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Lucien PeriPEINTRE PAYSAGISTE DE L’ÉCOLE D’AJACCIO
1880-1948
AssociationLe Lazaret Ollandini
E X P O S I T I O N A ULAZARET OLLANDINI
LA CORSEde
6 decembre 2007– 2 fevrier 2008, ,
Pierre Claude Giansily
Association Le Lazaret Ollandini
Pierre Claude Giansily
Lucien Peri
PEINTRE PAYSAGISTE DE L’ÉCOLE D’AJACCIO
1880-1948
de
LA CORSE
Dans la même collection
Léon Charles Canniccioni, peintre des types et coutumes de la CorsePierre Claude GiansilyExposition au Lazaret Ollandini, 14 décembre 2006-13 janvier 2007
sommaireItinéraire de l’artiste ..... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
– Les débuts de la carrière de Lucien Peri ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
– Les années vingt : succès et notoriété.... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
– Les années trente : la grande vogue de Lucien Peri ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
– Les années quarante : poursuite de l’action créatrice .... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Le paysage corse et son approche par Lucien Peri .... . . 27
– Le paysage corse : impressions et écrits ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
– La Corse de Lucien Peri... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
– Approche technique : dessins et pochades, composition.... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
– Les aquarelles claires et lumineuses de Lucien Peri ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
– Des peintures solidement composées aux tons mats .... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
– Les navires, éléments du paysage de Peri : bateaux de Corse.... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
– Variété des autres genres : illustrations, affiches, lithographies.... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Lucien Peri, l’art et les œuvres de son temps..... . . . . . . . . . . . . . . . 77
– La diversité de l’expression picturale.... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
– La richesse des talents artistiques, lieux de création et de diffusion .... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
La place de Lucien Peri dans l’héritage artistique corse..... . . . . . . . . . . . . 93
L’artiste et son œuvre,témoignages..... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
Annexes..... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
– Envois de Lucien Peri aux Salons de la Société Nationale des Beaux-Arts
– Bibliographie
Premiere partie
Seconde partie
Troisième partie
Quatrième partie
Cinquième partie
Presentation
SEUL SUR LA ROUTE, VERS TIUCCIA. Cette longue
ligne droite avant le pont, l’ancien pont. Au loin, déjà, les eucalyptus.
Et tout de suite, comme à chaque fois, ces milles émotions qui
m’envahissent. Je laisse la voiture, là, la moins visible possible,
et je m’approche du lieu...l’esprit de ce lieu.
Au pied du fleuve, seul enfin avec Lucien Peri. Ici, et comme
alors, mille nuances. Le Liamone épouse tranquillement la mer.
Eaux tendres et mêlées. C’est encore le fleuve et ce n’est plus le
fleuve; c’est déjà la mer. Epiphanie de leur union. Ici, je suis
comme devant un tableau, le tableau de Lucien Peri.
Voir avec ses yeux. Sentir, ressentir comme lui. Le mimer. Le
retrouver d’instinct. Revivre l’instant. Sa luminosité. Sa douceur.
Ses reflets. La colline qui lime son paysage. Et la blancheur de
son nuage. Où est le nuage? Je le vois comme s’il y était et
pourtant il n’y est pas. Devant moi les eucalyptus: ils y sont et n’y
sont pas. Je reconstruis le paysage comme il le faisait . Je le
réinvente, je le repeins. Je fais semblant de le repeindre. Je joue
à le repeindre.
Au paysage encore réel vient se substituer le paysage déjà
peint. Le réel, pourtant présent, disparaît dans le tableau, pour-
tant absent. Présence de l’absent. Un autre monde dans ce
monde. Brefs instants, trop brefs. Car voilà que le réel revient,
vite, trop vite. Le nuage disparaît; les eucalyptus s’éloignent. Mais
le ciel garde encore la légèreté que savait lui donner Lucien Peri.
C’est un ciel d’art. Il porte sa marque...A chaque fois, si je le veux.
Maintenant je suis chez moi, ou dans une salle d’exposition,
ou au Musée Fesch. Devant ce même tableau. Il est au milieu
des autres, mais c’est celui-ci que je choisis. Par un acte de
pure volonté, et selon ma liberté
entière, j’entre dans ce tableau. A l’in-
térieur même de son cadre. J’y entre
passionnément...Et le cadre disparaît.
Les autres tableaux disparaissent. Le
mur disparaît . La pièce même dis-
paraît .
Je ne suis plus dans la pièce,
parmi les autres. Je suis, ici, dans ce
tableau. Ici, au pied de ce fleuve. A
droite de cet eucalyptus. Je me pro-
mène au long de ce chemin vert. Je
suis ce chemin. Je suis cette couleur
verte. Quelques pas encore. L’eau y
est si douce. Je m’y baigne. Je suis
poisson. Je suis tableau. Je suis
monde. Seul existant, seule réalité, ce
tableau est à lui seul et à la fois le
monde et mon monde; Il vit alors de
toute sa vie, vibre, exulte, s’épanouit,
en expansion totale. Univers pictural.
Celui de Lucien Peri.
François Ollandini
Mais justement, quid du créateur? Qu’elle est cette passion
qui l’ a animé toute sa vie durant? Que fait-il donc lorsqu’il peint?
Peindre, c’est voyager. A chaque fois, pour chaque tableau,
c’est voyager. A chaque fois, c’est l’aventure. Et ce voyage est
métaphysique, à chaque fois. C’est aller ailleurs vers un temps
autre pour y vivre autrement. C’est créer un autre monde, dans
un autre espace et un autre temps. L’espace-temps de Lucien
Peri. Un espace pictural qui soit le tout de l’espace, illimité, sans
bornes, rien autour, sans rien d’autre que lui-même dans son
infinité d’espace. Et un temps pictural qui n’ait plus ni avant ni
après et qui soit un éternel présent, là et toujours là, dans son
immobilité temporelle. A chaque fois, chaque tableau de Lucien
Peri est ainsi un absolu d’espace et de temps, et qui, à chaque
fois, vaut absolument. Du moins, est-ce là tout l'enjeu, tout le jeu
qu'il joue, sans aucune garantie de succès, à ses risques et
périls.
Peindre, c’est donc créer un nouveau monde qui se substi-
tue à l’ancien, qui l’efface, et ce monde nouveau, c’est celui du
peintre. A nul autre pareil. De même qu’écrire, c’est toujours
écrire le même livre en des livres différents, de même le peintre
a cette tonalité à lui qui traverse toutes ses peintures, ce style
qui n’appartient qu’à lui et qui le fait reconnaître entre tous et qui
fait que nous croyons et avons envie de croire à tout ce qu’il
nous présente.
Cette émotion qui le meut et qui est sienne est la substance
même de son art. C’est elle que Lucien Peri exprime en chacun
de ses tableaux, et sans cesse il recommence et sans cesse
elle renaît, inépuisable, insatiable, cherchant toujours son expres-
sion et à jamais inexprimée. Ne lui a-t-il pas fallu deux milliers
d’œuvres pour commencer à nous dire ce qu’il n’a cessé de
nous dire toute sa vie de peintre? Nous faire entrer dans son
monde intérieur. Nous faire voir le monde comme nous ne
l’avons jamais vu. Nous faire vivre comme nous n’avons jamais
vécu. Nous étonner, nous envoûter, nous subjuguer. Nous faire
naître enfin en ce nouveau monde. Nous faire renaître donc. La
peinture est cette renaissance.
Francois Ol landiniPrésident de l’Association Le Lazaret Ollandini
21 octobre 2007
Pour être au monde, pour être le
monde, un autre monde, à la fois
unique et total, singulier et universel,
ce tableau a donc besoin de moi, de
la passion que j’y mets, de l’émotion
qui m’habite et qui l’habite. Il a besoin
du jeu que je joue, que je me prenne
au jeu, allant même jusqu’à oublier
que je joue. Il a besoin de mon ima-
ginaire, de cet écart que je suis avec
la réalité. Il a besoin de ma liberté.
De la nôtre.
Sans nous, hors le regard amou-
reux que nous lui portons, ce
tableau- où un autre- n’est que toile
morte, objet parmi les autres objets.
Avec nous, et la vie que nous lui don-
nons et que nous y trouvons, ce
tableau- où un autre- est toile vive,
objet d’art . Nous sommes co-créa-
teurs de l’œuvre de Lucien Peri.
1
Introduction
VOICI, AU LAZARET OLLANDINI, la deuxième exposition
consacrée à un peintre de l’École d’Ajaccio : après Léon Charles
Canniccioni l’an passé, Lucien Peri est présenté aujourd’hui.
Ces deux grands artistes ont de nombreux points en commun, no-
tamment d’avoir accompli une longue carrière et connu le succès
en France et à l’étranger et, bien sûr, d’avoir peint avec originalité la
Corse qu’ils aimaient plus que tout. Il existe aussi d’autres points
communs entre ces deux grandes figures de l’art corse, par exem-
ple la durée de leur présence au meilleur niveau et la consécration
officielle qu’ils ont recueillie dans les Sociétés d’artistes auxquelles ils
appartenaient : Canniccioni à la Société des Artistes français et Peri
à la Société Nationale des Beaux-Arts. Ils ont chacun une forte per-
sonnalité et, si leur peinture et leur sensibilité artistique diffèrent sur
quelques points, on peut dire qu’ils se complètent avec bonheur.
Comme nous avons présenté en décembre 2006-janvier 2007
« Léon Charles Canniccioni, peintre des types et coutumes de la
Corse » pour montrer cet aspect si fort et original de son oeuvre, le
thème retenu aujourd’hui est « La Corse de Lucien Peri, peintre pay-
sagiste de l’école d’Ajaccio » afin de montrer la belle façon dont il a
peint son île, dans sa diversité.
Il s’agit ainsi de découvrir comment Lucien Peri – qui a peint égale-
ment de nombreuses régions françaises comme la Sologne, la Bre-
tagne, la Bourgogne, les Alpes, les Landes – a décrit avec une
originalité inégalée les paysages de Corse que des dizaines d’ar-
tistes de renommée et d’horizons divers ont essayé, en même
temps que lui, de traduire avec leur
technique, leur sensibilité ou avec une
approche plus personnelle.
L’ensemble des œuvres rassemblées
montre la démarche technique de Lu-
cien Peri : dessins, pochades, aqua-
relles et huiles de différentes tailles et
formats, de toutes ses périodes d’acti-
vité, montrent son évolution picturale.
Devant ces pièces (de quelques centi-
mètres carrés ou de moyens et grands
formats) on éprouve un sentiment d’ad-
miration du travail accompli. De là,
transparaît le sens extraordinaire de la
composition qui constitue un des traits
de la peinture de Lucien Peri. De cet en-
semble émerge aussi cette vision de
transparence et de clarté obtenue par
ces coups de brosses rapides dans
une matière colorée dont Lucien Peri a
le secret. En fait, tout concourt dans son
œuvre peint à provoquer chez le spec-
tateur un sentiment de pure beauté.
Pierre Claude Giansily
Aucun artiste n’a su montrer mieux
que lui, par la transparence de ses
aquarelles et la finesse de ses
huiles, la mer, ses golfes et ses pro-
montoires, les montagnes et collines
de Corse avec leurs variantes dans
les couleurs vertes, bleues, violettes.
Peri illustre à merveille « l’heure vio-
lette » du crépuscule sur les mon-
tagnes aux sommets parfois
enneigés, après les belles journées
d’hiver, cette atmosphère et cette
couleur si difficiles à saisir et, pour
équilibrer la composition, un motif
avec des tons clairs dans cette syn-
thèse de la nature qu’il nous pré-
sente régulièrement, alliant
harmonieusement eau, ciel et terre.
Pendant plus de vingt ans, la pein-
ture de Lucien Peri a été en vogue à
Paris et en Corse et cet artiste a été
ainsi un ambassadeur remarqué de
l’Île de Beauté, y compris au-delà
des frontières nationales.
Le présent ouvrage évoque Lucien
Peri avec des éléments de biographie
décrivant sa vie d’homme si attachant
et d’artiste si séduisant.
Cet ouvrage présente également la
manière dont les artistes de l’École
d’Ajaccio mais aussi les artistes bas-
tiais et ceux installés à Paris, Marseille
et en Afrique du Nord ont peint la
Corse à la même période et donne
un éclairage sur l’art de son temps.
2
Enfin, on y trouve de précieuses informations sur celui qui faisait
l’unanimité par ses qualités. Homme ouvert, franc, toujours de
bonne humeur, convivial, il était aussi affectueux, sensible, attentif,
partageant volontiers les bons moments avec ses amis et sa fa-
mille. Lui qui, après son installation à Paris, parlait toujours de la
Corse avec fierté et un soupçon de nostalgie et qui a transposé
dans sa peinture sa sensibilité pour créer une œuvre qui a dé-
passé son époque et rejoint l’approche des grands paysagistes
de cette première moitié du XXe siècle en France.
Pierre Claude GiansilyCommissaire de l’exposition
L’artiste photographié par Peyrot
Ajaccio, vers 1922Lucien Peri est un homme très « chic », comme on dit alors. Toujours soi-gné et bien habillé, portant d’élégants vêtements à la mode, il a de laprestance avec sa taille de 1, 69m. Il a aussi le goût des belles choseset dans l’Ajaccio du milieu des années vingt, il fait sensation avec sa Ci-troën de couleur « jaune citron » qui est la première voiture à cinq placesen ville et sur laquelle se posent tous les regards.
3
santé depuis quelques années, décède
à Paris dans sa 47e année. Malgré les
difficultés, Angèle Marie veille à ce que
ses deux enfants fassent de bonnes
études secondaires au collège d’Ajac-
cio, puis au lycée de Bastia.
Lucien Peri vit les années de son en-
fance à Ajaccio dont il fréquente le col-
lège. Garçon doux et agréable, il est
attiré par le dessin et la peinture. Une
fois ses études secondaires terminées
il est vivement encouragé à faire des
études supérieures et ne peut ainsi
s’orienter vers des études artistiques.
C’est en 1900 qu’il commence ses
études de droit à Paris. En juillet 1902, le
conseil de révision de la Corse le dis-
pense de service en sa qualité d’aîné
de veuve. Il commence à peindre et
réalise cette année Le vieux-port de
Bastia, une huile sur toile qui est sa pre-
mière œuvre datée, recensée au-
jourd’hui. Il va mener jusqu’au milieu des
années vingt une vie intense, rythmée
notamment par ses déplacements et
ses lieux de résidence alternés entre
Ajaccio, Bastia, Marseille et Paris �
Itinérairedel’artiste
Le vieux port de Bastia,1902Huile sur toile,31 x 32 cm
C’EST LE 3 MAI 1880, qu’est né à Ajaccio Lucy, Lily Peri. Ces
prénoms ont été choisis par sa mère qui voulait une fille et auxquels
son père a fait ajouter « dit Lucien ».
Son père Pascal Peri, né le 17 décembre 1844 à Ajaccio, est pro-
fesseur de mathématiques au collège Fesch d’Ajaccio. Il a com-
mencé dans l’enseignement en 1866 et a occupé plusieurs postes
en France et en Algérie. Il a ensuite pris part à la guerre de 1870
avant de revenir à Ajaccio. Pascal Peri s’est marié à Ajaccio, le
23 septembre 1878 avec Angèle Marie Ottavi, née le 21 juin 1845,
également à Ajaccio.
Lucien Peri a un frère, Antoine, qui naît à Ajaccio le 4 novembre 1885,
avec lequel il gardera des liens réguliers même si après 1928, date
de son installation définitive à Paris, ils ont moins d’occasion de se
voir car Antoine réside à Ajaccio où il a ses affaires et se déplace
peu hors de l’île. Le 22 août 1891, Pascal Peri, qui avait des soucis de
Phot
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Phili
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Jam
bert
4
Les maisons près de la rivière, 1904Aquarelle, 39 x 30 cm,
5
En 1904, Lucien Peri vit à Bastia1. Au cours du mois de no-
vembre, il expose des aquarelles dans les vitrines d’un ma-
gasin du boulevard Paoli. La critique les remarque car à
Les débuts d’une carrière de peintre
…Lucien Peri est un paysagiste ému possédant le secret de la séduction ! Devant la Vallée du Fango, – devant
les grands sapins sur les branches desquels se mourait du soleil épars, j’ai cherché, quant à moi, l’endroit
solitaire où je me serais assis pour jouir de l’agonie lente de ce crépuscule irréel… Je m’étonne de n’avoir
point lu encore un éloge sincère de toutes ces aquarelles blondes, bleues et mauves, alors qu’Émile Bran-
dizi livrait toujours au public ses marines d’Erbalunga et de Saint-Florent et Lucien Peri poétisait sur les bords
du Bevinco endormi le soir.
Et je conçois la surprise de ces deux amis, quand ils liront ces lignes hâtives. Mais Lucien Peri, afin de conti-
nuer ses études, part demain pour Paris ; et j’ai tenu à lui offrir ce témoignage de ma sympathie cordiale,
avant que le succès ne le couronne, dans la ville unique où son talent mûrira…
“
”
1. Au début des années 1900,Lucien Peri voit autour de lui àBastia de nombreux artistes,dans une ville qui connaît etentretient une intense activitédans les domaines des lettreset des arts. Grâce au legs deJoseph Sisco (1748-1830) dejeunes Bastiais iront étudier àRome, pendant cinq ans, ledroit, la médecine, la chirurgieou les disciplines artistiques.Sur la période 1841-1933,vingt-six jeunes bastiais ont pualler se former à Rome dontseize peintres parmi lesquelsIgnace d’Antoni, Jean Cana-vaggio, Marie Canquoin, Fer-nand Cresci, Albert Gillio, J. deGislain, Félicité de Montera,contemporains de Peri. Ainsi,Bastia a eu pendant unelongue période des peintres,sculpteurs et architectes quiont produit un art corse degrande qualité (voir à ce sujetLe legs Sisco, 1829-1933 unsiècle de vie artistique corse,ouvrage collectif, édition Cen-tre d’études Salvatore Viale,Bastia, avril 2007). Les artistesbastiais tentent aussi de s’or-ganiser et d’unir leurs forceset, en 1899, le comité artis-tique provisoire de l’associa-tion « amicale libre desartistes de Bastia » qui instituele « Salon bastiais » compteparmi ses membres la plu-part des peintres bastiais del’époque : Pierre Colonna d’Is-tria, Antoine-Louis Alessi,Ignace d’Antoni, de Gislain,Magnaschi, Jean-Baptiste Gil-lio et les sculpteurs Patriarcheet Pekle.
Lucien Peri cherche sa voie et repart sur le continent ; en octobre 1905, il réside à Marseille, rue
Victor Hugo, car il est répétiteur au « Petit Lycée » de Marseille. C’est à cette époque qu’il met un terme
aux études qui le destinaient au Barreau.
vingt-quatre ans il a déjà une belle répu-
tation à Bastia et René Sangy dans Le
Petit Bastiais du 12 novembre 1904 écrit :
Bord de merPorte le n°64 au dosAquarelle sur papier,
8,7 x 13,8 cm,
1900-1920
6
Il revient en Corse peu après et,
en 1908, il s’installe rue du général-
Fiorella à Ajaccio 2. En mars 1909, il
expose dans la vitrine du photo-
graphe Laurent Cardinali 3, cours
Grandval, et au même moment,
Au début des années dix, Peri ha-
bite à Paris, rue Clovis, et travaille au
lycée Henri-IV. Il y fréquente les mi-
lieux artistiques et accomplit les for-
malités pour présenter son travail
dans un des grands Salons pari-
siens. Il choisit la Société Nationale
des Beaux-Arts dont l’état d’esprit
des membres, les valeurs esthé-
tiques et les perspectives d’action
correspondent plus à son tempéra-
ment et à sa perception du métier
de peintre. La Société des Artistes français, bien plus
conservatrice que la Nationale, qui rassemble essentiel-
lement les adeptes de l’Académisme ne l’attire pas. La
Société des artistes Indépendants qui regroupe des ar-
tistes ayant rompu avec « l’Académie » et qui ont des idées
très novatrices, apparaissant souvent comme des provo-
cateurs ne l’attire pas plus. En 1910, il fait son premier envoi
au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts avec Le
bassin du Luxembourg en automne, puis, le grand ma-
gazine L’illustration du 3 décembre 1910, reproduit une de
ses aquarelles : Les falaises de Bonifacio dans un article
de René Bazin intitulé « Les quatre beautés de la Corse ».
François Corbellini présente ses œuvres juste à côté,
dans les vitrines de Joseph Gini, le marchand de cou-
leurs et matériel pour artistes. Ces deux expositions
d’aquarelles sont commentées de belle façon dans la
presse locale et un article publié dans Ajaccio Gazette
du 7 mars 1909 indique :
« L’aquarelle semble être la peinture préférée des artistes ajac-
ciens, ainsi nous est-il donné d’admirer journellement dans les
vitrines de MM. Cardinali et Gini, des aquarelles exposées par le
Maître M. Corbellini, dont la renommée n’est plus à faire.
« M. Corbellini aime les tonalités chaudes, et possède au plus
haut degré l’harmonie des couleurs ce qui fait le véritable artiste,
et la justesse du dessin.
« M. Peri, plus jeune, a un sens artistique très prononcé, ses ex-
positions sont très remarquées. On admire surtout dans ses
aquarelles la légèreté de son coup de pinceau, les coloris clairs
et transparents, aux teintes variées si savamment mêlées et une
promptitude de l’exécution. Nous ferons toutefois remarquer que
les aquarelles de M. Peri ne sont pas toujours finies, ce qui dé-
note la promptitude de l’exécution et qui porte un léger préju-
dice à la perfection de l’œuvre.
« M. Peri ne tardera pas à être un maître aquarelliste. »
“
”
2. À Ajaccio, Peri est conseillépar François Peraldi (1843-1916) qui, à cette époque, a ra-lenti son activité picturale etexerce les fonctions deconservateur du muséeFesch. Peri a également nouédes liens d’amitié avec Fran-çois Corbellini (1863-1943),formé à l’École des Beaux-Artsde Paris qui a adressé auSalon de la Société Nationaledes Beaux-Arts des paysagesde Corse : en 1901 Lumièred’automne, en 1902, Vieille rueau couchant et en 1903, Merbelle aux Sanguinaires et quiest ainsi, avec Alfred de laRocca (qui déroule sa carrièreà Bordeaux) un des tout pre-miers peintres corses à traiterle paysage en tant que sujetsans que celui-ci ne soit unepartie d’une autre composi-tion. Enfin, Jean-Baptiste Bas-soul (1875-1934), peintredécorateur qui est rentré en1900 de Paris avec son di-plôme de l’École nationaledes arts décoratifs en poche,aide et conseille Lucien Peri ;une grande amitié se tisseentre les deux hommes, quise renforcera avec les an-nées.
3. Il n’existe alors, ni à Ajaccio,ni à Bastia de galerie de pein-ture. À Ajaccio, les possibilitésde présenter ses œuvres sontplus diversifiées : les vitrinesde certains commerçants,selon un usage largement ré-pandu partout en France,mais aussi la bibliothèquemunicipale et les grands hô-tels d’Ajaccio, « station d’hi-ver ».
Ajaccio, sur la promenade LantivyAquarelle,
16, 5 x 31, 5 cm,
7
Ajaccio, route de la Parata, 1915
Huile sur toile,33 x 46 cm,
Ajaccio, vers Capo di Feno, 1915
Huile sur toile,33 x 46 cm,
8
L’année suivante, Peri effectue un séjour prolongé à
Uriage-les-Bains (Isère) et dans le Dauphinois. Il réalise
de nombreuses aquarelles de la région dont les quinze
qui illustrent l’édition du guide du syndicat d’initiative « Le
paradis des enfants » pour la saison du 25 mai au 5 oc-
tobre 1913. En janvier 1914, il adresse à l’exposition inter-
nationale des Beaux-Arts de la Principauté de Monaco,
Soir de pêche aux îles Sanguinaires
C’est le 25 juin que naît Francine, Myriam Peri à Bas-
tia. Le couple profitera trop peu de ces moments de bon-
heur puisque le 2 août, le jeune papa est appelé à
l’activité militaire par le décret de mobilisation du même
jour ; il rejoint alors le 7e régiment d’artillerie à pied sta-
tionné à Ajaccio, puis le 77e régiment d’artillerie lourde,
unité avec laquelle il accomplira la campagne contre l’Al-
lemagne jusqu’à son terme. Au cours de cette longue
période, il a assez peu d’occasions de peindre. On a re-
censé trois œuvres datées 1915 qui représentent Ajaccio
et ses environs, Route de La Parata (deux) et Plaine de
Capo di Feno, réalisées sans doute lors d’une permis-
sion dans sa ville natale. On a également recensé une
aquarelle datée du 15 avril 1916, figurant une scène de
guerre sur la commune de Mont Notre Dame, dans
l’Aisne, où les combats furent particulièrement violents,
qui est conservée dans un musée anglais qui en a reçu
le don en 1925.
La Corse est en effet à la mode : pour
la beauté de sa nature, son climat,
son authenticité, son histoire et ses
habitants… et aussi, ses artistes.
Dans Le Figaro illustré d’octobre 1911
figure un long reportage intitulé « La
Corse », par Henry Spont, qui dit à leur
propos :
En 1911, Lucien Peri vit une partie de l’an-
née à Ajaccio, cours Grandval, où il a
une clientèle aisée qui apprécie son tra-
vail 4 puis, il s’installe à Bastia et c’est
dans cette ville qu’il se marie, le 2 octo-
bre 1912, avec Marie Bartoli, fille de feu
le notaire Eugène François Bartoli ; le
couple habite dans un appartement de
la promenade des quais.
4. Lucien Peri s’est fait un nomparmi les amateurs d’art quiapprécient la légèreté de sesaquarelles. Il est de bon tond’avoir chez soi des portraitsde Meuron, des aquarelles deCorbellini, et ensuite de LucienPeri ou d’en faire des cadeaux,pour un mariage par exem-ple ; c’est le cas de deuxaquarelles de grand format :U puntu di u mulinu (lieudit UPadulone, près de Barchetta),et une vue Le fleuve, prisedans le même secteur.
« Ensuite, il y a là-bas un peintre qui a dé-
robé une à une toutes les couleurs du
ciel et de la mer et les a fixées sur la toile
avec une fougue si juste, une si sobre
maîtrise, que je n’ose pas après lui me
risquer. Le sage et enthousiaste Corbel-
lini possède un pinceau magique. Ses
aquarelles, comme celles de Lucien Péri,
semblent faites avec des gouttes de lu-
mière… »
“
”
Mont Notre-Dame15 avril 1916, veille del’attaqueHuile et aquarelle sur carton,23 x 30,5 cm
Norwich Castle Museumand Art Gallery, comté deNorfolk.
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Le 21 septembre 1916 survient à Paris le décès de son épouse
Marie, ce qui l’affecte profondément. Sa fille Francine est confiée
à une tante, la baronne Ferrand de Masson, installée à Paris.
Francine grandira à Paris auprès de cette tante et son père veil-
lera toujours, après la guerre, à se trouver près d’elle aussi souvent
que possible. Le 11 novembre 1918, c’est la fin de la guerre au cours
de laquelle il a souffert physiquement lors des combats et le 19 fé-
vrier 1919, il est « mis en congé illimité de démobilisation ».
Lucien Peri rejoint alors Paris
dans un premier temps puis re-
tourne à Ajaccio. Il gardera un cer-
tain temps des séquelles de surdité
à une oreille en raison de l’intensité
des tirs d’artillerie sur le front car il se
trouvait dans l’artillerie lourde sur
voie ferrée (ALVF) �
Le vieux port de BastiaAquarelle,31 x 46 cm
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Le courrier au départHuile sur papier, 5, 7 x 9, 4 cm
Le remorqueur à AjaccioGouache sur papier8, 5 x 13 cm
Bateaux à voile latine orange et jauneHuile sur papier, 4, 5 x 7, 5 cm
10
Voiliers sur les côtes de CorseAquarelle, 6, 5 x 9 cm, chacune
11
Séjours en Corse : Lucien Peri partage
à présent ses activités entre Paris et
Ajaccio. Au Salon de la Nationale de
1922, il adresse Matin sur les côtes de
Corse, œuvre reproduite dans le ca-
talogue illustré du Salon.
Il passe une grande partie de l’année
1923 en Corse et fait de nombreuses
sorties avec son ami Martin Baretti
pour de mémorables parties de
pêche ou de chasse à Campo
dell’Oro ou à Sagone et dans la
plaine du Liamone.
Les années vingt : succès et notoriété1920-1930
Côteau de PietrarossaSeptembre 1920Encre et crayons de couleurs, 12,9 x 23,5 cm
Lucien Peri sur le motifdans les années vingt
En 1920, Lucien Peri est en Corse, à Bastia, Saint-Florent… Il fait
de nombreuses études et peint sur le motif en divers lieux du dé-
partement. Puis il retourne à Paris où il fait la connaissance de
Marie Lamaizière qui, comme lui est veuve, et avec laquelle il a
beaucoup d’affinités ; le 13 juin de l’année suivante il se marie avec
elle, à Paris.