Post on 04-Apr-2015
Faiblesse musculaire du patient cancéreux
G.BOURDINCCA Pneumologie
Hôpital de la Croix-Rousse CHU Lyon
Introduction
• La faiblesse musculaire des patients atteints d’un cancer s’inclue dans un champ global de fatigue ou « syndrome asthénique ».
• Si la douleur est un symptôme toujours recherché, évalué avec précision et souvent contrôlé, la fatigue est très souvent négligée.
Fatigue du patient cancéreux
• Symptôme très fréquent: – 75 à 96% de patients en chimiothérapie– 75 à 100% de patients en radiothérapie– 33 à 89% de patients atteints de cancer avancé.
• Symptôme durable: Jusqu’à 30 % de survivants d’un cancer rapportent
une asthénie.
Fatigue du patient cancéreuxQu’entend-on par « fatigue » ?
• Symptôme très subjectif, difficile à évaluer de façon objective.
• 3 dimensions:– Dimension cognitive: mémoire, concentration,– Dimension psychologique: motivation, humeur,– Dimension physique: sensation de faiblesse,
d’incapacité à accomplir les tâches quotidiennes.
Cachexie• Phénomène très fréquent:
Présent chez 50% des patients
• Phénomène grave:À l’origine de 20% des décès
• Phénomène précoce:Au diagnostic, 60% des patients atteints de
cancer du poumon ont subi une perte de poids.
• Le tableau clinique regroupe: perte de poids progressive, anorexie, asthénie, perte de masse grasse, perte de masse musculaire.
Outre la perte de masse musculaire, d’autres anomalies musculaires peuvent survenir.
Bruera E, J Natl Cancer Inst 1988:61 patientes avec cancer du sein métastatique vs 20 sujets contrôles.
Pas de différence en terme de perte de poids ni de masse musculaire
Anomalies électrophysiologiques indiquant une perte de la force de contraction maximale après stimulation et une fatigabilité accrue après stimulation de 30 sec. dans le groupe de sujets malades.
Quelques données physiopathologiques
Synthèse protéique
(anabolisme)
Protéolyse (catabolisme
)
Sujet normal
Renouvellement continu des protéines musculaires
Synthèse protéique (anabolisme)
Protéolyse (catabolisme
)
Patient cancéreux
Apparition d’un hypercatabolisme et d’un hypoanabolisme
Perte de masse musculaire jusqu’à 80%.Baracos, Cancer 2001
Apports des études expérimentales
Tilignac, Cancer Res 2002
Modèle murinImplantation d’un modèle d’ADK
colon
Apparition rapide d’une cachexie synthèse protéique (-38%) protéolyse (+131%)effet précoce
Quels sont les facteurs en cause ?
FAIBLESSE MUSCULAIRE
INFLAMMATION SYSTEMIQUE
Rôle du syndrome inflammatoire
Rôle du syndrome inflammatoire
20 hommes, cancer du poumonMesure de récepteurs solubles du TNF, de l’IL-6, de facteurs anaboliques (IGF-1, testostérone)
La perte de poids est associée à la présence d’un syndrome inflammatoire et à la diminution d’IGF-1
Quels sont les effets de l’inflammation sur le muscle ?
Augmentation du métabolisme de base
- 87 patients CBNPC, - mesure du MB par calorimétrie indirecte, dosages de plusieurs marqueurs de l’inflammation,- PdP moyenne: 3,5 ± 4,9 kg - PdP corrélée avec marqueurs de l’inflammation
- MB + 118 ± 12 % valeur théorique- 77% des patients sont hypermétaboliques (MB > 110%)
Le syndrome inflammatoire provoque une augmentation du métabolisme de base qui joue un rôle majeur dans la cachexie
FAIBLESSE MUSCULAIRE
INFLAMMATION SYSTEMIQUE
ANOREXIE
Rôle dans l’anorexie
Anorexie touche les 2/3 des patients.Contribue au développement de la cachexie.Effet d’autant plus dramatique que le MB est augmenté.Facteur indépendant de mortalité.
Cytokines
Laviano A, Lancet Oncol 2003
Il existe une réduction de l’appêtit et de la prise alimentaire alors même que le métabolisme de base est augmenté
Quels sont les effets de l’inflammation sur le muscle ?
Autres effets:
- effet protéolytique direct sur les myocytes,
- augmentation de la production d’hormones protéolytiques (cortisol),
- diminution de la synthèse protéique: effet négatif sur des substances anaboliques (testostérone, IGF 1).
FAIBLESSE MUSCULAIRE
INFLAMMATION SYSTEMIQUE
ANOREXIEHypo-anabolisme
Conséquences cliniques de l’inflammation
106 patients porteurs d’un cancer du poumon inopérable40% des patients ont une PdP > 5%Score global de qualité de vie et score de fatigue 80% des patients présente un syndrome inflammatoire (CRP).
Score de fatigue supérieur dans le groupe qui présente un syndrome inflammatoire.
Dans le groupe « absence de perte de poids », il existe une corrélation entre la CRP et le score de fatigue (r = 0,31, p<0,05).
L’amplitude du syndrome inflammatoire influence significativement la qualité de vie du patient.
Conséquences cliniques de l’inflammation
Même population:106 patients porteurs d’un cancer du poumon inopérable40% des patients ont une PdP > 5%Score global de qualité de vie et score de fatigue 80% des patients présente un syndrome inflammatoire (CRP).Analyse des facteurs de risque de mortalitéRésultats:
- En analyse multivariée: perte de pds, CRP, score de fatigue sont des facteurs prédictifs de mortalité indépendant.- Corrélation entre l’amplitude de la réponse inflammatoire et la perte de poids, la fatigue et la réduction de la survie.
Le syndrome inflammatoire a un impact probablement important sur le pronostic vital
FAIBLESSE MUSCULAIRE
INFLAMMATION SYSTEMIQUE
ANOREXIE
Diminution de la prise alimentaire
CHIMIOTHERAPIE
Hypo-anabolisme
FAIBLESSE MUSCULAIRE
INFLAMMATION SYSTEMIQUE
ANOREXIE
Diminution de la prise alimentaire
Réduction de l’activité physique
CHIMIOTHERAPIE
Hypo-anabolisme
Diminution de l’activité physique
Symptôme fréquent.Origine multifactorielle.
Régulation du pool de protéines musculaires régulée par le niveau et le type d’activité.
La contraction active et l’étirement passif du muscle sont perçus comme stimuli anaboliques ( synthèse protéique, protéolyse).
Les exercices de résistance sont un stimulus anabolique supérieurs aux exercices d’endurance.
Diminution de l’activité physique
Quel que soit le contexte clinique, l’inactivité prolongée conduit à l’amyotrophie.
Exemple des patients de traumatologie: Perte de la masse musculaire des muscles posturaux et
locomoteurs patente dès les 7 premiers jours et continue pendant les 35 jours sans apparition d’un plateau.
Ferrando A, Curr Opin Clin Nutr Metab Care 2000
Diminution de l’activité physique
Autres effets de la réduction de l’activité physique:
déconditionnement cardio-respiratoireostéopéniealtérations du métabolisme du glucoseeffets sur l’immunitéeffets sur la sphère digestive
Shmitz KH, Cancer Epidemiol Biom Prev 2005
FAIBLESSE MUSCULAIRE
INFLAMMATION SYSTEMIQUE
ANOREXIE
Diminution de la prise alimentaire
Réduction de l’activité physique
CHIMIOTHERAPIE
AGE
Hypo-anabolisme
Effets de l’âge
Décroissance de la puissance musculaire avec l’âge.
Starling RD, Am J Clin Nutr 1999
FAIBLESSE MUSCULAIRE
INFLAMMATION SYSTEMIQUE
ANOREXIE
Diminution de la prise alimentaire
Réduction de l’activité physique
CORTICOTHERAPIE
CHIMIOTHERAPIE
INFECTION(S)
AGE
Hypo-anabolisme
Que peut-on faire ?
FAIBLESSE MUSCULAIRE
INFLAMMATION SYSTEMIQUE
ANOREXIE
Diminution de la prise alimentaire
Réduction de l’activité physique
CORTICOTHERAPIE
CHIMIOTHERAPIE
INFECTION(S)
AGE
Traitement anti-inflammatoire ?
Hypo-anabolisme
Traitements anti-inflammatoires ?
Corticoïdes
L’excrétion par la tumeur de cytokines proinflammatoires (IL-1, TNF α).Rôle bénéfique sur l’anorexie.Effet antalgique, asthénie, nausées.
Pas de gain de poids.Effets secondaires important lors d’utilisation prolongée: risque infectieux, altérations musculaires.
FAIBLESSE MUSCULAIRE
INFLAMMATION SYSTEMIQUE
ANOREXIE
Diminution de la prise alimentaire
Réduction de l’activité physique
CORTICOTHERAPIE
CHIMIOTHERAPIE
INFECTION(S)
AGE
Traitement anti-inflammatoire ?
Agents anabolique
s
Hypo-anabolisme
FAIBLESSE MUSCULAIRE
INFLAMMATION SYSTEMIQUE
ANOREXIE
Diminution de la prise alimentaire
Réduction de l’activité physique
CORTICOTHERAPIE
CHIMIOTHERAPIE
INFECTION(S)
AGE
Traitement anti-inflammatoire ?
Facteur nutritionnel ?
Agents anabolique
s
Hypo-anabolisme
Facteur nutritionnel ?
Supplémentation caloriqueA montré une amélioration de la QDV chez des patients en RT pour des cancers ORL.
Conseil diététique Semble indispensable.
Efficace en terme de prise alimentaire et de qualité de vie.
La supplémentation calorique orale et la prise en charge diététique individuelle sont probablement complémentaires avec un effet positif en terme de qualité de vie.
Ravasco P, JCO 2005
Peltz G, Nutr J 2002
Facteur nutritionnel ?Nutrition parentérale
très utilisée peu de preuves d’efficacité
Shang E, J Parenter Enteral Nutr. 2006155 patients, prise en charge précoceSupplémentation orale vs supplémentation orale + NPAugmentation significative du BMI, de la qualité de vie et de la survie.Autres études nécessaires
Inconvénients: coût, risque infectieux, hépatotoxicité
Facteur nutritionnel ?
Agents orexigènes
Mégestrol acétatele plus étudié et le plus utilisé appétitPas d’amélioration de la qualité de viePas d’augmentation de la masse musculaire
FAIBLESSE MUSCULAIRE
INFLAMMATION SYSTEMIQUE
ANOREXIE
Diminution de la prise alimentaire
Réduction de l’activité physique
CORTICOTHERAPIE
CHIMIOTHERAPIE
INFECTION(S)
AGE
Traitement anti-inflammatoire ?
Facteur nutritionnel ?
Agents anabolique
s
Hypo-anabolisme
réhabilitation
Réentrainement à l’effort ?
Bases théoriques
- effet anabolique de l’exercice sur le muscle
- analogie avec la physiopathologie du déconditionnement à l’effort et des bénéfices de la réhabilitation dans la BPCO- absence de thérapeutique efficace alternative
Réentrainement à l’effort ?
Les études positives sont nombreuses mais hétérogènes
- hétérogénéité dans le type de cancer: sein, hématologiques, poumon, …
- hétérogénéité dans le type de réentraînement,- hétérogénéité dans le timing: pendant ou après
traitement - hétérogénéité des variables étudiées: performance physique, statut psychologique, douleur, qualité de vie, fatigue,…
Shmitz KH, Cancer Epidemiol Biom Prev 2005
L’effet positif en terme d’activité physique semble bien établi.
Sur les autres paramètres tels que la fatigue, il n’y a pas de résultat significatif suggérant que l’effet positif observé dans plusieurs études n’est pas suffisamment important pour atteindre une pertinence clinique.
Réentraînement à l’effort ?Exemple du cancer du poumon
10 patients traités, hospitalisés
TM6 et épreuve d’effort avant et après un programme de réhabilitation de 8 sem.
Séances quotidiennes
Résultats:
Pas de modification de la fonction respiratoire
Périmètre de marche (+ 145 m soit 43%) sans modification du score de Borg ni de fatigue.
charge maximale (+ 26 W soit 34%)
Amélioration importante des capacités à l’effort dans cette population avec une pertinence clinique des résultats
Pas de groupe contrôle.
Conclusion
• La faiblesse musculaire du patient cancéreux s’inclue dans le champ beaucoup plus large de la fatigue et de la cachexie.
• Origine multifactorielle• Importance majeure de l’inflammation systémique
et de la réduction de l’activité physique.
• La seule thérapeutique efficace – hormis la guérison du cancer – est la réhabilitation.
• Problème de standardisation des pratiques.• Problème de disponibilité de ce type de programme.
Cas clinique
• Patient de 25 ans• Sportif professionnel• Découverte d’un cancer testiculaire
métastatique (cerveau).• Chirurgie d’orchidectomie• Neurochirurgie (métastases)• Chimiothérapie.• Guérison du cancer et reprise de
l’activité professionnelle.
Cas clinique
Gagne 7 Tours de France dans les années qui suivent.
Coyle EE, JAP 2005