Post on 13-Jul-2016
description
Fiche de lecture de Stergios RAPTIS
Organisation et Fonctionnement de l’Entreprise ( OR2 )
d’Yvon PESQUEUX
Année 2002/2003
Pierre MORIN Eric DELAVALLEE
Edition d’Organisation 2000
Sommaire
Les auteurs : portraits et bibliographies. ___________________ 3
Les postulats de l'ouvrage : _____________________________ 4
Les hypothèses de l'ouvrage :____________________________ 4
Le mode de démonstration : _____________________________ 5
Résumé de l'ouvrage :__________________________________ 6 Introduction _____________________________________________ 6 I. Une organisation : des objectifs, des structures, des techniques, une culture__________________________________________________ 7
1. Les sous-systèmes de base : objectifs, structures et techniques______________ 8
2. La culture : premier pas vers le système social __________________________ 10
3. Agir sur le système ________________________________________________ 13
II. Les acteurs au cœur de l'organisation ______________________ 16 4. Expliquer les comportements ________________________________________ 16
5. Les comportements : des stratégies___________________________________ 18
6. Repérer et évaluer les enjeux d'une situation ___________________________ 22
7. Les relations humaines : encore et toujours des rapports de pouvoir _________ 24
8. L’organisation : un système social ____________________________________ 26
III. Changer le management pour manager le changement________ 28 9. Nouveau modèle organisationnel, nouvelles exigences managériales _________ 28
10. La négociation comme mode de management __________________________ 30
11. Le management contractuel ________________________________________ 31
12. Conduite du changement organisationnel______________________________ 33
Conclusion______________________________________________ 35 Commentaires personnels______________________________ 36
Le manager à l'écoute du sociologue
3 / 39
Les auteurs : portraits et bibliographies.
Pierre Morin: Président d'Honneur et Directeur scientifique de IDRH, société
spécialisée en Management et Organisation.
Professeur à l'IAE de Paris.
Il intervient auprès d'entreprises et d'administrations en tant que
conseil pour des questions de gestion, de structures et de
méthodes de management.
• Mécanismes économiques de Patrick Artus, Pierre Morin 1988
• Le management et le pouvoir de Pierre Morin - juillet 1991
• La grande mutation du travail et de l'emploi -
Éds. d'Organisation, 1994.
• Quand le fisc vous contrôle ! de J.Tran Thiet, G.Celimene,
J.Guenot, S.Levet, P.Morin, J.Ouaskel - juillet 1995
• Macroéconomie appliquée de Patrick Artus, Pierre Morin -
septembre 1997
• L'art du manager - de Babylone à l'Internet -
Éds. d'Organisation, 1997.
Eric Delavallée : Directeur d'études à l'Institue Entreprise et Personnel
Il a accompagné de nombreuses entreprises dans leur démarche
de changement organisationnel et salarial.
Il enseigne également dans différentes institutions, en particulier
à l'IAE de Paris.
• La Culture d'entreprise pour manager autrement de Eric
Delavallée, Elsa Joly, Anne Yoldjian
Le manager à l'écoute du sociologue
4 / 39
Les postulats de l'ouvrage :
Le manager, jusqu’à aujourd’hui, a trop souvent utilisé les schémas des modèles
économiques et techniques en négligeant l’approche sociologique.
Hors, l’analyse des individus et des relations qu’ils entretiennent dans leur travail
quotidien permet, au travers de cette "paire de lunettes sociologique", une vision
novatrice et complémentaire du fonctionnement de l'entreprise.
Ce nouveau regard est d'autant plus important que l'organisation de nos entreprises en
prise avec un environnement très évolutif ne cesse de changer, de se complexifier
demandant de plus en plus d'adaptabilité aux hommes et aux femmes qui la composent,
leur donnant plus d'autonomie tout en les faisant collaborer de manière plus étendue.
Les travaux des sociologues au travers de grilles de lectures et de schémas d'analyse
aideront les managers à trouver les bonnes réponses aux problèmes quotidiens qu'ils
rencontrent sur le terrain.
Les hypothèses de l'ouvrage : Le type de questions qu'un manager doit résoudre aujourd'hui sont :
• Les choix que j'ai effectués vont-ils à l'encontre des manières de valoriser la culture
d'entreprise ?
• Ai-je le pouvoir d'imposer à mes collaborateurs les conséquences de mes décisions ?
• Comment les responsables des services avec lesquels je dois coopérer vont-ils réagir?
L'entreprise est considérée comme une société originale, avec son histoire, ses lois
(règlements), sa culture. Elle est composée d'individus aux comportements différents qui
entretiennent entre eux des relations de pouvoir.
La vision des sociologues, leurs études sur les entreprises en tant que système social
peuvent aider à repérer d'importants éléments, non pris en compte habituellement. Ces
éléments, complémentaires des facteurs traditionnels économiques et techniques, sont
un éclairage supplémentaire permettant au manager de prendre ses décisions
quotidiennes.
Le manager à l'écoute du sociologue
5 / 39
Le mode de démonstration : L'ouvrage se compose de trois parties :
• Une organisation: des objectifs, des structures, des techniques, une culture.
• Les acteurs au coeur de l'organisation.
• Changer le management pour manager le changement.
La première partie vise à doter le manager de grilles de lectures et d'outils, relativement
traditionnels dans le domaine de l'organisation, qu'il doit maîtriser pour être à même
d'agir sur le système. Il s'agit d'expliciter ce dernier, de décrire chacun de ces
composants et de caractériser les conditions d'efficacité de l'organisation.
Dans la seconde partie, des grilles de lecture du fait social au sein de l'organisation sont
proposées. Elles permettent d'expliquer et de comprendre le comportement des individus
dans un premier temps, pour mieux appréhender l'organisation comme système social
dans un second. La boîte à outils du manager est alors complétée d'un second
compartiment, complémentaire au premier : le raisonnement et les grilles de lecture du
sociologue des organisations.
Enfin, la troisième partie vise le passage à l'action et la réponse à la question suivante :
comment intégrer le savoir sociologique à l'action, c'est à dire comment l'utiliser pour
agir dans et sur le système d'organisation ?
Les différents concepts d’organisation, notions sociologiques ou études présentées tout
au long de l’ouvrage font référence à leurs auteurs (P. Bourdieu, M. Crozier…), ces
présentations condensées servant à étayer la démonstration.
Les auteurs, en plus d'être professeurs, sont des consultants en organisation
d'entreprise. Cette habitude du terrain, de la confrontation avec les acteurs de ces
organisations, fait que leur livre est basé sur un mode très démonstratif.
A l'image de cours de management, le contenu est très structuré, les phrases clés sont
reprises et mises en avant, les schémas et tableaux omniprésents complètent les
démonstrations et de nombreux exemples et anecdotes viennent imager le tout. Sans
oublier, à la fin de chaque partie, le résumé des points clés.
Cette présentation claire et visuelle facilite la compréhension.
Le manager à l'écoute du sociologue
6 / 39
Résumé de l'ouvrage :
Introduction
Les organisations sont des créations de l'homme, elles existent pour permettre
l'obtention de résultats qu'il ne pourrait obtenir seul. Une organisation poursuit un ou
plusieurs buts : fabriquer des produits ou fournir des services à destination de clients ou
d'usagers en échange de ressources, le plus souvent financières. Les individus qui la
composent contribuent à la fabrication des produits ou à la fourniture des services en
échange d'une rétribution.
L'organisation à deux grandes catégories de problèmes à résoudre : d'une part s'adapter
à son environnement (clients, concurrents ...) et d'autre part intégrer des individus en
son sein.
Pour répondre à ces questions, les dirigeants mettent en place les éléments constitutifs
de toute organisation : objectifs, structures, techniques et culture. Ce système
d'éléments en interaction, bien que prenant en compte les individus qui le composent, ne
les met pas au centre de l'analyse.
L'organisation est aussi un système social. Hors, malgré les procédures, organigrammes,
etc., mis en place pour répondre aux différents besoins, les décisions prises par les
individus interdépendants des entreprises sont bien souvent différentes des standards
existants au sein de celles-ci. Cet écart entre la théorie et la pratique n'est pas à
négliger. En effet, cette pratique résulte de l'organisation des systèmes de relations mise
en place par les individus, eux-mêmes loin d'être parfaits et désintéressés, pour répondre
aux problèmes auxquels l'organisation doit faire face.
En étudiant les individus et leurs relations, on analyse la manière dont l'organisation
fonctionne dans les faits et non la manière dont elle devrait fonctionner selon les règles
souhaitées par les dirigeants.
En cela, les sociologues sont ceux qui ont le mieux appréhendé et analysé les
organisations comme système social.
Une seconde "paire de lunettes" s'impose alors au manager. La sociologie des
organisations devient un immense réservoir de connaissances. Elle aide le manager à
appréhender l'organisation comme un ensemble de relations concrètes entre individus
interdépendants et ainsi à prendre des décisions plus judicieuses.
Le manager à l'écoute du sociologue
7 / 39
L'évolution des environnements économiques et techniques complexifie les objectifs des
entreprises. Qualité et flexibilité viennent s'ajouter à la productivité et les entreprises
répondent à ces évolutions en étant plus souples, plus réactives.
Pour cela, elles misent d'avantage sur les individus qui les composent, leur demandant
plus d'initiative, de créativité et non plus une stricte application des procédures. Elles leur
donnent une autonomie accrue et officialisée et demandent une grande coopération entre
les salariés de services et de départements différents, privilégiant l'ajustement mutuel
comme mode de coordination d'organisations aussi bien horizontales que transversales.
On cherche aujourd'hui davantage à structurer l'organisation autour des individus qui la
composent de manière à tirer le plus grand profit possible de leurs ressources.
Le réel se laisse de moins en moins mettre en équation. Jusqu'à présent, le manager a
plus emprunté à l'économiste qu'au sociologue. En effet, l’utilisation de la formalisation
et de la modélisation, permettait un meilleur ratio profits/coûts que celui de l’utilisation
d’une étude sociologique. Mais l'évolution des configurations organisationnelles fait qu'il
est de plus en plus difficile de mettre celles-ci sous forme d'équations et que ces
équations ne peuvent plus être le seul mode de représentation pour agir de manière
judicieuse.
Par contre, utiliser le savoir sociologique n'est pas une chose simple. La sociologie a
comme principal objectif de décrire les systèmes sociaux et d'en expliquer le
fonctionnement, pas d'apporter des réponses. Le manager sera donc seul pour le
passage à l'action.
I. Une organisation : des objectifs, des structures, des techniques,
une culture
L'organisation est un système composé de 4 sous-systèmes en interaction les uns avec
les autres : objectifs, structure, technique et culture.
Deux principes s'appliquent à ce système :
• L'efficacité de l'organisation résulte plus de la cohérence entre ses quatre sous-
systèmes que de la qualité de chacun d'eux pris séparément;
• la modification de l'un des sous-systèmes nécessite le plus souvent une
évolution des trois autres.
Le manager à l'écoute du sociologue
8 / 39
1. Les sous-systèmes de base : objectifs, structures et techniques Jusqu'aux années 70, les seuls sous-systèmes pris en compte étaient les objectifs, la
structure et la technique; on les appellera les sous-systèmes de base. La culture même si
elle a toujours existé dans toute organisation n'était pas considérée comme une variable
pertinente, le chapitre 2 lui sera consacré.
Les objectifs organisationnels
Les objectifs organisationnels sont liés aux caractéristiques des environnements de
l'organisation. Dans un univers stable et bien défini, il s'agit de trouver le positionnement
"gagnant" offrant un avantage concurrentiel. Dans un contexte dynamique et global, il
faut principalement développer une capacité d'adaptation rapide aux changements
d'environnement.
Les organisations n'ont pas naturellement d'objectifs. En effet, l'expression "les objectifs
d'entreprise" est inexacte dans la mesure où ce sont les objectifs arrêtés par la direction,
définissant ainsi l'écart entre l'état présent et l'état voulu. Cette Direction Par Objectifs
(DPO) se décline en cascade d'objectifs organisationnels de niveau hiérarchique en
niveau hiérarchique formant une pyramide d'objectifs. On peut alors appréhender
l'organisation comme un réseau maillé d'acteurs, liés les uns aux autres par des objectifs
découlant des buts généraux.
Le management par les objectifs s'oppose à la bureaucratie. Le suivi des résultats et les
mesures correctives qui s'ensuivent constituent la dynamique de toute action organisée,
ce type de management étant plus adapté aux problèmes que rencontrent les entreprises
dans le contexte actuel.
Les objectifs montrent clairement le but à atteindre, mobilisent les énergies et servent de
référence à l'évaluation des résultats. Ceci a comme conséquence que les résultats du
fonctionnement d'une organisation sont plus importants que le respect des structures
formelles verticales comme le montrent les démarches récentes de reengineering ou
d'organisation par projets.
Mais dans l'environnement complexe auquel fait face l'entreprise, certains objectifs
peuvent être en partie divergents. Cet état de fait implique que le sous-système des
objectifs est un sous-système en tension.
Les objectifs organisationnels et les objectifs individuels sont convergents pour une
partie, divergents pour une autre. Les objectifs organisationnels fixent les limites de ceux
des acteurs le long de la chaîne hiérarchique tout en définissant, avec les trois autres
sous-systèmes, l'environnement de travail. Chacun, alors, en fonction de sa situation
Le manager à l'écoute du sociologue
9 / 39
personnelle, se fixera ses objectifs individuels, convergent pour certains, divergents pour
d'autres par rapport aux objectifs organisationnels.
L'acte du manager est de rendre finalement les objectifs au sein d'une entreprise
suffisamment convergents.
Les macro et microstructures
Le sous-système des structures indique la manière comment l'organisation réalise ses
objectifs. Il se compose de deux parties : les macrostructures ou structures au niveau
global de l'organisation, et les microstructures ou structures au niveau des individus et
de leur situation de travail.
Les structures résultent de deux processus opposés mais complémentaires : la division
du travail et le processus dit de coordination qui redonne une unité d'ensemble aux
efforts séparés des différents acteurs.
Les macrostructures peuvent se distinguer les unes des autres par l'utilisation des
critères de division du travail et des modes de coordination :
• Les structures fonctionnelles qui privilégient les économies d'échelle;
• Les structures divisionnelles qui regroupent les personnes nécessaires à l'obtention
d'un même résultat;
• Les structures matricielles qui permettent une adaptation à un environnement
turbulent.
Les structures en réseau, quant à elles, intègrent l'idée de changement.
Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise structure dans l'absolu. Chacune comporte des
avantages et des inconvénients, et est adaptée à des exigences environnementales et
des caractéristiques organisationnelles différentes.
Les microstructures peuvent être différenciées selon deux axes :
• la notion de postes individuels ou de collectif de travail;
• le degré d'autonomie accordé au salarié.
Ces derniers temps, certaines évoluent vers des structures dynamiques, intégrant l'idée
de changement par le biais d'acquisition de compétences pour ses membres, de manière
constante, leur permettant de résoudre de nouvelles problématiques.
Macro et microstructures sont en interaction et constituent le sous-système des
structures qui lui-même est en interaction, au même titre que les autres sous-systèmes,
avec les membres de l'organisation. Il détermine et définit les rôles, relations,
environnement de travail ... De cette interaction naissent les structures dites informelles.
Le manager à l'écoute du sociologue
10 / 39
Un certain nombre d'exemples montrent que malgré tous les efforts possibles, un
organigramme ne sera jamais complet, soit parce que les structures évoluent
continuellement soit parce ce qu'il n'est pas possible de représenter toutes les relations
entre les acteurs de l'entreprise.
Les techniques de production et de gestion
Les entreprises mettent en oeuvre des techniques pour réaliser leurs buts et atteindre
leurs objectifs. On peut décomposer le sous-système technique en deux parties :
• les techniques de production qui visent la transformation de ressources pour la
création de biens ou de services;
• les techniques de gestion qui participent au pilotage de l'organisation.
Les techniques de production ont un impact important sur l'environnement de travail des
salariés (mode de production, technologie des équipements utilisés, méthode de
production retenue...). Mais même s'il a été montré que les techniques de production
sont particulièrement structurantes, il n'y a pas plus de déterminisme dans le domaine
technique que dans d’autres.
Souvent oubliées, les techniques de gestion (méthodes de budgétisation, contrôles
comptables, gestion de projet, évaluation des postes...) influencent aussi les
comportements au travail. Elles peuvent d'ailleurs fourvoyer le salarié quand elles ne
sont pas suffisamment explicitées.
2. La culture : premier pas vers le système social
Longtemps absente des représentations systémiques de l'organisation, la culture, depuis
vingt ans, apparaît dans tous les modèles. Il faut sans doute y voir un signe d'une
nécessité plus grande pour le management d'appréhender l'organisation comme un
système social.
De la culture à la culture d'entreprise
La notion de culture est issue de l'ethnologie. Elle vise à caractériser la civilisation de
groupes sociaux isolés ainsi que l'ensemble de leurs règles de conduite allant des
situations quotidiennes aux situations exceptionnelles.
Le manager à l'écoute du sociologue
11 / 39
Même si cette notion reste un peu floue, tous les sociologues insistent sur un certain
nombre de points :
• une culture apporte des modèles, des codes de conduite, des styles de vie et
des solutions à des problèmes;
• une culture est le plus souvent implicite;
• une culture est partagée par tout ou partie d'un groupe;
• une culture résulte d'une histoire et se transmet dans le temps;
• à une culture correspondent des manifestations symboliques (rites, mythes,
tabous...).
Les entreprises génèrent leur propre culture, du fait de leur réalité humaine, sociale et
historique. La culture d'une entreprise s'exprime dans et par une multitude de signes et
de détails. Elle finit par tellement s'intérioriser qu'on s'y soumet, qu'on l'utilise ou qu'on
en joue sans même s'en rendre compte. Elle conditionne la majeure partie des décisions,
des plus opérationnelles aux plus stratégiques. C'est pour cela qu'une inadéquation entre
cette culture d'entreprise et les exigences de l'environnement peut entraîner
d'importantes difficultés.
Pourquoi la notion de culture intéresse-t-elle le management ?
Pendant une décennie, de nombreuses entreprises vont se préoccuper de leur culture en
cherchant le plus souvent à la renforcer ou à la modifier, faisant le bonheur de beaucoup
de consultants engagés dans ces projets d'entreprise. Cette mode s'est essoufflée même
si les rapprochements d'entreprises la remettent un peu d'actualité pour traiter ces chocs
de cultures.
Les entreprises ont toujours eu une culture, mais avec la mondialisation, elles ont
recours à des techniques de plus en plus semblables qui d'ailleurs extraites trop
rapidement de leur contexte culturel occasionnent quelques ratés; la culture d'entreprise
reste la réelle source de différenciation.
Dans ce contexte de concurrence dynamique et globale, les entreprises cherchent à
gagner en souplesse en délaissant procédures et règles devenues synonymes de
lourdeur, au profit de leur culture génératrice de cohésion à travers le partage de
valeurs. Dans ces entreprises postindustrielles, le management par la culture devient une
caractéristique au même titre que la simplicité des structures et l'autonomie des salariés.
Depuis la fin des Trente Glorieuses, les évolutions dans les entreprises se faisaient de
manière incrémentale, composant par composant. Le contexte concurrentiel actuel fait
que certaines entreprises s'inscrivent dans des changement plus radicaux, visant la
Le manager à l'écoute du sociologue
12 / 39
logique du système, touchant de nombreuses fonctions, modifiant la norme de référence
et nécessitant la modification des sous-systèmes dont fait partie la culture.
De la culture d'entreprise aux cultures
La culture d'entreprise coexiste au sein de chacune d'entre elles, avec un ensemble de
sous-cultures socioprofessionnelles; les valeurs véhiculées par ces dernières peuvent être
cohérentes pour une partie, mais également conflictuelles pour une autre, avec la culture
d'entreprise.
L'environnement de l'entreprise comporte également une dimension culturelle avec une
ou plusieurs cultures nationales, cultures sectorielles... Mais la culture d'entreprise n'est
jamais complètement déterminée ni par son environnement économique ni par son
environnement national.
Les caractéristiques d'une culture d'entreprise
Si la culture d'entreprise se vit plus qu'elle ne s'explique, on peut tout de même noter
qu'elle est un ensemble de valeurs, croyances et normes de comportement.
Les règles qui régissent la conduite des individus au sein d'une organisation se justifient
peu, car considérées comme évidentes : on ne les discute pas. On finit presque par les
oublier ce qui les rend difficiles à repérer.
Ces évidences se manifestent aussi au travers des productions symboliques (codes,
rites...), des langages ou des idéologies. Elles sont partagées par tous les membres de
l'entreprise mais leur adhésion peut être plus ou moins forte.
Les évidences se construisent tout au long de l'histoire de l'entreprise en réponse aux
problèmes rencontrés. Le succès répété d'une solution particulière appliquée à des
problèmes de nature similaire crée une évidence trouvant sa source dans l'histoire de
l'entreprise.
Comment mettre en évidence la culture d'une entreprise ?
Les valeurs figurant dans les chartes d'entreprises relèvent d'une idéologie proclamée
que les dirigeants voudraient voir partager par les salariés. Ces valeurs proclamées
relèvent du discours alors que la culture est composée de valeurs opérantes réellement
partagées par tous.
Le manager à l'écoute du sociologue
13 / 39
Afin de mettre en évidence cette culture, une méthode en quatre étapes a été définie :
1. Repérer des valeurs, croyances et normes de comportement.
2. Vérifier que ce sont bien des évidences.
3. Repérer les logiques qui les lient et caractériser les traits culturels de l'entreprise.
4. Pour chacun de ces traits, rechercher leur origine dans l'histoire de l'entreprise.
3. Agir sur le système Décrire, analyser et comprendre ne sont pas des fins en soi pour les managers, mais
sont des moyens d'agir avec pertinence et de prendre des décisions judicieuses. Le mode
de représentation en système - sous-systèmes peut les y aider.
Quelques principes de systémique utiles au manager
La systémique est une "boîte à outils intellectuels" adaptée à la "complexité organisée".
Elle aide à poser le problème, mais sans avoir la vocation de fournir directement la
solution.
Un système est une représentation partielle et subjective de la réalité, dépendant des
objectifs poursuivis par celui qui l'élabore. Les organisations sont des systèmes dits
ouverts car elles échangent en permanence avec leurs environnements. Leurs évolutions
sont du reste souvent conditionnées par les changements de ces derniers.
Le tout est plus que la somme des parties. La représentation systémique doit mettre
l'accent autant sur la relation entre ses composants que sur les composants eux-mêmes,
car les problèmes de management se situent souvent aux interfaces.
La structure arborescente d'un système peut être analysée en se focalisant sur l'un de
ses composants, en le considérant lui-même comme un système mais d'un niveau de
complexité moindre.
Mais la modélisation systémique a ses limites, car elle ne peut pas rendre compte
fidèlement de la complexité de l'organisation réelle. Un modèle pertinent est un équilibre
entre exhaustivité et opérationnalité. De plus, on ne manage pas des modèles et il est
nécessaire de tenir compte du point de vue des acteurs pour dépasser cette limite.
La part d'inexpliqué et d'incertitude devra être acceptée par le manager qui devra alors
s'en remettre à son expérience et son intuition.
Le manager à l'écoute du sociologue
14 / 39
Le manager à l'écoute du sociologue
15 / 39
L'efficacité du système : contingence et cohérence
Le premier principe d'efficacité d'une organisation est le principe de contingence : les
organisations performantes sont celles dont les caractéristiques sont cohérentes avec les
exigences de leur environnement. Un environnement simple et stable favorise une
organisation relevant du modèle mécanique tandis qu'un environnement instable et
complexe impliquera une organisation découlant du modèle organique. Ce principe de
contingence n'est d'ailleurs pas toujours appliqué lorsqu'on copie des pratiques ou des
procédures observées dans d'autres entreprises ou dans d'autres pays sans tenir compte
de leurs environnements respectifs.
Ce principe de contingence s'applique à tous les sous-systèmes de l'organisation et en
particulier à celui de la structure en ne le considérant plus comme un seul bloc mais
fractionné en unités. Ces dernières adoptent des caractéristiques organisationnelles
différentes en adéquation avec les exigences de leur environnement respectif tout en
prenant garde à la mise en place de procédures "d'intégrations" pour assurer la
coordination entre ces unités.
Un diagnostic organisationnel s'articule autour de trois axes :
1. Caractériser les exigences des sous-environnements;
2. Analyser les caractéristiques organisationnelles de chaque unité;
3. Repérer les modes d'intégration entre chacune des unités et analyser leur cohérence.
Les incidences sur le changement dans l'organisation
Selon le principe de la contingence, quand l'environnement change, l'organisation doit
évoluer. De même, les quatre sous-systèmes étant en interaction, quand un sous-
système évolue, les autres aussi. On se polarise trop souvent sur le sous-système des
techniques sans suffisamment prendre en considération l'impact que le changement peut
avoir sur les autres sous-systèmes. Le changement organisationnel nécessite d'avoir une
vue globale de l'organisation.
Les sous-systèmes ne changeant pas à la même vitesse, comme la culture qui est un
sous-système très prégnant, il faut alors maîtriser en parallèle des processus temporels
différents.
Le manager à l'écoute du sociologue
16 / 39
II. Les acteurs au cœur de l'organisation L'organisation peut être aussi présentée du point de vue des acteurs en expliquant le
plus simplement possible le raisonnement, les principales notions et grilles de lectures de
sociologie des organisations utiles au manager.
4. Expliquer les comportements Tout comportement résulte d'un effet conjoint de situations (règles, relations avec les
autres...) et de dispositions (mentales cognitives, affectives...).
Situation et disposition sont deux facteurs explicatifs de tout comportement humain. En
contradiction avec cette proposition, les pratiques de management favorisent aujourd'hui
des schémas basés uniquement sur les dispositions des individus : d'une part, l'approche
du comportement humain par les traits de personnalité, et d'autre part l'approche par les
motivations.
Si dans certaines situations, ces schémas suffisent à expliquer les comportements au
travail, on en rencontre vite les limites.
L'approche par les traits de personnalité
Elle établit implicitement ou explicitement un lien entre le comportement d'un individu et
ses caractéristiques personnelles. Ainsi quelque soit la situation, des sortes de filtres
mentaux, cognitifs, affectifs, etc. déterminent un comportement constant.
La psychologie et la psychanalyse ont exploré et expliqué les comportements par des
facteurs dispositionnels. Si ces pratiques thérapeutiques ont une efficacité indéniable, la
transposition trop rapide, l'utilisation, hors du contexte, d'analyses longues et
méticuleuses, dans des situations de management sous contrainte d'urgence, pose
problème.
La psychologie quotidienne non scientifique (pop psycho) a énormément accentué la
pérennité et la constance de schémas dispositionnels simplifiés en les extrayant de leurs
contextes d'élaboration. Cette tendance est renforcée par des pratiques largement
utilisées dans les entreprises tels les tests psycho-techniques, avec exceptionnellement
des dérives allant jusqu'à l'utilisation de l'astrologie ou de la numérologie pour le
recrutement ou la promotion.
Les traits de personnalité n'expliquent pas tout; ainsi des études sur des individus
montrent qu'il y a une très faible corrélation entre leurs comportements et leurs traits de
personnalité. Bon gré mal gré, nous nous adaptons aux situations, et le travail, son
Le manager à l'écoute du sociologue
17 / 39
organisation, les relations de coopérations, etc. créent des situations contraignantes qui
exigent des comportements adaptés, réfléchis, moins spontanés qu'on le voudrait au
premier abord.
L'approche par les motivations et les besoins
Cette approche est également basée sur une explication par les dispositions, même si la
situation y tient une place plus importante que dans l'approche précédente. Son schéma
explicatif est le suivant :
• il peut exister un lien plus ou moins intense de satisfaction entre un comportement et
un besoin ;
• l'effet de motivation est obtenu lorsqu'une situation offre des caractéristiques
permettant des comportements de travail satisfaisant certains besoins.
Le succès de cette approche dans les manuels de marketing et de management a abouti
à des applications simplificatrices : aujourd'hui le terme "motivé" est utilisé pour tout et
n'importe quoi.
La motivation est une force intérieure qui pousse à agir, et les spécialistes du marketing
et de la publicité ont bien analysé la mécanique motivationnelle. Ils proposent un schéma
mécaniste dit schéma de réduction des tensions. La motivation résulte d'une tension liée
à un besoin et déclenche un comportement visant à le satisfaire.
La tentation était grande d'appliquer ce schéma au monde du travail par la mise en
adéquation des objectifs de production et des besoins latents des salariés. Mais la théorie
et surtout la mise en oeuvre sont plus compliquées que cela.
Pour comprendre le comportement d'un individu, il faut prendre en compte l'ensemble de
ses besoins généraux : psychologiques, sociaux, de sécurité, de réalisation de soi...
Les besoins sont abstraits, les situations de travail concrètes. C'est une des raisons qui
explique l'échec des programmes d'enrichissement des tâches en vogue dans les années
70 avec le fait que si chacun d'entre nous ressent bien des besoins, ils nous sont
particuliers et changeants.
Enfin, les salariés ne sont pas passivement déterminés par leurs besoins, et il ne suffit
pas de leur offrir des postes conformes à ces derniers pour qu'ils réagissent de manière
automatique et mécanique.
Le manager à l'écoute du sociologue
18 / 39
Partir de la situation plutôt que des dispositions
Les limites des approches dispositionnelles montrent que vouloir changer les individus
relève souvent du fantasme ou de la pure illusion.
Tournons-nous plutôt vers l'autre facteur explicatif du comportement : la situation. On
considérera alors l'individu comme une "boîte noire" et on se contentera de formuler des
hypothèses. Les comportements observés au quotidien confirmeront ou infirmeront.
Il n'y a pas de déterminisme culturel, et céder aux tentations simplistes de ne prendre en
compte que la situation, c'est nier la capacité de choix de l'individu à travers son
intelligence et c'est retomber dans un raisonnement mécaniste sans prise avec le réel.
La culture d'entreprise pré-structure plutôt que détermine nos comportements, en
limitant l'éventail des solutions possibles.
Pour comprendre le comportement d'un individu, il faut prendre en considération ses
réactions de manière dynamique : chaque situation est vécue comme un problème et
pour y répondre, il fait appel à sa capacité de choix et donc à son intelligence.
Le bon manager est celui qui sait adapter son style à la situation. La moins grande
diffusion de cette approche s'explique par le fait que les managers espèrent trouver un
moyen d'exercer leurs fonctions sans avoir à contrôler, inciter, dissuader leurs
subordonnés; ils préfèrent mettre en adéquation les dispositions de leurs collaborateurs
avec les besoins de l'entreprise et attendre le résultat.
L'autre raison du moindre succès de l’approche précédente vient du fait de son aspect
systémique et mécaniste, basé sur un schéma d'interactions entre caractéristiques
organisationnelles et réactions de l'individu.
Enfin les relations de pouvoir, masquées ou éliminées dans les modèles dispositionnels et
culturalistes, sont au coeur de l'approche situation/problème.
5. Les comportements : des stratégies Les approches dispositionnelles et culturalistes ont oublié de prendre en compte
l'intelligence de l'être humain, pourtant primordiale lorsqu'il doit résoudre des problèmes
complexes.
Face à des situations/problèmes multiples et variés, notre intelligence nous permet
d'élaborer une grande diversité de comportements, qui même s'ils laissent transparaître
tempérament, traits de personnalité, etc. visent surtout des objectifs individuels. En ce
sens, nos comportements sont stratégiques.
Le manager à l'écoute du sociologue
19 / 39
Le manager à l'écoute du sociologue
20 / 39
Obtenir le meilleur rapport avantages/inconvénients
Nous réagissons à une situation en la percevant à travers le filtre de nos dispositions,
mais notre système de préférences propre n'est que peu éloigné de celui d'autres
individus placés dans une situation identique. Ceci explique que les stratégies adoptées
par des individus confrontés à la même situation soient proches. Cet aspect stratégique
importe plus, dans ses conséquences sur l'efficacité des organisations, que les
différences de comportement dues aux dispositions intra-psychiques telles que les traits
de personnalité.
L'individu est rationnel, mais sa rationalité est limitée
Pour comprendre un comportement, il faut se baser sur le fait que ce comportement est
toujours rationnel pour celui qui l'adopte. Le qualifier d'absurde, c'est simplement ne pas
reconstituer la rationalité de son auteur. Pour ne pas rester bloqué sur ce genre de
problèmes, il faut faire la distinction entre comportement rationnel et comportement
raisonnable.
Un comportement irrationnel devrait être appelé non raisonnable lorsque son auteur ne
partage pas la même rationalité que nous, le qualificatif rationnel visant ici des
comportements réels, observables et non pas théoriques.
Cette rationalité a été qualifiée de limitée car nous ne recherchons, ni n'évaluons
l'ensemble des solutions possibles mais repérons un certain nombre de solutions en
puisant dans notre expérience.
Nous agissons dans des situations d'ignorance partielle, car nous n'avons qu'une
perception tronquée, incomplète de notre environnement. Dans les environnements
incertains de nos entreprises, tout n'est pas connu. De plus, nous sommes souvent
contraints d'agir dans l'urgence. Le management est donc plus un métier d'action que de
réflexion. Les prises de décisions relèvent plus souvent du pari, de l'expérience et de
l'intuition que du calcul scientifique. Enfin, les rôles de chacun et la divergence des
objectifs sont des limites non négligeables, certains acteurs ayant un intérêt à préserver
des zones d'ignorance.
Notre rationalité est cognitivement, socialement et affectivement limitée, nos capacités
cognitives ne nous permettant pas de traiter un nombre très important de variables. Nos
origines, notre trajectoire, nos expériences et notre position sociale façonnent aussi notre
rationalité. Nos émotions sont également des limites à notre rationalité car elles limitent
l'éventail des solutions envisageables en écartant celles qui ne sont pas affectivement
Le manager à l'écoute du sociologue
21 / 39
possibles. Notre rationalité est limitée par des facteurs contextuels mais aussi par des
caractéristiques individuelles.
De plus, du fait du pouvoir qu'il possède par rapport au management, un individu peut se
comporter de manière non raisonnable aux yeux de celui-ci. Agissant suivant le modèle
de rationalité limitée, ils peuvent et sont obligés de négocier en de multiples occasions.
Les situations organisationnelles sont des situations de négociation, renonçant ainsi à
l'optimum du modèle rationnel, mais fonctionnant tout de même grâce au "slack
organisationnel".
Trois enseignements peuvent être tirés de cette notion de rationalité limitée pour être
généralisés aux situations de management :
• Dans une situation où vous êtes impliqué avec vos collaborateurs, il n'y a
aucune raison pour que vous voyez tous la situation de la même manière;
• Face à une situation, vos collaborateurs agissent dans le cadre des limites de
leur rationalité, de leur fonction de perception, de leur intérêt et aussi de
critères dont ils sont plus ou moins conscients et qui vous échappent
totalement;
• Si votre rationalité n'est pas taillée à la mesure des limites de celle de vos
collaborateurs, elle ne vous permettra pas de les faire sortir des limites de leur
propre rationalité.
De plus, le fait de donner des informations à un individu accroît son "aire de rationalité"
et vous permet d'exercer une influence donc la reconnaissance d'un certain pouvoir,
même si par ailleurs vous lui attribuez aussi du pouvoir en accroissant son "aire de
rationalité".
Des stratégies selon les situations.
Nos comportements stratégiques sont des choix qui impliquent au moins deux choses.
D'une part, nous poursuivons nos propres objectifs, ce qui implique que toute
organisation nous laisse une relative liberté, et d'autre part, nous portons la
responsabilité de nos comportements.
On peut classer ces comportements dans deux grandes catégories stratégiques :
défensives ou offensives.
La stratégie défensive intervient lorsque des changement d'organisation entraîne pour
l'individu une perte de pouvoir, d'autonomie, etc.; il cherche à justifier l'importance de
son rôle auprès de son supérieur tout en cherchant des alliés pour plaider sa cause.
La stratégie offensive se décompose de nouveau en deux catégories : les marchandages
et les investissements.
Le manager à l'écoute du sociologue
22 / 39
Le marchandage consiste à obtenir quelque chose de son collaborateur en échange d'une
autre qu'il considère comme un avantage supplémentaire. Il faudra auparavant bien
repérer ce qu'il considère comme avantage supplémentaire et cela pour ne pas confondre
la contribution demandée et l'enjeu permettant l'échange.
La stratégie d'investissement est typique du comportement des cadres, mais peu
acceptée par les non cadres. Considérant que la situation est favorable, on accepte dans
l'immédiat une période où l'on va perdre, en faisant le pari qu'on y gagnera à terme.
Mais si la situation évolue défavorablement ou si l'investissement devient disproportionné
alors on revient au marchandage. Pour favoriser cette stratégie, l'entreprise doit faire la
preuve qu'on a raison de se comporter en investisseurs.
Le management par la gestion des compétences doit aussi avoir une réflexion
complémentaire sur le volet des rétributions, différées ou immédiates, matérielles ou
immatérielles.
La dynamique enjeux/ressources/contraintes
Le comportement d'un acteur est sa réponse au problème que lui pose la situation à
laquelle il est confronté. A ce stade, deux notions sont essentielles pour aller plus loin : la
notion d'enjeux et celle de pouvoir.
Un comportement a une finalité, vise un ou plusieurs buts. Ces enjeux proviennent de
son environnement organisationnel, ils sont concrets, contingents, opérationnels, situés
dans le temps et liés à la position ou au rôle de l'acteur. Ils changent en fonction de
perceptions différentes ou de transformations effectives de l'environnement.
Face à un problème, nous sommes toujours en situation de pouvoir ou de dépendance
par rapport à d’autres acteurs. Nous avons alors des enjeux à la fois convergents et
divergents, car dans toute organisation, les acteurs en présence sont le plus souvent à la
fois partenaires et adversaires.
Pour influer sur la solution lui étant la plus profitable, l'acteur a comme atout ses
ressources, les atouts des autres parties prenantes devenant ses contraintes. Ces
situations de coopération sont des situations de pouvoir et de dépendance qui vont
influencer la sélection de ses enjeux.
Les facteurs de pouvoir peuvent être des enjeux intermédiaires donnant ainsi accès à
une gamme d'autres enjeux.
Le manager à l'écoute du sociologue
23 / 39
6. Repérer et évaluer les enjeux d'une situation ENJEU : "ce que je peux gagner ou perdre" dit le Robert.
Les enjeux d'une situation de travail stimulent les facteurs de motivation et,
contrairement aux besoins abstraits et généraux, ils sont concrets et particuliers à une
situation. Ils sont ainsi utiles aux managers pour agir sur le comportement des salariés.
Retour à la notion de motivation
Ce sont certaines des caractéristiques de la situation de travail qui, à travers les
comportements qu'elles requièrent, stimulent des facteurs de motivation procurant
satisfaction ou au contraire provocant insatisfaction.
On différencie les facteurs de motivation dit "intrinsèques", qui se situent à l'intérieur de
l'individu et proviennent du travail, des facteurs de motivation dits "extrinsèques" qui
correspondent à des données de contexte et d'environnement et sont dus à l'obtention
d'une rétribution extérieure.
Ces deux types de facteurs sont sources potentielles de satisfaction et/ou d'insatisfaction
au travail.
Les travaux sur le processus motivationnel s'intéressent moins au contenu de la
motivation qu'à son processus en cherchant à comprendre comment elle fonctionne. Ils
partent de l'hypothèse qu'un comportement motivé résulte, pour tout individu, d'un choix
qui maximisera ses satisfactions et minimisera ses insatisfactions en fonction de sa
rationalité limitée.
Ce processus peut être décomposé en trois mécanismes psychologiques distincts :
l'affectif, l'expectation et l'instrumentalité assimilable. Ce qui signifie, répondre oui aux
trois questions suivantes : "Suis-je capable d'atteindre le résultat associé à l'obtention de
la satisfaction recherchée?", "Est-ce par ce comportement que j'ai le plus de chance
d'obtenir la satisfaction recherchée?" et "Le jeu en vaut-il la chandelle?".
De la motivation aux enjeux d'une situation
Le processus motivationnel redonne toute son importance à la situation dans laquelle se
trouve l'individu d'une part, à son intelligence d'autre part.
Nous ne sommes pas esclaves de nos motivations, il n'y a pas de déterminisme simple
en besoin et comportement, nous ne cherchons pas en toute circonstance une
satisfaction immédiate et absolue, nous sommes capables d'ajuster notre niveau
d'exigence.
Le manager à l'écoute du sociologue
24 / 39
On ne motive pas ses collaborateurs; ils se motivent eux mêmes car ils sont les seuls à
savoir quelle action est en mesure de satisfaire leurs besoins. On peut simplement rendre
leur situation plus motivante.
En prenant la "boîte noire" individuelle et en comparant les confirmations/infirmations
des hypothèses, on pourra identifier ce que les individus considèrent être comme les
enjeux des situations/problèmes auxquels ils ont à faire face. On prendra garde à ne pas
confondre enjeux, objectifs et résultats.
Les enjeux d'une situation de travail
Il est impossible de faire une liste exhaustive des enjeux auxquels tout salarié est
confronté. Cinq grandes familles peuvent toutefois être identifiées en se basant sur les
enjeux relatifs à l'exécution du travail, à l'organisation du travail, aux relations au travail,
à l'entreprise et enfin, aux salaires directs et indirects.
L'exécution du travail comporte des enjeux positifs (intérêt technique, exécution
maîtrisée...) et négatifs (conditions de travail difficiles, cadences...), mais deux mots, qui
apportent plus de confusion que de clarté, viennent directement à l'esprit : intérêt et
responsabilité.
Pour ce qui est de l'intérêt, on peut sortir du classique intérêt du spécialiste pour évoquer
une notion importante qui est "se prendre au jeu de son travail". Pour parvenir à cette
situation, il est nécessaire toutefois d'avoir la maîtrise technique et une bonne autonomie
dans l'exécution des activités et que la réussite de ces dernières apporte une certaine
valorisation.
En ce qui concerne la responsabilité, les enjeux positifs se traduisent par les avantages
qu'ils apportent (salaire, autonomie...) et les enjeux négatifs peuvent se traduire par les
contreparties (difficultés, activités supplémentaires...).
Les enjeux autour de l'organisation du travail sont nombreux. Les enjeux négatifs sont le
plus souvent l'inverse des enjeux positifs : contraintes horaires/horaires variables,
contrôles tatillons/autonomie... Ces enjeux présentent deux caractéristiques
particulières, d'une part une même activité occasionne souvent des enjeux positifs et
négatifs (reposant mais monotone...) et d'autre part les caractéristiques des situations
de travail générant ces enjeux sont de plus en plus dans les mains du manager de
proximité.
Le manager à l'écoute du sociologue
25 / 39
Les enjeux liés aux relations sont trop souvent oubliés, ils génèrent de nombreux enjeux
positifs (solidarité, réseaux de relations...) mais aussi des enjeux négatifs (mauvais
ambiance, concurrence...). Tel un changement de poste pouvant avoir d'importantes
conséquences sur les enjeux positifs, peut être également un frein à la mobilité.
L'entreprise produit aussi des enjeux. En effet, les enjeux positifs produits par
l'entreprise (prestige lié à l'image de l'entreprise, sécurité de l’emploi..) ou les enjeux
négatifs (mauvaise réputation, faible pérennité de l’entreprise..) peuvent influencer le fait
de choisir une entreprise ou de ne pas la quitter.
Si les salaires directs et indirects ne sont pas les seuls enjeux de toute situation de
travail, ils restent des enjeux importants. Ils ont cependant leurs limites car le plus
souvent gelés sur une période annuelle. Ils peuvent aussi être des enjeux négatifs si on
pense ne pas être rémunéré à sa juste valeur. Enjeux positifs et négatifs autour d'une
question de salaire relèvent d'un sentiment d'équité ou d'iniquité, c'est une
caractéristique qu'il faut regarder de manière relative et non pas absolue.
On peut repérer et évaluer les enjeux de chacun des acteurs par rapport à une situation
donnée mais aussi par rapport aux principaux enjeux de la situation de travail global d'un
acteur particulier. Il n'y a pas d'arithmétique comptable dans ce domaine, les salariés de
tout niveau tirent de cet état un bilan globalement positif ou négatif.
7. Les relations humaines : encore et toujours des rapports de pouvoir
Tout le monde a du pouvoir dans les organisations
De manière étonnante, les rapports de pouvoir sont quasiment absents des livres de
management. On n’y aborde seulement le thème de l’autorité des supérieurs en oubliant
que :
• Le manager est souvent aussi le subordonné d’un autre manager, avec des
relations affectées par leur pouvoir réciproque;
• Les définitions de fonctions officielles cachent souvent les réels rapports de
pouvoir;
• Les relations humaines se vivent à travers des rapports de pouvoir, quelque soit
le niveau hiérarchique;
• L’ajustement mutuel résulte d’arrangements qui sont établis dans des relations de
pouvoir.
Le manager à l'écoute du sociologue
26 / 39
Tout le monde a du pouvoir dans les organisations, même au niveau des rôles les plus
subalternes. A partir du moment où vous ou votre travail avez une valeur marchande
pour votre supérieur, vous détenez aussi un peu de pouvoir.
Les organisations de travail actuelles, en misant d’avantage sur l’autonomie des acteurs,
redistribuent aussi un peu de pouvoir à ces derniers. Cependant, des changements
technologiques ou organisationnels, en rendant caduque votre expérience ou moins
stratégique votre poste, peuvent vous faire perdre du pouvoir.
La grève est un pouvoir de dissuasion, mais difficilement utilisable car est aussi
préjudiciable pour son auteur; l’employeur détenant quant à lui des pouvoirs de
dissuasion tout aussi lourds de conséquences : licenciements, restructurations…
Le pouvoir est réparti de manière inégale et c’est une des raisons des difficultés ou des
échecs des efforts de délégation au même titre que l’oubli de la prise en compte de
problèmes de pouvoirs sous-jacents.
Ce que pouvoir veut dire
Les relations interindividuelles sont aussi des relations de pouvoir car les objectifs
organisationnels et individuels sont à la fois convergents et divergents et les ressources à
répartir sont limitées.
Le pouvoir ne se réduit pas à l’autorité, les collaborateurs ayant aussi du pouvoir sur
leurs supérieurs. Ce n’est pas un bien accumulable et il représente l’inverse de la
dépendance : on détient quelque chose dont les autres ont besoin.
Le pouvoir est contingent, car nous dépendons les uns des autres pour satisfaire nos
propres objectifs, le pouvoir concret entraînant une dépendance réciproque.
La culture ne gomme pas les rapports de pouvoir, mais la modification de ceux-ci fait
partie des conditions nécessaires pour faire évoluer la culture.
Source et ressources de pouvoir
Pour avoir du pouvoir, il faut être crédible aux yeux des autres en solutionnant les
problèmes tout en restant imprévisible : il faut contrôler une « zone d’incertitude ». Cela
nous permet de refuser ou de négocier ce qu’on nous demande.
Le manager à l'écoute du sociologue
27 / 39
Le manager à l'écoute du sociologue
28 / 39
Cinq grandes ressources du pouvoir permettent de contrôler cette zone d’incertitude :
• Le contrôle des moyens, qui par l’attribution d’un budget, d’une prime… permet
d’influer sur le comportement des autres;
• Les règles organisationnelles, qui permettent, en créant, modifiant et même
appliquant ces règles, de rendre dépendant le reste des acteurs;
• Les informations, qui par leur détention ou le contrôle de leur transmission,
placent dans une position stratégique;
• Les compétences donnent du pouvoir à condition qu’elles soient complexes et peu
formalisables;
• Les relations à l’environnement font partie des plus importantes ressources de
pouvoir car elles placent au point de passage obligé des relations avec les acteurs
extérieurs, contrôlant de nombreuses zones d’incertitudes. Appelés marginaux
sécants, ils sont des acteurs primordiaux lors de changement de processus.
Pouvoir implique négociation
Pour maîtriser les relations de pouvoir, il faut savoir s’affirmer, être émotionnellement
stable, savoir s’exprimer et écouter, et enfin savoir négocier.
La négociation est un mode d’interaction. Dans les relations de travail, les questions de
pouvoir sont omniprésentes. La coopération entre les acteurs passe par des relations de
négociation, permettant ainsi le meilleur ajustement.
On a toujours négocié en impliquant des relations de pouvoir, mais la culture ne
permettait pas d’en parler, considérant le pouvoir et son utilisation comme immoral et
donc répréhensible.
Le pouvoir n’est ni moral ni immoral, c’est une composante de nos relations et en tenir
compte peut nous aider à mieux maîtriser nos relations.
8. L’organisation : un système social
Comportements et effets organisationnels
L’effet organisationnel est le résultat du comportement des acteurs. Cet effet sera positif
ou négatif en fonction de sa conformité par rapport aux objectifs organisationnels
désirés.
Les effets organisationnels négatifs sont trop souvent attribués aux individus alors qu’il
faut plutôt se pencher sur les situations et chercher les caractéristiques
organisationnelles qui ont modifiées les enjeux, les ressources ou les contraintes. Il
Le manager à l'écoute du sociologue
29 / 39
conviendra alors d’intervenir sur ces caractéristiques pour induire des comportements qui
eux entraîneront des effets positifs.
Des acteurs à l’organisation...
Adopter le point de vue des acteurs plutôt qu’uniquement celui du système, permet de
percevoir l’organisation comme un système d’actions concret et ainsi tout le système de
relations mis en place par les personnes pour traiter un problème. Cette notion nous
ramène à deux principes fondamentaux de la systémique : d'une part, les acteurs
n’agissent pas seuls et indépendamment les uns des autres mais en interaction, et
d'autre part, le tout est plus que la somme des parties.
L’organisation ne se réduisant pas un à ensemble d’acteurs, le simple changement d’une
personne ne résout pas un problème. Un système d’actions concret se basant sur un
système de règles et de relations entre les acteurs ainsi que sur la nature de ces
relations, il faut intervenir sur ces différents points pour améliorer le fonctionnement de
l’organisation.
L’organisation est une mosaïque de systèmes concrets, des derniers correspondant en
fait à une solution organisationnelle. Ils apportent une vision complémentaire,
particulièrement importante à l’observation des effets organisationnels négatifs qui sont
principalement liés aux comportements des acteurs.
C’est une représentation locale et le changement d’un sous-système impacte plusieurs de
ces systèmes d’actions concrets.
La mise en évidence d’un système d’actions concret passe par six étapes :
1. Partir d’un problème précis;
2. Identifier les acteurs impliqués à la résolution de ce problème;
3. Spécifier la nature de leurs relations;
4. Caractériser les enjeux pour chacun d’entre eux;
5. Repérer les ressources et contraintes de chaque acteur;
6. Reconstituer la rationalité du comportement des chacun des acteurs.
L'efficacité de l'organisation à travers le prisme des acteurs
Il y a deux manières complémentaires d’interpréter la contingence et la cohérence entre
les sous-systèmes lorsque l’on se place du point de vue des acteurs.
Tout d’abord, la rationalité des acteurs est limitée par des facteurs individuels mais aussi
contextuels. Les incohérences entre l’organisation et les missions d’un individu
déséquilibrent son l’environnement cognitif. Pour remédier à ce type de problème, le
manager doit rendre l’environnement organisationnel le plus cohérent possible.
Le manager à l'écoute du sociologue
30 / 39
Ensuite, les incohérences organisationnelles, en créant des zones d’incertitudes,
amplifient le rapport de pouvoir. Alors l’énergie dépensée par les acteurs pour lutter
entre eux peut être supérieure à celle consacrée à la production collective d’un résultat
convergent.
Il ne faut tout de même pas oublier qu’aucune organisation n’est parfaitement cohérente,
mais elle refuse une trop grande incohérence entre ses sous-systèmes.
Une entreprise échange avec son environnement et les individus qui la composent. Elle
crée des produits et des services en échange de ressources et rétribue ses salariés pour
leur contribution. Une organisation fonctionne malgré son incohérence grâce au « slack
organisationnel », une réserve constituée de la différence entre les ressources de
l’entreprise et la rétribution des salariés.
III. Changer le management pour manager le changement La sociologie, par l’aide qu’elle apporte à la compréhension de la nature complexe et
multirationnelle des systèmes humains, permet au manager d’être plus efficace, de ne
plus commettre l’erreur de ne traiter les changements de l’organisation qu'en la
percevant de manière globale.
Cette perception sociologie n’est que complémentaire aux méthodes traditionnelles de
management du changement. Elle n’aide pas à l’action mais à la compréhension de
comportements comme la négociation, clef de voûte des processus de coopération.
9. Nouveau modèle organisationnel, nouvelles exigences managériales De profonds changements sont en train de toucher les entreprises qui sont confrontées à
un environnement de plus en plus instable et donc à des objectifs de plus en plus
complexes. Ces changement vont jusqu’à remettre en cause les fondements même de
leurs modèles d’organisation.
Vers un nouveau modèle organisationnel ?
Certains observateurs voient l’émergence d’un nouveau modèle organisationnel, passant
du modèle dit de « l’homme organisationnel » au modèle dit de « l’entreprise
individuelle » dont les trois principales caractéristiques sont une composition de
l’entreprise en petites unités autonomes, des structurent intégrant l’idée de changement,
Le manager à l'écoute du sociologue
31 / 39
et enfin une demande d’initiative et d’innovation à tous les salariés, et ce quelque soit
leur position hiérarchique.
Dès les années 60, un type d’organisation approchant avait été conceptualisé. Ce modèle
dit « organique », adapté à des environnements instables, dont les structures sont
flexibles et décentralisées, privilégie l’ajustement mutuel comme principal mode de
coordination d’acteurs pouvant tenir plusieurs rôles simultanément.
Ce type d’organisations, hier encore marginales, tend aujourd’hui à se développer de
plus en plus.
Certains observateurs pensent que le modèle organisationnel traditionnel est dépassé,
mais toujours pas remplacé. Malgré toutes les évolutions, les mutations de ces dernières
années, il n’y a pas encore la rupture organisationnelle nécessaire à l’émergence d’un
nouveau modèle. Cependant, tout le monde s’accorde à dire que, lors des deux dernières
décennies, les entreprises ont profondément évolué, l'autonomie accrue et la coopération
entre les salariés devenant incontournables.
Alors que le respect des procédures et des règles est la base des organisations
traditionnelles, aujourd’hui l’autonomie accrue et reconnue est un moyen pour les
entreprises d’accroître leur efficacité. Placer le pouvoir de décision au plus près des
problèmes doit leur permettre ainsi de s’adapter plus rapidement à leur environnement
changeant.
La coopération mise en place entre les individus et les entités d’une entreprise joue un
rôle important dans l’efficacité de cette dernière. Elle n’est pas formelle, évitant la rigidité
et privilégiant la souplesse, mais elle nécessite un ajustement mutuel et les négociations
incessantes pèsent psychologiquement sur les individus.
Le pouvoir est davantage réparti au sein de l’entreprise. Mais l’autonomie, la flexibilité,
l’initiative qui sont demandées au nom de l’efficacité entraînent aussi une augmentation
du pouvoir qui sera aussi utilisée pour la réalisation d'objectifs personnels.
Ce pouvoir, par le fait de son éparpillement à tous les niveaux de l’entreprise, n’intéresse
plus seulement le sociologue mais devient une variable pertinente pour le manager qui
l’utilisera comme un levier d’action pour améliorer l’efficacité des ses résultats.
De nouvelles exigences managériales
Mais une entreprise de ce type se manage différemment; les relations entre supérieur et
subordonné n'étant plus de simples relations hiérarchiques mais incluant la négociation,
le but n’étant plus de faire appliquer des procédures mais d’exploiter au mieux les
capacités : on ne peut plus manager sans ou à coté du social.
Le manager à l'écoute du sociologue
32 / 39
10. La négociation comme mode de management Les relations de négociation ont toujours été présentes dans le monde du travail, mais
les nouveaux modèles d’organisations les rendent encore plus indispensables. Les
entreprises peuvent en tirer un avantage concurrentiel si elles l’intègrent correctement
dans leurs modes de management en apprenant à mieux négocier et en prenant en
compte cette notion dans la culture d’entreprise.
Qu'entend-on par négocier ?
La négociation fait appel aux notions d'interaction, d’acteur, de divergence, de recherche
d’arrangement auxquelles on peut ajouter dépendance et pouvoir. On remarque que ces
notions caractérisent aussi les situations de management.
Que ce soit entre acheteur et vendeur, employeur et syndicat ou entre nations, la
négociation implique l’interaction, mais même si certains parlent aujourd’hui
« d’entreprises négociatrices », bien souvent les managers peu préparés et peu formés à
ce type de situations se contentent de donner des ordres alimentant ainsi des
affrontements futurs.
Tout manager est d’une certaine manière le délégué de la direction générale. Chaque
acteur négocie pour le compte d’une communauté qui lui a donné délégation. Il essaye,
malgré les divergences des objectifs de chacun, de trouver des compromis et de passer
des accords qui seront meilleurs que la persistance de la situation présente.
Les relations de dépendance croisée et de pouvoir entre supérieur et subordonné sont la
base de leur négociation. Par ce biais, ils trouveront un accord qui fixera de nouvelles
règles du jeu et de nouveaux engagements respectifs.
Par manque de négociation, les entreprises sont cantonnées dans des jeux à somme
nulle : l’un gagne ce que l’autre perd. La négociation permet, en découvrant des
nouveaux gains, de changer la nature des jeux et de passer à des jeux à somme non
nulle : chaque joueur gagne des avantages supplémentaires en fin de partie.
Pour cela les entreprises, au travers de la gestion des ressources humaines, doivent
encourager la négociation, la faisant pénétrer ainsi dans sa culture, et aider les managers
à se perfectionner dans cet art.
Quelques indications sur la négociation
Le manager à l'écoute du sociologue
33 / 39
La négociation, en tant qu’apprentissage social, s'acquiert peu à peu par l'observation, la
mise en pratique, mais aussi en corrigeant les erreurs, afin de façonner son expérience.
Elle se déroule en quatre phases successives :
• L’échange d’information où chacun dévoile petit à petit et de manière de moins
en moins vague ses cartes, la règle étant de donner pour obtenir;
• La phase d’équilibrage où l’on cherche à convaincre l’autre de la justesse de ses
exigences. Ce faisant, on se rassure aussi sur ses forces et ses ressources avant
de passer à la phase suivante;
• Les échanges de concessions avec les suggestions, compromis et marchandages.
C’est une phase longue qui peut être arrêtée pour un mot de travers;
• Enfin le dénouement où les demandes s’ajustent et les accords se forment avec
une rapidité tranchant avec la longueur des phases précédentes.
En amont, un négociateur habile doit se préparer en recherchant de nombreuses options
possibles en prenant en compte les conséquences de chacune d’entre elles. Les points à
aborder ne devront pas être posés comme une suite logique à respecter coûte que coûte.
Pendant la négociation, il ne doit pas utiliser des mots pouvant irriter son interlocuteur et
se limiter dans ses contre-propositions, tout en évitant les spirales justification/
critique/justification. Il ne faut pas qu’il laisse la négociation se diluer dans des
discussions stériles et hors de propos mais doit vérifier la bonne compréhension de ses
interlocuteurs par l’intermédiaire de synthèses.
Enfin, il annonce et caractérise son comportement en n’hésitant pas à manifester ses
sentiments et à donner les raisons d’un désaccord ou d’un refus. Il doit rester ferme sur
les objectifs non négociables, et conciliant sur les conditions et les arrangements
négociables.
11. Le management contractuel Les contributions/rétributions sont directement négociées entre supérieur et subordonné.
Elles sont, de ce fait, plus représentatives des uns et des autres et font gagner en
efficacité une organisation.
Macro et micromanagement
Le macromanagement permet aux dirigeants de gérer les relations de l’organisation
avec son environnement tandis que le micromanagement est très utile pour la gestion
des ressources. Ce sont deux choses totalement différentes qui ne s’appuient pas sur les
mêmes connaissances.
Le manager à l'écoute du sociologue
34 / 39
Dans le modèle organisationnel traditionnel basé sur l’Organisation Scientifique du
Travail, il suffisait de faire des procédures et de contrôler le temps de travail se basant
ainsi uniquement sur le macromanagement.
Dans le modèle organisationnel d’aujourd’hui, où l’autonomie et l’initiative sont
demandées aux salariés, l’élaboration des objectifs et le contrôle des résultats font appel
au micromanagement qui puise dans les connaissances de la sociologie des
organisations.
Assurer la convergence des objectifs par la relation contractuelle
Ainsi le micromanagement devra garantir la convergence des comportements individuels
avec les objectifs organisationnels. Au-delà du simple contrat de travail, le manager
devra établir avec son subordonné une relation contractuelle entre rétribution et
contribution à l’objectif organisationnel.
Les avantages de la relation contractuelle sont nombreux : la clarification de contrat
supérieur/subordonné et ainsi une négociation et un contrôle plus faciles, une meilleure
adaptation aux individualités et aux contributions qui leurs sont demandées, une mise en
lumière des enjeux positifs particuliers et une meilleure coordination entre l’efficacité
organisationnelle et la dimension humaine du travail.
Pour réussir cette mise en relation, il ne faut pas nier les divergences entre les objectifs
organisationnels et individuels mais plutôt rendre concrets les enjeux réels des
intéressés.
De plus il faut prendre le temps d’expliquer aux salariés les raisons des objectifs fixés et
leur donner un meilleur l’accès à l’information.
Une méthode : le contrat contributions/rétributions
Une des activités de base du micromanagement est le suivi et la correction des dérives
du rapport contributions/rétributions en utilisant une méthode en six étapes :
1. Décliner les objectifs pour chacun des collaborateurs et identifier les enjeux
positifs propres;
2. Esquisser, au cours d’entretiens individuels, les premières hypothèses du contrat
contribution/rétribution en partant du contrat de base et en prenant en compte
toute les formes de rétributions (pas seulement le salaires), précisant simplement
qu’elles ne sont pas extensibles à souhait;
3. Consolider ces contrats et les faire valider par la direction;
4. Négocier, avec chaque collaborateur, le contrat définitif en fixant la contribution à
l’objectif de l’unité et en s’engageant sur la rétribution tout en expliquant que le
bilan avantages/inconvénients peut se détériorer à très court terme avant de
revenir à l’état négocié;
Le manager à l'écoute du sociologue
35 / 39
5. Suivre les réalisations du collaborateur avec si nécessaire des ajustements;
6. Evaluer avec le collaborateur, après une période suffisante, les résultats atteints
par rapport aux objectifs fixés et attribuer en conséquence les rétributions.
On doit toutefois être attentif aux éventuelles causes d’échec inhérentes à cette
méthode. L'une des principales est le mauvais traitement des rétributions. Le mauvais
équilibre avec les contributions, une gestion générale, collective ou découplée du
micromanagement des rétributions sont autant de causes d’échec auxquelles on peut
ajouter l’absence de définition préalable des contributions.
12. Conduite du changement organisationnel Les nombreux changements de l’environnement (économiques, techniques…) nous ont
entraîné dans une période de transition organisationnelle qui bien qu’ayant commencé
n’est pas encore finalisée, mettant ainsi au premier plan des préoccupations
managériales le changement et la conduite de celui-ci.
Vous avez dit résistance au changement ?
Tout le monde a été confronté à la résistance au changement, à ses facteurs
psychologiques liés à la peur de l’inconnu et du changement, et à ses facteurs
« culturels » liés au poids de l’histoire et à l’attachement aux habitudes. On peut aussi
ajouter à ces deux facteurs celui de l’incompréhension qui entraîne souvent les managers
à trouver irrationnelles les réactions de leurs subordonnés.
Les enjeux du changement organisationnel sont liés à trois éléments : la situation
actuelle, la situation future et le processus de changement. C’est le bilan de l’équation de
ces trois facteurs qui déterminera pour chaque personne son attitude négative ou non
face au changement.
On peut caractériser les comportements face au changement en quatre types :
• les comportements « moteurs » dont le bilan semble positif et ayant un degré
d’influence important;
• les comportements « suiveurs » dont le bilan semble aussi positif mais n’ayant
que peu d’influence;
• les comportements de « résistance » dont le bilan semble négatif et ayant un
degré d’influence permettant de s’opposer au changement;
• les comportements de « retrait » dont le bilan semble aussi négatif mais
n’ayant pas assez d’influence pour s’opposer au changement.
Le manager à l'écoute du sociologue
36 / 39
En mettant les « moteurs » en position d’influence d’une part, et en impliquant
les « suiveurs » d’autre part tout au long du processus de changement, ils seront des
ressources importantes de ce dernier.
Les « résistants » quant à eux devront être impliqués sous contrainte, de manière à
intégrer leurs motivations dans la nouvelle organisation.
Imposer ou négocier le changement.
La démarche de changement peut se concevoir de deux manières, imposée ou négociée.
Elle sera imposée si c’est un individu ou un groupe d’individus qui définit la cible
organisationnelle et le moyen pour l’atteindre. Pour cela, il faut qu’ils disposent de la
totalité des informations et assez de pouvoir pour imposer leurs vues. A ces détails près,
c’est sans doute la solution la plus efficace.
La démarche négociée, partant du fait que les insuffisances de l’organisation sont
partagées par tous, crée une dynamique qui par un processus de négociation entre tous
les acteurs fait émerger petit à petit une nouvelle organisation.
Compte tenu, d’une part de la complexité croissante de l’environnement et d’autre part
de la répartition du pouvoir au sein de l’entreprise, la démarche négociée s’impose même
si pour les acteurs cette participation à un coût : ils s’engagent à trouver des solutions
communes, ils doivent acquérir de nouvelles compétences, consacrer du temps et de
l’énergie, dévoiler leur savoir-faire perdant ainsi un peu de pouvoir. Ces coûts devront
être compensés par les gains apportés par la nouvelle organisation.
Bâtir une démarche de changement négocié
Mais la mise en place d’un changement structuré implique le respect de deux principes :
les objectifs de changement devront être clairement définis et non négociables, tandis
que la cible organisationnelle ainsi que les moyens de mise en œuvre devront demeurer
volontairement flous, sans toutefois être ambigus, afin de donner la possibilité aux
acteurs de projeter leurs propres motivations dans la nouvelle organisation. L’application
de ces principes nécessitera souvent une rupture avec les pratique traditionnelles de
management faites de contrôle, de gestion de l’incertitude, et de traits culturels de
l’entreprise.
Le changement est un processus qui peut se décomposer en trois phases :
1. Le dégel, où chacun prend conscience de la nécessité et de l’intérêt du
changement;
2. Le mouvement, où, en commun, on recherche et expérimente les moyens de
passer d’un ancien à un nouveau mode organisationnel;
3. La cristallisation avec la consolidation des nouveaux comportements de manière
pérenne et permanente et ainsi devenir les nouvelles règles naturelles.
Le manager à l'écoute du sociologue
37 / 39
Pour mener à bien cette démarche de changement, l’entreprise peut, même si ce n’est
pas obligatoire, se faire aider par un consultant.
Son intervention peut se faire suivant le modèle de l’expert, qui partant d’un problème
diagnostiqué par le client doit apporter une solution, suivant le modèle du médecin qui en
plus du précédent doit diagnostiquer le problème, ou enfin le modèle de l’accoucheur qui
aide le client à trouver par lui-même la solution.
C’est ce dernier modèle qui sera nécessaire lors d’une démarche de changement négocié
pour définir les objectifs et les moyens de leur mise en œuvre. Puis lors des phases de
dégel et de mouvement, il structurera les conditions humaines et organisationnelles et
animera les séances de négociations, puis se retirera petit à petit avant la consolidation
finale.
Conclusion La forte évolution de l’environnement des entreprises les entraîne vers la définition
d’objectifs de plus en plus complexes. Les solutions organisationnelles que les entreprises
ont dû mettre en place se basent sur l’autonomie et la coopération des salariés qui
doivent faire face à la complexité croissante des situations. La contrepartie étant une
distribution de pouvoir à ces acteur et par la même occasion une répartition beaucoup
plus large de ce pouvoir au sein de l’entreprise. La sociologie des organisations pourra
aider le manager à transformer ces relations de pouvoir en un levier d’action de
l’amélioration de l’efficacité de son service. Il créera les conditions favorables à la
négociation dans le management de ses collaborateurs ainsi que la conduite du
changement organisationnel, et améliorera ses compétences en micromanagement, aussi
important aujourd’hui que le macromanagement.
Ces transformations organisationnelles entraînent une détaylorisation et une
débureaucratisation en même temps qu’elles modifient la nature du management; la
condition étant que de réelles relations contractuelles voient le jour avec une évolution
de la culture d’entreprise.
Dans ces conditions, ce sont les managers (principaux bénéficiaires de la décentralisation
du pouvoir), et non plus la Direction des Ressources Humaines, qui sont les mieux placés
pour appliquer, au travers du micromanagement, les enseignements de la sociologie des
organisations.
Le manager à l'écoute du sociologue
38 / 39
Commentaires personnels
Cet ouvrage permet de prendre en compte une approche nouvelle du management. Il
offre un angle de vue différent de ce que l’on peut trouver dans la plupart des
publications sur le sujet en faisant appel à la sociologie comme une assistance aux
problèmes de relations humaines rencontrés dans les entreprises.
Cet ouvrage se veut une boîte à outils du manager pour aider ce dernier à piocher des
éléments de réponse concernant les différentes questions qu’il se pose vis de vis de la
gestion quotidienne des personnes de son équipe ; et y réussit parfaitement. Comme
nous l’avons vu dans le mode de démonstration, la structure très didactique (découpage,
phrases clés…) et surtout les schémas omniprésents, imageant chaque idée, font
beaucoup pour que cet ouvrage soit perçu comme un «guide de terrain du manager».
Il faut également souligner l’importance des nombreux exemples qui permettent d’une
part de mieux comprendre certaines notions complexes et d’autre part de faire
directement le lien avec le monde du travail.
L’idée des auteurs d’utiliser les connaissances de la sociologie des organisations comme
aide au management est basée sur le fait que les entreprises et les relations au sein de
celles-ci ont fortement évoluées ces deux dernières décennies, et que ces changements
ont placé les acteurs dans une situation bien plus importante.
Pour ce qui est de l’évolution des entreprises, cette question est vraiment d’actualité. La
vie de nos sociétés est rythmée par les changements et ajustements d’organisations et
comme nous l’avons vu lors du cours, les modes d’organisations se sont fortement
diversifiés sous la pression de l’environnement.
En ce qui concerne les relations entre les acteurs, ces rapports aussi ont effectivement
beaucoup changé. Pour ceux qui ont débuté leur vie professionnelle il y a plus de dix ans,
cette évolution est frappante; les rapports hiérarchiques ne sont plus basés uniquement
sur des ordres mais font de plus en plus appel à un échange. Pour ce qui est de la
coopération entre les acteurs, de ponctuelle elle est devenue généralité.
Les grilles de lectures, tableaux et schémas proposés par les auteurs, à mi-chemin entre
les connaissances scientifiques et le bon sens, sont d’une aide précieuse pour la
visualisation en détail de certains mécanismes que l’on utilise, plus ou moins bien, dans
notre vie professionnelle. On peut cependant reprocher la redondance de certaines idées
Le manager à l'écoute du sociologue
39 / 39
et concepts qui apparaissent tout au long du livre dans des contextes différents et qui
dans certains cas apportent plus de confusion que de clarté.
Par exemple, la culture d’entreprise est présentée dans la première partie sur les
organisations en tant que sous-système de celles-ci en mettant l’accent sur le fait que
cette culture n’est pas construite par la direction mais est l’aboutissement d’un long
processus (basé sur l’histoire, l’environnement…) non piloté, alors que lorsque est
évoqué le changement de type de management, on insiste entre autre sur le fait qu’il
faut changer la culture pour qu’elle encourage la négociation au sein de l’entreprise.
Dans l’ensemble, cet ouvrage n’est pas polémique; c’est une présentation simplifiée de
certains concepts de base de l’organisation des entreprises et de la sociologie des
organisations ainsi que des grilles de lectures, des tableaux permettant aux managers
une application pratique plus aisée.
Cette notion de pratique doit être pour beaucoup dans le succès de cet ouvrage. Succès
d’estime tout d’abord avec le Grand Prix De Management et de Stratégie
L’Expansion/McKinsey mais aussi auprès des nombreuses écoles de Management qui l’ont
intégré à leur bibliographie: les IAE (où enseignent les auteurs), Sciences Po (module de
négociation et management du changement dans les organisations)…
Pour ma part, il m’a permis de faire de nombreux parallèles avec ma vie professionnelle.
Me montrant ainsi les raisons réelles de plusieurs actions et l’échec certaines d’autres.