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Les Publications de la Recherche Gouvernance & Economie Sociale _______________________ N° 01 / Septembre 2015
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Les Politiques Sociales Algériennes:
Des instruments pour quelles cohérences?
Ahmed TOUIL - Radia BOUCHAOUR
Résumé:
A partir des années 2000 l’Algérie, ayant en perspectives les OMD, s’attèle au
développement social. En effet longtemps confiée à l’entreprise publique la
politique sociale relève désormais des pouvoirs publics centraux. Ces derniers,
présidence et gouvernement, en font un devoir pour assurer un minimum de
confort pour les nécessiteux; ceux générés par la tension civile ayant régné
durant 1992/1997 et par la politique de l’ajustement structurel et ses impacts
négatifs sur la société. Cependant l’embellie financière, favorisée par
l’augmentation des prix du pétrole, entraine le gouvernement à être de plus en
plus généreux et à élargir par la même le champ de la prise en charge sociale à
travers plusieurs canaux à la fois. Mais cette approche de la politique sociale est-
elle sans incidences sur sa cohérence, notamment au niveau de ses instruments,
de son élaboration et de sa mise en œuvre? Tel est la question principale à
laquelle prétend répondre la présente analyse.
Mots clés : Politique sociale – vulnérabilité – instruments – cohérence – Algérie.
Jel : H4 - I3.
Abstract:
Since 2000, and in the context of MDGs, Algeria economic policy focused on
social development. For a long time, the social policy was assigned to the public
firm responsibility, while today it is the responsibility of the central government.
These governments are committed to ensuring a minimum of comfort for the
needy persons, those whom are issued from civil tension during 1992/1997 and
from structural adjustment program and its negative impacts on society for
several years.
However the financial upturn, which takes raise from higher oil prices,
induces the government to be more generous and to make wide its social field
through several channels at once. But this approach could have some
incoherence on the consistency of the social policy in itself, especially at the
level of its tools, preparation, and execution? This is the main question that we
hope to explain and answer through this analysis.
Keywords: Social policy - vulnerability - Tools - consistency - Algeria.
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Introduction:
Dans le contexte d’une économie libérale les raisons d’être de toute politique
publique d’ordre économique ou social est de corriger, combler les défaillances
supposées du marché. En effet le marché, qui pourtant s’autorégule excluant par
là même toute sorte d’intervention ‘’externe’’, peut devenir défaillant. Il l’est à
partir du moment où il fonctionne anachroniquement avec les règles et rôle qu’il
est censé remplir. Cet état est en général celui où il ne donne pas lieu à échange
d’un bien économique pour raison de rareté ou à autre particularité du bien
considéré. Souvent cette particularité est la caractéristique qui fait les biens
publics. En effet le secteur privé intéressé par le profit et sa réalisation à court
terme, à travers le marché, ne peut par conséquent produire de tels biens.
Comme il ne peut non plus subvenir aux besoins des individus exclus, pour
incapacité notamment, des échanges marchands. Hormis son rôle régalien1 c’est
pour ces raisons que l’Etat est appelé à intervenir (L. Weber, 1988).
L’intervention a pour mission de mettre en œuvre un mécanisme de correction
pour la réorientation des comportements, de consommation ou de production,
des agents économiques. Le but est la réalisation, par l’instauration
d’instruments appropriés, d’un certain nombre d’objectifs désirés. C’est-à-dire
des outils économiques qui permettraient à l’Etat, avec ses différents organes,
d’intervenir dans la sphère économique principalement. Souvent l’action
publique s’opère au niveau des marchés c’est-à dire lors des échanges. En effet
les instruments sont sélectionnés en fonction des états de la nature de
l’économie. Ils dépendent de la phase cyclique de l’économie – essor, reprise ou
déclin- et donc sont mis en œuvre pour la réalisation, par l’ensemble des agents
économiques, d’objectifs bien définis. Mais il s’agit souvent de défaillances
correspondant notamment à la production de biens publics. Toutefois la
régulation2est appréhendée selon des nuances qui convergent cependant vers la
relation Etat –marché. La conception de l’école de la régulation fait allusion à
une forme de gouvernance économique faisant appel à normes de reproduction
de rapports sociaux par rapport à celle souvent usitée dans le sens anglo-saxon
du terme à savoir de règlementation3 corrigeant les défaillances du marché.
Grosso modo la réglementation s’applique ou à des situations d’ordre
conjoncturel, pour les économies avancées, ou d’ordre structurel, comme c’est le
cas la plupart du temps des économies en développement.
1A. Lipietz reconnait à l’Etat une intervention économique séculaire et une autre
conjoncturelle (1986). 2 Chevallier Jacques,« L'état régulateur », Revue française d'administration publique, 2004/3
no111, p. 473-482 3 Cornelia Woll RÉGULATION in Laurie Boussaguet étal. Dictionnaire des politiques
publiques Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), Références 2014 pages 562 à 568.
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Néanmoins avec le développement des exigences sociales, conditionnées par
une croissance économique plus ou moins inclusive, les pouvoirs publics se
voient attribuer des fonctions aux fins d’assurer la cohésion, la stabilité et la
promotion sociales. Les revendications se manifestent dans le sens de
l’amélioration des conditions de vie et de travail. Elles s’appuient sur les règles
de la solidarité générée par l’instauration de l’impôt et des principes de la
cotisation. Par conséquent à l’Etat échoit un revenu qu’il s’attache à employer,
pour partie, dans la satisfaction des besoins sociaux. Ainsi doté, fait plus que
réguler le marché, l’Etat possède la latitude d’intervenir pour stabiliser,
sécuriser, protéger et offrir revenus et biens privatifs- pour prémunir contre
risques et précarité- à des catégories de personnes prédéterminées. Cette
dernière intervention est bien élaborée selon programmes et projets fixés. Pour
ce faire l’acteur public mobilise les moyens de financement tout en sélectionnant
les instruments de la réalisation de sa politique. Ces actions font l’économie
sociale et particularise la politique sociale.
I- Champ de la politique sociale:
Généralement, par référence aux analyses de Musgrave (1959), l’intervention
publique mise sur les stabilités économiques et sociales. A ces fins, elle met en
œuvre plusieurs instruments pour moduler les comportements des agents
économiques selon les objectifs fixés. Tout comme elle peut offrir directement
biens et services à certaines catégories de la société. En ce sens il est à
distinguer, selon les objectifs de chacune d’entre elles, trois types de politiques
qui peuvent être initiées par l’Etat. Les objectifs, sur chacun des plans
économique - social et même politique, peuvent être structurels, tels
économiques, ou conjoncturels, tels sociaux, et ciblent par conséquent à chaque
fois des catégories économiques ou sociales bien précises. Ces interventions
sont donc des politiques relatives à l’état économique et social. Et c’est cette
relativité temporelle et spatiale qui détermine les cibles et les instruments mis en
œuvre par le type de politique initié.
a- La politique sociale est à distinguer:
Les trois types de politiques, proposées in infra, se rapprochent par le fait
qu’elles se substituent, chacune d’entre elles, dans un pan déterminé, au marché.
Ellesse distinguent, cependant l’une de l’autre, tant par leurs moyens spécifiques
que par leurs objectifs respectifs. Toutefois la politique économique reste la
politique fondamentale, transversale, qui peut être à la base de la réalisation des
objectifs aussi bien économiques que sociaux. Ainsi leur distinction est à opérer
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par rapport à leurs objectifs, à leurs instruments et par rapport au système de
l’allocation marchande. Succinctement et partant de la définition générale d’une
politique comme ensemble de mesures, procédures et instruments mis en œuvre
en vue de rendre certaine la concrétisation des résultats prévus, l’approche
proposée distinguerait entre :
-La politique économique -P.E-(Tinbergen4, 1970) vise tout aussi bien la
croissance économique que la redistribution des revenus. Par le biais de leviers
économiques bien appropriés, tels impôt et taxation, taux d’intérêt…la politique
économique est là pour animer le marché, lui donner vigueur et vitalité aux fins
de recouvrir ses équilibres, orienter la production et le comportement des agents
économiques de manière àcontribuer automatiquement à la réalisation des
objectifs tracés. Elle est fondée donc sur le mécanisme du marché.
-La Politique publique -P.P- (Buchanan5, 1960 –L. Weber
6, 1976 – X.Greffe,
1997) est approchée en termes de dépenses publiques. Elle a pour but d’offrir des
biens publicssocio-économiques. Ceux-ci profiteraient à l’ensemble des membres
de la société. Sous forme de projets publics, couvrant la défaillance du marché,
elle assure l’autonomisation des individus (éducation, santé..), tout en servant les
intérêts de l’entreprise (productivité) et ceux de la société (bien-être).
-La Politique sociale -P.S- (J.B. Say7, 1860 –L. Walras
8, 1896 –X. Greffe,
1985) ne doit en réalité concerner que des groupes cibles définis comme
nécessiteux ou vulnérables à l’occasion Elle s’adresse donc à des ensembles de
personnes qui sont en principe exclus de l’insertion offerte par la politique
économique ou bien l’économique, leur participation aux activités
économiques, ne leur procure tout juste ou pas le strict minimum. Autrement ils
sont ou exclus du marché ou de ses segments inférieurs. Ce type de politique
peut aller donc de pair sinon confondue aussi bien à celle économique qu’à celle
publique.
En effet la politique économique est en elle-même sociale puisqu’elle fait
procurer aux individus des revenus. Et par conséquent ces individus n’auront
besoin ni d’aides ni d’assistance, et peuvent améliorer leurs conditions de vie de
par leurs propres choix. Il est par conséquent à remarquer que toutefois la
politique économique en elle-même est, avant tout, une politique sociale dans la
mesure où ses objectifs premiers sont la recherche des grands équilibres
macroéconomiques et ceux des marchés de manière à préserver l’emploi, la
stabilité et cohésion sociales, le pouvoir d’achat, l’équité sociale en particulier à
travers l’application de l’impôt…
4 Selon qui à chaque objectif il faut assigner un seul instrument.
5 S’intéressa à la ‘’choice public’’ ou théorie de l’offre des biens publics.
6 Pour qui l’économie publique est affaire de dépenses publiques
7 Prôna en son temps la prise en charge momentanée des chômeurs par l’Etat.
8 Pensa à l’économie sociale par le développement des coopératives.
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D’un point de vue méthodologique il est à procéder à cette .exemple la
politique publique est nécessairement génératrice d’emplois et d’infrastructures
sociales. En effet il est difficile d’isoler une politique étatique d’une autre à
partir du moment où l’acteur principal est l’Etat. Lequel, et dont la latitude dans
l’action est limitée, selon un programme déterminé définit et les objectifs et les
instruments. Aussi sérier une typologie de politiques publiques (Casella
Colombeau Sara 2014 ) selon l’effet recherché à savoir la coercition sur le
comportement de l’individu (par les politiques distributives et régulatrices) ou
sur son environnement (par des politiques constitutives et redistributives)9
s’avère un exercice contraignant. Toutefois cette distinction peut être rendue
simple à partir des directions que peut prend l’intervention de l’Etat. En effet ce
dernier agit soit en direction de l’économique, soit dans celle de l’offre des biens
publics ou en direction du ‘’social’’. Ainsi il peut être utile de distinguer entre
politique économique, politique publique et politique sociale de manière à
singulariser cette dernière.
Tableau n°1- politiques et argumentaires.
rubrique
catégorie
bénéficiaires Objectifs Effets directs Moyens
d’allocations des
ressources
instruments
P.E Population
active
Croissance
économique&Inclus
ion
Emploi /revenus Investissements
Impôts
P.P Ensemble
société
Croissance
productivité
autonomisation infrastructures Dépenses
publiques
P.S Groupes cibles Amélioration
Conditions de vie
transferts Caisses, agences Autorisations
Aides &
allocations
La politique sociale donc se distingue par les effets immédiats et des
instruments qui relèvent de la redistribution.
Cependant pour certains auteurs (Louise Carignan, 2009), la politique sociale
peut faire l’objet de quatre catégories de politiques distinctes:
-les politiques sociales globales sont celles qui visent à garantir
collectivement une forme de sécurité contre les risques sociaux liés à la maladie,
9 Casella Colombeau Sara, «Types de politiques publiques», in Laurie Boussaguetet al.,
Dictionnaire des politiques publiques Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) « Références »,
2014 4e éd., p. 657-665.
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à l’invalidité, à la vieillesse, à l’absence de travail ou à des revenus insuffisants
(Sécurité sociale, revenu minimum garanti, assurance chômage).
- les politiques sectorielles se rapportent à l’action par secteur de
manifestation et concerne pour l’essentiel la politique de la santé mentale, du
logement, du décrochage scolaire, etc…
- les politiques catégorielles sont celles établies par catégories de personnes :
enfance, adolescence, vieillesse, victimes de violence,…
Les politiques transversales sont celles qui peu vent croiser, concerner les
secteurs et les catégories: la politique de lutte contre la pauvreté, l’exclusion
sociale, la non-discrimination, etc.
Cette distinction possède l’avantage de normaliser par catégories les
personnes, donc facilite la fixation des objectifs. Elle relève d’une conception
régulationniste dans la mesure où toutes les interventions – d’abord qui se
résument en celle transversale- sont normalisées et catégoriées de manière
permanentes. Cependant ses différentes versions amènent à la confusion. Ainsi
les politiques globales et catégorielles sont quasi identiques puisque repose sur
l’état de la personne tandis que celle sectorielles sont celles qui se rapportent au
caractère conjoncturel ou au cas spécifique. C’est une approche qui ne
s’apparente pas à la conception qui en est faite ici et qui prend le caractère de
prévention et d’assistance à des situations conjoncturelles chômage, détresse,
risque…
b- son contenu :
In finele champ de la politique sociale dépend d’abord de l’ampleur de la
vulnérabilité ou fragilité sociale10
.Deux notions qui ont fait l’objet, même si
usitées sous d’autres vocables tels marginaux- exclus-.., de nombreuses
recherches depuis les années 1950. Toutefois certains auteurs y apportent une
critique quant à leur usage qui n’est pas dénudé d’enjeux politiques ni même
scientifiques (Hélène Thomas, 2008). Et par conséquent pour éviter tout sens
équivoque fragilitéet vulnérabilité sont employées ici pour décrire des états
d’individus ou groupes d’individus nécessitant l’assistance publique pour
diminuer les risques de détérioration de leurs conditions de vie ou de travail.
Donc l’ampleur de ces situations fluctue selon les facteurs les déterminant
notamment ceux économiques. Ainsi plus il y a variété des nécessiteux plus
l’intervention concerne des catégories plus larges. En suite le champ de la prise
en charge du social découle du contenu des autres politiques et primordialement
10
Pour un approfondissement des notions fragilité et vulnérabilité conférer Lenfant Alain,
« De la fragilité de l'enfance à la fragilité sociale », Spécificités 1/2009 (N° 2) , p. 179-186 &
Brodiez-Dolino Axelle, «Vulnérabilités sanitaires et sociales », Le Mouvement Social 1/2013
(n° 242) , p. 3-8
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de la mobilisation, par les pouvoirs publics, des moyens financiers et monétaires
à y affecter. D’où la portée et la signification de la politique sociale qui peuvent
se résumer par celles adoptées par les pouvoirs helvétiques ‘’le concept de
politique sociale couvre toutes les dispositions et mesures qui visent à prévenir,
supprimer ou atténuer les situations de détresse et les problèmes sociaux, au
niveau individuel ou collectif, ou qui cherchent à favoriser le bien-être des
groupes plus fragiles de la société…. Au sens strict, la politique sociale désigne
les mesures qui servent directement à lutter contre la pauvreté ou à la prévenir,
en premier lieu les assurances sociales et l'aide sociale, ainsi que les autres
prestations cantonales sous condition de ressources. Au sens large, d'autres
domaines relèvent également de la politique sociale, tels que la politique du
marché du travail et de l'emploi, la politique de la formation, de la santé, du
logement ou encore la politique fiscale.’’11
En ce sens ses objectifs peuvent être
multiples. Pour l’essentiel la politique sociale renvoie à des théories et
conceptions qui traitent tout aussi bien du welfare que de la justice des
institutions. Elle consiste en la mise en œuvre d’éléments à même d’améliorer
les situations économiques d’individus concernés par ce qui est conçu tour à tour
comme :
1- l’équité sociale (Rawls 2001).Dans ce cas la politique sociale œuvre à
mettre en place des mécanismes appropriés de réaffectation des ressources et
d’allègement de charges pour les nécessiteux à l’exemple de l’impôt graduel. En
Algérie tous les ménages, raccordés aux réseaux d’eau potable, au gaz et
électricité paient les mêmes taux d’impôts et taxes sur consommation, les
mêmes impôts et taxes d’habitation, la même vignette de médicament, le même
impôt sur internet…
2- le développement des capabilités (A.Sen1995). Pour cela l’Etat assure –
généralement formation, éducation -l’offre de conditions idéales afin que tout un
chacun puisse prendre sa propre initiative (être à opérer librement des choix) et
assurer sa position sociale. L’assurance des capabilités12
seraient assimilées à la
justice rawlsienne conséquence d’institutions justes établies par la société.
3- la protection sociale ou l’atténuation de la vulnérabilité des individus et
ménages. Dans ce cas l’action porte, en amont comme en aval, sur l’octroi
d’aides, d’allocations ou subventions ou offre en nature de prestations de
services.
4- l’inclusion économique et sociale. Souvent, comme c’est le cas
actuellement, la croissance n’est pas suffisamment inclusive. Et c’est pour
remédier à cette défaillance du mécanisme auto-redistributif que la politique
sociale tend-par le biais d’octroi de crédits bonifiés ou autres avantages
11
Selon Office fédéral des assurances sociales (OFAS) (Confédération suisse) 12
Pour approfondir voir Valérie Reboud ‘’Approche par les capabilités et développement’’ in
Agence Française de Développement Département de la Recherche 2008.
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financiers..- à rendre l’individu apte à agir dans le sens de la réalisation de la
satisfaction de ses propres besoins.
C’est donc à ce quadruple intérêt, qui converge vers un seul en fait social, que
la politique sociale est à initier. Cen’est rien d’autre que d’assurer l’égalité des
chances et la prise en charge des nécessiteux..Tout cela dépend en fait de la
position sociale et la situation économique des individus et des différents
groupes d’individus.
Ainsi les groupes cibles se relativisent-ils par rapport à l’état économique en
général : période de récession ou de crise le groupe prend de l’ampleur et en
période d’essor inversement il se réduit. Cependant les comportements sont
souvent opportunistes et donc il est à craindre que des non nécessiteux peuvent
le devenir si garde-fous, barrières à l’entrée de cette entité sociale, ne sont pas
érigés. En effet les théories tant des anticipations (M. Friedman, R.Barro,
R.Lucas1970) que celles des incitations (Pratt et Zeckhauser, 1985) révèlent que
les comportements des agents économiques sont toujours rationnels et peuvent
donc ou annihiler les objectifs de toute politique ou opportunistes pour
‘’profiter’’ des avantages qu’elle offre : à l’instar du travailleur au Smig qui peut
devenir chômeur en comparant son salaire à l’allocation chômage !
Etant donnés son champs d’application et ses instruments la politique sociale
est à distinguer, quoique en est affectée, de la politique économique et la
politique publique. Si leurs objectifs sont autres -croissances, impôts, biens
publiques pures …-elles n’ont en pas moins des impact sou direct ou indirects
sur le niveau social à l’exemple des investissements créateurs d’emplois et donc
de la distribution des revenus.
Retenons que: ‘’la politique sociale est un instrument appliqué par des
gouvernements pour réglementer et supplémenter des institutions de marché et
des structures sociales. La politique sociale est souvent définie comme des
services sociaux comme l’instruction, la santé, l’emploi, la sécurité sociale.
Toutefois, la politique sociale concerne également la redistribution, la protection
et la justice sociale. La politique sociale est concertiste par le placement du
peuple au centre de la décision, non pas en fournissant des allocations
résiduaires, mais en prenant en compte de ses besoins et sa voix à travers les
secteurs, générant la stabilité et la cohésion sociales’’13
.
Les deux définitions référencées font de la politique sociale un devoir des
gouvernements à pallier les insuffisances marchandes quant à la distribution et
redistribution en vue de réaliser l’équité sociale.
13
Isabel Ortiz ‘’Cohérence quant à l’équité et instruments mis en œuvre Politique universelle
ou cible ?’’(DAES/ UNDESA)/2007 Politique Sociale/Département des Affaires Economiques
et Sociales/ Nations Unies.
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Il est à remarquer cependant que la politique sociale fut initiée il y a bien
longtemps en particulier dans le monde musulman. Ses principes se consolident
avec l’avènement et le développement des fondements de l’Islam. Ses prémisses
se construisent d’abord sur l’incitation à l’abolition de l’esclavage et à la
libération de l’homme de tout joug, ensuite par l’instauration de la zakat, tant
obligatoire que volontaire, comme fondement du système de solidarité et prise
en charge des plus nécessiteux membres de la société : veuves, orphelins,
infirmes, pauvres, étrangers en désarroi,…
Ainsi en Algérie la politique sociale s’intéresse-t-elle de près à l’offre de soins
de santé publique, d’éducation- formation, d’aides et d’allocations familiales,
chômage , logement-… pour cela tout un mécanisme -ou somme d’instruments-
de protection sociale est mis en place.
En effet la conjugaison des faits économiques, sociaux et politiques ont, après
les deux grands évènements marquants de la dernière décade du siècle passé que
sont l’instabilité politico-sociale et l’ajustement structurel, fait que la situation
générale soit des plus chaotiques en particulier sociale avec un taux de chômage
qui dépassait les 21% aux abords des années 2000, un pouvoir d’achat, de la
majorité de la population, très faible, une pauvreté au seuil critique criarde et
une activité économique atone.
II. Instruments mis en œuvre:
Si toutefois la politique sociale peut se résumer en la réduction de la pauvreté
– voire en son éradication – alors les instruments sont ceux découlant du
mécanisme de la promotion d’une prospérité partagée telle que la prône la
banque mondiale14
(2014). Autrement dit-il s’agit dans ces cas de passer de la
croissance à son large partage incluant des personnes qui n’ont pas participé à sa
réalisation. Cela nécessite l’élaboration de principes devant asseoir cette
politique. Pour l’essentiel ‘’ les principes à partir desquels il est possible de
concevoir et d’organiser une politique sociale peuvent être rangés dans deux
grandes catégories. Dans la première figurent ceux qui gouvernent l’accès aux
prestations et aux services, c’est-à-dire qui renvoient à la question : qui a droit ?
Dans la seconde se trouvent ceux qui gouvernent le financement de ces mêmes
prestations et services, c’est-à-dire qui renvoient à la question : qui paie.’’15
Ainsi est-il question de ciblage des bénéficiaires potentiels et des acteurs
possibles devant intervenir selon des mécanismes bien précis.
a. Définition :
Ces mécanismes sont déterminés à partir des objectifs fixés et des instruments
mis en place pour les réaliser. Il est entendu, souvent, par instruments d’une
politique l’ensemble ‘’des techniques, des moyens d’opérer, des dispositifs...qui 14
Banque mondiale Rapport annuel ‘’pauvreté prospérité’’ 2014 15
Borgetto Michel,« Sur quels principes bâtir une politique sociale ? » Petit inventaire des
choix possibles, Informations sociales, 2010/1 n° 157, p. 10-16.
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permettent de matérialiser et d’opérationnaliser l’action
gouvernementale.’’16
L’intervention de l’Etat use donc de recours et procédés
bien appropriés en puisant sur un panel de moyens juridiques, économiques,
politiques… ainsi ces instruments sont-ils d’ordre ‘’législatif et réglementaire,
économique et fiscal, conventionnel et incitatif, informatif et
communicationnel’’17
. La sélection d’un ensemble d’instruments, combinant le
plus souvent entre les différents domaines, s’effectue en fonction de
l’importance des effets que vont générer ces instruments.
Aussi la politique sociale va-t-elle se concrétiser par la mise en œuvre de
mécanismes à même de procéder aux transferts de revenus spécifiques. Ces
mécanismes ont pour pivots des instruments sélectionnés par les pouvoirs
publics selon la politique générale prônée. Pour être précis ‘’un instrument
d’action publique constitue un dispositif à la fois technique et social qui organise
des rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires
en fonction des représentations et des significations dont il est porteur’’18
. Les
outils et techniques de la politique sociale sont constitués pour l’essentiel
d’allocations directes et transferts, mais aussi d‘instruments d’inclusion et
d’insertion sociale. Les mécanismes et techniques d’acheminement vers leurs
destinataires sont directs et indirects, d’ordre institutionnel, économique et
financier telle baisse ou disparition des impôts, soutien des prix de certains
biens, ou leur offre directe (couffin ramadan, médicament, transport..)
b. Les transferts :
Ce sont des sources de revenus destinées à venir en aide aux ménages à bas
revenus et personnes démunis. Le dispositif est de type transferts sociaux. En
général toute politique sociale repose sur la jonction de deux types de transferts
sociaux. Il s’agit en l’occurrence et tels que les distinguent différemment les
décideurs:
-ou de transferts ‘’non conditionnels’’, tels les handicaps, et ceux
‘’conditionnels’’ inhérents à la fois à l’existence du bien dispensé et à la
présence de la caractéristique nécessiteux de l’individu, telles les différentes
allocations...
- ou de transferts de la prise en charge momentanée et celle de longue durée.
Dans le cas algérien ces transferts, de type conditionnel et non conditionnel,
se déclinent en termes de :
-allocation et aides monétaires,
16
Lascoumes Pierre et Le Galès Patrick,« Introduction : L'action publique saisie par ses
instruments », in Pierre.
Lascoumes et Patrick Le Gal, Gouverner par les instruments Presses de Sciences Po
(P.F.N.S.P.)«Académique», 2005 p. 11-44. 17
idem 18
idem
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-soutien et administration des prix de certains biens dits nécessaires, ou
médicaments…
-offre de services spécifiques (cures thermales, kinés…) ou ceux destinés à
l’autonomisation de l’individu tels que : éducation, santé, transport, logement.
Plus précisément selon le ministère de la solidarité, investi du fonds spécial
de solidarité national -fixé par décret exécutif n°94-310 du 8 octobre 1994- les
transferts prennent la voie du filet social. Les conditionnalités sont en fait liées
aux personnes cibles dont le détail des différents bénéficiaires est listé comme
suit : handicapés, enfants privés de familles et enfants assistés, personnes sans
revenu et démunies, prise en charge des femmes en difficultés sociales,
personnes âgées dépourvues de ressources, personnes handicapées, jeunes en
danger moral, citoyens vivants dans les zones enclavées ou déshéritées.
Les aides sont pour l’essentiel dispensées par:
1- Le Fonds Spécial de Solidarité National (1994) qui octroie des aides:
- aux élèves handicapés et démunis pour acquisition de fournitures scolaires,
opérations vacances et plan bleu, transport scolaire, acquisition d’équipements;
-aux malades, transport, aides humanitaires (achat médicaments…)
acquisition d’ambulances,
-de solidarité proprement dite ou solidarité communautaire :réalisations des
maisons des associations, opération solidarité ramadhan, financement des projets
de lutte contre la pauvreté, opérations de séjours de solidarité au profit des
personnes âgées.
2- Les agences de l’insertion :
-ADS, dès 1996, dispense des allocations au titre du filet social, les dispositifs
AFS et IAIG ainsi que du développement participatif ou développement
communautaire.
-DAIS, PID, Blanche Algérie et TUP-HIMO pour promouvoir l’insertion
socio- professionnelle.
3- Le gouvernement : il s’agit dans ce cas des aides octroyés dans le cadre
d’accès à biens spécifiques tel logement et habitat, crédit de financement de
projet d’entreprise ou encore, soutien aux biens de premières nécessités…. qui
relèvent de la politique générale gouvernementale et non du seul ministère de la
solidarité.
Les dispositifs ainsi mis en place sont destinés, pour le moins, à lutter de
manière générale contre la pauvreté. Celle-ci ayant plusieurs causes les
dispositifs solidarité peuvent être compris comme ceux destinés à réaliser trois
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objectifs à savoir la stabilité sociale, réduire la vulnérabilité des individus ou
groupes d’individus, la promotion sociale des populations cibles...
En matière de vulnérabilité les populations concernées sont les personnes
handicapées, enfants nécessiteux, des personnes sans revenu, des personnes en
difficulté ;
En matière de promotion sociale on peut inclure :
- les programmes de lutte contre le chômage et qui consistent en les
programmes d’insertion pour différents emplois et les dispositifs de création
d’entreprises.
-les programmes de développement communautaire et l’octroi d’aides
monétaires et financières directes aux familles.
Ainsi vulnérabilité, qui apparait comme floue puisque quelle différence peut
–on opérer entre personnes nécessiteuses – sans revenu, sans ressources ou en
difficulté.., et promotion sociale, qui va de la recherche de travail à l’aide à
l’habitat, constituent-elles les volets fondamentaux de la politique sociale de
cette période de relance. Quant à la stabilité sociale elle fait l’objet de
programmes déplus large portée.
c. Concrètement : quoi, pour qui et par qui ?
La confection du tableau suivant aide à mieux saisir les relations établies entre
objectifs de la politique sociale et ses acteurs que sont les pouvoirs publics
initiateurs et les bénéficiaires en tant que destinataires. Ainsi la colonne
institutions et canaux d’affectation montre l’agent intervenant dans la
concrétisation de la politique sociale. En effet hormis le ministère de la
solidarité il existe bien d’autres organes qui de tout temps opèrent dans le social
tels les établissements publics, les collectivités locales, … peut-on alors
délimiter les rôles et déterminer quel organisme agit pour quel(s) objectifs ? Le
fait est tel que l’on peut considérer que toutes ces institutions administratives
peuvent concourir et œuvrer dans le sens des trois catégories d’objectifs.
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Tableau n°2- les relations objectifs - acteurs.
Qui ?
Institutions et Canaux d’affectation
Quoi ?
Objectifs visés
Pour qui ?
bénéficiaires
1 Ministères -A-
STABILITE
a) entière société
2 Collectivités locales
3 Etablissements publics -B-
VULNERABILITE
b) enfance
c) jeunes en danger moral
d) personnes âgées
4 ADS e) handicapés
5 Agences, Caisses nationales,
et fonds ANSEJ, CNAC, ADS,
ANGEM
g) femmes en difficultés
sociales
6 Agences privées (promoteurs) -C-
PROMOTIONS
h) ménages
7 Associations i) associations
La stabilité, état économique et social évoluant sans perturbations et donc
conditionné par l’équité, peut être considérée comme le résultat de toute action
visant à offrir des biens économiques, financiers, monétaires, ou avantages à des
ensembles d’individus de la société dans le sens d’atténuer les écarts dans le
standing de vie (soutien des prix de base, de consommation…).
Tandis que la vulnérabilité est la situation, critique et précaire de personnes
démunies, située juste à la limite du minimum de conditions de vie. Elle
nécessite l’intervention directe des canaux d’affectation et d’allocation des
ressources déterminées en volume et en montant.
Et la promotion sociale est la conséquence de toute action contribuant à
l’amélioration des états économique et sociaux par l’offre de biens, d’avantages
monétaires et financiers, de postes de travail à des catégories de personnes
données.
Où placer les chômeurs en particulier jeunes ? Est-ce un problème de stabilité,
de vulnérabilité ou de promotion ?
Ainsi la politique sociale, depuis l’année 2000, consiste-elle en la mise en
place d’une série de dispositifs d’encouragement à l’insertion professionnelle et
à la création d’emplois, notamment par le programme d’insertion sociale des
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jeunes diplômés(PID), le dispositif d’activités d’insertion sociale (DAIS) et le
dispositif du micro-crédit pour les activités artisanales et les très petites
entreprises (TPE).
La mise en œuvre de cette politique est confiée au Ministère de solidarité
Nationale, de la famille et de la condition de la femme, et aux deux Agences
sous tutelle, l’agence de développement social (ADS) et l’agence nationale de
gestion de micro-crédit (ANGEM).
Peut-on dissocier les montants alloués à chacun des objectifs ?
Selon les publications du ministère de la S.N.F.C.F, dans son rapport période
1999/2013, il ressort que :
-le budget alloué aux enfants handicapés scolarisés (2013) au nombre de
18846 est de10milliards de DA soit 530600 DA/personne.
- les aides financières au titre du FSSN-fonds spécial solidarité nationale- ont
évolué pour la période 2010/2013 ainsi :
Tableau N°3: les aides financières au titre du FSSN (Unité : Milliards de DA)
.
Soit un cumul de 19.32 milliards de DA soit l’équivalent 1073333
mensualités à Smig 18000DA ou 89444 ans ou encore 8944 personnes
travaillant chacune pendant 10 années à ce taux de salaire.
-Les allocations au titre du filet social, concernant l’AFS et l’IAIDG d’une
part et l’insertion socioprofessionnelle d’autre part, distribuées par l’ADS ont
évolué comme suit :
2010 2011 2012 2013
05 5.4 6.12 2.8
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Tableau N°4: Les allocations au titre du filet social (Unité : Milliards de DA) Programme 1999 2013* Ecart 2013/1999 Taux
d’évolution
2013/1999
Aide et développement
social (AFS, IAIG,DEV-
COM)
12,861 36,980 + 24,118 + 187,5 %
Insertion
socioprofessionnelle
(TUP-HIMO, BA, PID,
DAIS)
9,091 77,411 + 68,320 + 751,5%
Total 21,952 114,390 + 92,438 + 421,1 %
*L’IAIG a été fusionné avec le DAIS, le 22- 02-2011 ; AFS : Allocation
forfaitaire de solidarité ; IAIG : Indemnité pour activité d’intérêt général, BA à
partir de mars 2005 Source : ministère de la SNFCF décembre 2013.
Avec un indice des prix à la consommation alimentaire de l’ordre de 1.87
base 2000 l’évolution en volume des allocations en 2013 n’est en fait que de 61
milliards seulement d’où un différentiel de progression de 39 milliards dont une
part importante (74%) est accordée à l’emploi temporaire et pour 26%
seulement à l’aide et au développement social.
-le dispositif de microcrédit, sous contrôle de l’ANGEME, a intéressé 562000
personnes pour un montant de 54 milliards DA étalés sur 10 années.
Ainsi les allocations AFS ont bénéficié à des personnes âgées pour 46,4%,
des personnes handicapées pour 33,3%, des personnes incurables âgées de plus
de 18 ans pour 11,3% et des femmes divorcées ou veuves chefs de familles pour
9,00%.
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Graphique N°1 -Répartition des bénéficiaires de l’AFS.
Source : Publication du Ministère de la solidarité nationale, de la famille et de la
condition de la femme, Décembre 2013.
Tandis que l’IAIG a concerné beaucoup plus les chefs de familles (67,6%)
dont des jeunes âgés entre 18 ans et 40 ans pour 65,7%.
Tableau N°5 -Répartition des bénéficiaires de l’IAIG par tranche d’âge.
Age Répartition des bénéficiaires de l’IAIG par tranche d’âge
18-25 ans 17,8%
26-30 ans 20,9%
31-40 ans 27,0%
41-50 ans 20,4%
51-60 ans 11,7%
Plus de 60 ans 2,2%
Source : Evolution du secteur de la solidarité nationale (1999-2013), Ministère de
la solidarité nationale, de la famille et de la condition de la femme, Décembre 2013.
Au total donc ce sont des dizaines de milliards de dinars algériens (DA) qui
sont alloués à environ un million de personnes.
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III. Cohérences :
La cohérence dans le montage des projets établit, dans l’espace et dans le
temps, une relation logique et sans équivoque entre ressources et objectifs. Elle
signifie le respect total de l’hypothèse ayant amené la décision initiale ayant
généré le projet mis en œuvre. Elle suppose donc l’inexistence de facteurs ou de
déterminants contraires au sein d’une même unité, même organisation19
.
Appliquer à la politique sociale la cohérence consiste à rapprocher la production
de l’effet des ressources allouées aux objectifs visés. Autrement dit examiner la
cohérence de la politique sociale revient à l’interpréter par rapport à sa portée et
par rapport à son inscription spatio-temporelle. Ainsi la politique sociale peut
être interprétée sous l’angle de l’optimalité parétienne (1896).Quoique celle –ci
relève de l’apanage du marché avec ses trois niveaux d’optimum il n’en
demeure pas moins que c’est un projet nécessitant l’allocation de ressources.
Rappelons qu’un optimum est une situation économique- et aussi sociale- où
l’on (l’Etat entre autre) ne peut améliorer la situation (économique et/ou sociale)
d’un individu ou d’un groupe d’individus sans en détériorer la situation des
autres individus ou groupes d’individus. Comme l’intervention publique est très
souvent problématique- il n’y a pas que des gagnants, il y a aussi des perdants
ou à la limite un statu quo pour certains- l’argument avancé dans de tels cas est
l’existence de la possibilité de compensation (Kaldor et Hicks 1936) laquelle
cependant, elle aussi, n’est pas exempte de paradoxes (Scitovsky, 1941).
C’est parce que la politique sociale poursuit des objectifs aussi différents,
lutte contre la vulnérabilité – assurer stabilité et cohésion que promotion sociales
- que des conflits d’intérêts entre objectifs en particulier peuvent apparaitre.
Aussi l’incohérence peut-elle entacher l’octroi des allocations. En ce sens ‘’ces
problèmes de cohérence et de conflits d’objectifs se sont d’ailleurs renforcés
avec l’élargissement très net de la panoplie des instruments de soutien aux bas…
qu’ils aient eu pour objectif d’ouvrir l’accès à l’emploi ou de contribuer plus
directement à leurs ressources par des revenus de transferts’’20
. Par conséquent
plus l’action publique se développe plus les outils se multiplient et plus
l’incohérence et conflits règnent au niveau des bénéficiaires, au niveau de la
société et à celui des acteurs décideurs.
Donc la cohérence de la politique sociale consiste à l’examiner par rapport
aux groupes cibles des personnes nécessiteuses, ou démunies, ou en difficultés,
âgées, handicapées, sans revenus. Il s’agit de rendre intelligibles des qualificatifs
qui peuvent être flous…
19
V. Giard ‘’on peut définir la cohérence décisionnelle comme le résultat de prises de
décisions s’appuyant sur le même ensemble d’hypothèses et de règles d’évaluation et de
décision, permettant d’assurer l’allocation optimale des ressources (efficience), conformément
aux objectifs de l’organisation (efficacité)’’..in ‘’cohérence décisionnelle’’ 2004/1 lamsade
. dauphine/Univ. Paris Dauphine 20
Fougère Denis et al., « Introduction » in Revue économique, 2002/6 Vol. 53, p. 1111-1126.
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Deux types de cohérence peuvent être considérés. D’une part une cohérence
interne qui consiste à examiner l’élaboration et le montage même de la politique
sociale. Il s’agit des principes de cette politique et des instruments qui en sont
sélectionnés.
D’autre part une cohérence externe qui consiste à considérer la politique
sociale dans le contexte global, général de l’état économique du pays.
Appréhender la sphère sociale dans son rapport avec la sphère économique et en
même temps avec la sphère de la politique publique : à titre d’exemple l’école
publique est gratuite sur laquelle viennent se greffer d’autres d’aides lesquelles
par exemple se rajoutent à d’autres allocations familiales et prime de scolarité ou
subventions du livre, du transport?
a. Cohérence interne:
Bien que les objectifs et les populations cibles soient distincts et déterminés
les canaux offerts œuvrent ensemble dans la réalisation des trois objectif supra
déterminés, or d’après Tinbergen par exemple (un instrument pour chaque
objectif), ou bien d’après l’approche BIT travail décent, versionune vie décente,
la politique sociale ne peut intervenir à tous les niveaux. Ainsi pour la promotion
sociale ou économique il existe bien un marché dont il faut saisir les
opportunités d’autant que les objectives autonomisations par l’éducation,
santé… sont réalisées à plus de 90% en Algérie. C’est ainsi que les aides et
transfert aux ménages atteignent 230 milliards de dinars par an sur la période
1999-2012, alors que les aides implicites, celles non budgétisées, représentent
17% du PIB en 2010, soit le montant de 800 milliards de dinars répartit en 150
milliards pour l’électricité et 650 milliards pour le carburant, ainsi les aides pour
l’entière société sont supérieure aux aides accordés aux nécessiteux .
Ainsi et au contraire des autres politiques la politique sociale, stricto sensu,
cible des catégories ou groupes d’individus qualifiés de vulnérables. Et en ce
sens elle ne doit concerner que les transferts sociaux.
Leur acheminement à destination peut prendre plusieurs formes, monétaires
ou en nature, et emprunter plusieurs voies offertes directement ou par le marché
par l’intermédiaire d’entreprises privées. Par ailleurs il se peut que plusieurs
caisses ciblent le même groupe…
b. Cohérence externe:
La politique économique dite de relance offre de multiples opportunités
d’inclusion. En effet les projets publics et l’incitation et la motivation
d’entreprendre créent de l’emploi et donc procèdent à de la distribution de
revenus.
Aussi est-il constaté que plus le volume de l’investissement, le taux de
croissance économique, des aides et subventions accordées aux entreprises, le
recul de la pauvreté- pib/hab –le parc automobile tout comme le parc logement
et habitat, valorisation des pensions et taux de salaire (Smig),augmentent plus le
champ de la politique sociale s’élargit !
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Des phénomènes contradictoires voient ainsi le jour.
En outre l’économie informelle est bien une réalité. Et donc des revenus
informels sont obtenus.
Et donc d’un point de vue cohérence il est à examiner les incidences d’une
part des investissements et des crédits sur le social et d’autre part les incidences
de l’action sociale publique- se soldant par des sommes importantes accordées
sans contrepartie- sur l’économique comme par exemple les prix et l’inflation ou
encore la structure de la demande des ménages et donc l’interaction des deux
phénomènes sur le pouvoir d’achat en tant que objectif premier des politiques
économique et sociale.
Les actions discriminantes créent des avantages non nécessaires qui
pervertissent les comportements : allocations équivalentes ou supérieures au
Smig : démotiver à la recherche de l’emploi. Il existe bien un marché financier
pour contracter emprunt et crédit, un marché du logement, un marché du
travail.. qui offrent bien des services et biens.
D’autres incompatibilités entre économique social sont à appréhendées. Ainsi
la politique sociale est prônée sans considération, des plans de développement
communautaires, ni des instruments de la politique économique tel l’impôt. En
effet biens des allocations ont accordées mais peuvent être érodées par l’impôt ou
la restriction, par système de paliers ou de tranches qui font doubler ou quadrupler
le prix, en matière de consommation de biens primordiaux à l’exemple des taxes ,
impôts et timbres sur l’eau, l’électricité, le gaz, le livre, certains médicaments qui
au titre des OMD font partie du social… l’on assiste donc à l’octroi d’aides et
allocations d’un côté et de la forte imposition fiscale de l’autre.
A priori les contradictions évidentes battent leur plein. Plus il y a progression
de l’emploi, en effet le taux de chômage diminue de 21% en 2000 à moins de
9% en 2014, plus l’assistance publique et les aides sociales deviennent
importantes. Les aides sont, en moyenne annuelle durant cette période, de 240
milliards de dinars. Autrement dit il y a bipolarité de la politique
gouvernementale : un pôle qui s’occupe de l’emploi et l’autre qui s’affaire aux
aides sans concertation ni confrontation des statistiques et données et des
incidences mutuelles des interventions sectorielles et de leur synergie à l’échelle
globale. L’étude transversale, ainsi que celle intergénérationnelle ou de
développement durable, sont ainsi éludées.
Cependant au regard des dépenses de consommation des ménages il s’avère
que les algériens dépensent beaucoup plus pour la nourriture (42 %) et très peu
pour l’éducation, la culture et les loisirs (3%). Ainsi aux termes du théorème ou
loi de Giffen – Engel (1880), ou selon la pyramide de Maslow (1943),
l’ensemble des ménages disposent, de manière homogène, de bas revenus dont
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presque la moitié de leurs dépenses est consacrée à l’achat de biens
alimentaires… Par conséquent la politique sociale doit être minutieuse afin
d’éviter les discriminations, distorsions ou réactions inattendues.
Cette même appréhension est confirmée par la structure des dépenses selon
les déciles au niveau national. En effet la même source de référence fait état
d’une même structure de dépenses touchant de manière quasi-homogène
l’ensemble des déciles avec des écarts très réduits exception faite du dernier
décile avec un écart assez significatif par rapport au premier décile. Ce qui peut
signifier que les comportements en matière de consommation sont identiques
pour l’ensemble des ménages (pauvres, moyens ou aisés) et donc ces mêmes
ménages connaissent les mêmes contraintes en matière de revenus ou de prix.
Les biens alimentaires sont à prix élevés. Viennent ensuite les charges de
l’habitat, avec ce qu’elles incorporent comme taxes et impôts, au second rang.
Ainsi politique sociale est intimement liée à la politique économique d’où la
sélection très appropriée et très adéquate en matière de choix de leurs
instruments respectifs.
Tableau N°6 - Répartition et structure des dépenses totales annuelles des
ménages selon la dispersion et les groupes de produits (Unité : milliards de DA) Dispersion Urbain Rural Ensemble
Groupes de
produits
Valeur % Valeur % Valeur %
Alimentation &
boissons
1 281,1 40,1 594,3 45,9 1 875,3 41,8
Habillement &
chaussures
261,9 8,2 101,6 7,8 363,5 8,1
Logements &
charges
703,9 22,0 211,7 16,3 915,5 20,4
Meubles & articles
ménagers
90,1 2,8 32,1 2,5 122,2 2,7
Santé & hygiène
corporelle
158,2 5,0 55,9 4,3 214,2 4,8
Transport &
communications
366,8 11,5 173,2 13,4 540,0 12,0
Education, culture
& loisirs
113,6 3,6 29,1 2,2 142,7 3,2
Produits divers &
autres dépenses
218,5 6,8 97,5 7,5 316,1 7,0
Ensemble 3 194,1 100 1 295,4 100 4 489,5 100
Source: Premiers résultats de l’Enquête Nationale sur les Dépenses de
Consommation et le Niveau de Vie des Ménages 2011/ONS.
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Graphique N°2.
Tableau N°7 - Structure des dépenses globales par groupes de produits, déciles et dispersion national Groupes
de produits/ Décile
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 ensemble
Alimentation
& boissons
54.1 53.3 52.4 50.7 49.1 46.7 45.5 44.2 39.6 28.1 41.8
Habillement
& chaussures
7.5 7.8 8.5 8.6 8.9 8.8 9.0 8.3 8.6 6.8 8.1
Logements
& charges
20.3 19.2 18.7 20.0 20.5 22.0 21.7 21.7 22.01 18.5 20.4
Meubles &
articles ménagers
1.8 1.7 1.9 2.1 2.2 2.3 2.9 2.9 3.4 3.1 2.7
Santé &
hygiène
corporelle
3.7 4.3 4.8 5.0 4.7 5.1 5.2 5.1 5.1 4.3 4.8
Transport &
communications
6.3 6.5 6.5 6.6 6.5 7.3 7.5 8.3 10.5 24.0 12.0
Education,
culture & loisirs
2.3 2.4 2.5 2.5 2.7 2.8 2.9 3.2 3.7 3.8 3.2
Produits divers
& autres dépenses
4.0 4.7 4.6 4.5 5.3 5.0 5.4 6.2 7.0 11.3 7.0
Ensemble 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100
Source : Premiers résultats de l’Enquête Nationale sur les Dépenses de
Consommation et le Niveau de Vie des Ménages 2011/ONS
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Conclusion :
Ni le montage ni le contrôle de la politique sociale ne sont des opérations
aisées.
Dans tous les cas les effets sont saisis en termes de bien être (amélioration des
situations d’individus) ou en termes de réduction des charges publiques (moins
de dépenses publiques) ou d’optimalité des ressources employées (utilité
marginale égalise le coût marginal). L’importance des effets apparait aussi au
niveau de la synergie que créent ces instruments et au niveau de l’annihilation
de toute incohérence entre eux et de ses conséquences sur les objectifs visés.
Aussi les aides et subventions accordées auront-elles besoin de stabilisateurs de
prix, des impôts ou autre variable économique de manière à ce que les buts
attendus soient réalisés sans discrimination ni pénalité entre bénéficiaires par
exemple ruraux et urbains.. Autrement dit sélectionner une procédure ou
technique donnée suppose l’existence, ou la sélection en même temps, d’une
procédure ou technique qui mènerait à la réalisation de l’objectif pour lequel elle
a été initiée.
Trop d’instruments d’interventions sociales amènent à l’apparition de faits
contraires et donc de l’incohérence de la politique d’aide et de promotion
sociale.
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Bibliographie:
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