PÉTROLE OFFSHORE EN ARCTIQUE : DOIT-ON GELER LES ...

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//////// Études //////// * Responsible investing : investir responsable. PÉTROLE OFFSHORE EN ARCTIQUE : DOIT-ON GELER LES INVESTISSEMENTS ? Dans l’histoire de l’exploration offshore, l’Arctique apparaît aujourd’hui comme la dernière frontière pour les compagnies pétrolières. Cependant, la zone demeure un défi majeur à plus d’un égard. Sur le plan opérationnel, la tendance montre que les compagnies opèrent désormais dans des zones de plus en plus risquées. Sur le plan environnemen- tal, la fuite de pétrole fait figure de « cygne noir ». S’il est impossible d’en prévoir l’occurrence, il est certain que ses conséquences, seraient drama- tiques. Sur le plan politique, l’extrême sensibilité des parties prenantes entraîne un durcissement de la contrainte réglementaire. Ces facteurs se conjuguent et viennent remettre en question la rentabilité économique des projets. Pour les inves- tisseurs, des questions importantes demeurent quant au niveau des risques auxquels s’exposent véritablement les pétroliers dans cette région. INTRODUCTION Cyrille Vecchi Analyste ISR Jean-Xavier Hecker Analyste ISR SOMMAIRE Cyrille Vecchi 1 I Des projets d’exploration toujours plus risqués 76 2 I Marée noire ou cygne noir ? 77 3 I Une contrainte réglementaire de plus en plus exigeante 78 4 I La gestion des risques malmène la rentabilité des projets 83 5 I Russie : focus sur un partenaire risqué 85 6 I Conclusion : une démarche d’engagement nécessaire 90 Bibliographie 91 Février 2014

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PÉTROLE OFFSHORE EN ARCTIQUE : DOIT-ON GELER LES INVESTISSEMENTS ?

Dans l’histoire de l’exploration offshore, l’Arctique apparaît aujourd’hui comme la dernière frontière pour les compagnies pétrolières. Cependant, la zone demeure un défi majeur à plus d’un égard. Sur le plan opérationnel, la tendance montre que les compagnies opèrent désormais dans des zones de plus en plus risquées. Sur le plan environnemen-tal, la fuite de pétrole fait figure de « cygne noir ». S’il est impossible d’en prévoir l’occurrence, il est

certain que ses conséquences, seraient drama-tiques. Sur le plan politique, l’extrême sensibilité des parties prenantes entraîne un durcissement de la contrainte réglementaire. Ces facteurs se conjuguent et viennent remettre en question la rentabilité économique des projets. Pour les inves-tisseurs, des questions importantes demeurent quant au niveau des risques auxquels s’exposent véritablement les pétroliers dans cette région.

INTRODUCTION

Cyrille VecchiAnalyste ISR

Jean-Xavier HeckerAnalyste ISR

SOMMAIRE

Cyrille Vecchi

1 I Des projets d’exploration toujours plus risqués 762 I Marée noire ou cygne noir ? 773 I Une contrainte réglementaire de plus en plus exigeante 784 I La gestion des risques malmène la rentabilité des projets 835 I Russie : focus sur un partenaire risqué 856 I Conclusion : une démarche d’engagement nécessaire 90 Bibliographie 91

Février 2014

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1 I Des projets d’exploration toujours plus risqués

Un risque opérationnel élevé lié aux conditions climatiques de la région

L’Arctique exacerbe par la rigueur de ses conditions clima-tiques les risques liés au forage offshore et nécessite le développement d’un équipement adapté et renforcé, que ce soit pour les navires, les plates-formes de forage ou même les infrastructures côtières. Parmi les éléments qui accentuent la difficulté des activités, on trouve notamment :

➜ des conditions de transport extrêmes avec des tem-pêtes exceptionnellement fortes (les vagues en mer d’Okhotsk peuvent atteindre 19 m) ; l’existence d’un brouillard épais qui peut durer plusieurs mois ; et des températures atteignant - 40 °C en hiver ;

➜ des risques liés à la glace, que ce soit la banquise (lorsqu’elle se reforme) ou les icebergs à la dérive sus-ceptibles de mettre en danger, en un temps record, une structure de forage.

Néanmoins, il serait trompeur de penser qu’un même niveau de risque s’applique à l’ensemble des projets d’exploration et d’exploitation en Arctique.

Il n’y a pas « un Arctique » mais « des Arctiques »

Ces risques opérationnels ne sont en effet pas uniformes pour tous les projets. Ils dépendent essentiellement de la localisation géographique des réserves.

Statoil, producteur intégré norvégien, propose une grille d’analyse des risques des projets offshore arctiques en croisant le niveau d’accessibilité technique des zones mari-times et la profondeur des eaux au niveau du forage, les deux principaux facteurs de risques pour forer en Arctique selon le pétrolier. Ces deux éléments sont extrêmement importants dans l’évaluation de la faisabilité de tels projets et conditionnent le niveau technologique nécessaire pour les mener à bien.

Sur la base de cette grille, nous avons cartographié (voir schéma 1) l’ensemble des projets d’exploration et de pro-duction réalisés en offshore dans les eaux arctiques à partir des données projets communiquées par les pétroliers, de la cartographie de l’accessibilité de la région arctique de l’IFPEN (2010) et de la maturité du projet :

➜ Production : généralement dans des eaux ouvertes, à faible profondeur (< 2013).

➜ Validation : dont la production est programmée dans les prochaines années (production en 2014-2020).

➜ Exploration : consistant à rechercher les gisements identifiés. Seuls des forages d’exploration, activités extrêmement risquées, permettent de valider le poten-tiel en hydrocarbures (production post 2020).

Les futurs projets sont en Arctique extrême

Nous remarquons que l’ensemble des projets entrés en phase de production sont situés en conditions arctiques ex-ploitables avec les technologies disponibles (à l’exception de Sakhalin1).

Cependant, si le forage offshore en Arctique n’est pas une activité récente, la tendance montre que les entreprises prospectent dans des conditions de plus en plus risquées pour accéder à de nouvelles ressources : plus de la moitié des projets d’exploration recensés a lieu dans des conditions arctiques atteignable et extrême, combinant des profondeurs supérieures à 1 000 m (conditions de deep offshore) et une accessibilité technique difficile des zones maritimes.

Cette cartographie interpelle tout particulièrement sur le niveau de risques opérationnels des projets d’exploration suivants :

➜ les licences de prospection Ajurak et Pokak dans la mer de Beaufort canadienne, par la joint-venture entre BP, Exxon et Imperial Oil, opérées par Imperial Oil ;

➜ les licences de prospection dans les mers de Kara et de Laptev russes, détenues par les joint-ventures entre Rosneft et Exxon. En février, les deux parties ont ajouté de nouveaux blocs arctiques à leur accord global. Exxon et Rosneft débutent leur partenariat en mer de Kara. La JV nouvellement créée, Karmorneftegaz (Exxon 33,3 % et Rosneft 66,6 % d’intérêt), est toujours au stade de l’acquisition sismique et prévoit les premiers forages en 2014. Exxon assumera les coûts d’exploration initiaux. Les activités en mer de Laptev suivront, les arrange-ments de la JV doivent encore être finalisés.

La prise de risque croissante de ces projets questionne tout naturellement la capacité des compagnies à faire face à une marée noire, à l’instar de celle liée à l’explosion de la plate-forme Deepwater dans le golfe du Mexique, dont l’ampleur en termes de dégâts environnementaux et financiers est désormais gravée dans les mémoires.

“ La tendance montre que les entreprises prospectent dans des conditions de plus en plus risquées pour accéder à de nouvelles ressources.

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2 I Marée noire ou cygne noir ?

Si l’on constate que les compagnies pétrolières opèrent désor-mais dans des zones de plus en plus risquées, il est difficile de prévoir avec exactitude la probabilité d’occurrence d’un sinistre. En dépit de tous les efforts de mitigation réalisables, il demeure impossible pour les sociétés de garantir le risque zéro fuite. C’est pourquoi les marées noires de l’Arctique peuvent être considérées comme des « cygnes noirs » (Taleb, 2008), c’est-à-dire des évènements dont la probabilité ne peut être estimée et dont les conséquences ont une portée dévastatrice.

Un écosystème hypersensible

L’Arctique compte l’un des écosystèmes les plus riches du monde, dont la capacité de résilience face à un sinistre est extrêmement faible (Lloyd’s & Chatham House, 2012). À titre de comparaison, rappelons que l’impact environnemental de

la catastrophe de l’Exxon Valdez dans le golfe de l’Alaska (dont l’environnement présente des caractéristiques similaires à celles de l’Arctique) est encore perceptible. Plus de vingt ans après, on continue de trouver du pétrole dans l’écosystème, et certaines populations animales, comme la loutre de mer ou les orques, ne parviennent pas à se repeupler. La question de leur survie demeure en suspens (Arctic Council, 2011).

Un risque d’image important pour les first movers

Une marée noire en Arctique serait synonyme de l’arrêt défi-nitif de l’exploitation pétrolière et constitue pour l’entreprise qui en portera la responsabilité, un risque d’image extrême-ment élevé.

Shell et Eni sont à un stade avancé des négociations et devraient tôt ou tard commencer à percer les forages de production, respectivement en Alaska et en mer de Barents.

Skrugard /Havis2019 E

White Rose2005

Sakhalin-12000

Asgard1999

500 1 000 2 0001 500

Mikkel2003 Snøhvit

2001

Goliat2014 E

Ormen Lange1997

Bonna&Salina

Extrême – La réalisation des projets nécessiteun investissement R&D sur le long-terme

Atteignable – les projets sont supposéspouvoir être mis en place avec uninvestissement R&D à moyen / long-terme

Exploitable – Les projets peuvent être menéssur la base des technologies existantes

Profondeur de l'eauCanada Norvège Danemark États-Unis

Production de Gaz Exploration

Newfoundland

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Production de Pétrole

Russie

Schéma 1 : Cartographie des projets offshore en Arctique

Pays Actifs Location Opérateur

1 Canada Parcel NL 11-02-01 Bassin du Flemish Pass Statoil

2 Canada Ajurak - Pokak Mer de Beaufort Imperial Oil

3 États-Unis 93 Blocks Mer de Chukchi Repsol

4 Danemark Sigguk Block Mer de Baffin Cairn

5 Danemark Tooq block 9 Mer de Baffin Maersk Oil

6 Danemark Pitu block Mer de Baffin Cairn

7 Danemark Anu & Napu Mer de Baffin Shell

8 Russie Ust’ Oleneskiy Mer de Laptev Exxon ou Rosneft

9 Russie Ust’ Lensky Mer de Laptev Exxon ou Rosneft

10 Russie Severo - Karsky Mer de Kara Exxon ou Rosneft

11 Russie East Prinovozemelskiy -1, 2 and 3 Mer de Kara Exxon ou Rosneft

12 Russie Anisinsko Novosirbirsky Mer de Laptev Exxon ou Rosneft

Sources : Mirova / Statoil.

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De leur succès dépend l’acceptabilité sociale de l’industrie pétrolière en Arctique. La société civile, d’autant plus vigi-lante dans le contexte post-Macondo actuel, et les popula-tions locales (4 millions d’habitants vivent actuellement en Arctique) peu enclines à réduire leurs surfaces de terres d’élevage et à partager leur continent avec des nouvelles populations de travailleurs, accepteront difficilement le moindre incident dans les eaux arctiques.

Devant ce risque, certains pétroliers comme Total se sont désolidarisés des lobbys pétroliers en clamant leur volonté de ne pas forer du pétrole dans les eaux arctiques. Des dis-cours discordants apparaissent donc au sein de l’industrie, événement suffisamment rare pour être souligné.

Des incertitudes persistantes sur les capacités de net-toyage

L’industrie pétrolière, qui a toujours clamé sa capacité à nettoyer les déversements d’hydrocarbures en Arctique, a lancé son deuxième grand programme de recherche depuis 2006 afin de déterminer les meilleurs outils pour remédier à une marée noire dans, sur et sous la glace. En complément des techniques classiques (comme les navires d’écrémage, les barrages flottants absorbants ou les agents chimiques de dispersion), les nouvelles technologies de réponse, en phase de test, utilisent par exemple des drones militaires ou un sous-marin téléguidé (surnommé Le Jaguar par ses développeurs de la Woods Hole Oceanographic Institution au Massachussetts).

Néanmoins, ainsi que le soulignait le Parlement britannique (UK Government, 2012), des incertitudes persistent sur les capacités de réponse réelles à une marée noire dans les conditions de l’Arctique. Parmi les problèmes identifiés, on note un certain nombre de points.

Des fenêtres de temps limitées pour faire face à un sinistre

Les conditions climatiques arctiques et le cycle de reforma-tion de la banquise limitent les fenêtres temporelles dans lesquelles les forages sont possibles. Celles-ci peuvent se réduire à moins de deux mois pour les zones à accessibilité complexe. Les gouvernements des pays limitrophes peuvent aussi encadrer les saisons de forage, à l’instar de la décision prise par les gouvernements du Groenland et des États-Unis de réduire d’un tiers la fenêtre de forage accordée à Shell dans la mer de Chukchi. On peut dès lors se poser la question de la possibilité de nettoyer une marée noire qui interviendrait à la fin d’une fenêtre de forage.

Cette capacité de réponse limitée est renforcée par le manque d’infrastructures et l’absence de réponse d’urgence dans les ports les plus proches.

Des réponses mécaniques inopérantes en période de banquise

Ainsi qu’établi par un rapport commandité par l’administration côtière norvégienne et publié par le conseil de l’Arctique, les conditions particulières de l’environnement arctique peuvent

dans certains cas – lors de conditions météorologiques optimales – constituer un rempart naturel à la dispersion d’une marée noire. Cependant, lorsque la banquise recouvre plus de 25 % de la zone concernée, la plupart des réponses mécaniques deviennent inopérantes (Arctic Council, 2011).

Des réponses chimiques encore peu maîtrisées

Les réponses non mécaniques, à savoir l’utilisation de com-posants chimiques « dispersants », constituent un mode de réponse susceptible d’être utilisé avec une couverture de la zone par la glace allant jusqu’à 80-90 % (Arctic Council, 2011). Cependant, l’utilisation de dispersants est rendue difficile, voire impossible, en cas de conditions météorologiques dégradées. Par ailleurs, des recherches plus approfondies sont attendues pour évaluer leur impact environnemental sur les écosystèmes de l’Arctique, ainsi que le relève le rapport des parlementaires britanniques.

La seule véritable nouveauté technologique envisagée pour l’Arctique est un retour d’expérience de la marée noire de la plate-forme Deepwater. L’utilisation de dispersants chimiques sous-marins à la tête de puits.

Un manque de standardisation des techniques de récu-pération des substances toxiques autres que le pétrole

Le Conseil de l’Arctique (Arctic Council, 2011) rappelle que si les nombreuses techniques de réponses à une marée noire commencent à être standardisées et adaptées aux conditions de l’Arctique, celles relevant de la récupération de composants chimiques toxiques autres que les hydro-carbures, présentent un risque environnemental bien plus élevé. Ces substances, dont les natures sont extrême-ment variées, ne flottent pas, mais se dissolvent dans l’eau. Leur comportement exact n’a pas encore été suffisamment étudié, ni leurs méthodes de récupération suffisamment standardisées.

Face au spectre d’une marée noire, les pays de la région arctique se sont dotés de réglementations qui visent à prendre la mesure du risque. L’actualité du sujet les expose à de nombreux changements. Si l’hétérogénéité demeure, on note une tendance claire au durcissement des règles.

3 I Une contrainte réglementaire de plus en plus exigeante

L’Arctique se caractérise par une absence de cadre supra-national homogène, dont l’émergence est freinée par les intérêts politiques et économiques des puissances présentes sur la zone. Cependant, l’extrême sensibilité des parties prenantes a favorisé l’émergence de cadres réglementaires nationaux de plus en plus exigeants.

L’absence de cadre supranational

Contrairement à ce qui prévaut en Antarctique, le cadre réglementaire qui s’applique en Arctique n’est pas dominé par un traité international consacrant la spécificité de la zone

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et disposant « qu’il est de l’intérêt de l’humanité tout entière que celle-ci soit à jamais réservée aux seules activités paci-fiques et ne devienne ni le théâtre ni l’enjeu de différends internationaux » (Conférence de l’Antarctique, 1959).

De fait, la structure du droit qui a cours en Arctique reste classique. Elle inclut un ensemble de conventions interna-tionales à l’applicabilité limitée (mécanismes de contrôle inexistants, absence de ratification par certains États), et des dispositions législatives spécifiques à chaque pays dont les niveaux d’exigence hétérogènes s’appuient sur un large ensemble de normes, standards et guidelines nationaux et internationaux.

Une gouvernance dénuée de force contraignante

On note en Arctique la présence de différentes institutions, dont les objectifs se recoupent, mais qui diffèrent cependant dans leur composition. Aucune n’arrive cependant à s’impo-ser comme « l’acteur dominant », aucune n’est en mesure de développer un environnement réglementaire homogène.

Ainsi la principale organisation de coopération en Arctique, le Conseil de l’Arctique n’a pas le statut d’organisation inter-nationale mais de forum intergouvernemental. Elle constitue une réponse « autorégulatrice » préservant les souverainetés nationales. Sa création en 1996 consacre un processus de coopération dont le déroulement a été facilité par l’apaise-ment des relations Est-Ouest depuis le début des années 1980. Composé des huit membres permanents que sont les États précédemment cités, la mission du Conseil est d’améliorer la connaissance scientifique disponible sur la région arctique et d’émettre des recommandations, libre-ment applicables par les États, afin d’améliorer la protection de ses écosystèmes et de leurs habitants.

Schéma 2 : Le cercle arctique : région dominée parcinq principaux pays

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Russie Canada Danemark Norvège États-Unis

Source: Mirova selon Hofstra University.

Une zone au centre d’intérêts stratégiques et économiques

L’Arctique revêt une importance économique et géostra-tégique majeure, impliquant des acteurs dont le périmètre dépasse largement sa définition géographique, en intégrant des acteurs nationaux et supranationaux tels que la Chine

ou l’Union européenne. Cet intérêt géostratégique a été renforcé par les effets du réchauffement climatique et la fonte accélérée de la banquise qui a permis l’ouverture de nouvelles routes maritimes qui facilitent l’accès aux res-sources de l’Arctique. Ainsi, en août 2013, un cargo chinois du groupe maritime Cosco a emprunté pour la première fois le passage du nord-est, qui longe les côtes septentrionales de la Sibérie, pour rejoindre l’Europe depuis la Chine. Le réveil des souverainetés auquel on a pu assister n’est pas sans remettre en question le fonctionnement actuel du Conseil de l’Arctique (Mampey, 2013) et contribue à freiner l’émer-gence d’un cadre réglementaire homogène et contraignant, notamment sur les aspects techniques et environnementaux ayant trait au forage offshore.

Schéma 3 : Comparaison des niveaux d’exigeancedes réglementations techniques

et environnementales

1

Très forte(s)

Forte(s)

Modéré(s)

Faible(s)

Très faible(s)Réglementationsenvironnementales

Réglementationstechniques

Niveau d'applicationde la réglementation

Coût estiméd'une marée noire

RussieCanadaDanemark

NorvègeUSA

Source: Mirova.

Des réglementations nationales hétérogènes et exigeantes

Lors de l’évaluation de la viabilité d’un projet et de son niveau de risque, cette hétérogénéité implique de mener à bien une analyse risque-pays1. Celle-ci permettra d’estimer les coûts supplémentaires des contraintes techniques en vigueur et de faire les provisions nécessaires à une mise en conformité avec les régimes de responsabilité associés à l’occurrence d’un sinistre.

En croisant plusieurs sources, Mirova a tenté de dresser une image de l’état actuel des réglementations ayant cours dans les différents pays de la zone arctique. La schémati-sation de ces résultats révèle que les États se sont dotés de cadres réglementaires extrêmement exigeants sur les plans technique et environnemental. Nous voyons aussi que la Russie constitue un cas à part, que nous étudierons plus en profondeur au chapitre 5.

Les contraintes que représentent les risques opérationnels, le risque de marée noire et celui lié au durcissement des réglementations nationales, ne sont pas à prendre séparé-ment. Ces risques, qui sont étroitement liés entre eux, sont susceptibles de venir impacter significativement la rentabilité économique des projets offshore en Arctique.

1. Le risque-pays recouvre les différents facteurs, notamment politiques, économiques, sociaux qui peuvent entraîner un risque lors d’une opération avec un pays étranger. Ici, nous traiterons majoritairement de l’aspect réglementaire.

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Canada (offshore) États-Unis Danemark & Groenland Norvège Russie

Supranational

Conseil de l’Arctique

Les cinq pays sont les membres permanents les plus influents – les autres membres permanents sont la Finlande, l’Islande et la Suède.

Nations Unies

Signataires de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (non ratifié par les États-Unis cependant). Cadre réglementaire fixant les droits et les responsabilités des États dans les océans. Elle comporte un organe de règlement des différends relatifs au droit de la Mer (tribunal international du droit de la Mer), notamment lorsque deux États se disputent la souveraineté sur des territoires riches en ressources (ex : Canada vs USA dans la mer de Beaufort). Le règlement d’un différend entre la Russie et la Norvège en mer de Barents a pris 40 ans.

UE

Directive 2013/30/UE du Par-lement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer et modifiant la directive 2004/35/CE.

National

Régulateur(s)

National Energy Board (NEB) ;

Canada Newfoundland and Labrador Offshore Pe-troleum Board (C-NLOPB) ;

Aboriginal Affairs and North-ern Development Canada (AANDC).

Department of the interior (DOI) ;

Bureau of Ocean Energy Man-agement (BOEM) ;

Bureau of Safety and Environ-mental Enforcement (BSEE)

US Environmental Protection Agency (EPA).

Bureau of Minerals and Petrol (BMP)

Greenland Institute of Natural Resources (GINR) ;

National Environmental Re-search (NERI

Norwegian Ministry of the Environment (MD);

Norwegian Climate and Pol-lution Agency (Klif);

Norwegian Ministry of Health and Social Affairs (SHD);Norwegian Pollution Control Authority (SFT);

Norwegian Petroleum Direc-torate (NPD)

Ministry of natural resources and environment (MNRE)

Rosnedra (Federal Agency for Subsoil usage)

Rosprironadzor (Federal Ser-vice for supervising of the use of natural resources)

Approche de la réglementation technique et environnemen-tale

Approche au cas par cas prenant en considération le niveau de pratique des entreprises et leur plan de sécurité (safety plan).

Approche incitative par la fixation d’objectifs de sûreté et de sécurité spécifiques à chaque secteur, dans le cadre d’une approche globale de la sécurité.

L’adoption de standards industriels est recommandée là où le cadre réglementaire est imprécis.

P r o c e s s u s d y n a m i q u e d’intégration des pratiques.

La loi sur les ressources minérales dispose qu’il est à la charge de l’investisseur de prouver qu’il respecte les meilleures pratiques internationales

Approche incitative (perfor-mance based).

Une réglementation envi-ronnementale globale est en développement.

Volonté d’équilibrer les intérêts entre le secteur pétrolier et celui de la pêche.

Codes environnementaux stricts basés sur le respect d’objectifs et de critères définis à l’avance.

Application irrégulière

Manque de cohérence interne des standards environnemen-taux (obsolescence partielle).

Normes

Projets de coopération

Projets Barents 2020 : cette initiative lancée entre la Norvège et la Russie vise à harmoniser les normes opérationnelles des sociétés opérant dans la mer de Barents.

Le Groenland tend à adopter les standards norvégiens.

ISO 19900: 2002 – Industries du pétrole et du gaz naturel – Exigences générales pour les structures en merSpécifie les principes généraux régissant la conception et l’évaluation de structures en mer, qu’elles soient flottantes ou prennent appui sur le fond marin, quels que soient les matériaux les composant. Cette norme s’applique à toutes les étapes de leur cycle de vie, à savoir, conception, construction, utilisation et abandon. Elle traite également des processus de contrôle qualité. Parmi les structures concernées par cette norme on trouve : substructures, superstructures, coques, fondations et systèmes d’ancrage.

Il existe des standards russes plus généraux (ex : concep-tion de structures en acier) qui utilisent des critères dif-férents de ceux de la norme ISO 19900:2002.

ISO 19906: 2010 - Industries du pétrole et du gaz naturel - Structures arctiques en merCette norme spécifie les exigences et fournit des recommandations et lignes directrices pour la conception, la construc-tion, le transport, l’installation et la dépose de structures en mer liées aux activités des industries du pétrole et du gaz naturel dans la région arctique, définie comme une région froide soumise à des régimes de glace marine, d’iceberg et de formation de glace. Si elle a pour objectif de garantir la fiabilité des structures quant à leur sécurité tant pour les hom-mes que pour l’environnement, elle ne comporte pas d’exigences relatives à l’exploitation, la maintenance, l’inspection pendant la durée de vie en service ou la réparation des structures en mer en zones arctiques et froides (sauf exigences spécifiques de la stratégie de conception).

Une version russe de ISO 19906 (GOST R ISO 19906) a été présentée à l’Agence fédérale de standardisation (Rosstandart), mais la date d’entrée en vigueur n’est pas encore fixée.

AutresLe BOEM et l’EPA réfléchissent à la définition de nouveaux standards techniques et en-vironnementaux.

En mars 2013, le Groenland a adopté un moratoire sur l’attribution de nouvelles li-cences d’exploration et a durci les conditions d’exercices de celles en cours

Des restrictions de forage peuvent être appliquées en fonction des périodes de ponte et de migration.

Des controverses existent quant à une possible instru-mentalisation des réglemen-tations à des fins politiques.

Cadre réglementaire général des cinq principaux pays de l’Arctique

Sources : Mirova / Lloyd’s / Barclays.

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Cadre réglementaire des forages offshore

Canada (offshore) États-Unis Danemark & Groenland Norvège Russie

Forage

Conception des puits

Les puits doivent être conçus de manière à assurer la sécu-rité et empêcher les fuites et les incidents.

Leur exploitation doit se faire en accord avec les meilleures pratiques.

Certains plans sont soumis à l’approbation de l’instance régulatrice, notamment con-cernant les aspects suivants :- tubage et cimentation ;- procédures de forage.

Il n’y a pas de régulation se rapportant spécifiquement à la conception d’un puits.Les guidelines de forage de 2010 requièrent cependant, afin d’obtenir l’autorisation de forer, de présenter un programme dé-taillé de forage et d’exploration du site.

L’opérateur doit soumettre aux autorités un programme décrivant les activités et l’équipement utilisé.Il n’y a pas d’exigences par-ticulières sur la conception du puits.L’opérateur est encouragé à utiliser une méthode d’évaluation des risques afin de minimiser et quantifier les risques encourus par les per-sonnes et l’environnement.

Il n’y pas à l’heure ac-tuelle de code russe complet applicable aux structures offshore.

Gainage et cimentation

La conception et l’installation des ciments et des gainages doivent répondre à des objec-tifs de sécurité et de protection des zones environnantes et être capables de résister à la pression du fond du puits ainsi qu’à d’autres facteurs.

Les exigences sont pre-scriptives et détaillées. L’opérateur doit remplir un certain nombre de conditions incluant :- des dispositifs de préven-

tion des fuites ;- un contrôle de la pression ;- un contrôle des mouvements

entre la zone d’hydrocarbure et l’environnement alentour.

L’opérateur doit fournir le détail : - sur le plan du gainage, en inclu-

ant le poids et la profondeur du gainage ;

- sur le plan de cimentation ;- démontrer la capacité de résis-

tance de la colonne de gainage sur la base de la pression, de la hauteur et de la densité du ciment et de la boue de forage ;

- etc.

Pas de recommandations spécifiques Manque d’informations

Puits de secours

Les opérateurs doivent dé-montrer leur capacité à forer un puits de secours pendant la même saison de forage. Les entreprises en mesure de prouver leur capacité à at-teindre cet objectif par d’autres moyens sont exemptées (2011, NEB Review).

La capacité de forer un puits de secours doit être démontrée et approuvée par le régulateur.

Non requis Non requis Idem

Systèmes d’arrêt d’urgence

Requis sur toutes les instal-lations offshore. Non requis

Non requis. Cependant, des réglementations « au cas par cas » existent afin de prévenir des risques d’explosion et d’ignition.

Requis sur toutes les installations Idem

Équipement de contrôle du puits

Au moins deux barrières indépendantes et testées doivent être en place durant toutes les opérations du puits après avoir effectué le gainage de surface.

Au moins deux barrières (une mécanique obligatoire) sont requises à travers le chemin d’écoulement du puits.

Les barrières ne sont pas requises et ne sont mentionnées que lorsque les BOP sont en main-tenance. Cependant, ce genre d’exigence peut être intégré au cas par cas.

Les barrières sont requises. Elles doivent être testées et sont choisies en fonction de leur capacité à réduire le risque de fuite.

Idem

Blow-out preventer (obturateur anti-éruption)

Des équipements « fiables » de prévention des éruptions sont requis sur tous les puits.

BOP requis BOP requis implicitement dans la définition du puits.

Les opérateurs doivent fournir des informations sur les mé-canismes de contrôle des puits. Cependant, la nature des équipements n’est pas spécifiée.

Idem

Activation des systèmes de contrôle des puits

Pas de spécification, mais les opérateurs doivent fournir des informations sur les systèmes de contrôle.

Les systèmes de contrôle des BOP doivent avoir un deux-ième système d’alimentation des centres de contrôle.Les BOP sous-marins doivent être en capacité d’être con-trôlés à distance.

Pas de spécifications mais les opérateurs doivent fournir des informations sur les systèmes de contrôle.

Les BOP doivent pouvoir être activés à distance d’au moins trois endroits, parmi lesquels l’un est situé loin du puits de forage.

Idem

Source : Mirova / Kepler Chevreux / Lloyds.

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Régimes de responsabilité applicables en cas de marée noire

Canada (offshore) États-Unis Danemark & Groenland Norvège Russie

Marée noire

Plan de prépara-tion à une marée noire

L e s r é g l e m e n t a t i o n s requièrent une description de la gestion de crise dont la conformité doit être ap-prouvée par le régulateur. Des exigences concernant les tests ne sont pas spécifiées.

- Rapport sur les plans de préparation à un sinistre.

- Certificat de conformité par installation.

Plan de préparation à une urgence requis.

Surveillance et améliora-tion constante des plans de sécurité et de management environnemental.

L e s r é g l e m e n t a t i o n s requièrent que les plans soi-ent testés tous les trois ans et que des exercices soient mis en place.

Il n’y a pas d’exigences spéci-fiques concernant les tests de plans de réponse à une marée noire.

Cependant, elles sont sus-ceptibles d’être incluses dans une licence ou une lettre d’approbation.

Désormais, le plan d’inter- vention d’urgence interne fait partie des documents qui doi-vent être fourni pour recevoir une licence opérationnelle dans les eaux européennes.

Les installations et les na-vires doivent être certifiés conformes.

Attestation de conformité sur les capacités techniques et de gestion requise.

Rapport sur les plans de préparation à un sinistre requis.

Les guidelines recommandent un test annuel.

Loi du 1er juillet 2013 : toutes les opérations pétrolières en Russie sont conditionnées à un plan de prévention et d’intervention en cas de fuite dans le milieu marin.

Il devra faire l’objet d’une consultation pub-lique et sera soumis à l’approbation d’experts environnementaux de l’État.

Niveau de responsabilité engagé en cas de marée noire

Plafonné à 1 milliard de dol-lars (le précédent plafond était de 40Mn).

La réparation de dommages civils n’a pas de plafond.

La loi sur la pêche peut aussi être appliquée et impliquer des coûts supplémentaires.

Responsabilité civile et criminelle.

La responsabilité financière en cas de déversement en mer est plafonnée à 75 millions de $ par incident, sauf s’il est établi que l’entreprise a commis une faute grave.

Plafond non applicable en cas de violation de la réglementa-tion ou si la plainte relève de dommages qui relèvent de la loi des États fédérés.

Clean Water Act : amende de 1 100 $ à 4 300 $ par baril déversé.

Le régime des responsabilités est ambigu.

Responsabilité illimitée même en cas « d’accident ».

La compensation financière sera proportionnelle à la gravité l’événement.

Responsabilité illimitée.

E n c a s d e p o l l u t i o n , l’entreprise qui détient la licence est responsable en-vers ceux qu’elle a affectés quelle que soit la cause de l’accident (les cas de force majeure peuvent cependant être pris en compte et réduire la responsabilité).

Les procès peuvent être te-nus dans les tribunaux de district. Des compensations financières spécifiques sont prévues pour les pêcheurs.

Responsabilité illimitée (civile, pénale, adminis-trative).

La non-conformité avec des normes environnemen-tales peut conduire à des amendes ou à la suspen-sion temporaire des activi-tés, selon l’appréciation de l’inspecteur indépendant.

Cependant, le montant des amendes peut être considéré comme néglige-able et les réglementations ne sont pas toujours ap-pliquées.

Mécanismes de couverture

Non requis

Chaque baril est taxé à 8 % pour financer le « Oil Spill Li-ability Trust Fund ».

Les sociétés doivent dé-montrer qu’elles disposent de 150 millions de capacité financière.

L’attribution de licences est conditionnée à un niveau de capital des entreprises de 10 milliards de dollars.

Elles doivent présenter des garanties financières sous formes de bons ou de certi-ficats d’assurance.

Non requis

Les entreprises doivent souscrire à un mécanisme de couverture, au choix entre :- une garantie bancaire ;- une réserve spéciale ;- une assurance couvrant les besoins financiers d’une compensation.

Étude d’impact environnemental et social requise ?

Oui. Si la société ne présente pas de plans prouvant qu’elle est en mesure de protéger le public, les travailleurs et l’environnement elle n’obtient pas la permission de forer (Office national de l’énergie du Canada, 2012).

Plan de coopération avec les communautés indigènes.

Oui (impact environnemental et social).

Les résultats de cette étude doivent être rendus publics.

Oui. Évaluation de l’impact environnemental obligatoire.

Oui. Approbation par le MNREP requise.

Source : Mirova ; Barclays ; Lloyd’s.

//////// Pétrole offshore en Arctique //////// Étude ////////

8

4 I La gestion des risques malmène la rentabilité des projets

Subissant les contraintes réglementaires et les surcoûts techniques qui en découlent, la rentabilité économique des projets arctiques n’est pas évidente. Le coût estimatif de production d’un baril de pétrole dans l’Arctique s’échelonne entre 40 $US et 100 $US d’après l’IEA (2008) (certains gisements au Moyen-Orient sont produits à moins de 5 $US le baril).

Un pari économique risqué

Il existe bien entendu des variations considérables entre les projets d’hydrocarbures de l’Arctique, considérant leur viabilité géologique, commerciale, opérationnelle ou environ-nementale. Nous sommes, bien entendu, sur un prix moyen différent de la réalité du terrain au cas par cas, mais qui a le mérite d’illustrer les coûts d’extraction, de production et de transport intrinsèquement élevés.

Les projets de pétrole offshore correspondent évidemment à la fourchette haute des estimations de l’IEA. La plupart des compagnies communiquent plutôt sur un prix entre 80 et 100 $US pour couvrir les dépenses.

Schéma 4 : Zones d’équilibre long terme desdifférentes ressources pétrolières

20

0

Ressources récupérables(milliards de barils)

-1 000 0 1 000 2 000 3 000 4 000 5 000 6 000

40

60

80

100

120

Coûts de production ($ par baril)140

Productionpassée Récupération

assistée

Arctique

Huileslourdes et

sablesbitumineux

Huile deschiste

Kérogène GtLCtL

Carburantsde synthèse

Arctiqueoffshore

Ultra deepoffshore

conventionnelPétrole

Source: Mirova, IEA, 2008,

La rentabilité dépend fortement des prévisions de prix de l’énergie. Il est difficile (voire vain) de réaliser des prévisions sur les prix long terme du baril afin de valider l’équation économique du pétrole offshore arctique. Nous pouvons néanmoins deviner que ces projets seront les plus coûteux à développer à l’échelle mondiale.

Le point mort est le prix du baril de pétrole permettant de dégager une valeur actuelle nette positive (avec un taux d’actualisation fixé à 10 %).

20

0

Production 2020e(millions de barils par jour)

4 6 8 10 12

40

60

80

100

120

Break even ($ par bep)

0 2 16 18 20 22 2414

Arctiqueoffshore

Source : Citi, 2013.

Schéma 5 : Point mort des projets pétroliersen développement (2020e)

Lorsque nous comparons les points morts estimés de l’en-semble de projets pétrole (gaz exclus) en développement et en pré développement mondiaux, les projets offshore Arctique sont dans la fourchette haute (cf. schéma 5). Seuls quelques projets de GNL et de sables bitumineux semblent proposer une rentabilité moindre que celle de l’Arctique.

Aujourd’hui, l’Arctique est l’un des paris économiques les plus risqués de l’industrie, dont le niveau d’incertitude finan-cier pose question aux investisseurs. À l’instar de Total qui estime que le prix du baril doit être supérieur à 80 $US pour justifier un investissement dans cette région (Total, 2011). Les projets en pré développement et en développement présentent d’ores et déjà des profils économiques moins attrayants que d’autres régions comme les gisements pré-sel du Brésil ou les huiles de schistes américaines.

Assumer le surcoût technologique

Les événements récents nous démontrent que le dévelop-pement des forages en Arctique nécessite un investisse-ment élevé. Nous sommes bien entendu sur un prix moyen différent de la réalité terrain au cas par cas, mais qui a le mérite d’illustrer les coûts d’extraction, de production et de transport intrinsèquement élevés, expliqués notamment par :

➜ la distance importante séparant les zones de production et les zones de consommation, qui peut nécessiter des investissements significatifs d’infrastructures (bâti-ments, routes, oléoducs, aéroports, complexe industriel, etc.) pour évacuer les hydrocarbures et acheminer le personnel. Les investissements de développement du gisement gazier de Shtokman ont été gelés notamment suite à des problèmes organisationnels, la distance par rapport aux côtes interdisant la rotation du personnel par hélicoptère ;

//////// Pétrole offshore en Arctique //////// Étude ////////

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➜ la nécessité de parer au risque de collision avec les icebergs flottants grâce à des plates-formes mobiles offshore renforcées pour mieux résister le cas échéant, reliées aux forages sous-marins par un lien détachable à tout moment ;

➜ des matériaux censés supporter les conditions clima-tiques extrêmes ;

➜ les conditions de transports extrêmes (vagues impor-tantes, tempêtes fréquentes, maintenance des oléo-ducs et voies navigables difficiles) ;

Sur la partie exploration, seuls deux navires foreurs adaptés aux conditions arctiques existent : (i) le Stena Ice-Max et (ii) le Parker Drilling Arctic Alaska Drilling Units. Ces navires proviennent de la conversion de plates-formes construites au début des années quatre-vingt. Les coûts d’investissement élevés, couplés à l’incertitude géologique n’encouragent pas la construction d’équipements adaptés aux conditions de l’Arctique. Notons également que les plates-formes arctiques travaillent actuellement hors de la région ; le lieu de desti-nation du Stena Ice-Max, actuellement en action au large de la Guyane pour Shell, n’a pas été dévoilé pour l’heure.

S’exposer à l’incertitude souveraine

Aujourd’hui, les termes fiscaux sont globalement intéres-sants en comparaison des autres pays producteurs et créent un environnement propice au développement de l’activité pétrolière dans la région.

Schéma 6 : Comparaison de la charge fiscale

0 20 40 60 80 100 120

Russie (2011)

Norvège

Russie (2010)

États-Unis - Alaska

États-Unis - Chukchi

États-Unis - Beaufort

Canada

Groenland

Source : Mirova selon PFC Energy, 2011.

La charge fiscale est le rapport de tous les paiements au gouvernement rapportés au bénéfice net fiscal de projet. Elle est calculée en % pour un coût de production de 25 $US et un prix du baril de 80 $.

Toutefois, comme pour toute activité extractive, l’explora-tion pétrolière est soumise à une incertitude souveraine inhérente. Ainsi, après avoir révisé sa fiscalité à la hausse en 2011, la Russie a récemment instauré un régime fiscal hyperattractif pour les projets situés en Arctique. Or, cer-taines prévisions posent la question de la rentabilité à long terme de ce régime pour l’État russe. Ce manque à gagner pourrait être corrigé de manière imprévisible, modifiant du

même coup la rentabilité des projets en Arctique russe (Deutsche Bank, 2012).

Autre illustration en Norvège où l’incertitude règne, notam-ment avec un moratoire sur les zones les plus sensibles valable jusqu’en 2015 et un chef du gouvernement hostile à l’idée d’aller forer dans des zones reculées.

S’exposer au « cygne noir »

Le risque d’une modification soudaine et radicale de la contrainte réglementaire entourant un projet, compte parmi les plus susceptibles de modifier profondément les pro-jections de rentabilité d’une exploitation. Or, l’Arctique se caractérise par une extrême sensibilité des parties prenantes (régulateurs, ONGs, populations autochtones, industriels de la pêche), pour qui le moindre accident, la moindre pollution réduiraient à néant et définitivement l’acceptabilité sociale des projets. L’occurrence d’un tel « cygne noir » pourrait signifier l’arrêt brutal de toutes les activités de forage et d’exploitation en Arctique. En ce sens, il n’impacterait pas seulement le pollueur, mais l’ensemble du secteur.

Schéma 7 : Comparaison des pénalités fixées pourles principales fuites offshore

Frade field -Brésil

Bohai Bay - Chine

Macondo Montara Nowruz

Funiwa Ixtoc Ekofish Santa

Barbara -

10

20

30

40

50

60

1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020

Effet Macondo

Pénalités par baril déversé ($/bbl)

Opérateur Année LieuVolume

(Milliers de barils)

Amende

(M $)

Coût par baril

(K $ /bbl)

BP 2010 États-Unis 3 200 21 000

M $ 7

Conoco Phillips

2011 Chine 3,3 158 M $ 48

Chevron 2011 Brésil 3 110 M $ 37

Source : Mirova.

L’analyse des pénalités infligées par les régulateurs montre l’émergence d’un traitement « zéro tolérance », qui fait suite au traumatisme Macondo. En effet, pour des volumes de fuites mille fois inférieurs, les gouvernements ont infligé aux compagnies pétrolières des pénalités sur des opérations offshore atteignant des coûts par baril jusqu’à sept fois supérieur à celui de Macondo (cf. schéma 7).

//////// Pétrole offshore en Arctique //////// Étude ////////

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Quelle couverture à un risque financier potentiellement illimité ?

L’émergence de ce traitement « zéro tolérance » et le manque de visibilité sur les cadres réglementaires et les régimes de responsabilité en Arctique poussent à s’interro-ger sur la capacité d’une entreprise à supporter le coût d’un nettoyage et les amendes pouvant être encourues en cas de marée noire. Plusieurs systèmes, parmi lesquels ceux du Groenland et de la Norvège, prévoient une responsabilité illimitée dont les montants sont proportionnels aux dégâts causés. Dans d’autres États, comme le Canada, le montant maximum de réparation exigible (applicable seulement en l’absence de faute grave établie) a été récemment revu à la hausse, de 40 millions à un milliard de dollars (Oil and Gas Journal, 2013).

L’expérience Macondo a démontré l’extrême difficulté tech-nique de stopper une fuite sur un puits de forage situé en zone profonde, sans même être dans des conditions arctiques. Cet accident n’a pas été sans impacter profondé-ment la situation financière de BP, puisque, outre les pertes liées à la destruction du matériel, la facture globale pour le groupe pourrait s’établir au total à 53 milliards de dollars soit 40 milliards d’euros.

En Arctique, les risques d’accident sont plus importants, même s’il demeure difficile de leur attribuer une probabilité d’occurrence. Par ailleurs, à cause de la moindre efficacité des techniques de réponse, les dégâts seront potentielle-ment plus élevés en Arctique que dans d’autres régions. Ainsi que le relève la Lloyd’s of London, ces caractéristiques impliquent des coûts supplémentaires importants en termes d’assurance, ceci tant pour les transporteurs que pour les sociétés du secteur de l’énergie impliquées les opérations d’exploration et d’exploitation (Lloyd’s & Chatham House, 2012).

0

50

100

150

200

250

Arctique russe

Alaska Arctique norvégien

Groenland Arctique canadien

Pétrole Gaz

52%

20%

12% 11%

5%

En millions de bop

Source : Mirova ; IFP Énergies nouvelles.

Schéma 8 : Ressources d’hydrocarbures prouvéesen Arctique

5 I Russie : focus sur un partenaire risqué

Un pays excessivement doté en ressources d’hydro-carbures

Il convient d’évaluer avec attention le risque-pays représenté par la Russie, dans la mesure où les ressources du continent arctique se situent essentiellement sur le plateau continental russe, avec notamment deux tiers des réserves prouvées en gaz et un tiers des ressources pétrolières, essentiellement en Sibérie occidentale.

Or, une analyse des risques (corruption, environnement des affaires, accès au marché, niveaux d’infrastructures, évalua-tion du niveau d’exigence des réglementations techniques et environnementales) montre que le niveau de risque est sensiblement plus élevé en Russie que dans les autres pays de la zone.

Des déséquilibres structurels qui impactent la protection des investisseurs

La corruption, que mesure l’indice de perception de la cor-ruption de Transparency International, dans lequel la Russie se classe 133e/176, constitue un problème structurel et multidimensionnel :

➜ Avec un montant annuel estimé à la moitié de PIB annuel russe d’après l’Association des avocats pour les droits de l’homme (Association of Russian Lawyers for Human Rights, 2010) la corruption est un problème économique en soi, dont la réduction constitue une condition préa-lable à l’amélioration de l’attractivité du territoire russe pour les IDE. Ceux-ci, par les transferts de technologie qu’ils impliquent, revêtent une importance stratégique dans le développement de l’exploitation de l’Arctique.

➜ Elle constitue par ailleurs un réel problème politique puisque, selon des chiffres du quotidien Nezavissimaïa Gazeta, 90 % des citoyens russes estiment que la cor-ruption constitue un défi sérieux pour l’État. 80 % des personnes affirment que l’État est contrôlé de manière générale par des groupes agissant dans leur propre intérêt (Ria Novosti, 2013).

Par ailleurs, on note que la protection des investisseurs et de la propriété privée reste faible en Russie. Celle-ci se classe 112e sur 185 dans le classement Doing Business, avec un ranking « Protection des investisseurs » de 117 sur 185. Concernant le secteur des ressources naturelles, l’OCDE relève un niveau élevé de « Shadow Economy », par-ticulièrement en ce qui concerne la gestion des ressources naturelles. Enfin, le niveau d’État de droit en Russie est relativement bas : plusieurs atteintes aux libertés indivi-duelles sont relevées annuellement, il est courant de voir les médias dénoncer des procès de nature « politique » (CIA World Factbook, 2013).

//////// Pétrole offshore en Arctique //////// Étude ////////

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Une politique énergétique tributaire des intérêts politiques russes

Pour la Russie, premier producteur mondial de pétrole et deu-xième pour le gaz naturel, la politique énergétique est un enjeu stratégique au cœur des luttes politiques et économiques. Lors de son deuxième mandat, Vladimir Poutine a fait émerger la notion de « ressources stratégiques » à travers un dispositif lé-gislatif visant à réaffirmer la maîtrise de l’État russe sur certains secteurs clés, parmi lesquels celui des hydrocarbures (Moe & Wilson Rowe, 2008). Si Medvedev avait laissé entendre une possible libéralisation du secteur, dans le sillage des objectifs de privatisation du gouvernement russe, Poutine réaffirme dans un décret paru le 7 mai 2012, sa volonté d’un contrôle étendu de l’État russe sur les énergies.

De manière plus concrète, la loi sur les ressources stratégiques – adoptée en 2008 – impacte le secteur pétrolier offshore en :

➜ supprimant l’accès en libre concurrence au plateau conti-nental ;

➜ renforçant la situation duopolistique de Gazprom et Rosneft (en effet, seules les compagnies avec cinq ans d’expérience et détenues à plus de 50 % par l’État sont autorisées à opérer en Arctique) ;

➜ empêchant le développement de sociétés pétrolières/gazières privées.

Notons à ce titre avec l’économiste Serguei Gouriev, que les chiffres montrent que le désengagement de l’État n’a pas réellement été amorcé, puisque la seule acquisition de TNK-BP par Rosneft (40 milliards de dollars en numéraire et le reste en actions pour une transaction totale de 55 milliards de dollars) dépasse largement le montant des plans de privatisations prévus par l’État russe entre 2010 et 2013 (Gouriev, 2013).

Outre son ouverture limitée, la politique énergétique russe manque fortement de lisibilité et fait l’objet de luttes politiques internes, opposant les intérêts d’organes gouvernementaux aux agendas divergents. Concernant l’Arctique offshore, on peut identifier de manière simplifiée une ligne de clivage entre ceux qui y voient un moyen de développer les capacités industrielles et scientifiques russes, et ceux favorables à une ouverture large aux investisseurs étrangers.

Trèsfavorable

Favorable

Modérée

Défavorable

Trèsdéfavorable

0

1

2

3

4

5

Gazprom Rosneft

Gouvernance

Corruption & éthique

Savoir-faire

Environnement

et socia

l

Risque total

(moyenne)

Source : Mirova ; ISS ; MSCI.

Schéma 9 : Comparaison des profils de risquede Gazprom et Rosneft

Un manque de visibilité de la politique environnementale

Ce manque de visibilité se retrouve également dans la défi-nition de la politique environnementale russe. Ainsi, pour l’OCDE la Russie a souffert depuis les années quatre-vingt-dix d’un développement trop rapide des réglementations, au détriment de leur cohérence, voire même de leur appli-cabilité. Les institutions concernées sont soumises à des restructurations successives dont l’impact a bien plus été de désengager les managers des sujets environnementaux plutôt que d’en améliorer l’efficacité. Le système de res-ponsabilité juridique est rendu inefficace par des méthodes d’évaluation des dommages environnementaux réputées imprécises et trop complexes pour pouvoir être utiles lors des procès.

Ainsi, l’approche tolérance zéro n’est pas toujours appliquée – d’autant qu’elle s’accommode mal d’un cadre législatif et réglementaire imparfait et parfois obsolète. Dans son rapport, l’OCDE note que si le nombre de délits environ-nementaux augmente continuellement, peu de cas sont transmis à la justice et lorsqu’ils le sont, les plaintes sont parfois déboutées.

On ne saurait d’ailleurs être plus éloquent que la conclusion de l’organisation de coopération et de développement écono-mique elle-même, spécifique au secteur des hydrocarbures : « Une extraction très intense des ressources minérales et principalement des hydrocarbures s’est accompagnée d’une diminution du niveau de protection des sous-sols, d’un nombre croissant de violations du droit et de cas de corruption, d’un manque d’accès à l’information sur l’utili-sation des ressources minérales et la distribution de pro-fits, etc. Le cadre réglementaire est sujet à de fréquents changements, ce qui implique que le coût de la conformité environnementale est souvent impossible à prévoir et accroît le risque d’investissement » (OECD, 2006).

“ La politique énergétique russe manque fortement de lisibilité et fait l’objet de luttes politiques internes, opposant les intérêts d’organes gouvernementaux aux agendas divergents. 

//////// Pétrole offshore en Arctique //////// Étude ////////

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Vers une amélioration des pratiques ?

Des efforts ont néanmoins été réalisés depuis 2006, même s’il est difficile d’avoir une vue globale des changements effecti-vement intervenus. Ainsi, le 1er juillet 2013, une loi est entrée en vigueur, obligeant les entreprises à intégrer le risque de pollution accidentelle quand elles opèrent dans les eaux russes (Novethic, 2013). À compter de cet été :

➜ Les opérateurs sont considérés comme responsables en cas d’accident et devront, le cas échéant, compenser les dommages causés à l’environnement, la vie, la santé, les biens des citoyens et des personnes morales.

➜ Les entreprises doivent choisir entre :- une garantie bancaire,- une réserve spéciale,- une assurance couvrant les besoins financiers d’une compensation.

➜ Toutes les opérations pétrolières seront conditionnées à un plan de prévention et d’intervention en cas de fuites dans le milieu marin (soumis à consultation publique) approuvé par des experts environnementaux de l’État.

➜ Des mesures spécifiques seront mises en place pour les autorisations de forage en eaux glacées, où les déverse-ments sont difficiles à détecter.

➜ Toutes les entreprises doivent mettre en place leurs propres services d’intervention et un système de sur-veillance de l’état de l’environnement marin.

Si les ONG russes critiquent l’incapacité des mécanismes financiers proposés à couvrir l’intégralité du coût potentielle-ment engendré par une marée noire, nous pouvons par ailleurs nous interroger sur le niveau de sévérité avec lequel cette loi, dont les décrets d’application tardent à être publiés, entrera en vigueur. En effet, par la loi, les deux seules entreprises russes autorisées à opérer en Arctique sont Gazprom et Rosneft. Or, la gouvernance de ces sociétés et les risques qui y sont liés, sont intimement corrélés au jeu politique russe.

Une exploitation des ressources qui implique le dévelop-pement de joint-ventures

On l’a vu, 52 % du potentiel de l’Arctique se concentre dans les eaux russes, ce qui implique le développement de joint-ventures avec Gazprom et/ou Rosneft, seules sociétés russes autorisées à opérer en Arctique du fait de leur expérience et de leur structure capitalistique dans laquelle l’État est l’actionnaire majoritaire. La loi sur les ressources « stratégiques » définit par ailleurs des seuils de participation maximum pour les sociétés étrangères, soumettant leur dépassement à l’approbation de l’État. Ces seuils sont rendus plus stricts lorsque l’investisseur concerné est détenu par un État étranger ou une organisation internationale. Ces contraintes impliquent un déséquilibre des pouvoirs dans la gouvernance de ces projets, au profit du gou-vernement russe. Notre analyse de la gouvernance de Gazprom et Rosneft révèle en effet un risque important, renforcé par une dimension fortement politique où les luttes d’influence entre les différents acteurs du pouvoir russe rendent l’élaboration de scenarii à moyen-long terme particulièrement difficile.

Rosneft et Gazprom : des entreprises aux profils de risque similaire

Nous avons analysé les profils de risque de Rosneft et Gazprom sur quatre piliers que sont la gouvernance économique, l’expo-sition à la corruption, le niveau d’expérience et de savoir-faire en Arctique, ainsi que les risques E&S, tant sur le plan de la performance environnementale que sur celui de la sécurité et de la sûreté. Ces deux entreprises présentent des profils de risques similaires et un risque total que nous évaluons comme important. Il est légèrement inférieur chez Rosneft, notamment grâce à la présence de BP dans le capital (19,75 %), ce qui accroît sensiblement la capacité de l’entreprise à attirer l’exper-tise et le savoir-faire technologique qui lui seront nécessaires pour l’exploration en Arctique.

Dans les deux entreprises, les dirigeants sont extrêmement proches de la sphère politique. Ainsi, Igor Sechin, directeur général de Rosneft depuis 2012, est un proche collaborateur de Poutine et a été vice-Premier ministre de 2008 à 2012. Son homologue chez Gazprom, Alexei Miller, est lui aussi un proche de Poutine. Il a également exercé des fonctions politiques (vice-ministre à l’Énergie en 2000) et a longtemps travaillé aux côtés de l’actuel Premier ministre, Dimitri Medvedev, par ailleurs très impliqué dans Gazprom dont il a été président du conseil d’administration de 2000 à 2008. Ces deux hommes (Miller et Sechin) aux profils très similaires, sont connus pour se vouer une inimitié particulière (Wikileaks & ambassade américaine à Moscou, 2008).

Outre ces aspects liés à leur management, ces entreprises présentent des déséquilibres plus classiques liés à leur struc-ture capitalistique, particulièrement dominée par l’État, et à l’indépendance de leur conseil d’administration (10 %2 pour Rosneft et 9,09 % pour Gazprom.) Notons que chez Gazprom, le niveau d’indépendance du conseil tel qu’annoncé par l’entre-prise dans son rapport annuel se situe, avec 18 %, en deçà du niveau recommandé par le code russe des bonnes pratiques. Enfin, notons qu’il n’existe au sein des conseils de ces deux entreprises, aucun comité de nomination ou de rémunération. Cependant, on y trouve un comité d’audit en plus de celui, indépendant, dont les membres sont élus par les assemblées générales conformément à la loi russe sur les sociétés cotées.

2. Niveau d’indépendance recalculé selon les critères de la politique de vote ISS.

“ Le cadre réglementaire est sujet à de fréquents changements ce qui implique que le coût de la conformité environnementale est souvent impossible à prévoir, ce qui accroît le risque d’investissement. OCDE

//////// Pétrole offshore en Arctique //////// Étude ////////

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Schéma 10 : Structures capitalistiques de Rosneftet Gazprom

Actionnaires

Détentionsde l’État Russe

individuels ; 0.49%

BP PLC; 19.75%

Autres Actionnaires; 9.1%

Federal Agency for State Property management

(1share); - de 0.01%

OJSC Rosneftegaz (Détenue à 100% par l‘État) ; 69.5%

ROSNEFT

Autodétention ; 2,93%

ADR holders; 26,955%

Autres actionnaires; 20,113%

Federal Agency for State Property management

(détention directe), 38,37 %

Rosneftegaz & Rosgazifikatsiya;

(détention indirecte) 11.63%

GAZPROM

Détentionsde l’État Russe50,002 %

Source : Mirova, ISS, Rosneft.com - Mirova / ISS / Gazprom

Une transparence mise en doute

Concernant la transparence, le risque est globalement impor-tant chez Rosneft. Il est plus modéré chez Gazprom qui a entamé un processus d’amélioration de cet aspect et sur lequel l’entreprise communique beaucoup (on note par exemple qu’en mars 2013, Gazprom a publié un commu-niqué dans lequel l’entreprise rapportait un accident dû à une explosion dans le champ gazier Bovanenkovo dans la péninsule Arctique de Yamal, un type d’accident jusqu’ici rarement documenté).

Pour ce qui est des conventions réglementées (convention conclue entre une entreprise et une partie qui lui est liée, impliquant un risque de conflit d’intérêts), l’ISS rapporte qu’en 2013, le niveau de transparence était bon, les deux entreprises ayant rendu public l’ensemble des détails de chaque transaction, incluant les parties concernées, la valeur et les problèmes potentiellement sous-jacents à celles-ci3. Cet avis est cependant l’objet de controverses suites aux actions de l’activiste actionnaire Alexandre Navalny en 2009 et 2010 (Greenpeace, 2013).

Une forte exposition au risque de corruption

Ces deux sociétés sont fortement exposées au risque de corruption ainsi que mesuré par MSCI, avec un score de 1,4/10 pour Rosneft et 2/10 pour Gazprom. Ces scores découlent principalement des trois raisons que sont leur proximité avec le pouvoir politique russe, le niveau général de corruption en Russie et leur secteur d’activité particu-lièrement exposé. Notons que ces entreprises ont toutes

3. Rapport ISS sur l’assemblée générale de Gazprom.

deux publié des codes d’éthique, mais ne sont membres d’aucune initiative internationale comme Global Compact ou l’Extractive Industry Initiative (EIT). Par ailleurs, elles font régulièrement l’objet de controverses, comme ce fut le cas avec la hausse subite du cours de Bourse de Rosneft quelque temps avant l’annonce officielle d’un accord avec Exxon, ce qui pouvait laisser penser à des fuites ayant conduit à des délits d’initiés (MSCI, 2013).

Un manque d’expérience opérationnelle

Concernant leur savoir-faire et l’état de leur technologie, Greenpeace relève un manque d’expérience de ces deux entreprises, tant dans leur conseil d’administration que dans leur comité exécutif. Cette critique nous apparaît moins pertinente, compte tenu de la dimension de ces entreprises et de leurs moyens financiers suffisants pour mobiliser les expertises et les partenariats nécessaires à leur dévelop-pement. Le rachat de TNK-BP et l’entrée significative de BP dans le capital de Rosneft en est une des meilleures illustrations (Rosneft compte désormais dans son conseil d’administration Robert Dudley, directeur général de BP, ainsi que Donald Humphreys, vice-président senior d’Exxon Mobil Group jusqu’en 2013).

Enfin, on peut douter des performances environnementales et sociales de ces deux entreprises, bien qu’elles publient toutes deux un rapport développement durable. Selon Green-peace, Rosneft est l’entreprise la plus polluante de Russie avec un budget consacré à l’environnement très faible. Elle se trouverait derrière Gazprom, dont la performance est également plutôt basse, même si légèrement supé-rieure à Rosneft selon MSCI. On peut par ailleurs mettre en doute la crédibilité du reporting environnemental et social de ces sociétés : les chiffres qu’elles indiquent – par exemple concernant le nombre d’accidents par heures travaillés ou même les volumes ou le nombre de fuites de pétrole – sont susceptibles d’être largement minimisés par rapport aux chiffres réels.

Des entreprises au cœur des luttes d’influence politiques

Ces risques propres à Gazprom et Rosneft en tant qu’entre-prises sont renforcés par la structure du jeu politique russe. En effet, si la lisibilité du développement d’une politique offshore russe cohérente est très réduite, il est certain que celle-ci sera modelée par les interactions entre Rosneft – traditionnellement perçue comme plus proche du clan Poutine – et Gazprom, plus proche de Medvedev (Moe & Wilson Rowe, 2008). De fait, il existe une imbrication très forte entre les intérêts politiques et économiques dans le secteur de l’énergie, ce qui implique que la stratégie de ces entreprises est dictée par un jeu de pouvoir entre quelques acteurs.

Ainsi que schématisée, la politique énergétique russe est sujette à une double structure. On trouve, au niveau politique d’un côté, nommé par Medvedev, Arkadi Dvorkovich, vice-Premier ministre pour l’Énergie et de l’autre, Igor Sechin, président de la Commission présidentielle pour l’Énergie, directement nommé par Poutine.

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Les deux ayant des portefeuilles et des mandats semblables, il est extrêmement difficile de définir le rapport de force et l’étendue du contrôle que ces deux hommes peuvent exercer l’un sur l’autre.

Vladimir Poutine Président (depuis 2012)Premier ministre (2008-2012) Président (2000-2008)

Agence fédérale pour la gestion de la propriété étatique (FASPM)

Arkady Dvorkovich Vice Premier Ministre aux énergies

Commission présidentielle pour le développement stratégique du

complexe pétrolier et énergétique ainsi que de la sécurité environnementale

Igor Sechin Secrétaire général Vice-premier ministre (2008-2012)

Dimitri Medvedev Premier ministre ( dep. 2012) Président (2008-2012)

Détention de l’État russe (69,5%)

Igor SechinVice président du CADirecteur général

Rosneft Oil Company OJSC

Igor Sechin Président du CA

BP Plc 19,75%

Actionnaires individuels

0,49%

FASPM (1 action) - de 0,01%

OJSC Rosneftegaz (Détenue à 100%

par l’état) 69,5%

Igor Sechin

Alexei Miller Directeur général Vice président du CA

Gazprom OAO

Autresactionnaires

20,113% FASPM (Détention directe) 38,37%

Dvorkovich

Détention de l’Etat russe(50,1%)

Rosneftegaz & RosgazifikatsiyaDétention indirecte

11,63%

Autodétention2,93%

Sphère politique

Sphère économique

Ancien collaborateur

Ex-président du CA (2000-2008)

Autres 20%

Nomme

Nomme Nomme

ADR Holders 26,95%

Compétition

Schéma 11 : Gazprom et Rosneft :deux entreprises au cœur des rapports de force

entre les acteurs du pouvoir politique russe

Source: Mirova selon (Greenpeace ; Rosneft ; Gazprom ; kremlin.ru)

Or, ces mêmes acteurs se retrouvent dans la structure capita-listique de Gazprom et Rosneft avec plus ou moins de pouvoir. Chez Gazprom, les 50 % de détention par l’État sont en réalité répartis en deux portefeuilles : 38 % appartiennent à l’Agence fédérale pour la gestion de la propriété de l’État et 12 % à la société Rosneftegaz, détenue à 100 % par l’État, mais dont Igor Sechin est le président du conseil d’administration. Pour ce qui est de Rosneft, on note l’extrême mainmise de Sechin, à la fois CEO, vice-président du conseil d’administration et actionnaire majoritaire, puisque la part de l’État (69,5 %) est aussi détenue à travers Rosneftegaz. L’agence fédérale pour la gestion de la propriété étatique ne possède qu’une seule action.

L’analyse du schéma 11 révèle trois choses :

➜ Premièrement, Vladimir Poutine y trouve un moyen de renforcer son pouvoir en opposant Sechin à Medvedev (par l’intermédiaire de Dvorkovich) et en se réservant la possibilité de jouer le rôle d’arbitre lorsque leurs avis divergent. Notons par ailleurs que les deux CEO, Sechin et Miller, sont tous les deux « des hommes du président ».

➜ Deuxièmement, Igor Sechin se trouve en position de force, puisqu’il est omniprésent dans trois des quatre axes que dessine le schéma. Les analystes voient en lui un potentiel challenger de Medvedev, aujourd’hui légèrement en disgrâce, pour la place de Premier ministre. Il devra cependant faire en sorte de ne pas faire trop d’ombre à Vladimir Poutine lui-même, faute de quoi il risquerait de voir sa position s’affaiblir.

➜ Troisièmement, la disposition actuelle du rapport de force laisse penser que Rosneft pourrait, sur le long terme, avoir l’avantage sur Gazprom dans son développement en Arctique. On peut même émettre l’hypothèse, certes spéculative, qu’Igor Sechin pourrait être tenté, en tant que CEO de Rosneft et par ambition personnelle, d’affaiblir Gazprom en usant de son influence à travers Rosneftegaz.

Cette représentation ne constitue cependant qu’une « photo » de rapports de force fortement susceptibles d’évoluer en fonc-tion d’événements politiques exogènes. Si l’issue est incertaine, il convient néanmoins d’envisager les conséquences de ce jeu politique complexe sur la gouvernance des joint-ventures en Arctique.

Des projets de joint-ventures risqués

Ce mélange des genres extrême entre la gouvernance poli-tique russe et la gouvernance d’entreprise constitue un risque important pour les actionnaires minoritaires, susceptibles d’être tributaires d’intérêts politiques qui les dépassent. Dans un tel cas de figure, les règles du jeu ne sont pas celles de la gouver-nance d’entreprise « normale ». BP, avec 19,75 % du capital de Rosneft est particulièrement exposé à ce risque, ainsi – du point de vue de sa réputation – qu’à tous ceux précédemment cités.

Si le récent projet de loi russe, dont l’application est prévue pour 2014, instaure une fiscalité hyperattractive pour l’opéra-teur d’activités d’exploration et d’exploitation en Arctique, on peut se poser la question du maintien à long terme d’un tel régime, dont les prévisions de recettes (1 300 milliards de US$) annoncées par l’État russe semblent exagérément optimistes. De plus, certains risques peuvent se cacher dans des aspects plus subtils. Ainsi, dans sa version déposée le 15 mai 2013, le projet de loi dispose que l’éligibilité à ce régime fiscal est conditionnée par la détention de licences d’exploitation et/ou du statut d’opérateur. Selon des conditions définies par la loi, une entreprise peut rapidement perdre ce statut d’opérateur si elle ne respecte pas les réglementations (Ernst & Young, 2013). Or, si l’on prend en compte la possible instrumentalisation politique de l’application des réglementations, la perte de ce statut pourrait remettre en question la viabilité économique d’un projet. Dans tous les cas, cela constitue un levier de pression considérable du gouvernement russe sur les sociétés opérant sur son territoire.

À ce jour, nous avons dénombré vingt-quatre joint-ventures concernant des projets offshore dans l’Arctique russe, parmi lesquelles dix-sept sont encore au stade de l’exploration, six au stade de la validation et un déjà en cours d’exploitation (Sakha-lin-1). Les principales entreprises concernées sont Shell, Exxon, Statoil et ENI. On note par ailleurs que plusieurs de ces projets se situent dans des zones où le risque lié à la banquise est jugé sévère. Si l’on a vu que le risque lié à l’exploration est porté par l’opérateur, on manque de transparence quant à l’entreprise devant occuper ce statut et la structure capitalistique des joint-ventures. Ce manque d’information rend particulièrement difficile l’évaluation des risques auxquels les sociétés pétrolières étrangères font face dans leurs partenariats avec la Russie.

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6 I Conclusion : une démarche d’engagement nécessaire

Les projets d’exploration et d’exploitation offshore en Arc-tique présentent et continuent de représenter des défis technologiques majeurs pour l’industrie. Leur ampleur n’est cependant pas uniforme et ne saurait être considé-rée comme telle. Si certains projets gaziers ou pétroliers arctiques offshore sont déjà en phase de production, ils se situent pour la plupart dans des zones considérées comme « exploitables ». Se prévaloir de réussites technologiques ne constitue pas pour l’industrie une justification suffisante de sa capacité à répondre aux défis que présentent les futurs projets situés en Arctique « extrême », dont le profil de risque opérationnel est plus élevé.

Partant de ce constat, certains acteurs de l’industrie com-mencent à remettre en question la viabilité de certains projets de forage, estimant que le risque d’accident est trop important et serait trop coûteux pour l’image de l’entreprise. Le risque de marée noire, cygne noir par excellence, nous apparaît comme mal pris en compte dans le calcul des ROI des projets Arctique. En effet, au regard de réglementations souveraines qui, sous la pression de la société civile et des populations locales, deviennent de plus en plus contrai-gnantes, les conséquences financières seraient catastro-phiques pour l’éventuel fautif.

Enfin, alors même que l’Arctique russe dispose d’un poten-tiel géologique intéressant, ce pays présente un niveau de risque politique supérieur à celui des pays du reste de la zone, qui laisse peu de visibilité quant à l’avenir de sa politique énergétique et environnementale et de la mise en

œuvre des plans d’actions associés. Par ailleurs, le cadre législatif russe, en obligeant les sociétés qui veulent opérer en Arctique russe à créer des joint-ventures avec les deux sociétés majoritairement contrôlées par l’État, renforce l’exposition des investisseurs à ce risque.

L’engagement Mirova

En tant qu’investisseur responsable, signataire des Principles for Responsible Investment (PRI), il nous apparaît aujourd’hui nécessaire d’aller au-devant des entreprises engagées dans des projets d’exploration en Arctique, afin de pallier les risques financiers et extra-financiers qui pourraient résulter d’un sinistre en Arctique.

Pour cela, nous attendons que soient pris en compte dans l’équation économique de l’estimation de la rentabilité de chaque projet :

➜ les risques opérationnels et les externalités environne-mentales et sociales ;

➜ l’impact du profil de risque propre à chaque pays.

En ce sens, il nous semble important que les opérateurs communiquent davantage, tant sur leur approche de gestion des risques que sur les actions entreprises pour se garantir au maximum des risques opérationnels, environnementaux et sociaux spécifiques à chaque projet.

Cette demande de transparence nous paraît nécessaire et de-vrait idéalement être portée par une coalition d’investisseurs.

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LISTE DES FIGURES

Schéma 1 : Cartographie des projets offshore en Arctique 77Schéma 2 : Le cercle arctique : région dominée par cinq principaux pays 79Schéma 3 : Comparaison des niveaux d’exigeance des réglementations techniques et environnementales 79Schéma 4 : Zones d’équilibre long terme des différentes ressources pétrolières 83Schéma 5 : Point mort des projets pétroliers en développement (2020e) 83Schéma 6 : Comparaison de la charge fiscale 84Schéma 7 : Comparaison des pénalités fixées pour les principales fuites offshore 84Schéma 8 : Ressources d’hydrocarbures prouvées en Arctique 85Schéma 9 : Comparaison des profils de risque de Gazprom et Rosneft 86Schéma 10 : Structures capitalistiques de Rosneft et Gazprom 88Schéma 11 : Gazprom et Rosneft : deux entreprises au cœur des rapports de force entre les acteurs du pouvoir politique russe 89

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