Post on 03-Feb-2016
description
LA DÉTERMINATION DE L'INAPTITUDE DE LA PERSONNE
ÂGÉE: UN PROCESSUS À MULTIPLE
VOIX
Yves Couturier, PH.DCSSS-CAU de Bordeaux-Cartierville─St-Laurent
23 septembre 2009
Le projet• Projet de recherche : Comment les réponses
médicales, psychosociales et juridiques à l’inaptitude de la personne âgée s’articulent-elles et comment pourraient-elles mieux s’arrimer entre elles dans une approche respectueuse des droits de la personne ?
Méthodologie
• Recension des écrits scientifiques
• Analyse de la jurisprudence
• Entretiens d’explicitation de la pratique auprès de 43 professionnels représentant les trois groupes de disciplines, dans trois contextes québécois.
Équipe de recherche
• Suzanne Philips-Nootens M.D., LL.M
• Marie Beaulieu Ph.D.
• Yves Couturier Ph.D
• Lucie Laflamme LL.D.
• Robert Kouri D.C.L.
• Subvention : Fonds FQRSC (2003-2006)
Travailleur
social
Infirmière
Médecin
Inaptitude ?
Inaptitude ?
Ergothérapeute
Avocat
Jugeou
notaire
Psychologue
SPN 2003
Proches aidants et PA
L’inaptitude…« Incapacité à faire quelque
chose »Tous « inaptes à….. » ! Approches disciplinaires :
Approche médicale et para.Approche sociale et psychosocialeApproche juridique
Inaptitude au plan juridique : impossibilité d’exprimer une volonté libre et éclairée, ce qui
rend les actes juridiques invalides
Causes d’ordre mental ou physique «maladie, déficience ou affaiblissement dû à l’âge qui
altère les facultés mentales ou son aptitude physique à exprimer sa volonté» (258 C.c.Q.)
L’inaptitude peut être plus ou moins étendue
Le constat d’inaptitude
Porte sur
Les soins à la personneL’administration des biens Les deux à la fois
Pour la déterminer : les évaluations des experts et de FAITS CONCRETS.
Il s’agit de faire preuve, ici une preuve à multiples voix
Les remèdes juridiques à l’inaptitude:
Les régimes de protection du majeur Le mandat donné en prévision de l’inaptitude
Principes à respecter : art. 257 C.c.Q
* Décision dans l’intérêt du majeur* Respect de la personne et des droits
du majeur* Respect de l’autonomie du majeur
Conséquences• La personne perd sa capacité
légale – Son représentant agit au plan
juridique pour elle
Distinction importante :
– Si son état le permet, la personne inapte continue à consentir aux soins médicaux et à l’hébergement
Dans les écrits scientifiques
• Un débat est présent– La détermination de l’inaptitude est-elle un
processus mesurable et objectif?• Mesurer la perte par des outils standardisés ou…• Évaluer la perte par l’exercice d’un jugement
professionnel
– La loi et les pratiques nous indiquent qu’il s’agit de la seconde hypothèse, et que pour cette raison le processus se fait à plusieurs voix.
Les intervenants psychosociaux
• Rapport écrit au notaire ou au greffier
• Évaluation psychosociale (avec ou sans guide)– Nouvelle tendance à vouloir recourir à des
pratiques standardisées (Association américaine de psychologie a développé un guide).
Les médecins
• Rapport écrit envoyé au notaire ou au greffier• Évaluation médicale• Peut être faite par un généraliste ou un spécialiste
(gériatre, psychogériatre, psychiatre) avec assistance d’autres professionnels (neuropsychologue, ergothérapeute, etc.)
• Plusieurs outils mais dont l’usage est souvent questionné : MMSE, Échelle de Dépression gériatrique, Dementia rating scale, etc.
Les notaires
• Garant de la procédure et du bon droit• Un acteur faiblement signifiant aux yeux des
cliniciens (une boîte aux lettres), parfois même intéressé.
• Semble y avoir deux parcours modaux – Avec patrimoine, entrant dans le processus par les
notaires
– Avec besoin de protection, entrant dans le processus par les médecins et les travailleurs sociaux
Les juges, greffiers et avocats
• Le greffier sanctionne une preuve indiscutable
• L’avocat représente une partie qui conteste la preuve
• Le juge tranche une preuve discutée
C. procéduraux
et juridiques
Notaires
Travailleurs sociaux
Médecins
Avocats
C. médicaux
C. pragmatiques
Autres intervenants
Proches et PA
Juges
Critères de détermination de l’inaptitude : constructionconstruction interprofessionnelle de la preuvepreuve
C. procéduraux
et juridiques
Notaires
Travailleurs sociaux
Médecins
Avocats
C. médicaux
C. pragmatiques
Autres intervenants
Proches et PA
Juges
Un univers d’action à logiques multiples
Points d’articulation
• Désir de protéger la personne
• Éthique de l’autonomie et de la bienfaisance
• Discours générique sur les droits de la personne
Distances interprofessionnelles
1) Entre logique de la procédure et du témoignage
– Le témoignage est souvent assujetti aux impératifs de la procédure
– Certains témoignages demeurent dans l’ombre– L’obligation du rapport psychosocial discutée
Distances interprofessionnelles (2)
2) Entre logique de l’évaluation et de témoignage– Les outils ont parfois préséance sur l’empirique
– La perte cognitive est sur-déterminante
3) Entre logique de l’évaluation et de procédure– Sur-détermination en cas contentieux du légal
– Sauf pour les cas non-contentieux, où le clinique prévaut, et où le légal s’estompe
Constats
• Tensions entre le subjectif (logique floue et relativiste) et l’objectif (logique pondérable et stable)
• Malgré une convergence apparente au niveau des principes éthiques, l’incarnation de ces principes demeure ancrée dans des ethos professionnels distincts (enjeu de la co-action)
• Difficultés à comprendre le travail et le rôle des uns et des autres, surtout méconnaissance du juridique
Constats (2)• À condition qu’ils soient le pivot du dossier, les juristes vivent bien
avec le flou. En général, ils reconnaissent la preuve scientifique, qu’ils mettent en dialogue avec la preuve profane.
• Selon la personne qui rassemble et examine la preuve, les exigences diffèrent.– La directeur de l’établissement– Le notaire plus contraint par la procédure– Le juge a davantage de latitude pour composer avec les
différentes formes de preuve • Aucune contrainte : régimes de protection
» Deux façons de faire : plutôt objectiviste (lettre de la loi) et plutôt subjectiviste (esprit de la loi) selon un principe de distribution à élucider
• Moins de latitude pour homologation de mandat (balises écrites plus prescriptives), sauf au moment de la bascule vers l’ouverture d’un régime de protection
Constats (3)
• Plusieurs acteurs sont amenés à considérer les « outils » des autres sans en maîtriser les fondements (ex. le Folstein d’origine médicale qui migre vers d’autres disciplines).
• Plusieurs acteurs se perçoivent comme pivot du dossier, même si les décisions finales ne leur appartiennent pas.
• La construction à multiple voix de la preuve explique pourquoi en CHSLD la majorité des « inaptes » ne fait pas l’objet de l’ouverture d’un régime de protection.
Constats (4)
• Lors des audiences, des professionnels posent des diagnostics qui ne relèvent pas de leur champ de compétence.
• La qualité des évaluations diffèrent– Notes au dossier– Rencontre de la personne– Se concentrent parfois sur un seul élément alors que la protection
couvre les deux
Constats (5)
• Une très vaste majorité des acteurs revendiquent (en principe) une formation, qui porterait notamment sur le travail des partenaires.
• Il faudrait bâtir les conditions d’une véritable coaction (équipe multi, lieux d’échanges, se sortir du modèle de la boîte aux lettres), notamment autour des cas frontières.
Constats (6)
• Chez les cliniciens, parfois usage de la détermination de l’inaptitude très centré sur le besoin de protection
• Logique du consensus chez les cliniciens de proximité vs logique de la contradiction chez les juristes et certains experts
Discussion• La construction à multiple voix de la preuve est-elle?
– Une pratique à uniformiser ?• Guides, protocoles, outils communs d’évaluation (mais suivant
quels principes supérieures?)
– Une forme d’ouverture qui permet en pratique et hors du champ juridique une adaptation à la complexité? Et si le flou avait une valeur?
– Une réponse pragmatique des intervenants à un cadre législatif trop restrictif (ou trop permissif) ?
– Un déni de droit, éventuellement une violence institutionnelle teintée d’âgisme, qui laisse place à l’abus de pouvoir des soignants et des proches?
• Et si le flou permettait aux professionnels et aux proches de prendre pouvoir sur les personnes âgés?
Discussion (2)
• Peut-on penser un dispositif soutenant la cohérence des actions? Ex.: Équipe multi tripartites impliquant des notaires ou greffiers?
• Quelles sont les modifications à l’organisation du travail requises pour implanter des équipes multi tripartites?
Discussion (3)
• Le jugement clinique doit-il s’élaborer en appui sur les évaluations d’autres disciplines, avec le risque de mésinterprétation que cela comporte?
• Les pratiques cliniques sont-elles conformes aux exigences du cadre juridique?
• Faut-il désigner les personnes habilitées à se prononcer sur l’inaptitude d’une personne? Faut-il exiger une accréditation professionnelle supplémentaire ? (on le fait pour les notaires)
MERCI
Yves Couturier
Département de service social
FLSH-Université de Sherbrooke
Tél.: 819-821-8000 p.62250
Yves.Couturier@USherbrooke.ca