EVALUATION DE LA FATIGUE AUDITIVE … · Evaluation de l’audition basée sur l’audiométrie...

Post on 13-Sep-2018

224 views 0 download

Transcript of EVALUATION DE LA FATIGUE AUDITIVE … · Evaluation de l’audition basée sur l’audiométrie...

EVALUATION DE LA FATIGUE AUDITIVE PÉRIPHÉRIQUE ET DE SES DÉTERMINANTS DANS LES CENTRES D’APPELS

TÉLÉPHONIQUES AVEC LE DISPOSITIF ECHOSCAN

JOURNÉE DE LA SOCIÉTÉ DE MÉDECINE DU TRAVAIL DAUPHINÉ-SAVOIE

VENDREDI 9 JUIN 2017

DR CÉDRIC AUBERT

INTRODUCTION

LES CENTRES D’APPELS TÉLÉPHONIQUES

▪ Entreprises du secteur tertiaire regroupant des activités de secrétariat, de prospection commerciale et de conseils

▪ 250 000 téléopérateurs - 3500 « call centers » en France

▪ Salariés répartis sur plusieurs plateaux téléphoniques, « open space » de superficie très variable

▪ Organisation des bureaux en lignes ou en marguerites

▪ Appels téléphoniques couplés au travail bureautique

ESPACES DE TRAVAIL DANS LES CENTRES D’APPELS

Bureaux en lignes Bureaux en marguerites

ESPACES DE TRAVAIL DANS LES CENTRES D’APPELS (2)

RISQUE BRUIT DANS LES CENTRES D’APPELS

▪ Sources de bruit : communications téléphoniques, travail bureautique, imprimantes et fax, ventilation, réverbération dans l’espace de travail

▪ Risque de choc acoustique

▪ Inconfort pour le travail bureautique au-delà de 55 dB(A)*

▪ Bruit de fond habituellement compris entre 50 et 62 dB(A)*

▪ Bruit en sortie de casque < 80 dB(A) près de 90 % des cas*

*Source : INRS

PLAINTES AUDITIVES DANS LES CENTRES D’APPELS

▪ « Fatigabilité auditive » en fin de journée de travail évoquée par de nombreux téléopérateurs en visite médicale

▪ Plainte principale : trouble de la compréhension verbale

▪ Craintes exprimées par rapport la survenue d’une surdité

Prendre en compte le risque bruit dans les centres d’appels :

✓ Effets d’une exposition au bruit < 80 dB(A) ?

✓ Isolation acoustique souvent insuffisante

LA FATIGUE AUDITIVE

▪ Saturation réversible de la cochlée lors d’une exposition prolongée au bruit, sans niveau d’exposition clairement identifié

▪ Nombreux facteurs inconnus

▪ La survenue régulière d’une fatigue auditive significative augmente le risque de surdité de perception

▪ Paramètre mesurable : augmentation du seuil de déclenchement du réflexe efférent ou réflexe de l’oreille moyenne*

*Reflexe de l’oreille moyenne = réflexe stapédien + réflexe olivo-cochléaire

LA FATIGUE AUDITIVE : PHYSIOPATHOLOGIE

Cellules ciliées internes CCI

Cellules ciliées externes CCE

Source : www.neuroreille.com

OBJECTIFS DE L’ÉTUDE

1. Objectif principal : déterminer la prévalence de la fatigueauditive en fin de poste de travail, mesurée par le dispositifEchoScan®, dans une population de téléopérateurs de plusieurscentres d’appels

2. Objectif secondaire : rechercher des facteurs individuels etprofessionnels associés à l’apparition d’une fatigue auditive enfin de poste, sur lesquels une action préventive pourrait êtremenée par les Médecins du Travail

MATERIELS ET METHODE

RECUEIL DE DONNÉES EN 3 ÉTAPES

1. Intervention en entreprise : étude des postes de travail et évaluation de l’exposition au bruit ambiant

2. Entretien médical individuel : autoquestionnaire, examen otoscopique et audiométrie tonale de dépistage

3. Dépistage de la fatigue auditive périphérique : mesure du seuil de déclenchement du réflexe acoustique en début et en fin de poste de travail avec l’EchoScan

1. INTERVENTION EN ENTREPRISE

▪ 16 centres d’appels téléphoniques contactés entre mars 2016 et février 2017 dans le département de l’Isère

▪ Critères d’inclusion : au moins 5 salariés sur le plateau, activité téléphonique > 50 % du temps de travail

▪ Plusieurs visites avec le médecin du travail et le référent santé-sécurité de l’entreprise étaient nécessaires pour obtenir l’accord du chef d’entreprise pour mon intervention

ÉVALUATION DE L’ENVIRONNEMENT SONORE DU PLATEAU

✓ Surface totale du plateau téléphonique

✓ Nombre de salariés présents sur le plateau téléphonique

✓ Surface disponible par salarié

✓ Isolation acoustique des locaux en 4 classes : aucune/faible/moyenne/élevée

✓ Mesure du bruit ambiant : moyenne de 2 enregistrements de 15 min au sonomètre, en deux lieux distincts du plateau, en début et en fin de poste

POPULATION DE L’ÉTUDE

▪ Recrutement des téléopérateurs sur la base du volontariat au cours de leur suivi médical en Santé au Travail

▪ Information claire et appropriée sur l’utilisation des données recueillies et recueil d’un consentement éclairé

▪ Critères d’exclusion : surdité appareillée, exposition extra-professionnelle au bruit importante

▪ Objectif initial : disposer d’un effectif de 100 salariés

2. ENTRETIEN MÉDICAL INDIVIDUEL

Consultation en début (1ère heure de travail) et en fin de poste

✓ Questionnaire anonyme complété durant la journée

✓ Otoscopie bilatérale préalable aux tests auditifs

✓ Audiométrie tonale de dépistage de moins de 6 mois

✓ Recherche de la survenue d’une fatigue auditive périphérique en fin de poste de travail

3. DÉPISTAGE DE LA FATIGUE AUDITIVE PÉRIPHÉRIQUE

Mesure du seuil de déclenchement du réflexe de l’oreille moyenne par le dispositif EchoScan en début et en fin de poste de travail

Corrélation entre la variation du seuil de déclenchement du réflexe efférent et la fatigue auditive :

➢Variation comprise entre 0 et +3 dB : absence de fatigue auditive

➢Variation de +6 dB : fatigue auditive possible

➢Variation de +9 dB et au-delà : fatigue auditive certaine

Source : INRS

RESULTATS

CARACTÉRISTIQUES DES ENTREPRISES

▪ 7 entreprises participantes – divers domaines d’activité

▪ Surface moyenne des plateaux = 108 m²

▪ Surface moyenne par salarié = 8 m²

▪ Espace/salarié > 10 m² dans moins de 50 % des cas

▪ Bruit de fond moyen = 56, 1 dB(A)

▪ Bruit ambiant > 55 dB(A) dans plus de 50 % des cas

CARACTÉRISTIQUES DE LA POPULATION

▪ Effectif = 49 téléopérateurs

▪ Femmes = 75,5 %

▪ Age moyen = 37,5 ans

▪ Temps de travail hebdomadaire moyen = 33 heures

▪ Ancienneté moyenne au poste = 79 mois (6,5 ans)

COMMUNICATIONS TÉLÉPHONIQUES

▪ Temps quotidien moyen en communication = 6,5 heures

▪ Casque : binaural (57 %), monaural (37 %), aucun (6 %)

▪ Casque confortable pour plus de 80 % de l’effectif

▪ Intensité sonore : adaptée (69,5%), trop forte (16,5%)

PLAINTES FONCTIONNELLES

ECHELLES VISUELLES ANALOGIQUES

PRÉVALENCE DE LA FATIGUE AUDITIVE EN FIN DE POSTE

Mesure interprétable pour 38 téléopérateurs

➢Absence de fatigue auditive pour 25 salariés (66 %)

➢Fatigue auditive possible pour 5 salariés (13 %)

➢Fatigue auditive significative pour 8 salariés (21 %)

PAS DE FACTEUR INDIVIDUEL ASSOCIÉ À LA FATIGUE AUDITIVE

➢Pas d’association statistiquement significative avec l’âge, le sexe ou le statut tabagique

➢Pas d’association statistiquement significative avec les plaintes fonctionnelles ORL et les troubles du sommeil

FACTEURS PROFESSIONNELS ASSOCIÉS À LA FATIGUE AUDITIVE

➢Pas de lien statistique avec le bruit ambiant, la surface du plateau téléphonique ou la surface par salarié

➢Aucune association significative avec l’ancienneté au poste, le temps quotidien passé en communication ou le type de casque

71 % des salariés rapportant des intensités de communication trop élevées présentaient une fatigue auditive

p = 0,075

LIEN STATISTIQUE ENTRE LA FATIGUE AUDITIVE ET UNE RÉPONSE À L’EVA STRESS SUPÉRIEURE À 5

p = 0,05

ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL ET FATIGUE AUDITIVE

Pas de différence significative de fatigue auditive entre les entreprises, mais…

➢4 entreprises sur 7 offraient une surface par salarié < 10 m²

➢Bruit ambiant > seuil recommandé de 55 dB(A) sur la moitié des plateaux téléphoniques

✓ Importante activité téléphonique

✓ Traitement acoustique des locaux insuffisant

DISCUSSION

ETUDES SIMILAIRES DANS LA LITTÉRATURE

▪ Recherche d’une altération de la perception auditive en fin de semaine sur un effectif de 21 téléopérateurs dans une entreprise

▪ Evaluation de l’audition basée sur l’audiométrie tonale liminaire et l’audiométrie vocale avec des tests d’intelligibilité dans le bruit

▪ 50 % des salariés considéraient leur environnement professionnel comme bruyant et 1 salarié sur 3 manifestait une symptomatologie auditive en lien avec le travail

▪ Pas d’altération significative de la fonction auditive

Massardier-Pilonchéry A. et al. « Auditory stress disorder » et call center, mise au point d’un protocole d’évaluation. Poster présenté au Congrès Audioprothésistes Français, Paris, 2011.

ETUDES SIMILAIRES DANS LA LITTÉRATURE (2)

▪ Bilan de la fonction auditive chez 39 téléopérateurs et 16 témoins dans 3 centres d’appels téléphoniques

▪ Mesure du bruit sous casque et sonométrie

▪ Audiométrie tonale liminaire et mesure du réflexe efférent en début et en fin de poste de travail

▪ Exposition au bruit similaire pour les 2 groupes

▪ Pas de variation significative de l’audiogramme et du seuil de déclenchement du réflexe efférent

Venet T. et al. Auditory fatigue among call dispatchers working with headsets. Int J Occup Med Environ Health. 2017.

SURESTIMATION DE LA FATIGUE AUDITIVE DANS CETTE ETUDE ?

▪ Utilisation de la version boîtier de l’EchoScan® : sensibilité de détection et reproductibilité de la mesure incertaines

▪ Mesure ininterprétable pour 10 téléopérateurs, surtout à cause de l’absence de déclenchement du réflexe efférent jusqu’à la stimulation maximale de 96 dB

▪ Quid des salariés présentant une fatigue auditive possible ?

LIMITES DE CETTE ÉTUDE

▪ Faible effectif = manque de puissance statistique Analyses par sous-groupes non statistiquement significatives

▪ Recrutement basé sur le volontariat : plaintes auditives plus fréquentes dans l’effectif ?

▪ Pas de groupe contrôle non exposé aux télécommunications dans le même environnement de travail : impossibilité d’affirmer que la fatigue auditive est liée au bruit du casque

▪ Niveau de bruit en sortie de casque non mesuré : simulateur d’oreille humaine occluse insuffisamment disponible

PRÉVENIR LA FATIGUE AUDITIVE DANS LES CENTRES D’APPELS

➢Renforcer l’information des employeurs et des salariés

➢Evaluer l’exposition au bruit sur les plateaux téléphoniques tous les 3 à 5 ans et à chaque changement de matériel

➢Limiter l’exposition au bruit en améliorant l’isolation acoustique des locaux, la protection contre les chocs acoustiques, la qualité des micro-casques et l’ergonomie

➢Dépister une fatigue auditive en fin de poste avec le dispositif EchoScan® sur des groupes homogènes d’exposition

➢Dépister les hypoacousies par une audiométrie tonale, tous les 2-3 ans

CONCLUSION

QUE RETENIR DE CETTE ETUDE ?

✓ Existence possible d’une fatigue auditive périphérique en fin de poste de travail chez certains téléopérateurs

✓ Aucun lien statistique avec les plaintes auditives fréquemment rapportées par ces salariés en consultation

✓ Nécessité de confirmer ces résultats : effectif plus large, versus groupe contrôle, avec la dernière version de l’EchoScan®

✓ Intérêt d’étudier les caractéristiques des micro-casques : intensité sonore et bandes de fréquence

✓ Importance de la prévention du risque auditif dans les centres d’appels téléphoniques

Merci pour votre attention