Le Temps Sophie Fontanel

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Air du Temps Le Temps Mardi 4 octobre 2011 28 Véronique Zbinden Un pour tous, tous pour un? C’est à ce souvenir ému que la cohorte des meilleurs chefs de Suisse – une partie d’entre eux, allez – a levé son verre à la présentation du nouveau guide GaultMillau 2012. La cérémonie se dérou- lait à Steinen (Schwyz), quelque part au bout du bout du monde, plus précisément entre Rigi et vertes prairies du Grütli. En plein cœur de la Suisse dite primitive, de son berceau, il était question du retour à une cuisine des origines. Franz Wiget (Adelboden, Steinen, 18 points), quinquagé- naire et natif du lieu, a été consacré cuisinier de l’année. Il y pratique une «cuisine d’alpage», selon ses mots. Taillé dans l’étoffe des Waldstätten, l’homme serait de- venu paysan s’il n’avait, de son propre aveu, été sujet au rhume des foins. Et à part ça, tous ceux derrière Franz Wiget? Peu de changements au sommet de la pyramide – les repre- neurs des deux grands chefs tout juste retraités, à Kusnacht et Brent – ne sont pas encore admis au pan- théon des dix-neuf… Juste au-des- sous, ça mijote un peu plus. Quatorze tables gagnent des points dans le canton de Vaud, deux à Genève, quatre à Fribourg, trois en Valais. Les top chefs de l’année? Maryline Nozahic (La Table de Mary à Che- seaux-Noréaz) est élue cuisinière de l’année, Damien Germanier (Le Botza à Vétroz) est le promu de l’année, alors que Julien Retler (Le Petit Manoir à Morges) est la découverte, vraiment toute fraîche, puisqu’il a ouvert en mai, et décroche d’emblée quatorze points. GaultMillau 2012, Ringier. Edition romande: 340 adresses/Guide Schweiz 837 adresses. Quoi de neuf Sur nos monts quand la cuisine… DR Jour pour jour Affaire O.J. Simpson, épilogue et épisode suivant Marie-Claude Martin «Acquitté». Ainsi commence l’article du Nouveau Quotidien consacré au procès du footballeur noir américain O.J. Simpson, accusé de l’assassinat de sa femme et de l’ami de celle-ci le 24 juin 1994. Ce procès mêlant sexe, violence domestique, race, célébrité et médias fut un des plus retentissants des Etats-Unis. Nous sommes le 4 octobre 1995 et le suspense aura duré seize mois. Le NQ mais aussi le Journal de Genève font leur une et leur édito avec le dénouement de cette affaire exceptionnelle: neuf mois d’audience, 126 témoins, 1392 minutes de retransmission télévisée et des jurés coupés du monde pendant 266 jours, afin de les préserver de toute pression. Exceptionnelle aussi la composi- tion de ce jury majoritairement féminin (10 sur 12), et choisi autant par les avocats de la dé- fense que de l’accusation. Argu- ment des premiers: elles sont plus clémentes que les hommes. Argu- ment des seconds: elles sont plus sévères s’agissant de violences domestiques. Le verdict fut accueilli par des cris de joie dans la communauté noire et des soupirs d’accable- ment chez les Blancs. Pourtant le Noir vivait comme un Blanc, avec beaucoup d’argent pour s’offrir les meilleurs avocats. Mais le Noir, pour une fois, échappait au cou- loir de la mort, et cela aura suffi à le transformer en héros. Acquitté au pénal, O.J. Simpson n’en fut pas moins reconnu cou- pable au civil et condamné à payer 33 millions de dollars aux familles des victimes. L’ex-footbal- leur déménagea alors à Miami où il put continuer son train de vie, la loi de Floride interdisant la saisie des rentes et autres biens. Seize plus tard, que retient-on de ce procès mémorable? Une justice américaine plus préoccu- pée du droit que d’équité – un peu comme dans l’affaire DSK, le discrédit porté sur le témoin à charge, le policier Mark Fuhrman, jugé raciste donc menteur, a largement pesé dans l’acquitte- ment. Un verdict essentiellement politique qui a peut-être permis d’éviter de nouvelles émeutes raciales. Une enquête biaisée où la police avait contaminé la scène de crime, rendant discutable la preuve par l’ADN. Une surmédia- tisation qui a transformé la jus- tice en spectacle. Et surtout un formidable sentiment de gâchis, comme un film qui nous tient en haleine pendant deux heures et se termine en queue de poisson. Mais la réalité est parfois bonne scénariste. En l’occurrence, O.J. Simpson fut arrêté plusieurs fois, notamment pour atteinte à l’intégrité physique, il se mit à grossir et sa carrière fut brisée. Même son livre de confessions If I Did It, qui l’accable au lieu de le disculper, n’a pas été à la hauteur de ses gourmandes ambitions. Une affaire de règle- ment de comptes avec kidnap- ping vint encore ternir le tableau. Le vendredi 5 décembre 2008, l’ex-héros américain fut con- damné à 33 ans de prison ferme à Las Vegas pour enlèvement et vol à main armée. Il y a dans cette affaire une morale qui reste américaine, ou tout du moins hollywoodienne: les méchants finissent par être punis. Esthétiquement en revan- che, on est passé de Shakespeare à Closer. Chaque mardi, notre chroniqueuse cherche dans les archives du Journal de Genève, de la Gazette de Lausanne ou du Nouveau Quotidien un fait relaté le même jour mais à une date tirée au hasard. www.letempsarchives.ch Ne plus faire l’amour, quel scandale! Sarah Jollien-Fardel On la connaissait parce qu’elle a inventé Fonelle, un personnage frappadingue et sexuellement dé- bridé, qui revient chaque semaine, dans le magazine Elle 1 . Depuis deux mois, on la connaît comme l’auteur de L’envie 2 , un livre où elle raconte les années qu’elle a passées sans faire l’amour. Jamais Sophie Fontanel n’aurait imaginé le raz-de-marée médiati- que que L’Envie allait causer. La Française raconte ici ce que disent les réactions à son livre, ce qu’elle vit depuis deux mois, et ce qu’elle a vécu durant son exil relationnel. Avec légèreté, sérieux, tact. Comme dans son livre qui a l’élégance de ne pas rendre pesante sa profonde in- telligence de la société d’aujourd’hui. Le Temps: Depuis que votre livre est sorti, on parle de vous partout. Vous vous attendiez à un tel écho? Sophie Fontanel: Non, et surtout pas que ce soit aussi mondial. Moi, mon souci c’était de bien écrire. Sur le rôle de la sexualité, sans jamais être ni triviale, ni médicale, ni psychologisante, ni bêtement drôle comme c’est souvent le cas. – Qu’est-ce qui vous a le plus sur- prise? – La reconnaissance des hommes. Je n’étais pas préparée à ces mercis pudiques qu’ils me laissent sur Facebook. Et aussi les confidences des femmes, cette parole qui s’ouvre parce que j’ai osé parler la première. Ce qui m’étonne aussi, c’est qu’on parle tout le temps d’«abstinence» alors que j’écris que ce n’est pas le bon mot. C’est plutôt qu’on reprend son souffle. Une autre chose qui m’étonne, c’est qu’on me dit que je n’avais plus «envie». Or c’est la force de mon envie, la haute idée que je me fais > Relations La journaliste Sophie Fontanel a écrit un livre, très beau et intelligent, sur son abstinence sexuelle. Elle revient sur les énormes réactions que son bouquin suscite dans le monde entier. Paroles de femmes et d’hommes de mon envie, qui fait qu’à un moment mon corps ne peut tout simplement plus vivre les relations médiocres que je lui impose. Une journaliste qui m’avait suivie a été effrayée par la violence des ques- tions qu’on osait me poser. Cette violence, je ne la ressens pas. N’ayant aucune agressivité, je ne vois pas celle des autres. – La pitié vous a-t-elle fait mal ou rendue forte? – Pourquoi aurait-on pitié de moi? Parce que le répit sexuel, dans ma vie, m’a apporté un enseignement et une vérité extraordinaires, et un sens accru du contact? Si on a pitié des gens qui ne font pas l’amour à un moment de leur vie, c’est qu’on pense qu’ils sont malheureux. C’est loin d’être le cas. C’est bien ça le scandale: être heureux quand même. – A quel moment avez-vous senti que vous passiez du camp de la «femme sans relations sexuelles parce que sans homme» à celui «d’une femme qui n’a plus envie» – Je ne sais plus, vraiment. A un moment, la seule explication que les gens ont trouvée autour de moi, c’est que peut-être je n’avais pas de besoins. Mais moi ça m’indifférait, ce qu’on pensait, car je savais que je mourais d’envie de vivre de gran- des choses, je savais que rien n’était mort, que c’était même une renais- sance qui se préparait en moi, une nouvelle façon de vivre. – Vous écrivez, «j’ai vécu dans peut- être la pire insubordination de notre époque». Faire l’amour est devenu une obligation? – C’est déjà désobéir à toute la norme sociale que de se passer de partenaire sexuel pendant quel- ques années. Et le dire. Surtout le dire, ne pas se cacher. C’est aussi une insubordination envers tous ceux se sentent obligés de faire l’amour car sinon ils auraient trop peur du spectre de la solitude – Le milieu dans lequel vous évoluez, celui de la mode, de la presse, serait donc plus normatif qu’on le croit? – Le milieu de la mode, selon moi, en matière sexuelle, n’est ni plus ni moins normatif que le milieu des notaires de province, par exemple. Ou celui des pompiers. Tous les milieux ont leurs codes. Ce qui le rend tout à fait inédit, c’est qu’il rassemble des femmes splendides et bien habillées (pas toutes, il y a des dingos!) et une majorité d’hommes homosexuels. Donc, par la force des choses, c’est un milieu peu propice pour la rencontre sexuelle. Et où le plaisir est beau- coup pris dans la simple joie de se sentir un style. J’ai de la tendresse pour ça. – Vous êtes-vous sentie coupable de quelque chose? – Oh oui, je me suis sentie coupable d’avoir honte d’être sans partenaire sexuel. Je trouvais que ce n’était pas digne de tout ce que je pense de la liberté d’avoir honte. La liberté, c’est aussi celle de ne pas faire. – Vous relatez votre première expé- rience sexuelle à 13 ans avec un homme de passage, plus âgé. Cela a-t-il eu des répercussions à retar- dement sur votre sexualité? – Moi j’ai rencontré un homme, disons un peu trop pressé de me déflorer quand j’avais 13 ans, et dans mon ignorance, j’ai cru que c’était toujours comme ça, il fallait dire oui même si on trouvait que ça allait un peu vite. Ce type d’expé- riences a marqué tant de jeunes filles! – Pour le magazine «Elle», vous avez créé le personnage de Fonelle. Quelqu’un de sexuellement déluré. Un grand écart schizophrénique entre votre vie et l’imaginaire? – Quand Ian Flemming invente James Bond, on ne vient pas lui faire de la psychologie sur cette dualité, on voit bien que c’est une forme de complémentarité. Fo- nelle est dans une joie continue où elle veut jouir de tout, tout de suite, c’était mon complément. Souvent les gens drôles sont très sérieux, vous savez. Et puis il m’arrive aussi d’être Fonelle dans la vie, j’ai plutôt une vie marrante, à dire vrai. – Vous rêviez d’histoires d’amour avec Robert Redford ou Gary Coo- per. N’était-ce pas mettre la barre trop haut pour un homme réel? – Je ne vois pas pourquoi on ne mettrait pas la barre haut, tout d’abord. Les hommes de 60 ans rêvent devant des filles de 25 ans, et nous nous serions en train de mettre la barre trop haut en rêvant devant Out of Africa? Et puis en demandant aux hommes d’être un peu héroïques, on peut déclencher des vocations. Beaucoup d’hom- mes ont envie de se dépasser, d’être Gary Cooper. Et moi je trouve que beaucoup y parviennent, en fait. – Maintenant, là, de quoi avez-vous envie? – Dormir huit heures. Je ne fais que parler depuis deux mois. – Vous aimez le shopping. Faire ou non l’amour, Sophie Fontanel: «En demandant aux hommes d’être un peu héroïques, on peut déclencher des vocations.» ARCHIVES EMANUELE SCORCELLETTI est-ce que ça l’influence? – Je n’aime pas ce mot de shopping, il me fait penser à la bêtise. J’aime les mots «vêtement», «allure», «élégance». Quand on ne fait pas l’amour, on cherche d’autres plai- sirs. Porter de belles choses en est un. Pour moi, c’est refuser de se punir par l’austérité. C’est s’autori- ser une certaine richesse sensuelle, même si c’est chez H & M. – Est-ce qu’on sent, on voit, on ressent d’autres choses quand on ne fait plus l’amour? – Ça rend très à fleur de peau, il me semble. Dès que quelqu’un touche votre bras, vous vous demandez ce qui se passe. Vous êtes sans cesse devant le mystère de l’autre, du contact. Je trouve que ça remet de la fascination pour l’autre dans la vie. – Qu’est-ce qui est le plus dur à avouer, quand on ne fait plus l’amour? – Qu’on a peur d’y retourner. Qu’on a peur d’échouer et peut-être encore plus peur que ça marche: ce risque fou de chaque attouche- ment, qui est l’attachement. Alors qu’on en rêve. Mais on a peur, peur, peur d’être dérangé, envahi, ou déserté. – Est-ce que quelque chose vous a manqué durant votre «exil». – Des bras pour me soutenir quand je me sentais si faible. Mais tant de gens me disent que, parfois, en couple, eh bien, on n’est pas sou- tenu non plus quand on vacille. Donc, on va dire que les bras, c’est rare. Le livre a failli s’appeler «Les bras!», comme le cri d’un enfant. 1. Le blog de Sophie Fontanel: http://blog.elle.fr/la-vraie-vie-de- fonelle 2. «L’envie», Ed. Robert Laffont, août 2011. ‘‘ La liberté, c’est aussi celle de ne pas faire ,, Sophie Fontanel

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Page 1: Le Temps Sophie Fontanel

AirduTemps Le TempsMardi 4 octobre 201128

Véronique Zbinden

Un pour tous, tous pour un? C’est àce souvenir ému que la cohorte desmeilleurs chefs de Suisse – unepartie d’entre eux, allez – a levé sonverre à la présentation du nouveauguide GaultMillau 2012.La cérémonie se dérou-lait à Steinen (Schwyz),quelque part au bout dubout du monde, plusprécisément entre Rigi etvertes prairies du Grütli.En plein cœur de laSuisse dite primitive, deson berceau, il étaitquestion du retour à unecuisine des origines.Franz Wiget (Adelboden,Steinen, 18 points), quinquagé-naire et natif du lieu, a été consacrécuisinier de l’année. Il y pratiqueune «cuisine d’alpage», selon sesmots. Taillé dans l’étoffe desWaldstätten, l’homme serait de-venu paysan s’il n’avait, de sonpropre aveu, été sujet au rhume desfoins.

Et à part ça, tous ceux derrière FranzWiget? Peu de changements ausommet de la pyramide – les repre-neurs des deux grands chefs toutjuste retraités, à Kusnacht et Brent –ne sont pas encore admis au pan-théon des dix-neuf… Juste au-des-

sous, ça mijote un peuplus. Quatorze tablesgagnent des points dansle canton de Vaud, deuxà Genève, quatre àFribourg, trois en Valais.Les top chefs de l’année?Maryline Nozahic (LaTable de Mary à Che-seaux-Noréaz) est éluecuisinière de l’année,Damien Germanier (LeBotza à Vétroz) est le

promu de l’année, alors que JulienRetler (Le Petit Manoir à Morges)est la découverte, vraiment toutefraîche, puisqu’il a ouvert en mai, etdécroche d’emblée quatorze points.

GaultMillau 2012, Ringier. Editionromande: 340 adresses/GuideSchweiz 837 adresses.

Quoi de neuf

Sur nos monts quand la cuisine…

DR

Jour pour jour

Affaire O.J. Simpson, épilogue et épisode suivant

Marie-Claude Martin«Acquitté». Ainsi commence

l’article du Nouveau Quotidienconsacré au procès du footballeurnoir américain O.J. Simpson,accusé de l’assassinat de safemme et de l’ami de celle-cile 24 juin 1994. Ce procès mêlantsexe, violence domestique,race, célébrité et médias futun des plus retentissants desEtats-Unis.

Nous sommes le 4 octobre1995 et le suspense aura duréseize mois. Le NQ mais aussi leJournal de Genève font leur une etleur édito avec le dénouement decette affaire exceptionnelle: neufmois d’audience, 126 témoins,1392 minutes de retransmission

télévisée et des jurés coupés dumonde pendant 266 jours, afinde les préserver de toute pression.Exceptionnelle aussi la composi-tion de ce jury majoritairementféminin (10 sur 12), et choisiautant par les avocats de la dé-fense que de l’accusation. Argu-ment des premiers: elles sont plusclémentes que les hommes. Argu-ment des seconds: elles sont plussévères s’agissant de violencesdomestiques.

Le verdict fut accueilli par descris de joie dans la communauténoire et des soupirs d’accable-ment chez les Blancs. Pourtant leNoir vivait comme un Blanc, avecbeaucoup d’argent pour s’offrirles meilleurs avocats. Mais le Noir,pour une fois, échappait au cou-loir de la mort, et cela aura suffi àle transformer en héros.

Acquitté au pénal, O.J. Simpsonn’en fut pas moins reconnu cou-pable au civil et condamné àpayer 33 millions de dollars auxfamilles des victimes. L’ex-footbal-leur déménagea alors à Miami où

il put continuer son train de vie,la loi de Floride interdisant lasaisie des rentes et autres biens.

Seize plus tard, que retient-onde ce procès mémorable? Unejustice américaine plus préoccu-pée du droit que d’équité – unpeu comme dans l’affaire DSK, lediscrédit porté sur le témoin àcharge, le policier Mark Fuhrman,jugé raciste donc menteur, alargement pesé dans l’acquitte-ment. Un verdict essentiellementpolitique qui a peut-être permisd’éviter de nouvelles émeutesraciales. Une enquête biaisée oùla police avait contaminé la scènede crime, rendant discutable lapreuve par l’ADN. Une surmédia-tisation qui a transformé la jus-tice en spectacle. Et surtout unformidable sentiment de gâchis,comme un film qui nous tient enhaleine pendant deux heures etse termine en queue de poisson.

Mais la réalité est parfoisbonne scénariste. En l’occurrence,O.J. Simpson fut arrêté plusieursfois, notamment pour atteinte à

l’intégrité physique, il se mit àgrossir et sa carrière fut brisée.Même son livre de confessionsIf I Did It, qui l’accable au lieude le disculper, n’a pas été à lahauteur de ses gourmandesambitions. Une affaire de règle-ment de comptes avec kidnap-ping vint encore ternir le tableau.Le vendredi 5 décembre 2008,l’ex-héros américain fut con-damné à 33 ans de prison ferme àLas Vegas pour enlèvement et volà main armée.

Il y a dans cette affaire unemorale qui reste américaine, outout du moins hollywoodienne:les méchants finissent par êtrepunis. Esthétiquement en revan-che, on est passé de Shakespeare àCloser.

Chaque mardi, notre chroniqueusecherche dans les archives du Journalde Genève, de la Gazette de Lausanneou du Nouveau Quotidien un faitrelaté le même jour mais à une datetirée au hasard.www.letempsarchives.ch

Ne plus faire l’amour, quel scandale!

Sarah Jollien-Fardel

On la connaissait parce qu’elle ainventé Fonelle, un personnagefrappadingue et sexuellement dé-bridé, qui revient chaque semaine,dans le magazine Elle1. Depuis deuxmois, on la connaît comme l’auteurde L’envie2, un livre où elle raconteles années qu’elle a passées sansfaire l’amour.

Jamais Sophie Fontanel n’auraitimaginé le raz-de-marée médiati-que que L’Envie allait causer. LaFrançaise raconte ici ce que disentles réactions à son livre, ce qu’elle vitdepuis deux mois, et ce qu’elle avécu durant son exil relationnel.Avec légèreté, sérieux, tact. Commedans son livre qui a l’élégance de nepas rendre pesante sa profonde in-telligence de la sociétéd’aujourd’hui.

Le Temps: Depuis que votre livre estsorti, on parle de vous partout. Vousvous attendiez à un tel écho?Sophie Fontanel: Non, et surtoutpas que ce soit aussi mondial. Moi,mon souci c’était de bien écrire.Sur le rôle de la sexualité, sansjamais être ni triviale, ni médicale,ni psychologisante, ni bêtementdrôle comme c’est souvent le cas.

– Qu’est-ce qui vous a le plus sur-prise?– La reconnaissance des hommes.Je n’étais pas préparée à ces mercispudiques qu’ils me laissent surFacebook. Et aussi les confidencesdes femmes, cette parole quis’ouvre parce que j’ai osé parler lapremière. Ce qui m’étonne aussi,c’est qu’on parle tout le tempsd’«abstinence» alors que j’écris quece n’est pas le bon mot. C’est plutôtqu’on reprend son souffle. Uneautre chose qui m’étonne, c’estqu’on me dit que je n’avais plus«envie». Or c’est la force de monenvie, la haute idée que je me fais

> Relations Lajournaliste SophieFontanel a écritun livre, très beauet intelligent, sur sonabstinence sexuelle.Elle revient sur lesénormes réactionsque son bouquinsuscite dansle monde entier.Paroles de femmeset d’hommes

de mon envie, qui fait qu’à unmoment mon corps ne peut toutsimplement plus vivre les relationsmédiocres que je lui impose. Unejournaliste qui m’avait suivie a étéeffrayée par la violence des ques-tions qu’on osait me poser. Cetteviolence, je ne la ressens pas.N’ayant aucune agressivité, je nevois pas celle des autres.

– La pitié vous a-t-elle fait mal ourendue forte?– Pourquoi aurait-on pitié de moi?Parce que le répit sexuel, dans mavie, m’a apporté un enseignementet une vérité extraordinaires, et unsens accru du contact? Si on a pitiédes gens qui ne font pas l’amour àun moment de leur vie, c’est qu’onpense qu’ils sont malheureux. C’estloin d’être le cas. C’est bien ça lescandale: être heureux quandmême.

– A quel moment avez-vous sentique vous passiez du camp de la«femme sans relations sexuellesparce que sans homme» à celui«d’une femme qui n’a plus envie»– Je ne sais plus, vraiment. A unmoment, la seule explication queles gens ont trouvée autour de moi,c’est que peut-être je n’avais pas debesoins. Mais moi ça m’indifférait,ce qu’on pensait, car je savais que je

mourais d’envie de vivre de gran-des choses, je savais que rien n’étaitmort, que c’était même une renais-sance qui se préparait en moi, unenouvelle façon de vivre.

– Vous écrivez, «j’ai vécu dans peut-être la pire insubordination denotre époque». Faire l’amour estdevenu une obligation?– C’est déjà désobéir à toute lanorme sociale que de se passer departenaire sexuel pendant quel-ques années. Et le dire. Surtout ledire, ne pas se cacher. C’est aussiune insubordination envers tousceux se sentent obligés de fairel’amour car sinon ils auraient troppeur du spectre de la solitude

– Le milieu dans lequel vous évoluez,celui de la mode, de la presse, seraitdonc plus normatif qu’on le croit?– Le milieu de la mode, selon moi,en matière sexuelle, n’est ni plus nimoins normatif que le milieu desnotaires de province, par exemple.Ou celui des pompiers. Tous lesmilieux ont leurs codes. Ce qui lerend tout à fait inédit, c’est qu’ilrassemble des femmes splendideset bien habillées (pas toutes, il y ades dingos!) et une majoritéd’hommes homosexuels. Donc, parla force des choses, c’est un milieupeu propice pour la rencontre

sexuelle. Et où le plaisir est beau-coup pris dans la simple joie de sesentir un style. J’ai de la tendressepour ça.

– Vous êtes-vous sentie coupable dequelque chose?– Oh oui, je me suis sentie coupabled’avoir honte d’être sans partenairesexuel. Je trouvais que ce n’était pasdigne de tout ce que je pense de laliberté d’avoir honte. La liberté,c’est aussi celle de ne pas faire.

– Vous relatez votre première expé-rience sexuelle à 13 ans avec unhomme de passage, plus âgé. Celaa-t-il eu des répercussions à retar-dement sur votre sexualité?– Moi j’ai rencontré un homme,disons un peu trop pressé de medéflorer quand j’avais 13 ans, etdans mon ignorance, j’ai cru quec’était toujours comme ça, il fallaitdire oui même si on trouvait que çaallait un peu vite. Ce type d’expé-riences a marqué tant de jeunesfilles!

– Pour le magazine «Elle», vous avezcréé le personnage de Fonelle.Quelqu’un de sexuellement déluré.Un grand écart schizophréniqueentre votre vie et l’imaginaire?– Quand Ian Flemming inventeJames Bond, on ne vient pas lui

faire de la psychologie sur cettedualité, on voit bien que c’est uneforme de complémentarité. Fo-nelle est dans une joie continue oùelle veut jouir de tout, tout de suite,c’était mon complément. Souventles gens drôles sont très sérieux,vous savez. Et puis il m’arrive aussid’être Fonelle dans la vie, j’ai plutôtune vie marrante, à dire vrai.

– Vous rêviez d’histoires d’amouravec Robert Redford ou Gary Coo-per. N’était-ce pas mettre la barretrop haut pour un homme réel?– Je ne vois pas pourquoi on nemettrait pas la barre haut, toutd’abord. Les hommes de 60 ansrêvent devant des filles de 25 ans,et nous nous serions en train demettre la barre trop haut en rêvantdevant Out of Africa? Et puis endemandant aux hommes d’être unpeu héroïques, on peut déclencherdes vocations. Beaucoup d’hom-mes ont envie de se dépasser, d’êtreGary Cooper. Et moi je trouve quebeaucoup y parviennent, en fait.

– Maintenant, là, de quoi avez-vousenvie?– Dormir huit heures. Je ne fais queparler depuis deux mois.

– Vous aimez le shopping.Faire ou non l’amour,

Sophie Fontanel: «En demandant aux hommes d’être un peu héroïques, on peut déclencher des vocations.» ARCHIVES

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est-ce que ça l’influence?– Je n’aime pas ce mot de shopping,il me fait penser à la bêtise. J’aimeles mots «vêtement», «allure»,«élégance». Quand on ne fait pasl’amour, on cherche d’autres plai-sirs. Porter de belles choses en estun. Pour moi, c’est refuser de sepunir par l’austérité. C’est s’autori-ser une certaine richesse sensuelle,même si c’est chez H & M.

– Est-ce qu’on sent, on voit, onressent d’autres choses quand on nefait plus l’amour?– Ça rend très à fleur de peau, il mesemble. Dès que quelqu’un touchevotre bras, vous vous demandez cequi se passe. Vous êtes sans cessedevant le mystère de l’autre, ducontact. Je trouve que ça remet dela fascination pour l’autre dans lavie.

– Qu’est-ce qui est le plus dur àavouer, quand on ne fait plusl’amour?– Qu’on a peur d’y retourner. Qu’ona peur d’échouer et peut-êtreencore plus peur que ça marche: cerisque fou de chaque attouche-ment, qui est l’attachement. Alorsqu’on en rêve. Mais on a peur, peur,peur d’être dérangé, envahi, oudéserté.

– Est-ce que quelque chose vous amanqué durant votre «exil».– Des bras pour me soutenir quandje me sentais si faible. Mais tant degens me disent que, parfois, encouple, eh bien, on n’est pas sou-tenu non plus quand on vacille.Donc, on va dire que les bras, c’estrare. Le livre a failli s’appeler «Lesbras!», comme le cri d’un enfant.

1. Le blog de Sophie Fontanel:http://blog.elle.fr/la-vraie-vie-de-fonelle2. «L’envie», Ed. Robert Laffont, août2011.

‘‘ La liberté, c’estaussi celle de ne pasfaire ,,Sophie Fontanel