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Cittaslow France

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Leministère dela culture se veutécoresponsable

Mineurs chiliensLes 33 mineurs bloqués à 700 mètres sous terredepuis le 5 août pourraient remonter à la surfacedans la deuxième quinzaine d’octobre, a annon-cé le ministère chilien des mines. Leur remontéeétait programmée en novembre, mais les sauve-teurs avancent plus vite que prévu.

«365 jours avec les oiseaux»L’ornithologuePhilippe Duboiségrènelecalendrierpour donnerà découvrirautant

d’espècesqu’il existe dejours. Del’oiseau leplus communauplus exotique. Avecla collaboration desplus grandsphotographesd’oiseaux. Ed. de La Martinière, 744 p., 34 ¤

Lesdeuxpôlesdela lenteur

Slow Food Fondée en 1989 pourdéfendre alimentation de qualité,respect de l’environnement etdynamisme des communautéslocales, l’organisation Slow Foodrevendique 100000 membresdans 1300 antennes locales (les«conviviums ») de 150 pays. SlowFood France affiche 4000 sympa-thisants dans 45 conviviums.

Cittaslow Créé en 1999 à Grevein Chianti, en Toscane, le mouve-ment réunit 140 villes de 21 pays,comme Bra (Italie), Ludlow (Gran-de-Bretagne), Katoomba (Austra-lie), Levanger (Norvège), Fairfax(Californie), ou Uberlingen (Alle-magne). La plupart comptent de10000à 20000 habitants.

«Nous nous opposons aucourant dominant del’urgence»

Rigueuren EspagneLe ministère espagnol de l’environnement seral’une des principales victimes de la rigueur bud-gétaire. Il perdra 34% de ses crédits, selon le pro-jet de budget pour 2011, présenté jeudi 30septem-bre. Les coupes les plus sévères affecteront lesprogrammes de lutte contre la pollution de l’eau.

Education

Ilmanque 1,9million d’instituteursdansle mondeIl va falloir recruter 9,1millions d’enseignants d’ici à 2015 : 7,2 millionspour remplacer ceux qui partent à la retraite, et 1,9million pour com-bler la pénurie et assurer la scolarisation de tous les enfants de 6 à 11 ans,selon le dernier rapport de l’Unesco sur la demande mondiale d’ensei-gnants du primaire, qui sera présenté, mardi 5 octobre, à l’occasion de laJournée mondiale des enseignants. Quatre-vingt-dix-neuf pays ontbesoin d’accroître leurs recrutements en primaire, étant donné la crois-sance du nombre d’écoliers, alors que 108 pays peuvent envisager de lesréduire. La pénurie se concentre pour moitié sur l’Afrique subsaharien-ne (1,05 million) et, dans une moindre mesure, dans les Etats arabes(281 000), en Asie du Sud et de l’Ouest (260000), ainsi qu’en Amériquedu Nord et en Europe occidentale (152000). p Brigitte Perucca

SantéLa France maintient l’interdiction des biberonscontenant du bisphénol ALa secrétaire d’Etat à l’écologie, Chantal Jouanno, assure que la Franceva maintenir l’interdiction des biberons contenant du bisphénol A, endépit de l’avis rendu, vendredi 1er octobre, par l’Autorité européenne desécurité des aliments. L’agence estime que ce composé chimique ne pré-sente pas de risque pour la santé. En Europe, le Danemark est le seulautre pays à interdire le bisphénol A.L’Union européenne doit prochai-nement fixer sa position. – (AFP.)

Segonzac (Charentes)Envoyé spécial

L e soleil se couche sur lesvignes de Charentes, la ven-dangeuse rentre au garage

chez Bernard et Monique Moreau.Une fin de journée ordinaire aupays du cognac… jusqu’à l’arrivéedes amis et voisins, les bras chargésdeplatsmaison,deraisinfraispres-sé, de légumes du jardin. Voilà lehameau de Deuville réuni pour unapéritif « slow food ». L’occasionrêvée pour le maire, VéroniqueMarendat (Nouveau Centre), d’ex-pliquer à ses administrés pourquoileur commune de Segonzac vientde devenir la capitale française… dela lenteur.

La municipalité est la premièrede France à adhérer à Cittaslow, leréseauinternationaldes«villeslen-tes». Inspiré du slow food, le mou-vement est né en Italie en 1999 etpromeut une gestion municipalecentréesurlaqualitédevie, l’écono-mie de proximité, le respect despaysages…, en réaction aux zonescommerciales et industrielles, àl’étalement pavillonnaire et autout-voiture devenus l’ordinaired’un urbanisme débridé.

Cette révolution tranquillecompte de plus en plus de parti-sans. Cent quarante villes de21pays ont déjà adhéré à cette char-te de 70 obligations. On trouve desvilles lentes dans toute l’Europe,mais aussi en Australie, en Coréedu Sud, en Turquie, au Canada…

«Fil conducteur»Que diable va chercher dans cet-

te aventure une commune de2 300 âmes, que ne guette aucunrisque de mégapolisation ? « Lespetites communes sont les moinsarmées face aux pièges d’un déve-loppement anarchique. Ce quinous intéresse, c’est moins le labelque la démarche. Nous avons deschoix importants à faire. Cittaslowva donner un fil conducteur à notrepolitique d’aménagement », expli-que la jeune femme, élue atypiquedans cet univers de viticulteurs.

Ouverture d’un parc public,rénovation de bâtiments viticolesen bureaux, retour du petit com-merce, réhabilitation d’un réseaude ruelles piétonnes et cyclables,structuration d’un marché de pro-ducteurs locaux, investissementdans la petite enfance et la maisonde retraite, création de jardins par-tagés, transformation de la stationd’épuration en bassins filtrantsnaturels… les chantiers ne man-quent pas.

La commune ne part pourtantpas de zéro. Tels des MonsieurJourdainde l’aménagementdu ter-ritoire, les Ségonzacais faisaientdu « slow » sans le savoir. Et passeulement parce que les Charen-tais arborent pour emblème unescargot–la cagouille –,qui estaus-

si le logo de Cittaslow. « Le cognacnous a donné une culture de la len-teur : la vigne, le vieillissement enfûts, cela apprend un rapport autemps particulier », pense ColetteLaurichesse, l’adjointe au maire,qui a ficelé le dossier Cittaslow.

Le cognac est aussi l’occasion de

mettre en valeur compétences etproductions locales : plus petitecité universitaire de France, Segon-zac héberge l’Université interna-tionale des eaux-de-vie et bois-sonsspiritueuses et leCentre inter-national des eaux-de-vie, sansoublier l’Institut français de la

vigne et du vin. Surtout, la munici-palité a voté, dès 2006, un planlocal d’urbanisme qui encadrestrictement les constructions,interdisant l’étalement deshameaux, empêchant le mitagedu territoire. « On ne construira delogements que sur des terrains pro-

ches du centre et sous forme d’éco-quartiers », assure Mme Marendat.Une ambition rare pour une com-mune de cette taille.

Pas question pour autant, pourcette professeure d’économie et degestion, de passer pour une adeptede la décroissance, dont se revendi-quent certains apôtres du «slow ».«Cequenousvoulons,c’estunecrois-sanceraisonnée,sortirdelaconsom-mation abrutie des zones commer-ciales.Mais pour garder notrepopu-lation, nous devons lui donner accèsà des services et des emplois, donccréer des zones d’activité. »

Paradoxalement, pour la petitecommune, l’adhésion à Cittaslowaentraîné… une formidable accélé-ration du temps. Des journalistescomme s’il en pleuvait, des appelsincessantsd’urbanistes,demunici-palités… Nourri par les écrits duphilosophe allemand HartmutRosa, auteur de l’essai Accélération(La Découverte, 474 p.,27,50 euros), ou du journalistecanadien Carl Honoré, auteur en2004 du best-seller Eloge de la len-teur, le monde occidental se prendde passion pour la lenteur, sloganet paradigme d’un mode de viealternatif où figure en bonne placele souci de l’écologie.

Epicentre du phénomène dansl’Hexagone, Segonzac travailleaujourd’hui avec la direction deCittaslow pour enrôler d’autrescommunes et constituer unréseau français de villes lentes. Lamunicipalité animera à la Foire deParis, en avril 2011, un espace Cit-taslow qui servira de vitrine à laconstellation de la lenteur. p

Grégoire Allix

Larévolution des «villes lentes» gagne laFranceDans les Charentes, Segonzac devient la vitrine d’un mouvement qui met en avant la qualité de la vie

Planète

L e domaine national de Cham-bord envisage de chauffer aubois son donjon, les écuries

et l’enceinte basse du château. LaCité de la porcelaine de Sèvresrécupère les eaux de pluie pour ali-menter les broyeurs servant à lafabrication de pâte à porcelaine…

Les exemples de bonnes prati-ques écologiques déployées par leministère de la culture ne man-quent pas et celui-ci s’applique àles mettre en avant pour montrerqu’il apporte sa touche à la politi-que «écoresponsable» défenduepar le gouvernement. A l’occasiond’un forum, jeudi 30septembre,sur «culture et développementdurable», le ministre de la culture,Frédéric Mitterrand, a ainsi expli-qué qu’il ne fallait pas opposerprotection du patrimoine et déve-loppement durable : «C’est bien lemême objectif qui est en vue, celui

de la préservation de nos héritagesainsi que la protection et l’amélio-ration de notre cadre de vie.»

Un programme d’actions étalésur les trois prochaines annéessera adopté d’ici à décembre. Carau-delà des exemples présentésjeudi, le ministère veut repenserl’ensemble de ses politiques et deses modes d’intervention. Pourl’occasion, bien sûr, le papier étaitissu de forêts «gérées durable-ment» et le traiteur était «éthique,solidaire et responsable». Mais leministère veut aller au-delà del’achat de produits bio et locaux,de la «rationalisation du parcautomobile» ou du développe-ment de «l’éco-mobilité» desagents et du public.

«On peut imaginer que, s’agis-sant de la conservation desœuvres, on conçoive des équilibresentre hygrométrie et température

qui permettent des économiesd’énergie», avance Valérie Vesque-Jeancard, secrétaire généraleadjointe du ministère. La doctrined’une température à 20ºC etd’une hygrométrie à 50% auraitvécu. Le projet de Centre de restau-ration et de conservation desmusées de France, prévu pour2015 à Cergy-Pontoise, qui regrou-perait les réserves des muséessitués en zone inondable, commele Louvre, Orsay, le Centre Pompi-dou, etc., devrait prendre en comp-te ces nouvelles réflexions.

«Rationaliser»Tout comme le futur Musée

des civilisations de l’Europe et dela Méditerranée, qui ouvrira sesportes à Marseille en 2013. Le bâti-ment, situé à l’entrée du port,pompera l’eau de mer à 8mètresde profondeur pour avoir une tem-

pérature stable et l’utilisera pourgérer les conditions thermiquesdu bâtiment. Le soleil marseillaissera, lui, mis à contribution parl’utilisation de panneaux photo-voltaïques.

Une réflexion est aussi menéesur le convoiement et le déplace-ment des œuvres. «Il n’est bien sûrpas question de limiter le rayonne-ment international de nos musées,mais on peut rationaliser les dépla-cements», fait valoir GuillaumeBoudy, secrétaire général duministère.

Le ministère entend aussi fai-re de la culture un vecteur d’édu-cation au développement dura-ble à travers la formation desarchitectes, des urbanistes ou desmétiers de l’audiovisuel en ini-tiant aux tournages à faibleempreinte écologique. p

Rémi Barroux

Un apéritif «slow food» dans le hameau de Deuville, à Segonzac, vendredi 24septembre. GREGORY BRANDEL/SYNCHROX POUR « LE MONDE »

Entretien

Pier Giorgio Oliveti est le direc-teur du réseau international Cit-taslow, basé à Orvieto, en Italie.Quel est le but de votredémarche?

L’objectif de Cittaslow est debâtir des villes où les gens viventplus heureux. De grosses erreursont été commises ces dernièresdécennies en matière d’aménage-ment, entraînant une consomma-tion effrénée de ressources et deterritoire. Les villes perdent touteidentité, tout lien social. La len-teur, cela consiste à redonner lapriorité à l’humain, à réduirenotre consommation, à arrêter legaspillage, à mettre en valeur lesproduits et les savoirs locaux.

Est-ce un réseau écologiste?L’écologie devrait être un sujet

primordial pour chacun d’entrenous. Notre mouvement est aussiéthique, humaniste. Nos valeursforment un programme économi-que et social. Le monde de Cittas-low, ce sont des centaines depetits projets dans la solidarité,l’énergie, le tourisme, l’éducation,avec au centre la question de l’ali-mentation et la place du paysan.L’industrialisation de l’agricultu-re a été catastrophique pour lasanté, pour l’environnement etpour l’économie. Nous devonsrevenir aux circuits de proximité.On hésite entre vous dire réac-tionnaires ou révolutionnaires…

Nous ne sommes ni passéistes,ni ennemis de la technologie, ni

opposés à la globalisation parprincipe. Nous ne sommes pashostiles au concept de croissances’il s’agit d’une économie verte.En ces temps où la finance est rei-ne, nous voulons changer le modede développement. Nous sommesune contre-culture qui s’opposeau courant dominant du « fast-living », de l’urgence. C’est unerévolution douce.Peut-on appliquer vos principesà de grandes agglomérations?

Les décisions importantes nesont généralement plus dans lesmains des citoyens. Il n’y a qu’auniveau local qu’on a une chancede reprendre en mains son futur.C’est pourquoi notre charte n’ac-cepte que les villes de moins de50000 habitants, où les maires

ont une relation directe avec lesgens. Mais nous avons descontacts avec des élus de Bruxel-les, de Vienne ou de Pusan, ladeuxième ville de Corée du Sud,qui veulent utiliser nos conceptspour certains projets ou quartiers.Votre vice-président, AngeloVassalla, maire de Pollica, en Ita-lie, a été assassiné le 6septem-bre. La lenteur dérange?

Angelo Vassallo était un modè-le d’élu courageux, très impliquédans Cittaslow et dans Slow Food,un militant écologiste qui n’avaitpas peur de s’opposer à la camor-ra napolitaine ou aux criminelsde Calabre. Il a perdu la vie pourcet idéal. Mais c’est une situationspécifique au sud de l’Italie. p

Propos recueillis par G. A.

4 0123Dimanche 3 - Lundi 4 octobre 2010