LEÇON DE CONDUITE (sketches) · 2014-07-21 · Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 4/42...

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Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 2/42

Leçon de conduite (9 sketches)

Comédie à sketches

de Ann ROCARD

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 3/42

Caractéristiques Durées approximatives :

• Leçon de conduite : 5 à 6 mn (création 1997) • Chez le vétérinaire : 7 mn (création 1995) • De fil en aiguille : 4 mn (création 1998) • À cheval ! : 4 à 5 mn (création 1998) • Opération Dubois : 6 mn (création 1998) • Tours de cartes : 7 à 8 mn (création 1998) • À vue d’œil : 6 mn (création 1998) • Effet [m e r] ? : 8 mn (création 2008) • Agents très très spéciaux : 7 mn (création 2007 avec de vrais jumeaux !)

Distribution :

• Leçon de conduite : monsieur Kalmos, Valérie. Figurants : la vieille dame, le voisin.

• Chez le vétérinaire : Ada, Ophélie, Cornélie, Aurore (qui doivent ressembler à leurs animaux : coiffure, visage, attitude...). Animaux-figurants ou éventuellement peluches : chien, chat, lion, lièvre, tortue, poisson dans un bocal. Vétérinaire : voix off ou rôle très court.

• De fil en aiguille : Pénélope Katoukousu (vieille couturière avec des cicatrices sur le visage), Hélène Étoile de Jute. Figurant : éventuellement le chien et le mannequin (qui prend des poses comiques en bougeant derrière le dos de la couturière).

• À cheval ! : Jeanne (ou Jean), Jo Lafrime. Figurants : 1 ou 2 pour le cheval. • Opération Dubois : Isa la chirurgienne, Ariane la panseuse, Dubois l’opéré

(parle peu - éventuellement mannequin, l’accessoiriste pouvant parler à sa place). Accessoiriste sous la table.

• Tours de cartes : Marion, le notaire, le ou la secrétaire (parle très peu), les religieuses Prune et Pomme.

• À vue d’œil : l’opticien (homme ou femme), Max 1 et 2 (même acteur), Estelle, Clémence, le cambrioleur (homme ou femme).

• Effet [m e r] ? : Marie (journaliste TV), Myra Mercier (tête de liste des Éphémères), Omer Kantil (maire sortant), Paul Itic.

• Agents très très spéciaux : Pierre (patron), agents 001 et 002 (si possible, se ressemblent beaucoup), la sculpture parlante.

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 4/42

Accessoires : • Leçon de conduite : deux chaises à roulettes pouvant se déplacer

facilement, volant, clef, ceinture de pantalon, panneau STOP, autre panneau qu’on peut faire tomber, feu vert.

• Chez le vétérinaire : perruque-crinière pour Ophélie, sacs, petit balai, chaises, faux poisson carnivore dans un aquarium, éventuellement peluches.

• De fil en aiguille : vieille machine à coudre, fil, ciseaux, dés (à coudre et à jouer), grande épingle en carton, mètre de couturière, tissus variés, bobines de fil, ciseaux, petite table et sièges, au besoin mannequin qui peut être remplacé par un figurant.

• À cheval ! : chapeau de cow-boy et revolvers, bandes. Prévoir des tapis de sport ou des coussins pour les chutes.

• Opération Dubois : table recouverte d’un drap, (accessoiriste et) objets placés sous la table (longue corde, 3 faux foies par ex. des ballons gonflables rouges, lanterne, 2 couleuvres, téléphone, petit parapluie, éventuellement loupe, appareil photo, pistolet, etc.). Lunettes, gants, faux outils de grande taille (couteau en plastique, bois ou carton - scie - pinces variées...), ballons gonflables que la chirurgienne fait éclater au moyen d’une punaise (fixée sur son doigt au moyen de ruban adhésif), grande aiguille (carton) avec fil.

• Tours de cartes : enveloppe et lettre, papier du notaire, plusieurs sièges, une petite table recouverte d’une nappe, cartes de tarot (si possible agrandies à la photocopieuse) + une carte de même taille avec le mot FIN, éventuellement balles de ping-pong et petites épingles doubles.

• À vue d’œil : monocles, lunettes très variées (certaines avec sourcils et faux nez), faux serpents (dont 2 cobras, 1 boa, 1 vipère, 1 serpent à sonnette), panière, faux billets, table et présentoir pour les lunettes, sièges, miroir, boa en plumes pour Estelle.

• Effet [m e r] ? : micro, tube, éventuellement gong (ring). • Agents très très spéciaux : 3 revolvers, 3 arbres derrière lesquels les agents

se cachent en les portant), bijoux, sac, ballon crevé, faux chewing-gum mâchouillé, boîte à outils, marteau en mousse.

Public : tout public. Remarque : Les 7 premiers textes sont parus dans un recueil de théâtre qui n’est plus disponible. Synopsis :

• Leçon de conduite : Valérie prend sa première leçon de conduite avec monsieur Kalmos. (page 4)

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 5/42

• Chez le vétérinaire : Dans la salle d’attente du vétérinaire, quatre femmes et leurs animaux chéris s’impatientent car le vétérinaire se fait attendre... (page 10)

• De fil en aiguille : Hélène Étoile de Jute se rend chez sa vieille couturière, Pénélope Katoukousu, pour se faire faire une robe. (page 15)

• À cheval ! : L’acteur Jo Lafrime voudrait apprendre à monter à cheval. Y parviendra-t-il ? (page 18)

• Opération Dubois : Le docteur Isa, aidée d’Ariane sa panseuse, opère le dénommé Dubois, agent des services secrets... (page 21) (photos visibles sur le site de l’auteure)

• Tours de cartes : Mimi Vouditou lègue un jeu de tarot à sa petite-nièce Marion Himpeux. Marion a-t-elle hérité de ses dons ? (page 24) (photos visibles sur le site de l’auteure)

• À vue d’œil : Différents clients se rendent chez l’opticien pour acheter monocles ou paires de lunettes. (page 29)

• Effet [m e r] ? : Marie interviewe en direct à la télévision régionale Myra Mercier, tête de liste des Éphémères, et Omer Kantil, le maire sortant de Chante-Mer. Dé-bataille en perspective ! (page 33)

• Agents très très spéciaux : Trois agents très très secrets doivent sauver le monde (leur passe-temps préféré). Le musée de la ville a été cambriolé, ils doivent récupérer entre autres la sculpture parlante du célèbre Pikaskou... (page 37) (photos visibles sur le site de l’auteure)

L’auteure peut être contactée par courriel : annrocard@wanadoo.fr - ou par l’intermédiaire de son site : http:/www.annrocard.com/

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 6/42

Leçon de conduite (Ann Rocard)

Musique. Monsieur Kalmos s'assied sur la chaise de droite et regarde sa montre. Arrive Valérie qui s'assied sur la chaise de gauche. VALÉRIE : Bonjour ! KALMOS : Bonjour, mademoiselle... VALÉRIE : (l'interrompt) Valérie ! (rit) KALMOS : Bonjour, Valérie. Bienvenue à Toto-Ecole ! VALÉRIE : Toto, c'est votre nom ? KALMOS : Non. Je m'appelle monsieur Kalmos avec un K. C'est donc aujourd'hui votre première leçon de conduite. VALÉRIE : J'ai un trac terrible... KALMOS : Tout à fait normal. Bien. Vérifions d'abord la position du siège. Deuxième chose : la ceinture de sécurité. VALÉRIE : (montre sa ceinture) J'en ai déjà une. KALMOS : (lui attache sa ceinture de sécurité) Celle-ci peut vous sauver la vie. Ce n'est pas compliqué : clic clac ! Voyez-vous, Valérie ? VALÉRIE : Non, pas très bien. J'ai perdu mes lentilles. Cela vous inquiète-t-il ? KALMOS : Je reste toujours calme quelle que soit la situation. VALÉRIE : Pas moi ! L'autre jour, à vélo, j'ai renversé un agent de police qui est mon voisin de palier. J'avoue que je roulais un peu vite. KALMOS : Et bien ? VALÉRIE : J'ai filé avant qu'il se relève. KALMOS : Délit de fuite ? VALÉRIE : (hausse les épaules) J'étais à vélo, pas dans mon lit, monsieur Kalmos. KALMOS : Oui, oui... Et bien ? VALÉRIE : Arrivée chez moi, j'ai piqué une crise de nerfs épouvantable. Cela vous inquiète-t-il ? KALMOS : Je reste toujours calme, je vous l'ai déjà dit. Si nous commencions, Valérie ? VALÉRIE : (les mains sur le volant) À vos marques, prêts, partez ! (appuie sur les pédales comme si elle était à vélo) Ça ne part pas, pourtant je pédale. KALMOS : (lui tend la clef) Voici la clef de contact ! VALÉRIE : Il faut tout m'expliquer... (rit) N'est-ce pas, monsieur Kalmos ? KALMOS : Je suis là pour ça. Valérie tourne la clef. Bruitage de moteur. VALÉRIE : Oh, c'est Noël ! Ça s'allume ! Ça clignote !

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 7/42

KALMOS : (montre le tableau de bord) À votre avis, que signifie ce voyant ? (Valérie louche sans répondre) Cela indique le niveau d'huile. VALÉRIE : Et le vinaigre, où est-il ? (rit) Je vais me faire manger à toutes les sauces. KALMOS : Un peu de concentration, je vous prie. Valérie appuie sur le klaxon. Kalmos sursaute.

VALÉRIE : Je ne l'ai pas fait exprès. Cela vous rend-il nerveux ? KALMOS : Je reste toutou... toujours calme quelle que soit la si-si... la situation. Au fur et à mesure de la pièce, monsieur Kalmos perd progressivement son calme. KALMOS : Il y a trois pédales... VALÉRIE : Une de plus que sur mon vélo. KALMOS : À droite, la pédale d'accélérateur... VALÉRIE : (appuie dessus - bruitage terrible) Le champignon, quoi ! KALMOS : Au centre, la pédale de frein et à gauche, la pédale d'embrayage. Appuyez sur cette dernière avant de passer une vitesse. VALÉRIE : Hein ? Monsieur Kalmos mime ce qu'il vient de dire. Valérie fait de même. Bruitage : craquement.

VALÉRIE : Ce bruit vous inquiète-t-il ? KALMOS : Absolument pas. À quoi servent les rétroviseurs ? VALÉRIE : Ah, chic ! Un miroir ! (se recoiffe ou se remaquille) KALMOS : Ils vous permettent de voir derrière vous et sur les côtés du véhicule. VALÉRIE : Il faut tout m'expliquer... (rit) N'est-ce pas, monsieur Kalmos ? KALMOS : Je suis là pour ça. (soupire) Attention à l'angle mort ! VALÉRIE : Qui est mort ? KALMOS : Nous en reparlerons la prochaine fois. Clignotant. Derniers coups d'œil aux rétroviseurs. Vous vous retournez légèrement pour vérifier que la voie est libre. (Valérie fait presque un tour sur elle-même) Il faut être vigilant. VALÉRIE : Lent ? KALMOS : Vigilant. Musique. Valérie est agrippée au volant. Les deux acteurs font avancer les chaises à roulettes avec leurs pieds (ou des figurants, cachés sous des draps, les poussent lentement). De temps en temps, Valérie donne un coup de klaxon, Kalmos sursaute, de plus en plus angoissé. Une vieille dame traverse la rue. Kalmos donne un grand coup de frein (bruitage). Arrêt. KALMOS : Vous avez failli écraser cette vieille dame ! VALÉRIE : Où çà ? (Kalmos la montre) Oh, désolée ! J'ai cru que c'était mon voisin de palier... KALMOS : Et bien ?

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VALÉRIE : C'était l'occasion ou jamais de m'en débarrasser. Il faut tout vous expliquer... (rit) N'est-ce pas, monsieur Kalmos ? (se tourne vers lui) KALMOS : (agrippé à son siège) Regardez devant vous ! Le trottoir, le trottoir ! VALÉRIE : Trop tard ! KALMOS : Vous prendrez la prochaine à gauche. VALÉRIE : Je ne fais pas de politique. KALMOS : Tournez à gauche ! VALÉRIE : La gauche, c'est le côté où l'on attache sa montre ? KALMOS : Ouiiiiiiiiii... (Valérie tourne à droite) J'ai dit "à gauche". VALÉRIE : Je n'ai pas de montre. (fonce dans un panneau et rit) Je suis tombée dans le panneau... KALMOS : C'est plutôt le panneau qui a chu. VALÉRIE : Chut ? KALMOS : Chu du verbe choir. VALÉRIE : Vous êtes rudement cultivé. Roulez-vous au colza ? (Kalmos soupire) Oh, le panneau vous inquiète... KALMOS : Non-on-on-on... (freine - bruitage - et se ronge les ongles) VALÉRIE : Vous rongez votre frein ? Vous supportez impatiemment la situation? (rit) Moi aussi, je parle bien. KALMOS : (s'éponge le front) Heureusement qu'il y a les doubles pédales... Valérie donne un coup de klaxon. Kalmos sursaute.

VALÉRIE : Quitte ou double ? Pile c'est double. (joue à pile ou face tout en conduisant) Face ! En plein dans le mille ! KALMOS : (crie) Où allez-vous ? VALÉRIE : Je monte au créneau. KALMOS : Restez sur la chaussée ! VALÉRIE : Chaussée ? Évidemment. Je ne vais pas conduire nu-pied. Mes souliers vous inquiètent-ils ? KALMOS : (livide) Je ne ne... Je ne perds jaja... (montre le feu de croisement) Au feu, que faites-vous ? VALÉRIE : J'appelle les pompiers. KALMOS : Non... Vous ralentissez. Tous deux s'arrêtent à côté du panneau STOP.

KALMOS : Ah, bien ! Panneau Stop : on s'arrête toujours même s'il n'y a personne sur l'autre voie. Bon, maintenant vous pouvez y aller. (Valérie ne bouge pas) Valérie, m'entendez-vous ? VALÉRIE : (montre le panneau) J'attends qu'il passe au vert.

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 9/42

KALMOS : (en rage) Ah, je vois rouge ! (fait semblant de sortir de la voiture et de claquer la portière) C'est moi qui vais me mettre au vert. VALÉRIE : Je croyais que monsieur Kalmos ne perdait jamais son calme. (ennuyée) Qu'est-ce que je vais faire ? Valérie change de place et s'assied sur le siège de droite. Arrive le voisin.

VALÉRIE : Oh, mon voisin de palier ! (se frotte les mains) Asseyez-vous, cher ami. Faites comme chez vous. VOISIN : (s'assied) Bonjour. VALÉRIE : Bienvenue à Toto-Ecole ! (regarde le public avec un sourire diabolique) Rien à m'expliquer... Eh, eh, eh ! Décidément, c'est mon jour de chance ! Noir.

Fin du sketch

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 10/42

Chez le vétérinaire (Ann Rocard) Musique. Les quatre femmes et leurs animaux arrivent l'une après l'autre :

• Cornélie avec son chien et son chat, • Aurore avec son lion,

• Ada portant son aquarium, • Ophélie avec son lièvre et sa tortue.

Elles s'installent dans la salle d'attente. Elles ne s'occupent que de leurs animaux et ne regardent pas leurs voisines. Puis elles commencent à s'impatienter, l'œil sur la montre. CORNÉLIE : Le vétérinaire est en retard. OPHÉLIE : À quelle heure aviez-vous rendez-vous ? CORNÉLIE : À la même heure que vous. OPHÉLIE : Quelle coïncidence ! Moi, aussi. Silence. Ada et Aurore se regardent d'un œil fixe et irrité.

CORNÉLIE : (discrètement) Qu'ont-elles ? OPHÉLIE : Elles se regardent en chiens de faïence. CORNÉLIE : Ah ! OHPÉLIE : Il vaut mieux rompre les chiens. CORNÉLIE Quoi ? (protège son chien) OPHÉLIE : Il vaut mieux interrompre cette conversation dont le sujet est dangereux. CORNÉLIE : Pourquoi ? OPHÉLIE : À cause de la petite bête... (montre le lion discrètement) CORNÉLIE : Sa maîtresse a peut-être le même tempérament qu'elle. Se ressemblent s'assemblent. Bruit de pas. Les quatre femmes se lèvent. Le bruit de pas s'éloigne. Elles se rassoient.

ADA : Le vétérinaire est en retard. AURORE : À quelle heure aviez-vous rendez-vous ? ADA : À la même heure que vous. AURORE : Quelle coïncidence ! Moi, aussi. Les quatre femmes câlinent leurs animaux. AURORE : (à son lion) Mon petit chéri, ne t'inquiète pas. Le vétérinaire ne va plus tarder. (dit aux autres) Mon Léon a des problèmes de cœur. CORNÉLIE : Le pauvre... ADA : Un lion cardiaque ?

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 11/42

OPHÉLIE : On va lui mettre un "pince-mon-cœur" ? AURORE : Non, pas du tout. Mon Léon n'est pas cardiaque. Il est amoureux d'une actrice de cinéma. OPHÉLIE : Vous l'emmenez souvent au cinéma ? AURORE : Évidemment. Je le déguise et le tour est joué... ADA : Bravo ! Et qui est cette actrice ? AURORE : (chuchote) ... CORNÉLIE : Incroyable ! Elle est au courant ? AURORE : Non, bien sûr. Mais mon Léon est jaloux comme un tigre et il a des dents de loup. Ça finira mal.... Il faut agir ! LES 3 AUTRES : Vous avez raison. Bruit de pas. Les quatre femmes se lèvent. Le bruit de pas s'éloigne. Elles se rassoient.

CORNÉLIE : Récemment, j’ai lu un article très intéressant. On prétend que les maîtres finissent par ressembler à leurs animaux domestiques. AURORE : (en caressant sa perruque d'une main et la crinière du lion de l'autre) C'est idiot. ADA : (rit) Comme si j'avais une tête de poisson ! (réfléchit) Quoique... OPHÉLIE : Quoique ? ADA : J'adore faire des bulles dans l'eau quand je prends un bain. Les trois autres rient.

ADA : Et je pique à la machine. C'est mon métier. OPHÉLIE : Je ne vois pas le rapport avec... (montre l'aquarium) ADA : (fait semblant de sortir une puce de son sac) J'ai aussi une puce apprivoisée. Elle m'obéit au doigt et à l'œil. Regardez ! Saute, Astuce ! (explique) Astuce, c'est son nom. CORNÉLIE : Incroyable ! Les quatre femmes font semblant de regarder la puce sauter. ADA : Pique, Astuce ! OPHÉLIE : (se gratte l'oreille) Arrêtez ! Pitié ! J'ai la puce à l'oreille. ADA : Ici, Astuce ! (remet la puce dans son sac) Elle est en pleine forme, mais je ne voulais pas la laisser seule à la maison. Elle ne rêve que d'une chose : faire une fugue au marché aux puces. Bruit de pas. Les quatre femmes se lèvent. Le bruit de pas s'éloigne. Elles se rassoient.

AURORE : Ce n'est pas lui. Décidément, ce vétérinaire exagère. ADA : Il a dû avoir une urgence. Un python dépité, un rat ratatiné, un canard laqué... Que sais-je encore !

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 12/42

CORNÉLIE : Ou bien, il nous a posé un lapin. OPHÉLIE : (à son lièvre) N'écoute pas, Jeannot ! Cette expression est terriblement vulgaire. (à Ada) Parlez-nous plutôt de votre adorable petit poisson. ADA : Adorable ? Hum... Il faut se méfier de l'eau qui dort. (le montre) Monseigneur Poison a les dents longues. AURORE : Vous voulez les lui faire limer ? ADA : Non. Je suis simplement inquiète, car jusqu'à présent il était muet comme une carpe... OPHÉLIE : Normal pour un poisson. ADA : Et depuis hier, il s'est mis à miauler. OPHÉLIE : Ce doit être un poisson-chat. ADA : Erreur ! Monseigneur Poison est un piranha, un terrible poisson carnivore. AURORE : Petit poisson deviendra grand ! Vous devriez vous en débarrasser. ADA : Mais je l'adore ! Nous avons tant de points communs. AURORE : Par exemple ? ADA : Nous nous baignons ensemble et nous nous nourrissons de viande crue, vivante de préférence. LES 3 AUTRES : (en s'écartant, horrifiées) Non ? ADA : (rit et hausse les épaules) Poisson d'avril ! Bruit de pas. Les quatre femmes se lèvent. Le bruit de pas s'éloigne. Elles se rassoient.

AURORE : (à Cornélie) Votre chien et votre chat font-ils bon ménage ? CORNÉLIE : Oui, la plupart du temps. Quand ils se disputent, j'ai ce qu'il faut à portée de main. (sort un petit balai) Le ménage, ça me connaît ! Je suis experte en nettoyage. OPHÉLIE : Félicitations. CORNÉLIE : Bon ménage et nettoyage sont les deux mammelles de Colbert. OPHÉLIE : Colbert ? CORNÉLIE : C'est le nom de l'entreprise qui m'emploie. (caresse son chien) Newton a un chat dans la gorge ; il sourit trop. AURORE : Le sourire est le propre de l'homme. CORNÉLIE : L'homme est un égoïste qui s'imagine tout savoir. Newton est malin comme un singe... (caresse son chat) Einstein, aussi. Il passe ses journées à gribouiller des chiffres sur un tableau noir... AURORE : Avec une craie ? CORNÉLIE : Oui. Une craie, coincée entre deux griffes. Mais le pauvre Einstein est allergique à la craie. Ça lui donne des moutons... LES 3 AUTRES : Des moutons ?

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CORNÉLIE : Non, des boutons... Chienne de vie ! Bruit de pas. Les quatre femmes se lèvent. Le bruit de pas s'éloigne. Elles se rassoient.

AURORE : (à Ophélie) Présentez-nous donc vos petits protégés. ADA : (au lièvre) Tu es vrai chou, mon lapin. OPHÉLIE : (vexée) Jeannot est un lièvre, chère madame. Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes ! ADA : Enchantée, Jeannot ! Et votre tortue court-elle deux lièvres à la fois ? OPHÉLIE : Pardon ? ADA : Poursuit-elle deux buts différents ? OPHÉLIE : Tout à fait ! Éliminer ce pauvre Jeannot et remporter les 24 heures du Mans. AURORE : Je comprends... Ils vivent comme chien et chat. CORNÉLIE : (proteste) Les miens sont les meilleurs amis du monde. OPHÉLIE : Hélas, trois fois hélas... Pour mes deux amours, ce n'est pas le cas (caresse sa tortue) Choumareuse, ma chérie, le docteur va t'enlever les mauvaises idées qui trottent dans ta tête de tortue. La tortue fait un tour de scène à toute vitesse en vrombissant, puis retourne s'asseoir.

OPHÉLIE : Choumareuse est obsédée par la vitesse... Mea culpa, mea culpa ! C'est ma faute. LES 3 AUTRES : Comment cela ? OPHÉLIE : J'ai cru bien faire... Pendant une semaine, je leur ai récité chaque soir "Le lièvre et la tortue" de Jean de la Fontaine. Depuis, Jeannot fait de la dépression et Choumareuse se prend pour une voiture de course. La tortue fait un nouveau tour de scène. Bruit de pas. Les quatre femmes se lèvent. Soit voix off, soit arrivée du vétérinaire.

VOIX OFF : Au suivant ! LES 4 FEMMES : C'est mon tour ! VOIX OFF : Le cas le plus urgent en premier ! Les quatre femmes ne s'occupent plus de leurs animaux.

AURORE : J'ai un problème de cœur. Je suis amoureuse ! CORNÉLIE : Je suis allergique à la craie et j'ai un chat dans la gorge. OPHÉLIE : Je suis déprimée... C'est épouvantable ! (fait semblant de conduire une voiture de course) Je roule, je roule, j'en deviens maboule ! ADA : (sautille) Attention : je pique, je pique, je pique ! Je suis heureuse comme un poisson dans l'eau... et j'ai une faim de loup. (s'approche des trois autres, l'air affamé) De la viande crue, vivante de préférence ! LES 3 AUTRES : Aaah !

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 14/42

AURORE : C'est impossible... CORNÉLIE : Vous blaguiez tout à l'heure... OPHÉLIE : N'est-ce pas ? ADA : (s'approche des 3 autres) Pas vraiment... (l'air féroce) Poisson d'avril ! Noir.

Fin du sketch

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 15/42

De fil en aiguille (Ann Rocard) Musique. La vieille Pénélope coud à la machine. Arrive Hélène (plutôt snob). Éventuellement, le mannequin est un figurant qui prend des poses comiques. HÉLÈNE : Helloooo ! Madame Katoucousuuuu ! PÉNÉLOPE : (relève la tête) Oh, madame la comtesse Etoile de Jute ! Quelle bonne surprise ! HÉLÈNE : Appelez-moi Hélène, ma chère ! PÉNÉLOPE : Appelez-moi Pénélope, madame la comtesse ! HÉLÈNE : Cieeeeeel ! Que vous est-il arrivé ? Votre visage est couturé... PÉNÉLOPE : Ce sont les risques du métier. (coud) J'ai eu affaire à un pique-assiette, un vrai pickpocket. Il voulait en découdre. HÉLÈNE : C'est terriiiiiiiiiiiiible ! J'espère qu'il s'est fait épingler. (va et vient) Ma chère Pénélope, il y a si longtemps que nous ne nous sommes vues... PÉNÉLOPE : (sans arrêter de coudre) Le mois dernier. HÉLÈNE : Passez-vous toujours vos nuits à défaire ce que vous avez fait pendant la journée ? PÉNÉLOPE : (idem) Pas depuis que mon chien Ulysse est rentré à la maison. Eventuellement, le figurant-chien fait une courte apparition.

HÉLÈNE : Hier, il m'est arrivé une aventure incroyaaaable. (mime) Je me baladais à cheval avec un de mes amis, le baron Pâris, toujours tiré à quatre épingles. De fil en aiguille, nous nous approchâmes de Troyes : la ville, cela va sans dire ! PÉNÉLOPE : Et alors ? HÉLÈNE : Le baron me proposa une course et fila comme l'éclair. Zip, zip, zip ! J'étais battue à plates coutures. PÉNÉLOPE : Et alors ? HÉLÈNE : Et aloooooors... je pris un virage en épingle à cheveux, et plaf ! je piquai une tête dans l'eau. PÉNÉLOPE : Et le cheval ? HÉLÈNE : Plaf ! Le cheval, aussi. PÉNÉLOPE : Vous piquez ma curiosité, madame la comtesse. HÉLÈNE : Le baron Pâris qui revenait sur ses pas, m'a sauvé la viiiiiiiie. PÉNÉLOPE : Il est tombé à pic. HÉLÈNE : À point nommé, tout à fait ! PÉNÉLOPE : Et le cheval ? HÉLÈNE : On ne l'a jamais retrouvé. La rivière était large... Autant chercher une aiguille dans une botte de foin ! J'ai piqué une telle criiiise qu'il m'a fallu une piqûre calmante.

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 16/42

PÉNÉLOPE : Ne montez pas trop cet événement en épingle. HÉLÈNE : Vous avez raison. (fait quelques pas) Ma chère Pénélope, la semaine prochaine, je suis invitée à une paaaaaartie. PÉNÉLOPE : Qui est parti ? HÉLÈNE : Personne. Une paaaaaartie : une réception. J'aurais besoin d'une robe de soirée. En soie, ça va de soi ! PÉNÉLOPE : (montre son travail en cours) Je termine ceci et je suis à vous. HÉLÈNE : Qu'est-ce que c'est ? PÉNÉLOPE : Un tissu de mensonges pour un producteur de piquette. HÉLÈNE : Biquette ? PÉNÉLOPE : Piquette avec un P comme pic et pic et colégram. De la piquette : du mauvais vin. HÉLÈNE : Aaaah ! Pénélope plie le tissu, se lève et prend un mètre de couturière. PÉNÉLOPE : Je vais prendre vos mesures. HÉLÈNE : Ce sont les mêmes que la dernière fois. PÉNÉLOPE : Rien n'est plus sûr. (mesure) HÉLÈNE : (rit) Vous m'examinez sur toutes les coutures. PÉNÉLOPE : C'est le propre de la couturière, madame la comtesse. Pénélope montre différentes étoffes. HÉLÈNE : J'adooooooore cette étoffe. Cette couleur me va à ravir. Qu'en pensez-vous, ma chère ? PÉNÉLOPE : C'est cher. (jette des dés) Mais les dés en sont jetés. (enroule Hélène dans le tissu) HÉLÈNE : Savez-vous quel est le comble de la boutonnière ? (rit) De jouer à saute-bouton. (Pénélope sourit du bout des lèvres) Vous êtes un vrai pince-sans-rire, ma chère. PÉNÉLOPE : (sèchement) Au fait de pince, il en faudrait une ici. HÉLÈNE : Aïe ! Vous m'avez pincée. PÉNÉLOPE : Je l'ai fait exprès. HÉLÈNE : Vous vous piquez d'un rien... PÉNÉLOPE : Oui, je suis un peu susceptible. (cherche la bobine) Où est ma bobine ? Une bobine qui ne me revient pas ! Je la prête et on ne me la rend jamais ! HÉLÈNE : Puis-je aiguiller vos recherches ? PÉNÉLOPE : (ramasse la bobine) Non, la voilà ! Comme disait ma grand-mère : tire la chevillette et la bobinette cherra ! Elle était simplement tombée par terre. Hélène se déplace, vêtue du large tissu.

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 17/42

HÉLÈNE : Je suis si belle en ce miroir ! Je serai la reine du bal de l'as de piiiiique. (danse) Après avoir valsé, nous jouerons aux cartes. Je voudrais tant gagner... PÉNÉLOPE : Pour cela, je ne vois qu'une solution. (donne à Hélène une grande épingle en carton) Vous n'aurez qu'à tirer votre épingle du jeu. Au besoin, le figurant-chien apparaît et approuve. Noir.

Fin du sketch

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 18/42

À cheval ! (Ann Rocard) Jeanne entre en scène (au besoin à transformer en Jean en modifiant un peu le texte). JEANNE : (ravie) Je viens d'avoir un coup de téléphone du célèbre acteur Jo Lafrime. Il veut apprendre à monter à cheval. C'est génial ! Jo Lafrime dans mon haras ! J'en suis harassée d'avance. Jeanne prépare le cheval. Jo Lafrime traverse la salle en roulant des épaules. JO : Salut ! JEANNE : Oh, Jo Lafrime ! Quel grand honneur de vous recevoir ici ! JO : Comme je vous l'ai expliqué au téléphone, j'ai signé hier un contrat pour le prochain film de Fred Dufrik. Un contrat en or ! Or... JEANNE : Or ? JO : Or il y a un petit problème. (mime) Jouer les cow-boys au grand cœur, c'est facile ! JEANNE : (admirative) Facile... JO : (mime) Faire virevolter mes revolvers, c'est facile ! JEANNE : (idem) Facile... JO : (mime) Souffrir avec courage, c'est facile ! JEANNE : (admirative) Facile... JO : Mais... JEANNE : Je parie qu'il vous faudra galoper à bride abattue... JO : Pari gagné. J'en ai déjà une fièvre de cheval. JEANNE : Faites-moi confiance, monsieur Lafrime. Dans peu de temps, vous serez un cavalier émérite. JO : Hein ? Qu'est-ce que je mérite ? JEANNE : Un cavalier émérite, c'est-à-dire d'une grande compétence. (montre le cheval) Julie est une adorable jument. La jument hennit et rue. Jo recule, l'air terrifié.

JEANNE : (calme le cheval) Ne crains rien, ma Juju. Ce gentil monsieur veut apprendre à monter à cheval. Il s'appelle Jojo... (se tourne vers Jo) Les doubles syllabes, ça la calme. Approchez lentement. Jo fait quelques pas, très raide. La jument hennit et rue. De nouveau, Jo recule, l'air terrifié. JEANNE : Ne lui montrez pas que vous avez peur. Jo fait tourner ses revolvers et s'approche en roulant des épaules. JEANNE : Parfait. À présent, rangez vos revolvers et posez le pied sur mes mains. Jo obéit et se retrouve assis, la tête vers l'arrière du cheval.

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 19/42

JO : (soulève la queue du cheval) Drôle de crinière ! Ou bien... serait-ce une queue de cheval ? (regarde le public et grimace) JEANNE : Ne vous découragez pas, monsieur Lafrime ! Nous allons tout reprendre à zéro. Musique. Jeanne aide Jo à descendre, puis à remonter. Jo se retrouve par terre de l'autre côté et perd son chapeau. Le cheval rit. Jeanne se précipite et relève Jo. JEANNE : Vous êtes-vous fait mal ? JO : (plié en deux et se frotte la tête) Un peu... Jeanne lui met une bande autour du crâne.

JO : Dans le film, je ne dois pas tomber. Le cheval rit. Jo le montre, furieux.

JO : Avez-vous entendu ? La jument a ri. Elle se moque de moi. JEANNE : Ne montez pas sur vos grands chevaux. Elle a simplement henni. Jo fait quelques pas, toujours plié en deux. Jeanne le redresse (bruitage : craquement).

JEANNE : Ne vous découragez pas, monsieur Lafrime ! Nous allons tout reprendre à zéro. Musique. Jeanne aide Jo à monter. Il s'agrippe au cou du cheval, tout tremblant. Le cheval se déplace.

JEANNE : Bravo ! Vous avez l'air d'un pauvre cow-boy solitaire, loin de son foyer ! JO : (gémit) Je veux rentrer chez moi. Je ne veux pas être un pauvre cow-boy solitaire... JEANNE : Redressez-vous, monsieur Lafrime ! Vous êtes formidable ! Musique. Jo se redresse progressivement. Le cheval continue de trotter. Jo saisit ses revolvers et fait semblant de tirer. Puis il tombe (sans se faire mal). Le cheval rit. Jeanne se précipite et relève Jo. JEANNE : Vous êtes-vous fait mal ? JO : (plié en deux et les bras ballants) Un peu... Jeanne lui bande les deux bras, puis lui remet les revolvers dans les mains. Elle lui bouge les bras pour donner l'impression que c'est lui qui tire. JEANNE : Ne vous découragez pas, monsieur Lafrime ! Nous allons tout reprendre à zéro. JO : Oh, non... JEANNE : Oh, si ! Je crois que ma jument vous a adopté. Parlez-lui. JO : Est-ce vraiment nécessaire ? JEANNE : Bien sûr. JO : (au cheval) Quelle jolie Julie. JEANNE : Elle adore les doubles syllabes.

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 20/42

JO : Jolilie Juju... dis bonjoujour à Jojo ! JEANNE : Ne la prenez quand même pas pour une imbécile. Elle est à cheval sur les principes. Allez, hop ! Un dernier essai ! JO : (supplie) Demain... JEANNE : Non, aujourd'hui ! Musique. Jeanne aide Jo à monter. Le cheval emporte Jo qui laisse tomber ses revolvers.

JO : Au secours ! JEANNE : Faites confiance à Julie ! Elle regagne toujours l'écurie... (rit et s'adresse au public) Avec ou sans son cavalier ! Mais ça ne sert à rien de le préciser. Jeanne ramasse le chapeau de cow-boy et le met sur sa tête. Puis elle ramasse les revolvers et se déplace comme Jo au début de la pièce. JEANNE : (mime) Jouer les cow-boys au grand cœur, c'est facile ! Faire virevolter mes revolvers, c'est facile ! Souffrir avec courage, c'est facile ! Galoper à bride abattue, c'est facile ! Il est temps d'aller trouver Fred Dufrik. Une carrière internationale m'attend ! (fait semblant de tirer) Pan ! Pan ! Pan ! Jeanne s'immobilise, les revolvers dirigés vers le public. Noir.

Fin du sketch

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 21/42

Opération Dubois (Ann Rocard) Musique. Soit le malade est installé sur une table sous laquelle se trouvent l'accessoiriste et des objets (voir liste au début). Soit un figurant-brancardier apporte le malade et l'allonge sur la table.

Arrivent Isa la chirurgienne et Ariane la panseuse. Eventuellement le figurant-anesthésiste endort le malade.

ISA : En forme, ce matin, Ariane ? ARIANE : Oui, docteur, mais je réfléchissais à... ISA : (l'interrompt) Pour une panseuse, vous pensez trop. Je vous l'ai déjà dit. ARIANE : Oui, docteur Isa. ISA : (fait bouger ses doigts) Rappelez-moi le programme d'aujourd'hui, je vous prie. ARIANE : Opération Dubois. ISA : Nom de code ? ARIANE : (baisse la voix) Cœur qui soupire n'a pas ce qu'il désire. ISA : (montre le malade) Et lui ? ARIANE : Un G.E., docteur. Un gentil espion des services secrets. Je dirais même plus : un G.E.N. ISA : C'est-à-dire ? ARIANE : Un gentil espion naïf. Il avalait n'importe quoi. On lui a tout fait gober, sous le sceau du secret naturellement. ISA : Naturellement. Il me paraît ballonné... (appuie la punaise sur un ballon et le fait éclater) ARIANE : Excellent diagnostic, docteur Isa. ISA : Il doit avoir l'estomac dans un drôle d'état. ARIANE : (soulève difficilement les pieds) L'estomac dans les talons ? Avec tout ce qu'il a ingurgité, ce ne serait pas étonnant. ISA : Nourriture trop lourde ? ARIANE : Ou pire... ISA : (tend une main) Scalpel. Musique. Ariane tend à Isa un long faux couteau. Isa "ouvre" le ventre. Ariane tient les écarteurs. Eventuellement, le malade lève les jambes et Ariane appuie dessus pour les remettre en place. Toutes deux se penchent au-dessus du malade.

ARIANE : Qu'est-ce que c'est ? ISA : Le poumon. ARIANE : Le pouls ? ISA : Le poumon, vous dis-je !

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 22/42

ARIANE : (perplexe) Aah... Au fait, j'ai lu dans son dossier que l'agent Dubois était athée. C'était un homme de peu de foi. ISA : Pourtant, il en possède plusieurs, ce qui est rarissime. (sort les faux foies au fur et à mesure) Un foie, deux foies, trois foies... ARIANE : Ne vous faites pas de bile, docteur ; une fois n'est pas coutume. ISA : Je lui laisse le dernier. Cela peut toujours servir. Passons aux reins. MALADE : (éventuellement voix de l'accessoiriste qui chante, si Dubois est remplacé par un mannequin) Non, rein de rein... Je ne regrette rein... ISA : (surprise) Il ne dort pas ? ARIANE : (donne un coup sur la tête du malade qui s’écroule) Si, docteur Isa. Il dort comme un loir. ISA : Voyons, voyons... (appuie sur le ventre et fait éclater un ballon) L'agent Dubois a les reins solides. Poursuivons. Côté cœur ? ARIANE : Pas la moindre amourette. ISA : Pourtant, il a le cœur gros. ARIANE : Ce n'est pas de veine. J'en suis toute chagrinée. (montre le ventre) Et çà, qu'est-ce que c'est ? ISA : (en tirant sur la corde) Intestin. ARIANE : Deux testins, trois testins... Tant que ça ! Est-ce vraiment nécessaire? ISA : Personne n'est irremplaçable. (jette la corde) Ultime vérification : l'estomac. J'ai gardé le plus compliqué pour la fin. ARIANE : La "fin" justifie les moyens, docteur Isa. ISA : (tend la main) Scie. Musique. Ariane tend à Isa une grande scie. Isa "découpe" l'estomac, puis dépose la scie. Toutes deux se penchent au-dessus du malade. Ariane en perd ses lunettes.

L’accessoiriste passe discrètement au fur et mesure les objets nécessaires. ISA : (sort une lanterne) L'agent Dubois prenait-il les vessies pour des lanternes ? ARIANE : Heu... ISA : Faisait-il des confusions absurdes ? ARIANE : D'après son dossier, ce G.E. était la lumière du contre-espionnage. ISA : Etrange... (sort deux serpents) On lui a même fait avaler des couleuvres. ARIANE : Pauvre G.E. Il doit parfois regretter d'avoir choisi un métier pareil. MALADE : (chante) Non, rein de rein... Je ne regrette rein... ISA : (surprise) Il ne dort pas ? ARIANE : (donne un coup sur la tête du malade) Si, docteur Isa. ISA : Poursuivons. Musique. Isa sort différents objets : par exemple loupe, appareil photo, pistolet, etc. Puis un téléphone qui se met à sonner.

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 23/42

ISA : (décroche) Allô ? MALADE : Ici, Londres ! Les Français parlent aux Français. ISA : Avez-vous un message secret à transmettre ? MALADE : (chante) Non, rein de rein... ISA : (raccroche) L'agent Dubois commence sérieusement à m'agacer. Accélérons. (fait éclater un ballon, puis tend la main) Aiguille, fil ! (Ariane ne bouge pas) Le fil, Ariane ! Musique. Isa "recoud" le ventre du malade. ARIANE : Comme vous brodez bien, docteur Isa. ISA : Ma mère était couturière. (fièrement) Et voilà, c'est terminé ! ARIANE : (toussote) Il manque une pince. J'ai peur que... (montre le ventre) ISA : Ah, non ! ARIANE : Heu, si... Isa soupire, "ouvre" le ventre, sort une énorme pince, "recoud" rapidement. ARIANE : (désolée) Mes lunettes... J'ai perdu mes lunettes. J'ai peur que... (montre le ventre) ISA : (exaspérée) Ah, non ! ARIANE : Heu, si... De plus en plus vite : Isa soupire, "ouvre" le ventre, sort les lunettes, "recoud" rapidement. ISA : C'est tout ? ARIANE : Où est passé votre parapluie, docteur ? J'ai peur que... (idem) ISA : (catastrophée) Ah, non ! ARIANE : Heu, si... Isa soupire, "ouvre" le ventre, sort le parapluie, "recoud" rapidement.

MALADE : Ohé, docteur ! Et si vous me mettiez une fermeture éclair ? ARIANE : (au malade) Avez-vous encore quelque chose à ajouter ? MALADE : (chante) Non rein de rein... ARIANE : (donne un coup sur la tête du malade) À part un tour de rein, il ne regrette rien. ISA : Parfait. (fait éclater un ballon) Opération Dubois terminée. Noir.

Fin du sketch

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 24/42

Tours de cartes (Ann Rocard) Musique. Marion prend une enveloppe, l'ouvre et en sort une lettre.

MARION : Une lettre du notaire Ataire... (lit) La vieille tante Mireille est morte. Mireille ? Ah, oui, je vois... c'est celle qui était voyante. (lit) Quoi ? (ravie) Je vais hériter de sa fortune, moi qui n'ai pas un sou en poche. (se frotte les mains) Je vais de ce pas chez le notaire. Musique. Marion marche dans la rue. MARION : (réfléchit) Mireille était-elle riche ? Sûrement ! Je vais pouvoir m'acheter un vélo... non une voiture, un studio... non une maison, une guitare... non une contrebasse. Musique. Marion arrive chez le notaire ; la ou le secrétaire la fait entrer. NOTAIRE : (lui serre la main) Soyez la bienvenue. Êtes-vous bien Marion Himpeux ? MARION : (épelle) H-I-M-P-E-U-X. Le notaire montre un siège à Marion. Tous deux s'assoient. Le notaire déplie un document. NOTAIRE : Votre tante Mireille était ma cliente et une amie de longue date. Mireille Champon, plus connue sous le nom de Mimi Vouditou, spécialiste en boule de cristal, tarot et compagnie. (lit) Ma chère Marion... MARION : C'est moi ! NOTAIRE : (lit) Je t'aime beaucoup... MARION : Première nouvelle, elle ne me connaissait pas. NOTAIRE : (lit) Je t'entends déjà réagir : "Première nouvelle, elle ne me connaissait pas". MARION : Elle a écrit ça ? NOTAIRE : Oui, mademoiselle Himpeux. Marion jette des coups d'œil inquiets dans la pièce.

MARION : Elle nous surveille peut-être ? NOTAIRE : Qui sait ? Je continue... (lit) Nous ne nous sommes pratiquement jamais rencontrées, mais je t'ai suivie depuis ta naissance. MARION : Ah ? Je me demande comment... NOTAIRE : (lit) Tu dois te demander comment. (Marion fait oui de la tête) Par l'intermédiaire de ma boule de cristal que j'ai laissée tomber la semaine dernière. Elle s'est brisée, hélas. MARION : Pourquoi me raconte-t-elle tout ça ? NOTAIRE : Attendez la suite, mademoiselle Himpeux. (lit) J'ai toujours su que tu avais des talents cachés... (rit du bout des lèvres) Hi hi hi ! Votre tante Mireille avait beaucoup d'humour. Des talents, hi hi hi... MARION : Des talents ?

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 25/42

NOTAIRE : Le talent était une monnaie grecque... avant l’euro. (rit) MARION : J'en apprends tous les jours. Que veut-elle dire ? NOTAIRE : Vous avez des talents cachés. Vous avez hérité de ses dons. MARION : Quels dons ? NOTAIRE : Ses dons de voyante. MARION : Si ça peut lui faire plaisir. NOTAIRE : Certainement, certainement. (rit) Où en étais-je ? Ah oui ! (lit) Comme preuve de mon affection, je te donne tous mes biens. Pense à moi de temps en temps et je te répondrai en frappant deux coups. MARION : Pardon ? NOTAIRE : Faites un essai, mademoiselle Himpeux. Pensez bien fort à votre tante chérie. Marion se concentre. Deux coups retentissent.

MARION : Incroyable ! Ça marche ! La porte s'entrouvre ; le ou la secrétaire apparaît.

SECRÉTAIRE : Le prochain rendez-vous est arrivé. (disparaît) NOTAIRE : (rit) C'était ma (mon) secrétaire. (lit) Ma chère Marion, je t'embrasse et te souhaite bonne chance. C'est signé : Mireille Champon, dite Mimi Vouditou. MARION : Donc, j'hérite de tous ses biens. NOTAIRE : Oui. MARION : C'est-à-dire ? NOTAIRE : Trois cents balles. MARION : (ouvre de grands yeux) Trois cents euros seulement ? NOTAIRE : Non, trois cents balles de ping-pong ayant déjà servi : une collection fort originale. MARION : C'est tout ? NOTAIRE : Non, mademoiselle Himpeux. Un million... MARION : (ravie) Un million d'euros ? NOTAIRE : Un million de petites épingles doubles usagées. MARION : Encore une collection ? NOTAIRE : Oui, oui. Cette chère Mireille Champon était une vieille dame étonnante. MARION : C'est tout ? NOTAIRE : Non, mademoiselle Himpeux. (sort le jeu de Tarot) Et pour terminer, ce jeu de Tarot auquel elle tenait comme à la prunelle de ses yeux. MARION : (regarde le ciel) Elle s'est moquée de moi ? Deux coups retentissent. De nouveau le (ou la) secrétaire passe la tête par l'entrebâillement de la porte.

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 26/42

NOTAIRE : (au secrétaire) Oui, j'ai terminé. (à Marion) Croyez-moi, mademoiselle Himpeux. Votre tante était persuadée que vous étiez très douée. (lui donne le jeu) Vous devriez essayer. (lui serre la main) Au revoir, mademoiselle, et bonne chance. Marion s'en va, tête basse. MARION : (déçue) Adieu veau, vache, cochon, couvée... Ni voiture, ni maison, ni contrebasse ! Mais un jeu de Tarot. Ma tata était tarée. Deux coups retentissent. Marion sursaute et se retourne. Le (ou la) secrétaire apparaît. SECRÉTAIRE : Ce n'est que moi. Au revoir, mademoiselle Himpeux. (disparaît) MARION : (en s'éloignant) Un peu, beaucoup, à la folie, passionnément, pas du tout. (hausse les épaules) Marion ? Drôle de prénom. Je ne ris jamais. Musique triste. Marion arrive chez elle, démoralisée, et s'assied devant la petite table. Elle étale les cartes sur la table, puis peu à peu s'y intéresse. Elle regarde chaque carte attentivement en se concentrant. Ensuite elle les mélange, en place plusieurs à l'envers sur la table et les retourne. Son visage s'éclaire progressivement.

MARION : C'est étrange. J'ai l'impression de lire mon avenir à livre ouvert... comme si tout allait s'arranger. Tante Mireille, pardonne-moi d'avoir souhaité ta mort tout à l'heure. Je sais... Tu as déjà quitté la vie... C'était une façon de parler. Oui, tante Mireille, j'aurais aimé te connaître mieux. (deux coups retentissent) Merci de m'avoir répondu. De nouveau deux coups retentissent.

MARION : (surprise) On frappe à la porte ? Je n'attends personne. Marion va ouvrir. Deux religieuses apparaissent. Elles font exactement les mêmes gestes. PRUNE : Bonjour ! POMME : Bonjour ! PRUNE : Nous sommes vos nouvelles voisines... POMME : Idem. MARION : Ah, enchantée. (leur serre la main) Entrez donc. Vous êtes sœurs ? PRUNE et POMME : (chantent et dansent) Nous sommes deux sœurs jumelles ! MARION : De fausses jumelles ? PRUNE : On ne peut rien vous cacher. POMME : Idem. MARION : Mon nom est Marion Himpeux PRUNE et POMME : Vous riez beaucoup ? MARION : Pas du tout. PRUNE et POMME : Pas même du bout des lèvres ? MARION : Non. PRUNE et POMME : Dommage.

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 27/42

PRUNE : Nous, nous rions tout le temps. (rit) POMME : Idem. (rit) PRUNE : (montre Pomme) Sœur Pomme. POMME : (montre Prune) Sœur Prune. PRUNE : Nous venons donc d'emménager dans la maison d'à côté. POMME : Idem. MARION : Toutes les deux ? PRUNE et POMME : Nous avons aussi un frère, Thomas. PRUNE : Il est masseur (mime). POMME : Nous sommes les sœurs du masseur. MARION : De bonnes sœurs ? PRUNE et POMME : Assurément. PRUNE : (montre les cartes) Oh ! Vous jouez cartes sur table ? MARION : Pas vraiment... POMME : On peut s'asseoir ? MARION : Bien sûr. Toutes les trois s'assoient autour de la table.

PRUNE : (rassemble les cartes) Le Tarot me fascine. POMME : Idem. PRUNE : Tirez-nous les cartes. POMME : Oh, oui ! On vous donne carte blanche. PRUNE : Oh, oui ! MARION : Je n'y connais rien. PRUNE : La fausse modestie... POMME : ... Est un vilain défaut. Marion soupire, mélange les cartes, en place cinq à l'envers sur la table, puis les retourne. Prune et Pomme sont très attentives.

MARION : (se concentre) Le présent : la Papesse. Vous vous dévouez corps et âme à votre métier. Toutes deux intuitives, aimant votre famille. PRUNE et POMME : (chantonnent) Nous sommes deux sœurs jumelles... MARION : Chut ! Laissez-moi me concentrer. Le futur : le Pape. Vous êtes respectables, enthousiastes. Je vois des voyages profitables à votre profession. PRUNE : Chic ! Nous allons aller à Rome par des voies détournées... POMME : ... Car tous les chemins mènent à Rome. MARION : La lune. Je sens une déception. PRUNE et POMME : Une déception ?

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 28/42

MARION : Sœur Prune tombe dans les pommes. Sœur Pomme travaille pour des prunes. Frère Thomas ne croit que ce qu'il voit. PRUNE : Si on arrêtait ? POMME : Idem. MARION : Rassurez-vous. La carte du soleil vous annonce une grande joie. PRUNE et POMME : Aaaaaaah ! MARION : La résultante : le bateleur. Vous allez vous lancer dans le spectacle. La comédie musicale, plus exactement. PRUNE et POMME : Nous ? MARION : Vous, mes sœurs. PRUNE et POMME : Les sœurs du masseur ? MARION : Tentez votre chance ! La Papesse représente d'ailleurs la chance pure. Et comme je cherche un petit boulot, je vais jouer ma dernière carte : je serai votre impresario. PRUNE : Qu'en penses-tu, Pomme ? POMME : Qu'en penses-tu, Prune ? PRUNE et POMME : La même chose que toi ! MARION : Marché conclu ? PRUNE et POMME : Marché conclu. (se serrent les mains) Musique. Prune et Pomme chantent et dansent. Marion les encourage, puis elle tire une carte sur laquelle est écrit FIN et la montre au public. Noir.

Fin du sketch

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 29/42

À vue d’œil (Ann Rocard) Musique. L'opticien installe ses lunettes. Eventuellement des clients-figurants achètent des lunettes, puis repartent. Arrive Max N°1. MAX 1 : Bonjour. OPTICIEN : Bonjour, monsieur. Vous avez besoin de lunettes, je présume ? MAX 1 : Non. Il me faudrait un monocle. Ça fait "classe". OPTICIEN : Un monocle ? (mime) Si vous y tenez... MAX 1 : J'y tiens. L'opticien montre différents monocles et Max N°1 les essaie (gags visuels). MAX 1 : Pas mal... (se regarde dans une glace) Avec un verre ordinaire. OPTICIEN : Sans correction ? MAX 1 : Sans correction. OPTICIEN : Faut-il vous l'envelopper ? MAX 1 : Non, je vais partir avec. (tend de l'argent) Gardez la monnaie. OPTICIEN : Merci. Au revoir, monsieur. MAX 1 : Au revoir. (s'en va) Arrive Estelle qui se cogne dans la vitrine, marche en tâtonnant, s'assied à côté d'une chaise, etc. Elle porte un boa à plumes autour du cou.

OPTICIEN : Bonjour, madame. Puis-je vous renseigner ? ESTELLE : Oui, j'ai un problème. Je ne supporte pas les verres de contact et je refuse de porter des lunettes. C'est ennuyeux... OPTICIEN : En effet, c'est ennuyeux. ESTELLE : Surtout pour mon métier. OPTICIEN : Ah, je vous reconnais ! Estelle Sécho, c'est vous qui présentez la météo sur la neuvième chaîne. ESTELLE : Oui, et comme je n'y vois goutte, surtout quand il pleut... il m'arrive de commettre des erreurs lamentables. (mime en se plaçant de profil) Au nord, sur les bords de la Manche : même temps qu'en Angleterre. Au sud, ça se corse : des orages, des oranges et des clémentines... Je suis obligée d'inventer au fur et à mesure. OPTICIEN : Personne ne s'en rend compte. ESTELLE : Hélas, si... mon patron ! Je vais finir par me faire jeter à la rue. Il me faut des lunettes. OPTICIEN : Il vous faut des lunettes. Sage décision ! Musique. Estelle essaie différentes paires de lunettes (gags visuels). Pendant ce temps arrive Max N°2.

OPTICIEN : Vous revoilà ?

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 30/42

MAX 2 : Moi ? Je ne suis jamais venu ici. OPTICIEN : Si ce n'est vous, c'est donc votre frère. MAX 2 : Je n'ai pas de frère. OPTICIEN : Ou votre sosie. (Max ne comprend pas) Vous avez besoin d'un monocle, je présume ? MAX 2 : Oui. Comment l'avez-vous deviné ? OPTICIEN : Ça fait "classe". (Max approuve de la tête) Et vous y tenez... MAX 2 : J'y tiens. L'opticien tend à Max N°2 un monocle.

MAX 2 : Pas mal... (se regarde dans une glace) OPTICIEN : Avec un verre ordinaire, sans correction ? MAX 2 : Oui. Comment l'avez-vous deviné ? OPTICIEN : J'ai des yeux derrière la tête. MAX 2 : (admiratif) Oh ! (tend de l'argent) Gardez la monnaie. OPTICIEN : Merci. Au revoir, monsieur. MAX 2 : Au revoir. (s'en va) Arrive Clémence qui porte une panière contenant de faux serpents.

OPTICIEN : Bonjour, madame. Puis-je vous renseigner ? CLÉMENCE : J'aurais besoin de deux paires de lunettes. OPTICIEN : Deux ? CLÉMENCE : Pas pour moi ! Pour mes cobras qui ont des problèmes de vue. L'opticien ne comprend pas. Estelle s'approche, intéressée. CLÉMENCE : Le cobra est une espèce de naja de l'Inde. Son nom usuel est... je vous laisse deviner ! ESTELLE : Le serpent à lunettes ! CLÉMENCE : Bravo ! Oh, Estelle Sécho, la star de la météo ! ESTELLE : C'est cela même ! Et vous, que faites-vous ? CLÉMENCE : (se présente) Clémence Fisso, je suis dompteuse. Je vais de ville en ville présenter mes animaux préférés. ESTELLE : Passionnant ! Racontez-moi ça ! Clémence sort un long boa et le met autour de son cou. L'opticien pousse un cri.

ESTELLE : Oh, un boa ! (montre son boa en plumes) Le mien a des plumes, le vôtre a des écailles... (le caresse) Qu'il est chou ! OPTICIEN : (terrifié) Un boa ? CLÉMENCE : Ne craignez rien ! Le boa n'est pas venimeux. C'est un serpent d'Amérique tropicale qui étouffe ses victimes avant de les avaler. ESTELLE : Il se nourrit de vertébrés à sang chaud, n'est-ce pas ?

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 31/42

CLÉMENCE : Oui. Amusant pour un animal à sang froid ! OPTICIEN : (panique) Je perds le mien... CLÉMENCE : Qui ? Votre serpent ? OPTICIEN : Non... mon sang-froid. (s'évanouit) ESTELLE : (montre l'opticien) Il (ou elle) a besoin de repos. (entraîne Clémence) Que cachez-vous d'autre dans votre panière ? CLÉMENCE : (sort la vipère) Une vipère médisante et particulièrement méchante. ESTELLE : Une vipère à la langue vipérine ? CLÉMENCE : Je ne peux plus la supporter. (sort un autre serpent) J'ai aussi un crotale... ESTELLE : Un serpent à sonnettes ? CLÉMENCE : Oui. Il est réglé comme une horloge : il sonne les heures, même la nuit. Et il me sert de réveille-matin. ESTELLE : Passionnant ! Réellement passionnant ! Toutes vos petites bêtes sont-elles là ? CLÉMENCE : Non. Pour tout vous avouer, j'ai laissé à la maison l'anaconda qui mesure sept mètres de long. Mais j'ai apporté mes deux cobras. ESTELLE : Des serpents à lunettes chez un opticien : quelle idée géniale ! Clémence sort un cobra. Estelle lui essaie des lunettes. L'opticien se relève lentement et écarquille les yeux. CLÉMENCE : (au cobra) Ne bouge pas, mon chéri ! C'est pour ton bien. Musique. Entre le cambrioleur, index et majeur pointés vers l'avant (sans revolver). CAMBRIOLEUR : Haut les mains ! Ceci est un hold-up ! L'opticien s'évanouit de nouveau. Clémence pose le cobra dans la panière. Estelle et Clémence lèvent les mains. Max N°2 revient.

MAX 2 : Excusez-moi. J'ai perdu mon monocle. CAMBRIOLEUR : Je répète : haut les mains ! Ceci est un hold-up ! MAX 2 : (rit) Ce cambrioleur est à deux doigts de l'arme fatale... Le cambrioleur tire. Max N°2, blessé, se dirige difficilement vers les coulisses.

CLÉMENCE : Il (ou elle) a fait ça du bout des doigts ? ESTELLE : Ou avec ses yeux... CAMBRIOLEUR : Exact ! J'ai le regard qui tue. (pointe les doigts vers Estelle et Clémence) La caisse, vite ! CLÉMENCE : Désolée ! Nous ne sommes que des clientes. ESTELLE : (montre l'opticien) L'opticien a besoin de repos. CAMBRIOLEUR : (montre le boa) Qu'avez-vous autour du cou ? CLÉMENCE : Mon trésor chéri. CAMBRIOLEUR : Un trésor ? Oh, oh !

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 32/42

ESTELLE : Vous feriez mieux d'y regarder à deux fois. Le cambrioleur cligne des yeux, puis louche. CAMBRIOLEUR : Un trésor qui bouge ? C'est louche. Aurais-je des visions ? ESTELLE : J'ai l'impression que notre visiteur (visiteuse) n'a pas les yeux en face des trous. CAMBRIOLEUR : (se fâche) Silence ! Je vous ai à l'œil ! Je répète : la caisse, vite ! Ou je tire sur tout ce qui bouge. ESTELLE : (montre discrètement la panière à Clémence) Vous n'aviez pas une paire de lunettes dont vous vouliez vous débarrasser ? CLÉMENCE : Pardon ? ESTELLE : (idem) Une vipère de lunettes que vous ne pouviez plus supporter. CLÉMENCE : (réfléchit, puis comprend) Ah ! Bien sûr. ESTELLE : (au cambrioleur) Madame Clémence Fisso que vous voyez là, va vous offrir une paire de lunettes dont elle ne se sert plus. CAMBRIOLEUR : Pour quoi faire ? ESTELLE : Ainsi votre vision s'améliorera et vous trouverez sans problème caisses, porte-monnaie, coffres-forts, trésors cachés... CAMBRIOLEUR : Silence ! CLÉMENCE : Et vous acquerrez peut-être le don de double vue ! CAMBRIOLEUR : (réfléchit) D'accord. Musique. Clémence sort la vipère de la panière, la lance au cambrioleur qui la rattrape. CAMBRIOLEUR : (hurle) Aïe ! ESTELLE : Est-il (elle) piqué(e) ? CLÉMENCE : Non, mordu(e). Une morsure, c'est sûr ! ESTELLE : Le venin de la vipère étant mortel, c'est la mort sûre si notre visiteur (visiteuse) ne se précipite pas chez le pharmacien le plus proche pour se faire injecter un sérum anti-venimeux. Le cambrioleur s'enfuit en hurlant.

CLÉMENCE : Et s'il (si elle) recommence à cambrioler ? ESTELLE : Il (elle) finira pas se faire "coffrer". (rit de sa blague) C'est fort, très fort ! Et on lui apportera des orages, des oranges et des clémentines, comme à la météo. Musique. Clémence ramasse la vipère, range ses serpents dans la panière, choisit deux paires de lunettes qu'elle place sur sa tête, pendant qu'Estelle chausse une paire de lunettes. Puis elles s'en vont bras dessus, bras dessous.

OPTICIEN : (se relève lentement) Bonjour. Puis-je vous renseigner ? L'opticien, éberlué, met deux monocles et s'immobilise, face au public. Noir.

Fin du sketch

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 33/42

Effet [m e r] ? (Ann Rocard) Marie, la journaliste, accueille Myra.

MARIE : Bonsoir et bienvenue à notre émission régionale hebdomadaire. Nous avons un petit changement de dernière minute. J’accueille ce soir, Myra Mercier, candidate aux municipales de Chante-Mer. MYRA : Bonsoir. MARIE : Myra Mercier, tête de liste... MYRA : (l’interrompt) Une grosse tête. MARIE : (un peu troublée) Je disais donc : tête de liste des Éphémères, largement en queue dans tous les sondages. MYRA : C’est pour mieux surprendre l’adversaire. MARIE : C’est-à-dire le maire sortant, Omer Kantil ? MYRA : Qui ne va pas tarder à sortir tête basse par la porte de derrière. MARIE : Il ne faut pas vendre la peau... MYRA : (l’interrompt) Avec Omer Kantil, tout est négociable. MARIE : (gênée) Je tenais à vous remercier, Myra Mercier, de bien vouloir remplacer monsieur Kantil qui a chuté dans une bouche d’égout métaphorique. MYRA : C’est tout naturel. Ma présence, pas la bouche d’égout. MARIE : Donc, merci, Myra... Je peux vous appeler ainsi ? Moi, c’est Marie. (Myra approuve) Tout d’abord, pourquoi vous êtes-vous lancée dans cette course électorale ? MYRA : Le starting-block ! Il fallait que ma vie change, la mise en quarantaine n’étant pas loin. Après mûre réflexion, je retins trois possibilités : traverser la Manche en apnée, viser la mairie ou bien avoir des triplés, c’est-à-dire devenir trois fois mère. MARIE : J’avais compris. MYRA : L’une des possibilités excluant les deux autres. Je me fixe toujours des limites. MARIE : C’est méritoire. Et vous avez fondé le parti des Éphémères... MYRA : Sans parti pris. MARIE : Le terme n’est guère encourageant quant à votre avenir politique. MYRA : Ne vous fiez pas aux apparences. Ces petites libellules savent voler de leurs propres ailes. Et le mot est à double sens... Effet [m e r] garanti ! J’avais tout d’abord pensé au nom nycthémère... MARIE : Cet espace de temps comprenant un jour et une nuit. MYRA : Mais le terme a une connotation particulière et de plus, je n’ai rien d’une rappeuse, même si je cache bien mon jeu. MARIE : Depuis deux mois, vous tentez en vain de déstabiliser votre adversaire, Omer Kantil...

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 34/42

MYRA : Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Omer est amer, c’est déjà ça de gagné. MARIE : Les téléspectateurs seraient ravis que vous leur présentiez clairement votre programme concernant votre commune Chante-Mer. MYRA : On nivelle et on repart à zéro. MARIE : Seriez-vous nihiliste ? MARIE : Non, cycliste à mes heures perdues, mais je les retrouve vite. On entend une sirène de pompier. MYRA : (écoute) Une sirène du bord de mer. Elle arrive droit de chez nous. MARIE : Vous croyez ? Entre Omer peu discret et boitillant.

MARIE : (discrètement) Oh, Omer Kantil ! Je suis prise au dépourvu... MYRA : Visiblement, il ne s’est pas levé du bon pied. OMER : (furieux, à Myra) Que faites-vous ici ? MARIE : Myra Mercier a eu la gentillesse de vous remplacer au pied levé. MYRA : (en équilibre) C’est exact. Sans aucune arrière-pensée. OMER : (crie) C’est mon temps d’antenne ! MARIE : Mais vous n’étiez pas là... OMER : Maintenant, si ! (à Myra) Dehors ! MYRA : Il est hors de lui, mais il ne tardera pas à réintégrer son corps de métier. OMER : (à Myra) Je vais vous mettre mon pied quelque part ! MYRA : Lequel ? Gare au déséquilibre en cette période électorale ! OMER : Moi, je... (s’étouffe de rage) MARIE : Monsieur Kantil, je vous rappelle que nous sommes en direct sur notre chaîne régionale. Pensez à soigner votre image... (Omer se calme, resserre son nœud de cravate) MYRA : ... Et votre pied, car vous avez les chevilles qui enflent. La journaliste fait asseoir Omer Kantil et lui offre un verre d’eau. MARIE : Ce sont les aléas du direct. Nous allons poursuivre cette discussion à trois. En tant que têtes de liste, vous visez tous les deux la mairie de Chante-Mer, ce charmant petit port de pêche. OMER : (montre Myra) Où l’on vivait tranquille avant qu’il lui pousse des ailes. MYRA : Et du zèle. Quels que soient les résultats, je serai [m e r]. OMER : (offusqué) Comment cela ? MYRA : L’un des buts que je me suis fixés se réalisera. Faire la Manche n’est sans doute pas une bonne idée. Je m’en tiendrai à maire ou mère... OMER : Mérou ? Je ne comprends pas de quoi vous parlez, mais les résultats des élections ne tarderont pas à m’apporter un nouveau mandat sur un plateau...

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 35/42

MYRA : ... De télé.

Omer Kantil se contient difficilement. MARIE : Monsieur Kantil, votre liste est très bien placée dans les sondages. Combien y a-t-il d’électeurs à Chante-Mer ? OMER : Cent. Mais je voudrais ajouter que je suis père et maire à la fois... MYRA : Maire d’ici, comme le disait si bien Alphonse Allais. S’il énumère tous ses statuts, nous n’avons pas fini. OMER : Je craque ! Les femmes au ménage ! Du balai ! Gong. Marie se lève et présente les candidats comme sur un ring.

MARIE : D’un côté, le clan des Éphémères, représenté par Myra Mercier, de l’autre Omer Kantil des P.Z.Z. Tous les coups sont permis sauf d’assommer l’arbitre ! Omer lance un coup de poing qui effleure la journaliste. MARIE : Carton bleu blanc rouge, monsieur Kantil ! Au prochain, vous quittez le ring. Compris ? Myra sautille autour de Marie, les pouces en l’air mais sans frapper. Omer boitille.

OMER : (montre son pied) Je pars avec un handicap certain. Je peux à peine bouger. Pas moyen de placer un direct... MARIE : Mais nous sommes en direct, monsieur Kantil ! (à Myra) Ne restez pas à vous tourner les pouces ! Ce n’est pas le moment de faire du stop. MYRA : (poings levés tel un boxeur avec pouces en l’air) C’est ainsi que je marque des points. MARIE : (montre un tube) En effet, Myra Mercier remonte à vitesse grand V sur le poïntimètre de l’émission. Toutes les chaînes nationales ont interrompu leurs programmes et diffusent notre dé-bataille. Des hélicoptères, armés de caméras, survolent notre bâtiment. OMER : Taisez-vous ! Vous m’empêchez de me concentrer. MARIE : Excusez-moi, monsieur Kantil. (à Myra) Foncez ! MYRA : Je ne vais pas tarder à agir. Après moi, la vimaire ! OMER : La vie quoi ? MYRA : La vimaire, a-i-r-e ou è-r-e ! Les dégâts, causés dans les forêts par le vent, la grêle ou l’ouragan. OMER : D’où sort-elle ça ? MYRA : Du dictionnaire. Vous connaissez ? OMER : (gronde) Nous avons convenu de... MYRA : Nous sommes convenus... En tant que maire, appliquez la grammaire. OMER : Retenez-moi, je vais faire un malheur ! MARIE : (sert d’écran entre les deux) Je vous retiens ! Si vous l’étranglez, même en direct... le top ! moi, je perds mon boulot. MYRA : (rit) Et moi, je perds la vie. Il y a deux poids, deux mesures.

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 36/42

MARIE : Tous deux, parlez-moi de vos intentions ! OMER : (montre Myra) La réduire en miettes. Les femmes aux fourneaux ! MYRA : (montre Omer) Éliminer ce maire de pacotille qui met les pieds dans le plat en affichant son machisme sur le petit écran. Éliminer ce mercenaire qui fait payer toutes ses interventions... Et prendre sa place. OMER : Elle veut être calife à la place du calife... (rugit) Mais le calife, c’est moi ! J’y suis, j’y reste. (gesticule et étouffe) J’ai chaud... MYRA : La politique est un plat qui se mange froid. Arrive Paul Itic. Les autres s’immobilisent.

MARIE : Monsieur, je suis désolée, mais vous n’avez rien à faire sur ce plateau. Seules les têtes de liste de Chante-Mer sont... PAUL : Je le suis. OMER et MYRA : Première nouvelle. PAUL : Ça vient de sortir. Une liste idyllique. Je suis le seul homme, entouré de femmes, les miss Tiques. MARIE : Des religieuses ? PAUL : Non, des célibataires inspirées. Je me présente : Paul Itic. Quand j’ai allumé la télé et suis tombé... MARIE : Dans une bouche d’égout métaphorique, vous aussi ? PAUL : Non, quand je suis tombé sur votre émission... j’ai foncé jusqu’ici. C’est mon droit. MARIE : Tout à fait, monsieur Itic. Chaque liste, qui vise la mairie de Chante-Mer, est ainsi représentée. PAUL : Je suis dans le métier depuis mes plus jeunes années. Le ring et la politique, c’est dans mes cordes. (se met en position de boxeur, face aux deux autres qui se sont regroupés) Et j’arrive à point nommé ! Noir.

Fin du sketch

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 37/42

Agents très très spéciaux (Ann Rocard)

Musique typique d’agents secrets. Pierre traverse la salle en jetant des coups d’œil par-dessus ses lunettes noires, puis elle se place dans un coin sur scène. PIERRE : Les agents doubles ne devraient plus tarder. Autre musique typique d’agents secrets. L’agent 001 marche sur la pointe des pieds, suivi de près par l’agent 002.

001 : Je ne vois pas le chef. 002 : Mais le chef nous voit sûrement. Tu te rappelles du mot de passe ? 001 : Un peu. Et toi ? 002 : En se creusant la cervelle, on devrait le retrouver. C’est un jeu d’enfant. Vas-y, commence. 001 : Ben… 002 : Un petit effort est vite passé. Les deux agents réfléchissent.

001 : Lierre qui coule n’a pas la frousse. 002 : Ce n’est pas exactement ça… 001 : Papa poule à la rescousse. 002 : Non… Y a une histoire de mousse. PIERRE : (sur le côté - lentement) Pierre qui roule… 001 : (sursaute et sort son revolver) Tu as entendu ? 002 : (sursaute et sort son revolver) C’est le début du mot de passe ! On nous espionne ! PIERRE : (lentement) Pierre qui roule… 001 : (fait quelques pas en tournant le dos à 002) Notre dernière heure est venue… 002 : Nous sommes fichus… 001 et 002 reculent lentement et se cognent, sursautent et se retournent en criant.

001 et 002 : Aaaaaaah ! Maman, au secours ! PIERRE : (s’impatiente) Pierre qui roule… 001 : On dirait la voix du chef. 002 : Il n’a pas l’air content. PIERRE : Nom d’un chien, dépêchez-vous ! Le mot de passe ! Pierre qui roule… 001 et 002 : N’amasse pas mousse ! (très fiers, font le V de victoire, et puis se serrent la main) Félicitations, cher ami. Félicitations. PIERRE : (les rejoint) Ce n’est pas trop tôt. Il serait temps de réviser vos formules, vous allez en avoir besoin. 001 et 002 : Salut, chef ! En forme ?

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 38/42

PIERRE : Nous n’avons pas le temps de discuter. Nous devons sauver le monde. 002 : Chic ! C’est mon passe-temps préféré. 001 : Quelle est la nouvelle mission, chef ? PIERRE : Minute, agent 001 ! Vous devez d’abord être en condition. Garde-à-vous ! 001 : Voûte plantaire ! 002 : Terre de feu ! PIERRE : Feu follet ! 001 : Lait de vache ! 002 : Vache de ferme ! PIERRE : Ferme ta boîte ! Les deux agents se bouchent les oreilles, horrifiés.

001 : Ah, non, pas de vulgarité... 002 : Nous venons de passer brillamment la première épreuve. N’est-ce pas, chef ? PIERRE : Oui, agent 002. 001 : Musique ? PIERRE : Musique, maestro ! Musique typique des missions pour agents secrets. Sorte de petite chorégraphie.

PIERRE : Cette mission si vous l’acceptez… 001 : Vous ne venez pas avec nous, chef ? PIERRE : Bien sûr que si. Je reprends : cette mission si nous l’acceptons… 001 : J’accepte ! 002 : J’accepte ! Et vous, chef ? PIERRE : Si ce n’était pas le cas, je serais vautré sur mon canapé en train de regarder la télé… 002 : Une série américaine débile ? PIERRE : (soupire) Ah, oui… Des agents très très spéciaux qui doivent sauver le monde. 001 : Comme nous, patron ! Tous les trois se mettent au garde-à-vous.

PIERRE, 001 et 002 : (rappent) Pierre qui roule n’amasse pas mousse ! Nous n’avons jamais la frousse ! Oui, nous sommes des héros, des agents très très spéciaux. Yoo ! 002 : Alors cette nouvelle mission, chef ? PIERRE : L’ennemi public n°666 n’est pas loin. 001 et 002 : Aïe, aïe, aïe ! PIERRE : Nous sommes chargés de le démasquer. 001 : Qu’a-t-il fait ?

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 39/42

PIERRE : Il a dévalisé le magnifique musée de notre ville. 001 et 002 : Aïe, aïe, aïe ! PIERRE : Il a volé le crâne du pape quand il était enfant. 001 et 002 : Aïe, aïe, aïe ! 001 : (mime en écarquillant les yeux) J’en suis exorbité. 002 : (mime) Moi aussi. PIERRE : Il s’est emparé du ballon crevé dans lequel Zizou a shooté quand il était bébé. 001 et 002 : Aïe, aïe, aïe ! 002 : (gémit) Le ballon de Zizou ? Ah, non ! Tout mais pas ça. 001 : (gémit) C’est trop horrible. Le foot est foutu. PIERRE : Il a osé prendre le chewing-gum, mâchonné par Johnny lors de son dernier concert. 001 et 002 : Aïe, aïe, aïe ! 001 : L’ordure ! Il va le regretter. 002 : (mime) J’en rumine ! PIERRE : Les bijoux du trésor royal se sont volatilisés. 001 et 002 : Aïe, aïe, aïe ! PIERRE : Et pour terminer, il a emporté la sculpture parlante du célèbre Pikaskou. 001 et 002 : Bof… C’est moins grave… 001 : L’ennemi public n°666 en a eu pour son « agent »… 002 : (corrige) Pour son argent. PIERRE : Accélérons. 001 : Justement, le temps, c’est de l’argent. 002 : Mais l’argent ne fait pas le bonheur. PIERRE : Silence ! Les deux agents se mettent au garde-à-vous.

001 et 002 : Et le silence est d’or. PIERRE : Il est l’heure ! Mon chapeau s’autodétruira dans cinq secondes… 001 et 002 : Aïe, aïe, aïe ! PIERRE : Mon chapeau ? Oh, non ! Pierre jette son chapeau dans les coulisses. Bruitage : explosion. Les deux agents se bouchent les oreilles. Musique d’agents secrets. Tous les trois se mettent à marcher. 002 : Votre flair est légendaire, chef… PIERRE : C’est vrai. 001 : Respirez à pleins poumons !

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 40/42

PIERRE : (renifle) J’ai le nez bouché. 001 et 002 : Dommage. Pierre se met en arrêt comme un chien de chasse.

PIERRE : Ah ! Ça sent l’ennemi public par ici. 001 et 002 : Vous êtes sûr ? PIERRE : Cachons-nous ! 001 et 002 : Oui, chef ! Tous les trois se cachent les arbres et observent. Musique douce. Arrivée de la sculpture parlante qui porte plein de bijoux autour du cou et un sac.

SCULPTURE : Ah, si le célèbre artiste Pikaskou me voyait, il se retournerait dans sa tombe. Car il est mort depuis longtemps, le pauvre homme. Paix à son âme ! Sur le côté, Pierre et les deux agents parlent discrètement : 002 : C’est la sculpture volée ! 001 : La sculpture parlante de Pikaskou ! 002 : Qu’est-ce qu’on fait, chef ? 001 : On la récupère ou bien on attend que le voleur pointe son nez ? PIERRE : J’hésite… 001 : Il ne faudrait pas la laisser filer. 002 : … Filer un mauvais coton. La sculpture tourne sur elle-même. SCULPTURE : Il m’a semblé entendre parler. J’ai des voix… C’est mauvais signe. Jeanne, c’est mon nom, mais ce n’est pas une raison. Les agents parlent discrètement, passant la tête sur le côté de chaque arbre :

002 : La sculpture s’appelle Jeanne… 001 : … Comme la bergère avec ses moutons. 002 : Vous étiez au courant, chef ? PIERRE : Bizarre… La sculpture de Pikaskou n’a jamais eu de nom. (renifle) Bizarre… 001 : Il a dit bizarre. 002 : Comme c’est bizarre. La sculpture avance un peu. Les agents portant les arbres la suivent.

SCULPTURE : J’ai l’impression d’être épiée. Il faut que je parte d’ici au plus vite. Musique. Pierre et les deux agents bondissent près de la sculpture.

PIERRE : On ne passe pas ! 001 et 002 : Qu’est-ce qu’il parle bien ! SCULPTURE : (prend une voix d’automate) Que se passe-t-il ?

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 41/42

001 : (à 002) Elle a changé de voix. Tu ne trouves pas ? 002 : (à 001) Hum… Hum… PIERRE : Nom, prénom, profession ? SCULPTURE : (avec une voix d’automate) Je suis la sculpture parlante, réalisée en 1989 par le célèbre artiste Piskakou. J’ai été exposée aux quatre coins du monde et vous avez la chance de pouvoir m’admirer dans le musée de votre ville. PIERRE : Je répète : nom, prénom, profession ? 001 et 002 : Qu’est-ce qu’il est autoritaire ! SCULPTURE : (avec une voix d’automate) Je suis la sculpture parlante, réalisée en 1989 par le célèbre artiste Piskakou. Pierre met la main sur la bouche de la sculpture et renifle.

PIERRE : Ma boîte à outils ! Vite ! 001 : Ce n’est pas le moment de bricoler, chef. 002 : Vous devez sauver le monde. PIERRE : Vite ! 001 court chercher la boîte à outils et l’ouvre. La sculpture recule lentement. PIERRE : (tend la main) Marteau ! 002 : La scie aussi ? PIERRE : Non. Marteau ! 001 donne le marteau en mousse à Pierre qui le prend et assomme la sculpture. Celle-ci s’écroule en douceur.

001 et 002 : Aïe, aïe, aïe ! 001 : (horrifié) Vous détruisez les œuvres d’art… 002 : (horrifié) … Au lieu de les protéger ! Pierre ramasse tous les bijoux qui étaient autour du cou de la sculpture.

PIERRE : Voici les bijoux du trésor royal. 001 et 002 : Non ? PIERRE : Si ! Pierre ouvre le sac et en sort le ballon crevé et le chewing-gum.

001 : Le ballon de Zizou bébé ! Merveilleux ! 002 : Le chewing-gum de Johnny ! Formidable ! 001 : Expliquez-nous, chef ! PIERRE : (montre la sculpture) C’est l’ennemi public n°666 qui s’est déguisé en sculpture pour échapper à la police. 001 et 002 : Mais pas à vous, chef ! PIERRE : (montre la sculpture) Embarquez-le ! Notre enquête est terminée. (noir).

Fin du sketch

Leçon de conduite (9 sketches) – Ann Rocard 42/42