Guernica Mythe et Histoire

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Guernica, mythe et histoire, l’histoire comme mythe

Iveta Slavkova, Paris I Panthéon-Sorbonne

UTL, La Rochelle

Pablo Picasso, Guernica, 1937. Huile (vinylique mat Ripolin) sur toile, 349,3x 776,6 cm. Madrid, Museo nacional Centro di arte Reina Sofia.

Pablo Picasso, Cartes à jouer, verres, bouteille de rhum: « Vive la France », 1914-1915. Huile et sable sur toile, 54,2 x 65,4 cm. Collection particulière.

Pablo Picasso, Femme au chapeau en forme de poisson, 1942. Huile sur toile, 100 x 81 cm. Amsterdam, Stedelijk Museum.

Pablo Picasso, Chat et oiseau, 1939. Huile sur toile, 97 x 129 cm. New York, collection particulière.

« Je n’ai pas peint la guerre parce que je ne suis pas le genre de peintres qui va, comme un photographe, à la quête d’un sujet. Mais il n’y a pas de doute que la guerre existe dans les tableaux que j’ai faits alors ».

Dans Antonina Vallentin, Picasso,

Paris, Albin Michel, 1957, p. 355.

Pablo Picasso, Le Charnier, 1945. Huile et fusain sur toile, 199 x 250 cm. New

York, MOMA.

Pablo Picasso, Massacres en Corée, 1951. Huile sur contreplaqué, 110 x 120 cm. Paris, musée Picasso

Les qualités intrinsèques

- bombardement de Guernica le 26 avril 1937, les avions de la légion Condor, appui des franquistes, dirigée par l’Allemand Wolfran von Richtofen;

- pietà, mise au tombeau, massacre des innocents, rapt des sabines, jugement dernier, apocalypse, minotauromachie…

- pas signé, pas daté;

- titre explicite.

1. Sujet

Première esquisse sur la toile, photographiée par Dora Maar, 11 mai 1937.

Première étude pour Guernica, 1er mai 1937.

2. Documentation

- montrée au public pour la première fois lors de l'inauguration du pavillon espagnol de l'Exposition internationale de Paris, le 12 juillet 1937, sous le titre de Guernica;

- architecte Josep Lluis Sert

La toile dans la pavillon espagnol, derrière la Fontaine d'Alexandre à

Calder

Affiche pour l'exposition londonienne, octobre 1938.

Couverture du catalogue de l'exposition new-yorkaise présentant le chef-d'œuvre Guernica, 5-27 mai 1939.

- après l'Exposition de 1937, le tableau voyage dans les pays scandinaves puis en Angleterre;

- embarqué sur le "Normandie" le 1er mai 1939, il arrive à New York;

- la Seconde guerre mondiale éclate en Europe et Picasso décide que Guernica restera aux Etats-Unis;

Vernissage de l'exposition à la Whitechapel Gallery, 1938. (En présence de Roland Penrose).

Guernica au MOMA à New York en 1947.

- l'œuvre revient en Espagne le 10 septembre 1981, d'abord au Cason du Bien Retiro, puis au Centro de Arte Reina Sofia.

Guernica au Cason du Buen Retiro, années 1980.

Guernica transportée au Centro de Arte Reina Sofia, 1992.

Picasso dans son atelier devant la toile, photographié par Dora Maar.

- Castellucho, format sur mesure 349 x 776 cm;

- Ateliers des Grands-Augustins.

3. Support et technique

Guernica enroulée à New York avant le départ pour l’Espagne.

4. Composition

Pablo Picasso, Les Demoiselles d’Avignon, 1907. Huile sur toile, 243,9 x 233,7 cm. New York, MOMA.

Paris-Soir du 28 avril 1937.

Dessin de Roland Coudon dans Le Peuple, 5 mai 1937

5. Genèse de la composition

Pablo Picasso, Songes et mensonges de Franco, deux planches du 8 janvier 1937

Dessins pour Le Peintre et son atelier, deux du 18 avril 1937 en haut et un du 19 avril en bas, Paris, musée Picasso.

Etudes pour Guernica, Centro de Arte Reina Sofia:n°1, 1er mai 1937n° 6, 1er mai 1937n° 10, 2 mai 1937

Esquisses pour Guernica du 8 et du 9 mai 1937, Centro de Arte Reina Sofia

Esquisse du 9 mai pour la Femme qui pleure, Centro de arte Reina Sofia.

L’évolution des états de la toile entre mai et début juin 1937, photographies par Dora Maar à la demande de Picasso

6. Couleur

Pablo Picasso, Portrait de Daniel-Henry Kahnweiler, 1910. Huile sur toile, 100,6 x 72,8 cm. Chicago, Art Institute.

7. Détail et facture

Les interprétations

Picasso dans New Masses, 13 mars 1945

« le cheval [représente] le peuple [...] Non, le taureau n'est pas le fascisme, mais la brutalité et l'obscurité [...] Mon travail n'est pas symbolique [...] Seul Guernica est symbolique. Dans le cas de ce panneau mural, il est allégorique. C'est la raison pour laquelle j'ai utilisé le cheval, le taureau, etc. La peinture murale demandait une expression définie et la solution d'un problème, c'est pourquoi j'ai utilisé le symbolisme. »

« Le taureau est un taureau, le cheval est un cheval.»

« Oui, le taureau représente la brutalité, le cheval, le peuple. Oui, là j'ai mis du symbolisme, mais pas ailleurs. »

« Il n'y a aucune trace de propagande dans ma peinture »

« Là, il y a un appel au peuple, une intention certaine de propagande. »

Le taureau - le fascisme triomphant (V. Clark), l'Espagne (J. Larrea), la force brute (H. Read), la protection des faibles (R. Arnheim), Picasso lui-même (V. Nieto) ou l'énergie sexuelle et primaire (H.B. Chipp).

Le cheval - fascisme agonisant (M. Raphael), de l'armée franquiste (J. Larrea), du peuple espagnol (Picasso à J. Seckler), d'une maîtresse de Picasso (Picasso à J. Larrea), de la souffrance des innocents (R. Arnheim) ou de n'importe quelle victime passive (H.B. Chipp).

Le guerrier mort - soldat républicain (J. Larrea) ou une statue brisée (R. Arnheim).

La porteuse de lumière - la République espagnole (J. Larrea) ou la Vérité (H. Read).

L'oiseau - l'âme du peuple espagnol (R. Arnheim), un poulet (Picasso à D.-H. Kahnweiler), une colombe, c'est-à-dire Columbus, à savoir l'Amérique, salvatrice de la République (J. Larrea), le Poète (D. Maar) ou la statue de la Liberté (H.W. Janson).

La femme qui fuit - s'enfuit des toilettes (H. Moore), défèque de peur (R. Penrose), conchie Franco (J. Larrea).

La mère avec son enfant - une victime du fascisme (R. Arnheim) ou la ville de Madrid (J. Larrea).

La femme de l'escalier -?

- le bombardement de Guernica, le 26 avril 1937 (J. Larrea) ;

- le massacre des innocents (H.B. Chipp) ;

- la capacité de destruction de la technologie moderne (W. Spies);

- l'horreur de la guerre cachant ses causes (A. Blunt) ;

- le conflit de Picasso avec Marie-Thérèse Walter et Dora Maar (M.N. Gedo) ;

- une tragédie apocalyptique en général (G.C. Argan).

«Je déteste l'ordre souterrain de Guernica et la conjonction du chaos personnel et du poids de l'histoire. »

Antonio Saura, Contre Guernica, le 10 décembre 1981

Pablo Picasso, Minotauromachie, 1935. Eau-forte, 49 x 69 cm. Paris, musée Picasso.

Francisco Largo Caballero

Peinture d'histoire?

Extérieur du pavillon espagnol, avec la sculpture Le peuple espagnol sur la voie qui mène aux étoiles d'Alberto, 1937

Le pavillon soviétique (à gauche) et allemand (à droite). Celui-ci éclipse le pavillon espagnol, exposition des Arts et des Techniques, Paris,1937

Intérieur du pavillon espagnol avec Guernica au fond, 1937.

Francisco de Goya, Tres de Mayo, Les Fusillades de la Moncloa, 1814. Huile sur

toile, 268 x 347 cm. Madrid, Prado.

Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple (28 juillet 1830), 1830. Huile sur toile, 260 x 325 cm. Paris, Louvre.

Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse, 1819. Huile sur toile, 491 x 716 cm. Paris, Louvre.

Catalogue de l'exposition Art dégénéré, 1937.

Paul Schulze-Naumburg, L'Art et la race, 1928.

Indications historiques précises?

Pablo Picasso, Portrait d'Olga dans un fauteuil,

1918. Huile sur toile, 89 x 130 cm. Paris, musée

Picasso.

Pablo Picasso, Le Femme qui pleure, 26 octobre 1937. Huile sur toile 60 x 49 cm. Londres, Tate Gallery.

Pablo Picasso, Femme devant un miroir, 1932. Huile sur toile, 162 x 130 cm. New York, MOMA.

De gauche à droite: Pablo Picasso, Minotaure et jument morte devant une grotte face à une fille au voile, Juan-les-Pins, 8 mai 1936; Composition au

Minotaure, Paris, 9 mai 1936; La Dépouille du Minotaure en costume d'Arlequin, Paris, 28 mai 1936; Faune, cheval et oiseau, Paris, 5 août 1936.

Tous les dessins sauf le deuxième (coll. part.) sont au musée Picasso.

taureau-cheval-guerrier

Diego Velàzquez, Les Ménines, 1656. Huile sur toile, 310 x 276 cm. Madrid,

Museo del Prado. 

« Dans Guernica, il semblerait que ce que Picasso déplore n'est pas tant la ruine d'un village basque que la destruction de son atelier. Et par destruction de son atelier, j'entends la disparition de ce monde complexe et introspectif où la souveraineté de l'artiste, au moins sur la toile, a trouvé dans la seconde moitié du siècle un semblant de réalité si convaincant. »

Vernon Clark, "The Guernica Mural-Picasso and Social Protest." Science and Society, v. 5, No. 1, 1941.

« Je déteste Guernica : c’est une affiche géante et, comme toute vulgaire affiche, on peut copier et multiplier son mage à l’infini (p. 47) »« Je déteste Guernica transformé en scène d’un téhâtre mental cynique et obscène.Je déteste l’ordre souterrain de Guernica et la conjonction du chaos personnel et du poids de l’histoire. (p. 52)« Je déteste Guernica : tout en réunissant des images reconnaissables, il allie la déformation extrême, la charge onirique et le sentimentalisme populaire. (p. 53) »« Je déteste le symbolisme énigmatique des testicules du taureua de Guernica.(p. 56) 

Antonio Saura, Contre Guernica, Milan, Cinq Continents, 2008.

Antonio Saura, Dora Maar, 1983. 162 x 130 cm.Antonio Saura, Autoportrait, 1963. Huile sur toile, 60 x 73 cm.

Eugène Delacroix, Scène des massacres de Scio (familles grecques attendant la mort ou l'esclavage), 1824 . Huile sur toile, 419 x 354 cm. Paris, Louvre.

Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse, 1819. Huile sur toile, 491 x 716 cm. Paris, Louvre.

George Grosz, Le Bombardement de la ville, 1915. Lithographie tirée en 1915. New York, MOMA. John Heartfield, Le Pays basque, 1927.

Photomontage.

John Heartfield, La Défense de Madrid: « No pasaran! Pasaremos! », 1936, photomontage.

Francisco de Goya, « Le vautour carnivore », Les Désastres, eau forte, 1815-1820.