Post on 14-Sep-2018
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Merci beaucoup, mes chers étudiants, pour un semestre formidable
en Français 230 !! “A Reader’s Romance with Paris”
Smith College – printemps 2003 Candace Skorupa Walton
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LES EXPOSÉS 2003
• Les grands théâtres (e.g., la Comédie Française) • Les grands travaux de Mitterrand
• Le Métro parisien • La Pyramide du Louvre • L’Hôtel des Invalides
• Sacré-Coeur • La prostitution • Le Panthéon
• La mode parisienne • Le café Deux Magots
• La génération perdue (Hemingway, Stein) • Les égouts de Paris • Baron Haussmann
• Eugène Atget • Kiki de Montparnasse • L’étiquette parisienne
• La basilique de Saint-Denis • L’Opéra Garnier & L’Opéra Bastille
• Coco Chanel • Le Musée d’Orsay
Les oeuvres étudiées Charles Baudelaire, «Tableaux parisiens»
Guy de Maupassant, Scènes de la vie parisienne Victor Hugo, Notre-Dame de Paris Émile Zola, Au bonheur des dames Roland Barthes, «La Tour Eiffel»
Jean Giraudoux, La Folle de Chaillot Patrick Modiano, Un cirque passe
Jean-Pierre Jeunet, Amélie Calixthe Beyala, Le petit prince de Belleville
Jules Verne, Paris au XXe siècle
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PARIS Louis ARAGON, né en 1897 Où fait-il bon même au cœur de l'orage Où fait-il clair même au cœur de la nuit L'air est alcool et le malheur courage Carreaux cassés l'espoir encore y luit Et les chansons montent des murs détruits Jamais éteint renaissant dans sa braise Perpétuel brûlot de la patrie Du Point-du-Jour jusqu'au Père Lachaise Ce doux rosier au mois d'août refleuri Gens de partout c'est le sang de Paris Rien n'a l'éclat de Paris dans la poudre Rien n'est si pur que son front d'insurgé Rien n'est si fort ni le feu ni la foudre Que mon Paris défiant les dangers Rien n'est si beau que ce Paris que j'ai Rien ne m'a fait jamais battre le cœur Rien ne m'a fait ainsi rire et pleurer Comme ce cri de mon peuple vainqueur Rien n'est si grand qu'un linceul déchiré Paris Paris soi-même libéré
PARIS Jules SUPERVIELLE, 1884-1960 O Paris, ville ouverte Ainsi qu'une blessure, Que n'es-tu devenue De la campagne verte. Te voilà regardée Par des yeux ennemis, De nouvelles oreilles Écoutent nos vieux bruits. La Seine est surveillée Comme du haut d'un puits Et ses eaux jour et nuit Coulent emprisonnées. Tous les siècles français Si bien pris dans la pierre Vont-ils pas nous quitter Dans leur grande colère ? L'ombre est lourde de têtes D'un pays étranger. Voulant rester secrète Au milieu du danger S'éteint quelque merveille Qui préfère mourir Pour ne pas nous trahir En demeurant pareille
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François Coppée
De la rue on entend sa plaintive chanson
De la rue on entend sa plaintive chanson. Pâle et rousse, le teint plein de taches de son, Elle coud, de profil, assise à sa fenêtre. Très sage et sachant bien qu'elle est laide peut-être, Elle a son dé d'argent pour unique bijou. Sa chambre est nue, avec des meubles d'acajou. Elle gagne deux francs, fait de la lingerie Et jette un sou quand vient l'orgue de Barbarie. Tous les voisins lui font leur bonjour le plus gai Qui leur vaut son petit sourire fatigué.
C'est vrai, j'aime Paris d'une amitié malsaine...
C'est vrai, j'aime Paris d'une amitié malsaine ; J'ai partout le regret des vieux bords de la Seine Devant la vaste mer, devant les pics neigeux, Je rêve d'un faubourg plein d'enfants et de jeux. D'un coteau tout pelé d'où ma Muse s'applique A noter les tons fins d'un ciel mélancolique, D'un bout de Bièvre, avec quelques chants oubliés, Où l'on tend une corde aux troncs des peupliers, Pour y faire sécher la toile et la flanelle, Ou d'un coin pour pêcher dans l'île de Grenelle.
A Paris, en été, les soirs sont étouffants...
A Paris, en été, les soirs sont étouffants. Et moi, noir promeneur qu'évitent les enfants, Qui fuis la joie et fais, en flânant, bien des lieues, Je m'en vais, ces jours-là, vers les tristes banlieues. Je prends quelque ruelle où pousse le gazon Et dont un mur tournant est le seul horizon. Je me plais dans ces lieux déserts où le pied sonne, Où je suis presque sûr de ne croiser personne. Au-dessus des enclos les tilleuls sentent bon ; Et sur le plâtre frais sont écrits au charbon Les noms entrelacés de Victoire et d'Eugène, Populaire et naïf monument, que ne gêne Pas du tout le croquis odieux qu'à côté A tracé gauchement, d'un fusain effronté, En passant après eux, la débauche impubère. Et, quand s'allume au loin le premier réverbère, Je gagne la grand' rue, où je puis encor voir Des boutiquiers prenant le frais sur le trottoir, Tandis que, pour montrer un peu ses formes grasses, Avec son prétendu leur fille joue aux grâces.
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44 AVENUE DU MAINE Athanas DALTCHEV, né en 1904 / Bulgare Quel mauvais destin m'a amené dans cette cour sombre, en cul-de-sac ? Le jour y est deux fois plus court et il n'y a pas un seul arbre. Tel un foyer éteint non loin la gare fume et jour après jour ma fenêtre regarde et ne voit rien. Sifflent et partent des trains, et sans répit les rails résonnent comme des cordes de violons - et il me semble être en route depuis des mois. Toujours cette cour et sur trois côtés huit rangées de fenêtres et à celles-ci jamais tu n'apercevras quelque enfant ou quelque femme. Mais aujourd'hui les ténèbres sont tombées tôt et soudain il a commencé à bruiner. Quelqu'un est entré, s'est arrêté dans la cour avec un violon et un imperméable. Et une vieille chanson s'est répandue, monotone comme la pluie, s'est élevée jusqu'aux toits, et subitement a tari. Il s'est tu. A toutes les fenêtres se penchaient des femmes en pleurs et sur les dalles de la cour pleuvaient des mots et des sous : Qui que tu sois, homme sans gîte ou adolescent ayant perdu la vue, pourquoi es-tu venu ici nous rappeler notre destin cruel ? Nous nous taisons et travaillons de l'aube à la nuit close attendons des jours plus clairs et les jours s'égrènent un à un, et nous quand donc allons-nous vivre ?
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AU PÈRE-LACHAISE Antoine BLONDIN, né en 1922 J'ai vu tout de suite que ce cimetière n'était pas comme les autres... Celui-ci appartient déjà à l'autre monde par sa porte en demi-lune, la pente douce de ses verts paradis, la rocaille tortueuse de ses mausolées. Avant d'y pénétrer, on devine qu'on ne fera jamais le tour, qu'on ne parviendra pas à épuiser le labyrinthe de ses allées, ni les prières et les promenades qu'elles suggèrent. Cette chapelle qu'il faut gagner par paliers, cet azur allégé au-delà des cheminées, ces peupliers fervents, comme des cyprès bien tempérés, c'est un coin céleste soudain dans une banlieue de faits divers et, dans la symphonie qu'on laisse derrière soi, c'est aussi un point d'orgue, de grandes orgues. ... Parti d'un bon pas, je ne tardai point à m'égarer... Je perdis le fil du système... pour m'enfoncer davantage au fond d'un taillis chaotique de chapelles dentelées, de temples arides, de tumulus cubistes, de pagodes biscornues, de blockhaus funéraires et d'édicules votifs où le fer forgé, le marbre, le granit, se chevauchaient à l'envi. Il s'en dégageait une majesté cosmique et brouillonne, comme si la création entière y fût empilée... et l'impression qu'en fouillant plus avant on retrouverait Adam et Eve. ... Ici c'était la vraie ville de morts, en marge de l'autre, avec ses palais et ses taudis, ses fastes superbes et ses humilités agressives.
ENVOI D'AMOUR DANS LE JARDIN DES TUILERIES
Guy de Maupassant
Accours, petit enfant dont j'adore la mère Qui pour te voir jouer sur ce banc vient s'asseoir, Pâle, avec les cheveux qu'on rêve à sa Chimère Et qu'on dirait blondis aux étoiles du soir. Viens là, petit enfant, donne ta lèvre rose, Donne tes grands yeux bleus et tes cheveux frisés ; Je leur ferai porter un fardeau de baisers, Afin que, retourné près d'Elle à la nuit close, Quand tes bras sur son cou viendront se refermer, Elle trouve à ta lèvre et sur ta chevelure Quelque chose d'ardent ainsi qu'une brûlure ! Quelque chose de doux comme un besoin d'aimer ! Alors elle dira, frissonnante et troublée Par cet appel d'amour dont son coeur se défend, Prenant tous mes baisers sur ta tête bouclée : "Qu'est-ce que je sens donc au front de mon enfant ?"
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Jacques Brel “Les Prénoms de Paris” (1961)
Le soleil qui se lève
Et caresse les toits
Et c'est Paris le jour
La Seine qui se promène
Et me guide du doigt
Et c'est Paris toujours
Et mon coeur qui s'arrête
Sur ton coeur qui sourit
Et c'est Paris bonjour
Et ta main dans ma main
Qui me dit déjà oui
Et c'est Paris l'amour
Le premier rendez-vous
A l'Ile Saint-Louis
C'est Paris qui commence
Et le premier baiser
Volé aux Tuileries
Et c'est Paris la chance
Et le premier baiser
Reçu sous un portail
Et c'est Paris romance
Et deux têtes qui tournent
En regardant Versailles
Et c'est Paris la France
Des jours que l'on oublie
Oui oublient de nous voir
Et c'est Paris l'espoir
Des heures où nos regards
Ne sont qu'un seul regard
Et c'est Paris miroir
Rien que des nuits encore
Qui séparent nos chansons
Et c'est Paris bonsoir
Et ce jour-là enfin
Où tu ne dis plus non
Et c'est Paris ce soir
Une chambre un peu triste
Où s'arrête la ronde
Et c'est Paris nous deux
Un regard qui reçoit
La tendresse du monde
Et c'est Paris tes yeux
Ce serment que je pleure
Plutôt que ne le dis
C'est Paris si tu veux
Et savoir que demain
Sera comme aujourd'hui
C'est Paris merveilleux
Mais la fin du voyage
La fin de la chanson
Et c'est Paris tout gris
Dernier jour dernière heure
Première larme aussi
Et c'est Paris la pluie
Ces jardins remontés
Qui n'ont plus leur parure
Et c'est Paris l'ennui
La gare où s'accomplit
La dernière déchirure
Et c'est Paris fini
Loin des yeux loin du coeur
Chassé du Paradis
Et c'est Paris chagrin
Mais une lettre de toi
Une lettre qui dit oui
Et c'est Paris demain
Des villes et des villages
Les roues tremblent de chance
C'est Paris en chemin
Et toi qui m'attends là
Et tout qui recommence
Et c'est Paris je reviens.
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Charles Aznavour, “J'aime Paris au mois de mai” Quand les bourgeons renaissent Qu'une nouvelle jeunesse S'empare de la vieille cité Qui se met à rayonner J'aime Paris au mois de mai Quand l'hiver le délaisse Que le soleil caresse Ses vieux toits à peine éveillés J'aime sentir sur les places Dans les rues où je passe Ce parfum de muguet que chasse Le vent qui passe Il me plaît à me promener Par les rues qui s'faufilent A travers toute la ville J'aime, j'aime Paris au mois de mai J'aime Paris au mois de mai Lorsque le jour se lève Les rues sortant du rêve Après un sommeil très léger Coquettes se refont une beauté J'aime Paris au mois de mai Quand soudain tout s'anime Par un monde anonyme Heureux de voir le soleil briller J'aime quand le vent m'apporte Des bruits de toutes sortes Et les potins que l'on colporte De porte en porte Il me plaît à me promener Dans les rues qui fourmillent Tout en draguant les filles J'aime, j'aime Paris au mois de mai
J'aime Paris au mois de mai Avec ses bouquinistes Et ses aquarellistes Que le printemps a ramenés Comme chaque année le long des quais J'aime Paris au mois de mai La Seine qui l'arrose Et mille petites choses Que je ne pourrais expliquer J'aime quand la nuit sévère Etend la paix sur terre Et que la ville soudain s'éclaire De millions de lumières Il me plaît à me promener Contemplant les vitrines La nuit qui me fascine J'aime, j'aime Paris au mois de mai