpas.Quandilavaitcommencéàdevenircélèbre,àHollywood,lessoiréesdecestyle étaient devenues sonquotidien.Des fêtes rempliesde femmes àmoitié nuesprêtes à coucheraveclui,surplace,etdetypesavidesdeprofiterdesesfoudroyantssuccès.
Quepenseraienttouscesgenss’ilsapprenaientl’horribleplaisanterieàlaquelleilavaitparticipécinqansplustôt?Cars’iln’avaitétépourriendansl’affairedelabanderoleetdelavidéo,ilavaitbeletbientenuleparideséduireChloeTyler.Etl’avaitgagné.
Ill’avaitlaisséeluipasserlesbrasautourducou,luidirequ’ellel’aimait,alorsqu’ilauraitpul’enempêcher.Enfait,Liamavaitétédépasséparlesévénements,etconsternédevoirquesesamisaientpualleraussiloin.Maisiln’avaitrienfaitpourlesarrêter.Cinqansaprès,ilsehaïssaitencorepoursalâcheté.
Sesamisn’avaientpasattenduuneseulesecondepourposterlavidéo,sousletitre:«Laponetteinsipide et le superbe étalon ». Un message cruel… et faux. A l’époque, Chloe Tyler ne savaitvraiment pas s’habiller ni se mettre en valeur, certes, mais il ne l’avait jamais trouvée insipide.Comment l’être aveccesmagnifiquesyeuxbleuset ces cheveuxcouleurde feuondulant auvent ?Cettebouchepulpeusequ’ellemordillaitsanscesseenluiexpliquantlessubtilitésdesconjugaisonsetdelaformenégative?
S’ilavaitréussiàretenirlamoitiédecequ’elleluiracontait,c’étaitgrâceàcetteboucheetàtoutletempsqu’ilavaitpasséàlacontempler,fasciné.
Etellen’arrivaittoujourspas.—Salut,vieux.Géniale,tasoirée!Liamregardaletypequi,detouteévidence,avaittropbu—etqu’ilneconnaissaitnid’Eveni
d’Adam.Noelleluiavaitremislalistedesinvitésendébutdesoirée,maisilyavaitcherchéunseulnom:celuideChloe…ouplutôtdeCandyLane.
Pseudonyme,ounomd’épouse?sedemanda-t-ilpouraumoins lacentièmefois.Occupé toutl’après-midi,iln’avaitpulevérifier.
—Merci,dit-ilàsoninterlocuteuréméché.Vousavezl’heure?Letypehochalatêteentanguantdangereusement,puisréussitàsortirsonportabledesapoche
depantalon.—Minuitetquart.Hé,vieux,ilfautqu’onfasseunselfie…
Liam se força à sourire aimablement devant l’objectif. L’aspect people de sa vie pouvait êtrepénible,maisilavaitapprisàlegérer,etiln’étaitnullementmécontentd’avoirdesfans.Seulement,plusceux-cisouhaitaientl’approcheràcausedesacélébrité,etplusilsesentaitdéconnectéd’eux.
Bonsang,iln’allaitquandmêmepass’apitoyersursonsort…Iln’eneutde toute façonpas le temps,carbrusquement, ilcessadepenser.Touts’étaitarrêté
autourdelui.Elleétaitvenue.Elleétaitlà.Enfin.Immobile sur le seuil, aussi irréelle qu’unevision…Et quelle vision…A sa seule vue,Liam
sentaittoutsoncorpsvibrer,palpiter…Lentement, il promena son regard sur lamince silhouette nimbée de lumière. Sa robe claire
moulait ses délicieuses rondeurs féminines, ondulait autour de ses longues jambes…Ses cheveuxmagnifiquescaressaientsesépaulesnues,telunvoileauxrefletschangeants…
Non, Chloe Tyler n’avait jamais été insipide. Aucune banderole cruelle, ce soir, ne pourraitconvaincresesinvitésducontraire.
Toutefois, il fallait absolument qu’il s’excuse pour cette plaisanterie ridicule et ignoble.D’abord, reprendre le contrôle de ses sens. Ensuite lui offrir un verre, tout simplement. Et luidemander,entreautres,pourquoielleavaitchangésonnompourunpseudoquiauraitmieuxconvenuàunepopstar—àmoinsqu’ellenesoitmariée.
Cettedernièreprécisionétaitvitale, reconnut-il confusémentensedirigeantvers la ravissanteapparitiontoujoursimmobilesurleseuil.
Quand il s’approcha de Chloe, elle écarquilla les yeux, sans dire un mot. Liam regardafurtivementsonannulaire.Pasd’alliance.Elleétaitdonccélibataire—aucundoutelà-dessus,ilsavaitd’instinct qu’elle n’était pas du genre à jouer avec les hommes.A l’inverse de ces femmes qui secroyaientloyalesparcequ’elleslarguaientuntypejusteaprèsavoircouchéavecunautre.EtLiamenavaitsoupé,decegenre-là.
—Jesuisheureuxquevousayezpuvenir,dit-ilensouriant.Ilsesentaitmieux.Commesil’arrivéedeChloel’avaitsoulagéd’unpoidsdontiln’avaitpaseu
consciencejusqu’ici.Maiscelarisquaitd’êtrepluscompliquéqueprévu.Lafaçonqu’elleavaitdehocherlatête,tout
enfixantunpointsituéquelquepartau-dessusdesonépaulegauche,neprésageaitriendebon.—Champagne?demanda-t-ilententantdemasquersonanxiétésousunsourireaccueillant.Ellelissalasoierosesursescuisses.—Non,merci.Jen’aipasvraimentsoif.Liamsouritdeplusbelle.Quandavait-ilrencontrépourladernièrefoisunefemmequibuvait
dansleseulbutd’étanchersasoif?Quand elle rougit en se rendant compte de sa gaffe, il sentit quelque chose frémir dans sa
poitrine.MonDieu,qu’elleétaitadorable…—Jeferaismieuxdem’abstenir,detoutefaçon,reprit-elle.J’aidéjàbuduvin.Cetteprécisionassombritd’uncoupl’humeurdeLiam.—Voussortezd’uneautrefête?demanda-t-ild’untonvif.Ilétaitjaloux…,réalisa-t-ilavecincrédulité.Iltenaitabsolumentàsavoird’oùellevenait,avec
quielleétaitsortie…—Non,pasexactement.Quandelleregardaautourd’elled’unair inquiet,Liamcompritquesesquestionslarendaient
nerveuse.
—Ilyabeaucoupd’invités—etpasn’importelesquels…,poursuivit-elle.Acesmots,ilserenfrogna.Ilsefichaitpasmaldesinvités.S’ill’avaitpu,illesauraittousmis
dehors, sur-le-champ. Noelle aurait été furieuse, évidemment. Elle s’était donné un mal fou pourorganisercettesoiréeetréunirtoutcebeaumondeaupiedlevé.
Maispourl’instant,Liamsefichaitdetout,ycomprisdesafidèleassistante.Ilnedésiraitqu’unechose:êtreseulavecChloe.
***
Bien déterminée à dissimuler sa nervosité, Chloe fit mine de s’intéresser aux personnalitésriches et célèbres présentes dans le luxueux salon.Quand ferait-elle sa grande révélation ?Mieuxvalaitimproviser,avaitconseilléCara.Flairerlemeilleurmoment.
«Commencezpar flirter avec lui.Flattez sonego, laissez-le admirervotre superbedécolleté,faitesmonterlatempérature,etquandilbrûleradedésirpourvous,portez-luilecoupfatal:dites-luiqu’ilnevousintéressepas.Croyez-moi,illuifaudraunmomentpourencaisser,alorsprofitezbiendevotretriomphe.Puis,tournez-luiledosetsortezdelapièceenondulantdeshanches.»
Facile, songea-t-elle. Un jeu d’enfant, même. Pour Cara, habituée à défiler en ondulant deshanches, perchée sur des talons aiguilles de quinze centimètres…Mais pour elle, c’était une autrepairedemanches.
QuantàflirteravecLiamHunter,ilauraitfalluquelemoded’emploiapparaisseencaractèreslumineuxau-dessusdesatête…
Bon. Elle devait rester calme, songea-t-elle en le regardant. Et ne pas se mordiller la lèvre,comme elle en avait la fâcheuse habitude. Mais difficile de résister quand il était toujours aussifollement séduisant et sexy, surtout dans cette chemise noire moulant son torse et ce jeandélicieusement taille basse. Et pour ne rien arranger, il avait gardé ce charme décontracté qu’ilpossédaitdéjàcinqansplus tôt, cettenonchalancequi empreignait lemoindrede sesmouvements,renforçantencoresasensualitévirile.
Commentavait-ellepucroireautrefoisqu’ungarçonaussisomptueux,aussidifférentdesautres,puisse s’intéresser à elle ? Et comment croire maintenant que le mâle superbe qu’il était devenupuisselatrouverséduisante?
—J’aicruquevousneviendriezpas,dit-ilenplongeantsonregarddanslesien.LavoixdeLiams’était-ellevraimentcoloréed’unaccentrauque,oul’avait-elleimaginé?Sur
lemoment,ellenesutquerépliqueretserépétamentalement:Allez!Flirte!—C’estvrai?répondit-elleensepassantlamaindanslescheveuxd’ungesteaérien.—Oui.Cettefois,ellen’avaitpasrêvé:savoixétaitbienrauque.Déconcertée,ellejugeapréférablede
seconcentrersurlesinvités.— Pourquoi aurais-je décliné l’invitation ? demanda-t-elle sans regarder Liam. Vous êtes un
acteurcélèbre.—C’estpourcelaquevousêtesvenue?Parcequejesuiscélèbre?Non,Chloeétaitvenueparcequ’ilméritaitderecevoirunebonneleçon.Hélas,sonrépertoirede
flatteriesdestinéesàcaressersonegos’épuisaitàlavitessegrandV…—Jesuisvenueparcequevousm’avezinvitée.Sesyeuxvertss’assombrirent.—Parlez-moideCandyLane.
Chloebattitdescils.CandyLane?Maispourquoidonc?—Ehbien,c’estunejournalistequivitàLondres,commença-t-elleprudemment.Etqui…—Jesais,lacoupa-t-ild’untonbrutal.Cequim’intéresse,c’estcequisecachederrièrecenom.MonDieu,songea-t-elleentressaillant.Etait-ilpossiblequ’ill’aitreconnue?—Est-ce que je pourrais avoir un verre d’eau ? demanda-t-elle après s’être éclairci la voix.
Finalement,j’aiunpeusoif.Liamlaregardaensilence,etChloesesentitdéfaillir.Çayest,ilallaitluidirequ’ilsavaittout,
que…—Biensûr,répondit-ilsimplement.Un immense soulagement envahit Chloe, mais ses jambes tremblaient encore tandis qu’elle
suivaitLiamendirectiondubar.Décidément,elleauraitfaitunbienpiètreagentsecret—touscesmensongeslamettaientdansunétatd’agitationépouvantable…
Parchance,Liamfutarrêtéencoursderoutepardesinvitésquiluitapaientdansledosd’unaircomplice, d’autres qui essayaient d’engager la conversation.Ce qui donna àChloe le temps de seressaisirunpeu.
Jouerlesfemmesfatales—oudumoinslesséductrices—ladépassaitcomplètement,surtoutque l’homme à séduire était unmâle superbe, dont la proximité la paniquait, la troublait, au plusintimedesaféminité.
Acetinstant,lemâleenquestionseretournaverselleetluitenditunverred’eau.— Désolé, dit-il en fronçant légèrement les sourcils. Je ne pouvais pas les ignorer. Nous
devrionspeut-êtrechercherunendroitplustranquille?— Non, répondit-elle d’une voix trop aiguë, alors qu’elle mourait d’envie d’accepter la
proposition.Elleavalaunegorgéed’eaufraîche.—J’adorecegenred’atmosphère,reprit-elle,d’unevoixpresquenormale.Liamfixasurellesonregardpénétrant.—Vraiment ? Ce n’est pourtant pas l’impression que vous donnez.On dirait que vous vous
attendezàcequequelqu’unvoussautedessusd’uninstantàl’autre.Vous,parexemple…Semaudissantintérieurement,Chloecherchaitenvainunerepartiepleined’humourlorsqu’elle
sesentitpousséeenavantparuninvitéquisefrayaituncheminverslebar.Déséquilibrée,elletenditlamainpourserétabliretseretrouvapresséecontreletorsemuscléetchauddeLiam.Ellesentitlespuissantspectorauxàtraversletissu,lesmamelonsaulégerreliefsoussesdoigts…EtquandunpetitsonjaillitdeslèvresdeLiam,ellefrissonnasansambiguïté,delatêteauxpieds.
Soudain, l’univers se réduisit aupeud’espacequ’ils occupaientdans levaste salon rempli demonde.LecœurdeLiambattaitàun rythmesauvagesoussapaume,aussi fortetaussiviteque lesien… Lentement, elle leva les yeux, et sentit son esprit se vider. L’alchimie vibrait entre eux, leregardvertétincelait,chaud,brûlant…
Celanefaisaitplusaucundoute:LiamHunterladésirait.Ellesentitlatêteluitourner,commesielleavaitavaléunebouteilleentièredechampagne.
Aprèstout,pourquoileplaqueravantdel’avoirséduit…complètement?Celanepouvaitpasluifairedemal,si?
Ellen’eutpasletempsdepenserplusavant.LamaindeLiamserefermasursataille,leursdeuxcorpsserapprochèrentencore,etdanslatêtedeChloe,cefutlachutelibre.Ellen’avaitjamaisfaitl’amour,maiselleenmouraitd’envie. Jusqu’àprésent, ellen’avait rencontréaucunhommeenqui
elleeûtassezconfiancepoursedonneràlui.Or,entreLiametelle,ilnes’agissaitpasdeconfiancepuisqu’ellesavaitdéjàqu’iln’enétaitpasdigne.Ellepressentaitparailleursqu’aveclui,lesexeseraitfabuleux.Rienquedanssafaçondesemouvoir,l’aisanceaveclaquelleilévoluaitdansl’espace,danslavie,Liamdégageaitunesensualitéphénoménale.
Ildevaitêtreunamanthorspair…Maiselle,serait-ellecapabledemettresonplanàexécution?D’allerjusqu’aubout?Decoucher
avecLiamHunterpourneplusjamaislerevoir?Sielleluirévélaitsavéritableidentitéjusteaprès,son egodemâle enprendrait un sacré coup. Il se retrouverait commeun idiot.Et il comprendraitqu’elles’étaitserviedeluicommeils’étaitservid’elleautrefois.
La poitrine musclée de Liam se contracta sous sa main, chaude et ferme, et Chloe leva denouveau lesyeuxvers lessiens.Unéclat faroucheetprédateur luisaitdanssonregard, luidonnantl’impressiond’êtrelePetitChaperonrougefaceaugrandméchantloups’apprêtantàladévorertoutecrue.
Elles’écartadeluicommeelleputetportasonverreàseslèvresd’unemaintremblante.Dans l’élaborationdeson«plandevengeance»,elleavaitpeut-êtremalévalué les forcesen
présence…
5.
S’il bougeait d’un centimètre, tous les invités brandiraient leurs smartphones pour prendre laphotodel’acteurféticheenlaçantChloeTyleretluiappuyantlesreinscontrelebar.S’ilsnel’avaientdéjàfait…
Liamprituneinspirationprofondeet,avectousleseffortsdumonde,parvintàécarterlamaindeChloerestéesursapoitrine.Lecontactdesapaume,desesdoigtsfins,leconsumaitlittéralement.
Ilauraitmentienaffirmantqu’ilnel’avaitinvitéequepours’excuserdanslebutdesoulagersaconscience.Bavardern’apaiseraitenrienlefeuquiledévorait.Ledésirdes’enfouirenelle,danssoncorpsde femme,mince, doux et chaud.D’autant que, s’il ne se trompait pas,Chloepartageait sondésir.
Déjà, autrefois,Liamavait sentiqu’elleétait spéciale, etmaintenant, ildevait concentrer toutesonénergiepournepasembrassersabellebouchepulpeuse,qu’ellemordillaitenleregardantdesesgrandsyeuxbleusetcandides.
Lorsque,duboutdel’ongle,elleavaitdenouveaueffleurésapoitrineàtraversletissu,ilavaitfailliperdretoutcontrôle.Ellen’étaitpeut-êtrepassiingénue,finalement…
Ilbaissalesyeuxsursesseinsmagnifiquesdontlesmamelonssedressaientsouslasoierose,etretintungémissement.Commeilbrûlaitdelescaresser!Deleslécher.Delesgoûter…
Titillersabouchesensuellejusqu’àcequ’elles’ouvreàluietselaisseexplorer.Ilvoulaittoutd’elle,s’avoua-t-ilenfermantuninstantlespaupières.Jamaisiln’avaitétéconsuméparunteldésir.D’habitude, il cédait à des instincts plus primaires — sauf le soir où il l’avait complètement,lâchement,laisséetomber.Cesoirfuneste,alorsqu’iln’avaitpourtantpaseul’intentiondeluifairede mal… Mais le croirait-elle s’il le lui disait maintenant ? Et, plus important encore, luipardonnerait-elle?
Cars’ill’avaitinvitée,c’étaitpours’excuser,serappela-t-ilavecsévérité.Pourluimontrerqu’iln’étaitplusunadolescentstupide.Qu’ilavaitchangé…
Donclesexcusesd’abord.Ensuite…—Ilfautquenousparlions.Sa voix avait baissé quasiment d’une octave…Carmaintenant qu’il laissait libre cours à son
désir,Liamétaitsiexcitéqu’ilsesentaitàl’étroitdanssonjean.SaisissantleverreàmoitiévidequeChloeserraitentresesdoigts,illeposasurlebar.—Venez,fit-ilenluiprenantlamain.Elle se laissa entraîner vers la seule pièce de la suite où ils seraient un peu tranquilles.Mais
lorsqu’ilpoussalaportedesachambre,Liams’immobilisadevantledécor,inattendu.
Lumière tamisée, bouteille de champagnedansun seau àglace en argent posé sur la tabledenuit, coupede chocolatsplacée à côté.Bon sang,Noelle avaitmêmeprévu lespréservatifs !Liamréprimaune grimace : son assistante zélée n’était pas réputée pour sa finesse, et à en juger par latensionémanantde la femme immobile à côtéde lui, celle-cin’appréciaitpasnonpluscettepetitemiseenscène…
—Charmanteattention,commenta-t-elled’unevoixglaciale.—Cen’estpascequevouscroyez…Liam s’interrompit, à peine convaincu par ses propres paroles. C’était exactement ce qu’elle
croyait.
***
Chloen’enrevenaitpas.Cetteatmosphèreromantiqueavait-elleétéarrangéespécialementpourelle ?Amoins queLiam, persuadé qu’elle ne viendrait plus, se soit trouvé une autre partenaire àramenerdanssachambre.Acetteéventualité,sonardeurserefroiditd’uncoup.
—Etqu’est-cequejecrois,d’aprèsvous?demanda-t-elleens’efforçantd’empêchersavoixdetrembler.
Visiblement gêné, il se passa lamain dans les cheveux et les ébouriffa davantage, ce qui luidonnaunairencoreplussauvage,plusviril,plus…Non,cen’étaitpas lemomentdecraquer,elledevaitrestermaîtressedelasituation.Seforçantàdétournerlesyeux,elles’avançaversleschocolats—etlespréservatifs…
—Rien n’a été oublié, à ce que je vois, remarqua-t-elle, plus déterminée que jamais à allerjusqu’auboutdesonplaninitial.
—J’aisimplementditàmonassistantequej’auraispeut-êtredelacompagnieenfindesoirée…Noelleestuneorganisatriced’événements frustrée,vouscomprenez…Alors,danschaquevilleoùnousnousarrêtonspourlapromotiondufilm,elleessaieunenouvelleidée…
Chloeretintlerirequiluimontaitauxlèvres.Ellen’allaitquandmêmepasletrouveramusant!—Vul’originalitédecelle-ci,jesuissûrequ’ellel’avaitdéjàessayée,répliqua-t-elle.Celadit,je
doisadmettrequ’elleabongoût,enmatièredechocolats.Vousdevriezenvisagerdel’augmenter.Elle avait voulu s’exprimer d’un ton léger, comme si cettemise en scène était exactement ce
qu’elleattendaitdelui,maislesmotsétaientsortisàunrythmesaccadé,forcé.—Jeneluiaipasdemandédepréparerquoiquecesoit,affirma-t-ilenhaussantlesépaules.Et
jen’avaisencorejamaispenséavoirbesoindestimulants…Bien sûr…, songea Chloe en essayant d’imaginer la partie la plus virile de son anatomie. A
travers la porte close, elle entendit alors le bruit assourdi des voix, de la musique. La réalitél’emportaaussitôtsursesfantasmes:lemomentétaitpeut-êtrevenudeluirévélersonidentitéavantdeleplaquerlà,danssondécordeplay-boy.Maiscurieusement,ellerestasilencieuse,incapabledeprononcerlemoindremot.Etsoudain,Liamseretrouvaenfaced’elle.Toutproche.
Grâceàsestalons,elleétaitpresqueaussigrandequelui,maisLiamdégageaituntelcharisme,unetellepuissance,qu’ellesesentaitminuscule.Vulnérable,féminine…
Commes’ilavaitdevinésespensées,ilpritsonvisageentresesmainsetrefermasabouchesurlasienne.
Stupéfaite,lecœurbattantlachamade,Chloenerésistapasàl’assaut,aucontraire.Toussessenss’éveillaient, pour la toute première fois…Le baiser était doux, divin…Mais aumoment où elle
allaits’yabandonner,Liams’écartalégèrementpoursuivrelecontourdesaboucheavecsalangue,commepourmieuxensavourerlegoût.
Etourdie,ellelelaissaprendredenouveausamaintandisqu’ilreculaitenl’entraînantaveclui.Jusqu’aulit.EtquandLiams’assit,Chloeseretrouvaenferméeentresesjambes.Puisilluilâchalamain.Leursdeuxcorpsnesetouchaientpas,maislecourantpassaitentreeux,intense,fulgurant.Elleleva les yeux vers le miroir couvrant tout le mur du fond, et y vit le dos musclé de Liam, sespuissantesépaules…
Doucement,illuicaressalesdoigtspourl’inciteràregardersonvisage.—Jen’avaispasl’intentiond’ameneruneautrefemmedansmachambre.Jenesavaismêmepas
sijepourraist’yattirer,toi…Maiscequejesais,c’estquej’aieuenviedet’embrasserdèsl’instantoùjet’aivueentrerpourl’interview.
Chloe ferma un bref instant les yeux. Elle aurait voulu glisser les doigts dans ses cheveuxindisciplinés,enapprécierladouceur,l’épaisseur…Maisellen’osaitpas.D’aussiprès,elleinhalaitl’essenceviriledeLiam,lesnotesboiséesdesoneaudetoilette.Etquandilbaissalespaupièreseninspirantprofondément,ellecompritquec’étaitpourmieuxprofiterdesonparfumàelle.Elleessayaderefoulerlesémotionsquis’agitaientdanssonesprit,partoutenelle,menaçantdebalayertoutessesrésolutions,maissoncœurfrémit,commes’ilprotestait.
Si Liam ne lui avait pas alors posé les mains sur les hanches, elle aurait pu réprimer lessensations insensées qui se multipliaient et se répandaient en elle. Mais ses paumes étaient sichaudes…
—Jesaisquenousdevrionscommencerparparler,maisj’ail’impressionquesijenetetouchepas,netecaressepas,netedéshabillepas…jevaismourir.
Chloeressentaitlamêmechose.Elledésiraitletoucher,lecaresser…—Regarde-moidanslesyeux…,ajouta-t-ilavantdes’interrompre.Oùsontpasséesteslunettes,
aufait?Brusquement,cettephraselatiradelabrumecotonneusequil’enveloppait.—Meslunettes…?—Oui, dit-il en laissant glisser sesmains sur ses cuisses, en un geste presque révérencieux.
Qu’est-il arrivé à tes adorables petites lunettes rondes qui t’allaient si bien ? Tu disais que tu n’yvoyaisrien,sanselles.
LepoulsbattaitsiviolemmentàsestempesqueChloeavaitàpeineentendusesparoles.—Tusaisquijesuis,répliqua-t-elleenfin.Illaregardaenhaussantlessourcils.—Biensûr.Jenedevraispas?—Quand?Quandm’as-tureconnue?Ilpenchalatêtedecôté,aveccetairtotalementinoffensif.Autrefois,Chloel’avaitcruincapable
defairedumalàunemouche.Jusqu’àcette…—Dèsl’instantoùjet’aiaperçueappuyéeaumur,àl’extérieurdel’hôtel.Visiblementperplexe,illacontemplauninstantensilenceavantdepoursuivre:—Quesepasse-t-il?Tuvoulaisvraimenttefairepasserpouruneautre?—Non,lança-t-elled’untonvifensepassantlamainsurlefront.C’esttonassistantequim’a
appeléeCandyLane.Pasmoi.—Etpourquoinepasl’avoircorrigée?—Parcequejen’envoyaispasl’utilité.Jepensaisnepasresterplusdecinqminutesavectoi.—Ah…Ettunecomptaispasnonplusm’enparlercesoir.
—Aquoibon?—J’avouequej’aiunpeudemalàcomprendre…,fit-ilenpinçantleslèvres.Quandilbaissalesyeuxsursonbuste,Chloeserappelaqu’ellesetrouvaitentrelescuissesd’un
typequ’elleétaitcenséelaisserenplan—aprèsl’avoirrepoussé.—Excuse-moi,jedoism’enaller,dit-elled’unevoixsourde.Liamluisaisitlepoignet.—Commentas-tufaitpourmereconnaître?demanda-t-elleensedégageant.J’aichangé,jesuis
complètementdifférente!—Différente?Jenetrouvepas.Entendait-ilparlàqu’elleétaitaussigodichequ’autrefois?s’interrogeaChloe,interloquée.— Chevelure flamboyante, continua-t-il en la dévisageant, incroyables yeux bleus aux
minusculespépitesdorées,jambesinterminables.Desseins…Chloerefoulalachaleurquesesparolesfaisaientnaîtreenelle.—Jesuisunefemme,j’aidesseins.Ilmesemblequecen’estpasunscoop.—En effet. Sauf que depuismon arrivée àHollywood, j’ai découvert que toutes les femmes
n’avaientpasdevraisseins,dit-ilenfixantceuxdeChloed’unairavide.Lesjouesenfeu,elleretintsonsouffle.—J’aitoujourstrouvélestiensmagnifiques,Chloe.Horrifiéedesentirlachaleursetransformerenunecouléedelavequiserépandaitdanssonbas-
ventre, ellen’avaitplusqu’undésir : s’enfuir et aller se réfugier chezelle.Pourneplus jamais lerevoir.
—Jet’enprie,Liam.Jesaiscequetuveux,maisjeneveuxpasteledonner.—Ouplusexactement,tuneveuxplusmaintenantquejesaisquitues,corrigea-t-il.Dis-moi,
Chloe,qu’avais-tul’intentiondefaire,aujuste?CoucheravecmoisouslenomdeCandyetfilerendouce?
—Pasdutout.—Quoi,alors?Chloeredressalementon.—Jenecomptaispascoucheravectoidutout.—Ah…Ilselevaetsedressadevantelle,detoutesahauteur,detoutsoncharisme.—Tuvoulaisprendretarevanche,c’estcela?—C’esttoutcequetumérites,tunecroispas?—Jelesais.Acesmots,simplesetquisemblaientsincères,toutecolèredésertaChloe.—Jemesuisconduitavectoicommeunmonstre,commeunlâche,lesoirdecefichubal,mais
sijet’aiinvitéeàvenirdansmasuite,c’estd’abordetavanttoutpourm’excuser.Décontenancée,ellejetaunregardendirectionduchampagne,deschocolats,despréservatifs.—Danscecas,tusongeaisbienàreveniriciavecuneautre.Savoixavaitprisunaccentdereproche,presqueaccusateur,maisChloeétaitdansuntelétatde
confusionetdetroublequ’elleavaitunmalfouàsecontrôler.—Au fond, tunemedésiraispas spécialement…,murmura-t-elle.Ç’aurait pu êtren’importe
qui…— Je te désire vraiment, bon sang ! Toi et seulement toi ! s’exclama-t-il en lui prenant les
coudes.Cessedechercheràtedéroberetécoute-moi,d’accord?
Chloesecouala tête,farouchementdéterminéeàneplusseconduirecommeuneidiotedevantlui.
—Non.Jeveuxm’enaller.ElleseforçaàsoutenirleregarddeLiam.—Etjenetedésirepas.—Jene tecroispas, répliqua-t-ilaussitôt.Danscecas,pourquoim’avoircaressé lapoitrine,
toutàl’heure?—C’étaitunhasard.Il ferma à demi les yeux tandis qu’un imperceptible sourire remontait le coin de sa bouche
sensuelle.—Tul’asfaitdeuxfois,Chloe.—Jedoisvraimentm’enaller.Liamresserralesdoigtsautourdesescoudes.—Reste.—Tuavaisfaitunpariavectesamis,luidit-ellealorsenleregardantdanslesyeux.Tuavais
pariéqueturéussiraisàmefairetomberamoureusedetoi.—Oui,c’estvrai.Etjeleregretteprofondément.SafranchiselaissaChloesansvoix.—Tunet’attendaispasàcequejereconnaissemestorts,n’est-cepas?reprit-ilavecunpetit
souriremi-ironiquemi-amer.C’estvraiqu’audépart,jet’avaisinvitéeàvenirchezmonamiàcausedecepari.Al’époque,j’étais…perturbé,maisjetejurequejen’étaispourriendanscettehistoiredebanderoleetdevidéo.J’aimêmedemandéàmonpèredelafaireretirerd’internetdèsquej’aieulecouraged’enparleraveclui.
Chloerefermalesbrassursonbuste.—Sijecomprendsbien,tesamisontconcoctécettecharmantepetitefarcesanst’enparler.Oh!
etpuisquelleimportancedésormais?J’aidépassétoutcela,monattirancepourtoiettapitié.—Mapitié?dit-ilenfronçantlessourcils.Quellepitié?Chloedétestait la tournurequ’avaient prise les événements.Mais elle nepouvait s’enprendre
qu’àelle-même—c’était ellequiavait toutdéclenché.Elleavait accepté son invitationdans lebutstupidedesevenger,sansprévoirqu’elleneseraitpasàlahauteurdeséventuellesconséquencesdesoninitiative.
—Oui, lapitiéque j’aivuedans tesyeuxquand jemesuis jetéeà toncouetque j’aiditquej’acceptaisdet’épouser.
Surcesmots,elleémitunpetitrirequisonnacreux.—Cen’étaitpasdelapitié,Chloe,répliquaLiamaveccalme.C’étaitduregret.Jeregrettaisde
t’avoirblessée.Quoi?Chloeeutenviedecrier.Commentpouvait-illuimentirainsi,enlaregardantdroitdans
lesyeux?C’étaitécœurant…Reprenantlecontrôledesesémotions,ellesecouaénergiquementlatête.—Oubliequetum’asrencontréeaujourd’hui,s’ilteplaît,etn’enparlonsplus.—Bonsang,Chloe:jen’aipaspitiédetoi!—Non,biensûr.— Je parle sérieusement : je veux te revoir. En fait, je voudrais que tum’accompagnes à la
première,demainsoir—ouplutôtcesoir.—Lapremièredetonfilm?
—Oui.—Tuveuxquej’yailleavectoi,alorsquedesmilliersdefemmesvontt’attendreenhurlantton
nometentejetantleurpetiteculotte?—Ellesne fontplus cegenredechoses,précisa-t-il en riant.Et certaines crieront lenomde
BethanyLord.Chloebrûlaitdel’accompagner—excellenteraisonpournepasyaller.—C’estnon,déclara-t-elle.—Donne-moiuneseulebonneraisonderefuser.—Donne-m’enuneseuled’accepter,riposta-t-elledutacautac.—Jeveuxterevoir,etjevaispassertoutelajournéeeninterviewsradio.Lelendemain,jepars
àl’aubepourParis,prochaineétapedelapromotiondufilm.—Etsidesgensmereconnaissent,grâceàlavidéo?—Ehbien,jeleurdiraiquejemesuiscomportécommeledernierdessalopards.—Aurisquedeternirtaréputation?—Jemefichedemaréputation.Lisantsansdoutel’incrédulitédeChloesursestraits,ilsepassalamaindanslescheveuxd’un
gesterageur.— Jem’en fiche vraiment, bon sang ! J’ai appris il y a déjà pasmal de temps qu’en faisant
passerl’opiniond’autruiavantlasienne,onnepouvaitqueserendremalheureuxetfairelemalheurdeceuxquinousentourent.Parfois,ilfautsavoirvivreauprésentetsaisirl’instant,Chloe.
Acesmots,ellesentitsagorgesenouer.—C’estunpeucequej’aifaitilyacinqans,etlerésultatn’apasététrèsconcluant…Troublée etmal à l’aise, elle sedétournapour s’en aller.Liam referma lesbras autourde sa
taille.—Neparspascommeça,Chloe.—Ilfautquetuaillest’occuperdetesinvités.—Non.Iln’yaqu’uneseulepersonnedontjedoivem’occuper.Toi.
***
Liamlasentits’immobilisercomplètement,etquandellefrémitsoussesdoigts,ildutfaireuneffortsurhumainpournepaslaserrerdanssesbrasetluimontrerlaforcedesondésir.
LadécisionrevenaitàChloe.Pasàlui.—Reste,répéta-t-il.Incapablederésister,ilécartasescheveuxpourposerleslèvressursanuque,puislaissaglisser
sabouchesursonépauleetlamordilla,toutdoucement.—Liam…,murmura-t-elleenlaissantéchapperunpetitsoupir.Sonprénomavaitrésonnécommeuneprière,unesupplication.LeshanchesdeChloevibraient
soussespaumes—etLiamladésiraitcommeunfou.—J’airéussimonépreuved’anglaishautlamainparcequejemerappelaisquasimenttoutesles
syllabesquisortaientdetabouche,chuchota-t-il.Enmême temps, il léchait l’endroitoù il l’avaitmordue, ivrede sa senteurde femme, suave,
musquée…Chloeseretournaentresesbrasetluiposalesmainssurlesépaules.Ledésirassombrissaitses
yeuxbleus,brut,impérieux…
—C’estvrai?demanda-t-elled’unairincrédule.—Oui.Toutcommej’aienviedetoi.Det’embrasser.Partout.Detefairejouirjusqu’àcequetu
criesdansmesbras.—Je…Quandelles’interrompitpourreprendresarespiration,Liampenchalatêteetembrassalepouls
quibattaitfurieusementsursoncou,luiarrachantungémissementdeplaisir.Puisillaissaremonterseslèvressursapeau,alorsqu’elles’agrippaitàsesépaules.
Dèsqu’il prit sa bouche, la languedeChloe enlaça la sienne.Elle enfouit lesmains dans sescheveux,écrasasesseinscontresapoitrine…
EtcefutautourdeLiamdepousseruneplainterauque.Inutiledesongeràdespréliminaires:ledésirquilesconsumaittousdeuxréclamaitl’assouvissementimmédiat.
—Liam…,chuchota-t-ellecontreseslèvres.Ivrededésir,illasoulevadanssesbraspourl’allongersurlelitavantdecontempleruninstant
sonbeauvisageauteintdeporcelaine,auréolédesescheveuxcouleurdefeuéparssurlelinivoire.Puis,n’ytenantplus,ils’installaau-dessusd’elleets’appuyasurlesmains,leregardsoudéau
sien.—Es-tusûred’enavoirenvie,Chloe?Lesourirequ’elleluiadressaétaitconfiant,limpide,éblouissant.—Oui,jemefichedupasséetdufutur.Touche-moi,caresse-moi,Liam.Etjet’ensupplie…ne
t’arrêtepas.
6.
Chloeseréveillaenveloppéedansunemerveilleusechaleur,entrelesbrasdeLiam.Lepassétoutrécentluirevintalorsavecuneclartéétourdissante.ElleavaitcouchéavecLiamHunter.Unefouled’émotionsl’envahit.Elleauraitvoulurire,hurler,etpleurerenmêmetemps.Ellese
trouvaitdanssaluxueusechambred’hôtel,danssonlit…C’étaitmerveilleux,etabsurde.Autant d’émotions contradictoires qu’il lui était impossible de dépasser. Il était donc plus
prudentdes’enaller.Leplusrapidementetleplusdiscrètementpossible.MaiscommentyparvenirsansréveillerLiam,quilatenaitétroitementserréecontrelui?
—Jenedorspas.Savoixrauquelafitfrissonner.—Etsijecomprendsbien,turegrettescequenousavonspartagé,Chloe.Elles’humectaleslèvres,embarrassée.—Non,cen’estpasvraimentça…Maisje…Jedoisrentrer.Elleavaitsurtoutbesoind’espaceetdesolitudepourréfléchiràcequ’ilsvenaientdepartager,
eneffet.—Ilest3heuresdumatin.—Jesais,répliqua-t-elleens’écartantdelui.Soudain,elleserenditcompteduprofondsilencequirégnaitdanslapièceetau-delà.MonDieu,
elleavaitcomplètementoubliélasoirée…—Oùsontpasséstesinvités?—Jelesaimisdehorsquandtut’esendormie.Formidable…Etl’avait-ilregardéedormir,ensuite?sedemanda-t-elleencherchantsarobedes
yeux.QuandelleentenditLiambougerderrièreelle,Chloeseréfugiad’instinctàl’extrêmeborddu
lit.Lemoindrecontactétaitbientropdangereux.Elledevaitabsoluments’enalleretrentrerchezelle.—Chloe?—Jedoispartir,dit-elleens’emparantdupremiervêtementàsaportée.LachemisedeLiam,qu’elleserracontreelleavantdeselever…—Tunepeuxpasmedonner tavirginitéet t’enallercommecela,dit-ilens’appuyantsurun
coude.—Nemedispasquecelanet’estjamaisarrivé.Enfin,jesupposequed’habitude,ellesnes’en
vontpasaussivite…Etpuis,j’enavaisassezd’êtreviergeàmonâge,detoutefaçon.
—Tuveuxdirequetut’esserviedemoi?—Non.Jenevoispasderaisonderester,c’esttout.—Ilyenapourtantune.Cequenousavonsvécuensemble,Chloe.C’était…spécial.Soudain,illaregardaenfronçantlessourcils.—Jet’aifaitmal?s’enquit-ild’unevoixinquiète.Tuauraisdûmeprévenir, j’auraisétéplus
doux.—Tuveuxquej’évaluetaprestation?Quejetedonneunenote?—Pasdutout,répondit-il.—Bon,c’étaitformidable,situveuxtoutsavoir.Fabuleux,même.Embarrasséeparcettedéclarationqu’ellen’avaitpu retenir,Chloe s’efforçade sepeigner les
cheveuxaveclesdoigts.—Maisinutiledemeflatterenmefaisantcroirequec’étaitspécial,s’ilteplaît,ajouta-t-elle.—Jen’aipasditcelapourteflatter.C’étaitspécialettulesaisaussibienquemoi,dit-ilavantde
seleverpourenfilersonjean.Epoustouflée,Chloeneputs’empêcherd’admirersoncorpssuperbe…Sanssedonnerlapeine
deboutonnersonpantalon,ilvintseplanterdevantelle.—Ilyaquelquechoseentrenous,Chloe.Ilyatoujourseuquelquechose.Etsijen’étaispas
prêtàlevivreautrefois,j’aichangé,depuis.Chloesecoualatêteensemordillantlalèvre.Celan’avaitaucunsens.Quelquesheuresplustôt,
ellehaïssaitencoreLiam,etmaintenantelle…ellecraquaitdenouveaupourlui.Maiselleaussiavaitchangé,aussineselaisserait-elleplusétourdirparquelquesbellesparoles.—Commentpourrais-tuêtreprêtàquoiquecesoit?TuvisàLosAngelesetmoiàLondres!— J’y ai songé pendant que tu dormais, répondit-il avec un sourire désarmant. Mon agent
souhaiteraitquejepasseauthéâtre.Alorsjevaism’ymettre.DansleWestEnd.—Tuviendraist’installeràLondres?—Pourquoipas?répliqua-t-ilenhaussantlessourcils.—Oui,pourquoipas…Chloedéglutitavecpeine.Unespiraledejoiesedéployaitdanssapoitrine,danssoncœur,sans
qu’elle puisse la contrôler. Mais elle ne devait pas se réjouir. Elle ne pouvait se permettre derecommencer à fantasmer sur un avenir avec Liam. Parce que si jamais il plaisantait, elle n’ysurvivraitpas.
—Celavatropvitepourtoi,n’est-cepas?demanda-t-ild’unevoixdouce.Jecomprends.Situveux lavérité, je suis chamboulépar cequi s’estpassédepuishier.Mais jeme fie àmon instinct,Chloe,etilmeditdenepastelaisserpartir,cettefois-ci.
Ces trois derniers mots achevèrent de la décider. Le cette fois-ci fit remonter les souvenirsdouloureuxdel’autrefois,effaçantleplaisirqu’ellevenaitdevivredanslesbrasdeLiam.
—Jenepeuxpasmefieraumien,Liam.Etjenet’accompagneraipasàlapremière.«Parcequejenepeuxpasmepermettredeterevoir»,seretint-elled’ajouter.Puisellelaissatombersachemise,ramassasarobe,sessous-vêtements,etallas’enfermerdans
lasalledebainspours’habiller.Un quart d’heure plus tard, le cœur battant un peu moins fort, elle sortit et trouva Liam
complètementrhabilléluiaussi,untrousseaudeclésàlamain.—Jesuisdésolédet’avoirbousculée,Chloe.Jeteraccompagnecheztoi.—Non,merci.Cen’estpaslapeine.—Jet’emmène,insista-t-ild’untongrave.
—Pourrais-tuprendreencompteneserait-cequ’unseulinstantmesdésirs,aulieudenesongerqu’auxtiens?
— Je ne cherche pas à imposer mes désirs, bon sang ! riposta-t-il avec humeur. Je veuxseulementm’assurerqueturentressansproblèmecheztoi.
—Jevaisprendreuntaxi.Unéclairtraversasesyeuxverts.—Trèsbien.J’appelleleservicevoiturierdel’hôtelpourteréserverunchauffeur.Durant quelques instants, ils se dévisagèrent, puis Chloe hocha la tête et sourit. A quoi bon
résisterdavantage?Ellevenaitdefairel’amouravecunhommedontelleétaitbeletbienentrainderetomberamoureuse,etquiboudaitparcequ’elleavaitrefusédel’accompagneràunepremière.Ilsn’étaientdécidémentpassurlamêmelongueurd’onde.
—D’accord,dit-elleenfinenhaussantlesépaules.Liampoussaunsoupirdesoulagement.—Parfait.Jevoudraisaussiundernierbaiser,avanttondépart…Acesmots,lagorgedeChloesenoua.—Cen’estpasunebonneidée,murmura-t-elle,sansgrandeconviction.Ignorantsaréserve,ilserapprocha,etellesesentitfondre.—Jecomptebienprendreencomptetesdésirs,dit-ild’unevoixrauque.Malgrétoussesefforts,cesderniersmotsachevèrentdebrisersesdéfenses.Ellehochalatête
avecunsourireauquel il répondit.Quelle idiote…,songea-t-ellealors.Voilàque,denouveau,elledésiraitluifaireconfianceetcroireenlui.Detoutsoncœur.
***
Une heure plus tard, Chloe repoussa son ordinateur portable et appuya la tête contre un tasd’oreillers.Dèssonarrivéechezelle,elles’étaitdéshabilléeavantd’enfiler leT-shirtet lecaleçonqu’elleportaitpourdormir.Puiselles’étaitcouchée,sansréussiràtrouverlesommeil.
Alors elle avait rallumé son portable et regardé… des vidéos dans lesquelles figurait Liam.Interviews,extraitsdefilms…
Ellefermalesyeux,etrevitl’horriblebanderole,lesmotsécritsenmajuscules.PuislevisagedeLiam lui apparut, tel qu’il était ce soir-là. Il avait dit vrai, c’était de la stupeurqui irradiait de sonregard,mêléederegrets.Presquedetristesse.
Ensuite,sesyeuxavaientétincelédefureur.Elles’enrendaitcompteseulementmaintenant,parceque jusque-là,elleavaitétéobnubiléepar lasouffranceet l’humiliationatrocesqu’elle-mêmeavaitressenties.
Repensant à la proposition deLiam, elle laissa échapper un long soupir. Sur lemoment, elleavaittrouvéimpensabled’accepter,horrifiéeàlaperspectived’êtrereconnueparquelqu’un.Maisàbienyréfléchir,cetteéventualitéétaitnonseulementpeuprobablemaisridicule.Elleétaitenfaittroplâchepourlesuivre,voilàlavérité.
En outre, elle réalisa que désormais, le passé n’avait plus aucune espèce d’importance. Cettenuit,elleenavaitparléavecLiam,ils’étaitexcusé.Ill’avaitembrassée,ilsavaientfaitl’amour…Ettoutavaitbasculé.
Duboutdesdoigts,elleeffleurasabouchegonfléeparsesbaisers.Ah,queldommagequ’ellenesoitpasrestéeaveclui!Danssesbras,danssadélicieusechaleur…
Soudain,sontéléphonevibrasurlelit.Dansunsursaut,ellelepritd’unemain.C’étaitLiam.
—Tunedorspas?dit-elled’unevoixunpeurauque.—Toinonplus,apparemment?Quefais-tu?Rien,sicen’estpenseràlui.Sansêtreaveclui…Soudain,elleserappelalesparolesdeLiam:il
fallaitvivreauprésentetsaisirl’instant.Danslasphèreprofessionnelle,elleavaitavancé,maisdanssaviepersonnelle,elleavaitcessé
devivrel’instantparcequeauplusprofondd’elle-même,ellesesentaittoujourslevilainpetitcanardégarédansunmondedecygnesmagnifiques.Orlaveille,grâceàCaraetCharles,elles’étaitsentiebelle.EtgrâceàLiam,elles’étaitsentiemagnifique,uniqueetspéciale.
En refusant son invitation, enne s’autorisant pas à le revoir, elle avait laissé cette lamentablefarce l’emporter sur son désir, au risque de passer à côté d’unemerveilleuse histoire d’amour.Etmêmes’ils’avéraitplustardqueLiamn’étaitpasl’hommedesavie,ellel’aimait,auprésent,c’étaittout ce qui comptait. Et leur aventure était loin d’être terminée. Au contraire, elle ne faisait quecommencer.
— Jeme caresse les lèvres en repensant à tes baisers. A toutes les choses délicieuses que tabouchem’aprodiguées…
Ungémissementjaillitàl’autreboutdufil.—Ettoi,quefais-tu?demanda-t-elleensouriantcommeuneidiote.—Jesouris,répondit-il.Parcequejet’airetrouvée.Elles’installaplusconfortablementcontrelesoreillers.—Excuse-moi,maisilmesemblequec’estplutôtmoiquit’airetrouvé!—Ils’enestfalludequelquesheures,Chloe.J’avaisl’intentiondeprendrecontactavectoiavant
dequitterLondres.Acesmots,soncœurfitunpetitbonddanssapoitrine.—Tuessincère?—Absolument.Unfrissondélicieuxlaparcouruttoutentière.—Liam?—Hum?Ellesouritensongeantautapisrougeetàtouteslesfillesdulycéequilatrouvaientringardeet
nulle.Quipensaientqu’ellen’avaitpaslamoindrechancedeséduireungarçoncommeLiamHunter.Ellesavaienteuraison,ellen’avaitaucunechanceàl’époque,maisàprésent,rienn’étaitpluspareiletelleavaitbienl’intentiond’enprofiter.
—Jet’accompagneàlapremière.Retenantsonsouffle,ellepressaletéléphonecontresonoreille.—Aprèscequenousavonsvécutoutàl’heure,jemecroyaisleplusheureuxdeshommes,mais
tadécisionmerendfoudejoie,Chloe!Etjeferaitoutpourquetupassesunesoiréefantastique.Etunenuitencoreplusfabuleusequecellequenousvenonsdepartager,acheva-t-ild’unevoixbasse,teintéed’undésiranimal…
Ils’interrompituninstantavantd’ajouter:—Tuneleregretteraspas,Chloe,jetelepromets.Sasincéritéluialladroitaucœur.Parcequedésormais,ellenedoutaitplusdeLiam.Elleavait
totalementconfianceenlui.Peut-êtrequelesrêvesdevenaientvraimentréalité,finalement…—Jesaisdéjàquejeneleregretteraipas,dit-elleavecunsourireradieux.Commejeneregrette
riendecequenousavonspartagécettenuit,Liam.
TITREORIGINAL:REVENGEINROOM426
Traductionfrançaise:LOUISELAMBERSON
©2014,HarlequinBooksS.A.
©2015,Traductionfrançaise:Harlequin
Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.Celivreestpubliéavecl’autorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationde l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’uneœuvre de fiction.Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.HARLEQUIN,ainsiqueHetlelogoenformedelosange,appartiennentàHarlequinEnterprisesLimitedouàsesfiliales,etsontutiliséspard’autressouslicence.
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