Le Temps Sophie Fontanel

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AirduTemps Le TempsMardi 4 octobre 201128

Véronique Zbinden

Un pour tous, tous pour un? C’est àce souvenir ému que la cohorte desmeilleurs chefs de Suisse – unepartie d’entre eux, allez – a levé sonverre à la présentation du nouveauguide GaultMillau 2012.La cérémonie se dérou-lait à Steinen (Schwyz),quelque part au bout dubout du monde, plusprécisément entre Rigi etvertes prairies du Grütli.En plein cœur de laSuisse dite primitive, deson berceau, il étaitquestion du retour à unecuisine des origines.Franz Wiget (Adelboden,Steinen, 18 points), quinquagé-naire et natif du lieu, a été consacrécuisinier de l’année. Il y pratiqueune «cuisine d’alpage», selon sesmots. Taillé dans l’étoffe desWaldstätten, l’homme serait de-venu paysan s’il n’avait, de sonpropre aveu, été sujet au rhume desfoins.

Et à part ça, tous ceux derrière FranzWiget? Peu de changements ausommet de la pyramide – les repre-neurs des deux grands chefs toutjuste retraités, à Kusnacht et Brent –ne sont pas encore admis au pan-théon des dix-neuf… Juste au-des-

sous, ça mijote un peuplus. Quatorze tablesgagnent des points dansle canton de Vaud, deuxà Genève, quatre àFribourg, trois en Valais.Les top chefs de l’année?Maryline Nozahic (LaTable de Mary à Che-seaux-Noréaz) est éluecuisinière de l’année,Damien Germanier (LeBotza à Vétroz) est le

promu de l’année, alors que JulienRetler (Le Petit Manoir à Morges)est la découverte, vraiment toutefraîche, puisqu’il a ouvert en mai, etdécroche d’emblée quatorze points.

GaultMillau 2012, Ringier. Editionromande: 340 adresses/GuideSchweiz 837 adresses.

Quoi de neuf

Sur nos monts quand la cuisine…

DR

Jour pour jour

Affaire O.J. Simpson, épilogue et épisode suivant

Marie-Claude Martin«Acquitté». Ainsi commence

l’article du Nouveau Quotidienconsacré au procès du footballeurnoir américain O.J. Simpson,accusé de l’assassinat de safemme et de l’ami de celle-cile 24 juin 1994. Ce procès mêlantsexe, violence domestique,race, célébrité et médias futun des plus retentissants desEtats-Unis.

Nous sommes le 4 octobre1995 et le suspense aura duréseize mois. Le NQ mais aussi leJournal de Genève font leur une etleur édito avec le dénouement decette affaire exceptionnelle: neufmois d’audience, 126 témoins,1392 minutes de retransmission

télévisée et des jurés coupés dumonde pendant 266 jours, afinde les préserver de toute pression.Exceptionnelle aussi la composi-tion de ce jury majoritairementféminin (10 sur 12), et choisiautant par les avocats de la dé-fense que de l’accusation. Argu-ment des premiers: elles sont plusclémentes que les hommes. Argu-ment des seconds: elles sont plussévères s’agissant de violencesdomestiques.

Le verdict fut accueilli par descris de joie dans la communauténoire et des soupirs d’accable-ment chez les Blancs. Pourtant leNoir vivait comme un Blanc, avecbeaucoup d’argent pour s’offrirles meilleurs avocats. Mais le Noir,pour une fois, échappait au cou-loir de la mort, et cela aura suffi àle transformer en héros.

Acquitté au pénal, O.J. Simpsonn’en fut pas moins reconnu cou-pable au civil et condamné àpayer 33 millions de dollars auxfamilles des victimes. L’ex-footbal-leur déménagea alors à Miami où

il put continuer son train de vie,la loi de Floride interdisant lasaisie des rentes et autres biens.

Seize plus tard, que retient-onde ce procès mémorable? Unejustice américaine plus préoccu-pée du droit que d’équité – unpeu comme dans l’affaire DSK, lediscrédit porté sur le témoin àcharge, le policier Mark Fuhrman,jugé raciste donc menteur, alargement pesé dans l’acquitte-ment. Un verdict essentiellementpolitique qui a peut-être permisd’éviter de nouvelles émeutesraciales. Une enquête biaisée oùla police avait contaminé la scènede crime, rendant discutable lapreuve par l’ADN. Une surmédia-tisation qui a transformé la jus-tice en spectacle. Et surtout unformidable sentiment de gâchis,comme un film qui nous tient enhaleine pendant deux heures etse termine en queue de poisson.

Mais la réalité est parfoisbonne scénariste. En l’occurrence,O.J. Simpson fut arrêté plusieursfois, notamment pour atteinte à

l’intégrité physique, il se mit àgrossir et sa carrière fut brisée.Même son livre de confessionsIf I Did It, qui l’accable au lieude le disculper, n’a pas été à lahauteur de ses gourmandesambitions. Une affaire de règle-ment de comptes avec kidnap-ping vint encore ternir le tableau.Le vendredi 5 décembre 2008,l’ex-héros américain fut con-damné à 33 ans de prison ferme àLas Vegas pour enlèvement et volà main armée.

Il y a dans cette affaire unemorale qui reste américaine, outout du moins hollywoodienne:les méchants finissent par êtrepunis. Esthétiquement en revan-che, on est passé de Shakespeare àCloser.

Chaque mardi, notre chroniqueusecherche dans les archives du Journalde Genève, de la Gazette de Lausanneou du Nouveau Quotidien un faitrelaté le même jour mais à une datetirée au hasard.www.letempsarchives.ch

Ne plus faire l’amour, quel scandale!

Sarah Jollien-Fardel

On la connaissait parce qu’elle ainventé Fonelle, un personnagefrappadingue et sexuellement dé-bridé, qui revient chaque semaine,dans le magazine Elle1. Depuis deuxmois, on la connaît comme l’auteurde L’envie2, un livre où elle raconteles années qu’elle a passées sansfaire l’amour.

Jamais Sophie Fontanel n’auraitimaginé le raz-de-marée médiati-que que L’Envie allait causer. LaFrançaise raconte ici ce que disentles réactions à son livre, ce qu’elle vitdepuis deux mois, et ce qu’elle avécu durant son exil relationnel.Avec légèreté, sérieux, tact. Commedans son livre qui a l’élégance de nepas rendre pesante sa profonde in-telligence de la sociétéd’aujourd’hui.

Le Temps: Depuis que votre livre estsorti, on parle de vous partout. Vousvous attendiez à un tel écho?Sophie Fontanel: Non, et surtoutpas que ce soit aussi mondial. Moi,mon souci c’était de bien écrire.Sur le rôle de la sexualité, sansjamais être ni triviale, ni médicale,ni psychologisante, ni bêtementdrôle comme c’est souvent le cas.

– Qu’est-ce qui vous a le plus sur-prise?– La reconnaissance des hommes.Je n’étais pas préparée à ces mercispudiques qu’ils me laissent surFacebook. Et aussi les confidencesdes femmes, cette parole quis’ouvre parce que j’ai osé parler lapremière. Ce qui m’étonne aussi,c’est qu’on parle tout le tempsd’«abstinence» alors que j’écris quece n’est pas le bon mot. C’est plutôtqu’on reprend son souffle. Uneautre chose qui m’étonne, c’estqu’on me dit que je n’avais plus«envie». Or c’est la force de monenvie, la haute idée que je me fais

> Relations Lajournaliste SophieFontanel a écritun livre, très beauet intelligent, sur sonabstinence sexuelle.Elle revient sur lesénormes réactionsque son bouquinsuscite dansle monde entier.Paroles de femmeset d’hommes

de mon envie, qui fait qu’à unmoment mon corps ne peut toutsimplement plus vivre les relationsmédiocres que je lui impose. Unejournaliste qui m’avait suivie a étéeffrayée par la violence des ques-tions qu’on osait me poser. Cetteviolence, je ne la ressens pas.N’ayant aucune agressivité, je nevois pas celle des autres.

– La pitié vous a-t-elle fait mal ourendue forte?– Pourquoi aurait-on pitié de moi?Parce que le répit sexuel, dans mavie, m’a apporté un enseignementet une vérité extraordinaires, et unsens accru du contact? Si on a pitiédes gens qui ne font pas l’amour àun moment de leur vie, c’est qu’onpense qu’ils sont malheureux. C’estloin d’être le cas. C’est bien ça lescandale: être heureux quandmême.

– A quel moment avez-vous sentique vous passiez du camp de la«femme sans relations sexuellesparce que sans homme» à celui«d’une femme qui n’a plus envie»– Je ne sais plus, vraiment. A unmoment, la seule explication queles gens ont trouvée autour de moi,c’est que peut-être je n’avais pas debesoins. Mais moi ça m’indifférait,ce qu’on pensait, car je savais que je

mourais d’envie de vivre de gran-des choses, je savais que rien n’étaitmort, que c’était même une renais-sance qui se préparait en moi, unenouvelle façon de vivre.

– Vous écrivez, «j’ai vécu dans peut-être la pire insubordination denotre époque». Faire l’amour estdevenu une obligation?– C’est déjà désobéir à toute lanorme sociale que de se passer departenaire sexuel pendant quel-ques années. Et le dire. Surtout ledire, ne pas se cacher. C’est aussiune insubordination envers tousceux se sentent obligés de fairel’amour car sinon ils auraient troppeur du spectre de la solitude

– Le milieu dans lequel vous évoluez,celui de la mode, de la presse, seraitdonc plus normatif qu’on le croit?– Le milieu de la mode, selon moi,en matière sexuelle, n’est ni plus nimoins normatif que le milieu desnotaires de province, par exemple.Ou celui des pompiers. Tous lesmilieux ont leurs codes. Ce qui lerend tout à fait inédit, c’est qu’ilrassemble des femmes splendideset bien habillées (pas toutes, il y ades dingos!) et une majoritéd’hommes homosexuels. Donc, parla force des choses, c’est un milieupeu propice pour la rencontre

sexuelle. Et où le plaisir est beau-coup pris dans la simple joie de sesentir un style. J’ai de la tendressepour ça.

– Vous êtes-vous sentie coupable dequelque chose?– Oh oui, je me suis sentie coupabled’avoir honte d’être sans partenairesexuel. Je trouvais que ce n’était pasdigne de tout ce que je pense de laliberté d’avoir honte. La liberté,c’est aussi celle de ne pas faire.

– Vous relatez votre première expé-rience sexuelle à 13 ans avec unhomme de passage, plus âgé. Celaa-t-il eu des répercussions à retar-dement sur votre sexualité?– Moi j’ai rencontré un homme,disons un peu trop pressé de medéflorer quand j’avais 13 ans, etdans mon ignorance, j’ai cru quec’était toujours comme ça, il fallaitdire oui même si on trouvait que çaallait un peu vite. Ce type d’expé-riences a marqué tant de jeunesfilles!

– Pour le magazine «Elle», vous avezcréé le personnage de Fonelle.Quelqu’un de sexuellement déluré.Un grand écart schizophréniqueentre votre vie et l’imaginaire?– Quand Ian Flemming inventeJames Bond, on ne vient pas lui

faire de la psychologie sur cettedualité, on voit bien que c’est uneforme de complémentarité. Fo-nelle est dans une joie continue oùelle veut jouir de tout, tout de suite,c’était mon complément. Souventles gens drôles sont très sérieux,vous savez. Et puis il m’arrive aussid’être Fonelle dans la vie, j’ai plutôtune vie marrante, à dire vrai.

– Vous rêviez d’histoires d’amouravec Robert Redford ou Gary Coo-per. N’était-ce pas mettre la barretrop haut pour un homme réel?– Je ne vois pas pourquoi on nemettrait pas la barre haut, toutd’abord. Les hommes de 60 ansrêvent devant des filles de 25 ans,et nous nous serions en train demettre la barre trop haut en rêvantdevant Out of Africa? Et puis endemandant aux hommes d’être unpeu héroïques, on peut déclencherdes vocations. Beaucoup d’hom-mes ont envie de se dépasser, d’êtreGary Cooper. Et moi je trouve quebeaucoup y parviennent, en fait.

– Maintenant, là, de quoi avez-vousenvie?– Dormir huit heures. Je ne fais queparler depuis deux mois.

– Vous aimez le shopping.Faire ou non l’amour,

Sophie Fontanel: «En demandant aux hommes d’être un peu héroïques, on peut déclencher des vocations.» ARCHIVES

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est-ce que ça l’influence?– Je n’aime pas ce mot de shopping,il me fait penser à la bêtise. J’aimeles mots «vêtement», «allure»,«élégance». Quand on ne fait pasl’amour, on cherche d’autres plai-sirs. Porter de belles choses en estun. Pour moi, c’est refuser de sepunir par l’austérité. C’est s’autori-ser une certaine richesse sensuelle,même si c’est chez H & M.

– Est-ce qu’on sent, on voit, onressent d’autres choses quand on nefait plus l’amour?– Ça rend très à fleur de peau, il mesemble. Dès que quelqu’un touchevotre bras, vous vous demandez cequi se passe. Vous êtes sans cessedevant le mystère de l’autre, ducontact. Je trouve que ça remet dela fascination pour l’autre dans lavie.

– Qu’est-ce qui est le plus dur àavouer, quand on ne fait plusl’amour?– Qu’on a peur d’y retourner. Qu’ona peur d’échouer et peut-êtreencore plus peur que ça marche: cerisque fou de chaque attouche-ment, qui est l’attachement. Alorsqu’on en rêve. Mais on a peur, peur,peur d’être dérangé, envahi, oudéserté.

– Est-ce que quelque chose vous amanqué durant votre «exil».– Des bras pour me soutenir quandje me sentais si faible. Mais tant degens me disent que, parfois, encouple, eh bien, on n’est pas sou-tenu non plus quand on vacille.Donc, on va dire que les bras, c’estrare. Le livre a failli s’appeler «Lesbras!», comme le cri d’un enfant.

1. Le blog de Sophie Fontanel:http://blog.elle.fr/la-vraie-vie-de-fonelle2. «L’envie», Ed. Robert Laffont, août2011.

‘‘ La liberté, c’estaussi celle de ne pasfaire ,,Sophie Fontanel