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Les pièges de l’autoimmunité
Service de Médecine Interne, hôpital Cochin,
Centre de Référence Vascularites nécrosantes et sclérodermie systémique
Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Paris
Université Paris Descartes, Inserm U1016, Institut Cochin, Paris
Luc Mouthon
Uth rs
DHU
Conflits d’intérêts
Aucun pour cette présentation
Plan
• Maladies auto-immunes: définition
• Ac anti-nucléaires
• Vascularites
• ANCA
Maladie auto-immune: définition
• Les maladies auto-immunes sont dues à une hyperactivité du
système immunitaire à l'encontre de substances ou de tissus qui
sont normalement présents dans l‘organisme.
• Parmi ces maladies on trouve la sclérose en plaques, le diabète
de type 1 (jadis appelé « diabète juvénile » ou « diabète insulino-
dépendant »), le lupus systémique, les thyroïdites auto-immunes,
la polyarthrite rhumatoïde, etc….
Criteria for the definition of autoimmune diseases
Direct evidence
Direct transfert of the disease from human to human or
from a human to an animal (the recipient’s immune system must be
functional).
Indirect evidence
Animal models identical or very close to disease
manifestations observed in humans.
Circumstantial evidence
Clinical or experimental data underlying the autoimmune
nature of a disease in the absence of definite proof
(characterization of an antigen specific autoimmune
reaction, activation of T lymphocytes in culture in the
presence of an autoantigen).
Rose NR, Bona C. Immunol Today 1993;14(9):426-30
Exemple de maladies autoimmunes ayant été
transférées d’un individu à un autre
Maladies Mécanismes
impliqués Donneurs Receveurs
Méthode de
transfert
PTI Autoanticorps homme homme perfusion de sérum
Maladie de Basedow,
Myasthénie aiguë
Pemphigus vulgaire
PTI
Polyangéite
microscopique
Autoanticorps mère foetus trans-placentaire
Pemphigus vulgaire,
Pemphigoïde
bulleuse
Autoanticorps homme animal perfusion de sérum
PTI
Thyroïdite de
Hashimoto
Myasthénie aiguë
Diabète de type I
lymphocytes
autoréactifs homme homme
allogreffe de
moelle osseuse
PTI : purpura thrombopénique autoimmun
Anticorps anti-nucléaires
•Titre: ≥ 1/160
•Répartition:
homogène
mouchetée
nucléolaire
centromérique
Anticorps anti-nucléaires
Message 1. Pas de corrélation entre le titre des
AAN et la sévérité de la maladie (lupus
érythémateux systémique)
Cellule Hep-2
Anticorps
anti-
nucléaires
Anticorps
Conjugué FITC
Anticorps anti-nucléaires
IFI: sensibilité = 100 %; spécificité: 86 %.
Anticorps anti-nucléaires
Fluorescence homogène mouchetée
Spécificité des anticorps anti-nucléaires en
fonction de l’aspect de la fluorescence
Aspect de la fluorescence
Orientation de la spécificité
antigénique
Homogène renforcement
périphérique
Anti-ADN natif
Anti-nucléosome
Moucheté
Anti-antigènes nucléaires
solubles (Ro, La, Sm, U1-
RNP, Scl70, …)
Centromérique
Anti-protéines
centromériques
Nucléolaire
Anti-fibrillarine
Anti-PM-Scl
Autres (Th/To, U3-RNP, …)
Message 2. Les aspects en IFI manquent de spécificité,
chavauchement entre les différents aspects de fluorescence
Situations cliniques justifiant
la recherche d’AAN (1)
Polyarthrite
Eruption cutanée (LED ou dermatomyosite)
Ulcérations buccales récidivantes
Pleuro-péricardite
Cytopénies auto-immunes
Syndrome thrombotique inexpliqué (SAPL ?)
Manifestations psychiatriques, neurologiques
inexpliquées
Myosite inflammatoire
Terrier B, Mouthon L 2006. Livre de l’interne en Médecine Interne
Situations cliniques justifiant
la recherche d’AAN (2)
Pneumopathie interstitielle inexpliquée
Hémorragie intra-alvéolaire
Hypertension artérielle pulmonaire
Syndrome de Raynaud suspect
Sclérose cutanée
Syndrome sec inexpliqué
Suspicion de vascularite systémique
Néphropathie glomérulaire
Microangiopathie thrombotique
Terrier B, Mouthon L 2006. Livre de l’interne en Médecine Interne
Message 3. Limiter la prescription des AAN
Maladies systémiques associées
à la mise en évidence d’AAN
Fréquence (%)
Lupus érythémateux disséminé
95-100
Lupus discoïde
5-50
Lupus induit
< 50
Sclérodermie systémique
90
Syndrome de Sjögren
> 95
SHARP (connectivite mixte)
95-100
Polyarthrite rhumatoïde
40
Maladie de Still
15-30
Myosites inflammatoires
20-40
Cirrhose biliaire primitive
95-100
Périartérite noueuse
15-25
Habash-Bseiso, Clin Med Res 2005
Sensibilité et spécificité des anticorps anti-
nucléaires au cours de certaines connectivites
Message 4. Faible spécificité des AAN au cours
des connectivites
Situations cliniques pouvant être
associées à la détection d’AAN
Infections chroniques (hépatites virales (VHC), infection
VIH, endocardite d’Osler)
Mononucléose infectieuse
Tumeur solide
Hémopathies lymphoïdes
Médicaments (béta-bloquants, quinine, procaïnamide, D-
pénicillamine, hydralazine, méthyldopa, mynocycline,
infliximab, …)
Grossesse
Sujet âgé
Sujet sain
Message 5. Interpréter les AAN en fonction de
l’âge
Ac anti-centromère
Sensibilité et spécificité des
anticorps anti-nucléaires
Habash-Bseiso, Clin Med Res 2005
Message 6. Anticorps anti-centromères
très spécifiques de la sclérodermie
systémique et critère diagnostique
Anti-centromere
Anti-DNA topoisomerase I
Anti-RNA-polymerase I, II, III
Scleroderma: anti-nuclear antibodies
Limited Diffuse
Skin thickness Normal Maximum
Conduite à tenir devant la mise en
évidence d’AAN
Anticorps anti-ADN natif
Chritidia luciliae
Anti-ADN natif
Ne faire les anti-ADN et anti-ECT que lorsque les AAN sont
positifs (sauf exception)
Interprétation du résultat des anti-ADN en fonction de la
technique et du contexte clinique (Chritidia luciliae, Test de
Farr*, ELISA « maison »)
Seules les IgG anti-ADN ont une valeur diagnostique
Titre des anti-ADN: marqueur d’activité du LED
L’absence d’anti-ADN n’élimine pas le diagnostic de LED
(faible valeur prédictive négative).
•Rash malaire
•Lupus discoïde
•Photosensibilité
•Ulcérations orales ou naso-pharyngées
•Arthrite non érosive ≥ 2 articulations périphériques
•Pleurésie ou péricardite
•Protéinurie ≥ 0,5 g/j ou cylindrurie
•Convulsions ou psychose
•Anémie hémolytique ou
Leucopénie < 4000/µl à 2 reprises ou
Lymphopénie < 1500/µl à 2 reprises ou
Thrombopénie < 100000/µl
•Cellules LE ou
Anticorps anti-ADN natif ou Anti-Sm ou sérologie
syphillitique dissociée à 2 reprises en 6 mois
•AAN à un titre anormal en l ’absence de drogues
inductrices
Critères de classification du LES (ARA 1982)
Ac anti-ADN natif : messages
Message 6 : interprétation du résultat des anti-ADN
en fonction de la technique et du contexte clinique
Message 7 : Anti-ADN et anti-nucléosome,
marqueurs d’activité du LED
Message 8. Ne faire les anti-ADN et anti-ECT que
lorsque les AAN sont positifs (sauf exception)
Anti-Nucléosome
Ac anti-nucléosome n’apportent pas d’information supplémentaire par rapport aux anti-ADN natif lorsque le LED est connu (Gonzalez C Clin Chem Lab med 2004;
Julkunen H Scand J Rheum 2005)
Intérêt diagnostique et pour l’évaluation de l’activité de la maladie au cours du LED en cas de négativité des anti-ADN (Simon JA, Rheumatology 2004)
Connectivites associées aux
différents types d’AAN
Type d’AAN
Connectivites associées
Anti-ADN natifs
LED
Anti-nucléosomes
LED
Anti-SSA (Ro)
LED, Lupus cutané subaigu, BAVc
Anti-SSB (La)
LED, SS, BAVc
Anti-Sm
LED
Anti-PCNA
LED
Anti-U1-RNP
LED, Connectivite mixte
Anti-Scl70 (Topoisomérase 1)
ScS diffuse
Anti-centromères
ScS cutanée limitée
Anti-Jo1, PL-7, PL-12, EJ, OJ
Syndrome des anti-synthétases
Anti-PM-Scl
Myosites
Ac anti-antigènes nucléaires solubles
Diffusion en gélose Dot blot
Té
mo
in p
ositif
Té
mo
in n
ég
atif
Pa
tie
nt 1
Pa
tie
nt 2
Pa
tie
nt 3
Photographie Dr B. Weill
Diffusion en gélose (Outcherlony)
ELISA
Contre-immuno électrophorèse
Dot blot
Sensibilité et spécificité des
anticorps anti-nucléaires
Habash-Bseiso, Clin Med Res 2005
Message 9 : anti-antigène nucléaire soluble: forte
spécificité au cours des collagénoses
Suivi évolutif des AAN
AAN > 1 mois
Anti-ADN > mois
Anti-ECT > 3 mois
Message 10 : limiter la répétition des AAN et
anti-ECT dans le temps
Groupe Autoimmunité, AP-HP
Vascularites
Femme de 47ans (I)
Pas d’antécédent contributif
Depuis 15 jours asthénie, décalage thermique à 38°C
Il y 8 jours apparition de lésions purpuriques des membres inférieurs
Depuis 5 jours douleurs très intenses membre supérieur droit, territoire cubital
CRP 23 mg/l
Biologie standard normale
Sédiment urinaire normal
ANCA négatifs
Biopsie: vascularite leucocytoclasique
Examen clinique: en plus des lésions purpuriques des membres inférieurs, deux
lésions purpuriques de la face externe du 5ème doigt de la main gauche.
Diagnostic étiologique ?
Femme de 47ans (II)
PCR parvovirus B19 positive (> 5 logs)
Traitement: immunoglobulines intraveineuses
VIRUS-ASSOCIATED VASCULITIDES
- HBV responsible for a large number of
PAN
- HCV responsible for a large number of
mixed cryoglobulinemia
- HIV is the etiologic agent of rare cases of
vasculitides
- Parvovirus B19, EBV can also be
responsible for rare cases of vasculitides
Homme de 52 ans (I)
Altération de l’état général fébrile
Arthralgies, myalgies
Syndrome inflammatoire
Hématurie microscopique
ANCA négatifs
Scanner abdomino-pelvien: infarctus rénaux et
infarctus spléniques
Pas de purpura
Transféré dans le service pour prise en charge d’une
probable vascularite
Homme de 52 ans (II)
Une hémoculture positive sur 2 flacons à S
epidermidis
En fait déjà deux « souillures »
Insuffisance aortique
Diagnostic : endocardite infectieuse
Antibiothérapie
Intervention valve aortique
Vascularites: diagnostic différentiel
Embolies septiques des endocardites
Embols de cholestérol
Maladie de Buerger
Tumeur solide
Micro-angiopathie thrombotique
Syndrome des anti-phospholipides
Localisation angiotrope des
lymphomes
Ergotisme chronique
Que faire en première intention
A visée étiologique – Interrogatoire
• Médicaments
– Examen clinique:
• Syndrome fébrile
• Syndrome méningé
• Souffle à l’auscultation cardiaque
– Examens biologiques
• NFS-plaquettes
• Hémocultures x 3
• Ac anti-nucléaires
• ANCA
• Cryoglobulinémie
• Sérologies HIV, hépatite B, hépatite C
• C3, C4, CH50
– Biopsie cutanée
Retentissement – Examen clinique:
• Auscultation pulmonaire
• Nerf périphériques
• Abdomen
• SNC
• Hématurie microscopique
– Examens biologiques
• NFS
• Créatinine
• Troponine
– Rx thorax
– ECG
– Autres en fonction du contexte
Femme de 38 ans (I)
Arthralgies et myalgies
Purpura nécrotique membres
Croutes nasales
Perforation de la cloison nasale
ANCA positifs sans spécificité
CRP 60 mg/l
Fonction rénale et sédiment urinaire normaux
Biopsie: vascularite/plages de nécrose
Diagnostic ?
Femme de 38 ans (II)
Toxicomanie à la cocaïne
Examen d’un cheveu: présence de cocaine et de
levamisole
Vascularite au lévamisole
Enfant de trois ans et demi (I)
• Syndrome fébrile prolongé inexpliqué
• Asthénie, amaigrissement, cassure de la courbe de
croissance
• Examen clinique: absence de point d’appel
• Syndrome inflammatoire
• ANCA positifs de type x-ANCA sans spécificité
• Diagnostic
Enfant de trois ans et demi (II)
• Hypergammaglobulinémie polyclonale 28 g/l
• Ac anti-nucléaires 1/160, facteur rhumatoïde faiblement
positif
• ANCA sans valeur diagnostique
• Pas de preuve de vascularite (biopsie musculaire
négative…)
• Chercher autre chose
ANCA
ANCA: techniques
•Immunofluorescence indirecte
(p, c) (piège: Ac anti-nucléaires)
•Elisa (anti-PR3, anti-MPO)
•Dot blot (3 heures, syndrome
pneumo-rénal)
Valeur diagnostique des ANCA
Spécificité (1-FP)
IF IF + ELISA
ELISA
PR3 MPO
76 % 88 % 91 % 98 %
Hagen EC et al. Kidney Int 1998
ANCA : aspects IF et antigènes
IF ELISA
PR3
MPO
Élastase, Cathepsine G,
Azurocidine, Lactoferrine,
Lysozyme, BPI
c-ANCA
c-ANCA
nég
c-ANCA
p-ANCA
p-ANCA
(ou atypique)
éthanol formol
Dot blot anti-MPO, anti-PR3
Dot blot
Tém
oin
po
sit
if
Tém
oin
nég
ati
f
Pati
en
t 1
Pati
en
t 2
Pati
en
t 3
Photographie Dr B. Weill
Diagnostic différentiel
IF (%)
ELISA
Mucoviscidose
Endocardite
Amibiase invasive
Sowda (O. Volvulus )
30-60 %
rare
97 %
100 %
Rectocolite hémorragique
Maladie de Crohn
Cholangite sclérosante
65 %
15 %
75 %
p
p
p
p , c
c
c
p
Polyarthrite rhumatoïde
Syndrome de Felty
20-30 %
75 %
p
p
ANCA: diagnostic différentiel
Aspect PR3
-
-
-
-
-
-
+
75%
-
MPO
-
-
-
-
-
-
-
-
-
autre
Lf 4 %, Ly 2 %
Lf 50 %
CG 20 %
Lf 20 %
BPI 28 %
BPI 90 %
Défensine 100 %
Vascularites ANCA-positives et
propylthiouracil (PTU) (1)
• Délai variable pouvant atteindre plusieurs années.
• Exposition aux anti-thyroïdiens: RR 11.8 de voir apparaître des ANCA (Slot MC et al. Arthritis Rheum 2005;
53:108-13).
• 30% des individus sous PTU ayant des ANCA développent une vascularite systémique.
• ANCA, anti-MPO > anti-PR3 > lactoferrine ou élastase
• Evolution favorable après l’arrêt du PTU (mais souvent traitement immunosuppresseur nécessaire).
Guilpain et al. Presse Med. 2007 Mar 9; [Epub]
ANCA: CONCLUSIONS
•Dépistage: IFI
•Spécificité: ELISA
•Anti-PR3: Wegener (90%)
•Anti-MPO: CSS (40%), MPA (70%)
•ANCA sans spécificité: peu de valeur
•Syndrome pneumo-rénal: dot blot PR3,
MPO
•Intérêt dans le suivi: controversé
•Ne doivent pas dispenser de la biopsie
Conclusions
• Les examens immunologiques constituent une
aide importante au diagnostic
• La détection d’un autoanticorps ne constitue pas
une preuve de maladie autoimmune
• Les ANCA sont contributifs pour le diagnostic de
vascularite si positifs en IFI et en ELISA
• Eviter le dosage « systématique » des
autoanticorps
• Attention aux pièges diagnostiques, toujours
éliminer l’infection
Diagnostic différentiel
• Infection (endocardite)
• Embols de cholestérol
• Maladie de Buerger
• Tumeur solide