Taylor Languedoc IV

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Loubatières Loubatières Languedoc (tome IV) { Voyages pittoresques et romantiques du baron Taylor dans l’ancienne France Lithographies choisies et commentées par Dominique Dieltiens Gard, Hérault, Ardèche

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Le présent volume réunit les lithographies consacrées aux départements du Gard, de l’Hérault et de l’Ardèche, avec notamment des vues de Nîmes, Villeneuve-lez-Avignon, Beaucaire, Saint-Gilles-du-Gard, Aigues-Mortes, Béziers, Lodève, Montpellier, Agde, Minerve, Valmagne, Saint-Guilhem-le-Désert, Saint-Pons-de-Thomières, Clermont-l’Hérault, Sète, Viviers, Saint-Andéol, Rochemaure, Balazuc…

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Languedoc (tome IV){Voyages pittoresques et romantiquesdu baron Taylor dans l’ancienne France

Lithographies choisies et commentéespar Dominique Dieltiens

Gard, Hérault, Ardèche

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BORDS DU RHÔNE, VILLENEUVE-LÈS-AVIGNON

Auteur : Harding, James-Duffield (1798-1863)Lithographie de : C. HullmandelPlanche : 241Format : 410 × 305 mmDate : 1834

Le dessin « d’après nature » de J. D. Harding est unecomposition très libre réalisée sur les bords du Rhôneen 1834. Le fleuve encore sauvage permettait alors auxembarcations d’accoster librement sur de petits portssommairement aménagés. En bordure de chemin,quelques marches grossièrement appareillées suffi-saient pour affréter une lourde barque aux flancs ven-trus. Quelques tonneaux de vin rejoindront peut-êtrele marché d’Avignon, à moins qu’ils ne soient négociésà la grande foire de Beaucaire. D’autres nautoniers sedirigent vers leurs embarcations armés de leurs longuesperches. Le Rhône est calme sous un beau ciel d’été ;les promeneurs musardent sur la rive du fleuve, cer-tains se rafraîchissent en y trempant les pieds.

Au loin, couronnant le mont Andaon, le fort Saint-André se découpe sur le ciel. Les grosses tours circu-laires de l’entrée sont dominées par un puissant châ-telet. Au sommet du site, la tour des Masques flanqueun angle de l’enceinte. Curieusement, la tour Philippe-le-Bel apparaît en arrière-plan, comme si elle était ledonjon de la puissante forteresse. Une autre tour do-mine une vaste construction à l’antique contenue dansune vaste seconde enceinte. Au pied de la montagne,Villeneuve se déploie en bordure de berges escarpées.

L’artiste, malgré les précautions affirmées, a prisbeaucoup de liberté avec la réalité. Dans un paysagerecomposé, la scène ne manque pourtant pas decharme, comme d’ailleurs la « petite ville située sur le

sommet d’un coteau » visitée par le baron. Commesouvent, Taylor ne peut que déplorer le sort tragiqueréservé à des bâtiments qui rappellent la gloire de lacité. La « belle tour carrée » construite sous Philippele Bel pour surveiller le pont Saint-Bénezet retient sonattention ; en spécialiste, il signale d’ailleurs qu’« une

partie de ses pierres sont taillées en pointe de dia-

mant ». Par contre, on le sent ulcéré devant les anciensmonuments religieux de l’époque où les papes et car-dinaux avaient fait de Villeneuve leur ville de villégia-ture. « Il n’y a rien à dire de l’abbaye de Saint André

dont on chercherait en vain le caractère religieux,

depuis que ses transformations en ont fait une habi-

tation moderne et bourgeoise. » Il est encore plus dé-pourvu devant « une Chartreuse qui ne pouvait pas

échapper au vandalisme des barbares de notre san-

glante révolution ». Décidément, la coupe était pleine ;peut-être ne poursuivit-il pas sa visite : le fort Saint-André n’apparaît pas dans ses descriptions…

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«  Trois fois illustre parmi les villes qui possèdent

des monuments en France », la ville de Nîmes ne pou-vait qu’enthousiasmer le baron Taylor. « L’Italie n’a

rien de mieux conservé ni de plus pur que la Maison

Carrée ; les Arènes rivalisent avec l’amphithéâtre de

Vérone, et il est rare de rencontrer d’aussi belles

ruines que le temple de Diane, la tour Magne et les

portes de cette cité romaine. » Une vingtaine de litho-graphies furent rassemblées pour honorer cette « se-

conde Rome ».Parmi les nombreuses œuvres consacrées aux

arènes, la vue générale des arènes de Questel est undessin d’architecture tel que l’appréciaient les amateursd’art à l’époque classique. La perfection du dessin est

subtilement animé par la présence d’un groupe de visi-teurs qui permet d’apprécier le gigantisme du monu-ment. Bâti à la fin du Ie siècle avant notre ère, l’amphi-théâtre forme une ellipse de 133 m de long sur 101 mde large. La double rangée d’arcades superposées etles pierres en saillie servant à fixer le velum sont figu-rées avec une certaine froideur ou, comme le dit Taylor,« une admirable sévérité ». La vue intérieure d’Hardingrenoue avec une sensibilité plus romantique. Le presti-gieux monument n’est plus que ruine. La décadence del’amphithéâtre dont « l’époque précise de la construc-

tion est inconnue » est avérée. « Les Arènes qui étaient

devenues une forteresse, plusieurs fois incendiées,

ont considérablement souffert. » Et la décrépitude n’est

L’ARÈNE DE L’AMPHITHÉÂTRE DE NISMES[NÎMES]

Auteur : Harding, James-Duffield (1798-1863)Lithographie de : C. HullmandelPlanche : 269Format : 372 × 255 mmDate : s. d.

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pas terminée, se lamente le baron car « en faire main-

tenant encore un parc de guerre, c’est retourner à la

barbarie que notre siècle aime tant à reprocher au

passé ». La lithographie, loin de la fureur militaire, pré-sente un espace clos où les gradins écroulés attendenten vain un public qui ne viendra plus. Le géant de pierre,où résonnaient les cris de 25000 spectateurs, n’est plusqu’une carrière où viennent s’approvisionner les Nî-mois. Une femme et ses enfants empruntent l’allée jadisréservée aux gladiateurs. Les chars des courses an-tiques ont laissé la place à une brouette dans laquelleest jetée une pelle. Il faudra attendre les années 1860pour que le monument soit dégagé et aménagé pouraccueillir les courses de taureaux et les corridas.

VUE GÉNÉRALE DES ARÈNES. NISMES[NÎMES]

Auteur : Questel, Charles-Auguste (1807-1888)Lithographie de : Challamel, Pierre-Joseph (1813-1892)& Thierry FrèresPlanche : 281 bisFormat : 467 × 234 mmDate : s. d.

ARÈNES DE NISMES [NÎMES] ESCALIER CONDUISANT DU 1er ÉTAGE À LA GALERIE SUPÉRIEURE

Auteur : Lenoir, Albert (1801-1891)Lithographie de : Boug d’OrschwillierPlanche : 281 ter.Format : 311 × 216 mmDate : 1839

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« Nous ne connaissons rien de plus ravissant dans

toute la province que la vue de ce monument, prise

du pont construit sur l’Orb qui coule au pied du pro-

montoire sur lequel la ville de Béziers est construite. »À l’approche de Béziers, le voyageur est toujours sur-pris par la masse de la cathédrale Saint-Nazaire se dé-coupant sur le ciel. Construite au sommet d’un escar-pement, elle écrase le paysage de sa présence. Réaliséeau pied du vieux pont lancé sur l’Orb, cette belle com-position exagère son aspect de forteresse : de hautestours semblent flanquer le vaisseau dominé par unpuissant clocher donjon surmonté d’un frêle campa-nile. En avant, de hautes murailles sont animées d’arcsmâchicoulis sous lesquels sont percées des archères.C’est sous son contrôle qu’une charrette tirée par unbœuf escalade difficilement la calade qui mène à laville haute.

Haut lieu de la croisade contre les Albigeois, la ca-thédrale Saint-Nazaire fut le témoin de l’un des plusabominables massacres de l’époque médiévale. Alorsque les croisés avaient réussi à pénétrer la ville parsurprise, la population s’était réfugiée dans la cathé-drale, espérant échapper à la vindicte des conquérants.

Mal leur en prit, mais laissons la parole au chroniqueurGuillaume de Tudèle (début XIIIe siècle) : « Tous ceux

d’entre eux qui s’étaient réfugiés dans l’église furent

tués ; rien ne put les sauver, ni croix, ni autel, ni

crucifix ; les ribauds, ces fous et ces gueux, tuèrent

clercs et femmes et enfants ; pas un, je crois,

n’échappa. Dieu reçoive leurs âmes, s’il lui plaît,

dans son paradis ! Je ne crois pas que jamais si sau-

vage tuerie ait été résolue ni accomplie depuis les

temps des Sarrasins. » Bavure de ribauds déchaînésqui échappent au contrôle des chevaliers? Volonté defaire un exemple pour épouvanter la population méri-dionale? Le massacre de Béziers retentit toujours dansla terrible sentence prêtée au légat de la croisade :« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » De cetteépoque, il ne reste presque rien, la cathédrale fut engrande partie détruite lors de la prise de la ville. Sa re-construction s’échelonna sur trois siècles. Taylor luireconnaît en elle « une église militante du plus ad-

mirable effet », même si « la façade extérieure […] a

été mutilée par la rage dévastatrice des iconoclastes

du XIXe siècle, et par l’ignorance des restaurateurs

classiques de ces derniers temps ».

VUE GÉNÉRALE DE SAINT-NAZAIRE, CATHÉDRALE DE BÉZIERS

Auteur : Dauzats, Adrien (1804-1868)Lithographie de : Benard (1801?-1850?) & Bichebois, Louis-Philippe Alphonse (1801-1850)Planche : 247 bisFormat : 430 × 305 mmDate : s. d.

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ADGE [AGDE]

Auteur : Gale, R. L.Lithographie de : C. HullmandelPlanche : 249 ter.Format : 337 × 235 mmDate : s. d.

À Agde, les bords de l’Hérault étaient alors animésd’une intense activité. Fondée au VIe siècle avant notreère par les Grecs à l’embouchure du fleuve, Agathé

Tyché, « la bonne fortune », justifiait encore son nom.Sur le quai, des hommes préparent de gros ballots quiseront chargés sur une barque dont la vergue est bais-sée. La voile claque doucement dans la brise. Sous unetoile rayée, à l’abri du soleil, des sacs remplissent déjàl’embarcation. Au milieu du fleuve, une autre barque ahissé la voile ; ses trois mâts ne seront pas de troppour affronter la Méditerranée. Dans le lointain, uneforêt de mâts témoigne de l’importance du port.

En arrière-plan, la ville, « triste et sombre », sembleassoupie au soleil. Découpée sur le ciel, la masse duclocher de la cathédrale Saint-Étienne la domine detoute sa hauteur. Plusieurs fois détruite au cours desâges, la ville ne vaut plus que par la cathédrale et lesruines de l’ancien palais épiscopal. La cathédrale futprobablement fortifiée, comme bon nombre d’égliseslanguedociennes, au XIVe siècle : de beaux mâchicoulissur arcs relièrent ses puissants contreforts. Le morceaule plus impressionnant reste cependant l’énorme tournord couronnée de mâchicoulis et portant des échau-guettes d’angles. « Sa vieillesse est son plus beau ti-

tre », soupire Taylor. Aujourd’hui, l’animation a quittéles bords de l’Hérault pour se réfugier dans le tumultede la station balnéaire du Cap d’Agde.

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Comment le baron aurait-il pu résister au spectacleimpressionnant de la vallée de l’Ardèche aux environsde Vallon-Pont-d’Arc ! « Tout ce qui entoure ce lieu

est agreste et sauvage ; c’est un assemblage de rochers

qui offrent, dans quelques endroits, l’image du

chaos. » C’est pourtant une nature apaisée que nousprésente la lithographie du pont d’Arc d’Émile Lassale :un troupeau de bovins encadré par deux bergers des-cend doucement vers la rivière pour s’y abreuver. Ausecond plan, le célèbre pont naturel, inscrit dans ununivers minéral, se mire dans les eaux calmes. Cettevision contraste avec le récit de Taylor dans lequel« deux hautes montagnes, coupées à pic, resserrent

l’Ardèche et se rejoignent par une voûte hardie

qui semble avoir été construite par des génies. Ce

pont, monument extraordinaire de la nature, est le

seul de ce genre qui existe en France ».Toujours bien renseigné, il rappelle à juste titre

que le pont « fut revêtu de fortifications dans le temps

des guerres de Religion, et le sang des hommes a

coulé abondamment dans ce lieu triste et sauvage ».En effet, en avril 1621, le pont d’Arc permit auxtroupes du protestant Autiège de franchir l’Ardècheen crue et de gagner Vallon, après avoir bousculé unecompagnie commandée par le capitaine Niclot. Ce se-cours n’empêchera pas la ville de tomber quelquesjours plus tard et d’être livrée au pillage.

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PONT-D’ARC (PRÈS VALLON) [VALLON-PONT-D’ARC]

Auteur : Lassalle, Émile (1813-1871)Lithographie de : Thierry FrèresPlanche : 304Format : 321 × 242 mmDate : 1839

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En aval de Vallon, plantée sur la rive droite de l’Ar-dèche, «  la vieille tour carrée que nous apercevons

d’abord au passage du bac, fut construite pour com-

mander le cours de la rivière, et assurer le droit de

péage qui était dû aux sires de Vallon ». La jolie gra-vure de la campagne de Vallon par Sabatier nous rap-pelle ces bacs, ici au gué de Chauvieux, qui assuraientle passage. La rivière calme est franchie sur une barque

manœuvrée avec une longue rame ; sur la rive gauche,sur un fragile ponton, un homme seul observe la scènebucolique. La tour de Salavas qui se reflète dans l’eau,construite à la fin du XIIIe siècle à la frontière du do-maine royal, surveillait ce passage stratégique vers leVivarais impérial. Fortifiée lors des guerres de Religion,elle fut âprement disputée par les deux partis.

LA CAMPAGNE DE VALLON [VALLON-PONT-D’ARC]

Auteurs : Le Camus, Louis-Firmin (1762-1808) & Sabatier, Léon Jean-Baptiste (?-1887)Lithographie de : Bichebois, Louis-Philippe Alphonse (1801-1850) & Benard (1801?-1850?)Planche : 305Format : 350 × 274 mmDate : 1834

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Languedoc (tome IV)

Voyages pittoresques et romantiques

du baron Taylor dans l’ancienne France

Lithographies choisies et commentéespar Dominique Dieltiens

Gard, Hérault, Ardèche

Entre 1820 et 1878, le baron Isidore Taylor, assisté de Charles Nodier et Alphonse de Cailleux,réalise les vingt volumes des Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France.Les lithographies réunies dans chaque volume représentent aussi bien des monumentscivils, militaires et religieux que des paysages ou des scènes de la vie quotidienne de laFrance de l’époque. Ce travail monumental est un témoignage précieux de la situation dupatrimoine bâti en France dans la première moitié du XIXe siècle, en partie disparu. Il a éga-lement ouvert la voie d’un changement de perspective dans le regard porté sur ces édifices,les sortant du cadre purement fonctionnel pour les intégrer dans le champ de la consciencecollective nationale.

De cet inventaire patrimonial et paysager, aucune édition jusqu’ici n’avait présenté la totalité des lithographies rassemblées par aires géographiques continues.

Chaque volume de cette nouvelle édition raisonnée des Voyages pittoresques présenteune sélection des vues les plus remarquables accompagnées d’une notice développée, et reproduit l’ensemble des lithographies relatives aux départements étudiés.

Le présent volume réunit les lithographies consacrées aux départements du Gard, del’Hérault et de l’Ardèche, avec notamment des vues de Nîmes, Villeneuve-lez-Avignon, Beau-caire, Saint-Gilles-du-Gard, Aigues-Mortes, Béziers, Lodève, Montpellier, Agde, Minerve,Valmagne, Saint-Guilhem-le-Désert, Saint-Pons-de-Thomières, Clermont-l’Hérault, Sète, Viviers, Saint-Andéol, Rochemaure, Balazuc…

ISBN 978-2-86266-665-5

9 782862 66665525 €

www.lo

ubatieres.fr

Église Saint-Nazaire à Béziers, dessin de Louis Haghe, planche 248, 387 x 303 mm, 1836.