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SPORT

N A T I O N A L

AUX

CHAMPIONNATS

D'EUROPE FÉMININS

DE

BASKET-BALL

par Jacques PERSONNE

Professeur à l'I.N.S.

Entraîneur adjoint de l 'Equipe de France Féminine.

Les Mulhousiens ont eu la chance d'as­sister, du 22 au 29 septembre dernier, aux 8e championnats d'Europe Féminins de Basket-Ball.

Chance, car il est rarissime que des matches de Basket d'une telle qualité — masculins compris — se déroulent sur le territoire français. Un mot d 'André Buffière, retour de Mulhouse, qui situe le niveau. Assistant à une rencontre entre deux bonnes équipes de Division Na t io ­nale Masculine, il eût l ' impression d'un « ry thme de cadets » .

Chance car tous les facteurs, ou presque, se conjuguèrent pour la réussite de ces Championnats :

— La valeur exceptionnelle du basket pratiqué par les meilleures équipes. En­core est-il peut-être en légère baisse v i s -à-vis des dernières années, mais la com­paraison de niveau avec le tournoi O l y m ­pique masculin ne reste pas déplacée, loin de là ;

— La grande correction des équipes dans le jeu, la volonté et l 'ardeur de vaincre n'altèrent pratiquement jamais la pureté de luttes à la fois athlétiques et gracieuses .Impossible de ne pas penser après Mulhouse que le basket-ball est vraiment « L E » sport féminin par exce l ­lence ;

— L'arbitrage dans son ensemble fut bon. et souvent même très bon. Ceci expliquant d'ailleurs cela et les direc­teurs de parties pouvant faire d'autant mieux montre de leur technique que 1 esprit du jeu était respecté par les acteurs. Les « vilaines » fautes furent rarissimes, et très peu de « fautes inten­tionnelles » furent sifflées.

L'organisation fut impeccable dans tous les domaines. Bravo encore au Comité d'Organisation Alsacien !

L e public mulhousien fut d'une spor­t ivi té parfaite, applaudissant « le sport » . Toutes les équipes et lui-même y trou­vèrent leur compte.

LE CLASSEMENT

Sur leur comportement à Mulhouse, on peut différencier les équipes par caté­gories, se surajoutant au classement final, en partant toujours du principe que la valeur d'une équipe s'apprécie sur la moyenne, ou l 'ensemble de ses résultats.

Groupe 1 : 1° U.R.S.S. - 2° Tchécoslo­vaquie.

Groupe 2 : 3° Bulgarie. Groupe 3 : 4° Roumanie - 5e Y o u g o ­

slavie - 6° Pologne . Groupe 4 : 7° Hongr ie - 8° France -

9» Italie. Groupe 5 : 10° Belgique.

JEU

Plutôt que faire une relation complète concernant toutes les formes de jeu, nous préférons insister principalement sur celles des équipes qui dominèrent.

DEFENSES

Seule la Bulgarie, n'ayant à sa dis­position que cinq joueuses de valeur, mais assez âgées et d'une bonne moyenne de taille (1,78 m ) , changea ses habitudes en utilisant la défense de zone (2 - 3) comme défense de base pendant presque tout le tournoi.

La Hongr ie et la Belgique alternèrent zone et défense « fille à fille » .

D autres équipes : Roumanie, France (7 ou 8 minutes) utilisèrent la zone très occasionnellement.

Mais la défense « fille à fille » fut, et de très loin, la plus utilisée. — U.R.S.S. et Tchécoslovaquie firent en par­ticulier la démonstration de ce que pou­vait être une défense de ce type prati­quée agressivement : le porteur du ballon n'a pratiquement jamais la possibilité de shoter de loin ; de plus, les deux défenseurs marquant les deux attaquantes les plus proches sont en flottement laté­ral à la l imite de la demi-interception entre le ballon et leur joueuse ; leur position gêne considérablement la circu­lation de balle et les départs en dribble. La pratique à 7-8 m du panier d'une telle défense semi-pressing vise à ne lais­ser à l 'adversaire ni le chemin du panier, ni, ou très difficilement, celui du ballon. Cette façon de faire eût été considérée, il y a quelques années, comme un pari perdu d'avance. En fait, la qualité du jeu de jambe et de la concentration des joueuses est tel le que la défense s'impose, l'attaque adverse étant soumise à une pression considérable. Les attaquants à ce niveau possèdent pourtant une qualité certaine dans la mobili té, les contre­temps, la précision des passes et la coor­dination du déplacement du réception­naire.

Les Tchèques firent mieux : lors de leur premier match contre l 'U.R.S.S., ils étaient menés de 8 à 10 points au milieu de la première mi-temps. Ils firent alors tout le reste du match, soit 30 minutes chrono (plus arrêts de jeu, etc.) en « pressing sur tout le terrain » afin de ne pas permettre à l 'attaque soviétique de se mettre en position pour servir ses puissants pivots.

Et, malgré le risque couru contre les joueuses soviétiques de champ, merve i l ­les de mobili té et de changement de rythme, les Tchèques parvinrent par ce pressing fait dans le respect des règles, avec un minimum de fautes, à remonter l'écart pour échouer d'un souffle : 49-51 !

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Revue EP.S n°63 Janvier 1963. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés

CONTRE-ATTAQUES

Elles furent toujours très à l'honneur chez toutes les équipes chaque fois que cela était possible. I l y en eut re la t ive­ment peu dans les matches opposant les trois premiers, tant les balles perdues étaient rares et les précautions en cas de schot manqué bien appliquées dans chaque équipe : balles suivies avec achar­nement, harcèlement de la récupératrice, repli rapide.

Dans les autres mtaches par contre, ces trois équipes s'en donnèrent à cœur jo ie possédant :

— La pusisance en récupération, facteur décisif de la prompti tude de la pre­mière passe,

— L a rapidité de mise en action des joueuses disponibles, confiantes en leur récupération et parfaitement concentrées offensivement,

— La précision technique des actions exécutées à toute vitesse, et en par­ticulier « les passes longues a deux mains » échangées d'un côté à l 'autre du milieu de terrain par deux joueuses descendant à grande allure en position d'ailier.

ATTAQUES

On put vo i r chez les Soviétiques, les Tchèques, les Bulgares, quelques passe-écrans, quelques « blocks-inverses » , quel­ques « post-blocks » dans lesquels le poste ou le pivot servait de poste de blocage pour une joueuse de champ située à l 'opposé de la balle. Nous ne sommes pas près d'oublier dans ce do ­maine les fulgurants crochets de la petite (1,70) Soviét ique Poznanskaïa, venant en un éclair plaquer sa joueuse sur les ron­deurs de sa camarade Smildrinia. Sur le même principe, les pivots se bloquaient entre eux.

Mais tout cela ne constituait que gar­niture tactique. A l o r s que la mise en place de l 'attaque était toujours faite aussi rapidement que possible, m ê m e lors­que la contre-attaque n'était plus réali­sable, l'essentiel de la stratégie tchèque ou soviétique — et à un moindre degré . Bulgare — était constitué par une for ­mation d'attaque avec deux pivots mon­tant alternativement au poste à l 'opposé l'un de l'autre. Dans cette formation, les trois joueuses de champ placées très écartées, un peu comme dans une attaque de zone 1-3-1 idéale, se déplaçaient rela­t ivement peu, mais faisaient circuler la balle à un ry thme endiablé, permis par une précision parfaite et une puissance de passe au-dessus de la moyenne. De cette position les départs en dribble étaient relat ivement peu fréquents (sauf pour la Soviét ique Koukanova excep­tionnellement pénétrante avec le style admiré en 1951 à Paris de 1 actuel entraî­neur soviétique Butautas).

Les trois joueuses de champ recher­chaient donc, à partir de cette remar­quable circulation de balle :

— soit le tir à mi-distance dans lequel elles excellaient avec d'ailleurs des gestes absolument différents les uns des autres ;

— soit le service des pivots qui, eux, se déplaçaient beaucoup.

La coordination de leurs déplacements et de ceux du ballon se faisait suivant un principe qui permettait de mettre le p ivot — l'un ou l'autre al ternative­ment — dans les meilleures conditions de shot. Ce principe, peu connu en France, semble-t- i l (1) , fera l 'objet d'une étude détaillée dans un prochain article.

L e système de jeu était donc axé sur deux possibilités complementaires : l'adresse à mi-distance et le jeu des pi ­vots, ce qui était justifié par la très grande valeur de ceux-ci .

L E S PIVOTS

L'U.R.S .S . en possédait trois :

— Smildzinia : N ° 11 - 1,88. ronde et lourde... en apparence, mais en fait très mobile, intell igente, toujours là où et quand il le fallait et s adaptant parfai­tement à toutes les circonstances de jeu ;

— Salimova : N° 15 - 2 m, physique­ment équil ibrée et « intellectuellement » évei l lée , vo i re même espiègle. Aucune comparaison avec Krouminch. Gestes et déplacements apparemment un peu lents, mais en fait v i fs pour sa taille. Elle marqua peu, mais contribua à fixer les défenses ;

— Lutsepp : N ° 12 - 1,82 — la plus petite ( ! ) , mais athlétique et d'une inlas­sable ardeur.

La Tchécoslovaquie présentait :

— Joskova : N° 11 - 1,88, gracieuse, vive et mobile . Technique parfaite ;

— Svolenska : N ° 8 - 1.90, en gros progrès, qui égala sa partenaire ;

— Sourkova : N°7 - 1,81, compensant comme Lutsepp. un manque de taille relatif par une activité intense, mais avec plus d'adresse ;

— Hubalkova : N ° 9 - 1,75, qui fut, avec la Bulgare Vojnova , l'une des plus gran­des joueuses du monde, ne joue plus l e rôle prépondérant qui fut le sien... mais tient encore une place souhaitée à beau­coup de joueuses.

L a Bulgarie, où Vojnova (n° 11), 1,78 m jouant arrière ne passait qu'occasion­nellement au centre (1 ) . ne possédait qu'un pivot de grande classe : Borissova (n° 6 ) , 1,83 m, la plus belle détente du tournoi et un shot vr i l lé digne d'un pivot U .S .A . quoique d'un armé un peu bas. Encore un peu gamine peut-être pour s'imposer pleinement.

En fait, le classement final s'inscrit déjà ici en filigranne et l 'étude détail lée de certains scores montrera l ' importance du rôle des centres.

LES EQUIPES

LES « DEUX GRANDES » . . .

Elles dominèrent nettement leurs ad­versaires (mis à part Tchécoslovaquie -Bulgarie : 54-51). Pourtant les Hon­groises, et surtout les Yougoslaves, sans complexe quant au résultat, cherchèrent à faire le maximum contre les meilleures. En fait, elles jouèrent remarquablement, réussissant à tenir le début des matches mais, peu à peu, perdant quelques balles de plus, réussissant quelques shots de moins, battues en récupération, concédant quelques contre-attaques, elles voyaient la marque se creuser et on retrouvait ces équipes, qui n'avaient rien à se reprocher.

avec un écart variant de 10-11 points pour les excellentes Yougoslaves à 17 et 29 points pour les Hongroises.. . à la m i -temps !

L 'except ionnel fut atteint lors des ren­contres entre les deux grands.

Nous avons déjà dit quelques mots de la première qui vit l 'échec de la Tchéco­slovaquie d 'ex t rême justesse (49-51).

Dans la seconde, on nota dès le début la nervosité des joueuses tchèques qui avaient dû jouer la ve i l l e une demi-f inale très dure contre les Bulgares. Tes t de cette nervosité, le match se jouant à 22 heures, l 'entraîneur adjoint tchèque était sur place à 18 heures pour occuper « le banc » désiré par son équipe. Au t re test : quelques balles perdues en début de match, fait exceptionnel .

A l ' inverse, les joueuses soviétiques firent preuve d'un calme olympien. C'était nécessaire pour réussir ce qui ne s'était peut-être jamais vu dans un match de basket-ball : il fallut attendre la cinquième minute de la « seconde » mi-temps pour vo i r manquer un tir à mi-distance. C'est dire la parfaite maî­trise nerveuse dont firent preuve à « l 'heure H, soir de finale » , les trois joueuses de champ soviétique et en par­ticulier Poznanskaïa : quatre tirs de loin sur quatre, et P ivova rova : trois sur quatre pour l 'ensemble de la partie.

Revenons ici sur l 'analyse des matches pour préciser le rôle à la fois tactique et psychologique tenu par les pivots. Les Soviét iques avaient gagné la première rencontre, bien que les quatre joueuses tchèques se relayant aux deux places de pivot aient totalisé 33 points sur les 49 de leur équipe. Les autres joueuses, qu'elles pouvaient craindre à juste titre pour leur adresse à mi-distance : V e c -kova. Novakova et surtout Horakova. v i c ­times d'un marquage impitoyable , ne purent totaliser que 16 points à elles trois. Les entraîneurs soviétiques ne modifiè­rent donc pas leur système défensif pour la finale, estimant qu'une aide accentuée n'était pas nécessaire à leurs pivots pour l imiter le rôle des pivots tchèques. Les joueuses de champ tchèques furent donc soumises en finale à la même inlassable pression — une joueuse aussi fameuse qu 'Horakova ne put pratiquement pas se mettre une seule fois en position de shot. Contractées dès le début, elles ne purent donc jamais prendre confiance et profiter des rares occasions qui leur fu­rent laissées. La réussite adverse s'ajou-tant à cela n'arrangea pas les choses.

A l ' inverse, les Tchèques avaient re levé l ' importance du rôle des pivots sovié­tiques : 35 points sur un score total de 51. dont 25 pour Smildriania et 8 pour Salimova, plus les récupérations — les joueuses de champ bien marquées n'a­vaient totalisé que 16 points. Lors du second match, les entraîneurs tchèques, pour contrarier le jeu des pivots adver­ses, sans pouvoir imposer à leur équ ipe un match de « pressing tout terrain » le lendemain de leur dure demi-finale, firent donc accentuer le flottement. Cela eu pour effet de l ibérer les shoteuses de loin soviétiques, totalement confiantes en elles-mêmes et en leurs pivots récupé­rateurs. I l convient de remarquer leur exceptionnelle réussite ainsi que leur par­faite adaptation aux différentes façons de procéder de l 'adversaire, qui furent ext rêmement variées tout au long de ces deux matches passionnants.

Rappelons toutefois aux Tchèques for t déçues que la première rencontre avait été parfaitement équil ibrée, que l 'U.R.S.S. fit en finale un match exceptionnel alors qu'el les-mêmes n'avaient sans doute pas récupéré leurs efforts de la vei l le . . . et que la valeur relat ive des deux équipes ne peut être jugée sur une rencontre. Il est important qu'elles jouent leurs prochains matches contre l 'U.R.S.S. avec l'état d'esprit confiant de challengers n'ayant rien à perdre. Souhaitons à tous les « mordus » de basket-ball de pouvoir y assister.

(1) Seul, à notre connaissance, Robert Mérand a procédé à son étude à l 'E .N. S E P . l'an dernier.

(1) L 'évo lu t ion des tailles des centres des équipes féminines européennes a sui­vi avec un temps de retard celles des équipes masculines. Hubalkova (1,751 et Vojnova (1,78) régnèrent de 1954 à 1958. Et de mervei l leuse façon !

Nous avons connu en France un cen­tre de grande classe, avec P ie r re Thiolon (1.90)... en 1948.

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..ET LES AUTRES.

La Bulgarie réussit à accrocher les Tchèques (51-54) après avoir dominé assez nettement les autres adversaires, mais sans afficher la supériorité évidente des deux premières. La qualité de son basket parmi les plus agréables, 1 adresse de ses joueuses et les passes « incroyables » de Vojnova ne pouvaient compenser le manque de réserves d'une équipe qui. endeuil lée par un accident au tournoi de Sicile, disputa pratiquement le Cham­pionnat à cinq.

Roumanie (4e), Yougoslavie (5e) et P o ­logne (6 e ) se valaient sensiblement. La première sembla mieux préparée, tandis que les Yougoslaves, où l'on nota le re­tour en forme du pivot Tsitsa Kalushe-vich, avait le handicap de la Poule la plus difficile. La Pologne, malgré l 'effi­cacité de la petite arrière « longue Cara­bine » Szostak ne sembla pas avoir récu­péré des fatigues du Tournoi et surtout du climat de la Sicile.

La Hongr ie parut en baisse sur le pré­cédent tournoi disputé également à Mul ­house en avr i l 1961.

Ces quatre derniers pays devancent la France (8e) sur laquelle nous allons re­venir . Sauf la Roumanie qui trembla de­vant nous jusqu'à la dernière seconde à Mulhouse, ils avaient tous été vaincus par la France durant l'année précédente.

L ' I ta l ie qui a paru stationnaire a fait un championnat honorable et la Belgique, dominée, s'est battue avec son courage habituel et un excellent esprit.

L ' E Q U I P E DE F R A N C E

L 'équ ipe de France déçut. D'autant plus que sa saison précédente avait été bril­lante. Et brillante d'une façon vraiment inespérée vis-à-vis du passé. Il est inté­ressant de chercher à analyser les causes de cette déception mulhousienne. Comme c'est souvent le cas, plusieurs facteurs défavorables se conjuguèrent dans le même sens.

Tout d'abord, la préparation.

L 'équ ipe devait se rôder fin août par deux tournois en Sicile, le premier assez court et facile, le second plus long et difficile. A l'insu des responsables fran­çais, le niveau et la durée des deux tour­nois furent inversés. Les joueuses qui n'avaient qu'une préparation individuelle et qui subirent un climat exceptionnel­lement torride, avec les conséquences inévitables sur le sommeil, l 'appétit, etc., ne tirèrent pas le bénéfice escompté de leur séjour sicilien et rentrèrent assez fatiguées.

D'où une foule de petits ennuis mus­culaires, articulaires ou organiques (an­gine, g r ippe) pendant le stage de huit jours précédant le Championnat, qui v in ­rent contrarier la préparation individuelle d'une majorité de joueuses, et par v o i e de conséquence leur préparation col lec­t ive. Les derniers jours, et en parti­culier un ultime match contre des gar­çons (Excel lence nationale) avaient toute­fois permis de noter une nette amélio­ration de l 'ensemble. Malheureusement, lors de ce match l'un de nos pivots : Danielle Thourot-Dreyfus fut blessée à la suite d'un heurt et ne put ensuite parti­ciper au championnat : elle ne rentra que

quelques minutes lors du dernier match, contre la Hongr ie . Mart ine Gautheroux, autre pivot titulaire étant absente, re te­nue par ses examens, la France dut dis­puter sans deux de ses centres habituels un championnat où les centres jouèrent un rôle de première importance.

Al la i t -e l le , malgré tout cela, faire un bon tournoi ? Sur ses résultats antérieurs et sur les derniers jours d'entraînement, nous pouvions le penser. Malheureuse­ment, elle fit un départ catastrophique et, à partir de là, durant presque tout le championnat el le vécut un petit drame dont l ana lyse est a posteriori instruc­t ive.

L e premier acte se situa le samedi 22 septembre durant la première mi-temps du premier match : France-Bulgarie, dès les premières minutes.

Nous avions accepté de débuter ce championnat contre la forte équipe bul­gare, que nous ne visions pas au classe­ment final, pour avoir un match dur de préparation contre la Pologne, que nous visions le lendemain. C'est dans ces sortes de rencontres que l'on court le moins de risques habituellement, n'ayant rien à perdre, et notre comportement antérieur, même devant les Tchèques, nous permettait d 'avoir confiance dans les possibilités de l 'équipe.

Habituellement, lorsque l'on va rencon­trer un adversaire susceptible d'utiliser plusieurs systèmes de défense, différentes formes d'attaque sont prévues. Les joueu­ses sont préparées à utiliser l'une ou l'autre, en fonction de l 'observation du jeu, au début, puis dans le courant du match.

Dans le cas des Bulgares, celles-ci de­puis huit ans et plus de 100 rencontres internationales avaient « toujours » pra­tiqué une défense « fille à fille » . A Mul ­house, elles utilisèrent la zone ! Nous fûmes les premiers à en faire l ' expé­rience. Inattendue ! (1) .

Dès le début donc, chez les Françaises prêtes à attaquer une défense « fille à fille » , quelle surprise et quelle confusion, mise à profit, ô combien, par Vojnova et ses coéquipières.

L 'effet de surprise passé, avec les temps morts, les joueuses s'étant entendu rap­peler ce qu'elles avaient à faire, on était en droit de penser que les choses allaient s'arranger au fil du match. Pourtant, le temps passait et les Françaises ne se reprenaient pas.

Ce groupe de grandes Bulgares, m o ­biles, harcelantes et caquetantes ( « Une bonne défense doit parler constamment » — Clair Bee ) provoquant, puis exp lo i ­tant les moindres erreurs, et faisant pla­ner sur l 'attaque française la terrible menace de contre-attaques conclues à tout coup, ne se v i t pratiquement pas opposer une bonne mise en place des joueuses françaises de champ trop peu écartées en profondeur et mal disposées.

A partir de quoi l'utilisation de notre double pivot était plus qu'il lusoire.

L a coordination d'attaque devant une zone est pourtant un problème plus sim­ple à résoudre que devant une défense « fille à fille » , mais nous aurons l'occa­

sion de revenir ultérieurement sur les questions de concentration et de rende­ment d'attitude mentale et de compor­tement.

Dans le cas présent, une analyse suc­cincte permet de dégager les points suivants :

— en début de match, une forme de défense inattendue jet te le désarroi dans l'attaque française, surprise et inadaptée ;

— après quelques minutes, temps mort et explications ; les joueuses ont su, entendu, ce qu'elles devaient faire, mais mentalement elles devaient revenir de loin, et elles devaient le faire très vi te , en plein combat. Savoir se reprendre dans ces conditions est une qualité que l'on peut ex iger à ce niveau é levé . Ce jour-là, les joueuses françaises n'ont pas montré cette qualité.

D'où certains contre-temps et de l'a peu près, en particulier dans le place­ment (joueuses trop près les unes des autres). Il suffit alors que l'une ou 1 au­tre, tour à tour, commette une petite erreur, grosse de conséquence devant ces « ogres bulgares » . pour que l'affo­lement revienne. Et l 'affolement crée le doute — doute de soi et des autres. Et le doute est le plus grand facteur de maladresse. L e cercle était fermé. I l faudra le repos de milieu de match pour que les Françaises retrouvent leur équi­l ibre. A la mi-temps : 33-6 (1) .

Durant cette première mi-temps, à cette déroute collective un drame individuel s'est surajouté : celui de Ginette Mazel. depuis trois ans capitaine de l'équipe de France. Elle a jusqu'alors toujours fait de bons, ou de très bons matches inter­nationaux. Une légère blessure à l'épaule a interrompu ses derniers jours de pré­paration ; pourtant, même auparavant, elle ne semblait pas dans sa meilleure forme. Elle était toutefois de celles qui ne donnent vraiment leur mesure qu'en match, et dans des circonstances normales sans doute se serait-elle affirmée. Mais là avec cette surprise, tout se passa beau­coup trop vite. Dans cette tourmente, la défaillance de la joueuse et celle de la capitaine furent étroitement mêlées, s influençant réciproquement. Un tempé­rament froid serait peut-être parvenu (avec les Bulgares sur le dos!) à freiner le rythme, à gagner du temps sur chaque attaque, à ne prendre aucun risque. Mais elle, tempérament « battant » , n'avait ja­mais connu pareille mésaventure et avait l'habitude d'accomplir sa part. Il aurait fallu qu'elle puisse se contenter de faire jouer les autres le temps de se reprendre. Peut-être aurait-elle trouvé cette solution si justement les autres, à ce moment, ne l'avaient sollicitée au maximum. Et ce doute d'elle-même qu'elle connut alors, pour la première fois peut-être, la mar­qua vraisemblablement plus qu'aucune autre.

Ce fut pratiquement sans elle que le reste de l 'équipe disputa la seconde mi -temps et, amour propre à v i f et tête froide, réussit à faire jeu égal avec les Bulgares (20-22). Songeant d'abord à soi­gner la mise en place de leurs trois joueuses de champ, qui ne perdirent pra­t iquement pas de balles, elles surnom-brèrent les Bulgares alternativement d'un côté puis de l'autre et assurèrent un repli défensif solide. Les Françaises permirent ainsi à une attaque avec poste et pivot , de donner tardivement une image plus valable de leur équipe. L 'écart final en lu i -même eut été à la rigueur acceptable (55-26), mais l'analyse de cette première mi-temps décevante ne l'était pas. (1) Les entraîneurs de l 'équipe de

France auraient dû prévoi r cette éven­tualité. Sans doute personne n'y aurait vraiment cru... avant le début du match, et les filles, connaissant le jeu bulgare, se seraient concentrées pour rencontrer une défense « fille à fille » . Mais elles auraient au moins été prévenues. Cette importante critique aux entraîneurs fran­çais avait été oubliée. Voi là qui est fait.

(1) La manière importe plus que le score lui-même. La Roumanie qui finit pourtant à la 4 e place, fut menée « nor­malement » 29-8 à la mi-temps de son match contre la Bulgarie.

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Les caractéristiques de l 'équipe étaient alors les suivantes :

— en bonne condition physique, au moins pour la grande majorité des joueu­ses. Elles le prouvèrent par la suite et en particulier contre Roumanie et Hongr ie .

— mentalement très atteinte sur deux plans : d'une part, pour la première fois de sa jeune histoire, l 'équipe avait vra i ­ment pendant une mi- temps subi la loi de l 'adversaire ; d'autre part, et aussi pour la première fois, on n'avait pu compter sur la capitaine. Et de ce fait, dans l 'ambiance de fraternité collect ive qui était celle de l 'équipe, chaque joueuse était profondément troublée. Pour toutes ces raisons la confiance était ébranlée. L e rôle des entraîneurs consista alors :

— à chercher à redonner corps à cet ensemble, et à essayer d'assurer les résul­tats en s'appuyant en priori té sur les é lé ­ments les plus en forme ;

— à redonner confiance à Ginette Mazel en l ' intégrant d'abord aux moments de jeu favorables. Disons à son sujet qu'el le fit preuve de beaucoup de cran ; jouant prudemment, avec volonté , shotant peu et dans de bonnes conditions — man­quant d'ailleurs d'un peu de chance ; toujours le doute, bien sûr ! — elle fit une suite de championnat honorable, sans toutefois approcher son meil leur ni­veau.

Mais pour les matches eux-mêmes, l 'équipe devai t revenir aussi d'assez loin.

L e lendemain, dimanche, nous fîmes un match moyen avec une faible réussite — la confiance ne revient pas au galop — contre des Polonaises au jeu également moyen , mais à la réussite bien supé­rieure ; score : 58-42.

L e surlendemain lundi, nous battîmes les Belges (54-44) ce qui était normal, avec une alternance d'excellentes phases et de périodes de faiblesse.

Le quatrième match après un jour de repos, nous opposait à la Roumanie. Les Françaises décidées et bien concentrées, commencèrent le match en zone pour gêner le système de jeu roumain axé sur la pénétration au panier. Elles revinrent à une bonne défense « fille à fille » dès que les Roumaines parurent s'être adap­tées à la zone (tirs de loin, en particu­lier). Sans être encore pourtant dans leur meilleure adresse, elles menèrent le match pour prendre, en seconde mi-temps, une avance de 9 points que les Roumaines ramenèrent à 5 points, à cinq ou six minutes de la fin.

Il est ici nécessaire d'examiner la ques­tion du goal-average : une simple victoire redorait notre blason, mais seule une vic­toire de plus de 9 points nous donnait la 3e place de la poule, qualificative pour les prochains championnats d'Europe (1). Mme Coste, manager des Françaises, prit donc la décision de faire exécuter le pressing. Stratégiquement, cela était ab­solument juste. Même si tactiquement le risque était considérable.

Et il l'était. En fait ce pressing diffi­cile, ne fut pas parfait, et les Roumaines remontèrent à 2 points, à 25 secondes de la fin, balle en main pour les Fran­çaises. Il manqua alors un temps mort au manager français, qui avait épuisé les siens, pour donner aux joueuses les conseils qui leur auraient permis de conserver leur calme et la balle, dans

les dernières secondes de ce match épui­sant. Les Roumaines égalisèrent puis en­levèrent Je match aux prolongations. La France avait perdu une victoire à peu près sûre par souci d'un classement qua­lificatif Défaite avec panache ! Mais pour les joueuses, désillusion aussi d 'avoir échoué au port.

Dans la dernière rencontre contre la Hongrie , la France fit la démonstration à la fois de nettes faiblesses momentanées (en première mi-temps : repli dèfensif et défense sur tirs à mi-distance) et aussi de possibilités exceptionnelles : un pres­sing sur tout le terrain de douze minutes, pressing absolument remarquable, avec un minimum de fautes personnelles et un travail individuel et collectif presque par­fait permit aux joueuses françaises de réduire l'écart final à 6 points (66-60). Et ce malgré un pourcentage aux lancers francs absolument catastrophique : 6/23 pour la France, contre 18/22 aux Hon­groises ! !

Encore une fois, les Françaises avaient débuté ce match, de même contre la Po logne et la Belgique, avec une concen­tration insuffisante. Celle-ci ne leur avait pourtant pas manqué dans tous les mat­ches durs disputés depuis un an. Sans doute à Mulhouse, malgré leur désir de bien faire pour l 'équipe, étaient-elles marquées mentalement par les difficultés que nous avons soulignées. La concen­tration est certes grandement facili tée par la confiance. Il importe pourtant, pour l 'avenir, que chaque joueuse soit capa­ble, même et surtout lorsque les circons­tances ne sont pas les plus f a v o r a D l e s , de faire un gros effort dans ce domaine et — doit-on parler de stoïcisme — de dominer sa sensibilité pour maintenir et développer son désir de voir son équipe s affirmer sur l 'adversaire. Et cela par son intermédiaire ! Donc concentration individuelle d'abord. L a concentration col­lect ive, de par les conditions de lutte et l 'ambiance du groupe, pourra en être alors la suite logique.

Ceci dit, ce dernier match contre la Hongr ie résume assez bien ce que fut le comportement des Françaises durant le tournoi : manquant de stabilité, de solidité dans la durée et alternant l ' excel ­lent et le pire. Sauf contre la Roumanie, où seul le difficile pressing fut faible, aucun match ne fut solide de bout en bout. L ' équ ipe de France sembla en per­pétuelle recherche d 'équil ibre. Les causes possibles ont été exposées ici.

I l faut néanmoins object ivement sou­ligner, malgré ses faiblesses, l 'amélio­ration considérable, notée par les entraî­neurs étrangers, du niveau de l 'équipe française, par rapport aux précédents championnats de Lodz en 1958 (1) , et même aux pré-championnats de Mulhouse en 1961.

Ses meil leures joueuses furent :

— Yannick Stéphan — mettant au ser­v ice d'un dynamisme incomparable une technique encore améliorée. Et il lui reste une marge de progression...

— Pierre t te Vignot — apportant une présence de premier ordre dans tous les compartiments du jeu — Blessée en cours de match, a cruellement manqué à la fin de France-Roumanie. Doit avoir encore plus confiance en ses moyens.

— Anne-Marie Saforge : toujours ex­cellente en défense et en distribution, se classe de plus à présent parmi les plus adroites. Améliorera encore sa vi­tesse de course.

— Jacky Verots : la révélat ion de Mul­house. Adresse naturelle et possibilités athlétiques considérables. Deviendra une très grande joueuse après un travail tech­nique adapté.

— Jacqueline Cator : qualité athlétique exceptionnelle. A fait un travail énorme sous les deux paniers. A tout l 'avenir devant el le. Coordination à mieux maî­triser.

— Ar ie t t e Rusticelli : fut souvent exce l ­lente, en particulier dans le pressing. Amél iorera son jeu de jambes offensif et doit croire constamment en ses possibi­lités.

Si l 'équipe française, en englobant dans cette appellation joueuses et entraîneurs, a déçu, il faut dire aussi qu'el le a été déçue :

— par son propre comportement d'a­bord : ses responsables ne loub l ien t pas.

— ensuite par certaines appréciations qui ont suivi ces championnats. Un juge­ment de valeur sur le comportement d'une équipe doit être un jugement permettant de situer le moment présent de cette équipe, dans son histoire, son déve lop­pement, ses possibilités d'avenir.

Ce présent doit donc être apprécié sous un double aspect :

— comme fait d'actualité,

— comme moment d'un processus d 'évo­lution.

Procéder de cette manière après Mul­house conduisait, sans dissimuler la dé­ception présente, à en analyser les cau­ses, à indiquer les aspects négatifs du comportement de l 'équipe, comme nous avons ici essayé de le faire, mais aussi à ne pas oublier object ivement :

— les aspects positifs de ce comporte­ment appréciés à la fois en fonction du niveau passé de cette équipe et de celui de ses adversaires actuels ;

— les résultats obtenus par la precé­dente équipe de France aux champion­nats de L o d z où, se classant 6°, il est vrai, e l le dut accepter cinq fois en cinq matches, avec une belle constance, un écart variant entre 45 et 55 points ;

— la série de victoires remportées de­puis un an sur la Hongr ie , la Po logne , la Yougoslavie , qui auraient été absolu­ment impensables, il y a trois ans, ou plus ;

— la bien plus grande jeunesse fran­çaise, vis-à-vis de « toutes » les équipes étrangères, en âge comme en sélections.

Il y eut heureusement des dirigeants, des arbitres, des techniciens qui furent capables de juger sainement et qui ap­portèrent à l 'équipe française dans des moments difficiles un soutien moral au­quel celle-ci fut sensible.

Ce ne fut pas le cas de tous. Quel que soit le t i tre de leur auteur, les cri­tiques sont toujours décevantes lors­qu'elles proviennent d'un observateur trop visiblement partial, parce que son regard ne semble avoir été fixé que sur les mauvais moments, et qu' i l ne paraît pas avoir eu la possibilité de se détacher des impressions défavorables pour consi­dérer le sujet de plus haut avec un champ de vision plus vaste.

I l est vrai que garder l 'œil lucide et faire le point froidement dans une pé­r iode difficile est malaisé. Surtout si l 'on a précédemment manqué de foi et. contre l 'évidence, cult ivé le doute à l 'égard de la jeune équipe française.

J. PERSONNE

(1) A ce moment-là, mercredi 26 sep­tembre au soir !... En fin de semaine, vu l 'absence de vil le-candidate pour orga­niser les épreuves qualificatives, les repré­sentants de la F . I . B . A . décidèrent que l 'engagement aux prochains champion­nats d'Europe de Bucarest serait l ibre ! Une simple victoire nous aurait suffi !

(1) La France n'était pas présente à ceux de Sofia en 1960.

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Revue EP.S n°63 Janvier 1963. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés