JEAN HUSS, PRÉCURSEUR DE LUTHER · 29. C’est la première fois que la redoutable accusation...

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JEANHUSS,PRÉCURSEURDELUTHER

Dumêmeauteur

Fénelon,InFine,1993.Grandprixd’Histoiredel’Académiefrançaise1994.

Bourdaloue,InFine,1995.Colbertetlecolbertisme,Tallandier,1997.Louvois,lebrasarmédeLouisXIV,Tallandier,1998.Le Soleil du Grand Siècle, Tallandier, 2000. Prix Hugues

Capet2000.Massillon,InFine,2001.LeJansénisme,François-XavierdeGuibert,2002.La Régence, Tallandier, 2003. Préface de Madame la

ComtessedeParis.Les Savants du Roi-Soleil, François-Xavier de Guibert,

2003.PréfacedeChristianPoncelet,présidentduSénat.SaintRobertBellarmin,François-XavierdeGuibert,2004.LesMédecinsduGrandSiècle,François-XavierdeGuibert,

2005.Louis XV, le mal-aimé, François-Xavier de Guibert, 2006.

PréfaceduprinceJeandeFrance.LaVéritésurl’affaireGalilée,François-XavierdeGuibert,

2007.Luther,François-XavierdeGuibert,2008.Calvin,François-XavierdeGuibert,2009.Érasme,François-XavierdeGuibert,2010.HenriVIIIetleschismeanglican,Cerf,2012.Saint François de Sales et la Contre-Réforme, François-

XavierdeGuibert,2013.

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L’affairenetardapasàremonteràRomeet,enmai1377,lepape Grégoire XI envoya en Angleterre cinq copies12 d’unebullequicondamnait18 thèsesdeWiclifcomme«erronéesetdangereusespourl’Égliseetl’État».

Edouard IIImourut en juin1377etRichard II lui succéda.Comme le nouveau roi n’était qu’un enfant, il resta sous lacoupedesononcle, JohnofGaunt.Celui-ciétantpartisandesidéesdeWicliff,labullefutenterréediscrètement…

En décembre 1377, Wiclif relança le débat en faisantimprimeretdistribuersesthèses.Convoquéparlesévêquespours’expliquer,ilfutenlevéparunefouledesespartisans,foulequigrandissaitsanscesse.

*

Afindejustifiersaposition,WiclifentrepritdetraduirelesÉcritures en anglais. Il accompagna cette traduction d’un livredans lequel ilaffirmaitque lesSaintesÉcritures,étant l’œuvrede Dieu, étaient toute vérité et la seule autorité. Il protestaitcontre la condamnationde ses thèses, affirmantque le chefdel’ÉgliseétaitleChristetquelepapenepouvaitpass’arrogercetitre.

LEPOUVOIRDESROIS.

Dans son livre De officio regis, Wiclif affirme que lepouvoir des rois est consacré par les Saintes Écritures et lesPères. Christ, dit-il, et les apôtres, ont payé un tribut àl’empereur.C’estdoncunpéchédes’opposeraupouvoirduroiqui lui est donné par Dieu. Ses sujets, surtout le clergé, luidoivent un tribut. Les lois royales, certes doivent être justes,

mais leur autorité découle de l’autorité des lois divines, ellesdoiventdoncêtreobéiespartous,ycomprisparleclergé.Doncleroiauncontrôle«évangélique»surceuxquisontauservicedel’Église.

LAPAPAUTÉETLAHIÉRARCHIEDEL’ÉGLISE.

Pendant les sixdernièresannéesde savie,Wiclifnecessapas ses attaques contre la papauté et la hiérarchie de l’Église,allantjusqu’àdirequelepapeetl’Antéchristn’étaientquedesconceptséquivalents.

Mettantleprincipemêmedelapapautéencause,ilécrivait:«Nosprélatsfontdenouveauxarticlesdedoctrines,ilnesuffitplusdecroireenJésus-Christ,ilfautcroireencorequel’évêquedeRomeestlechefdelasainteÉglise;maisaucunapôtren’ajamaisobligé leshommesàcroireunesemblablechosede lui-même… Comment donc un misérable pécheur obligera-t-il lemondeàcroirequ’ilestlechefdelasainteÉglise,lorsqu’ilnesait pas si lui-même sera sauvé ? Certes, lorsque l’évêque deRome attire sur lui la condamnation par ses péchés, c’est undémon d’enfer que l’on présente à l’adoration des hommescomme lechefde laSainteÉglise13. Ilsdisentqu’il estde foique tout ce que le pape ordonne ou décide est ordonné oudécidé par Jésus-Christ ; mais jamais hérésie plus dangereusen’aétésuscitéeparlediable14.»

LATHÉOLOGIEDEWICLIF.

Excellent connaisseur des Écritures, il en tirait deux

conclusions:l’hommeestprédestinéàêtresauvéoudamné;etlepainetlevinnesontpaschangésencorpsetsangduChrist.

Développant ces thèses, Wyclif n’hésitait pas à affirmerqu’ilétaitblasphématoiredecroirequeleprêtrepouvaitrecréerlecorpsduChristdans l’eucharistie. Iladmettait toutefoisuneprésence spirituelle due « à l’infiniemiséricorde deDieu » etnonauxparolesduprêtre.

Sa croyance en la prédestination lui faisait écrire quel’Église de Dieu n’est composée que de ceux, connus de luiseul,quisontsauvésparsavolonté,etqu’elleneseconfondpasavec l’institution humaine. Il ajoutait que les indulgences negarantissaientpaslesalut.

Ilsefitégalement ledéfenseurdela traductiondelaBibleen anglais « afin que tous les fidèles puissent avoir accès auxtextessacrésquelesclercsrefusentdeleurdévoiler».

LESYNODEANTI-WICLIF.

Dès1381,lechancelierdel’Universitéd’Oxfordfitdéclarerhérétiques plusieurs propositions de Wiclif. En 1382,l’archevêque de Canterbury15 fit réunir, à Londres, uneassembléedenotablesecclésiastiques,à laquelle ilprésenta24propositionsattribuéesàWiclif.Dixfurentdéclaréeshérétiques,et14erronées;lespremièresconcernaientlessacrements,etlesautreslesinstitutionsdel’Église.

*

En1384lepapeUrbainVIordonnaàWiclifdeserendreàRomepouryêtreentendu;prudemmentildéclina…

Le 18 décembre 1384, alors qu’il disait la messe, il fut

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*

Ontientde luiqu’iln’hésitaitpasàparticiperauxchahutsestudiantins.En1393, ilpritpartau jubilé,proclaméàPragueoù,dit-il,«ilvisitaleséglisesetdépensasonderniersoupourverserl’aumôneprescrite».Ilobtintlamêmeannée,legradedebachelierèsarts.

Bienqu‘ilfûtunétudiantmoyen,ildevintmaîtreèsartsen1396et,en1400,reçutl’ordinationsacerdotale3.

En 1401 il fut nommé doyen de la faculté des arts etcommença ses prédications. Le 14 mars 1402, il fut nommérecteuretprédicateurdelachapelledeBethléem.

Fondée en 1391, elle avait pour objet « de donner à lapopulation tchèque l’instruction religieuse en sa languematernelle4 ». Huss en fut le troisième recteur et trouva qu’ils’étaitformé,autourdelachapelle,«uneambiancetypiquementtchèqueetréformiste5».

En1404,alorsqu’ilcommençaitàse faireapprécierpar lateneur et la qualité de ses sermons, il devient bachelier enthéologie et commence à méditer les Écritures, recherchant lapensée divine et « possédé d’un ardent désir de lacommuniquer»,saisissantpourcefaire tant laprédicationquel’enseignementoulesécritsspirituels.

Il compose un Miroir abrégé du pécheur6 destiné àenseignerauchrétienque«s’ilaimelemonde,ilpériraaveclemondemais,s’ilaimelefilsdeDieu,ilrégneraavecluietavectouslessaintsdanslessièclesauRoyaumedescieux7».

En1407,ilcommenteleDécalogue,puislePateretenfinlaPassion. Cette passion est d’ailleurs composée presqueexclusivementàpartirdesÉvangiles.

PourHuss,toutelalumièrejaillitdel’Écrituremais,pouren

saisirlesens,ilsemetàl’écoledesPères.«Toussesécritssonttruffésdecitationsbibliquesetpatristiques.»

LETHÉOLOGIEN.

Sa théologie est strictement biblique et suit sagement lessentiers battus. Il commente lesSentences de Pierre Lombard8(1407–1409) d’une manière parfaitement orthodoxe, en«défendantlesdoctrineslespluscommunesaveclesargumentslesplususuels».Husss’ymontre«scolastique jusqu’auboutdes ongles », dissertant avec application de l’éternité, de ladurée finie du monde, distinguant l’essence et l’existence, lavolontéantécédenteetconséquente…

*

Bienqu’ilsoitdifficilededécouvriruncaractèrepersonneldans ces longues compilations, il arrive à Huss de placer, detempsàautre,unpetitdiscoursd’édification.C’est ainsiqu’ilécrit :«Lessaintsontsupportéavecpatiencelesmorsuresdesbêtessauvages,lefroid,lasoif,toutessortesdesouffrancesafind’accomplir la pénitence voulue par le Seigneur. Mais nous,quels saintsmisérables nous sommes, nous qui non seulementrefusons de souffrir lemartyre et les tortures graves,mais quivoudrions, sinous lepouvions,nousdébarrasser totalementdela pénitence prescrite par Dieu, c’est-à-dire de supporter lefroid, la chaleur, la soif, la faim, le travail, les vigiles, lesmorsuresdesvers9…»

*

À partir de 1405 il s’adresse aux prêtres au cours de sessermons, leur conseillant d’abandonner la vie du monde, devivifierspirituellementl’Église,desuivredeprèsleChrist.Par-dessustout, il leurrecommandel’amourdeDieu, lafuitedelaluxure,del’avariceetdelasimonie.

SAPOSITIONSURLESINDULGENCES.

Dès1407–1408,Hussécrit,dansunecollectiondesermons« qu’il ne suffit pas d’une simple affirmation du pape pourqu’unchrétienobtiennelarémissiondesesfautesetdespeinesqu’ilaméritées10 » car, dit-il, le pape ignore si le pécheur estbien disposé… Il n’est donc jamais sûr qu’une indulgenceobtiennesoneffet.

Toutefois il ne les rejette pas, mais il affirme qu’elles neserontd’aucunprofitpourceuxquin’aurontpasimitéleChristdans sesmœurs.C’est doncun avertissement aux chrétiensdene pas compter sur les indulgences s’ils ne se montrent pasdignesdelesrecevoir.

SADOCTRINEEUCHARISTIQUE.

En 1408, JeanHuss publia un traité intituléLe Corps duChrist, dans lequel il développe l’idée que le Christeucharistique est pain11, pain non pas matériel mais spirituel.C’est le Christ que nous recevons en communiant sous lesespèces du sacrement. Tout son traité est de l’orthodoxiecatholiquelaplusscrupuleuse,reconnaissant laprésenceréelleetlecaractèresacramentel.IlinsistesurlanotiondelaprésencesubstantielleduChrist,souslesaccidents[apparences]dupain

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scolastique. Il enseigna la théologie àParis et soutint la causedu Nominalisme. Il faisait dépendre le bien et le mal de lavolontéarbitrairedeDieu.Excommuniéen1330.

13. Vingt-quatre de ces articles avaient été condamnées àLondresen1382,lesthéologienspraguoisenajoutèrentvingtetun.

14. PourWiclif la grâce est donnée directement parDieu,maisellepeutsetransmettreparunchrétienlui-mêmeenétatdegrâce.

15.VoirsesCommentairessurlesSentences(1409).16.PaulDEVOOGHT,op.cit.,p.85.17.Ilécrivitlonguementàcesujeten1403–1404.18.Datéedu21juin1405.19. Ou Jacobellus de Misa. Il prêchait la pénitence, la

pauvreté, la folie de la Croix, plus aimable que la sagesse dumonde.

20.LeMammonainiquitatisdel’Évangile.21.Lesétudiantsdel’universitédePragueétaientregroupés

ennations,selonleursorigines.22.Probablementunfaux.23.Lesquarante-cinqarticlesvenaientd’êtrecondamnés.24.Enjuillet1408.25.PauldeVooght(op.cit.,p.93)note:«Unévêquepeut-

ildonnerunepreuveplusmanifestedesaconfiance?»26.MgrVseruhy.27.Enoctobreounovembre.28.JeandeRakovnik.29. C’est la première fois que la redoutable accusation

d’hérésieestemployéeàl’encontredeJeanHuss.30.«Guidesaveuglesqui filtrez lemoucheronetavalez le

chameau.»31.PaulDEVOOGHT,op.cit.,p.103.

H

Chapitre6

LECONFLITENTREHUSSETL’ARCHEVÊQUEZBYNEK.

LALUTTEÀPRAGUE.LAMORTDUPAPEALEXANDREV.LEPROCÈSDEHUSSSOUSJEAN

XXIII.NOUVEAUXDÉSORDRESÀPRAGUE.

arcelé par les protestations et les plaintes de ses curéscontreJeanHuss,Zbynekréagitenluiretirantsamission

deprédicateur1.Huss protesta avec véhémence, arguant de sa soumission à

l’Église,aupape2,àl’archevêque,àtouteautoritéétablie…Mis en appétit par cette reculade, les curés praguois

déposèrentunenouvelleplaintecontreJeanHussetlespartisansde Wiclif ; cette plainte fut accompagnée d’uneexcommunication, prononcée par l’archevêque, à l’encontre etdeswiclifistesetdesdétenteursdeseslivres,excommunicationdont personne ne se soucia, le conseil municipal de Pragueayantprisladéfensedesrécalcitrants.

Encouragé par la position des échevins,Huss continua sescours et ses sermons. « Il acheva son Commentaire sur lequatrième livre des Sentences. Il prêchait aussi à Bethléem

commeà l’ordinaire…LesadversairesdeHussprirentnotedeparoles qu’ils estimaient déplacées et en nourrirent plus tardleursaccusationscontrelui3.»Ilsluireprochaientenparticulierde déclarer : «Un prélat ne peut excommunier quelqu’un queDieun’apasexcommuniéd’abord.»

*

La tensions’aggravaen juin1409.Le11, l’archevêquemitPragueeninterdit.Hussprêchaavecunegrandeviolencecontrecette mesure et ses auditeurs tentèrent ensuite de prendred’assautlepalaisarchiépiscopal,maisfurentrepoussés.Àceuxqui lui reprochaient de bouleverser le pays, il répondait aveccalme:«Oui,commeleChristabouleversétoutelaJudée.»

De graves désordres éclatèrent alors dans Prague, despillages, des massacres même, eurent lieu. Zbynek s’enfuit,accompagnédequelquesprélatsetdutrésordutombeaudesaintWenceslasmais,surl’ordreduroi, ilrevint(le2septembre)etretiralesmesuresqu’ilavaitprises,ordonnantunTeDeumetlesondesclochesdanstoutesleséglisesdudiocèse.

*

Lereposfutdecourtedurée:le20décembre1409lepapeAlexandre V4 publia une bulle contre les doctrines de Huss,sans toutefois le désigner particulièrement. Défense était faiteparcettebulled’officierdansleschapellesparticulières,qu’ellemit en interdit, et d’enseigner en aucun lieu la doctrine deWiclif. « Elle invitait l’archevêque à poursuivre lescontrevenants comme des hérétiques, avec l’assistance du brasséculier, et à supprimerpar toutes sortesdevoies les livresdeWiclif5.»

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«Seigneur,situleveux,nousexhorteronslemondeentieràladestructiondeLadislas,deGrégoireetdeleurscomplices», leSauveur leur eût sans doute répondu comme il le fit à sesapôtres, qui le consultaient pour tirer vengeance desSamaritains : « Je ne suis pas venu pour détruire, mais poursauver(LcIX,55).»

« Pour moi, ajoute-t-il, je ne voudrais pas, sans un ordrepositifdeDieu,étendrelamaincontreLadislasetsespartisans;maisj’adresseraisunehumbleprièreàDieupourqu’ilramenâtdanslechemindelavéritéceuxquis’égarent…»

*

Hussattaqueensuitelesindulgencescommeuneprofanationde la grâce évangélique. « Dieu seul, dit-il, a le pouvoir depardonnerlespéchésdemanièreabsolue,cariln’yaqueluiquiconnaisse le cœur et qui sache si le pécheur est réellementconverti7…»

Puisilrésumelesargumentsquel’onpeut,etdoit,opposeràcesindulgences:

– La croisade s’oppose à la loi de Dieu qui nous prescritd’aimernosennemis.

–Ellefavoriselesdésordres.– Elle emploie très mal beaucoup d’argent collecté par le

pape.– C’est un immense scandale que des papes concurrents

refusent de s’entendre et recourent à desmoyens pareils pourviderleursquerelles.

–Lesâmessimplessonttrompées,parcequ’ellesdistinguentmalsiouiounonellessontabsoutesdeleurspéchésetqu’ellessontencouragéesàcroirequ’ellesobtiennentlepardondeleursfautesenversantlataxe.

*

Le pouvoir des clefs8, continue-t-il, est limité etconditionnel;ilsupposelebonusagedesclefs,conditiondontsaintPierrelui-mêmen’étaitpasdispensé.

Comment donc des prêtres ignorants, concubinaires,simoniaques, avares, accorderont-ils, au gré de l’avarice desdistributeurs d’indulgence, la rémission de la coulpe [durepentir]etdelapeine?«Cen’estpas,ditsaintAugustin,àdesravisseurs et à des usuriers que Jésus-Christ a donné cepouvoir»,etsaintGrégoireenseigneque«celuiquiaccordelepardondes péchés selon ses passions, et non suivant l’état dupénitent,seprivelui-mêmedupouvoirdelieretdedélier9».

*

Ilfautdistinguerentreunepuissancelégitime,régléesurlaloi de Dieu, et une puissance usurpée pour un temps, par lapermissiondivine;decedernierordreestcelledudémon.JeanHussappliquecettedistinctionaupape:«Silepape,dit-il,usede sa puissance selon l’ordre deDieu, on ne peut lui résistersans résister à Dieu même ; s’il abuse de son pouvoir enprescrivant ce qui est contraire à la loi divine, alors c’est undevoir de lui résister comme à la puissance du cheval pâle del’Apocalypse,dudragon, de labête et duLéviathan10. Il vautmieux souffrir une excommunication injuste que recevoir uneabsolutionfausse.Celui-làseraplutôtabsousquisupporteralamalédictionetl’opprobrejusqu’àlamortpourlacausedeJésus-Christ, que celui qui persécute les chrétiens dans une causecommecelledeJeanXXIIIcontreLadislas11.»

*

JeanHussserécriecontrelaclausedelabullequidamneladescendancedeLadislasjusqu’àlatroisièmegénération,malgrécette expressedéclarationdeDieu :«Le fils neporterapointles iniquités du père » (Ezéchiel XVIII). Il montre, par undoubleexemple, l’impiétéd’uneabsolutiondonnéeà ceuxquicontribuentàlacroisade:

«Dedeuxhommes,dit-il, l’unaétéscélératpendant toutesavie,mais,pourvuqu’ildonnedel’argent,ilobtient,aumoyend’unetrèslégèrecontrition,rémissiondelapeineetdupéché;l’autre est un homme de bien qui n’a jamais commis que despéchésvéniels,maiss’ilnedonnerieniln’aurapointdepardon.Or, selon la bulle, si ces deux hommes viennent à mourir, lepremier, le criminel, ira au ciel en échappant aux peines duPurgatoire,etlesecond,l’hommejuste,lessubira.»

*

Dès le début des activités des vendeurs d’indulgences12,Huss fit afficher aux portes des églises et desmonastères uneinvitation13 au public, surtout aux docteurs, aux prêtres, auxmoines…àvenirdébattrelesthèsessuivantes,savoir:siselonla loi de Jésus-Christ, les chrétiens peuvent, en bonneconscience, approuver la croisade ordonnée par le pape contreLadislas…etsiunetellecroisadepeut tourner«àlagloiredeDieu, au salut du peuple chrétien et au bien du royaume deBohême»…

Lejourdit,unefoulenombreuses’assembla.Undocteurendroitcanonouvrit ladispute en apostrophantHuss après avoirfaitl’apologiedupapeetdesbulles:«Vousêtesprêtre,luidit-il,vousrelevezdupape,quiestvotrepèrespirituel.Iln’yaquedeméchantsoiseauxquisouillentleurproprenid,etCham14fut

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provoquée par l’interruption des ministères ecclésiastiquesgagnait. De plus, l’ordre de s’exiler vint d’en haut : le roiVenceslasluiordonnadequitterlaville.

« Il partit donc, vaincu, accablé, bouleversé. À la fin del’année 1412 – il lui en restait trois à vivre – cet homme dequarante-cinq ans semblait avoir tout perdu. Perduesl’université, les faveurs de la cour, l’influence sur la ville, lesamislesplusintimes,lescollaborateurs,dispersésetpréoccupésdeleurspropresprojet30…»

1.PaulDEVOOGHT,op.cit.,p.196.2. Arminien : hérétique qui n’admet que les preuves de

l’Écriture,nullementcellesdesdocteurs.3.PierreLombard, (v.1100–1160).Théologienscolastique,

appeléleMaîtredessentences. Ilenseigna la théologieàParisdontildevintévêqueen1159.

4.PaulDEVOOGHT,op.cit.,p.201.5.Ilsauraientinterrompupardescrishostiles,chacundans

unedes troiséglisesprincipalesdePrague, lesprédicateursdel’indulgence.

6. Le 11 juillet 1412. L’ordre aurait été donné par le roiVenceslas,quiseseraitécrié:«Décapitez,exécutez,mêmes’ilyenadesmilliers!»

7.ÉmileDEBONNECHOSE,op.cit.,p.151.8. Il est à noter que, depuis environ la moitié du XIVe

SIÈCLE,larévolutionétaitdansl’airunpeupartoutenEurope:ÉtienneMarcel à Paris et Guillaume Caillet avec la Jacquerie(1358) ; Jacques vanArtevelde àGand (1345) ; la révolte despaysansenAngleterre(1381),etc.

9.SaintHildegarde(v.1100–1178),fondatriceetabbessedumonastère de St Rupert, en Allemagne. Elle eut des visions

extraordinaires dont le pape Eugène III l’autorisa à publier lerécit.

10.Entretempsl’archevêqueAlbicus,ayanttirétoutcequ’ilpouvaitdesPragois,venaitdevendresachargeàConrad,évêqued’Olmutz. On a pu dire de cette transaction « que l’acheteurn’enétaitpasplusdignequelevendeur».

11.VoirAnnexeII.12.LettrecitéeparÉmileDEBONNECHOSE,op.cit.,p.160.13.JeanXXIII.14.Materstudiorum,commelerappelleGerson.15. Pierre d’Ailly (1350–1420). Grand maître du célèbre

collège de Navarre, à Paris, il y forma Gerson, entre autresthéologiens. Chancelier de l’Université de Paris, il futl’aumônieretleconfesseurduroiCharlesVI.Ilfitinstituerparle pape Benoit XIII la fête de la Trinité. Cardinal en 1411, ilprésida la 3e session du concile de Constance et soutint lanécessitéd’uneréformationdel’Église.

16.CitéparÉmileDEBONNECHOSE,op.cit.,p.167.17.Àlasuited’untraitéintitulél’AbominationdesMoines.18. En octobre 1520, Luther fera paraitre La Captivité

babylonienne de l’Église, ouvrage dans lequel il refuse à lapapauté tout fondement de droit divin et toute légitimation dedroithumain.

19.Enavril1412.20.Depuisaoût1410.21.«Àéviter».22.CitéparPaulDEVOOGHT,op.cit.,p.225.23. Amené à reconnaitre sa faute avec la volonté de

s’amender.24. Censure ecclésiastique qui enlève aux habitants d’une

ville,d’uneprovinceoud’unroyaumel’usagedessacrements,le

servicedivinetlasépulturereligieuse.Oncontinuaitlebaptêmeauxenfants,laconfessionetleviatiqueauxmourants.

25. Richard FRIEDENTHAL, Hérétique et rebelle, p. 76(Paris,1977).

26.CitéparPaulDEVOOGHT,op.cit.,p.226.27.Ibid.,p.228.28.Aprèsavoirprisconseildedeuxthéologiens:Martinet

NicolasdeMilicin.29.CarHuss avait laissé passer le délai imparti pour faire

connaîtresacontrition.30.RichardFRIEDENTHAL,op.cit.,p.77.

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D

Chapitre10

LESSAUF-CONDUITS,LEDÉPART.LEVOYAGE,L’ARRIVÉEÀ

CONSTANCE.

ès le printemps de 1414, Huss reçut de l’empereurSigismond l’invitation à se rendre au concile, sous sa

protection.Endépitdesmisesengardede sesamis, il accepta,disant

qu’ildésiraittémoignerdesonobéissanceàSigismond,etqu’ilfaisait entièrement confiance au sauf-conduit promis. Ildemandaittoutefoisàl’empereur«defaireensortequ’ilpuisselui, Huss, témoigner de sa foi devant le concile, qu’il soitentenduetexaminéenaudiencepubliqueetqu’ilsoitpermisdeprêcher1».

IlestclairqueJeanHuss,quiconnaîtlahainequeluiportelacoterieromainedeJeanXXIII,apeurd’êtreemprisonné,puiscondamné, sansavoirétéentendu.C’estpourquoi il exigeà lafois de l’empereur une garantie pour sa personne et uneassurancedepouvoirdéfendresacauseetprouversafoi,cequilelaveradeserreursqu’onluiimpute.

*

Huss va donc s’employer à obtenir des documentsgarantissantetsonorthodoxie,etsasécurité.

Ilcommençapardemanderuncertificatd’orthodoxieàl’unde ses ennemis, l’évêque de Nazareth, grand inquisiteur dudiocèse de Prague, et en obtint une attestation dressée par-devant notaire, disant : « Nous faisons savoir à tous par cesprésentes que nous avons souvent conversé avec l’honorablemaîtreJeanHuss,bachelierenthéologiedelacélèbreuniversitédePrague,quenousavonseuplusieursentretienssérieuxavecluisurlessaintesÉcrituresetsurd’autresmatières,etquenousl’avonsreconnupourunbonetfidèlecatholique,netrouvantenluijusqu’àcejournimalnierreur.NousattestonsdeplusqueleditJeanHussadéclaréqu’ilétaitprêtàrendreraisondesafoidevant l’archevêque et son clergé contre quiconque seprésenterait pour l’accuserd’erreuroud’hérésie,maisqu’il nes’est présenté personne pour soutenir l’accusation. En foi dequoi nous lui avons délivré cette lettre scellée de notre grandsceau.DonnéàPraguele30août14142.»

Il sembleque l’inquisiteur«necraignitpasdementir à saconsciencepourfaciliterledépartdeJeanHuss,espérantqu’unefois rendu à Constance, le concile ne laisserait pas échapperl’hérétique3»,cequiseraitparticulièrementmachiavélique.

*

Ayantenmaincetécrit,Hussserenditàl’abbayedeSaint-Jacques,oùlesbaronset l’archevêquedePragueétaientréunispourtraiterdesaffairesduroyaume.Làilsupplia l’archevêquede déclarer hautement s’il l’accuse ou s’il le soupçonned’hérésieet,danslecascontraire,illeconjuredeluidonneruntémoignagepublicdontilpuissefaireutilementusagedanssonvoyageàConstance.

« L’archevêque répond qu’il n’est point à sa connaissancequeJeanHusssoitcoupabled’aucuncrimenid’aucunefaute;il

l’invite cependant à se purger de l’excommunication qu’il aencourue4.»

*

Quelque temps avant son départ, Jean Huss écrivit qu’ilpartait pour le concile pour se justifier : « Afin que, siquelqu’un me soupçonne d’hérésie, il s’y transporte et fassevoir,enprésencedespapesetdesdocteurs,sij’aijamaistenuetenseigné aucune opinion fausse et erronée. Si on peut meconvaincred’avoir enseignéquelquedoctrine contraire à la foichrétienne,jenerefusepasdesubirtouteslespeinesencouruespar les hérétiques, mais j’espère que Dieu n’accordera par lavictoireàdesinfidèles,àdeshommesquioutragentlavérité.»

LEDÉPARTPOURCONSTANCE.

Aumoisd’octobre1414,JeanHussfitsesadieuxàsesamis,à sesdisciples, à sabien-aiméechapelledeBethléem. Il laissaderrière lui son préféré, le fidèle Jérôme. Celui-ci lui dit enpleurant : «Chermaître, sois ferme, soutient intrépidement cequetuasécritetprêché,ent’appuyantsurlesSaintesÉcritures,contre l’orgueil, l’avarice et les autresvicesdesgensd’Église.Sicettetâchedevienttroprudepourtoi,sij’apprendsquetuestombédansquelquepéril,j’irai,jevoleraiaussitôtàtonaide5.»

*

Déjà muni d’un sauf-conduit du roi Venceslas, Jean Hussreçut, peu de temps après s’êtremis en route pourConstance,celuidel’empereurSigismond,ainsirédigé:

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pointd’uneextrêmedifficulté.»Puis se tournantvers lemoine, il l’apostrophaainsi :«Tu

prétendsêtreunsimplefrèredetonordre?Moijetetienspourpleindeduplicité.»Commelemoineserécriait,Husslereprit:«Jeprouveraicequej’avance;lasimplicitérequiertuncertainaccorddel’espritetdeslèvres,delaparoleetdelapensée,etjene vois point cet accord en vous. Votre bouche vous présentecommeunhommesimpleetignorant,maisvotrequestionarduedénote suffisamment un esprit subtil et fort aiguisé. Jem’expliqueraicependantsurcepoint.»

Lemoinel’écouta,leremercia,ets’enalla.

*

Dèssondépart,quelqu’unsedétachaducercledesgardesetdes observateurs qui entouraient Jean Huss, et lui dit que cemoine avait pour nom Didactus, et était considéré comme ledocteur en théologie le plus subtil de la Lombardie. «Hé, ditHuss,quene l’ai-je su ! j’enauraisusédifféremmentavec lui.Plût à Dieu que mes adversaires lui ressemblassent tous, caravecl’aidedeDieuetlesoutiendel’Écriture,jen’encraindraipasun.»

*

Alorsquelanuitapprochait,leprévôtdelacourpontificaledemanda à Jean Chlum de se retirer, et lui dit queHuss étaitdésormaisprisonnier.

1. L’Empire, l’Angleterre, l’Italie du Nord, l’Irlande,FlorenceetMilan…

2.LaFrance,lePortugal,l’Écosse,laCastille,l’Aragon,la

Navarre,leroyaumedeNaples…3.JeanCHÉLINI,Histoirereligieusedel’Occidentmédiéval,

Hachette,1991,p.525.4.DontOttoColonna,lefuturMartinV.5.Le3mai1410.6. Son secrétaire le représentait comme un monstre

d’avarice,d’ambition,d’impudicitéetdecruauté.7.AutrenomdonnéauSchismepapal.8.VoirAnnexeII.9.JeanCHÉLINI,op.cit.,p.528.10.29cardinaux,33archevêques,160évêques,564abbéset

docteurs… On estime que ces clercs avec leurs suitesatteignaientlechiffrede18000à20000personnes.

11.JeanCHÉLINI,op.cit.,p.529.12.RichardFRIEDENTHAL,op.cit.,p.103.13.Ibid.,p.104.14. Pièce d’or, ce qui aurait assuré une audience très

nombreuse!15.PaulDEVOOGHT,op.cit.,p.320.16.Ibid.,p.320.17.Ilfitcependantmettreenprison,pendantquelquetemps,

les procureurs que Huss avait envoyés à la cour papale pourdéfendresacause.

18.PaulDEVOOGHT,op.cit.,p.322.19.PrincipalementMicheldeCausisetlecardinalfrançais

Pierred’Aillyquivenaitd’arriveràConstancele17novembre.20.Histoireecclésiastique, Paris, 1726. Tome 21, p. 214–

215.21.PaulDEVOOGHT,op.cit.,p.326.22.CitéparÉmileDEBONNECHOSE,op.cit.,p.212.23.Ibid.,p.213.24. Décrit par certains comme un « homme insinuant et

rusé.»25. Il était, en fait, professeur d’Écriture sainte et un

théologienaverti.26.CitéparÉmileDEBONNECHOSE,op.cit.,p.214.27.C’estladélicatequestiondel’unionhypostatique.

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réalité6.»Eneffet, l’ensemblede lanation italienne7,menée par ses

cardinaux, se disposait à quitter Constance, ce qui auraitentraînéledépartdenombred’autresPèresconciliaires,etdonclafinduconcile.

Or l’empereurSigismond tenaitessentiellementàceque leconciledeConstancevoielafinduschismepapal,etdoncneseséparepassansêtreparvenuàcerésultat.Dèslelendemaindelafuitede JeanXXIII,« ilparcourt laville à sonde trompe»etdéclarequeleconcilen’estpasinterrompuparlafuitedupape,etqu’ilverserapourledéfendreladernièregouttedesonsang.

Danslemêmetemps, ilfaitrédigeretplacarderentousleslieuxunécritqui«rappelleentermesénergiqueslaconduitedupapeetdesescardinaux(ceuxquil’ontsuividanssafuite),leurmauvaise foi, leurs efforts pour dissoudre le concile ou pourl’entraver8».

Sigismond n’y allait pas de main morte ! Dans le texteaffiché,lepapeétaitaccuséde«tyrannie,desimonieetd’autrescrimes. » Les membres du concile étaient exhortés à le juger« selon ses mérites, et selon ce qui a été pratiqué, avec leconcours des empereurs, dans la déposition de plusieurspapes».

*

Puisl’empereurréunitdesreprésentantsdesnationsdanslacathédrale, et il leur annonça qu’il maintiendrait le concile,coûtequecoûte.Àsademande,quatredéputés9furentenvoyésàSchaffousepoursommerJeanXXIIIdereveniràConstance.

Pour donner plus de poids à cette mise en demeure,Sigismond, devant tous les princes réunis, dénonça l’archiduc

d’Autriche10 comme « traître envers l’empire et envers leconcile » et leur demanda de s’unir pour le soumettre. Cettemenacesuffitpourquel’archiduc« lâche» lepape,etcelui-ciécrivit à Sigismond pour expliquer qu’« il était venu àSchaffouse à l’insu de l’archiduc d’Autriche, non pour sedispenserd’accomplirlaparolequ’iladonnéed’abdiquer,maispourexécutersapromesselibrement».

*

Pour accentuer la pression sur Jean XXIII, les Pèresconciliaires firent appel à Gerson11, en lui demandant deprononcer un sermon démontrant qu’un concile universelpouvait,dansl’intérêtdel’Église,contraindreunpaperebelleetschismatique.

Le23mars1415,Gersonprononçaenprésencedesquatrenationsunsermondemeurécélèbre,surcetexte:

«Marchezpendantquevousavezlalumière,depeurquelesténèbresnevoussurprennent.»

Ils’écriadevantlesPèresconciliairesréunis:« Conservez l’unité de l’esprit par le lien de la paix12.

N’ayeztousqu’unmêmecorpsetqu’uneâme,unseulDieu,uneseulefoi,unseulbaptême.SoyonsunisenChrist,notretête,dequitouslesmembresdépendent,àquitoussontliésetsoumis.»

Aprèsavoirénoncédouzepropositions,dontlesprincipalessontque l’union ecclésiastique se rapporte àun seul chef, quiest Jésus-Christ, et qu’elle se réalise par un chef secondaire,qu’onappellelesouverainpontife,etquiestlevicairedeJésus-Christ,unépouxtellementinséparablequejamaisilnepeutluidonnerdeslettresdedivorce,alorsqu’aucontrairel’Églisen’estpastellementliéeaveclevicairedesonépouxqu’ilnepuissese

séparer13.Il continue : « L’Église, ou le concile général qui la

représente,estunerègledirigéeparleSaint-EspritetdonnéeparJésus-Christ, afin que tout homme, fût-il pape, l’écoute et luiobéissesouspeined’êtreregardécommeunpaïenetcommeunpublicain. L’Église ou le concile peut, en plusieurs cas,s’assemblersansunexpressconsentementoucommandementdupape, lors même qu’il serait canoniquement élu et vivraitrégulièrement.Cescassontlessuivants,savoir:silepapeétantaccusé et mis en cause, refuse opiniâtrement d’assemblerl’Église,(leconcile);si,unconcilegénéralayantdécidéqu’unautreconcileseraittenuàuneépoquedéterminée,lepaperefusede le convoquer ; enfin s’il y a schisme ou concurrence entreplusieurspapes14.»

PuisGersontermineainsi:«L’Égliseouleconcilegénéraldoitpoursuivrel’extirpation

de l’erreur et la correction de ceux qui s’égarent15, sans faireaucune(exception)depersonnes;elledoitréformerl’ordreetlahiérarchieecclésiastiquesur lemodèlede lahiérarchiecéleste,en se conformant aux anciennes règles, et l’Église n’a aucunmoyen plus efficace pour atteindre ce but que de prescrire lacontinuation des conciles généraux, sans omettre lesprovinciaux16.»

LAPOSITIONDESTHÉOLOGIENSPARISIENS.

L’universitédeParisadressadeuxmémoiresauconcile.Lepremieraffirmaitque«l’Égliseestplusnécessairequelepape;parcequ’onnesauraitsesauverhorsdel’Église,etqu’onpeut

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À la quasi-unanimité, ces deux articles furent déclaréshérétiquesettéméraires17.

*

Puis les Pères conciliaires se tournèrent vers l’examen dedeuxarticlesdeWiclifqu’ilsestimaientcontrairesàlamajestédivine:

1.Touteschosesarriventparunenécessitéabsolue18.2.Dieudoitobéiraudiable.Cesdeuxarticlesfurentcondamnésàl’unanimité.Le concile confirma ensuite les condamnations de

l’ensembledesquarante-cinqarticles,prononcésàOxfordet àRome.«Défense fut faite, souspeined’anathème,d’enseignerces articles, de lire oudegarder les livresqui les contenaient,d’en parler même, à moins que ce ne fût pour rappeler leurcondamnation ; il fut ordonné de jeter ces livres dans lesflammes19.»

Enfait,lesPèresduconcile,encondamnantWiclif,venaientde condamner Jean Huss, avant son procès. « S’ils remuèrentd’abordlescendresdecelui-ci(Wiclif),cefutpourarriverplussûrementàétouffercelui-là(Huss).»

LACITATIONÀCOMPARAÎTREDEJEANXXIII.

Le5mai1415,l’empereurSigismondréunituneassembléede prélats et d’ambassadeurs à qui il déclara qu’il trouvaitdifficile de faire grâce au duc d’Autriche20. Les députés luirépondirentqu’ilnes’agissaitpasd’unepaixd‘égalàégal,mais

d’unegrâcequedemandaitunvassal.Sigismond se rendit à cet avis, et quatre prélats allèrent

chercher leduc.Celui-cise jetaauxpiedsde l’empereuret luidemandapardond’avoiroffensé lamajesté impériale, ilpromitderamenerJeanXXIIIàConstance.

Le concile prit alors toutes les mesures nécessaires pourfaire revenir lepape. IldéputaàFribourg21 lesarchevêquesdeBesançonetdeRigapourengagerlepapeàrevenir, lesfaisantaccompagnerpartroiscentshommesd’armes.

Unefoisenprésencedupape,lesprélatsluidemandèrentdevenir avec eux au concile où il était cité, pour se défendrepubliquement dans la neuvième session. Jean XXIII réponditqu’ilétaitprêtà lessuivre,maisessayadegagnerdu tempsennégociantlonguementlesdétailsdesonretour.

*

La neuvième session se tint le 13mai.Après lamesse, unpromoteurduconcile se levaetdemanda«qu’enconséquencede la citation faite au pape Jean XXIII, puisqu’il necomparaissait pas, ni personne de sa part, on continuât à luifaire son procès, et que l’on nommât des commissaires pourl’instruire22».Ilditqu’onnepouvaitsedispenserdesuspendrece pape de toutes les fonctions du pontificat, après qu’onl’aurait encore appelé une fois aux portes de l’église, selonl’usage.

CommelecardinaldeFlorenceprotestait,disantquelepapeavait écrit à trois cardinaux23, les nommant ses procureurs etleur demandant de comparaître à sa place au concile et derépondreauxaccusationsportéescontre lui, lespromoteursduconcileripostèrentque,s’agissantd’unecitationpersonnelle,il

fallait comparaître en personne et non par procureur, et quepuisqueJeanXXIIIavaitnommédesprocureurs, lacitation luiétaitconnue,etparconséquentilétaitcontumace24.

Les Pères conciliaires nommèrent alors deux cardinaux etcinq prélats pour appeler le pape par trois fois à la porte del’église;commeJeanXXIIInecomparutpas,ondressal’actedecette citation, et l’on nomma vingt-trois commissaires pourentendre les témoins, recevoir leurs serments et instruire leprocès25.

*

Danslemêmetempsl’empereurcommuniquaauconcileunebulle de Grégoire XII26, par laquelle ce pape confirmait sadémission27etdéclaraitadhérerauconciledeConstance.

*

La dixième session se tint le 14 mai 1415, avec lescérémonies accoutumées. L’évêque de saint Flour y chanta lamesse, puis on résolut, sur les nouvelles instances despromoteurs, de déclarer contumace JeanXXIII, « faute d’avoircomparuaprèslacitationetlestroisproclamations».

Puis les commissaires, citant les dépositions des témoins,direntqu’ilétaitsuffisammentprouvéque«JeanXXIIIétaitundissipateur des biens de l’Église, simoniaque, scandaleux, etperturbateur de la foi ; et que comme tel il devait être déclarésuspensdugouvernementdel’Église,tantàl’égardduspirituelqu’àl’égarddutemporel».

Leconcileledéclaraensuite«privédel’administrationdesbiens de l’Église, et fit défense de lui obéir, (se) réservant àprocédercontreluipourledéposerentièrement».

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parl’usage.Onluiinterditalorsdecontinuer.

*

Lesaccusateursévoquentensuite lesdésordresàPragueenmai 1411, et rappellent qu’il y eut des révoltes dont lesprédications scandaleuses de Huss étaient la cause. « Desmeurtres, des rapines, des sacrilèges furent commis avec lacomplicitédeHussetdesesamis27.»Hussréponditqueleseulcoupable était l’archevêque Zbynek qui avait frappé la villed’interdit, puis s’était enfui avec le trésor de la cathédrale,accompagnédeplusieursprélatsetclercs.

On lui demande comment il peut dire qu’il est venu àConstance librement, c’est-à-dire parce qu’il l’a bien voulu.Prétend-ilquepersonneaumonden’auraitpul’yforcer?Hussrépond:«Maisoui,j’aidéclaréêtrevenudemaproprevolonté.Si j’avais refusé de venir, il y a en Bohême des seigneursnombreuxetdelaplushautequalitéquimesontdévoués.Dansleurs châteaux j’aurais pu me réfugier et rester caché de tellesortequ’aucunroin’auraitpumeforceràvenirici28.»

Àcetteréponselecardinald’Aillys’étrangled’indignation,et lui dit, d’un ton patelin : « Maître Jean, il n’y a paslongtemps, dans votre tour (sa prison), vous disiez que vousétiez prêt à vous soumettre au jugement du concile. Je vousconseille doncdenepas vous empêtrer dansvos erreurs,maissoumettez-vous à l’examen et à la correction du concile. Et leconcilevoustraiteraavecmiséricorde29.»

Enfinl’empereurSigismondintervintlonguement:« Écoute-moi, JeanHuss, lui dit-il… Je te donne icimon

témoignage… que je t’ai accordé le sauf-conduit avant mêmequetunefussespartidePrague…J’aivouluque,venantdeton

propremouvement à Constance, tu n’y sois pasmolesté,maisquetupuissesrépondredetafoienaudiencepublique.C’estcequi a été fait.Une audiencepublique, pacifique et honnête t’aété accordée, et j’en remercie les Pères du concile, bien quecertainsmedisentquejen’avaispasledroitdedonnerunsauf-conduit à un hérétique ou à quelqu’un qui est suspectéd’hérésie.

Maintenant,toutcommeleseigneurcardinal(d’Ailly),jeteconseilledenepas t’obstiner.Entoutcequiestprouvécontretoietque tuasreconnu,remets-toià lagrâceduconcile.Pournotre honneur à tous… les Pères ne te traiteront pas tropdurement et tu feras pénitence pour tes erreurs. Mais si tut’obstines,lesPèresn’hésiterontpassurcequ’ilsaurontàfaire.Je leur ai dit que, pour ma part, je ne veux défendre aucunhérétique.Aucontraire.Si quelqu’un semontrait obstinédansl’hérésie, je serais prêt à allumer moi-même le bûcher et à lebrûler.Et je teconseilleraisde t’enremettrecomplètementà lagrâceduconcile.Leplusviteseralemieux30…»

Huss remercia Sigismond de son sauf-conduit, puis ilajouta:«QuevotreGrandeursérénissimesachequejesuisvenulibrement ici,nonpourdéfendreobstinémentquoiquecesoit,mais pourme corriger humblement, après avoir appris que j’aifaitfausseroute31…»

Lasecondeaudiencesetermineainsi,etHussfutremisentrelesmainsdel’archevêquedeRigapourêtreconduitenprison.

*

LecardinaldeViviers,présidentduconcile,luifitparvenirun formulairede rétractationainsi conçu :«Moi JeanHuss…outre les protestations que j’ai déjà faites et auxquelles jemetiens,jeprotestedenouveauquequoiqu’onm’imputebeaucoup

de choses auxquelles je n’ai jamais pensé, je me soumetshumblement à la miséricordieuse ordonnance, décision etcorrection du sacré concile, touchant toutes les choses qu’onm’aobjectées,etqu’onatiréesdemeslivres,ouenfinprouvéespardépositionde témoins,pour lesabjurer, révoquer, rétracter,et pour subir la pénitencemiséricordieuse du concile, et fairegénéralement tout ce que sa bonté jugera nécessaire pourmonsalut, me recommandant à sa miséricorde avec une entièredévotion32.»

JeanHuss, ayant lu ce formulaire, refusa de s’y soumettrecar, dit-il, il ne pouvait abjurer sans mentir, puisque c’étaitconfesser qu’il avait enseigné des erreurs, ce dont il neconvenaitpas,etquec’eûtétéscandaliserlepeupledeDieu.

1.Bienquecesarticleseussentdéjàétélusenpublicpourmotiver la suspension de JeanXXIII, il importait de les reliredevantl’ensembledespèresconciliairespourlesameneràvotersadestitution.

2.Histoireecclésiastique,op.cit.,t.21,p.292.3.Ibid.,p.293.4.ÉmileDEBONNECHOSE,op.cit.,p.295.5. Qui était devenu, de fait, son prisonnier, depuis la

soumissiondeFrédéricd’AutricheàSigismond.6.CitéparÉmileDEBONNECHOSE,op.cit.,p.297.7.Le29mai1415.8.JeanXII,31.9.MartinPorée.10.CitéparÉmileDEBONNECHOSE,op.cit.,p.298.11.Ibid.,p.299.Ilnerestaitdoncplusqu’unpapeparmiles

trois responsables duGrand Schisme d’Occident, Benoît XIII,réfugiéenEspagne.RappelonsqueGrégoireXII,déposéparleconciledePiseen1409,avaitenvoyésonabdicationauconcile

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21.Citéparibid.,p.448.22.Ibid.,p.449.23.Afinquelecorpsdupéchésoitdétruit.24.Histoireecclésiastique,op.cit.,p.333.25.Ibid.,p.334.

L

Chapitre17

LADÉGRADATION,LEBÛCHER.

es sept évêques qui avaient été nommés pour procéder àcettedégradationordonnèrentàJeanHussdeserevêtirde

seshabitssacerdotauxetdeprendreuncalice.Étantainsivêtu,lesprélats l’exhortèrentencoreunefoisàserétracterpoursonsalut et pour son honneur,mais il déclara qu’il ne voulait passcandaliserlespeuplesparuneabjurationpleined’hypocrisieetd’impiété,etproclamaànouveausoninnocence.

Alors les évêques lui enlevèrent le calice des mains, endisant:«Judasmaudit,pourquoias-tuabandonnélepartidelapaixetas-tuforgédesprojetsaveclesjuifs?Noust’enlevonslecalice de la rédemption1. » Huss répondit : « Je mets maconfiance en Dieu, notre Seigneur tout-puissant. Je supportepatiemmentceblasphèmepoursonnom.Ilnem’enlèverapaslecalicedelarédemption.J’espère,aucontraire,quejeboiraiavecluiaujourd’huimêmedanssonroyaume.»

Lesseptévêquesluiarrachèrentalorschacundesornementssacrés, prononçant une malédiction à chaque pièce enlevée.Hussleurditqu’ilsupportaithumblementcesblasphèmespourl’amourduSeigneurJésus-Christ.

Unediscussions’élevaensuiteentrelesévêques:commentfallait-ilprocéderàlasuppressiondelatonsure?

Les uns veulent lui raser complètement la tête, les autressoutiennent que quelques coups de ciseaux suffiront. Huss setournealorsversSigismond,etluidit:«Voyez,lesévêquesne

savent même pas comment se mettre d’accord dans leurprofanation.»

Les manieurs de ciseaux l’emportent et, pendant qu’ilstailladent la tonsure des deux côtés, puis par-devant et par-derrière, ils récitent : « L’Église lui a enlevé tous les droitsecclésiastiques. Elle ne peut plus rien pour lui. Il doit êtreabandonné au bras séculier. » S’adressant alors àHuss, ils luidisent : « Nous confions ton âme au démon. » Huss leurréplique : «Moi, je la confie au trèsmiséricordieux SeigneurJésus-Christ.»

*

On apporte une haute mitre en papier sur laquelle sontpeintstroisaffreuxdémonsquisedisputentl’âmeducondamné,et une légende : « Celui-ci est hérésiarque. »Huss se récrie :« Pour moi, misérable, mon Seigneur Jésus-Christ a daignéporter jusqu’à lamort laplushonteuse,unecouronned’épinesplusdureetpluslourdequecelle-ci.Poursonnometsavérité,je veux porter, misérable pécheur que je suis, cette couronnebienpluslégèremaisblasphématoire.»

*

Ilrestaitàaccompliruneformalité.Unévêquesetournaversl’empereur et lui demanda d’épargner la vie du condamné2.Sigismondneréponditpas,maisordonnaaucomtepalatin3derecevoirHussdesmainsdesévêques; lecomteappelalebaillideConstanceet luidit :«Prenezl’hérétique.Selonl’ordreduroi(l’empereur,roidesRomains)et lemien,qu’ilsoitbrûlé.»Lebaillileremitàdesgardes,ordonnant:«Emmenez-le.Qu’ilsoitbrûlé…»

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de Bohême. Huss et Jérôme devinrent des martyrs. « On leurconsacradeséglises,onleurdressadesstatues28.»

La première réaction des révoltés fut : l’honneur de laBohême est atteint ! Tous, nobles, chevaliers, bourgeois,universitaires, protestèrent et commencèrent à se rassemblerautourdelacommunionsouslesdeuxespèces,quiallaitdevenirlecentredegravitédelarévoltehussite.

LECALICEDEVIENTUNSYMBOLE.

Dès1412,undesdisciples29deJeanHussavaitproposédefaire revivre la coutume d’administrer l’Eucharistie sous lesdeux espèces30 car, disait-il, on ne voit dans les Écrituresaucuneallusionàuneséparationdupainetduvin.Ilestécrit:«Ceci estmon corps, ceci estmon sang,mangez et buvez enmémoire de moi. » Ni les apôtres, ni l’Église primitive neconnaissaientlaséparationdesespèces.

Or,continuait-il,c’étaitlahiérarchiedel’Églisequiavaiteucette idée,afindeconférerunesituationprivilégiéeauclergé :«D’uncôtélecalice,réservéauxseulsprêtres,del’autrelepainpourleslaïcs,lepeuple31.»

*

Jean Huss avait donné son accord et, après sa mort, leshussitesnetardèrentpasàproclamer:«VoyezcommentonvousrefuseleprécieuxsangduChrist!Commeonvousenpriveaumépris des commandements du Christ ! Comme on veut vousréduire à une position subalterne : vous devez perdre bienhumblement ce qu’on vous donne, une moitié seulement,

presqu’uneaumône,unemiettedeladivinemunificence32!»Les canonistes de l’Église ripostèrent en affirmant que le

corps du Christ était présent tout entier dans le pain commedanslevin,etqu’ilfallaitcraindre,encasdecommunionsousles deux espèces, que quelques gouttes du vin consacré netombentàterreetsoientainsiprofanées.

Refusant cette réponse, Jakoubek déclara : « Non, c’estindispensable pour le salut ; sans le calice, l’Eucharistie n’estpascomplète.»

*

La réponsedu concile fut brutale, il ordonna l’interdictiondu calice sous peine de sanctions sévères allant jusqu’àl’excommunicationetsuspenditl’universitédePrague,déclarantsestitresetdiplômessansvaleuretinterdisantsescoursàtouslesfidèles.

L’université réagit en donnant ordre aux curés desservantsfavorables à Jean Huss d’introduire le calice comme uneinstitution légitime. Maître Jakoubek se lança dans la mêlée,exigeant le calice et prônant quelques principes tels que laprédicationdeslaïcsetlanégationdupurgatoire.

*

Un moine prémontré, Jan Zelivsky, se montraparticulièrement virulent. Prêchant dans les églises hussites, iltenaitdesproposenflammés:«Àbasl’autoritésoustoutessesformes!Pasdecompromisavec lacouret leséchevins !Finislesscrupulesetlesréservesdesprofesseursquiseperdentdansles finasseries scolastiques… Finies les graves disputesacadémiques sur la guerre : est-elle permise ? n’est-elle pas à

proscrirepourlesclercs33?»Non ! répondait-il, la guerre du peuple est toujours

justifiée ! Il citait l’Écriture :«Montagnesd’Israël, écoutez laparole duSeigneurYahvé : voici que je fais venir contre vousl’épée et je détruirai vos hauts lieux, et vos autels serontdévastésetvoscolonnesbrisées,etjeferaitombervoshommesfrappés à mort devant leurs idoles », puis apostrophait sonauditoire:«LeSeigneurarépandusacolèrecommeunfeusurSion,etilenirademêmepournotrevilledePrague!»

De la prédication, Jan Zelivsky ne tarda pas à passer àl’action, organisant des processions qui se joignaient auxfauteurs de troubles pour détruire des statues de saints, briserdesvitrauxetpillerdesbiensd’Église.

*

Peuàpeu,unmotd’ordrecirculaparmilespartisansdeJeanHuss : « Gravissons les montagnes ! Sur les montagnes nousseronsplusprèsdeDieu, laTransfiguration34n’a-t-ellepaseulieusurleThabor35?»

Lesfondateursserassemblèrent,pourlapremièrefois,versPâques 1419 « sur une certaine montagne qu’ils appelèrentTabor36».

Unchroniqueuraécrit:«Ilsseretirèrentavecleursfidèlessurunemontagneausommetaplatietlàilsdressèrentdestentesdetoileàlamanièred’unechapelle.Ilsycélébrèrentl’officeetdonnèrentlacommunionaupeuple…quandilseurentfini…ilsretournèrentchezeux…ilsappelèrentlamontagneTabor,aprèsquoilesparticipantsdevinrentlestaborites37.»

*

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d’unepart,celuidesTaboritesetdesOrphelinsd’autrepart;lesdeux armées tchèques s’avancèrent l’une contre l’autre et serencontrèrentle30mai1434,prèsdeLipany.

*

Lescombatsacharnésdurèrenttoutelajournéeetunepartiede la nuit. Ils se terminèrent par unevictoire totale de l’arméedesnobles ; lesdeuxProcopefurent tués,et lesvainqueursnefirentpasdequartier.LesprêtresTaborites furentpassésaufildel’épée,ainsiquelaplupartdesprisonniers28.

*

La défaite de Lipany marque la fin des guerres hussites.Sigismond reprit la couronne de roi deBohême et conclut unaccord,enjuillet1436,aveclesPèresconciliaires.Le12juillet,enprésencede l’empereur,quatreprêtres représentant leclergédeBohême,promirentd’obéiràl’Égliseromaine.Lelendemainils furent absous de l’excommunication et autres censures, etfurentadmisàcélébrerlamesseaveclesdéputésduconcile.

*

« Ainsi finirent les guerres civiles et de religion toutensemble, qui avaient ravagé pendant vingt-deux ans entiers leroyaume de Bohême, les provinces qui y étaient annexées…L’empereurSigismondfituneentréemagnifiqueàPraguedanslemoisdeSeptembre…ilreçut,surunetribunedresséedanslaplace publique, les soumissions de tous les ordres duroyaume29.»

*

Peudechosessubsistèrentdumouvementhussite.En1445un certain Jean Diandorf, un noble saxon qui prêchait lesdoctrinesdeJeanHuss,futbrûlévifàWorms.FrédéricReiser,unévêquetaborite,quienseignaitlesmêmesidéesenSilésieetenSuisse,futbrûléàStrasbourgen1458.Mentionestfaite,en1461,del’existenced’unecommunautéhussitedanslediocèsedeGichstadt.

Le hussisme allemand, qui continua ici ou là, est plusmodéré que son parent tchèque. Il se contente de nier latranssubstantiation, les excommunications ecclésiastiques, lesindulgences, le culte des saints, les pèlerinages, et le pouvoirtemporelduclergé.OnpeutaffirmerquelehussismeallemandaouvertlavoieàLutheretauProtestantisme.EnfaitHussaétéleprécurseur,apréparéleterrain,enrichilesol,pourLuther.

1.CitéparRichardFRIEDENTHAL,op.cit.,p.226.2.Idem.3.Voirl’annexeII.4.Nationalistes, ils jurèrentde sepasserd’unsouverainet

d’étendre leur communauté à toute la Bohême. Ils allaient aucombat en chantant : « Ne crains pas l’ennemi, aie ton Dieudanstoncœur,combatavecLuietpourLui…»

5.RichardFRIEDENTHAL,op.cit.,p.233.6.Ibid.,p.235.7.Cinqbarons,quatrebourgeoisdePrague,deuxTaborites,

cinqchevaliersetquatrereprésentantsdesautresvilles.8.RichardFriedenthal,op.cit.p.236.9.Unprêtrehussite,quiétaitdevenuundictateurdefaitde

laville.10. BenitoMussolini, p. 137. Traduction de l’auteur.Voir

AnnexeII.11.BenitoMussolini,op.cit.p.138.Traductiondel’auteur.12.BenitoMussolini,op.cit.p.138.Traductiondel’auteur.13. On les appelait les Deux Procopes. L’un (Procope le

Grand)commandait auxTaboriteset l’autreauxOrphelins (lespartisansdeZiska).ProcopeleGrandavaitétéaide-de-campdeZiskaquil’avaitsurnommél’HerculedelaBohême.

14.AlafrontièreouestdelaBohême.15.RichardFriedenthal,op.cit.p.256.16. Dans la région de Tachov, où les troupes de la 4e

croisadeavaientétédéfaitesparleshussites.17.RichardFRIEDENTHAL,op.cit.,p.260.18.Ibid.,p.261.19.Idem.20.VoirAnnexeV.21.SuccesseurdeMartinV,mortle20février1431.22.Quiavaitétéàlatêtedelacinquièmecroisade.23.ElleétaitmenéeparProcopeleGrand,etarrivaàBâlele

4janvier.24.EneaSILVIO,citéparRichardFRIEDENTHAL,op.cit.,p.

262.25.Histoire religieuse de l’Occidentmédiéval,op. cit., p.

548.26.LebaronMaynard,seigneurdeMaison-Neuve.27.RichardFRIEDENTHAL,op.cit.,p.264.28. Il n’y eut que700prisonniers, alors que le chiffre des

mortsTaboritesetOrphelinssemontaàplusde10000.29.Histoireecclésiastique,op.cit.,t.22,p.138.

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2.ThéoriequereprendrontLuther,etplusencoreCalvin.3. Jacques LENFANT (1661–1728). Ministre protestant.

Auteurd’uneHistoireduconciledeConstance(1714).4.Depernicietraditionumhumanarum.5.Deadorationeetcontraimaginumadorationem.6. Il est à noter que Luther trouvera cette doctrine « trop

relâchée».7.Lutherdira :«Pour lepurgatoire, jecroisquec’estune

chosefortincertaine.»8. À la différence de Calvin qui les rejettera tous, sauf le

baptêmeetlaCène.9.TraitésurlessacrementsducorpsetdusangduChrist.10. BERANGER (998–1088). Archidiacre d’Angers. Ayant

attaquélesmystèresdel’Eucharistieetdelatranssubstantiation,ilfutcondamnéparlesconcilesdeToursetdeParis,puisparleconciledeRome(1079).Ilserepentitetabjurasonerreur.

11.Le9 septembre1411.Rappelonsquedeuxprétendantsse disputaient le royaume de Naples : Louis II d’Anjou etLadislasdeHongrie.Lepapes’étaitdéclarépourLouisII,alorsqueLadislasétaitlefavoridel’anti-papeGrégoireXII(onétaitalorsenpleinschismepapal).

12. Qui appelaient à une croisade contre Ladislas etpromettaientdesindulgencesauxparticipants.

13. Jean-Laurent de MOSHEIM (1694–1755). Célèbrethéologien protestant, chancelier de l’Université de Göttingen.AuteurdeInstitutioneshistoriaeecclesiasticae.(1755).

14. Les réalistes étaient des philosophes scolastiques quiformaient une école opposée à celle des Nominalistes. Lespremiers confondaient les notions absolues avec les idéesgénéralisées et abstraites, et soutenaient que toutes, sansdistinction,représentaientuneréalité,subsistanteenelle-même,endehorsdel’espritetdesobjets.LesNominalistesnevoyaient

dans toutes ces notions que de pures abstractions, des noms.Condamné au concile de Soissons (1122) leNominalisme futréhabilité au XIVe SIÈCLE par Guillaume d’Occam. Parmi lesprincipaux Nominalistes on peut citer Jean Buridan, Pierred’AillyetGerson,lesdeuxderniersétantprésentsauconciledeConstanceetennemisjurésdeHuss.

15. Jacques LENFANT (1661–1728). Ministre protestant,chapelain de l’électrice douairière de Heidelberg (1684). IlécrivituneHistoireduConciledeConstance.(1714).

L

Chapitre21

LATHÉOLOGIEDELUTHER.CEQU’ILPENSAITDEJEANHUSS.

Nous devons nous en tenir au Verbe révélé parl’Évangile…

(Luther)

a théologie de Luther est essentiellement basée sur unelecture fondamentaliste1 des Écritures. La Bible ! La

Bible ! répétait-il en seprésentantcommeunsimple interprètede l’Écriture Sainte. Il se réfère sans cesse au témoignagebiblique, et aux commentaires, en fait son combat, tant contreRomequecontresesadversairesprotestants.

Il disait : « Approfondir le sens des divines Écritures estchose impossible ;nousnepouvonsqu’eneffleurer la surface,en comprendre l’esprit serait merveille… que les théologiensdisentetfassenttoutcequ’ilsvoudront:devinerlemystèredela parole divine sera toujours une tâche au-dessus de notreintelligence ; ces paroles sont le souffle de l’Esprit de Dieu,doncellesdéfientl’intelligencedel’homme2…»

*

Si Luther revenait sans cesse « aux Écritures et à ellesseules»,repoussantlaTradition,c’est-à-direlesinterprétationsdesPères, lesdécisionsdesconcilesetdespapes, ilpratiquait

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GrèveetchanoinedeNotre-Damequandilfutappelé,en1392,à succéder à son maître, Pierre d’Ailly, dans les fonctions dechancelierdel’Université.

Il tenta de bannir la scholastique des études universitairespourlaremplacerparunesciencevivante,combattitl’astrologieet s’opposa à l’invasion des doctrines mystiques. Il voulaitqu’on instruisît le peuple, et composa à l’usage des simplesgens,despetitstraitésenfrançais.

Il fut député au concile de Pise, qui tenta sans succès demettrefinauschismepapal.

Envoyé plus tard au concile de Constance, il y soutintl’autoritéduchefdel’Églisecontrel’hérésiedeJeanHuss.

Après le concile, il se retira en Bavière, puis rentra enFrance (1419)et finit ses joursauprèsde son frère,prieurdesCélestinsàLyon,s’occupantd’écrire.

LOLLARDWalter(finduXIIIe-1322)Hérésiarque anglais, il enseignait que les démons, chassés

injustementduciel,yreviendraientunjour,etquesaintMichelet les autres anges seraient damnés éternellement. Il nereconnaissait pas les cérémoniesde l’Église, l’intercessiondessaintsetl’utilitédessacrements.

Il se choisit douze apôtres qu’il chargea de parcourirl’Allemagnepourentretenir lezèledesespartisans.Arrêtéparordredel’Inquisition,ilfutbrûléàCologne.

Les Lollards, persécutés en Allemagne, passèrent enFlandre, puis en Angleterre, où ils se réunirent plus tard auxsectateursdeWiclif.

MUSSOLINI,Benito(1883–1945)Hommepolitiqueitalien.Instituteur,maçon,puisjournaliste

et militant socialiste. Il préconise en 1914 une politiquenationalisteetmilitariste.AprèslaPremièreGuerremondiale,ilfonde lesFaisceaux italiens, noyauduparti fasciste (1919). IlconvaincleroiVictor-EmmanuelIII,aprèslamarchesurRome,de lui confier le gouvernement (1922). Après le succès desfascistes aux élections de 1924, il se fait octroyer les pleinspouvoirs,(1925),devenantleDuce.

En1929,ilsigneavecleVaticanlesaccordsduLatranquilui attirent la reconnaissance des catholiques. Il conquiertl’Éthiopie (1935–1936), se brouille avec les démocratiesoccidentales, et se rapproche de Hitler avec lequel il formel’AXE Rome-Berlin (1936). En 1940 il lance l’Italie dans laguerreauxcôtésde l’Allemagnenazie. Ilest fusillé le28avril1945.

NOTE:Ilestl’auteurd’unJohnHuss,publiéàNewYork,en1929,traductiondel’originalenitalien,de1923.

JÉRÔMEDEPRAGUEDisciple de Jean Huss ; il étudia à Paris, à Cologne et à

Heidelberg.Hérétique,d’unespritsubtil, ildéfenditsonmaîtreauConciledeConstance(1415),abjurauninstantsesopinions,puis recommença à les prêcher. Il fut brûlévif àConstance en1416.

*

Caractèreaudacieuxettéméraire,vasteintelligence,parole

éloquente et emportée, ces avantages et ces défauts setrouvaientréunisenJérôme,l’undeshommeslespluséminentsde son siècle. Il avait étudié à Oxford et soutenu des thèsesbrillantes à Paris contre Gerson, ainsi que dans les pluscélèbresUniversitésde l’Europe. Iln’attenditpas jusqu’àsonretour en Bohême pour se signaler par une vive oppositioncontre l’Église romaine. Emprisonné à Vienne comme fauteurdeWiclif et délivré à la requête de l’université de Prague, ilvint retrouver JeanHuss dans cette ville, et ne garda bientôtplus de mesure à l’égard du pape et des cardinaux. Entreautresproblèmesilproposaithautementcelui-ci,savoir:si lepape avait plus de pouvoir qu’un autre prêtre, si le pain del’EucharistieoulecorpsduChristavaitplusdevertudanslamessedupontiferomainquedanscelledetoutautreofficiant.Un jour, Jérôme et quelques amis représentèrent sur unemuraille,d’uncôté, lesdisciplesduChristsuivant,piedsnus,leurmaîtremontésuruneânesse,etdel’autreilspeignirentlepape et les cardinaux en grand appareil, sur des chevauxsuperbes et précédés, suivant l’usage, de tambours et detrompettes. Ces peintures furent exposées en public, et l’onconçoit l’effet qu’elles durent produire sur une multitudeardenteetexaltée.Onassurequ’unautrejourcemêmeJérôme,discutant avec un moine et irrité d’une opposition trop vive,poussa la violence jusqu’à jeter son interlocuteur dans laMoldau. Le moine gagna la rive. « Mais, dit le naïfchroniqueur, il se trouva qu’il avait perdu le fil de sesarguments, et il futhorsd’étatdepoursuivre ladiscussion.»Tel était Jérôme de Prague, en qui ses contemporains ontreconnuunepuissanceintellectuellesupérieureàcelledeJeanHuss;maiscelui-ci,parsesmœurs,parsoncaractère,parsapiété,avaituneautoritésigrandequeJérômeensubittoujoursl’ascendant ; JeanHuss était lemaître, Jérôme ledisciple, et

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indulgencespapales

Chapitre8LestroublesàPrague,luttesetcontroversesautourduwiclifisme.L’excommunicationmajeure.LetraitédesSixErreurs

Chapitre9L’exil.Letraitésurlasimonie.Synodeetcolloques.LesremouscontinuentàPrague

Chapitre10Lessauf-conduits,ledépart,l’arrivéeàConstance

Chapitre11LeconciledeConstance.ArrivéedeJeanHuss.Sonarrestation.Premiersinterrogatoires

Chapitre12Laprison,lesinterrogatoires;lerecoursàl’empereur,sonarrivée.Luttedupapeetdel’empereur.ÉvasiondeJeanXXIII

Chapitre13LesinterrogatoiresdeHusscontinuent.Sanouvelleprison.Actesduconcileetdel’empereurcontrelepape.DiscoursdeGerson,positiondesthéologiensparisiens.NouvellefuitedeJeanXXIII.Lesarticlesduconcile

Chapitre14LaprisondeJeanHuss.ArrivéeàConstancedeJérômedePrague.Sonarrestation.LacondamnationdesoeuvresdeWiclif.LacitationàcomparaîtredeJeanXXIII.Sadéposition

Chapitre15LeprocèsdeJeanXXIII.Sacondamnation.LeprocèsdeJeanHuss

Chapitre16Leprocès(suite).Lescondamnations

Chapitre17Ladégradation,lebûcher(6juillet1415)

Chapitre18ProcèsdeJérômedePrague,désordresàPrague.Sonexécution.BouleversementsenBohême.Lecalicedevientunsymbole.LesTaborites.Ladéfenestrationdeséchevins,(1419)

Chapitre19Lesguerreshussites,(1420–1434).LeconciledeBâle.LaGuerrecivileenBohême,(1434)

Chapitre20LesdoctrinesdeJeanHuss.Lescausesdesacondamnation

Chapitre21LathéologiedeLuther.Cequ’ilpensaitdeJeanHuss

AnnexesI.ChronologieII.CourtesbiographiesIII.QuelquesrepèreshistoriquesIV.Lesquarante-cinqarticlestirésdesœuvresdeWiclifV.LeconciledeConstance,leconciledeBâleVI.Les39articlesextraitsdesœuvresdeJeanHuss

Bibliographie

Achevéd’imprimersurlespressesdel’imprimerie

endécembre2013N°d’imprimeur:XXXXX

dépôtlégal:janvier2014ImpriméenFrance

CompositionetmiseenpagesréaliséesparCompo66–Perpignan

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