Enez Coat (Collection Kama) (French...

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ENEZCOATRomance

FahNIE

ENEZCOATRomance

ISBNpapier978-2-37447-134-1ISBNNumérique978-2-37447-133-4©Erato–Editions-Novembre2016

TousdroitsréservésCetteœuvreestprotégéepar ledroitd’auteuretstrictementréservéeà l’usageprivéduclient.Toutereproductionoudiffusionau

profitdetiers,àtitregratuitouonéreux,detoutoupartiedecetteœuvre,eststrictementinterditeetconstitueunecontrefaçonprévueparlesarticlesL335-2etsuivantsduCodedelaPropriétéintellectuelle.L’éditeurseréserveledroitdepoursuivretouteatteinteàsesdroitsdepropriétéintellectuelledevantlesjuridictionscivilesoupénales

Chapitre1Tifenn

Aprèsdeuxheuresàmonteretdescendre lesescaliersdemonappartement lesbraschargésdecartons,jefermelecoffredemavoitureetceluideJessavecsoulagement.

—Dis-moiquec’étaitledernierTifenn?DitJessquiestavachiesur le trottoirdepuisenvirontrenteminutes.

—Ouais…J’enpeuxplus!dis-jeentombantàsescôtés.Elleposesatêtesurmonépauleensoufflant.J’avouequel’idéededéménagerunappartementde

soixantemètrescarrésàdeuxn’estpaslameilleureidéequej’aieue.Pourmadéfense,jenepensaispasavoiraccumuléautantdechosesensixans.Laremorqueetle

coffredelavoiturepleinsàcraquerattestentpourtantducontraire.—Jesuisdégoûtéedenepaspouvoirt’accompagnermabelle,soupire-t-elle.Etmoidonc!Jen’aipasencoretoutàfaitreprismonsouffle,alorsjeposematêtesurlasienne

pourluifairecomprendrequemoiaussij’auraisouhaitéqu’ellepuissevenir.On reste dans cette position à profiter l’une de l’autre dans un silence réconfortant pendant

plusieursminutes.—Bon…Jevaisdevoiryallermonbouchon,luidis-jedoucement.Je me relève et l’aide à faire de même malgré ses ronchonnements. Je lui confie mes clés

d’appartement.C’estellequivas’occuperdefairel’étatdeslieuxavecmonpropriétairelasemaineprochaine.

J’ail’impressionqu’unepagesetourne.JevisàNantesdepuissixansdéjà,maisjesuistombéesouslecharmedecettebelleetgrandevilledèslespremièressemaines.

Aprèsdesétudesdanslesecteurcommercial, j’aieuplusieurspetitsboulotsavantdedécrocherun CDI en tant que Chargée de marketing direct, dans une petite entreprise en plein centre-ville.J’adoraiceboulotetjemeprised’affectionpourmespatrons,cequiestassezrarepourlepréciser.Malheureusement,malgrétousnosefforts,leursociétén’apassurvécuàlacriseetjeviensdesubirun licenciement économique. Jene leur enveuxpas, car je saisbienqu’ilsont remuéciel et terrepourmegarder.Laviecontinuecommeondit,maismevoilàrevenueàlacasedépart.

Çavaêtreétrangederetournerchezmoi,auboutdumondedansmaBretagnenatale.Jen’aipasenvie dequitter Jess,mais je le dois…Depuis, toujours elle estmon acolyte et partir sans elle nem’enchantepas.Elleremarquemeslarmesets’empressedemeprendredanssesbras.

—Allez ça va allerma chérie. Je ne suis pas loin okay? Il faut que tu le fasses, ce n’est quel’histoirededeuxoutroismoistoutauplus.

Jehochelatêteetm’éloigneenremarquantqu’elleaussialesyeuxrougesdelarmescontenues.—Tugardestontéléphoneprèsdetoi,hein?dis-jelavoixrenduetremblanteparunsanglotque

j’aidumalàétouffer.Ellebranditsonportabledevantmoietjesourisenvoyantunpêle-mêledephotodenousentrain

defairedestêteshorribles.Jelareprendsdansmesbrasunedernièrefoisavantdemonterdansmavoiture.

Je jetteunœil à l’arrièrepourvérifierque leharnaisdeLuigi estbienattachéet regardemonchienengrimaçant.C’estunbeaubergerallemanddehuitans.Entempsnormal,ilpètelefeu.Maiscommeilnesupportepas les trajetsenvoiture, j’aiétéobligéede luidonnerdescachetset ildortprofondémentdepuistroisbonsquartsd’heure.

UnpeumoinsdetroiscentskilomètresmeséparentdechezmoietleGPSindiqueenvirontroisheuresderoute.

JepasselatêteparlafenêtredemavieilleFordEscortBreaketappelleJesspourundernieraurevoir.

—Faisattentionetpréviens-moiquandtuarrivesokay?memurmure-t-elle.Jedémarrelavoitureetlaregardeensouriant.—Çamarche,allezapprochequejet’embrasseencoreunefoisavantdepartir!Elle se penche et après un gros bisou sonore, je lui lèche la joue avant d’éclater de rire en

l’entendantbeugler.Jesaisqu’elledétesteça,maisj’adorevoirsonairdégoûterquandellesefrottelevisageenm’insultant.T’esvraimentdérangéemapauvrefille!

Jefaistairemonmoiintérieur,passelapremièreetparsaveclesourireauxlèvres.Jeluifaisunderniercoucouparlafenêtrependantqu’ellemecriequ’ellem’aime.

—MOIAUSSIMORUE!hurlé-jeenretour.J’aijusteletempsdelavoirleversonplusgranddoigtavantdepasserleviragedemarue.Jesais

quecen’estpasseulementmonappartementquejequitte,c’esttoutemaviequivachanger.J’espèresimplementqueceneserapassimauvaisquejeleprévois.

Après deuxheures de route, je commence à avoir lesmains crispées sur le volant. Il y a deuxmois, jeprenaiscettemêmeroutepourune touteautreraison.Deuxmoisdéjàquemonpèreest…mort.J’aiencoredumalàlecroire.FOUTUCANCER!

Depuisdeuxmois,jesuisconstammentencolèrecontrelemondeentier.Cen’étaitpassuffisantqu’onm’aitenlevémamèreàl’âgedeseptans!Ilafalluquevingtansplustard,onmeretiremonpilieretquemonmondes’écroule.

HeureusementqueJessestlà.Onseconnaîtdepuisleprimaireetonn’ajamaisfaitpartiedesgenscooldenotreécole,onsefaisaitmêmeracketterquotidiennement.Alorsonestvitedevenuesamies,àdeuxonétaitplusfortesetonaenfinosésedéfendre.

Depuiscetemps-là,onnes’estplusjamaisquittées.Lorsquej’aivoulupartirfairemesétudesàNantespourtenterd’avoiruneviesociale,ellen’apashésitéàmesuivresansseposerdequestions.

Jemevantesouventdufaitquec’estgrâceàmoiqu’ellea trouvél’amour.JessetLaurentsontensembledepuisdeuxansmaintenant,c’estdusolideentreeux.C’estvraiqu’onsevoitunpeumoinsdepuis, mais je ne lui en veux pas. J’espère trouver quelqu’un qui me fasse ressentir ce qu’elleéprouvepourlui.

Quandjelesvoistouslesdeux,j’ail’impressionderegarderunefinheureused’unfilmd’amouraucinéma.Le truc,c’estque tuesencoreet toujours lapauvrespectatricequipleured’émotionens’empiffrantdepop-corn.

Je faisunsouriremauvaisdans le rétroviseur.Après lamortdemamère, jemesuisbeaucouprenferméeetcettepetitevoixquetoutlemondeadanslatêteestdevenueplusprésenteetplusréelle.

Audébut,c’étaitunpeuflippant,monpèremeregardaithorrifié,parlertouteseule.Ilcroyaitquej’avaisunesorted’amieimaginaire,maislorsquejeluiaiexpliquéquec’étaitunevoixquimeparlaitdansmatête,ilétaitdevenublanccommeunlingeets’étaitprécipitésurletéléphone.

Lesmoissuivants,ilm’aemmenéconsulterunetartinedepédopsychiatresetd’orthophonistes.Ilsonttousdécrétéquec’étaitunemanièrepourmoidemerassureretdemesentirmoinsseule.Monpère adonc lâché l’affaire et se contentait de lever lesyeuxau ciel lorsqu’ilmevoyaitm’écouterpenser.

Jen’enparleàpersonne,saufJessbiensûr,caronatendanceàmeprendrepourunefolle,àjustetitred’ailleurs.

Lerestedutrajetpasserapidementetmoncœurseserreàlavuedupetitpanneau:EnezCoatL’îleàBois

C’estmoiquiaipeintchaquelettredecettepancarte,quemonpèreavaitfabriquéequandj’avaisdixans.Ontenaitbeaucoupàcequelenombretonapparaisseavantlatraductionfrançaise.Jem’ôtecettepenséede la têteetavancelavoiture jusqu’à l’immenseportailenferforgéavecd’imposantspiliersenpierredechaquecôté.

Je ne sais pas si c’est l’odeur de lamer qui réveille Luigi, mais je l’entends grogner, ce quisignifie qu’il comprend que je lui ai donné des médicaments et qu’il m’en veut. Il est du genrerancunier,maisrienquejenepuissearrangeravecunefriandise.

—Onestarrivémonloulou,regarde!Ilm’observelesyeuxvides.Tut’attendsvraimentàcequ’ilteréponde?J’aisouventtendanceàoublierqu’iln’estpasunevéritablepersonne.J’ouvrelafenêtreélectrique

côtépassagerpourattirersonattention.Ils’assoitetseprécipitecontrelaportièreenpassantlatêteparlafenêtre.Ilaboied’excitationenreconnaissantl’endroit.

Jesourisetfouilledansmonsacpourtrouverlatélécommandeduportailpuisl’ouvre.J’entendsles remousde l’eauet lesvaguesquiviennentmourir sur labaieencontrebas.Lapresqu’îlen’estrattachée à la ville que par une longue route goudronnée d’environ un kilomètre. L’avantage estqu’onpeutypasseràmaréebassecommeàmaréehaute.C’estassezrare,celan’arrivequequelquesfoisdansl’année,maislorsdesmaréesdites«extraordinaires»,larouteestcomplètementimmergéeetmonchezmoiredevientuneîle.

Çamerappelleunvieuxsouvenir,macousinemarseillaiseétaitvenuepasserlesvacancesd’étécheznous, il y a plusieurs années.Elle avait complètement paniqué envoyant lamer se retirer deplusieurs dizaines demètres. Jeme souviens encorede ses cris apeurés lorsqu’ellem’avait dit : «Mais bouge-toi, c’est un Tsunami qui se prépare ! Tu veux mourir ou quoi ? ». Je glousse enrepensant que j’avais dû lui expliquer le principe desmarées et qu’en fonctiondes coefficients, leniveaudelamerétaitplusoumoinshaut.C’estvraiqu’ellen’étaitpasprêtedevoirlaMéditerranéebougerchezellemaisqu’est-cequ’onavaitricejour-là!

Etdirequeçam’appartientdésormais,c’estduràcroire.Quinzehectaresd’une îleentièrementprivativeetdanslafamilledesChampcenetzdepuispresqueseptdécennies.

Jem’engagesurcetteroutesilonguequ’onpourraitcroirequel’onvaseretrouverdansunautremonde en arrivant de l’autre côté. J’observe la mer de chaque côté de mes fenêtres et toute matristesses’évapore.Ce répit est lebienvenu, j’avaisoubliéàquelpointc’était bond’être ici... chezmoi.

Jesuisobligéededescendredevoitureenarrivantdevantunautreportailenboisblanc,beaucoupplus épuré et modeste que le précédent. Je cherche les clés dans ma boîte à gants et descendsrapidementpourl’ouvriravantderemonterderrièrelevolant.Lavoiturechahuteunpeulorsquelaroute se transforme en cheminde terre et jem’aventure sur la droite pour longer le bord demerpendantqueLuigipleurniched’impatience.

La réverbération du soleil contre l’eau est éblouissante alors je ralentis et attrapemes lunettesaccrochéesaupare-soleiletlesenfilent.J’ail’impressiond’êtreenvacances,çafaitunbienfou.Labriseiodéecaresseetrafraîchiemapeauetj’aiàpeineletempsdeterminerdefaireduyaourtsurAdventure Of A Lifetime de Coldplay que j’arrive enfin devant la maison et me gare avec

soulagement.J’aibesoindemedégourdirlesjambesetjen’enpeuxplusd’entendrelescouinementsdeLuigi.

JesorsdemavieilleFordetenfais le tourpourouvrirauchien.J’ai juste le tempsdereculeraprèsavoirdétachésonharnais,qu’ilsauteduvéhiculeencourantcommeunfouverslaforêtsansunregardenarrière.

—Ahbahbravo,jetenourris,jetedonnedel’amouretc’estcommeçaquetumeremercies?!Je fais face à l’immense bâtisse et souris en me rappelant que mon père ne cessait de s’en

plaindre,disantqu’elleétaitbientropgrandeetqu’ilpréféraitmillefoislasienne.Dèsquemesparentssesontmariés,ilsontdécidédeseconstruireunepetitemaisonàl’autrebout

del’îlepouravoirplusd’intimité.Jelescomprends,mongrand-pèreétaitgénial,maisilnepouvaitpass’empêcherdedireàtoutlemondecommentvivre.Ilfallaitvoirlecouplequ’ilsformaientavecmagrand-mère.Onauraitpucroireàpremièrevuequ’ilssedétestaient,car ilsétaient toujoursentraindesecrierdessus.Maisenréalité,magrand-mèrem’avaitavouéunjourquelesréconciliationsétaienttoujourstrèsintenses.Jegrimaceenmerappelantsesouvenir.

C’estétrange,maispourmoi,mavraiemaisonestcelledemesparents,aussipetitesoit-elle,c’estlà-basquejemesenslemieux.

Jem’yrendraisplustardpourydéchargermesaffaires,enattendantj’admirelavuequis’offreàmoi.Ungrandjardinquiressembleplutôtàuneprairie tellement ilest imposant,auboutduquel ilfautdescendreenvirondixmètresdehautpourarriversurlaplage.Leparadis!

Toutenm’étirant,jemerendsjusqu’aucoffredelavoiturepourtrouverlesacdeplagequej’aiemmené.Lesproblèmespeuventattendreencoreunedemi-journée!

Unchapeauvissésurlatête,j’avancejusqu’auboutduterrainavecimpatience.Mongrand-pèreacrééunpetitcheminpourdescendresurlaplagesansmanquerdetomberdanslevide.Ilacreuséunepentesurtoutelahauteuretyaincrustédegrossesdallespourfaireunesorted’escaliernaturel.Aufil du temps, les pierres disparaissent sous la terre et les touffes d’herbe qui reprennent lentementmaissûrementleursdroits.

Aupieddesmarches, j’ôtemontopblanc,mesconversesetmonjeanet laisseletoutsurplaceavantdesauterdanslesable.

Je posemon sac en osier près de l’eau et termine demedéshabiller avant d’enfilermondeuxpiècesrapidement.

Jenesaispaspourquoijem’acharneàmettreunmaillotdebain,c’estvraicen’estpascommesiquelqu’unallaitmesurprendre.Tuescomplètementseuleaumondeici!

Commes’ilavaitdevinémonhumeurchangeante, j’entendsdesaboiementsavantdevoirLuigidébouleràtouteallure,ungrandmorceaudeboisdanslagueule.

—Ahlorsqu’ils’agitdejouer,làtunemefaispluslatêtehein?Ilsautilleenfaisantdestourssurlui-même,medécrochantunsourire.Jeclaquedesdoigtsavantd’ouvrirlamainengrandetilvientdocilementydéposersonbâton.Je

leféliciteetluilancesonjouetaussiloinquejepeux.Je soupire envoyant le bout debois retomber à peine troismètres plus loin.Par chance, il ne

semblepasm’entenirrigueuretcoursdansl’eaupuisnagepourallerlerécupérer.Aprèsquelqueslancers,jemedécideenfinàentrerdansl’eauàmontour.

—Ohputain,elleestgelée!Jeme faisviolenceet entredifficilement jusqu’auxgenoux,mais trèsvite, jene sensplusmes

orteils.Jememetsdedospournepasmeprendrelaprochainevaguedefront.Luigiprofitedel’eauquiseretirepourvenirdéposersonbâtonàmespieds.

Alors que je me penche pour le récupérer, je suis surprise par une grosse vague. Je perdsl’équilibreettombelatêtelapremièredanslemélanged’eauetdesable.

Jeme relèveprécipitammenten riant commeune imbécileavantdeme rendrecompteque j’aiperdu mon chapeau et mes lunettes dans l’opération. Je récupère facilement le chapeau grâce aucourant et le lance sur le sablepourqu’il sèche.En revanche, jepenseque jepeuxdire adieu auxlunettes!

Jenagejusqu’àmonrepèrepourmeréchauffer.Lerepèrecommeonl’appelleavecJess,estunvieuxpontonqu’onaretapépendanttoutunétéquandonétaitado.C’étaitnotremoyend’échapperauxadultesetàleursproblèmes.

Jesuisunpeuessouffléeenyarrivantenfin.Jemehissedessusaveclagrâced’unphoquequiatropmangéetjem’écrouleenreprenantmarespiration.Ilestgrandtempsquetureprenneslesportmavieille,t’escomplètementrouillée!

Jesoupire,c’estvraiquecesdernierstemps,jen’aipasunevietrèssaine.Lelégerballottementdupontonmebercetandisquelesoleilréchauffepeuàpeumoncorpsgelé.

Sicemorceaudeboispouvaitparler,jeseraismortedehonteàl’heurequ’ilest!Enfin,Jessaussiparlamêmeoccasion.C’estlàqu’onseretrouvaitpourparlerdesmecs,desexe,detrucshonteuxetinavouables…

Jeglousseenmerappelant le jouroù j’ai racontémapremière foisà Jess.Commeelle l’avaitdéjà fait quelquesmois auparavant, je lui avais posé toutes sortent de questions quime paraissentcomplètementabsurdesaujourd’hui.

Parexemplecejour-là,jeluiavaisdemandé,siles«joujous»commeonlesappelaitàl’époque,troppudiquepourdirebiteoupénis,brefjeluidemandaiss’ilsétaienttoujoursaussipetits.Lorsquej’avaiscomparéçaàlatailledemonmajeur,Jessavaitéclatéderirejusqu’auxlarmesensecouantlatêtepourm’informerquenon.C’enestensuitesuiviundébatédifiantsurlatailleacceptableounond’unpénis…

EncoreunejournéemémorableavecmaJess!Jemelaissealleràrepenseràsessouvenirsaveclégèreté.

J’aidûm’endormir, car lorsque j’ouvre lesyeux, le soleil aperdude sonéclat et lamaréeestdescendante.J’aidûbienrôtirégalement,carmapeaubouillantetireunpeulorsquejemerelève.Quiestquivaressembleràunetouristeallemandecesoir?Jeglousseavantdeplongerdansl’eauglacée.

L’avantagedelamarée,c’estquejemetsmoinsdetempspourrevenirsurlaplage.J’attrape simplementmon sac sansme rhabiller, je sécherai sur le chemin et retourne vers la

voiture.Luigim’attendbiensagementàl’ombresouslegrandchêneensomnolant.—Onrentremonchientuviens?Tudoisavoirsoif!Ilmesuitenbattantdelaqueue,touterancuneoubliée.Jerouledoucement,carlechemindeterre

estvallonnéetjecrainsquemavoitureetlaremorquechargéesnetiennentpaslechoc.Ilfaudraquejeprennele4x4demonpèresijeveuxsurvivrelesprochainsmois.

Unebonnedizainedeminutesplustard,j’arriveenfinetmegaredevantmonpetitchezmoi.Jesensungrandsourires’imprimersurmonvisagelorsquejesorsavecLuigidelavoiture.

Jefouillerapidementdanslaboîteàgantspourprendrelesclésetm’avanceverslapetitemaisonenbois.Elleressembleàunpetitchaletdemontagneavecseslargestroncsempiléslesunssurlesautres.

Lorsquejepousselaported’entrée,jesuisassaillieparl’odeurdeboisciréetd’iode.Aulieudemesentirtristecommejelepensais,jesuissurprisedeneressentirqueleplaisird’êtrederetouraubercail.

Luigientrecommeundingueetrenifletoutcequ’ilpeutenbattantdelaqueue.Jeposemescléssurlaconsoledel’entréeetentreenembrassantlapièceduregard.

Lamaison n’est pas immense,mais le salon est bien agencé, avec sa grande cheminée et soncanapéquihabille lapièce. Ilyaégalementunegrandebaievitréequi fait toute la longueurde lamaisonetquipermetdeprofiterdelamagnifiquevuesurmer,étécommehiver.

Jetraverselesalonpourouvrirlafenêtre.Toujourspiedsnusdepuismabaignade,j’avancesurlaterrasse et apprécie le contact rugueux du bois sous mes pieds. Les planches de bois craquentlégèrement,aufuretàmesuredemonavancée.

Jesourisenvoyantlebancauboutdelaterrassefaisantfaceàlamer.Monpèreetmoil’avionsfabriquéavecdesrondinsetdesplanchesdebois.Onpouvaityresterdesheureslesfinsdejournéesd’étéàdiscuterousimplementàcontemplerlavue.C’estsouventàsesoccasionsqu’ilmeparlaitdemamère.Ilmeracontaitsesmeilleurssouvenirsavecelleetleurspetiteshabitudes.J’aiénormémentdebonssouvenirsavecluiici…

Aprèsdixbonnesminutesàrêvasserenregardantlesvagues,jemeremueetretourneàlavoiturepourladéchargerainsiquelaremorque.

Uneheureplustardetdeuxorteilsenmoins,jesuisennage.J’adoremeslivres,etpourrienaumonde, jene les revendrais,mais sionm’avaitprévenuequ’il fallait s’appelerMusclorpour lire,j’auraispeut-êtrefaitmoinsdefolies.

Lesoleilcommenceàsecoucheralorsj’enprofitepourremettrelecourantetremplir lefrigoavec les restesdemonancienappartementque j’ai ramenésdansuneglacière.Bon…j’avouequ’àpartdubeurre,salébienentenduetduvinjen’airienapportéd’autre.Jesaisqu’iciilyatoujoursunpaquetdepâtequitraîneaufondduplacard.

Jeterminecettejournéeendégustantunbonplatdepâtes,toutenregardantlecoucherdesoleil.Luigironfledéjàdanslesalonlorsquejefinisparrentrer.Jelelaissetranquilleetprendsmonvanitydansl’entréeavantdemonteràl’étage.

Enhautducouloir,ilyaunechambredechaquecôté.Jerestequelquessecondesàregardercellededroiteenattendantquequelquechosesepasse.Ilfaudrabienquetufinissesparyentrer…

Maispascesoir…Jepivoteàgaucheetentredanslamiennequin’apasbougédepuisdesannées.Lesmurssontblancs,saufceluidufondderrièremonlitquiestpeintenvertd’eau.Ilyaunepetiteportesurladroitepouraccéderàlasalledebaincommuneauxdeuxchambres.Encoreunebrillanteidéedemonpèrepourmesurveiller!Enfin,pascommedanssurveillerenmodevoyeurbiensûr,hein!Beurk…Jegrimaceenm’écoutantpenser.Non,c’étaitplutôtunefaçonpourluidememettredescoupsdepressionlematinenmenaçantd’entrersijenecoupaispasl’eaudeladouche.Bref,unpèrecommetouslesautres.Ilfautvraimentquej’arrêted’avoirdespenséesàdoublesens!

Entre les cartons, la route et ma baignade, je suis exténuée. Après une courte douche froide,j’activeleballond’eauchaudepournepasmefaireprendredemainetjemelaissetombersurlelitenm’endormantdanslaminute.

Chapitre2La journée du lendemain n’est pas beaucoup plus reposante. Je passe la matinée à déballer

quelquescartons,justequelquesphotos,fringuesetobjetsdedéco.Jenesaispascombiendetempsjevaispouvoirvivreici,maisautantquejemesentedenouveauchezmoi.Aumoinspouruntemps…

Vers13h, jemonte à l’étage enfiler quelque chosed’unpeuplus correct, car j’ai rendez-vousdans une agence immobilière en ville. Je ne pense pas que mon short en jean et mes tongsconviennentpourcetyped’occasion.

Jepassesimplementunerobefluiderougeavecdesespadrillescameletfaisunpetitdétourparlasalledebainpourvoiràquoi je ressemble.Mes longs cheveuxbruns sont attachés enun chignonlâcheque je resserre rapidementet j’enprofitepourpasser lesmèchesquidépassentderrièremesoreillespournepasêtregênée.

MonvisageaunpeudérougiaveclatartinedeBiafinequej’aiappliquéehiersoir,maisj’aiprisdescoupsdesoleilsurtoutlecôtéfaceducorps.Aumoins,tuesraccordaveclarobe!Jesourisàmablagueavantdepartir.

Jeremplisd’eaul’ancienabreuvoirquiestàl’abridusoleilsouslesarbresetdonneunedernièrecaresseàLuigiavantdemonterdanslavoiture.

Aprèsdeuxcentsmètres àpeine, je jetteunœildans le rétroviseur et constatequ’ilme suit encourantcommeundératé,lalanguependantesurlecôté.Jestoppelavoiture,ouvremafenêtrepourluiordonnerderesterlàetdenepasmesuivre.

À peine ai-je redémarré, qu’il reprend sa course.Quelle tête de mule celui-là ! J’arrête denouveaulavoitureetletempsquejesorte,ilestassisàmeregarderenbattantdelaqueue.

—TurentresàlamaisonLuigi!Ilpleurnichelecomédien,ilestmalin.—Toutdesuite,dépêche-toi!Arrêtedemeregardercommeça!JedétestequandilmefaitsatêtedeChatPotté,jefinistoujoursparcraquer.Jedécided’employer

lesgrandsmoyens,j’ouvrelaportièrecôtépassageretluifaitsignedemonter.Ilsemblehésiter,maisrenonceetretourneverslamaisonentraînantlapatte.Ilapeut-êtreenfin

comprisqu’entrelavoitureetquinzehectaresàluitoutseul,ilseraitbienmieuxici.Jereprendslarouteetmegareenvilleunevingtainedeminutesplustard.J’aicinqminutesderetardalorsjepresselepasetentredansl’agenceennageavecl’airétouffant

del’extérieur.Jemedirigeversleguichetd’accueilpourmeprésenter.—Bonjour,jevienspourunrendez-vous.—Bonjour,avez-vouslenomdelapersonnequevousdevezrencontrer?Jegrimaceintérieurement.J’aiprislerendez-voustellementàlahâtequejen’aimêmepasprisla

peinededemanderlenomdemoncontact.—Nonjesuisdésolée.Jemesouviensquec’estunefemme,maisc’esttout.JesuisMademoiselle

Champcenetzçapeutpeut-êtrevousaider?Ellerouledesyeuxettapesursonordinateurjusqu’àtrouverl’informationqu’ellecherchait.Elle

reprendunairprofessionnelavantdemefaireasseoirletempsqu’elleailleprévenirlapersonnedemonarrivée.Ellerevientquelquesminutesplustardenm’indiquantqueMadameLeroyarrive.

MmeLeroy?Tiensintéressant...LeBadboyultrapopulairedemoncollèges’appelaitcommeça!J’imaginequecedoitêtresafemmeousasœurpeut-être…Lemondeestpetitparici.

Envoyantlagrandebruneauphysiquedemannequinsortirdesonbureau,jemecrispe.Ohnonc’estpaspossiblepitié!

Surtousleshabitantsdecetteville,ilafalluquejetombesurelle.Moncœurtambourinedansmapoitrinesecalquantsursespaspressés.

ClarissaMahé, ou la sorcière comme on l’appelait avec Jess. Le tyran demon existence et laresponsabledemondépucelagetardif!Duranttoutesmesannéesdeprimaireetdecollège,elles’estappliquéepourm’humilieretfaireensortequ’aucungarçonnes’intéresseàmoi.Entrelesmauvaiscoupsetlesfaussesrumeurslancéessurmoncompte,sonplanaparfaitementfonctionné.

Jenesaismêmepascequej’aibienpuluifairepourqu’ellemedétesteàcepoint.Elleavaittouslesmecsàsespiedsettouteslesfillespopulairesouenpassedeledevenirlasuivaientpartout.Avecsonmètresoixante-dixetsonassurance,jen’avaisclairementpasdequoirivaliser.

Jemelèvequelquessecondesavantqu’elleneseplantedevantmoi.Ellemesalueetmetendlamaincommesinousétionsdeparfaitesinconnuesetçamevatrèsbien.Ellemefaitsignedelasuivredanssonbureauetjem’exécutesansdiscuter.

Aprèstout,ilyaprescriptiondepuisletemps.Elleacertainementchangé…Laisse-luiunechancedeseracheterTifenn!Jemerépètecesmotscentfoisavantdeprendreplacesurlapetitechaiseenfacedesonbureau.

Unephotoimmensed’elleetdesonmarilejourdeleurmariagetrônesurlemurderrièreelle.Jeretiensunsourireenvoyantqu’entoutcas,elleesttoujoursaussinombriliste.Pourquoinepasmettresimplementunepetitephotosursonbureaucommetoutlemonde?Surtoutqu’ellenedoitjamaislavoirpuisqu’elleluitourneledos.Sijamaisonnecomprendpasqu’elleestmariéeetpétéedetunesavecl’immensediamantàsondoigt,ceposterencadrénousôtetoutdoute.

Lorsquejereviensàelle,jelafélicitebrièvementenmontrantsonpostergéant.—Ohmerci,maisj’ail’airénormesurcettephoto!Heureusementj’aifaitunrégimedepuis!Jefroncelessourcilsenlacomparantdiscrètementàlaphoto.Jenevoisaucunedifférencepour

mapart…Bitch!—EtdirequeMattveutdesenfants !Non,mais franchement,avecuncorpspareilceseraitdu

gâchis!Ahleshommesetleursenviesdepaternité…Jepinceleslèvrespourretenirmaremarque,jepréfèremetaireenattendantqu’ellechangede

sujet.—J’aibienfaillinepastereconnaîtresanstonappareildentaire!Qu’est-cequetuétaismoche

aveccetruc!Super ! Je lui fais un sourire crispé même si je bous littéralement à l’intérieur. Je décide de

changerdesujetetdelarameneràcepourquoijesuisici.—Alorsc’esttoiquivasgérerlaventedel’îleàbois?Elleparaîtdéçuequ’onneparlepasdenosannéescollègepluslongtemps,maissic’estpourme

faireinsultercommeelleenalesecret,jepassemontour.Jenesuispluslapauvrepetiteadolescenteperdueetsoumisequiasubisesattaquessansriendire.Saphrasemeramènesurterre.

— Oui c’est bien moi. On va établir le dossier aujourd’hui et on prendra rendez-vous pourexpertisertonbienetprendredesphotos,çateconvient?

Jehochelatête,contentederevenirsurunterrainquejemaîtrise.Lorsqu’ontermineenfin,jelaremercieetmelèvepourluiserrerlamain.Lasienneestdureetne

lâchepaslamienne.—Dommagequetuvendesunsibelendroit.J’opineducheftristement.Ellen’apasidéeàquelpointvendrecetteterremecoûte.Elleresserre

saprisesurmamainetterminetranchante:—Aprèstout,jenesuispasvraimentétonnéequetudécidesdetefairedel’argentsurledosdela

mortdetonratédepère…Maisdeuxmoisseulementaprèssamort,j’avouequejenetecroyaispassimauvaise.

Jemelibèredesamaincommesiellem’avaitbrûléeetserre lesdentsàm’enfairesauterunemolaireenintégrantsesparoles.Jesecouelatêteetlaregardeavectoutledégoûtqu’ellem’inspire.

— Et dire que j’étais prête à te laisser une chance de me prouver que tu avais changé…Finalementtuestoujoursaussicruelleetégocentriquequ’aucollège.Ilfautcroirequelespimbêchesdanstongenrenechangerontjamais!

Ellealeculotdes’esclaffercommesicequejeluidisaisrebondissaitsurellesansl’atteindre.Jedécidedechangerd’attitudeetluisourisàmontouravantd’ajouter:

—Tuvoisc’estvraimentdommagetoutça…carmoij’aichangé!Jequittesonbureaud’unpasassuréquinefaitpasdutoutéchoàmonvéritableétat.Jemeposte

devantlebureaudelaréceptionnistequisursautedesurprise.—Veuillezannulermondossierdansvotreagence,jenesouhaiteplusvousconfiermonbien.MaphraseclaquealorsqueClarissalapétassedébarqueentrombe.—C’estunaffreuxmalentenduVirginie,laissez-moidiscuterquelquesinstantsaveclacliente!AlorsqueVirginiefaitminedeselever,jesourisàClarissaetluichuchote:—C’estterminéletempsoùtumemarchaissurlespiedsenmerabaissantsansenconnaîtreles

conséquences,morue!Jesourisencoreplusenvoyantsaminesedécomposeretcontinueàvoixhautecettefois:— Ce ne sera pas nécessaire, merci ! Je souhaiterai également faire un rapport ou une

réclamation,auriez-vousunformulaireàmefournirs’ilvousplaît?La réceptionnisteblanchitd’uncoupet regardeClarissacommesi elle s’apprêtait à seprendre

unegifle.Sansdoutedoit-elle, elleaussi, subirune sortedeharcèlementde lapartde sacollègue.Aprèsdenombreuxéchangesderegards,ellefinitparfouillerdansundesestiroirsetmetendunformulaire.Jem’empressedelefourrerenvracdansmonsacàmainsouslesyeuxpleinsdehainedemonex-tyran.

Jepresselepasjusqu’àmavoitureetdémarreenquatrièmevitesse.Jesuistroptenduepourallervoird’autresagencesaujourd’hui.Jeprendslechemindelamaisonenmettantlaradioàfondpouréviterdepenser.

Malheureusement,çanemarchepasvraimentetj’entendssesparolespleinesdeveninquirésonneencoreetencoredansmonesprit…

Jenesuispasvraimentétonnéequetudécidesdetefairedel’argentsurledosdelamortdetonratédepère…

Jeclignedesyeuxpourchasserl’amasdelarmesquimebrouillelavue.Maisdeuxmoisseulementaprèssamort,j’avouequejenetecroyaispassimauvaise…Cen’estpascejesuis!Jen’aipasd’autreschoixqueceluidevendre!J’aipassédessemainesà

retournerleproblèmedanstouslessens…Maislesdettesastronomiquesquemonpèrem’alaisséesneme laissent que peu de solutions.Où pourrais-je trouver dixmillions d’euros ?Dix putains demillionsd’euros!

Brusquement,jesuisobligéedefaireunécartpouréviterunécureuilsurlaroute.Jemefaisunefrayeuravantdereprendrelecontrôledemonvéhiculeetdemegarersurlebas-côtépourévacuermonchagrin.

Jemesenshonteuse…honteusequelesgenspuissentpenserunechosepareilledemoi.Monpèreétaittoutpourmoi.Çamebriselecœurdeletrahirenvendantsonhéritage.Ilt’asuffid’uneheureaveccettesorcièrepourquetufondesenlarmes…commeavant…

—Tssss…Jesuispathétique!Maintenant,Tifenn,tuteressaisisetturentresàlamaison!Jesèchemesyeuxetreprendslaroute

pluscalmement.Luigim’attend sagement devant le portail lorsque j’arrive.Mon père l’avait dressé pour qu’il

montelagarde.Aussi,ilvenaitnousprévenirenquatrièmevitesseenaboyantcommeunfoulorsquequelqu’unarrivait.

J’avaissoumisl’idéeàmonpèredemettreuninterphone,maisilavaittrouvéçastupide.Jesourisenrepensantàcesouveniretsorsdemavoiturepourouvrirleportail.—Salutmongrand!Jeluigrattelatêteavantqu’ilmetourneautourpourmefairelafêtecommesij’étaispartiedes

joursetpasdeuxheures.Surlechemin,j’entendsquemavoiturefrottecontrelechemindeterre.Jenesuispassûrequece

soittrèsbon.Lorsquej’arrivedevantmapetitemaison,jemontemechangeretenfilemonshortenjeanetmablouseblanchepar-dessusmonmaillotdebain.

Je cherche les clésdugaragedans lepanierde l’entréeet sorspourm’y rendre.C’estplusunhangarqu’ungaraged’ailleurs.

J’ouvrelavieilleporteenboisetlaissepesertoutmonpoidsdessusenlapoussant.Lerailetlesgondsétantcomplètementrouillés,jemetsbiendixminutesàouvrirlehangarengrand.

Jesecouel’airchargédepoussièreentoussant.Çafaitcombiendetempsquecetendroitn’apasétéaéré?

Je jette un œil aux trois voitures devant moi. J’ai écouté mon père me parler de ses voiturespendantdesheuresdescentainesdefois.Jepensequejelesconnaissurleboutdesdoigtsdepuisletemps.

MesyeuxseposenttoutdesuitesurleRangeRoverDefenderdemilleneufcentquatre-vingt-dix,c’estlavoiturequemonpèreutilisaittoutletemps,c’estvraiqu’elleestpratiquepourroulersurl’île.Jesoulèveledrapdelasecondeetdécouvrel’AstonMartindb5demilleneufcentsoixante-quatre,monpèreetmongrand-pèreenétaientfousàforcederegarderJamesBond.Monpèreenahéritéàlamort demongrand-père et l’a totalement retapée à neuf. Je pense qu’elle doit valoir une petitefortuneaujourd’hui,maisilfautquejelalustreavantdemerenseigner.Jefinismontourduhangaretmedirigeversmapréférée,cellequemonpèrem’aapprisàdompter,uneFordMustangShelbyGT500Eleonordemilleneufcentsoixante-septgrisorange,commecelledufilmsoixantesecondeschrono.

Ilvafalloirquejeprenneletempsdeleslaveretdevoirsiellesfonctionnentbienavantdelesproposeràlavente.Ellessonttellementpoussiéreusesqu’onnedistinguemêmepasleurcouleur.

Jevaiscommencerparle4x4,jevaisenavoirbesoinpourmedéplacerpendantmonséjourici.Jemontededansettournelaclé,parchanceildémarredupremiercoup.

Monpèren’étaitpasdugenreparanoetlaissaitsescléssurchacunedesesvoitures.Jeroulejusqu’àlamaisondemongrand-pèreetm’arrêtesurleterre-pleinjusteàcôtédupuits.

JesorsdelavoiturejustequandLuigiarrivetoutessoufflé.Jerigoleenvoyantsatête.C’estévidentqu’ilestplusheureuxiciparmilesgrandsespacesquecoincédansunappartementtoutelajournée.

Jeprendsletuyaud’arrosage,lesavonetlesbassinesquej’aimisdanslecoffreetenremplisuned’eauclairepourLuigi.

—Tiensmonloulou.Jesourislorsqu’ilsejettedessusenrenversantlamoitiédelabassinesurl’herbe.Jesecouelatête

etm’occupederemplirunebassineavecdel’eauetduproduitavantd’arroserlavoiture.Degrosses

traînéesgrisesetmarronsglissentlelongdesportières.Lorsque je commence à savonner la carrosserie, jeme rends compte que la voiture est en fait

d’unbleunuittrèsfoncéàl’origine.Endixans,jen’aijamaisvucettecouleursurle4x4.Çaenditlongsurmonpèreetsonrapportàlapropreté.

Au bout d’une longue heure de savonnage intensif, je me croirai presque dans une sérieaméricaine,lorsquedejeunesétudiantesorganisentungrandCarWashpourimpressionnerl’équipedequaterbackdulycée.Bon…Pourmapart,jeressembleplusàunesortedechienmouilléavecdelamousseunpeupartoutsurlesvêtements,maisjem’enfiche,jen’aipersonneàimpressionnerici.

Aumomentoùjepenseça,j’entendsLuigiaboyercommeundingueetlechercheduregardsansletrouver.

Auboutdequelquesminutes,jelevoisdébarqueràtouteallurelesoreillespenchéesenavant.Jemetendsenlevoyantralentirjusqu’àmoietaboyerendirectiondel’entrée,desdizainesdemètresplusloin.

—Onn’attendpersonneLuigi,arrêtedet’exciter.Ses aboiements se transforment en pleurs et il pose sa truffe à l’intérieur dema paume en la

poussantpourquejelesuive.Jem’apprêteàlerassurerlorsquej’entendsungrosbrouhahacommes’ilyavaitplusieursvéhiculesquiarrivaient.C’estimpossible,personnen’alesclés!Jemerappellebienavoirferméàmonretourtoutàl’heure.

J’ouvregrandlabouchedesurpriselorsquejevoisdébarquerauloinunegrosseJeepsuiviedetroisbusinterminablesquivacillentdangereusementmêmeenroulantaupas.Qu’est-cequec’estquecedélire?!

Luigi se poste devant moi, l’arrière-train fléchi en position de défense et j’avoue que ça merassureunpeu.UngrandblondtoutmincesortdelaJeepetavancefrénétiquementversmoi.Jefixeladeuxièmepersonneautéléphoneàborddelavoiturequisecachederrièreseslunettesdesoleiletreviensaublondquiestdésormais toutprêt.Luigigrogneetaboieméchamment,alors jeposemamainsursonencolurepourl’apaiserunpeu.

—Bonjourdésolépourleretard,onaeuuncontretempsavecundesacteurs!Desacteurs?Maisputaindemerderéveillez-moi!—Vousavezdûvoustromperd’endroit,vousêtessurunepropriétéprivéeici.Leblondinetparaîtunpeudésarçonnéetregardesoncalepin.—Jesuisbienàl’îleàBois?PropriétédeYvesChampcenetz?Le fait d’entendre le nomdemonpère prononcé dans la bouched’un inconnu et écorché bien

commeilfautmemethorsdemoi.Jedétestelesgensquinesontpasducoinetquiprononcentle«T»etle«Z»bienséparémentdurestedemonnomdefamille.

Je fais un pas dans sa direction suivie deLuigi quimontre les dents lorsqu’il entendmon tonagressif.

—Partezdechezmoi!Lepetitblondinetblanchitavantdefaireunpasenarrièreenmefaisantsignequ’ilnemeveut

aucunmal. Il faitdemi-touret remontederrière levolantdesaJeep.Alorsque jesoufflepourmecalmer,jelevoiscouperlepassagerdanssagrandeconversationetluiparler.

Lemecsembleluifairesignedesortiretilouvreluiaussisaportière.Jel’observedescendredeson véhicule.Bon sang, mais il mesure combien ? Son tee-shirt et son jean usé accompagnés devieilles Timberland m’informent au moins sur un de ses traits de caractère. Il ne semble pas se

préoccuperbeaucoupdesonapparence.Il est bien bâti sans être bodybuildé non plus, on sent qu’il ne va pas à la salle de sport pour

comparersesmusclesaveclesautresmecs.Jedoutemêmequ’ilentredanscegenred’établissement.Lorsqu’ilenlèveses lunettesdesoleilpour lesaccrocherà soncolde tee-shirtet relève la tête

pourmescruter,jevoisqu’ilal’airénervé,maisjem’enfiche.Jem’enfichecomplètement...Toutcequejevois,cesontsesyeuxd’unvertvif.Cesmêmesyeuxquim’ontbouleverséependantdesannées.EvanKergoat!

Cemecatoujoursétéunmystèrepourmoi.Ilestplusâgéalorsjenelecroisaispassouventenville,maisàchaquefoisquejel’apercevais,ilétaitseul.Jenel’aijamaisvuaccompagné,quecesoitpar des hommes ou des femmes. Il semblait toujours porter lamisère dumonde sur ses épaules.J’avaisfiniparlesortirdemonesprit,maisjen’aijamaispuoubliersesyeuxmagnifiques.

Il ne semble pas me reconnaître et ne prend même pas la peine de me détailler du regard,préférantmeregarderdroitdanslesyeux.EtçanedevraitpastevexerTifenn!

JesecouelatêtepourreprendremesespritsetLuigigrognedenouveaulorsqu’Evans’approchetropdemoiàsongoût.Ilregardelechienetjecroisbienvoirunsemblantdesourireaucoindeseslèvresavantqu’ilnereprennecetairénervé.Jeneluilaissepasletempsdes’exprimeretluilance:

—J’aidéjàtoutexpliquéaublondinet,paslapeinedevousinstallerpourjenesaisquoi!Ilsoupireavantdemerépondre.—OùestYvesqu’onenfinisseaveccemalentendu?Ilprononceleprénomdemonpèredemanièretrèsdouce,commes’illeconnaissait.Jevoudrais

luidirequ’il estmort,quemonpèren’estplusdecemonde,mais lesmotsne sortentpas. Jen’aiencore jamais eu à les prononcer depuis deuxmois etmagorge se bloque rienqu’à cette pensée,alorsjemecontentederépondreplatementqu’iln’estpaslà.

Ilsecouelatêteetrépliquetendu:—Ilnequittejamaiscetendroitsaufpourallervoirsafi…Attends,tuessafille?Ilmedétailleduregardcommes’ilmevoyaitpourlapremièrefois,etc’estpeut-êtrebienlecas.

Tuestrempéeet il tematelesseins, lecoquin ! J’écarquille lesyeuxetmedépêchedepositionnermesbrasentraversdemapoitrinepourqu’ilnepuissepasvoirmestétonspointerdefroidàcausedecefoututee-shirtmouillé!

Jemesouviensqu’ilm’aposéunequestionlorsquesesyeuxreviennentauxmiensetmecontentedehocherlatêtepouryrépondre.

Ilmesouritpresquetendrementcequimesurprendavantdereprendreuneexpressiondemarbre.Cemecestbizarre.Sexy,maisbizarre…

—Euhenchanté,jem’appelleEvan.Ilmetendlamainetjeresteàlaregarderfixementnesachanttropquoifaire.Serre-luilamain,nelelaissepasenplan!Enmêmetemps,situluiserreslamainilvaprendre

sesaisesetvouloirdesexplications…Est-cequesamainestaussidoucequ’elleenal’air?Ilsoupireetretiresamainenlafourrantdanssapoche.Jeleregardeavantdemerendrecompte

quejemesuisencorelaisséabsorberparmesréflexions.—JevaisallerchercherYves,ilestaucourantdemavenue,c’estluiquim’aenvoyésescléspar

courrierilyatroismois.Jefermelesyeux.Çaexpliquelaraisonpourlaquellejenelesaipasentendusarriver.Ilsemble

bienconnaîtremonpère,jesaisqu’ilnedonneraitpassesclésàn’importequi.Jen’aipluslechoixilvafalloirquejeprennemoncourageàdeuxmainsetquejeluiannoncesondécès.

— Je te l’ai déjà dit, mon père n’est pas là. Il… on ferait peut-être mieux d’aller s’asseoir à

l’intérieur.Ilfroncelessourcils,maisnebougepas,ilattendclairementquejecrachelemorceau.Jemepince l’arêtedunezensecouant la tête.AllezTifenn tupeux le faire !C’estsimple,cene

sontquetroispetitsmots.Jesensmavoixtremblerlorsquejereprendslaparole.—Ilest…parti,dis-jeplatement.—Partioù?Enmer?Sic’estça,pasdesoucisonpeutattendredehorsoubienjepe…Jefroncelessourcils,souffleunboncoupenprenantconsciencequ’ilvam’obligeràledireà

hautevoix.—NonEvanécoute-moi!Monpèreest…Ilestdécédé…Ilyadeuxmoisdeçadéjà.Mon annonce brutale le fige sur place. Il me regarde sans me voir et ne bouge plus un seul

muscle. Le blondinet qui a tout entendu se rapproche et lui presse l’épaule en lui disant qu’il estdésolé.

Evansemblesortirdesonmutismeetenvoiebaladersonamid’uncoupdecoude.Ilmeregardeetlahainemélangéeàlatristessequejevoisdanssesyeuxmefigesurplace.

J’aidéjàvucetteexpression...C’étaitmonrefletdanslemiroirilyadeuxmois.Jeressenstoutdesuitelebesoinirrépressibledeleconsoler.C’estcommesipourlapremièrefoisdepuisdeuxmois,jetrouvaisenfinquelqu’unquicomprenaitmadouleur.

J’approchemamaindelasiennepourluifairesavoirquejecomprendssapeine,maisilestplusrapidequemoiet ilm’empoignesoudain lebicepsavec forceavantque jen’aieeu le tempsde letoucher.Jeleregardesanscomprendreetmeconfronteàsonregardpleindehaine.

J’entendsLuigigrognerférocementetEvansetendreetresserrersaprisesonbrasenréponse.—Evanlâchemoi!Je gémis de douleur et tente de me débattre pour me libérer. On dirait que c’est le signal

qu’attendaitLuigipourpasseràl’action.Jelevoissauteretmordel’avant-brasd’Evan.Monbrasestenfinlibreetjeprendsconsciencedelasituation.Monchienesttoujoursaccrochéaubrasd’Evanengrognanttandisqueluietleblondinetessaientdelemaîtrisersanssuccès.

—Luigilâche!Aupied!Ilrevientdocilementàmespieds,lespoilsdudoscomplètementdressés.Jemefrottelebraspour

fairepasserladouleur,maisc’estcommesisamainglaçantemetenaitencoreenotage.Evanmeregardehébétéavantdereculerd’unpas.Ilplongesesyeuxdanslesmiensetjelesvois

briller.Jepenseuninstantqu’ilvas’effondrersurmoi,maisilmetourneledosetmarched’unpasdécidéjusqu’àsavoiture.

—Surtout,net’excusepas!luicrié-jetandisqu’ilouvresaportière.Maisilm’ignoreroyalementetmontedanssaJeependémarrantbruyamment.Jesecouela tête

pourreprendremesespritslorsqueleblondinetm’interpellel’airpressé.—Euhtenezc’estlecontratpourletournage,dit-ilenmetendantunechemisecartonnéeépaisse.

Étudiez-le,jevousrapp...—Thomas!crieEvanavantdefairedemi-tourdansunnuagedepoussière.Ilmelaissesacarteavecsescoordonnéesetsepressejusqu’àundesbuspourleurfairelesigne

de faire demi-tour. Il a à peine le temps de refermer sa portière que la voiture part en trombe etdisparaîtrapidementderrièrelesarbrescentenaires.

Lesbuseuxontplusdemalàmanœuvreretdoiventfairetoutlecheminenmarchearrièrepourrepartir.J’essaiedevoirautraversdesvitres,maisellessontteintées.

Lorsquelecalmerevientenfin,jeparsm’asseoirsouslegrandchêneprèsdelamaisonettented’assimilercequivientdesepasser.

Qui était Evan pour mon père ? D’un côté, j’ai l’impression qu’ils étaient proches, mais del’autre,pourquoin’était-ilpasaucourantdesamorts’ilsseconnaissaientbien?

Moncerveauéchafaudedesdizainesdeplanssansqueuenitêteetjefinisparabandonner.Pourlemomentdumoins.

Uneautrequestionm’inquiète,qu’est-cequec’estquecettehistoiredetournageetdecontrat?Peu importe combien de temps celame prendra, je suis bien décidée à trouver les réponses à

toutesmesquestions...sansexception.Jeregardelavueàcouperlesouffleetprendsunegrandeinspirationenouvrantlesélastiquesde

lachemise.

Chapitre3Evan

Jesuisplongédansl’obscuritédepuisdesheures,matêtetourne,maisjenebougepas.Unevagued’alcool me remonte dans l’estomac, pourtant je reprends une grande gorgée de whisky bonmarché…ilestinfect,maisjeneboispaspoursavourer.Jeboispouroublier…oubliertout,jusqu’àmonpropreprénom.

Cette journée devait être la plus belle de ma vie. Elle aurait dû symboliser une victoire, unaccomplissement…Aulieudeça,j’aiperdul’êtrelepluscherqu’onpuisseavoirdanssavie.

Jesensmesyeuxseremplirde larmesalors je reprendsune longuerasadedewhiskypourmeressaisir.Unhommenepleurepas…c’estcequemonpèrem’arabâchétoutemonenfance.

Jevidelabouteilled’alcooljusqu’àladernièregoutteetmelaisseglisserausolensilence.J’aidumalàréfléchiretpensercorrectement.Moncorpsest lourdetengourdipar l’alcool, jenesensmêmeplusàquelpointleparquetdemonsalonestdur.

J’accueille mes cauchemars habituels avec soulagement. Tout vaut mieux que cette journéehorrible!

Unbruitrépétitifetagaçantmetiredemonsommeil.J’ouvrelesyeuxetlesrefermentaussitôt,lalumièredujourmebrûle.Jerefaisunessaietparviensàgarderlesyeuxentrouverts.

Jemesensmal,j’ail’impressionquemoncrânevaexploserd’uneminuteàl’autre.Jeremarquequejesuissurlesoldusalonetjesoupireententantdemerelever.Commejevissurmonbateau,leléger ballottement ne me réussit pas vraiment. Mais qu’est-ce que je fous là ? Je tanguedangereusementetpenseuninstantquejevaisvomir,maisj’arrivefinalementàmeremettresurpied.Malheureusement, lessouvenirsde la journéed’hiermereviennentet jesensmapoitrineseserrerdouloureusement.

Lebruit reprendet jeprendsconsciencequ’il s’agitdemon téléphone.Lorsque je leprendsetvoisdouzeappelsmanqués,tousdeThomas.Jesoupireetdécrochepourlerassurer.

—Allo.Jem’assoispourquelapiècearrêtedetourner.—Putain Evan ! Pourquoi tu ne réponds pas ? Et t’es passé où depuis hier après-midi, on t’a

cherchépartout!J’étaisprêtàappelerlesflics,bordel!Jeplisselesyeuxetéloigneletéléphonedemonoreille,carsescrismevrillentlecrâne.—C’estbonjesuischezmoisurleport,pasdepanique.Tupourraisparlermoinsfort,jem’en

suisprisunebonnehiersoir.—QUEJEPARLEMOINSFORT!Tutefousdemagueule?Jesoupire,jenesaismêmepasquoirépondrepourqu’ilmelâche.Jem’apprêteàluiraccrocher

aunez,maisilreprend:—Écoute,jecomprendsquetusoischambouléparledécèsdetonami,maislàonabesoindetoi.

Ilfautabsolumentconvaincresafilledesignerlecontratsinonadieuletournage!Tucomprendscequeçaimpliquerait?

—Ilvafalloirquetutedébrouillessansmoiaujourd’hui,jenesuispasenétat.Jel’entendssoupirer.Jelevoisdéjàentraindesepincerl’arêtedunezpourtenterdesecalmer.

Onneseconnaîtpasdepuislongtemps,maisons’esttoutdesuitebienentenduetlefaitd’avoirpassésesquatrederniersmoisnon-stopensemblenousapermisd’apprendreànousconnaître.

—Okay je vais gérer aujourd’hui,mais tu t’occupes d’aller voir cette fille avant demain soir,horsdequestionquejemefasseboufferparsonchien!

Jen’aipasletempsdeleremercier,cariladirectementraccrochéaprèssatirade.Jeposemontéléphonesurlatableetremarquelesmorsuressurmonbras.Cen’estpasprofond,

maisondistinguebienchaquetracedecrocs…Ilnem’apasloupécelui-là!Heureusement, j’aivupireetcettepetiteblessuren’estqu’uneégratignurequinelaisserapasdetracesdéfinitives.

Jeme traîne difficilement dans la salle d’eau et prends la plus longue douche de l’histoire. Jelaissel’eaumeréchaufferetrepenseàcequeThomasm’adit.C’estvraiquelafilled’Yvesétaittrèsfroideetsurladéfensivehier.

Jenem’attendaispasàcequ’ellesoitcommeça.Yvesenparlaitsouventetsesyeuxsemettaientàbrillerdefierté,ilmedisaitàquelpointelleétaitbelleetforte.J’aiétésurprisdetrouverunpoidsplumehier,jelapensaisplusgrande,plusaffirmée…Maisbon,jesupposequ’unpèren’estjamaistoutàfaitobjectiflorsqu’ilparledesonenfant…

Ilfaudraquejem’excuseauprèsd’elle,jesuppose.Enmêmetemps,jen’aijamaisétédouéaveclagentféminine.Jericaneenprenantconsciencequ’enfait,jen’aijamaisétédouétoutcourt.

Une fois douché, je prends un grand verre d’eau avec un doliprane et jem’installe dansmoncanapépourm’abrutirdevantuneémissionoùjepeuxlaissermoncerveaudecôté.

Jesupposequej’aifiniparm’endormir,carlorsquejemeréveille,ilfaitdéjànuit.Jeregardemamontreetconstatequ’ilestdeuxheuresdumatin.

Jesuiscomplètementdécalé.Jedécidedemangerunboutetdemeplongerdansletravailpourchassermesidéesnoires.

À neuf heures, je décide qu’il est assez tard pour aller rejoindre l’équipe de tournage dans lagrande bâtisse qui a été louée pour faire dormir tout ce beau petitmonde. Les plus chanceux ontmême une chambre dans la maison, les autres eux, dorment dans les camions-loges garés sur leparking.

Unefoispassélegrandportailblindé,j’observelafaçondontThomasamisenplacelesespacesetlestaff.Cechâteauvaégalementnousservirdelieudetournageetleséquipessesontdéjàactivéeshierpourcommencerlapréparationdutournage.

Jepousselalourdeporteenverreetferforgédel’entréeetjel’entendsdeloindonnersesordres.Ilnes’ensortpastropmalsansmoifinalement…

Ilseprécipitesurmoilorsqu’ilmeremarqueetmeprendàpartdansunpetitbureau.Après m’être fait sermonner gentiment, je lui rappelle quand même que je suis le patron ici.

J’avouequemonattituded’hiern’étaitpastrèsprofessionnelle,maisn’importequiauraitréagidelamêmemanière.Bon…toutlemondeneseraitpeut-êtrepasmisminableavecduwhiskybonmarchéensuite,maisçaparaissaitunebonneidéesurlemoment.

—Jeteremercied’avoirgéréenmonabsence.Onenestoù?Tupeuxmefaireuntopo?Il me fait un rapide résumé de la journée d’hier et je constate qu’il a bien avancé sur la

préparation.C’estparfait!—Etencequiconcernel’îleàbois?J’essaie de ne pas penser au fait qu’Yves ne sera plus là.Comment vais-je faire sans lui? Je

l’appelaislevieuxsage,çal’énervait,maisc’étaitvrai.Ilavaittoujoursunavissurtout,ilavaituneconnaissanceplusvastequelaplupartdesgensetiln’hésitaitpasàlapartagerentoutebienveillance.

—Oh,Evan,tum’écoutes?

Jesecouelatêtepourchassermespenséesetreviensaumomentprésent.—Euhoui,excuse-moi,tudisais?—Quelafollenem’apasrappeléetjen’aipassonnumérodeportable.J’aitentélefixequiest

inscritdanslecontrat,maispersonnenerépond.Jemefrottelebasdelamâchoirepourréfléchir,ilmefautunplan.—Ilnousfautabsolumentsonaccord,sonpèreasignélecontrat,maismaintenantque…tuvois.

Onnepeutpass’enpasserEvan.Sionnepeutpasfilmerlà-bas,onvasefaireécarterparlaprod’etjenedonnepascherden…

—Respire Thomas ça va bien se passer, je vais aller la voir. Tu peux gérer sansmoi encorequelquesheures?

Ilsoupireethochela têteenmesouhaitantboncourage.C’estvraiquej’espèrequ’elleréagiramieuxqu’ilyadeuxjours.Cejobc’estlachancedemaviepourpercerdanslemétier.C’estduràavouer,maismonavenirreposeentrelesmainsdecettefilleàmoitiéhystérique.Onvadirequej’aidéjàétéplusconfiant…

JemontedansmaJeepetrouleversl’endroitquiétaitencorechezmoiilyapeu.Unefoisdevantlesecondportail,jesorsdelavoitureetvaisl’ouvrirsanshésitation.Pasdesigne

duchien, c’estbonsigne jenevaispasme fairedévoreraujourd’hui.Monavant-brasest toujoursbandé,dansquelquessemainesonneverraplusriendetoutça.

Jeme gare devant la résidence principale et suis étonné de n’y voir aucune voiture. Je fais unrapidetour,maistouteslesportessontferméesetiln’yapasl’aird’avoirquelqu’unàl’intérieur.

Jereprendslavoiturepourmerendredirectementàl’autreboutdel’île,chezYves.Son4x4estbiengarédevant.C’estétrangedechoisird’habitericiquandonaunesigrandemaisonavectoutleconfortà1kmàpeine.

Jefrappeàlaported’entréeetsuisaccueilliparlesaboiementsdemonmeilleuramiàpoil.Yvesm’avait informé du tempérament protecteur de son chien envers Tifenn, donc je ne suis pas tropsurpris.

Aprèsdeuxautres tentatives, jene reçois toujourspasd’autres réponsesque les aboiementsduchien.Jefrappedupoingsurlaporteplusfortetautroisièmecoup,laportes’ouvrebrusquement.

JeretiensmonexclamationdesurpriseenvoyantlatêtedeTifenn,avecsescheveuxenbatailleetsonairénervé,ellefaitpeuràvoir.

Enl’observantdeplusprès,jeremarquequ’elleadegroscernesviolacéssouslesyeux.—EuhsalutTifenn…Je.Ellemeclaquelaporteaunezetjerestemuet,commeunimbécile,sursonporche.—Tifenn!Ouvres’ilteplaît,jesuisvraimentdésolédel’incidentd’avant-hier.Laportes’ouvred’uncoupcommesielleétaitrestéederrièreetmemontresonbicepscouvertde

bleusàchaqueendroitoùmesdoigtsonttropforcé.—Ohoui,c’estunpetitincident,passonsl’éponge,j’adoremefaireviolenterpardesinconnus

quipénètrentchezmoisansmonautorisation!Okay…Jenesuisplustrèsconfiantconcernantl’issuedecettediscussion.Jesuisentraindetout

fairefoirer!Quelcon!Jevoislacolèreétincelerdanssesyeuxetjesoupire,complètementabattu.—Jesuissincèrementdésolé,lanouvellem’abouleversé,c’étaitbrutaltucomprends?Jepensais

letrouverici,commetoujours.Jecontemplemeschaussuresavecassiduitélorsqu’ellemeditd’entrer.Jerelèvelatêted’uncoup

etlaregardeavecsurprise.Ellerouledesyeuxetregardebrièvementlebandagesurmonavant-bras

avantdegrimacer.—Okay,nebougesurtoutpascompris?Je la regarde sans comprendre jusqu’à ce qu’elle appelle son chien qui était reclus dans son

panier.Elle prend ma main et je grimace en prenant sur moi pour ne pas la retirer. Je me demande

vaguementcequ’ellecompteenfaireavantdel’écouter.—C’estami,Luigi,d’accord?Ilnenousveutaucunmal,vienslà.Sonchienapprocheprudemmentmereniflerlesdoigtsavantdesentirlemoindremètrecarréde

monjean.Voyantqu’iln’apas l’airagressif, jem’accroupisetouvremesbraspourqu’ilviennese faire

caresser. Luigi regarde samaîtresse comme s’il attendait quelque chose. J’observeméduséTifenns’esclafferetfaireungesteàLuigiquis’empressedepasserdevantmoipourallercourirplusloin.

—Tonchienvientdemesnober?Ellesouritavantderépondre:—Neleprendpaspourtoi,iladumalaveclesinconnus,etj’ail’impressionqu’ilnet’aimepas

beaucoup!Je secoue la tête pendant qu’elle m’invite à entrer. La pièce n’a pas changé hormis quelques

photosetélémentsdedécoquisontvenuss’ajouterdanslesalon.Latabledelacuisineestrecouvertedepapiersentoutgenresurlesquelssetrouventunordinateur

portableencoreouvert,unecalculatriceetplusieursfeuillesraturéespleinesdechiffres.—Jeteserrequelquechose?Café?Thé?Jelaregardeavecattentionetremarquequ’elleaunejouemarquéecommesielleavaitdormisur

unepiledepapier.Aprèsavoirvula tabledelacuisine, jesupposequec’esteffectivementcequ’ils’estpassé.

—Tudevraistenterdetereposerundesesquatre.—C’estcequejefaisaisavantquetumeréveilles…Théoucafé?Je fronce les sourcils. Je ne sais pas pourquoi elle est tout le temps sur la défensive,mais ça

commenceàmegonfler.Jeprendssurmoietluirépondscalmementquejepréfèreducafé.Jem’installeàtableetpoussequelquespapiersavantdevoirdesestimationspourlaventedel’île.

Monsangnefaitqu’untour,jemelève,lepaquetdefeuillesentrelesmainsetluilâche:—Tuveuxvendre?Qu’est-cequiclochecheztoi?Elleme tourne le dos,mais je vois ses épaules se tendre et l’entends soupirer. Lorsqu’elle se

retourne,c’estpourmedonnerunetassedecaféfumante.Elles’assoitetsecontentederépondre:—Çaneteregardeabsolumentpas.Ellemarqueunpoint,maisjenecomptepaslâcherlemorceau.Jevaisjusteluidonnerl’illusion

que je la laisse tranquille,aumoinspourun temps. Ilne fautpasque j’oubliecepourquoi jesuisvenucematin,etpourqu’ellediseoui,jenedoispaslafroisser.

—Tuaseuletempsdelirelecontratpourletournage?Ellehochelatêteetfouilledanssapileavantdemeletendre.Sifacile?Jevaisdirectementàla

dernièreetremarquequesasignaturen’yapparaîtpas.Jemedisaisbienaussi… Je la regardesanscomprendrelorsqu’ellemelancetrèssérieusement.

—Est-cequeleprixestnégociable?Alorslà,jem’attendaisàtoutsaufàça!—Euh…Je…Pourquoi?Cinqmillionscen’estpassuffisant?C’estunetrèsbonneoffre.Ellerougitets’accrocheàsatassedecafécommesisavieendépendait.

—Ajouteunmillionetjesigne,sansçajesuisdésoléeceneserapaspossible!Jem’affaleaufonddemachaise,bouchebéeparsonculot.Sonattitudenecollepasdutoutavec

cequeYvesm’avaitracontéd’elle.Elleestcenséeêtredouce,entêtéeetgénéreuse.Aulieudeça,j’aiaffaire une nana bizarre qui ne voit que par l’argent qu’elle va pouvoir se faire sans penser unesecondeàcequesonpèrevoudrait.

Jesuistellementsurleculquejemecontentedeprendrelecontrat,demeleveretdeprendrelaporte.

Elleneditrien,maisjevoissesyeuxbrillerlorsquejemetourneunedernièrefoisversellepourpartir. Elle a l’air si triste…Presque désemparée.Quelque chose ne colle pas dans tout ça…et jecomptebiendécouvrirlefinmotdel’histoire.

Enattendant,ilfautquejepasseuncoupdefilàmasociétédeproductionpourtenterdeleurfairepasserl’addition.

Quelquechosemeditque jevaisêtredirectementpropulsédansundesMissionImpossible deBrianDePalma.

Chapitre4Tifenn

Jeleregardepasser laporteetmefrappela têteplusieursfoiscontre la tableàmanger.Quelleconne!Tuviensdetoutgâcher!

Jesuisvraimentnulleennégociation…J’ai sentimonvisagebouillir lorsque je luidemandaisplusd’argent.Maisjenemesuispasdémontéeetj’aijouélejeu,l’occasionesttropbellepournepastenterlecoup.S’ilyaneserait-cequ’unepetitechancepourquejepuissegarderEnezCoat,jedoislasaisir.Maisàvoirsatêteenpartant,jepensequec’estfoutu.

—Ilfautquej’aillemedoucher,cemecmemetdanstousmesétats.Jenesaispascequ’iladeplusquelesautres,maismeshormonesdeviennentfolleslorsqu’ilest

prèsdemoi.J’actionnelepommeaudedoucheetattendsdevoirlavapeurdel’eaubienchaudepourmemettre

dessous.Mon cœur s’est complètement emballé lorsque je lui ai pris la main tout à l’heure, j’ai

l’impressiond’êtreuneadoenchaleur!C’estvraimentdésagréablequandonavingt-septans.C’est d’autant plus insupportable qu’il semble complètement hermétique à ma présence. C’est

commes’ilnemeconsidéraitpascommeunepossibilité, j’ai l’impressiond’être tombéedansunecatégorieentrela« friend-zone»et la« je-te-touche-avec-un-bâton-zone».Toutcequi l’intéresse,c’estsontournage.

Enmesavonnant,jemedisqu’ilfautabsolumentquejeprennerendez-vouschezl’esthéticiennepourmefaireépilerdespiedsà la tête. Interditd’avoirunpoilquidépassequandonpasse leplusclairdesesjournéesenshortetendébardeur.Detoutemanière,jenesuispasàsoixanteeurosprès,j’aiunedettequiavoisinelesdixmillionsd’eurosalors…

Jesuisprised’un fou rirenerveux, jen’arrivepas àm’arrêter. J’ai des crampes à l’estomacàforcederireetmesyeuxpleurent.Entrenervositéet impuissance, jemedemandecommentjevaisfairepourmesortirdecemerdier.Çaaaumoinsleméritedemeramenersurterre.

DestinéedeGuyMarchand s’élèveàpleinvolumedansmachambre.C’est lasonnerieque j’aiattribuéeà Jessparcequeçanous ressemblebien.C’estkitsch,maisonadore cette chanson, jenepeuxpasm’empêcherdelachanteràchaquefoisquejel’entends.

Jemeregardedanslemiroirdelasalledebain,jeprendsmabrosseàcheveuxquitraîneàcôtédulavaboenguisedemicroetmedéchaînesurlamusiquecommesimavieendépendait.

Destinée,OnétaittouteslesdeuxdestinéesÀvoirnoscheminsserencontrerÀs’aimersansdemanderpourquoi

Toietmoi…Jen’aipasletempsdecontinuer,lamusiquesecoupebrusquementetjemesouviensseulement

maintenantquesij’aientenducettemusique,c’estqueJesstentaitdemejoindre.Jemefaisavoiràtouslescoups.

Jemedépêchedelarappeleretelledécrochedèslapremièresonnerie.—Laisse-moideviner,tuchantaisencorecommeunegrossedindeettum’asoubliée?Jesouris,monsilenceluisuffitàsavoirqu’elleatapédanslemille.Ellemeconnaîtbienlamorue

!—Jevaisfinirparmevexerundecesjours,tusais?

—Ohc’estbonarrêtetoncinéma.Alorscommenttuvas?—Tuveuxvraimentlesavoir?Oulaa,c’estpasbonça!Jesuissûrequ’ellevameparlerdesaviedecouple.—Jeprendsçapourunoui !Si tuveuxunconseil, restecélibataire,êtreencoupleçacraint !

Non,maisfranchement!Audébuttoutestbeau,maisaprèsc’estladescenteauxenfers!Jemelaissetombersurmonlit,carjesaisquelaconversationrisquededurer.Quandellevamal,

ellefaittoutunpataquèspourrien…—Skype?Jeluipropose.—Carrément,jet’appelledesuite!Jemedépêchededescendrel’escalieretderécupérermonordinateurportablepourl’emmenerà

l’étage.Lorsquejeledémarreetquejemeconnecteàl’application,jeremarquequej’aidéjàratédeux

appels.Jemedépêchededécrocherquandellem’appelledenouveau.—Ahbahc’estpastroptôt,tutetripotaislanouilleouquoi?Jelèvelesyeuxauciel.—Ohc’estbonlafrustréeducul,jesuislà!Raconte-moitesmalheurs!Jeremarquequ’elleaenfilésonpyjamaenpiloupilou.Cen’estdéfinitivementpasbonsigne.Ellemeregardeetsemetàpleurertoutesleslarmesdesoncorps.Monexpressionchangedutout

autoutetjesensunebouled’inquiétudeetdecolèremêléemonterenmoi.—Qu’est-cequisepassemaJess?Ellerenifleungrandcoupetjegrimaceenvoyantsatêterougieettrempéedepleursetdemorve.—Ilaencoreoubliédeviderlelave-vaisselle!Etsonlingesaletraînedepuisdessemainesau

pieddulit,çafaittellementlongtempsquejeluiaidonnéunnom!Lapyramidedelapuanteur!J’aiunpetitsourirenerveux,maisjenedisrien,jesaisqu’ilyaquelquechosedeplusgraveen

dessouspourqu’ellesemettedanscetétat.—Qu’est-cequetuauraisfaitàmaplace?Ohellemeprenddecourtlà,jeréfléchisetluirépond:—Euhhh…jeluiauraisfaitunescènepourqu’ilrangesonbordel?luisuggéré-je,pastropsûre

demoi.—Exactement!Jeluiaipétéuncâblecematin.Iln’yavaitmêmeplusunmugproprepourqueje

puisseprendremoncafé!Ettusaiscequ’ilafait?Ils’estmoquédemoiendisantquej’avaisl’aird’unehystérique!MOI?UNEHYSTERIQUE?!

—Queltroud’balle!Maisavouequelà,tuesentraindepéteruneduritechouchou.Elleseremetàpleurerdeplusbellealorsjelaconsoleetmetais,jeneveuxpasempirersonétat.—Ilaquandmêmefiniparmelaverunmugetm’aserviungrandcafébienchaud.Etjemesuis

miseàpleurercommeunevieillechaussette…Alorslàjenecomprendsplusrien.—Pourquoitut’esmiseàpleurer,j’ailoupéuntruc?Elle me regarde un peu craintive et me demande de ne pas me fâcher. Je ne suis pas du tout

rassurée,maisjel’écouteavecattention.—Jemesuismiseàpleurer,carj’airéaliséquej’avaisplusledroitdeboireducafé!Je…Je

suisenceinteTifenn.Plusieurs émotions m’assaillent de toute part. Je suis heureuse, stupéfaite, en colère, excitée,

heureuse…

—Enceinte?Enceintecomme…Enceinte?Vraiment?Voilàquec’estmoiquipleuremaintenant.Onestbellechacuneentraindechialerderrièrenotre

écranàtroiscentskilomètresl’unedel’autre.—Jesais,c’estfouhein?medit-elleensouriantàtraversseslarmes.—Putainc’estdinguemabelle!Tul’asappriscematin?Attendpourquoituestriste?Tul’asdit

àLaurent?!—Calme-toiTifenn…Elleperdsonsourireavantdecontinuer.— Je lui ai annoncé qu’il allait être père et il a compétemment buggé. Il est resté immobile

pendantgenredixminutes,jemesuismêmelevéepourvoirs’ilétaitencoreconscient.Maisilm’aditqu’ilavaitbesoindetempspourdigérerlanouvelleetilestparti.IlestpartiTifenn…ets’ilnerevenaitpas?

Jesens lamoutardememonteraunezet jem’apprêteà répliquerméchammentquecemecestvraimentledernierdescons,maisjesaisquecen’estpascequ’elleveutentendre.

—Cen’estpastout…J’aiuntrucàt’avouerettunevaspasaimer.Jeserrelesdentsetluilaisseletempsdechoisirsesmots.—Jenel’aipasapprisaujourd’hui.Jelesaisdepuisdeuxsemaines.—QUOI?Tulesavaisavantquejeparte?Pourquoitunem’asriendit?Jeseraisrestéeavectoi

!— Justement Tifenn, tu as pleins de choses à gérer là-bas. Je ne voulais pas que tu te sentes

obligéederesteraidertameilleureamieencloque.—Turacontesn’importequoi,jefaismesvalisesdèsdemainetj’arrive!Jeneveuxpaslouper

uneminutedetoi,enceinte!C’esténormemabiche!Ellesouritetrépliqueenriant:—Alorspremièrement, jenesuispasencoreénormeetdeuxièmementc’estmort, tu restessur

tonîle!Jeneveuxpasquemonenfantaitunemarrainefauchéeetdéprimée!Turèglesd’abordtesproblèmesavantderevenir.

Jesensmoncœurfairedesbondsdansmapoitrine.—Tuveuxquejesoislamarraine?Sérieusement?Ellerigoleenreniflant.—Évidemmentidiote…Quid’autre?Jemelèveetfaisladansedelajoie.Pourmoi,çaserésumeàfairetouslesmouvementslesplus

ridiculesquimepasseparlatête!EtàentendreleséclatsderiredeJess,çadoitêtremémorable.—Olalalaaaa!!!Je suis trop contentepourvousmachérie !Ne t’inquiètepas je suis sûreque

Laurentvarevenirramperàtespieds…Ilaplutôtintérêtsinonjeluibriselesnoix!Commes’ilm’avaitentendue,jevoisJesssursauter.—Laported’entréevientdeclaquer,jetelaissemabelle,mercibeaucouppourtoutt’esgéniale!

Bisouuuuus!—Mets-luilamisère!Etjeveuxuncompterendudétailléaprès,okay?Ellerigoleavantdecouperlacommunication.Je me couche sur le ventre et soupire un grand coup. J’y crois pas ! Ma meilleure amie est

enceinte…Ilyavraimentdesnouvellescapablesdeteboosterpourtouteunejournée!J’enfilemonshortenjeanpréféré,lepremierdébardeurbleumarinequimetombesouslamain

etmespetitesconversesblanchesavantdesortirdechezmoi,biendécidéeàréussiràmesortirdutrounoirsansfinquimehappedepuisdeuxmois.Jevaisêtremarraine!Cegaminestperdu!

Jen’écoutepasmonmoi-intérieuretdécidedefaireunpointsurl’étatdesvoituresquidormentdanslehangardemonpère.J’aitoujoursbricoléavecluisursesvoituresalorsjelesconnaisplutôtbien,ilfautimpérativementquejelesremetteenétatsijeveuxentirerunbonprix.Çanemefaitpasplaisirdem’enséparer,maisàchoisirentrelesvoituresetl’île,jeprendsl’îlesanshésiter.

Jepasselajournéeàtoutpasseraupeignefin,Luigipassevoircequejefaisdetempsentempshistoire de s’assurer que je ne me sauve pas sans doute, mais il repart vite dans la forêt pours’amuser.

Commeparhasard,le4x4estintactalorsquec’étaitlavoiturequemonpèreutilisaitleplusetoùlespiècessontlesmoinschères.

Pourlesdeuxautresenrevanche,leconstatn’estpasbon.L’AstonMartinneroulepas.Elledémarrebien,maispasmoyendepasserlesvitesses,etaprèsun

examencompletleverdicttombe.LaboîtedevitesseestHS.Jen’aiaucuneidéeduprixdespièces,maisàmonavis,jevaisenavoirpouruneblinde!

Pour la Ford Mustang, ce n’est pas ça non plus, je pense qu’il faut changer l’arbre detransmission.Lapiècedevraitmecoûtermoinscherquepour l’AstonMartin,maiscene serapasdonnénonplus.

Jen’aiplusqu’àappelerGeorge, legaragisteducoinpourqu’ilpasseconfirmer toutçaetmecommandecequ’ilmefaut.

Jevois le soleil commencer àdécliner lorsque je termineenfinmonétatdes lieux. Jeme laverapidementlesmainsavantdepassermoncoupdefil.Georgeestcontentdemeparleretd’avoirdemesnouvelles,maisj’avouequejesuistoujoursmalàl’aiseensacompagniedepuislamortdemonpère.Illeconnaissaitsibien,ilétaitmêmeprésentlorsdesesfunérailles.Jemesouviensencoreduregardemplidepitiéqu’ilm’a lancéce jour-là.Jeneveuxplus jamais revoircetteexpressionsurn’importequelvisage.Ilm’informequ’ilpasseradèsdemainpourvoirlesvoituresetjeleremercieavantderaccrocheravecsoulagement.

Jemonteprendreunelonguedouchepourmedécrasseretpourunefoisjeprendsletempsdemefaire un soin des cheveux. Ça fait tellement du bien qu’une fois sèche, je continue mon petitcocooningenmepassantdelacrèmepartoutsurlecorps.

Je constate que j’ai trois appels en absence et un message vocal de Jess. Je m’empresse del’écouterpoursavoircomments’estpasséesonexplicationavecLaurent.

Je ne sais pas combien de temps dure lemessage, mais en tout cas j’ai le temps d’enfiler unénièmeshortenjeanavecundébardeurbleumarineetdedescendrejusqu’àlaplagepourm’installerauborddel’eauavantlafindumessage.

Jesuiscontentepourelle, touts’estbienpasséetLaurentest,enfaitravi,decettenouvelle.Ilajusteétéunpeuchoquéparcetimprévu.J’espèrequandmêmequ’ellevalefairemorflerunpeupoursaréactionidiote.

Jereposemontéléphoneetregardelameràpertedevueensoupirant.C’estquandmêmedinguedesedirequ’elleestenceinte…Jesuisvraimentheureusepourelle,c’estunesacréeétape.

Jesourisenpensantàlaréactiondesesparentslorsqu’ilsapprendrontlanouvelle.Jeperdsmagaietéd’uncoup, enprenant consciencequemesparentsn’auront jamais eu la joiedemevoir encouple,enceinte,maman…

Jelaisselesremousdesvaguescalmermoncœurquis’emballeenregardantaulargequandmontéléphonevientinterrompremesréflexions.

Jeregardeledestinataire,maisjeneconnaispaslenuméro,jedécrochetimidement.—Allo?—C’estEvan!Moncœurfaitunloopingenentendantsavoix.Jerespireetfermelesyeuxpourmecalmer.Je

mecontented’attendreladouloureuse.Voyantquejenerépondsrien,ilenchaînesanssedémonter.—J’aieumasociétédeproduction…Jeretiensmonsouffleethochelatêteavantdemerendrecomptequ’ilnepeutpasmevoir.—Jet’écoute.—J’aidûnégocier,maisilssontd’accord.Jen’arrivepasàexpulserl’airquej’airetenuàtelpointjesuissurprisequemoncoupdepoker

estfonctionné.—Ilssontd’accord?Jen’enrevienstoujourspas.—Ouituaurastonargent!Siçateconvient,jevienstefairesignerlecontratdèsdemainmatin,

commeçajepeuxcommencerletravaildepréparationavecmonéquipetoutdesuiteaprès.Ma main se crispe autour du téléphone en entendant sa pique, mais je fais abstraction de sa

remarque,etluidisàdemain.Jeraccrocheetregardeversl’horizoneninspirantàpleinpoumonl’airiodé.Toutnevapassimalfinalement…Jevaisdevenirmarrained’iciquelquesmois,jevaispeut-être

réussiràgarder l’îledemonpère. Ilva falloirque je trouveunesolutionpour trouver le restedel’argentnécessaireàremboursermesdettes,maisdéjàj’ail’impressionderespirerplusfacilement.

Commesiunepartiedupoidsquimepesait commeuneenclumesur lapoitrineétait enpartiesoulagée.

Uneuniquelarmedesoulagementmêléed’espoircoulelelongdemajoue.C’estavecunemotivationenbétonetunsourirequejeregagnemapetitemaison.Luigim’attend

devant,tranquillementcouchédevantlaported’entrée.—Çavamonloulou?Jemepenchepourluigratterleventreetilenprofitepourpasseruncoupdebalaisurleseuilde

laporteenbattantdelaqueue.Jebranchemontéléphonesur l’amplide la télévisionetmetsPurpleRaindePrinceà fond.Je

danseetchanteenmepréparantunesaladeaupoulet.Luigiluimeregardeducoindel’œildepuisletapisdusalon.Cequiestbienavecleschiens,c’estqu’aumoinsilsnejugentpas.Entoutcas,ilsnepeuventpasnousdirecequ’ilspensent.JesuiscertainequeJessseserait foutuedemoiquand j’aijouélesolodeguitaresurmaspatuleenbois.

KissdePrincesuit,commequoilemondeestbienfaitetilm’accompagnejusqu’àlafindemapréparation.

J’arrêtelamusiquepourmanger,maislesilenceestunpeupesant,alorsjesorspourentendrelebruitdesvaguesenfond.C’esttoujoursmieuxquelesilencepesantquirègneàl’intérieur!

Jene traînepas tropenbas etmonte rapidementdans la chambre.Cette journée était fatigante,maisjesuiscontentedelatournuredeschoses.

Bienaufonddemacouette,j’enprofitepourallerfaireunpetittoursurlesréseauxsociauxpourvérifierquelemondenes’écroulepas.J’auraispuallumerlatélévisiontoutàl’heurepourregarderlesinformations,maisj’aitoujourspeurdetombersurquelquechosededramatique.

Jepassetoutmonfild’actualitéFacebookavecattention,surtoutlorsqu’ils’agitdemecdénudé.ÀquoipeutbienressemblerEvansanssesfringues?

Vusacarrure,çadoit franchementvaloir lecoupd’œil.Uneboufféedechaleurmeprendet jesaisquejedevraisarrêterdepenseràquelqu’unquin’apasl’airdem’apprécier,maisc’estplusfortquemoi.

Jedevraispeut-êtreluifairecomprendrequ’ilm’intéresse.Aprèstout,onestplusaumoyenâge.Etpuisjenesuispassimalqueça,jenevoispaspourquoijen’auraispasmeschancesaveclui…

Parcontre, jenesaispascomment jevaism’yprendrepourdraguer, jenesuispas trèsdouéepourfairecegenredechoses.Jesuisplutôtdugenreàfairedel’humourpouraborderleshommes,etsilefeelingpasse,jeglissequelquessous-entendusetçafonctionneoupas,maisaumoinsj’aifaitmapartdujob.

C’estpeut-êtrepourçaquetun’aspaseubeaucoupdemecs…J’envoie balader mon autre moi, mais ce n’est pas complètement faux. Je ne sais même pas

commentêtresensuelle.J’ailuplusieursfoisl’importancedulangagecorporeldansleprocessusdedrague.

J’ouvreunepageGoogleettapemarecherche.Jetombesurunarticlequisembleintéressant,rienqueletitreparaîtprometteur:Letop10desastucespourdraguer!

Bonçaàl’airunpeupuéril,maispourquoipas,aprèstoutquinetenterienn’arien.Jelisavecattentionlesastucespourvoirsijepeuxlesappliqueràmoi:1-Demanderàuneamied’allerjouerlesdragueusesreloupourattirerl’attentionsurvous.Ouais… Sans Jess c’est foutu, je ne pense pas que Luigi serait partant pour jouer les

entremetteurs.2-LeEyeCatching–Matterunmecpuisfuirsonregard,semettreàriresansraisonpourretenir

sonattentionetletitiller.Bonça,çaal’airplutôtsimple,jepeuxtester.3-LePlanMachiavéliqueFoireux–consisteàobserverl’autrepourenapprendreunmaximum

sur seshabitudes et sesgoûts et provoquer les rencontres à « l’improviste ».Lorsque vous l’avezenfin séduit, avouez-lui tout,mi-honteuse,mi-amusée, il seradéfinitivement conquisde savoir quevousavezremuécieletterrepourlevoir.

Çafaitunpeupsychopathequandmême!Fautpaspousser,jenevaispasleprendreenfilaturejustepourluisauterdessusdèsquel’occasionseprésente…

4-Ledodoépaule—lorsqu’unmomentdecalmes’estbieninstallé,endormez-vouspetitàpetitet laissezvotre tête seposer innocemment sur sonépaule.C’estmignon,valorisantpour lemecetsanslediresuperérotique.

Ouais,j’aiplusqu’àlecoincerpourfaireunep’titesiestequoi!5-L’alcool—«Houlà,j’aiunpeutropbu,jecrois».Onlâchelapetitephrase,onl’accompagne

d’unlégerrire,maisonneselajouepaspoivrote.Justeenmode«mesdéfensestombent,maisquem’arrive-t-il?»Etvotreproievapenserqu’elleestleprédateur.

Bonenfinun trucdansmescordes ! Jene saispas comment je vaisme retrouveràboire en sacompagnie,maisjeretiensl’idée.

6-Lesexe—Sivouspensezqu’iln’yapasd’autremoyenpourretenirsonattention,faitesdevotretargetunplanculettentezdeleconvertirenvraierelationensuite.

Maisbiensûr!Pourqu’ilaitlebeurre,l’argentdubeurreetleculdelacrémièreenplus,jamaisdelavie!Etpuisonn’abordepasunmecdetrenteansenluidisant:«Heytucouches?»quoique…Jesuiscertainequeçamarcheraitsurcertains.

J’arrêtedelirel’articleàcetteastuce,detoutemanièreçanemarcherajamais.J’éteinsmalampedechevetettentedem’endormirsanstroppenseràlajournéededemain.Tous

sesgensquivontdébarquermestressentunpeu,ilvafalloirquejecontrôlequetoutsepassebien.Iln’estpasquestionqu’ildénaturelelieu.

J’évitedepenseràEvansanssesfringuesetjefermelesyeux,vitehappéeparmonsommeilenretard.

Chapitre5Il fait sombre,mais une douce lumière rouge tamisée crée une ambiance chaude et rassurante.

J’avancedanscettepiècequiressembleàmachambreetjesursauteenvoyantEvanentraind’enleversontee-shirt.Jemesensrougirlorsqu’ilm’aperçoit.

—Viensmabelle,jet’attendais.Moncœurfondenentendantsonintonationchargéededésiretjem’avancelentementverslui.Ce

n’estqu’unefoisquejemetrouvebienenfacedelui,presquecolléeàsapeau,qu’illèvesesmainspourlespasseravecdouceursurmesjoues.Jefrissonneetfermelesyeuxquandsesdoigtstracentunchemin,demoncoujusqu’àmesépaules.

—Tuesparfaite!Jeleregardeetsensmoncœursecomprimeretdespetitspapillonss’envolerdansmonventre.Mes mains aussi parcourent son visage. Ses traits durs et affirmés semblent s’apaiser à mon

toucher.Jeluisourisendescendantlentementpourdécouvrirlerestedesoncorps.J’entendsunpetitchuchotisquisemblevenirdeplusbas.Jebaisse lesyeux,maisneremarquerien jusqu’àceque lebruit recommence. Cette fois, j’ai aussi senti une petite vibration sous mon index. Surprise, je lesoulèveetlaisseretombermesbraslelongdemoncorpsenvoyantqu’untroisièmetétonsecachaitendessous. J’ouvre labouche jusqu’auplancher en remarquantqu’il ades yeuxetdes lèvres, d’où lechuchotisquej’entendaistoutàl’heure.

—Discamion!Jesursauteetmeréveilleennage.—Ohputain!Maisqu’est-cequinevapaschezmoi?Monrêvemereviententêteetj’explosederiretouteseuleaufonddemacouette.Untroisième

tétonputain!Monimaginationdéraillecomplètement.Je file sous la douche, histoire deme remettre les idées en place. Je ne peuxm’empêcher de

glousser commeune idiote après avoirvérifiéqu’un troisième tétonn’avait paspoussépendant lanuit.

Je remets mon short en jean et mon débardeur bleu d’hier avant de brosser mes cheveuxrapidement.Jeneprendspasletempsdelessécher,aveclesoleilquibrilledehors,macrinièreserasècheenunriendetemps.

JedescendsetremarquequeLuigim’attendenbattantdelaqueuecommes’ilnem’avaitpasvuedepuisdesjours.

—Salutmonloulou,çava?Ilvientsefrottercontremesjambestandisquejeluigratteledos.—Ohbahouiçafaitdubienlesgratouilleshein?Jem’avancedanslacuisineetils’exciteenvoyantquejemedirigeverssonsacdecroquettes.Je

luiserresagamelledehorsetm’empressederemplirlaseconded’eauavantd’allermefairecoulermonthé.

Lamatinéeestassezétrange,toutlestaffd’Evandébarquepourpréparerletournageetjeprendsconsciencequemêmesil’îleestgrandejeneseraisplusvraimentchezmoipourlesmoisàvenir.Jemetsviteçadecôté,c’estunprixtrèsfaibleàpayersiaufinaljepeuxgarderleslieux.

Onseretrouvedanslegrandsalon,aurez-de-chausséedelamaisondemesgrands-parents.Çafaitlongtempsquejen’aipasremislespiedsici.Onpourraitdirequetoutestresté«danssonjus»

pourêtrepoli.Ladécoration,lesmeubles…toutestvieillot.C’étaitsûrementlamodeilyaquaranteansremarque.

Evan luisemble trouver toutçaàsongoût,c’estpresqueflippant. Il faudraitque jepenseàmerenseignersursonâge.Jesaisqu’ilestplusvieuxquemoi,maisquandmême!

—C’estparfait ! Je t’expliqueraigrossomodocequenousavonsprévuauniveaudesdécors,mais il n’y aura pas grand-chose à changer, c’est vraiment bien conservé. Toutes les pièces ontbeaucoupdecachet.

J’aienviedeluidemanders’ilfaitunfilmsurleclubdutroisièmeâge,maisjem’abstiens.J’évitesonregardautantquepossible, j’aiencore les imagesdemonrêvequimereviennentnettemententête.

Je lui fais signede s’installerdans la salle àmanger et il s’assoit directement enboutde tableavantqu’onsoitrejointparleblondinetdel’autrejour.

—Thomas, tupeuxnous sortir le contrat,histoirequ’onpuisse régler çaetpasser auxchosessérieuses?

Evanparaîtnerveux,ilfaitcetrucagaçantdel’escalieravecsesdoigtsquirésonnesurlatableenmerisiermassifdelasalleàmanger.

Ilestavectoidepuisquoi,deuxminutes?Etilsefaitdéjàchier…çapromet!Thomas me tend le contrat et je prends le temps de le relire entièrement sous leurs yeux

impatients.Jenotequecettefois-ci,lecontratestàmonnometnonàceluidemonpère.Article1–OBJETLecontractantensaqualitédepropriétaire,deEnezCoat(ci-aprèsles«lieux»),comprenantl’île

à bois et la petite île à bois,dont l’adresse, estEnezCoat Île àBois 22740Lézardrieuxmet à ladispositionde laSociété les lieux aux finsdu tournaged’un filmcinématographique intituléHoldYou,danslesconditionsci-après.

—Euhvousavezl’intentiondefilmerquoisurlapetiteîleàbois?Maphrasesembleavoirperturbéeleurconversationàvoixbasse.Evanseraclelagorgeavantde

merépondre.—Justequelquesplansd’ensemble,desituationetquelquesplansfixes.Jelèvelesyeuxauciel,heureusementquemonpèreétaitdelaprofessionetquejeconnaisunpeu

le jargonducinéma. Il n’aurait paspu se contenterdemedirequ’il voulait filmerdupaysage, çaauraitététropévident.

Jehochelatêteetreprendmalecture,jesuisrassuréequeletournageenlui-mêmenesepassepassurlapetiteîleàbois,étantdonnéquec’estlàquej’habite,çaauraitpuêtreembêtant.

Toutmeparaît correct, j’enviens à l’article sur la rémunération et remarqueque lemontant abienétéchangéàsixmillionsd’euros.Jenotequ’ilestprévuqu’onmeverselasommeentroisfoisàchaquedébutdemois.C’estencoremieuxquetoutcequej’avaisespéré.Jevaispouvoircouvrirlesdetteslesplusurgentesdèslasemaineprochaine.

Sansunregardpoureuxniaucunehésitation,jesignesouslamention«LeContractant»etleurrendlecontratavecungrandsourire.

—C’estparfait.Leblondinets’empressederangerlecontratdanssonpetitattachécaseencuir.—On a pris la liberté de choisir l’huissier de justice pour effectuer l’état des lieux d’entrée,

j’espèrequeçavousconvient?Jemecontentedehocherlatêteetilm’indiquequ’ilpartlechercherdesuite.

JeresteseuleavecEvan,maisilm’ignoreroyalement.Jedécidedebriserlaglace.—Evan,jevoulaisteremercierd’avoirprislerisquederenégocierleprixpourmoi.J’apprécie

beaucoup.Ilsembleenfinremarquermaprésencedanslapièceetmerépondfroidement.—Jenel’aipasfaitpourtoi.J’encaisselecoupetbaisselatêteavantdel’entendresoupirer.—Excuse-moi,jenesuispasdouépourtoutça…Ilterminesaphraseparunpetitmouvementavecsamainquinousmontrel’unet l’autre.Jene

comprendspastropcequ’ilentendparlàetildoitleremarquer,carilreprend.—Pourdiscuter,jen’aimepasça.Jefroncelessourcilsetfaislamoue.—Quin’aimepasdiscuter ?Tu faispartiedecesgensbizarresquin’aimentni lespâtesni le

chocolat,quifontduvaudouetquiseprennentpourunautrepasséminuit?Parcequesic’estlecas,j’aimeraisqu’onsoitenbonterme!

Ilsoupirelonguement.—Tunet’arrêtesjamaisdeparlern’est-cepas?Jecroisbienavoirdistinguéledébutd’unsourire,maisleblondinetvientgâcherlemomentune

foisdeplus.Pendantplusd’uneheure,on fait le tourde lapropriété avec l’huissierde justicequinote tout

danslemoindredétailpourétablirsonprocès-verbaldeconstatd’étatdeslieuxd’entrée.Jefaisunepetiteblaguepoursavoirs’ilneveutpascompterlesgrainsdesablequisetrouvent

surlaplage,maisçanefaitrirequemoi.Cequecesgenssontennuyeux!Aprèsavoirterminécetteformalité,nousrevenonsverslamaison.JevoisLuigidéboulercomme

undératé jusqu’àmoi.D’ailleurs, je remarque que les trois hommes semettent en retrait. Je peuxcomprendrequ’aprèsladémonstrationdeforcedeLuigidel’autrejour,ilss’inquiètentunpeu.

Il s’arrête juste à temps et fais des tours sur lui-même en battant de la queue. Je vois unedépanneusearriverauloin.Ohj’avaispresqueoubliéqueGeorgedevaitvenirvoirmesdeuxpetitsbijoux.

JemetourneversEvanpourluidemandersionaterminéavectoutessesformalités.Ilhochelatêteetregardeladépanneuseavecattention.

Je serre lamain aux trois hommes et j’essaie de ne pasm’attarder surmon cœur qui rate unbattement lorsque sonpouce caressemamain sans le faire exprès. Il paraîtaussi surpris quemoi,maisilnebronchepas.

C’estavecunpetitsourirequejetrottejusqu’àladépanneuse.Est-cequej’auraifinalementmeschancesavecEvan?Jefaisletourdelacamionnettejusqu’àêtreducôtéduconducteur.J’aileplaisirdevoir unGeorge complètement différent du jour de l’enterrement demon père, le vraiGeorge,souriantetavecunemeilleuremine.

—Salutpetite,commenttuvas?Montejet’emmène!Jem’assoisàcôtédelui,maislorsquejebouclemaceinture,jevoisqu’ilalesyeuxrivésàceux

d’Evan.Toutcequejepeuxdire,c’estqu’ilsn’ontpasl’airdes’apprécier.Ondiraitqu’ilsselivrentuncombatdontjeneconnaispaslesenjeux.

—Qu’est-cequelefilsKergoatfaitici?C’estquoitoutcemonde?—SalutGeorge,détends-toietconduis-nouschezmoijevaist’expliquerenchemin.IlenvoieunedernièreœillademeurtrièreàEvanentiquantavantdeprendrelaroute.

Çafaittroisquartsd’heurequejepasselesoutilsàGeorgeendiscutantdetoutetderien.Jedoisdirequeçafaitdubiendediscuteravecquelqu’und’aussibavardquemoi.

IlmemetengardesurEvan,maisjen’arrivepasensavoirplus,ilrefusedemeparlerdequoiquecesoit.

—Tusaisapparemmentpapal’appréciaitbeaucoup.Ilsecontentedesoupirerenhochantlatête,jepensequ’ilserendbiencomptequejenevaispas

l’écouter.Jen’ypeuxrienjesuisquelqu’undetêtuetj’aiapprisàmefairemapropreopinionsurtoutet

tout lemonde.Jedéteste lesbruitsdecouloirset lesgensquiprennentçapouracquis, j’enai tropsouffertdurantmonadolescencepourfairelamêmeerreur.

Malheureusement après une heure d’examenGeorge rend un verdict encoremoins bon que lemien.Jevaisavoirpasmalderéparationsurlesdeuxvoitures.

—Parcontreilfautquejemerenseigne,maisl’AstonMartindoitvaloirunepetitefortunesitulavendsdansunétatimpeccable.Elleestdequelleannéedéjà?

—1965!— Je pense qu’elle peut te rapporter facilement un million cinq cents euros voir plus. C’est

vraimentconvoitécegenredemodèle,surtoutdansunétataussibon.C’estleJackpot!J’aidesétoilespleinlesyeux!C’estvraimentunesupernouvelle,jeluifaisunénormecâlinetil

paraît très surpris parmon geste. Ilme rendmon accolade sans pour autantme toucher avec sesmainspleinesdecambouis.

Ilestaucourantdesdettesqu’avaitaccumuléesmonpère,ilcomprendmonbesoinetnemejugepas.C’estunvraisoulagement!ÀpartJess,c’est lapremièrepersonneavecqui jepeuxêtremoi-même.

Jel’inviteàmangeravecmoietilaccepteavecplaisir.Jefaisunesaladerapideavecdeuxpavésde rumsteck. On profite du beau temps pour manger en terrasse, il me parle de sa femme qui atoujoursunnouveauprojeten tête.Jeboissesparoles, lesgensde leurâgequis’aimentaprès tantd’annéesmefascinent.J’aidumalàconcevoirquel’onpuissepasserautantdetempsàvivreaveclamêmepersonne,maisc’estpeut-êtreparcequejen’aijamaiséprouvédesentimentsassezfortspourunmec.

Aprèslerepas,unsilenceréconfortants’installe.Savoixestcalmelorsqu’ilprendlaparole.—Tonpèreseraitvraimentfierdelamanièredonttugèrestoutça.Jehochelatêteetleregardepensivement.—Ilmemanquetellement…Maisçava,lefaitd’êtreicic’estunpeucommes’ilétaittoujours

avecmoi.Ilsecontentedemefaireunpetitsouriretriste.J’écourtelaconversationendisantqu’ilmereste

encorebeaucoupdechosesàfaireetilcomprendqu’ilfautqu’illèvelecamp.Jeneveuxpasquecetteconversationdeviennetriste,aujourd’huiestunebonnejournée!Peuaprèsqu’ilsoitparti,jedécided’allerrangerunpeulesalonetdefairedutridanslesaffaires

quejeneveuxplusgarder.Monpèreavaitunfaiblepourlemobilieretladécorationenbois.Mêmesij’avouequeçaauncertaincharme,ilyenaquej’aitoujoursrêvédefracassercontrelesmurs.

Aprèsdeuxbonnesheures,j’airéussiàaccumulerdeuxgroscartonsdechosesàdonner.Ilyenade tout,mais surtout, sa collectiond’animauxenbois,monpèreadorait ça jen’ai jamais comprispourquoi.Deplus,çaprenaituneplacemonstredanslesalon.Çafaitpartiedeschosesdontjepeux

complètementmepasseretquejeneregretteraipasd’avoirbazardées.Ennage,jedécided’allerenfilermonmaillotdebainpar-dessousunepetiterobefluideetdeme

rendreàlaplagepourmerafraîchir.Jem’yrendsàpiedpuisquemon4x4estrestédevantlamaison.Lorsquej’arriveauxabordsdelamaison,jevoislesgenss’agiteravecleurmatériel.J’aichaud

et je n’ai qu’une seule envie, c’est plonger dans l’eau et être au calme. Je décidede contourner lamaisonparlaforêtpourquepersonnenemeremarque.

Unefoissurlesable,jemedéshabilleenvitesseéclaireetentredansl’eaufraîcheavecungrandsourire.C’estlameilleuresensationdumonde.Jenagetranquillementjusqu’aupontonetm’yhissetantbienquemal.

Jesuisessouffléealorsjemelaissetombersurledospourreprendremonsouffle.Dansmatête,ilnesepasserien.C’est tellementreposant ici, j’ai l’impressionque lorsquejesuissurceboutdebois,letempss’arrête.

Ilfaudraitquejepenseàemmenermontéléphoneetmesécouteurspourmettredelamusiquelaprochainefois.AvecJess,ons’étaitachetédespochettesimperméablesquiseportentenbandoulière.

JefredonneAuborddel’eaudeDePalmas,j’aitoujoursadorécettechanson.VoilàcequejevaisfaireAllerauboutdelaterreL’océanàpertedevueAuborddel’eau

Cettefois-cijenefaispaslamêmeerreurquel’autrejouretmetournesurleventrepournepasprendredecoupsdesoleil.

Lejourdécline,lorsquejenagedanslesensinverse.Jemelaissesécher,assisesurlesableavantd’enfilermarobeetmesconverses.

Jesuissurprisedetrouverencoredumondeenremontant,jecroisbienentendredelamusiqueaussi.Jevoisqu’ilsontorganiséunapérogéantàl’arrièredelamaison,ilyadesgrilladessurlebarbecueettoutuntasdegensquiprennentunverredanslabonnehumeur.Jem’approche,jenesaispastropsij’ailedroitd’êtreici,maisaprèstoutjesuischezmoi.

Unenanaàlachevelurerougesangmefaitsursauterenmesaluant.Jenel’avaispasvuearriverderrièremoi.

—Oh!Salut.Ellerigoleetmeserrelamain.—Tu parles français c’est cool !Moi c’est Erika, tu es actrice ? Je ne t’ai pas encore vue au

château.J’éclatederire.—Moi?Actrice?Ouibiensûr…jesuislapirecomédiennedel’histoire.Jem’appelleTifenn,je

suislaproprio.Elleouvregrandlesyeux.—Nan!Toutçac’estàtoi?Classe!Tuveuxunverre?—Jesaispas,tupensesquejepeuxrester?—Biensûr,enpluslaplupartdesgensiciparlentanglais,alorstuasintérêtàmetenircompagnie

!Jeluisourisetons’avanceàtraverslafoulepourseservirunverre.Jesympathiseavecplusieurs

personnes,maismonanglaisn’estpasbondoncmeséchangesnedurentpaslongtemps.Jepasseunetrès bonne soirée, j’apprends à connaître un peumieuxErika qui vient deParis et qui est une descoiffeuses,maquilleusesdu tournage.Elle a trente-cinq ans et vie avecun ingénieurdu sonqui se

trouveluiaussisurletournage.Savieestfascinantesibienquejenemerendspascomptedutempsquipasse.

Aumomentoùj’entamemondeuxièmehotdog,jeremarqueunmecàtomberparterre,grandettrèsmusclé.Ilestmoulédansunjeanetj’ail’impressionquesontee-shirtvacraquers’ilcontractesonbiceps.

—Ohc’estquiluiErika?—Ahluic’estCooper.C’estl’acteurprincipal,ilestcanonhein?—Carrément!—Ouais…Ilestaussitrèsmarié,désolée.—C’est toujourspareil !ChrisHemsworth, IanSomerhalder,AdamLevine, pourquoi tous les

mecscanonsontpris?!Ellesemarreetjemerendscomptequejeparlesansfiltre,cequiveutdirequej’aibuunverre

detrop.Jediscuteencoreunpeuavecelleet laremerciepourcettebellesoirée.J’espèrequenousseronsamenéesànousrecroiserentoutcas.

Enpassantprèsdugrandchêne,jetrébuchesuruneracineetmeramasselatêtelapremièredansl’herbe.Jericanecommeuneimbécileententantdemerelever.Heureusementquelafêtesedérouleàl’arrièredelamaisonetquepersonnenem’avue.

Aumomentoùjepenseça,jesensunepairedebrasm’aideràmeremettresurpied.PourvuquecenesoitpasEvan,pourvuquecenesoitpasEvan.

Jeremonteleregardetmeretrouveaimantéeàsesyeuxverts.Etmerde!—Maisqu’est-cequetufaisiciTifenn?Tuasbu?Cequ’ilyadesûrc’estque luin’apasbu.Sonhaleinesent lecitron, j’adore lecitron ! Ilme

relâcheetjereprendsmesesprits.—Merci.Saletéderacine!luidis-jeengloussant.Jepensaisledériderunpeuenfaisantdel’humour,maissonregardesttoujoursaussidur.—Etenpassant jesuischezmoi, tusais?Etd’ailleurs toiqu’est-ceque tu fais là?La fêtese

trouvedel’autrecôté.Ilignorecomplètementmaquestionetmerépondqu’ilvameraccompagneràpiedjusquechez

moi.—Jeconnaislechemin,tusais?Je le taquine, mais je vais pouvoir passer un peu de temps avec lui, et il ne va pas pouvoir

s’échapperpourunefois.C’estlemomentoujamaisdesortirl’artillerielourdeTifenn!

Chapitre6Evan

Jenesaispaspourquoijeluiaiproposédelaraccompagner,çanefaitquequinzeminutesqu’onmarcheetellem’exaspèredéjà!

Cettenananes’arrêtejamaisdeparler,c’estépuisant.Làencore,jevoissaboucheremuer,maisjenel’écouteplus.Ellemarchedetraversettrébuchetouteslesdeuxminutesalorsjeprendsmonmalenpatience,jenepeuxpaslalaisserrentrerseuledanscetétat.

Je décide de rebrancher le son, de toute façon j’aperçois la maison au loin, on y sera dansquelquesminutes. Il ne faudrait pas qu’elle remarque que je ne l’ai pas écoutée du trajet. Ellemeregardecommesielleattendaitquejeluiréponde.Merde!

—Tudisais?Jefeintepourqu’ellerépètesaquestion.—Tuneteposesjamaisdequestiontoi?Siquandest-cequetuvaslaboucler?—Euhnoncommequoiparexemple?—Jetemetsaudéfiderépondreàcettequestionexistentielle!Je souris, elle peut y aller sans vouloir me vanter, je ne parle pas beaucoup, mais j’aime

comprendreetapprendreet j’enconnaisunrayonsuràpeuprès tout.Je luifaisunmouvementdumentonpourluifairesigned’envoyersaquestion.

—Sisupermanestsimalin,pourquoiest-cequ’ilenfilesonslippar-dessussonpantalon?J’ouvrelabouchepourluirépondreavantdecomprendrevraimentsaquestion.Elleestsérieuse

là?Jelaregarde,maiselleal’airsiconcentréesurmaréactionquej’hésiteentrerireoujenesaismêmepas.Elleclaquesesdoigtsjustesousmonnezetsourisjusqu’auxoreilles.

—Ah!Jet’aiclouélebechein?Elleavanceunpeuplusviteetmedépassefièred’elle.Jeresteabasourdiparsaquestion,jeme

demandeoùellevapêchertoutessesconneries…Elleestvraimentétrange.Heureusement pour moi, on arrive au pied de la maison. Je m’apprête à lui dire bonne nuit

rapidementquandjevoissonpiedtapercontreleplatdelamarcheenboisettoutsoncorpschuterenavant.Jemeprécipiteetlarattrapedejustesseenpassantunbrassursonventreetunautreentraversde ses épaules. Lorsque je la relève, tout son dos est collé contre moi. J’inspire en attendant lasensationd’appréhensionetdedégoûtquimecolleàlapeauàchaquefoisquequelqu’unmetouche.Àmagrandesurprise,jeneressensriendelasorte,c’est…presqueagréable.

Jelarelâchebrusquementenmerendantcomptequejemesuisattardécontreelle.Je remarque qu’elle ne dit plus rien, c’est assez rare pour le noter. Elle s’avance versmoi en

ouvrantlesbras,jen’aipasletempsdereculerquedéjàellem’entouredesesbras.Ellepèsedetoutson poids sur moi, si bien que je suis contraint de la soutenir. J’écarquille les yeux de surpriselorsqu’ellemechuchoteunpetitmerci,puisnebougeplus.Jenesaispasdutoutcommentréagirnicequ’ellefabriquecontremonépaulesansbouger.

—Euhderien…Tifenn?Jevaistelâcherokay?Je tente de la repousser délicatement, mais elle se laisse tomber contre moi et entrouvre

légèrement les paupières avant de les refermer. Elle est exténuée ça se voit. Je n’ai pas l’habituded’avoiruncontactphysiqueaveclesgens,encoremoinsavecunefemme.Enmêmetemps,jenevaispaslalaissercomatersurleperron.Jenesuispassociable,maisquandmême,j’aidesprincipesetnepaslaisserquelqu’unattraperlamortendormantdehorsenfaitpartie.Jesouffleetprendssurmoien

passantunbrassoussesgenouxpourlaporter.Elle sourit faiblement et sa tête retombe contre mon épaule. Je l’observe pendant quelques

secondesavantdesecouerlatêtepourreprendremesespritsetd’observerleslieux.Demémoire,leschambressontàl’étage.Jemontelesmarchesetmerendsdanslachambredegauche,laseuleaveclaportedéjàouverte.

J’ouvrelacouetted’unemainavantdeladéposersursonmatelas.Elleouvrelesyeuxetbailleàs’endécrocherlamâchoire.Jevoisqu’elletentederetirerseschaussuresenpoussantavecsonpieddisponible.Ellenerisquepasd’yarriveravecsesconverseslacéesjusqu’enhaut.

—Attends,jevaist’aider,arrêtedet’agitertun’yarriveraspascommeça.Jedélasseseschaussuresetluiretirelentement,sapeauestchaudeetdouce,toutlecontrairedela

mienne.Ellesemarre,maisjenecomprendspascequ’ellemarmonne,jecroisentendrelemottéton,mais c’est tellement absurde que je dois me tromper. Elle me sourit et me dis d’une petite voixendormie.

—MerciencoreEvan.Jesaisquetunem’appréciespasbeaucoup.Ellebâilleavantdefinirsaphrase:—Maist’inquiètepasçaviendra.Je restesansvoixàsa remarque.Cen’estpasque jene l’appréciepas…Enfinsiellea raison,

maisjen’appréciepasgrandmondeenfait,c’esttout.Elle bâille encore et porte son index et son majeur jusqu’à sa bouche puis les embrasse. Je

m’apprêteàmemoquerd’elle,maisellesetournesurlecôtéetvientposersesdeuxdoigtscontreunephotosursatabledechevet,puiscontreuneautreavantdepassersesmainssoussonoreilleretde fermer les yeux. Je me penche pour regarder les photos et ma poitrine se comprime enreconnaissantYvespuislamèredeTifenn.

Jem’attardeunpeupluslongtempssurlasecondeetj’ail’impressiondemeretrouverdix-neufansenarrière…Jesecouelatêtepourreprendremesespritsetretourneaurez-de-chaussée.Lorsquejesorsdelamaison,lechiendeTifennattendsagementcouchésurleperron.

Je le faisentrerpourqu’ilnepassepas lanuitdehorset il se ruedans lacuisineengrattantsagamellevide.

J’hésitequelquesinstantssurleseuildelaporte,maisjefinisparmerendredanslacuisine.Jeremarquequ’ilaunegamelleoùilresteunfonddecroquettes,j’endéduisquel’autredoitêtrepourl’eau.Jelaprendsetluiremplisàrasbord.Lorsquejeluireposeparterre,ilsejettedessusetboissanss’arrêter.

Jem’apprêteàrepartirlorsquejeremarqueunpetittasdefeuillesgisantàmêmelesoldelasalleàmanger.Jelesramasseetlesposesurlatable,maisunlogoattiremonattention.Jeleconnaisbienetpourcause,jerecevaissouventcegenredecourrierquandj’étaisado.

Jeme saisis du courrier de l’huissier de justice et jem’assois tellement le choc est important.Bordeldemerde!Dixmillionscinqcentmilleeurosdedettes!

Cecourrierest làpour l’informerqu’enhéritantdesbiensdesonpère,ellehériteaussidesesdettes.Jerepose lecourrierensoupirant, j’observerapidement lespapiersàcôtéet trouvede tout,deséchéanciersgribouillés,pleinsdecalculsentoutgenre,despapierssurlamécanique,d’autressurdesagencesimmobilières.

Je ferme les yeux en comprenant soudain. Je l’ai jugée trop vite… Jeme souviens de sa jouecouvertedemarquesdepapierlepremierjouroùjesuisvenuici.Elleavaitsansdoutepassélanuitàessayer de trouver une solutionpour se sortir de ce pétrin. Je comprendsmieux sa demandepouraugmenterleprixducontratdetournage.

Je repense àmes remarques tranchantes et jem’en veux. Son père vient demourir, elle a desdettes jusqu’aucouquidoivent l’empêcherde faire sondeuil et jeviens en rajouterunecouche…Quelcon!

Jem’assurequelechiennemanquederienpuism’envaisretrouverlesautres.

Une fois que tout le monde est enfin parti et je prends la route pour rentrer chez moi. C’estl’avantaged’avoiruntournageprèsdechezsoi,jen’aipasàsupporterunehorded’inconnusvingt-quatreheures survingt-quatre.Mêmesi enypensant, chezmoic’est lamer, jepeuxamarrermonbateaupartout.

Je prends une longue douche chaude pour dénouer mes muscles engourdis d’avoir porté lematérielàdroiteetàgauchetoutelajournée.

Ensortant,jemesècherapidementavantdelancermaserviettedanslebacàlingesale.Jeprendsletempsdemebrosserlesdentsetm’observeenfronçantlessourcils.Quandest-cequejemesuislaisséalleràcepoint?Ilfaudraitquejemecoupelescheveux,etquejemeprenneletempsdemerasercommeilfaut.J’ailatroncheenbataille.

Enmêmetemps,c’estvraiquejemeregardepeudanslemiroir,lesvieilleshabitudessontduresàperdre.

Jemecoucheavecmonseuldrappourcouverture.Jereste là,àscruter leplafondpendantquemespenséesfusent.JepenseàYvesetjesuisencolèrecontrelui.Jenecomprendspasqu’ilnem’aitpasparlédesessoucisd’argent, j’aiunpeud’argentdecôté, j’auraipujenesaispas…Avecmoncachetpourcefilm,j’auraipul’aideràremboursersesdettes.

J’étaisbiensûraucourantdesamaladie…maisjenepensaispasquec’étaitaussiavancéqueça.J’avaisl’espoirqu’ilsoitlàpourvoirmonfilm,pourvoirquegrâceàlui,jesuisdevenuquelqu’unde…bien.Aulieudeça,jen’aimêmepaspuassisteràsonenterrement!

Jemelèvecommesic’étaituneévidence!Peut-êtrequ’enallantsursatombe,jemesentiraiplusléger.

J’enfileun joggingetun tee-shirtencotonavantdesauter surunpiedpuis l’autrepourmettremeschaussettesrapidement.Unefoischaussé,jeparsencourantàmonrythmejusqu’aucimetière.

Jeme sensunpeubêteune fois devant, je ne sais pasoù il se trouve et l’ambiance est unpeusinistreavectoutessesstèlesfunéraires.

Je fais le tourdesalléesavantde tombersurcellede lamèredeTifenn.Je reste impassibleenl’observant.Iln’ypasd’épitaphedugenre«Mèreetépouseaimante»commesurtoutescellesquejeviensdevoir.Jenecomprendspas…jevoudraisquelemondesacheàquelpointcettefemmeétaitexceptionnelle!

Jedétourne lesyeuxde lapierre,car jenesupporteplus les imagesqui jaillissentdansmatêtesansque jepuisse lescontrôler.Lamêmese trouveàcôté,enmeilleurétat,presqueneuve…C’estcelled’Yves.

Jem’assoisdevantsanstropsavoircequejesuisvenuchercherici.C’estvrai,iln’estpluslàetcen’estpasparcequesoncorpsestici,qu’ilpeutm’entendre.Jemeretrouvecommeuncondevantunmorceaudepierre.Jesuiscenséfairequoi?Parlercommes’ilétaitlà?N’importequoi…

Jemerelèveetretourneauportencouranttranquillement.Lacoursem’atoujoursapaisélorsquej’avais un problème, je partais en courant. J’imaginais que je laissais tout derrière moi et que jem’enfuyaisloin,versunavenir…meilleur.

Jemecoucheetm’endorsdanslaminute,bercéparleslégersremousdel’eau.Jesuishappépar

devieuxsouvenirs,desbruitsdechocs,descris,lamort.

Lesjourssuivants,jesuisdansmonélément.Lapréparationdutournageestterminéeetons’estassuréquetoutcollaitparfaitementausynopsis.Çafaitmaintenantdeuxjoursqu’onpeuttournerlespremières scènes et je suis fier demon équipe. Les acteurs nous transmettent juste la bonne dosed’émotion,ceseraparfaitjelesens.

Tifenn ne m’a pas adressé la parole depuis que je l’ai raccompagnée chez elle la semainedernière.Enfinsi,ilyatroisjourselleestvenues’excuser,maisj’étaisentraindedétaillerchaqueplandustory-boardetj’aiviteécourtésesexcusesenluidisantquecen’étaitpasgrave.

Depuis, je la vois traîner près des lieux de tournage de temps en temps. Elle ne regarde pasvraimentletravaildesacteurs,parcontreellesemblefascinéeparletravaildemonéquipe.Dèsquejem’éloigne,jelavoisdiscuteravecJerry,moncadreur.Illuimontrequelquesastucespourcertainsmouvementsdecaméra.Jerryestunanciendanslemétier,iln’aquequaranteans,maisiltientunecaméra depuis l’âge de dix ans et n’autorise personne à part moi à toucher à son matériel. Il ad’ailleurstoujoursrefuséd’avoirunpremierassistant-opérateur,malgréleurexpérienceélevée,ilnevoulaitpersonned’autrequeluipoureffectuerlamiseaupointdesonobjectifet lapréparationdesonmatériel.

Etvoilàqu’ilafaitlaconnaissancedeTifenn,depuisàpeineunesemaineetilluiapprenddéjàlesficellesdumétier.Jenesaismêmepaspourquoicette idéemedérangeetçam’irrited’autantplus.C’estunpeucommesijem’étaismoiaussirapprochéd’ellesansleremarquer.

Hierdéjà,jel’aivueplaisanteravecmonacteurprincipal,jenesaispascommentelleafaitpoursemettretoutmonstaffdanslapoche.Jesoupireetfaiscequejesaisfairedemieux,travailler.

Àlafindelaprise,jevérifieleplanetcommeàsonhabitude,Jerryestderrièremonépauleetonrelèvetouslesdétailsquinevontpas.J’enprofitepourluiposerlaquestionquimedémangedepuistoutàl’heure.

—J’aivutoutàl’heurequetuavaisl’airdebient’entendreavecTifenn…Ilmeregardeet saboucheseplieenunsouriremoqueur. Il secontentedehocher la têteetne

répondrienalorsj’insiste.—Tul’aslaisséetoucheràtonmatériel…Ilsemarreetlorsquejecomprendslesous-entendu,jenepeuxm’empêcherdesourire.—T’escon,tuvoistrèsbiencequejeveuxdire.Iltousseavantdereprendresonsérieux.—Elleestspéciale…jenesaispas…elles’intéresseàtout,ellem’inspireconfiance.Jeréfléchisàcequ’ilvientdemedire.Unechoseestsûre,ilaraisonelleestspéciale.Jenesais

pasencoresic’estunebonnechoseparcontre.Lorsqu’on réussit enfin à avoir ce que l’on veut, on passe aux plans suivants.À la fin de la

journée, je suis vidé,mais ça fait du bien d’avoir l’esprit occupé tout le temps. Je renvoie tout lemondeauchâteauaprèsavoirpliélematérieldanslamaison.

Une fois seul, j’apprécie le calmequim’entoureetmedirigevers laplagepourme rafraîchiravantderentrerchezmoi.

J’enlèvemesfringuesetgardeseulementmonboxernoiravantdem’avancerdansl’eau.Alorsquej’ensuisauxcuissesetquejememouillelanuque,j’entendscommeunfredonnementauloin.Jeregarded’abordverslaplageavantdem’apercevoirqueçavientdeplusloin.Cen’estqu’envoyantlepontonauloinquej’aperçoisTifennlesbraslevés,mefaisantsignedevenirlarejoindre.

J’hésiteunpeu,maisjemedisqueceseral’occasiondefaireconnaissanceaveclaTifennsobre.Je plonge et l’eau fraîche me fait un bien fou. Je nage tranquillement en crawl jusqu’au petit

pontonavantdemehisseràlaforcedesbras.Elleestentraindechantonnerlesyeuxferméslorsquejemelèveenfaisanttomberquelquesgouttesd’eausurelle.

—Salut!Elleouvrelesyeuxetsursauteenseroulantsurlecôté.Jelavoisglisserdansl’eauetj’essaiede

la rattraper,maismesmains ont seulement le temps d’accrocher ses écouteurs. Le téléphone pendmollementauboutducâbleetjeposeletoutsurlepontonavantdem’accroupirverslebordpourvoirTifenntituberdansl’eauentoussant.

—Putaintum’asfaitpeur!Qu’est-cequetufaislà?Jeluitendslebraspourl’aider,maiselleresteàfairedusurplaceenattendantquejeluiréponde.—J’étaissurlaplageetjet’aivuemefairesignedevenir.Elleexplosederireetboitlatasseavantdereveniràlasurfaceenmettantsamaindanslamienne.

Je lasoulèveet la tireversmoi,mais jedosemalmaforceetelleseretrouvedéséquilibréeetmetombedessus.Jemeretrouveplaquésurleponton,toutsoncorpspesantsurmoi.

J’écarquillelesyeuxlorsquejesensmaqueuedurcirsoussonventre.Aucunmoyenqu’ellesenterienetcommepourvenirconfirmermonimpressionellemeregardeavec lamêmeexpressiondesurprise.Aulieudem’excuseretm’éloignercommej’auraidûlefaire,jenebougepasd’unpouceetjeladétailleduregardavecattention.

Sesyeuxbleusparsemésdepetites tachesdoréesm’hypnotisent, avec la réflexiondusoleil surl’eau,toutesapeauparaîtlumineuse.Jen’avaisjamaisremarquéqueseslèvresétaientaussicharnues,onaenviedelessuceretdelescroqueràlafois.

—OhEvan…Jereviensàmoienentendantsontoninquiet.Jevaisfinirparluifairepeuràbloquercommeça

surelle.C’esttellementrare,jesuiscomplètementrouillé.Ellesedétachedemoiets’assoitsursestibiasàcôtédemoi.Jemerelèvelégèrementsurmescoudespourtenterdecaptersonregard,maisc’estsamainquejesensenpremier.Elletouchemalonguecicatriceboursoufléequibarremoncœuretmescôtes.

Monexpressionsefermeetj’attrapesamainpourqu’ellearrêtedemetoucher.Jepensequej’aidûserrertropfort,carellegrimaceavantdesecouerdoucementsesdoigtslorsquejelalâche.

Je la vois scanner le restedemonbuste en inspirant de l’air brusquement. Je suis habitué à cegenrederéaction.

—Jesais…c’estlaid.Je m’assieds et mets les jambes dans l’eau. Elle vient se poser à mes côtés en silence.

Contrairement à ce que j’aurai pu croire, ce n’est pas un silence pesant, ça a quelque chose deréconfortant.Lesilencen’esttroubléqueparlebruitdesesjambesquibalaientdoucementlamerenfaisantdepetitesvaguelettes.

—Jenetrouvepasçalaid.Jelaregardeetmesurprendsàcontemplersonvisagetournéverslesoleil.Ellealesyeuxfermés

etlesbrasagrippésaubordduponton.Elleouvreunœilcommepourm’observerendouce.—TuestoutsaufrepoussantEvan.Àpeinea-t-elleterminésaphrase,ellerefermesespaupièresetjevoissesjouesrosirlégèrement.

Jeresteunpeuhébétédevantsoncompliment.Jenesaispascommentréagir,jamaisjen’auraispenséluiplaire.Jenel’avaispasdutoutenvisagécommeunepossibilité…etilfautqueçarestecommeça,jeneveuxpasquemaviesecomplique.

—Ondevraitpeut-êtrerentrer,lesoleilnevapastarderàredescendre.Ellemelanceunpetitregardtristeethochelatête.—Vas-y,jevaisresterencoreunpeu.Jefroncelessourcils,j’ail’impressiondel’avoirvexée,maisjenesaisispaspourquoi.—Tunedevraispastarder,turisquesdetefairesurprendreparlanuit.Ellesetourneversmoietfusilleduregard.—Merci,maisjesaistrèsbienm’occuperdemoi-même,jen’aipasbesoindetonaide!Sa phrase claque dans l’air et je contracte lesmâchoires pour ne pas exprimerma frustration.

Aprèstout,ellen’aqu’àsedébrouillerseule, jeneluidoisrien.Jenesaispaspourquoijeveuxlaprotéger, elle est adulte. Jeme laisser tomberdans l’eauetpart encrawl jusqu’à laplage sansmeretourner.

Cen’estqu’unefoissurlesablequejeluilanceundernierregard.Jenesaispascequej’aifaitpourquecettebellefind’après-miditourneauvinaigre…

Jepasselasoiréesurlabanquettedupontdemonbateauàregarderlecielétoilé.Jerepenseauxsensationsquej’aiéprouvéestoutàl’heure.J’aicruquemoncorpspleindecicatriceslaferaitfuir,commelesautres.Maisellen’avaitpasl’airrebutée,aucontraire.C’estétranged’ailleurs,lorsqu’onvoitmontorse,entrelestracesdecigarettesécraséesetlacicatricedemonaccidentdevoiture,ilestévidentquequelquechoseclochechezmoi.

Jerepenseàtoutàl’heure,lorsqu’ellem’esttombéedessus.Bonsang,cettesensationdechaleuretmoncorpsquis’esttenduversellecommepourmieuxépouserlesformesdusien.Çafaittroisansquejen’aipasressentidedésirpourunefemme.J’avaisoubliéàquelpointc’étaitbon.

EnfinilyabienlesfilmsX,maisçanecomptepas.C’estcommelabranlette,çasoulage,maiscen’est jamais satisfaisant. On se sent comme un repas sans le dessert délicieux dont on se tapissel’estomac même si on est déjà repus. C’est justement ce dessert qui rend tout le repas aussiexceptionnel!

J’essaiedenepas tropyrepenser,maisdèsque jefermelesyeuxjevoisses jambeshalées,sataillemarquéeetsapoitrinegénéreuse.Sesyeuxtoutennuancesdebleuetd’ormehantent…maisc’estunedoucetorture.Laplusdoucequejen’aijamaisconnue.

Jesensquelesmoisdetournagevontdevenirpluscompliquésquejenel’avaisimaginé.

Chapitre7Tifenn

Jeleregardenagerjusqu’aurivageetmefrappelefrontenmelaissanttomberenarrièresurleponton.Bravosiavectasubtilité,iln’apascomprisqu’ilteplaisait,ilestvraimentcon!

Jesoupireenfrappantleplatdemespiedscontreleponton.Quelleblonde!Tucroyaisqu’ilallaitte sauter dessus et que vous alliez faire l’amour commedes bêtes avant de regarder le coucher desoleil?

Je soupire longuement, cette idée m’a peut-être effleuré l’esprit en effet… je suis vraimentpathétique, il faut que jeme reprenne! Enmême temps, ilm’a prise de cours en venant surmonponton,monpetithavredepaix.Lepirec’estqu’ilpensequec’estmoiquiluiaifaitsignepourqu’ilvienne.Commesijeneparaissaispasassezdésespéréecommeça…

Enfin, jemevoyaismal luiexpliquerque jenefaisaisquedanseravecmesbrassur ledernierRihanna.J’auraiétéd’autantplusridicule.

JerangemontéléphonesauvéinextremisparEvandansmapochetteimperméableetlapasseenbandoulièreavantdesauterdansl’eau.Jenagedifficilementjusqu’àlaplage,levents’estlevéetlecourantestplusfortquetoutàl’heure.Lorsquej’yarriveenfin,jesuiscomplètementessoufflée.Jene prends pas le temps de me rhabiller, j’enfile seulement mes chaussures et marche jusqu’à lamaison.

Luigim’attenddevantlaportelorsquej’arrive.—Çavamongrand?Tuasl’airaussifatiguéquemoi.Jeremarquequ’ilboitelégèrementlorsquejelefaisentrer.Oùest-cequ’ilaencoreétésefourrer

?Jecommenceàm’inquiéterquandjeremarquequ’illaissedespetitestracesdesangàchaquepas.—Ohbahalorsmonloulou,qu’est-cequetut’esfait?Coucher.Ilobéitsansbroncheretjeluiordonnedenepasbougertandisquej’allumelalumièredusalon.

Jelemetssurledosetilselaissefaire.Ilal’habituded’êtremanipuléalorsilnebronchepaslorsquej’examinesespattes.

—Tuasquelquechoseenfoncerdanstapattejecrois,pasbougerLuigi,jereviensd’accord?Jemedépêchedemonterdanslasalledebainpourprendremapinceàépiler,l’antiseptiqueetdes

compresses.Ilcouineet tentedesereleverenmevoyantarriveravecmonattirail,mais je le rassureen lui

faisantdescaresses.—Net’inquiètepasmonchien,j’ensuisàlasaisondouzedeGrey’sAnatomy,jemaîtrise!Çan’apasvraimentl’airdelerassurer,maisj’arrivesanstropdemalàluienleverl’échardequi

étaitcoincéeentredeuxdesescoussinets.Jedésinfectesapatteetlefélicitepoursoncalme.Enrécompense, ilappuiesespattessurmesépaulesetme lèche levisage.Une foisque jesuis

biengluanteetdégoûtée,jemontepourmelaver.Jenesuispastrèsfatiguéecesoiralorsjeprendsletempsdemepréparerunvrairepasetallumelatélépourlapremièrefoisdepuismonarrivée.

Jem’installeconfortablementdanslecanapéavecmonordinateuretfaissigneàLuigidevenirmerejoindre.Ils’installedanslecreuxdemesjambescommetoujoursetbatdelaqueuelorsquejeluigrattedecrâne.

J’allumemonPCetmeconnecteàmoncompteNetflix,cetrucm’asauvéedesoiréesennuyantesplusd’une fois.Leplusdecette application, c’estqu’elle faitune sélectionde filmset sériesàmeproposerenfonctiondecequej’aidéjàvisionné.Jetrouveçagénial!

J’ai envie d’une histoire d’amour qui se termine bien. J’ai besoin d’un peu d’espoir et je suis

d’humeur romantique. Jeparcours la listedes filmsdema listepersonnelleetoptepourPrince ofPersiaparcequeJakeGyllenhaalestjustetropcanondedans.

C’estexactementcequ’ilmefallait,de laromancesurfondd’actionetd’aventure,unehéroïneavecunfortcaractèreetunefinheureuse.Mêmesij’aidéjàdîné,jem’empiffredeSchokobons.Cesp’titsmachinssontaddictifs,c’estunehorreur!Unefoisqu’onenamangéun,onaenviedefinirlepaquetentier!

Àlafindufilm,jemesensapaisée.JesorsLuigietattendsqu’ilreviennedesapetitepromenadepourmontermecoucher.

Je saute dans mon lit et souffle de bonheur. Si je devais choisir mon moment préféré de lajournée,ceseraitcelui-ci,lorsqu’onsecoucheaprèsunejournéebienremplie.Onsentnotrecorpsserelâcheretnotreesprits’apaiser.J’embrasselesdeuxphotosdemesparentsetéteintlalumièredematabledechevet.

Jefaisrapidementlebilandelajournéeetj’arrivequandmêmeàytrouverdupositif.Jenesaispas ce qui se passe dans la tête d’Evan, mais j’ai bien remarqué que je lui avais fait de l’effetaujourd’hui. Il fautpeut-être simplementque je jouedemescharmespour attirer sonattention.Çavautlecoupdetenter.

Jepensaisque la soiréede l’autre soiravaitétéunéchec.Lorsque les fragmentsducheminduretourmesontrevenusentêtelematin,j’auraisvoulurestercachéesousmacouettepourtoujours.Pourtant,depuiscettesoirée,ilsecomporteautrement,jenesauraispasdiresic’estunebonnechose.Entoutcas,ilsemblemevoircequin’étaitpaslecasavant.

Jerepenseàsontorsecouvertdemarques,jeneconnaispassonpassé,maisilestévidentqu’ilsefaisait battre oumaltraiter par un de ses proches. Les traces de cigarette écrasée ne trompent pas.Enfin,macousineenavaitunesurlepoignet,c’estsonpèrequiluiavaitfait.C’étaitselonluicensécalmersapiqûredeguêpe,maisçaavaitcrééuneénormepolémiquedans la famillece jour-là.Àmoinsqu’Evansesoitfaitattaquerparunessaimd’abeilles,jenevoispasd’autresexplicationsàpartlamaltraitanceàsesbrûlures.

Jecomprendsunpeumieuxsonattitudedistante, iln’estpeut-êtrepasencoreenconfianceavecmoi.

J’aimeraistellementendécouvrirplussurlui.Jenesaispaspourquoi,maisj’aicettepetitevoixàl’intérieurdemoiquimepousseàpersister,àgratterpourenapprendreplussurcethommepleindemystères.

Jebâilleetmespaupièreslourdessefermentrapidement,m’emportantdansunautremonde.

Çafaitdeuxsemainesquejen’aipasvuEvan.Jemesensunpeuseulesurcettegrandeîle,maisjen’aipasletempsdem’ennuyeravectoutemapaperasse.

Lorsque j’ai vu mon téléphone sonner il y a deux semaines, j’étais vraiment surprise endécouvrantl’expéditeur.Ilm’expliquaitqu’aveclemauvaistemps,ilallaitenprofiterpourfilmerdesscènesdanslechâteauoùlesacteurslogent.

Depuis jeme ronge les ongles tous les soirs en hésitant à lui envoyer unmessage.Ce soir, jecomptebiendemanderconseilàJessetpasseràl’étapesupérieure.

J’entendsjustementmasonnerieSkypesonneràl’étagealorsjecoursetdécrochecomplètementessouffléeparlamontéedesmarches.Etaprèstut’étonnesd’avoirlacuissemollasse?Tssss…

Jebalayelaremarquedemonmoiintérieurd’unreversdemainetaperçoismaJess,rayonnantedevantlacaméra.

—Salutmagrosse,çava?Elleperdsonsourireetmemontredudoigt.—Jet’interdisdem’appeler«tagrosse»pourleshuitprochainsmoisàvenir!Morue!Jerigoleenvoyantsonairsérieuxetluirépondsensouriant.—Çafaitdubiend’entendretavoixmachérie.Commenttuvas?Ellemeraconteàquelpointsonmecestdevenudinguedepuisqu’ilaapprissagrossesse.— Il a déjà acheté des petites baskets et des survêtements rembourrés. Il s’est abonné à une

applicationavecdesmenuspourfemmesenceintesetilcuisinetouslesjours!—Naaan?Mortel!Tudevraistomberenceinteplussouventmapoule!Ellesemarreenhochantlatête.—J’oserienluidire,jeveuxpasqu’ilarrête!Onn’ajamaisaussibienmangé.—Tum’étonnes,veinarde!—Ettoiraconte,quoideneuf?Je lui explique tous les derniers évènements, car je n’avais pas eu l’occasion de lui raconter

l’épisodeduponton.Ellesoupirelorsquejetermine.—T’esvraimentpasdouéeavec lesmecs…Maisbon, s’iln’apasdéjà fui, c’estque tuas tes

chances.Moi,jet’auraislaisséeenplandepuislongtemps.Jecroiselesbrassurmapoitrineavantdeluirépondre.—Ahbahmerciçafaitplaisir!Ellemefaitunmouvementdelamain.—Ohc’estbontevexepas,c’estlavérité.Tuveuxquejeterappellel’autresoiroùilt’aramenée

alorsquetuétaiséméchéeetoùtul’assaoulétoutletrajet?Jeronchonneetelleenchaîneensouriant.—Alorsc’estquoileplanmaintenant?Jeretrouvelesourireetlaregardeavecunairdeconspiratrice.—J’aisonnumérodeportable!Elleouvrelaboucheengrandetfrappedanssesmains,aussiexcitéequemoi.—Alorsçac’estgénial!Vouséchangezdéjàdestextoscoquins?Jegrimace.—J’aipasencoreoséluienvoyerunmessagedepuisdeuxsemaines.Ellesefrappelefront.—Tufaisvraimentn’importequoiquandjenesuispaslà.—Tais-toi,alorsjeluienvoiequoi?Justeàcemoment-là,unesonneries’élèvedepuissonsalon.—Ohmerdec’estunecollèguequivientmechercherpouralleràunrepasd’affaires,jetelaisse

mapoulette,maisjet’envoiedesidéesparSMSokay?—Ouid’accord,bisousetboncouragepourtonrepas!Je ferme l’ordinateuretdescendsm’installerdans lecanapéavecunpaquetdeCurly.Ses trucs

sontunevraiedrogue,jeseraiscapabled’enmangerunequantitéindustrielle.Je lancedescoupsd’œilnerveuxàmontéléphonesur la tablebasse.Luigidoitêtreenmanque

d’attention,carilvientpassersatêtesousmonavant-braspourquejelecaresse.Jelèchemesdoigtspourlesnettoyeravantdeluigratterl’arrièredesoreilles,jesaisqu’iladore

ça.Ilfrappesesgriffescontreleparquetcommes’iljouaitd’uninstrument,çamefaittoutletempssourire.

Lorsquejem’arrête,ilcourtverslaportevitréeetjeregardelapluiebattanteenfaisantlamoue.

Jemelèvepourluiouvrir,maisilnebougepas.— Je suis désoléemon chien,mais je ne vais pas t’accompagner, j’ai pas envie de chopper la

mort.Allezsors.Ilmetunepattedehorspuismeregardeavecsonairdechienbattu.—Jesais,çacrainttaviemonchien.Allezoust!Ilfinitparselanceretdisparaîtdanslanuit.J’entendsmonportablevibrerdanslesalonetjesens

moncœurs’affolerdansmapoitrine.Ohmondieu,ohmondieu!Jecourscommeunedinguejusqu’àlatablebasseetprendsmontéléphoneavantdesoupireretde

melaissertombersurlecanapé.Cen’estqueJess…J’ouvresonSMS.Saluttoi,

J’aiterriblementenviedetaqueue!Tupasses?

J’explosederireetluirépondsparuneautreidéedemessage:J’aiétéunevilainefilleaujourd’hui.

Tuvasdevoirmemettreunebonnefessée!Viensmepunir…

Jevoisqu’ellenerépondrienalorsjecontinue:Ohoui!

Fouette-moiaveclepoireaudufrigo!Je souris toute seule derrière mon téléphone. Je m’apprête à continuer lorsqu’elle me répond

enfin.MDRRRRRRRRR!

Putaint’escon,j’aifaillimepisserdessus.Toutlemondemeregardejetelaisse.

BizzzzJeglousseetréfléchisplussérieusementàcequejevaispouvoirenvoyeràEvan.Avecousans

l’aidedeJess,ilfautquejepasseàl’offensivecesoir!Jeme lèvepour ouvrir àLuigi qui arrive devant la baie vitrée. Il est complètement trempé, je

souffleet luiditd’attendre sur lepaillasson le tempsd’aller chercherunegrande serviettepour lesécher.

Lorsquejereviens,ilestdanslacuisineentraindeboireetamisdel’eaupartoutsurleparquet.Jerâleavantdelesécherluipuislesol.J’inspireungrandcoupetplisselenez.—Ohçapuelechienmouillé!Ilmeregardeetbaisse lesoreilles.Tufaisculpabiliser tonchienalorsquec’est toiqui lemets

dehors…souslapluie!Bravo…Maîtressetyrannique!Jegrimaceetlecaresseenguised’excuse.JeprendsmontéléphonepourrépondreàJess:

Oharrêtejesuissûrequetuadoresfairedestrucssalacesavectonpoireau!Jememarretouteseuleenl’envoyantjusqu’àcequejevoisledestinataire:Evan!—Ohputain!Ohnon,nonnon!C’estpaspossible!Jefrappel’écrandemontéléphonecommesiçaavaitlepouvoirderamenermonSMS.Jerelisle

messageengrommelantetparsmecachersurlecanapé,sousmonplaid.Oh,mondieu,j’aipasfaitça!Aprèssixrelectures,jeconstatequesi,j’aibienfaitça.C’estunecatastrophe!

J’envoie un « SOS » à Jess. C’est un code entre nous, pour dire à l’autre de tout arrêter, carquelquechosedetrèssérieuxvientdesepasser.Ilmesembleappropriéàcemomentprécis.

Àpeinecinqminutesplustard,ellem’appelleetjem’empressededécrocher.

—OhmerciJess!—Çava?Qu’est-cequisepasse?—Nonçavapas,maisalorspasdutout.Tupeuxparler?—Ouivas-y,j’aiprétextédesnauséesetjemesuisenferméedanslestoilettes,onaletemps.—OhJess,j’aifaitunemégaboulette!Elleglousseauboutdufilpendantquejepoursuismonexplication.—J’aienvoyéuntextoàEvan…—C’estgénialça!—Nonc’estpasgénialnon!Aprèstonmessage,j’aiouvertunmessagepourréfléchiràceque

j’allais écrire à Evan… et puis Luigi a voulu rentrer. Du coup, j’ai été occupée parce qu’il faitvraimentuntempsdechienetqu’ilétaittrempé.

—AccoucheTifenn!Jelèvelesyeuxaucieletpoursuis.—Bref,quandjesuisrevenuej’airepenséàtontextoetj’aivouluterépondre.—Saufquec’estàEvanquetuasécrit.Laboulette…Jel’entendspresqueréfléchiràvoixhauteetsedemanderceque j’aibienpuluienvoyervule

contenudenosSMSprécédents.Ellesembleenfincomprendre,carellecontinue:—Ohmerde!Maistuluiasécritquoi?Jefaisunbruitentrelecouinementetlegrognementetjeluilismontexto,penaude.—Oharrêtejesuissûrequetuadoresfairedestrucssalacesavectonpoireau!Je l’entends inspirerbrusquementdans le téléphoneetpuisaprèsc’estdun’importequoi.Jene

saismêmepassiellecrieouellesemarre.Entoutcas,ellesetapeunfouriremémorablelabitch!—OhpuréeTifenn,maisc’esthorrible!Jesoufflelonguementenplissantlessourcils.—Ouais…çacraint!Commentjepeuxrectifierletiraprèsça?—J’avouequelà…Situluidisquec’étaitpaspourlui,ilvacroirequetuasunmec…Tun’as

plusqu’àluidirelavéritémapoule.—Commentça?Quejedélireavecmameilleureamieàtrouverunsextoàluienvoyer?Elleglousseavantdemerépondre.—Non,quetuescomplètementtaréeetenmanquedesexe,çadevraitleconvaincre!—Supermerciduconseil!OhbordeljeviensderecevoirunSMS!Jetelaisse.—Tiens-moiaucourantetsurtoutnefaispas…Je lui ai raccrochéaunez,mais je suis trop impatienteet anxieuseà la foisdevoir la réponse

d’Evan.J’ouvresansplustardersonmessage,maisjenelisqued’unœil.C’estcomplètementcon,onvoit

pareil!Jesouffleetouvrelesyeux.???

Okayc’estmauvais,trèsmauvais.Pourquoitroispointsd’interrogation?Unauraitsuffi,deuxàlalimitehistoiredemontrerungrandétonnement…Troisçasignifiequoi?Étonnementetcolère?

Jeprendsmoncourageàdeuxmainsetmedécideenfinàluirépondre.SalutEvan

Jesuisdésoléevraimentlemessagenet’étaitpasadressé,enfinsi…maisnon.C’étaituneblagueentreuneamieetmoi…

C’esttrèsgênant…Enfait!J’allaist’écrirepourtedemandersituallaisbienetsiletournagesepassaitcommetu

voulais.Jeme ronge l’ongle du pouce droit en attendant sa réponse. Lorsquemon téléphone vibre de

nouveau,moncœurfaitunbonddansmapoitrine.MêmeparSMStunesaispasfairecourthein?;)

Ouitoutsepassebien,onrevienttournersurl’îledemaintuseraslà?J’appréciequ’iln’insistepassurmonpremiermessage,j’aidéjàassezhontecommeça.Je suis assez surprise de le voir faire de l’humour, c’est la première fois qu’il paraît aussi…

avenant.Jenevaispaslaisserpassercetteoccasion.Ilfautquejeluitendeuneperche.C’estcequifaitmoncharme^^

Jeseraislàoui…J’irainagerenfindejournéesituveuxmerejoindreauponton;)Àdemainalorsj’arrêtedet’embêteravecmeslongsmessages.

J’espèrequemontextonefaitpastropdésespérée,maisj’aivraimentenviedelerevoir.Ilestpluslongàmerépondrecettefois,maisvingtminutesplustardmonportablefinitparvibrer.

J’yserais…Àdemain:)

Jemelèvecommesij’étaismontéesurressortsetsautillesurplaceavecunsourirebéatsurleslèvres.Ondiraituneadoattardée… je le saisbien,mais jem’en fiche royalement, j’aiun rendez-vous!

Une fois calmée, je me mets le spectacle de mon humoriste préféré : Gad Elmaleh. J’ai descrampesauventre tout le longduspectacleàforcederire, j’adoreson imitationdu«Blond».Cemecestunvraigéniedurireetdumime.

Jefinisparallerdormiretmecouchepleined’espoirpourlajournéedulendemain.Ilvafalloirquej’emploielesgrandsmoyens!

Chapitre8C’estunejournéeunpeuspéciale,jesuissurlequi-vivedepuiscematin.Lebeautempsestrevenu

et la chaleur aussi. J’ai passé lamatinée à commencermon business plan pourmon tout nouveauprojettopsecret.Jeveuxm’assurerqu’iltientlarouteavantd’enparleràJess.Lorsquejecommenceàvoirdes lignespartoutà forced’êtredevantmonordinateur, jedécided’arrêteretdem’occuperautrement.Ilfautquejefasseunpeudetridanslesaffairesduhangar.

Evanest ici, j’aientendulesvoituresarriver, ilyaplusdedeuxheures.Jen’aipasoséaller lesaluer sachant que je n’avais rien de spécial à faire là-bas. J’ai remarqué qu’il n’appréciait pasvraimentmaprésencesurlelieudetournage.Jesorsetm’étirelonguementencontemplantlamers’écrasercontrelesrochersavantdemedirigerverslehangar.J’ouvrecartonaprèscartonpourvoircequejevaisgarderounon.

Monpèreétaitdeceuxquin’aimentpasjeteretquigardenttout.Parexempledanscecarton,jesorsuneraquettedetennisavecuntroubéantetlamoitiédumancheenmoins,ilyaaussiunelampehideuseenmorceauxetquelqueslivres.

Jegardeleslivres,cen’estpasmonstyledelecture,maisjepourraistoujourslesdonneroujenesaispas...jeleurtrouveraibienunefonctionça,jenemefaispasdesoucis.

Au bout d’une heure déjà la remorque est à moitié pleine, je transpire et je suis pleine depoussière.

J’attaqueunautrecartonettombedesnuesendécouvrantcequis’ytrouve.Ilyaplusieursboîtespleinesdepetitescassettes.J’enprendsuneetsoufflesurlecouvercleenplastiquepouryvoirplusclair.Étéquatre-vingt-seize,jen’enrevienspas!

J’envoisd’autresplusgrosses et les reconnais, ce sont les cassettesde lapremière camérademonpère.Elleétaitpresqueaussigrossequ’unecamérad’épaule,lesimagesdoiventdater.Jepasselademi-heurequisuitàfouillerdanslescartonsenobservantlestitres.

MonpèreavaitfaitmettrequelquesunedesescassettessurcléUSBpourmemontrerdesvidéosdeNoëllorsquemamanétaitlà...

J’ail’impressiond’avoirtrouvéunmagnifiquetrésor.J’entends des bruits de moteur et lève la tête pour voir Evan arriver ainsi que deux autres

camionnettes.Il descendde sa Jeepet s’avanceversmoid’unpasnonchalant.Malgré la chaleur écrasante, il

porteunjeanbrutunpeutroplargequiluitombesurleshanchesetuntee-shirtblanctoutsimple.SonjeancouvertdetracesdeterresurlesgenouxetsesvieillesTimberlandluidonneunairdeBadBoyàtomber.

Tu es littéralement en train de baver sur son torsemusclé là ! Je remonte le regard vers sonvisage,maisc’estencorepire.Sescheveuxenbataillesontunappelausexe,onaenvied’ypassersesdoigtsetdes’yaccrocher.

Jefinisparplongermesyeuxdanslessiensenvenantàsarencontre.Alorsquemesyeuxbleussontcommeunemercalmeetensoleillée,lessiensressemblentplusàunjourdetempête.Tempêteparlaquellejemelaisseraisvolontiersbalayertouteentière.Mayday,mayday.

—Salut,çava?Ilsepasselamaindanslescheveuxpourenleverlesmèchesquiluitombentsurlefront.—Poussiéreuseettoi?Ilmefaitunpetitsourireencoinavantdemerépondre.—Çava,est-cequ’onpeuttournerdanslaforêtjusteenface?Jesaisquecen’étaitpasprévuau

contrat,maisceseraitl’endroitidéalpournotreprisedevue.Jeluiconfirmequ’iln’yapasdesoucisetqu’ilpeuttournersansproblème,dumomentqueje

peuxresterdanslehangarçameva.ToutesonéquipeinstallelematérieletjevoisErikaetCoopervenirversmoi.Jesuiscontentede

revoirErika, jene l’avaispasrevuedepuis lebarbecuede l’autresoir.EtCooper…Cemecestunroc,ildoitmesurerprèsdedeuxmètresetilalecorpsd’undieugrec.

Çamefaitplaisirdeleurparler,Erikaesttoujoursjoyeuseetdrôle.Ilsontl’airdebiens’entendretouslesdeux,j’imaginequec’estimportantvulenombred’heuresqu’ilspassentensemble.

—Çavakid?JesourisàCooper,jenesaispaspourquoiilmesurnommecommeçadepuislapremièrefois.

Peut-êtreque je ressembleàunegaminepour lui,ouc’est justeaffectifdans sonpays jen’en saisrien.

Entoutcas,j’appréciequ’ilfassel’effortdeparlerfrançais,mêmesisonaccentesttrèsfort,jecomprendscequ’ilveutmedire.Jeluirépondsquejevaisbienetm’apprêteàluidemandercommentilseporte,maisnoussommesinterrompusparEvanquidemandeàCooperdevenirdanslechamp.

Erika s’installe à côté de moi pour surveiller la scène et savoir si elle a besoin de faire desretouches.

—AlorscommeçatucraquespourMisterLonely?Je fais l’innocenteen faisantminedenepascomprendrecequ’ellemedit,maiselle rigoleen

disantqueçacrèvelesyeux.Super!—MisterLonely?Ellemefaitunclind’œilavantdes’expliquer.—C’estcommeçaqu’onl’appelleaveclestaff.Je fronce les sourcils en l’observant de loin. Je sais qu’il n’est pas très avenant, mais le

surnommer le solitaire c’est un peu dur. Ils n’ont sans doute jamais vu son torse ni essayé decomprendrepourquoiilagissaitcommecela.

— Tu exagères, vous êtes tout le temps ensemble la journée et le soir, comment peut-il êtresolitaire?

—Onnelevoitquesurletournageetencoreilesttellementconcentrésursontravail,qu’onneparlequedeça.Enfinc’estbienpourlefilmbiensûr,maisboncen’estpaslegenredemecquivatemettreàl’aisequoi…Endehorsdutournageonnelevoitpas,ilvitsursonbateauici.

—Ilvitsurunbateau?Elle hoche la tête et on reprend notre observation. Je fais l’étonnée mais finalement en y

réfléchissant,çaluicorrespondbien.Unbruitdemoteurs’élèveauloinetLuigigâchelascèneendéboulantdelaforêtàtouteallure.

Jefaisunsigned’excuseàEvanetdemandeàLuigideresterprèsdemoi.C’estGeorgequidoitenfinavoirreçulespiècesquej’avaiscommandées.Jeluiavaisditqueje

passerais lesrécupérer,mais ilnem’apasécoutéepourchanger. Ildescendet lanceunregardpeuamèneàEvanavantdevenirmesaluer.

—TuesunvieilhommebornéGeorge!Jet’avaisditquejepasseraisàtongarage!Il rigoleavantdem’embrasserpuis je luiprésenteErika.Ellenous laissediscuteren têteà tête

pourserapprocherdutournage.—Tum’aidesàdéchargerpetite?—Maisqu’est-cequevousaveztousavecsessurnoms?C’esttrèsinfantilisant,tusais!Ilricaneets’avanceverssoncamioncommes’iln’avaitrienentendu.

J’astiquemesmainsetmerécurelesonglespourlacinquièmefoissousladouche.AprèsavoirpassélajournéeàtravaillersurlaFordMustangavecGeorge,jesuisdansunsaleétat…

Jeneprendspaslapeinedemesécherlescheveux,j’ouvrelafenêtredemachambreetconstatequemême s’il est dix-huit heures, le soleil tape encore dehors. Je choisis unmaillot de bain deuxpiècesassezéchancrénoiretjepasseunerobedeplagecourte,blanche,àcolrondavecdesfrangesauxextrémités.Jemeregardedanslaglaceetremarquequemapeauaenfindoréaveclesoleil.

Mestongsauxpieds,jedescendsetprendsladirectiondelaplage.Luigilui,partendirectiondelaforêt,jenepensepas,lerevoiravantcesoir.Unefoisarrivée,jemeposesurlesableetoffremonvisageausoleilenprofitantdelalégèrebrise.

J’entendsdespasderrièremoietvoisEvandescendrelesmarchesenpierre.Jemelèveetsaliveenremarquantqu’ils’estchangé.Ilporteunshortdebainbleumarineavecunlienblanc.Illeporteassez bas ce qui met en valeur son torse dessiné. La dernière fois, je m’étais focalisée sur sescicatricessansvoirau-delà.

Jedécidesoudainementdechangerdeplan.—Çatetentedevoiruntrucgénial?Ilal’airunpeuétonné,maishochelatêteavantderépondre:—Tumefaispeur…—Maisnonallezsuis-moi!Ilvafalloirmarcherunpeuparcontre.Jevaisl’emmenerdansleseullieuoùjen’aijamaisemmenépersonneàpartJess.Ilmedemande

plusieursfoissijesaisoùjevaisetjeluirépondsenrigolantques’ilapeur,ilpeutfairedemi-tour.Auboutdevingtminutes,nousavonspresqueterminédetraverserlaforêt.Laterrelaisseplaceà

untapisderoches.Commej’aipeurdeglisseravecmestongs,jelesretireetlestiensdansunemain.—EuhTifenntuvastecoupersurcegenredepierre.Jelèvelesyeuxaucielavantdeluirépondre.—Jeconnaisl’endroitcommemapocheetavectouteslesannéesquej’aipasséesici,jepeuxte

direquemespiedsnecraignentrien.Onredescendlégèrementetjefaisattentionoùjeposelespieds.J’aiétéassezridiculejusqu’ici,

jeneveuxpasencoremedonnerenspectacle.—Onyestpresque!Jesuisexcitéeàl’idéedepartagercetendroitaveclui.Jemeretournebrusquementpourluifaire

faceetretiremarobe.Lorsquejerelève leregard, jevoisqu’il fixemapoitrine.Jem’approchede lui lentementet je

voissonregardétinceler.J’enroulemarobesurelle-mêmeetm’approcheencoreenluimontrant.—C’estpourgarderlesuspens,approche.Ilfaitunpasenavantpourseretrouverjusteenfacedemoi.Jememetssurlapointedespiedset

suisobligéedemecollerunpeuplusàluipourpouvoirnouerunnœudàl’arrièredesatête.J’ai l’impression de l’entendre inspirer et souffler plus fort, les battements de mon cœur

s’accélèrent. Histoire de rester plus longtemps contre lui, je fais le double nœud le plus serré del’histoire.Jemereculeàregretetluiprendslamain.

—Tuvasdevoirmefaireconfiancepourlesmètresqu’ilreste.Jeleguidesurquelquesmètrespourqu’ilneretrouvepaslecheminmêmes’illevoulait.—Tupeuxretirerlefoulardonyest.Ilpassemarobepar-dessussatêteetobservesanscomprendre.Jel’aimenéjustedevantl’entrée

demonpetitcoindeparadis.Unpassageétroitentredeuxfalaises.Onatoutjustelaplacedepasseretcommejesuisdevantlui,ilnevoitpasencorecequil’attend.

—Suismoic’estparlà.Jesuisobligéedememettrelégèrementdeprofilpourpassertellementlepassageestétroit.Evan

me suit de près et je m’écarte dès qu’on est de l’autre côté pour le laisser profiter de la vue. Ilécarquillelesyeuxd’uncoupetrestemuetfaceàça.

—Tifennc’estmagnifique!Jeregardelelacavecenvie.C’estcommeunécrinaubeaumilieudegrandsmursderoche.Seule

la lumièredu jourperceau-dessusdenous.L’eauestbleu turquoise,onpourraitpresquesecroiredanslesîles.C’estparadisiaque.

—C’estprofond?—Nontuauraspied,vienstuvasvoirelleestbonne.Jeluipassedevantetenjambeunrocherpourentrerdanslelac.Elleestpluschaudequel’eaude

mer,c’estcommeunbaingéantsanslamousse.Jem’immerge et nage pour aller plus loin. Il me rejoint rapidement et je bave sur ses abdos

ruisselantsd’eau lorsqu’il se relève.L’eau lui arrive jusqu’auxhanchesalorsqu’ellem’arriveà lataille.

— Je n’imaginais pas qu’un tel endroit puisse exister en dehors des magazines. Ton père leconnaissait?

—Ouibiensûr.C’estétrangedeparlerdemonpèredansunmomentcommecelui-ci.Maisj’aimeraisensavoir

plussurleurlien.—Ilnem’enajamaisparlé…Jesensqu’ilal’airdéçualorsjeluiexplique:—C’étaitunpeunotresecret,jen’emmènepresquepersonneici.Ilplongesesyeuxdanslesmienscommepourvoirsijedislavérité.Jesorsdel’eauenluidisant

quejevaisluimontreruntrucsuper.Ilricaneetjeleregardeunpeusurprise,c’estlapremièrefoisquej’entendscesonsortirdesabouche.

Jefaisletourdulacetm’éloignedeluiencherchantl’endroitexact.—Çadoitêtreparici,attend…Ahlevoilà!Viens!Jesautedansl’eauetfaisdusurplace.C’estl’endroitleplusprofonddulac,jen’yaipaspied.

Lui a tout juste pied. Ilme demande ce que je cherche,mais je le fais patienter encore un peu. Jeplongeàlarecherched’unepierrespéciale.

Ilm’aideàlaporterjusqu’aubordquandjelaremonteenfinàlasurface.—Tucomptessortirtouteslespierresdulac?Nonparcequeçarisquedeprendredutemps.—Tais-toiregardelesinscriptions.Jegrattelégèrementlamoussequisetrouvesurlapierrepourqu’ilvoiemieux.Illitàvoixhaute

:JacquesetMorane

YvesetAlanaTifenn

Jeluiexpliquequelesdeuxpremierssontmesgrands-parentsetlesdeuxsuivantsmesparents.—Coolhein?—Très.Maispourquoilesgraversurunepierrequiresteaufonddulac?Jerigoleenembrassantlelieudesbras.

—T’esprêtàentendrelalégendedecelac?Ilricane,maishochelatête.Jeprendsunairtrèssérieuxetentredansmonrôledeconteuse.— Il y a très longtemps lorsque la magie existait encore dans ce monde, un preux chevalier

nomméAlanicvitlaplusbellefemmequ’ileutétédonnéed’exister.Ellesebaignaitnuedanslamer,c’était la créature la plusmagnifique qu’il avait jamais vue.Depuis ce jour,Alanic revint tous lesjours pendant trois mois pour la contempler. Il était hypnotisé par sa beauté, mais surtout il sedemandaitquielleétait.Unjour,EdernasentituneprésenceetseretournabrusquementversAlanic.Leshumainsnedevaientpasapprendresaprésenceici,elleenfreignaittouteslesrèglesenvenantsebaignerdansun telendroit.Par la forcede lapensée,ellesaisitAlanicà lagorgeet le traînadansl’eaujusqu’àelle.Elles’accrochaàluietlemaintenusousl’eauavecellepourqu’ilsenoie.Alorsqu’Alanic sentait sondernier souffle devie le quitter, il ouvrit les yeux et vit unequeuede sirènelumineuseà laplacedes jambesdecette sublimecréature. Ilplongea sesyeuxdansceuxd’Edernapourpouvoirlacontemplerencoreunefoisavantdemourir.Edernaelle,futsaisieenvoyantl’âmed’Alanicetneputterminercequ’elleavaitcommencé.Elleluilaissalaviesauveetluiordonnadenepasrépétercequ’ilavaitvuetdenejamaisplusrevenirlavoir.

Evansemblepassionnéparmonhistoire,depuisledébut,ilalterneentremesyeuxetmabouche.Jesourisavantdecontinuermonhistoire.

—Alanicn’arrivaitpasl’oublieretnepouvaitplusvivrecommeavantaprèscequ’ilavaitvu.Iln’écoutapasEdernaetrevintlavoirunesemaineplustard.Ellefutsiimpressionnéeparsoncourageet sa bravoure qu’elle l’invita à la rejoindre.C’est à partir de ce jour que leur amour commença.Ederna lui révéla tous ses secrets et Alanic n’en parla à personne. Mais un jour, alors qu’il larejoignait comme chaque jour, une tempête se leva et Ederna le regarda avec horreur. Son père,Dorics’étaitaperçudesnombreusesabsencesdesafille.Ilavaitdécidéqu’illaramèneraitdansleurmondepartouslesmoyens.Lorsqu’illavitembrasserunhumain,sacolèrefuttellequelesélémentsse déchaînèrent. Ederna était aspirée vers le fond de l’océan afin de rejoindre son monde tandisqu’Alanicétaitécartédel’eauparlatempête.Lesdeuxamantsétaienttellementéprisl’undel’autre,qu’ilsdonnèrent toutes leurs forcespourpouvoir s’embrasserencoreune fois.C’està la frontièreentreunmonderemplidemagieetlenôtrequeleursbouchessescellèrentenunbaiseréternel.Àcemomentprécis,laterretremblaetd’immensesmursderoches’élevèrentencercleautourd’euxpourlesprotégerencréantcelac.Lalégendeditquesiuncouplescellesonamourdanscelacengravantleur nom sur une de ces pierres, la magie que recèle cet endroit fera durer leur amour pourl’éternité…

Jeterminemonhistoireparungrandsourire.J’adorecettelégendeetj’ail’impressionqu’elleaconquisEvanaussi.

—Coolhein?Ilme fait un sourire en coin et je remarque que c’est sans doute le premier sourire vraiment

sincèreauquelj’aidroit.—Trèsbellehistoire,onpourraitenfaireunfilm.Quitel’aracontée?Jesoupireavantdeluirépondre.—C’estmamèrequim’aracontécettehistoirequandj’étaispetite.Aprèssamort,jedemandais

souventàmonpèredemelaraconterlesoir.Il se rapprochedemoi et passe sonpouce surma joue. Je le regarde, unpeu surprisepar son

geste.—Uncil,dit-ilcommepours’expliqueravantdeselaissercouler.Ilasuffiqu’ilm’effleurepourquemoncœurs’emballe,ilfautvraimentquejemedétende.

Ondiscutependantunebonneheureenselaissantflotterdanslelaccalme.Jen’aijamaisautantparléavecluietjedoisdirequejenemeforcepasàtrouverdessujetsdeconversation.Ilneparlepasbeaucoup,maistoutcequ’ilditestintéressant.

Lorsqu’onsedécideenfinàsortir,lejourcommencetoutjusteàdécliner.Jeremetsmarobeetmestongsetonprendlechemindelaforêtpourrentrer.

Jeprofitedecemomentpourluiraconterdeuxoutroisanecdotessurl’île,maisjesensquejel’aiperdu.Ilestconcentrésurlarouteetmegratifiedequelqueshochementsdetêtedetempsentemps,maisriendeplus.

Enarrivantdevantchezmoi,jenesaispascommentmeublersonsilence.Jeneveuxpasterminercettebellefindejournéeparunenotenégative.

—Tienstusaisc’estdrôlej’aitrouvédestrucsdanslehangarcematin.Jepensequetup…Ilsepassetroischosessimultanément.J’entendsEvansouffler,ilsefrottelesyeuxcommepour

seréveillerd’uncauchemaretplaquebrutalementsesdeuxmainssurchacunedemesjoues.J’ouvrelabouchepourparler,maislasiennemeprendd’assautsansprévenir.

Ilsecollecontremoietm’embrasseavecforcecommesisavieendépendait.Moncœurexplosedansmapoitrineetjeluirendssonbaiser.

Il s’arrêteetcollesonfrontcontre lemienensoufflant longuement.Sesmainsn’ontpasquittémesjouesquandilmechuchote.

—BonsangTifenn…ilfautvraimentquetuarrêtesdeparler.Jenemouftepasetmecontentedehocherlatêtedoucementpournepaslefairefuir.Jeprendssalèvreinférieureentrelesmiennesetlasuçotedoucement.Jefaiscequej’aienviede

fairedepuisque je l’aivu, jepassemesmainsdanssescheveuxetm’yagrippe. Jememetssur lapointedespiedspourapprofondirnotrebaiser.

Ilgémitdeplaisiretc’estcommesisavoixetsesgestesétaientdirectementliésàmonentrejambequiréagitinstantanément.Jesensmonclitorisgonflerettoutmoncorpsseréchaufferàsoncontact.

Lorsquenoslanguessedécouvrentenfin,mesjambestremblentderestersurlapointedespieds.Evanpassesesmainssousmarobeblancheetattrapemataillepourm’aideràgarderlaposition.

Saboucheestavidedemedécouvrir.Ilquittemeslèvresetjenepeuxpasm’empêcherdegémirde frustration. Mais cette frustration est bien vite oubliée lorsqu’il me fait reculer doucement engoûtantmoncou.

Jemelaisseguiderparsesmouvementsetrespireplusvitelorsqu’ilmemordillelapeauentrelanuqueet l’épaule.Mondos rencontreune surfacedure et jedevinequ’il s’agit d’undespiliersduhangar.

Jegémislorsqu’ilplaquesoncorpscontrelemien,mepressantencorepluscontrelepilier.Mesmainspartentexplorersoncorpsetpressesesépaulesavantdedescendresursontorse.

J’aidespapillonsdansleventrelorsqu’unedemesmainspassesursonérectionautraversdesonshortdebain.Ilgrognedeplaisiretmemordlalèvrequandjel’enserred’unemain.

Sonfrontseposesurlemienpendantqu’ilreprenddifficilementsonsouffle.Seslèvrescaressentlesmiennessanslesembrasser.

—Tifenn…J’entendsledoutedanssontonetlelâchepourpouvoirprendresonvisageentremesmains.Je

caressesesjouesrenduesrugueusesparunelégèrebarbejusqu’àcequ’ilmeregardedanslesyeux.Jenedisrien,j’aienviedelerassurer,maisjenesaispascommentm’yprendre.—Onvayallerdoucementsiçaterassureokay?Ses pupilles sont légèrement dilatées et il inspire et expire plus rapidement. Il ferme les yeux

commes’ilessayaitdesecontenir.Jelaissemesmainsglissersursoncorpsetlorsqu’ilrouvrelespaupières,sesyeuxontunéclatsauvage.C’estcommesijelevoyaispourlapremièrefois,levraiEvan.

Son regardm’enflamme toute entière, il semble avoir abandonné tous ses doutes et se pressecontremoi.Saboucherevientembrasserlamiennetandisquesesmainsremontentsurmescôtesmedonnantdesfrissonsdeplaisir.Sespoucescaressentlapeausensiblesousmapoitrine.Jerêvequ’ilmetouchepourdebon,maisilnefaitrien,jeneveuxpasluifairepeurenallanttropvitealorsjetentedesuivrelemouvement.

Jehalètelorsqu’ilmerelâche.Ilsoufflepourtenterdeseclamer,maisjevoisbienqu’ilestdanslemêmeétatquemoi.

Nosyeuxsecroisentetpendantuninstant,j’ail’impressionqu’onvatoutenvoyerbaladeretfairel’amourcontrecepilier.Etpuis jevoissonregardchanger, ilest redevenu leEvansérieuxque jecôtoiedepuispresqueunmois.

Ilm’embrasseencore,maisseslèvressontplusraisonnables,moinsvoraces.—Ilvaudraitmieuxquejerentre…Çavautsansdoutemieuxcommeça.Jefroncelessourcilsetécartemabouchedelasiennepourleregarder.Jenecomprendspasce

qu’ilentendparlà,maismoncœurs’emballe.Pourvuqu’ilnegâchepastout,pourvuqu’ilnegâchepastout…Jemerépètecettephrasedansmatêtequandsesmainsviennentremettremesmèchesdecheveuxbiensagementderrièremesoreilles.

—J’avaisimaginéquelquechosed’unpeuplusromantiquequ’unpilierdehangar.Jerisàlafoisamuséeetsoulagéeparsaremarque.—Donctuasdéjàimaginéça?Humintéressant.Jeluirépondsavecunsourireencoinennousmontrantdudoigt.Ilmesouritàsontouretpinceseslèvresl’unecontrel’autreavantdesedétacherdemoi.—Entoutcas,j’aienfintrouvéunesolutionpourtefairetaire!Etça,çan’apasdeprix.Jeglousseenluienvoyantunetapesurl’épaule.—Bon!Jetelaisseavantdefaireuneconnerie.Àdemain?Jehochelatêtepourm’empêcherdesauterdejoieàl’idéedelerevoirdemain.Jemecontentede

luirépondreavecmavoixrenduerauqueparl’excitation.—ÀdemainEvan.Ilmetourneledosets’enva.Justeavantlevirage,ilmelanceundernierregardquiaraisonde

monbasdemaillotdebain.Je regarde la porte de lamaison etm’y dirige,mais je nemarche pas droit. J’ai l’impression

d’êtredroguéeetdeplanercomplètement.Jesuissuruneautreplanètelorsquejepassedutempsaveclui.

Cettejournéeaprisunetournurevraimentinattendue.Jesavaisbienqu’ilmeplaisait,maisjenepensais pas l’apprécier autant. Je me sens bien à ses côtés. J’envisage pour la première fois unehistoiresurlelongtermeavecEvanetnonunbéguind’adolescente.

Ilfaitnuitlorsquejefermelaporte.Jem’yadosseetrepenseàtoutecettejournée.Unimmensesouriremeprendetmefaitpresquemalauxjoues.

J’ail’impressiondereveniràlasurfaceaprèsêtrerestéesousl’eautroplongtemps.Il faut absolument que j’appelle Jess pour lui raconter tout ça ! Je cours à l’étage etm’arrête

devantmonmiroir.—Mondieuc’estmoiça?Jepassemesdoigtssurmeslèvresgonfléesetrougies.Jeglousseenremarquantquemarobeest

retrousséed’uncôté,maispasdel’autre.J’improviseunedansedelajoiedevantlaglaceenriant.Cequec’estbondereveniràlavie!

Chapitre9Evan

Jeme lèvecematin le cœurplus légerqued’ordinaire. Je repenseà la journéed’hierque j’aipassée avecTifenn. Je ne sais pas si je fais bien les choses ni où cela vamemener.Monmanqued’expérienceentermesderelationhumainenem’aidepasbeaucoup.

Pourlapremièrefois,jeneréfléchispas.L’embrasserparaissaitlachoselaplussenséepourlafairetaire.Jesentaismonestomacsecontracteretdesfourmismeremonterdudosjusqu’àlanuque.Jenesavaispascommentinterprétercessignes.Cen’estqu’enl’embrassantetensentant toutmoncorpssetendreversellequej’aicomprisquej’éprouvaisdudésirpourelle.

Je me sens idiot de ne pas m’en être rendu compte avant… ça fait tellement longtemps, c’estpresquenouveaupourmoi.

Biensûr,j’aidéjàfaitl’amour,deuxfoisseulementpourêtreexact.C’étaitunteldésastrequejen’aijamaisvouluretenterl’expérience.Tifennmefaitdirequeçapourraitêtredifférent!

Toutescesannées,jemesuispersuadéquedenepasnouerdeliensétaitlasolution.Yvesétaitunpeul’exceptionquiconfirmelarègle.Ilavaitquelquechosequelesautresn’avaientpas.Deplus,ilnemelâchaitpastantquejeneluiparlaispas.Ilallaitjusqu’àsepointerauportlorsqu’ilnem’avaitpasvudepuisplusieurssemaines.C’estlaseulepersonnequis’intéressaitréellementàmoi.J’auraiaiméfairepartiedesafamille,monexistenceauraitsansdouteprisuncoursdifférent.

Monparcoursdanslavieestplutôtchaotique.Entrelesdramesetleshistoiresdefamille,j’étaisune vraie épave lorsque j’ai rencontré Yves la première fois. Il a su m’écouter, me conseiller etm’aideràchaquefoisquej’aieubesoindelui.C’étaitmonseulami.Ilm’apermisdereprendremavieenmain,jelaluidoisd’ailleurs,lavie.Maintenantqu’iln’estpluslà,jenesaispascequejevaisdevenir…

Aprèsunebonnedouche, jeme rendsauchâteaupour réveiller tout lemonde. Iln’estqueseptheuresdumatin,maisunejournéechargéem’attend.

C’estledébutdel’après-midilorsquelesgalèrescommencent.Jesuisentraindem’arracherlescheveuxavecJerryetlerestedustaffsurunescèneparticulièrementdifficile.C’estlepremierbaiserdesdeuxhérosetl’émotionquejesouhaitefairetransparaîtreàl’écrann’estpasaurendez-vous.

Onessaieplusieursprisesetanglesdifférents,maisàchaquefois,jenesuistoujourspassatisfait.Ondébatpendantplusieursdizainesdeminutessurlesémotionsqu’ilsdoiventéprouver,larelectureduscriptengroupe,maisçanedonnerien.Jedécrètequ’ilestgrandtempsdefaireunepausepourquetoutlemondeaitletempsdesouffleravantlaprochaineprise.

J’enprofitepourallermarcherunpeuetm’aérerl’esprit.Jenesuispaspartilongtemps,maisàmonretourjevoisTifennauloin.Marespirations’accélèreenladétaillantduregard.Çadevraitêtreinterditdeporterdesshortsenjeanaussicourt!

ElleestencorefourréeavecJerry,jen’enrevienstoujourspasqu’illalaissetoucheràsonmatos.C’estvraimentsurprenant.

Jepresselepaspourlesrejoindre.Jenepeuxpasm’empêcherdesourirelorsquelesiendevientradieuxquandellem’aperçoit.C’estplaisantdevoirquec’estmoiquiluifaisceteffet.

Enrevanche,jenem’attendaispasàcequ’elleserapprochedemoiets’agrippeàmesavant-braspourmefaireunebise.Elles’attardeunpeuplusprèsdemabouchetandisquejemeraclelagorgepourluifairecomprendredenepasallerplusloindevantmonstaff.

Jerrysouritcommeunconenvoyantàquelpointjesuisgêné.Ilhausselessourcilsàplusieursreprisesenriantsilencieusement.Jefroncelessourcilsenfaisantunpasenarrièrepourm’éloignerunpeudeTifenn.Jeneveuxpasquetoutlemondepensequenoussommesensemble.D’ailleursest-cequ’onestensemble?Jesuisperdu.

Voyantque jenedis rienelle soupireetme tourne ledospour reprendresaconversationavecJerry.Jebégaieunvague«Salut»dansmabarbequirestesansréponse.Quelcon,maisquelcon!Ellefinitparseretournerversmoipourmedemander:

—Jepeuxtenteruntrucpourvousdébloquer?J’aiuneidée.Jericaneavantdecomprendrequ’elleestsérieuse.Jerrylèvelesyeuxauciel,histoiredemefaire

comprendrequejesuisàcôtédelaplaque.—Euhouivas-ybiensûr.Ellepartd’unpasdécidéetjelaregardeavecattention.Je n’entends pas tout ce qu’elle dit,mais au bout de quelquesminutes je reconnais l’air d’une

chanson. J’ouvre grand les yeux lorsqu’elle se met à chanter plus fort et qu’on entend enfin lesparoles.

—Ahqu’est-cequ’onestserré,aufonddecetteboîte!Chante lessardines,chante lessardines.Ahqu’est-cequ’onestserré,aufonddecetteboîte!Chantelessardinesentrel’huileetlesaromates.

Tout le monde la regarde en tombant des nues, Jerry éclate de rire, suivi de plusieurs autrespersonnes.

Jem’apprêteàavancerversellepourqu’ellearrête,maisJerrymefaitsigned’attendreencoreunpeu.Elleestentraindeseridiculiseretçamemetdansunecolèrenoire.Monboulotn’estpasunevasteblague,siellenecomprendpasça,ilnesepasserajamaisrienentrenous.

—Tiensregarde,ellenousfaitladansedessardines!Je soupire, mais je retiens la remarque qui me démange lorsque je vois mes deux acteurs

principauxsuivresespas. Ils semettentmêmeà imiter sesparoleset semblentbeaucoups’amuser.Elles’arrêteenfinettoutlestaffl’applauditenriant.Jepinceleslèvresenlavoyantfairedepetitescourbettesavantdedirequelquechosequejen’entendspasauxacteurs.

Avantmêmequ’ellenesoitrevenue,jeluicoupel’enviedesourireenluidisantquejepasseraislavoircesoiraprèsletravailpourparler.Elleperdlesourire,maisjesuisagacéalorsjenem’enpréoccupepas.

—Lapauseestfinitc’estreparti!J’annoncedansmonmégaphonealorsquetoutlemondeseremetenplace.Jerrycadrelascène

puislanceuncoupd’œilversTifennetluisoufflequ’ilaadorésonpetitspectacle.J’aimebeaucoupJerry,maisj’aienviedel’étrangler.Luiquineselaissepasdistrairefacilement

medéçoit.IlsembleêtreplusintéresséparTifennqueparlefilm.C’estlecalmeplatlorsqueleclapretentit,nousindiquantleplanetlenumérodelaprise.Toutle

mondesembleseremettred’uncoupdanssonrôlecequimerassureunpeu.Sixminutesdixplustardprécisément,jeprononcelemot«coupé».Jecheckelascènedanslesmoindresdétails,maisjenetrouverienàredire.Ondiraitqu’ilssont

plusdétendus,l’expressiondeleurvisageestlimpide.Lesémotionssontlàetdoséesjustecommeillefaut.Jerryestdemonavisetondécidedevaliderleplan.

JemetourneunpeusurprisversTifenn,macolèrebalayéeparl’incrédulité.—Commenttuasfaitça?Ellenecachepassafiertéavantdemerépondre.—Jelesaijusteaidésàsedétendre.Onauraitditqu’ilsallaientaupiloriplutôtquedeserouler

unepelle.Surcepointjenepeuxpaslacontredire.—Maisquandmême…Lessardines,sérieux?Elleglousse.—C’estlapremièrechansonquim’estvenueàl’esprit…J’avouequej’auraipufairemieux.Jesecouelatête.Cettenanaaungrain…Pourquoijesouris?Jerry me regarde perplexe, semblant se pencher sur notre cas. J’écourte la conversation avec

Tifennenlaremerciantpoursonaideetmeremetsautravail.

Ilestminuitpassélorsquenousterminonsledernierplandelajournée.Jesuiséreinté,maisjedécidequandmêmedepasserparlamaisondelapetiteîleàboispourvoir

siTifennestencoredebout.Jevoisde la lumièreaurez-de-chaussée,alors jepassepar l’arrièrede lamaisonpourarriver

directement par le salon. Je souris en la voyant mâchouiller un crayon de bois tout en tapantfrénétiquement sur les touchesde sonclavier. Je frappedoucementà labaievitréepournepas luifairepeur,maisçanemarchepasvraiment.

Elle sursauteetLuigi lui, se rue sur la fenêtreenaboyantcommeundingue. Jem’excused’unsignedemainpendantqu’ellevientm’ouvrir.Jem’accroupispoursaluerLuigi,maisilmesnobeetpréfèresortirdehors.Jemerelèveunpeuchagriné.

—Jecroisqu’onestpartidumauvaispiedtoutledeux.Ellericaneetsecolleàmoienm’entourantlatailleetenposantsatêtesurmonbuste.J’oubliema

journéedeplusdequinzeheuresetsensmapoitrineseréchauffer.—Laisseluidutemps,iln’estpashabituéàtoi,maisilt’adoreradansquelquessemaines.Jerigoledeboncœuretellerelèvelesyeuxpourmeregarder.Jesondesonregardendéposant

unlégerbaisersursabouche.—Onn’estpeut-êtrepassidifférentalors…Ellemesouritavantdebâillercommeunehuître.—Tuveuxuncafé?medit-elleensetraînantjusqu’àlacuisine.—Tuasvul’heure?Ellesecouelatêteetsetourneversl’horlogedusalonindiquantuneheuredematin.—Ah...Tuvoulaismeparlerdequelquechosetoutàl’heure?Ellesedirigeverslecanapédusalonetmefaissignedelarejoindre.Jesoupire,j’auraisvoulu

éviterencoreunpeucetteconversation,maisjeprendssurmoi.—Oui.Surtoutneleprendpasmal,maisjepréféreraisqu’onétalepascequisepasseentrenous

devantmonstaff.Enfins’ilsepassequelquechose,jeveuxdiredepuishier…Tucomprends?Ellesemordlalèvrepouréviterderire,elletentedelecacher,maisçacrèvelesyeux.—Qu’est-cequej’aidit?Ellericaneenmerétorquant:—Rient’esmignon.Jehausselessourcilsenluirépondantpresquevexé:—Tumetrouvesmignon?T’esaucourantquejenesuispasunanimalàquituvastapoterle

crâneetgratterlescôtes,rassure-moi?Elleéclatederireenpointantsondoigtsurmoi.—Iladel’humour!Quil’eutcru?

—Biensûrquej’aidel’humour!Elleritencoreavantdem’enjamberpours’installeràcalifourchonsurmescuisses.—Excuse-moi,maisc’étaitpasvraimentévidentjusqu’àaujourd’hui!Je pose mes mains naturellement sur ses hanches tandis que ses doigts se perdent dans mes

cheveux.Sespetitsmassagesm’envoientdelongsfrissons.—Çafaitdubien,dis-jeenbâillant.Jemelaissealleralorsqu’ellecontinueenpassantsespoucessurmonfront,l’arrêtedemonnez

puismesjoues.Çafaitunbienfou.—Jecroyaisquetun’aimaispasqu’ontetouche?—C’estvrai…Maisavectoic’estdifférent,çameplaît.J’aperçoissonsourireavantde fermer lesyeuxpourappréciersonmassageetcesentimentde

lâcherprise.

Jepassemamainsurmanuqueraideetouvrelesyeux.JenesaispascommentréagirenvoyantquejesuistoujourssurlecanapédeTifenn.Ilestseptheureetdemie,j’aidûm’endormirassishiersoiraprèssonmassage.Ellem’arecouvertd’unplaidcommedanslesfilms,cetteremarquemefaitsourire.Jebaisseleregardetrestesansvoix.

Tifenn est couchée sur le canapé et a pris ma cuisse pour un oreiller. Luigi lui ronfletranquillementdanslecreuxdesgenouxdeTifenn.Jepensequelecanapénepourraitpasêtrepluschargéqu’àcetinstant.

Jetentedemelibérersanssuccès.Jevaisêtreobligédelesréveillertouslesdeux.Jenesaispastropcommentm’yprendrealorsjetentedefairecommeelleetpassemesmains

danssescheveuxenluimassantlecuirchevelu.J’entendssarespirations’accélérerlégèrementavantqu’ellenefassesurface.

EllesetournesurledosbousculantLuigiquisecontentedebâilleretdeposersatêtesurleventredeTifennavantdesoupirer.Elleouvredifficilementlesyeuxetmeregarde.

—Salut.Ellebâilleavantderegarderl’heure.—Ohlà,t’estropmatinalpourmoi.Jericane,jevoisbienqu’elleluttepournepasserendormir.—Désolédem’êtreendormicommeçahier,j’étaisvraimentcrevé.—Pasdesoucis,j’aipasoséteréveiller.JemelèvedélicatementetsuissurprisdenepasvoirLuigigrogneroumesauteuràlagorge.Ily

avraimentduprogrès.—Rendors-toi,jedoisfilerdetoutefaçon.Ellehochelatêtes’étaleunpeuplussurlecanapéavantdesombrerdenouveauendeuxsecondes.Jesourisetquittelamaisonpourrepassermangeretmelaveraubateau.Enrentrant,jedécided’allercherchermoncourrieràLaPoste.J’aiuneboîtepostalelà-basétant

donné que je vis sur mon voilier et que je n’ai pas d’autre adresse fixe. Lorsque je suis sur destournages,j’envoiel’adresseàmesproches,maispourtoutlereste,çaattendtoujoursmonretourici.Vuquejen’ysuispasallédepuismonarrivée,jesupposequ’elledoitêtrepleineàcraquer.

Enentrantdans lebureaudeposte, je sourisenvoyantquec’est toujoursBrigitteaucomptoir.Elledoitavoirplusdecinquanteansmaintenant.Jen’aipaslesouvenird’avoirvuquelqu’und’autreàsonposte.Àcroirequ’elleneprendjamaisdecongés.Lorsqu’ellem’aperçoit,ellequittesonsiège

entapantdanssesmains.—Ohmonpetit,çafaitlongtempsquetun’espasvenujemefaisaisdusouci!Jeluirépondschaleureusement.—BonjourBrigitte,commentvas-tu?Ellearriveenfacedemoietapprochesesmainsdemesépaulespuissereprendenlesmettantsur

seshanchessemblantsesouvenirquejen’aimepasqu’onmetouche.Jeluisouristristementlorsqu’ellemelanceunregardgêné.Jeluisuisvraimentreconnaissantde

ne pas m’infliger ça. Je prends sur moi lorsque c’est elle, mais je n’apprécie vraiment pas cettesensation.

—Çavacommetoujours, j’aiunesantédefer!C’est l’airde lamer, iln’yaqu’à te regarderpourenvoir lesbénéfices, tuesdeplusenplusbeau!TusaisquemaGwendolineest toujoursuncœuràprendre?Vientdoncmangeràlamaisonundimanche,vouspourrezfaireconnaissance.

Décidémentelleneperdpaslenord.Jericaneetmepencheunpeuversellecommepourluifaireuneconfidence.

—Jeneluisouhaitepasquelqu’und’aussiabîméquemoi.Elletrouveraunhommegentil, j’ensuispersuadé.

Ellemelanceungrandsourireavantdeprendreuntonplussérieux.—Toiaussimonpetittutrouveraschaussureàtonpied,crois-moi.S’ilyabienquelqu’undans

cettevillequilemérite,c’esttoi!Jenesaispassielleditvrai,maispourlapremièredepuislongtemps,j’aimeraisquecesoit le

cas.Jelaremercieavantdequitterlebureaudepostelesbraschargésdecourrier.Jem’installesur lepontpour trier rapidementmes lettres lorsqu’unegrandeenveloppeépaisse

attiremonattention.Jereconnaisl’écritured’uncoupd’œil,c’estcelled’Yves!J’arrachepresquelepapierenl’ouvrantprécipitammentavantd’enlirelecontenuavecavidité.

Chapitre10Tifenn

Je suis réveillée en douceur par des baisersmouillés et je souris en tournantmon visage versEvan.Jefroncelessourcils.Ilfaitquoilàilmelèchelevisage?Ouilaunetrèsgrandelangue,ou…OhLuigi!

J’ouvrelesyeuxetpousseunsoupirdedégoûtenmerendantcomptequec’estbienladeuxièmeoption.

—Salutmongros!Jemeredresseetluigrattelatête.—Tuveuxsortirc’estça?Jeglousseenlevoyantsauterducanapéetfairedestourssurlui-mêmeenbattantdelaqueue.Je

metraînejusqu’àlaported’entréeetluiouvrepourlevoirpartirencourantverslesbois.Je monte dans ma chambre et passe directement à la salle de bain pour prendre une douche

bouillante.Ensortant,jemesècheetenfileunerobecache-cœurbeigeàvolants.Jesautesurmonlitaveclagrâced’unhippopotameetallumemonordinateurpourappelerJess.

MesappelsSkyperestentsansréponsesalorsjedécidedelaharcelerdetexto.Coucoumabiche!

Skype?Auboutdecinqminutes, jen’ai toujourspasderéponseset jemerendscomptequ’iln’estque

neufheures etqu’onest samedi.Elledoit sûrement encoredormir. J’hésitequelques secondesà lalaissertranquille,maisjemeraviserapidement.Aprèstoutpournosdixans,onavaitfaitlesermentd’êtretoujourslàl’unepourl’autre,quoiqu’ilarrive.

Réveille-toifessedemoule!Jememarretouteseuledevantmontéléphoneencontinuant:

Toctocquiestlà?LasonnerieSkyperetentitetjemeprécipitepourdécrocher.Lorsquejevoissatêteapparaître,je

medisj’auraipeut-êtredûlalaisserdormir.Elleal’airfurieuse.—Salutmabiche,désoléedet’avoirréveillée,maisj’utilisetonserment.Ellelèvelesyeuxaucielenpointantsondoigtsursawebcam.—Yaintérêtquecesoituneurgencesinonjetepréviens…Jesaispasencorecequejeteferais

maisceseratrèsdouloureux.Jememarre.—Vafalloirt’entraînerenmenace,tuvasêtremamanjetesignale!—Ouaisc’estvraimercidetedévouer,jevaism’entraînersurtoiàpartirdemaintenant.Çapromet!Jemedisensouriantintérieurement.—Toctoc!—OhnonTifennpasencore,c’esttoujoursunecata…Jeluifaismesyeuxdebicheetellesoupireavantdeserésigner.—Quiestlà?Jemefrottelesmainsavantdeluirépondre.—C’estKarl!—Karlqui?—Karl-glasrépare,Carglasremplace!Jeluirépondsenchantantl’airdelapub.

Elle ne rit pas, je pense un instant qu’elle n’a pas saisie la blague jusqu’à ce qu’elle ouvre labouche.

—T’esvraimentuncasdésespéré…Dis-moiquetunem’aspasréveilléepourça,s’ilteplaît?Jeronchonnequelquessecondesavantderetrouvermabonnehumeur.—Nonj’aidusuperpotin,maisavantdis-moicommenttuvas?Pasdenausées?—Pasencore.Jecroiselesdoigts!Tuconnaismaphobieduvomito.Depuisunegastrospectaculaireenprimaireoùelleavaitvomitripesetboyaux,Jessaunepeur

bleuededégobiller.Ça a rendunospremières cuites absolumentmémorables.Elleme raconte lesderniers exploits culinaires de Laurent en souriant. Elle est si heureuse que je sensmon cœur seréchauffer. Je l’écoute d’une oreille distraite, juste pour profiter du son de sa voix. Sa joie estcommunicative,maisellemerappelleàquelpointc’estdurd’êtreloind’elle.

—Ducouplà,çaadégénéréenpartouzegénérale,ahjetejureleshormonesdefemmeenceinte.Jelaregardeavecdesyeuxronds.—Quoi?Ellesemarreavantderétorquerquejenel’écoutaisplus.—T’esconj’aieupeur!—Bonettoiraconte-moitout!Pourquoitumeréveillesàneufheuresunsamedimatin?Jesouffleunboncoupetcommence.—Alorsj’aideuxsujetsimportantsàaborderavectoi!Ellericanederrièresonécranetjeluitirelalangueavantdereprendre.—J’aisûrement trouvéunmoyendegarder l’île, j’aiunsuperprojet !Enfin jesuisencoreen

traindebosserdessuspourlemoment,maisbonons’enfout.Elleserapprochedel’écranavidedelasuitecequimefaitsourire.—Simescalculs sontbons,entre l’argentdu tournageplusceluidesvoituresdemonpère, je

devrairéussiràrembourserpresquequatre-vingt-dixpourcentdemesdettes!Elletapedanssesmainsenmecriantquec’estgénial.—Ducoup,j’aipenséàuntruc,j’aidéjàremboursélamoitiédeladetteàl’huissier.Unefoisque

jeluiauraisversélestroisquartsàlafindutournage,jevaisnégocierpourobtenirundélai.Pourlereste de la somme, j’ai pensé à transformer l’île en chambre d’hôte.À la louer pour de grandesoccasionsgenredesmariages,etc.Sitoutsepassebien,jedevraispouvoirrembourserlatotalitédemadetteenseulementunan!Tuenpensesquoi?

—C’estgénialmachérie!Teconnaissant,tuasdéjàcommencéàtoutplanifier?Jehochelatêteenluifaisantunpetitclind’œil.Ellen’arrêtepasdemedireàquelpointelleest

soulagéequetouts’arrangepourmoi.Jesaisqu’ellesefaisaitautantdesoucisquemoi,sicen’estplusencore.

Mabouches’ouvresurenungrand«O»enmesouvenantdequelquechose.—Ohjenet’aipasdit!IlyadunouveauavecEvan…Ellesefrottelesmainsetparsencourantenmedisantd’attendredeuxsecondes.Ellerevientavec

unmugfumant.—Chocolatchaud,merassure-t-elleensouriant.Allezraconte,jesuisprête.Ellemefaitrire,ondiraitqu’elles’installedevantunebonnesérie.Onpasseunebonnepartiede

lamatinéeàdéblatérersurmesdéboiresamoureux.J’écouteavecattentionsesconseils.Vers dix heures et demie, on finit par raccrocher et à peine vingt minutes plus tard, George

débarque.Jesorspourl’accueillir.—HelloGeorge!Qu’est-cequetufaislà?Jenet’attendaispas.

Ilmarched’unpasassuréjusqu’àmoi.—Jen’airiendeprévucetaprès-midialorsjemesuisditquej’allaisvenirbricolercheztoi,j’ai

reçulaboîtedevitessepourladb5.Situasdeschosesàfaire,jepeuxmedébrouillertoutseulmajolie,pasdesoucis!

—Ohc’estgentil,entrejevaisteserviruncafépendantquejemechange.Jevaist’aider!JeremarquequeGeorgeaprissesaises,ilsesertcommes’ilétaitchezlui.Jemontemechanger

etmerendscompteque jemesuisvraiment rapprochéede luidepuismonretour.Onneparlepasénormément,maiscen’estpasimportant…Onsecomprendparfaitement.

Onpassetoutl’après-midiàtravaillersurlesdeuxvoitures.JemesuisoccupéedeterminerlesréparationssurlaFordmustangetluisechargedeladb5.Quandonseposeenfinilmeregardeetsemetàrire.

—Ondiraitqu’onrevientdelamine!Je me rends jusqu’au miroir cassé sous le hangar, puis je passe ma main pour en enlever la

poussièreetmevoir.Effectivementc’estpasjoli,entrepoussièreetcambouisjesuisrefaite!Jen’aijamaissubricolerproprementdetoutefaçon…

Ondécidedes’asseoirsurlebancdelaterrassequidonnesurlameravecuncocabienfrais.—Ohçafaitdubien!Jocelynnrefused’achetercegenredeboisson,elleditquec’estbourréde

cochonnerie.C’estvraimentboncespetitesbulles!Jeglousse avant de lui répondre que je ne lui dirais pas qu’il en a bu. Ilme regarde avec un

sourirecompliceettrinqueavantderegarderl’horizon.Jeluiparledemonprojetdemaisond’hôteetdelocationetilparaîtenchantéparl’idée.Çanedevraitpasêtreimportantd’avoirsabénédiction,pourtantjeressensdusoulagementlorsqu’ilsemontreenthousiaste.

Aprèsnotrepause, ilvérifiemontravailetmedonnesonfeuvertpourlavendre.Ilfautquejem’occupedelalustrerendétailetdeprendredesphotospourqu’ilenmetteàsongarage.

—Bonjevaisrentrer,Jocelynnvam’attendrepourmanger.Jeregardemontéléphoneetgrimace.—Dix-neufheures?Jesavaisquelesvieuxmangeaienttôt,maislàattentionlamortvousguette!Ilm’envoiesonchiffonpleindecambouisdanslafigure.—Surveilletonlangagejeunefille!Je rigole de bon cœur en le voyant partir. Je regarde la FordMustang avec envie.Maintenant

qu’elleroule,jepensequ’elleabienméritéunpetittourd’essai!Lesoleilnesecoucherapasavantvingt-deux heures ça me laisse largement le temps de passer par les petites routes désertes et delongerlacôte.

Lorsque je passe derrière le volant, les battements de mon cœur s’affolent. Cette voiture esttellementchargéedesouvenirsquej’aimeraisnepasavoiràm’enséparer.Quandjepensequemamèrelaconduisait,çamefaittoutbizarre…

Jesaisquejedoislavendrepourunebonnecauseetçamechagrine.Maiscequejepeuxfaire,c’estluioffrirunedernièreviréedignedecenom!

Enpassantdevantlagrandemaison,jeremarquequel’équipedetournageembarquedanslebus,signe que leur journée ici s’achève. Jem’arrête sur le bas-côté et chercheEvan du regard sans letrouver.

Alorsquejecompterepartir,j’entendsunsifflementd’admiration.Jemetournesurmadroiteetlevoit.Nomd’unecrêpe!Ils’estraséenselaissantjusteunepetitebarbedetroisjoursetsescheveux

ontétécoupés.Çametenvaleur les traitscarrésdesonvisage. Ilme faitpenseràScottEastwooddanssapubpourleparfumCoolWater.Arrêtedebaveretfermetabouche,tuvasgoberlesmouchessiçacontinue!

J’écoutemaconscience,maisbonsang,c’estunsacréchoc!Jeremarquequ’ilmeparlelorsqu’ilm’interpelleenarrivantàcôtédelaportièrepassager.

—Tifenn?Jebafouillequelquechosed’incompréhensibleetnetrouveriend’autreàdireque:—Tut’esraséettuascoupétescheveux…Ilricaneavantdemerépondre.—Oui,çafaittrentefoisqu’onmeleditaujourd’hui.C’estsichoquantqueça?Je n’arrive pas à trouver une réponse cohérente alors je me contente de hocher la tête. Je

m’éclaircis les idées et lui demande s’il veut m’accompagner faire un tour de voiture. Il semblehésiter,maisfinitparmediredenepasbouger,letempsqu’ilgèreledépartdesonéquipe.

J’enprofitepoursortiruneservietteducoffrepournettoyerrapidementlesiègeconducteur.Jeremarquequej’aiducambouissurlescuissesetjemesouviensdelatêtequejedoisavoir.Super,lacradopartenvadrouille!JedoisdétonneravecEvanquiestbeauàtomberetpropresurlui.Jemefrottefrénétiquementaveclaserviettejusqu’àretrouverfigurehumaine.

Ilrevientenpetitefouléeetjeprendsletempsdelematersansmecacher.Ils’installesurlesiègepassageretjem’improvisechauffeurdetaxi.

—Alorsjevousemmèneoùmonpetitmonsieur?Il sourit en secouant la tête. Alors que je pense qu’il ne va pas jouer le jeu, il me rétorque

simplement:—Partoutdumomentquevousyêtesmademoiselle!Jesourisàpleinesdents,flattéeenluirépondantquec’estdansmescordesetdémarremonpetit

bolide.Lespremièresaccélérations,ilnesemblepasdutoutenconfiance.Ilmereprendplusieursfoisen

merappelantleslimitationsetenmesignalantchaquechosedesuspectqu’ilvoitsurlaroutetouteslescinqminutes.Jen’arrêtepasdeluidirequejegèreetilfinitparsedétendreunpeuenvoyantquec’estbien lecas.Leventnous fouette levisageet lavueest juste splendide. Il sembleapprécier laballadeautantquemoi.

Auboutd’unebonnedemi-heure,jedécidedemegarerprèsdelapointedel’Arcouest.C’estlàqueleshabitantsetlestouristespeuventprendredesbateauxpourserendredirectementsurl’îledeBréhat.J’yaiétéunnombreincalculabledefois,c’estvraimentunendroitmagnifique.

JecoupelemoteuretmetourneversEvan.—Cettevoitureestunepetitebombe!Elleestgéniale!—Ça,tul’asdit!Jevaislamettreenventesiçat’intéresse,luidis-jesousletondel’humour.—Pourrembourserlesdettesdetonpère?Jeleregardeenécarquillantlesyeux.Commentest-ilaucourantpourlesdettesdemonpère?Je

bredouilleuntimideoui.—J’aivulespapierssurtatableenteramenantlesoirdelafête.Ohhokay…Jecomprendsmieuxsonchangementd’attitudeenversmoimaintenant.—C’estpourçaquetuasvouluaugmenterleprixdelalocationpourletournage?Jehoche la têteetmonespritesthappépar le souvenirde lavoixchaudeetcompréhensivedu

médecinquim’aannoncéautéléphonequemonpèreétaitdécédécettenuit-là.Cefutlepirejourdema vie. Pire encore que celui où on m’a annoncé la mort de ma mère. À cette époque je ne

comprenaispasencorebienleschosesetdeplusj’avaismonpèrepourm’épaulerdanscetteépreuve.Jesenslepouced’Evanpassersurmajoue.—DésoléTifenn,jenevoulaispasravivertadouleur.Jeclignedesyeuxetsouffleunboncoupavantdesortirdelavoiturepourmetenirdeboutfaceà

lamer.JemetourneversEvanensouriant.—Lavueestmagnifiqueicitunetrouvespas?Ilmerejointetpassedansmondosenm’enlaçant.—Si,magnifique…Jesourisenrendantcomptequ’ilchangeaufuretàmesuredessemaines.Çafaitplusd’unmois

etdemiqu’ilestarrivésurmonîleetjesensqu’ilestdeplusenplusàl’aiseavecmoi.Çamefaitchaudaucœuràchaquefois,etçamefaitd’autantplusplaisirqueçan’apasl’airhabituelpourlui.

Jemetourneetmemetssurlapointedespiedspourpouvoirpassermesdoigtsdanssescheveuxcourts.

—Ilssontencoreassezlongspourquejem’yagrippe…C’estunebonnechose.Sesyeuxvertémeraudemedévorent tandisquesesmainsdescendent le longdemondospour

agrippermesfessesetmepresserplusencorecontrelui.J’expiredeplaisirensentantsonérectioncontre mon bas ventre. Il profite que mes lèvres soient entrouvertes pour les capturer entre lessiennes.

Onsedétache l’unde l’autreà regret lorsqu’onentendunemèrede famillese racler lagorge.Sonpetitgarçonluidemandepourquoilesgenss’embrassentetellerépondsèchementqu’ilposeralaquestionàsonpèrecesoir.Ellenousfait lesgrosyeuxetpassedevantnousenvitesse.JeregardeEvan et on éclate de rire ensemble. Je crois que c’est la première fois que je le vois rire à gorgedéployée.

—Bononferaitmieuxderentrer.Jeluidisenretournantderrièrelevolant.Lesoleilcommenceàdéclinermefaisantclignerdes

yeuxpourvoirlaroutelorsquejefaisdemi-tour.—Tiensprendmeslunettes.Je lui souris en voyant ses lunettes style aviateur. Je me suis toujours demandé à quoi je

ressembleraisaveccegenredelunettes.Jemeregardeetdécrètequecen’estpassimal.Jemetslecontact,maisnedémarrepas.Aulieudeça,jemetourneverslui.

—Jepeuxtedemanderunefaveur?Tupeuxmeprendreenphotodanslavoituredemamère?Jevoudraisgarderunsouvenir…

Je lui demande en lui tendant mon téléphone. Il s’exécute sans hésitation et sort de la FordMustangenprenantdurecul.

—Prête?—Non,dis-moiuntrucdrôlepourquemonsourireparaissenaturel!Ilsecouelatêteetlancehautetfort.—Disbonjouràmonp’titcopain!Je pouffe de rire sans comprendre et me fais mitrailler de photo. Il revient s’asseoir en me

rendantmontéléphone.—C’étaitquoiça?Ilmeregarded’unairahuri.—Scarface!Ilvafalloirrevoirvosclassiques,mademoiselle!Jesecouelatêteensouriantavantdedémarrerlavoiturepourrentrer.Surlarouteduretour,on

s’échangeplusieursregardscomplices.Jeréaliseenregardantlesoleilsecoucherderrièreluiqueje

suisentraindetomberamoureusedelui.Commesitavien’étaitpasaussicompliquéecommeça!Etilvasepasserquoiquandilpartirafairelapromotiondesonfilmàl’étranger?

Je me pose des millions de questions de ce genre sur le chemin du retour. Décidément maconsciencealedondemefoirerlesbonsmoments.

Chapitre11Evan

Je suis impatientd’être à ce soir, ça fait trois semainesque jen’arrivepas àpasserplusd’uneheureavecTifennaucalme.Letournages’estintensifiéetnousdevonstournerdenombreusesscènesdehors de nuit. Je n’ai pas beaucoup de temps pourmoi,mais cette fois je lui ai demandé demeréserversasoirée.

J’avaisenviedefaireleschosesbien.J’espèrequ’elleapprécieramasurprise.Plusj’apprendsàlaconnaître,moinsj’aienviedepartird’ici.

PlusdedeuxmoisquejesuisrevenuaupaysetdeuxmoisqueTifenns’insinuedanschaqueporedemapeau.Jenemesuisrenducomptederien,jenelaissepaslesgensm’approcherdetropprèsnormalement.

Maiselleyaétédoucement,çaacommencéparmedemandersij’allaislavoiraujourd’hui.Jemesuismisàpenseràcequ’ellediraitsiellevoyaittelleoutellechose,àpenseràcequ’elleallaitportersijelavoyais.Puisc’estdevenuplusconcret,jen’arrivaispasàmelasortirdelatête.Elleestcommeunesortededroguedontjedeviensdépendant.

J’essaiedenepaspenseràmessentimentsquinaissentdoucementetàcemensongequipèseentrenous.Jen’arrêtepasdepenseràlalettredesonpère.Unechoseestsûre,sijeveuxavoirunechancedelagarderprèsdemoi,ellenedoitriensavoir.

La journéeestparticulièrementchaudeet jeguettede tempsen tempsvers laplage.JesaisqueTifenn a pour habitude d’aller se baigner là-bas en fin de journée. Mais apparemment pasaujourd’hui.

J’entendsLuigiaboyerauloinetmedemandesic’estencoresongaragistequivientlavoir.Jenepeuxpasblairercetype!Ilmedétestedepuistoujours.Déjààl’époque,ilmemettaitdesbâtonsdanslesroueslorsquejevoulaispasserdutempsavecYves.

Jenesaispasàquelpointilssontprochestouslesdeux,maissiellecontinueàlevoiretqu’ilapprendqu’onaunerelation,jenedonnepascherdemapeau.Ilvafalloirquej’envisagedetoutluidiresijamaisilrevient.Jesuiscertainquecemecn’hésiteraitpasàbalancertousmesplushorriblessecretspourm’éloignerd’elle.

Cen’estpasGeorge,maisunegrosseberlinenoirequis’arrêtedevantnotrelieudetournage.Unedesvitresteintéess’abaisseetrévèleunhommeencostume.

—Bonjour,jechercheTifennChampcenetz.Ellehabitebienici?Jemecontentedehocherlatête.Voyantquejenerépondsrien,ils’agace:—Vouspouvezmedireoùlatrouver?Thomas qui est plus près de la route lui indique le chemin pour se rendre chez elle. Cemec

transpireleconnarddebase,hautinetdétestable.JemedépêchedeterminerlapriseencoursetThomass’enaperçoit.—Qu’est-cequit’arriveaujourd’hui?Tuesbizarre.JeneluiairienditpourmoietTifenn.J’aipeurde…jenesaismêmepasdequoij’aipeur.Après

tout,onestamis.Jesuiscensémeconfieretdemanderconseilàcegenredepersonne.—Désolé,jesuisimpatientquelajournéesetermine.J’entendsJerryricanerderrièresacaméraavantdelancercommeuncheveusurlasoupe:—Tuasunrencardouquoi?Envoyantquejenerépondsrien,ilsécarquillentlesyeuxetThomasvientmefrapperl’épaule.—Nonsérieux?C’estmortelça!Quiestl’heureuseélue?C’estquelqu’undutournage?

Voilàpourquoi jene luiai riendit.Jenevoulaispassubir toutun interrogatoire. IlestpresqueaussibavardqueTifenn,c’est insupportable.Jerrymeregardeavecsonairdecomploteuret je luirenvoieunregardfoudroyantpourqu’ilsetaise.

JemecontentederépondredemanièreévasiveàThomas,maisilestperspicace.—Attend,c’estlafolledinguec’estça?J’airemarquéquetulamataisl’autrejour.J’inspirebrusquementpuismecalmeavantdelereprendrepourqu’ill’appelleparsonprénom.Il

lèvelesyeuxaucielethochelatête.—OuiouiTifennc’estpareil.J’aiunpeudemalàoublierlepremierjouroùonestarrivéici.Pourlecoup,iln’apastoutàfaittort.Elleestvraimentpasséepourunedinguecejour-là.—Enmême tempsçanem’étonnepas,vous êtes tous lesdeuxétranges…C’est coolpour toi

monpote!Ilmepressel’épauleetjesenstoutmoncorpssecontracter.Jeprendssurmoietm’écartedelui

enesquissantunlégersourireetenleremerciant.Jemetsdixbonnesminutesàmecalmer.Jedétestequandlesgensmetouchent.Voilàpourquoi

j’ai été autant surpris lorsque Tifenn a posé lesmains surmoi et que je n’ai eu aucun réflexe deprotection.

Thomasm’aideàbouclerlajournéeetilsprennentlecheminduchâteausansplustarder.JemontedansmaJeepetprendslecheminpourmerendrechezTifenn.Jen’aipasvurepasserla

berlinedumecetjenepeuxm’empêcherd’avoirunmauvaispressentimentsurcetype.Jemegareàcôtédesavoitureetlesvoisenpleinediscussiondevantlehangar.Lemeclanceun

coupd’œilversmavoiturepuisseretourneversTifennenluidisantquelquechosequejen’entendspasd’ici.Jelaregardeetremarquequ’elleparaîteffrayée.Jemedétacheàlahâteetmarched’unpasdécidédansleurdirection.

Ilpart tout juste lorsque j’arriveàcôtédeTifenn.Jeposemamaindans lecreuxdesondosetconstatequ’elleesttenduecommeunarc.Jenesaispascequecemecluiadit,maisj’aienvied’allerluicollermonpoingdanslaface.

Soncorpsneserelâchepasavantquelaberlineaitdépassélevirageenterre.Elleexpulsetoutl’airqu’elleavaitdanslespoumonsetsetourneversmoienposantsonfrontsurmontorse.

—Quic’estcemec?Qu’est-cequ’ilteveut?Tuveuxquejelebute?Ellegloussecontremapoitrine.Ellenesedoutepasunesecondequejesuisàmoitiésérieux.Je

n’irai pas jusqu’à le buter bien sûr, je ne suis pas du genre violent, mais je sais me battre et jen’hésiteraipasàluifoutreunedroites’illuicausedesproblèmes.

Jeluiattrapeledessousdumentonetrelèvesonvisageversmoi.Ellefermelesyeuxensoupirantavantdem’expliquer.

—C’étaituncréancier,cen’estrien.Jetiqueavantdeluirépondre.—Tifennqu’est-cequ’iltevoulaitexactement?Ellemeregardeetjepeuxvoirdelalassitudedanssesyeux.—Ila refusémonéchéancierdepaiementque j’avaismisaupointpour laisserunpeuplusde

tempspourlerembourser.Jenesaispasquoi lui répondreniquoi fairepour l’aider. Jeprendssonmentonmonpouceet

monindexpourreleversonvisageverslemien.—Tuveuxtoujourssortircesoir?Ellerevientàelleetregardesamontre.—Ohmerde, il faut juste que je finisse un truc sur la voiture et que jeme douche… Je suis

désolée,jenepensaisqueçameprendraitautantdetemps,sinonj’auraisarrêtéplustôt.Est-cequ’onaletemps?

Jesourisenremarquantqu’ellenesaitpasfairedesphrasescourtes.Jecroisquejecommenceàm’yhabituer,çafaitpeur.

—Vas-ytermine,tufaisquoiexactement?—Jeterminedechangerlaboîtedevitesse,maisj’aieudumalàremettrelemoteur,l’arbrede

transmission m’a donné du fil à retordre. C’est plus compliqué quand George n’est pas là pourm’aider.

Je cligne plusieurs fois les paupières, je n’ai strictement rien compris. Je me contente d’unhochementdetête,jeneveuxpasparaîtreridicule.

Pendantqu’elleretournedeboutsouslavoiture,quitientsurélevéesurdegrosrails,jefaisletouretm’assoissurlecapotdelaFordMustangdanslaquelleellem’aemmenéfaireuntour.

—Tuastrouvédesacquéreurs?Ellesortlatêtedesacachetteetregardepourvoirdequoijeparle.Jevoisunpetitsourireencoin

apparaîtresurseslèvres.—Nonpasencore,maisGeorgeauraitdeuxoutroispistes.Ilfautquejevoieçarapidementavec

lui.Jeparsdansmespenséesetqu’ilal’airbienprésentdanssavie.Ilvafalloirquejemechargede

luiparlerauplusvite.—Jenet’aimêmepasdemandécombientulavendais?Elleestentraindevisserquelquechoseetnemeregardepaslorsqu’ellemerépond.—Sijemedébrouillebien,jepeuxlavendreentresoixanteetsoixante-dixmilleeuros.J’écarquillelesyeuxetmerendscomptequejesuisassissurunpetitpactole!—Tantqueça?Bordelçavautunefortune!Elle ricane avant d’approcher en s’essuyant les mains sur un vieux torchon. Elle n’est pas

conscientedel’effetqu’elleasurmoidanscettetenue.—Cen’estrienàcôtéduprixquejepeuxtirerdecelle-ci!Sij’arriveàlafairerouler…dit-elle

enpointantlavoituresurlaquelleelletravailleencemoment.Ellearéussiàm’intriguer,jeluidemandecombienellevaudrait.Ellesefrottelementonetlaisse

unetracedecambouissansleremarquer.—Environunmillion,unmillioncinq…Jem’étouffeavecmasaliveavantdeluidemandersielleestsérieuse.Jen’enrevienspasetelle

mesouritgentiment,jepensequ’ellearemarquéquejen’yconnaissaispasgrand-choseenvoiture.—C’estuneAstonMartin!Etenplus,c’estunmodèletrèsraredoncouiçacoûtebonbon.Ellememontreunepiècedevoiturequigîtausol.—Cettepièce,c’estcellequejeviensderemplaceravecGeorge.Devinecombienellem’acoûté.Jeregardelapièced’unairabsent.Pourmoiçanevautrien,cen’estqu’unboutdeferraille,mais

étantdonnéleprixdelavoiture,j’imaginequeçadoitfairegrimperl’addition.Jeluirépondsaupifmilleeuros,maisellericaneenmefaisantsignequec’estplusélevé.Jehausselessourcilsd’unairétonnéetdécidedetapertrèshautpourplaisanteretluiannoncedixmilleeuros.

Jem’attendaisàcequ’ellesemoquedemoiouàcequ’ellemedétrompe,maisellesecontentedehocherlatêteensilence.

—Dixmilleeurospourcetruc?Jesuisestomaqué.Mêmesic’estunevoiturerareettoutlebaratin,jerestesurlecul.Onfinitparrentreràlamaisonoùjel’attendsdanslesalonpendantqu’ellesedoucherapidement.

Jen’aiqu’uneenvie,c’estdelarejoindre.Maisjeprendsmonmalenpatience,cesoirc’estlegrandlesoir.J’aitoutmisenœuvrepourlamettreàl’aiseetluifaireplaisir.Jen’aipasvraimentl’habitudedefairecegenredechose,alorsj’espèrequ’elleseratouchée.

Depuis trois semaines, on se tourne autour et j’avoue que je commence à devenir dingue. J’aienviedel’embrasseretdelatouchersansavoiràm’arrêter,carmonéquipen’estpasloinouqu’elleadeschosesàgérerdesoncôté.

Jeme réveille tous lesmatins avec un piquet de tente entre les jambes, ça devient pesant. J’ail’impressiond’avoirdenouveauquinzeans.

J’enprofitepourpasserenrevuelacollectiondefilmsd’Yves.—Evan?Jetendsl’oreilleetmedirigeverslesescaliers.Jevoislaportedesachambres’ouvriretsatête

ensortir.—Jedoisporterunetenueparticulière?Oui,riendutout.Jesecouelatêteettented’arrêterdel’imaginercomplètementnue.Aulieude

ça,jeluirépondsqu’ellen’aqu’àmettreunetenuedanslaquelleellesesentàl’aise.—Tuneveuxpasm’endireplus?Ilfaitchauddoncj’aibienenviedememettreenshort.Maissi

jamaistum’emmènesaurestaurant,ceseratropdécontractéetjeneveuxpasavoirl’aird’êtreàcôtédelaplaque!Est-cequejememetsentalons?Oudesbaskets,çalefait?

Je la regarde avec l’impression d’avoir bu trop d’alcool tellement sa phrase est longue. Jel’informequejenel’emmènepasaurestaurantetqu’ellepeutmettreunshortetdesbaskets,ceseraparfaitpourcequej’aiprévu.

Elle ricane en retournant dans sa chambre et je l’entends chuchoter quelque chose que je necomprendspas.Dixminutesplustard,elledescendenfin.

—Tuesparfaite!Jesuisunpeusurprisdemaremarquequiestsortiesansquejen’yréfléchisse.—Mercit’espasmalnonplus,medit-elleavantdemefaireunpetitclind’œil.J’airemarquéqu’elleportaitsouventdesshortsenjeanavecsesconverses.Ellepassedevantmoi

pourremplirlagamelledeLuigietjemesensàl’étroitlorsqu’ellesepenche.J’adorelesshortsenjean!

—Okay,jesuisprête!IlfautjustequejetrouveLuigipourlefairerentreravantqu’onparte.Ungrandsourireluibarrelevisageetjenepeuxm’empêcherdesourireaussi.Sonenthousiasme

estcommunicatif.UnefoisqueLuigiestbienauchauddanslamaison,ellefermelaporteàcléetgrimpedansma

Jeep.Àpeineattachée,ellemedemandedesprécisionssurnotre lieudedestination. Jesensque letrajetenvoiturevaêtrelongsijeneluidonnepasunoudeuxindices.

—Jet’emmènevoiruncoucherdesoleil.Jelavoisouvrirlaboucheetlacouperapidement.—Jenetediraisriend’autreTifenn.C’estcenséêtreunesurprise.J’enaidéjàtropdit.Ellesemblesefaireuneraisonets’installemettantsespiedssurletableaudebord.Jeluilanceun

coupd’œiletremarquequ’ellem’observeavecattention.Pendantunedemi-seconde,j’ail’impressionqu’onestexactementsurlamêmelongueurd’onde.

Onestjustebienensemble,àfairequelquechosed’aussisimplequ’untrajetenvoiture.Heureusement,nousarrivonsrapidementsurleparkingduport.Jepeuxpresquevoirsoncerveau

chaufferàforcedechercheràdevinertouteslespossibilitésdenotresoirée.—Attendnebougepas!

Jemedépêchedesortirdelavoitureetd’enfaireletourpourluiouvrirlaportière.Jeluitendslamainenesquissantunsourireencoin.

—Mademoiselle…Ellesemarre,maisjouelejeuenprenantmamainetendescendantdelaJeepd’unpetitsaut.—Merci,quelgentleman!Dis-moi,tuviensdequelleépoqueaujuste?Dis-moiquecen’estpas

legenredesoiréeoùtuvasm’annoncerquetuesunpsychopathequikidnappeettorturedesvierges?Parcequesic’estlecas,paslapeinedetefatiguerc’estfichupourmoidepuisplusieursannées!Àmoinsque taproie soitune jeune femmeparticulièrementbelleet intelligente?Là,onvapouvoirs’entendre.

J’hésiteuninstantentreexploserderireoum’enfuir.Jemecontentefinalementdeluidemandersiellevabien.Ellegrimaceavantdemerépondre.

—Désolée,quandjesuisnerveusejeparlebeaucoup.Jericane.—TuparlestoujoursbeaucoupTifenn.Jem’approched’elleetpasseundemespoucessursalèvreinférieure.—Attention,jevaisencoreêtreobligédet’embrassersituparlestrop.Ellemelanceunregardsichargédedésirquejemesensirrésistiblementattiréparsabouche.—Motusetbouchecousue!medit-elleenriant.Elles’accrocheàmonbrasetmedemandedelaguiderverssasurprise.Pourunefois,j’aurais

aiméqu’ellemefasseunlongdiscours.Çam’auraitdonnéunebonneexcusepourluisauterdessus.Jelaguidejusqu’auportetjelavoischercherettenterdevoirlequeldecesbateauxestlemien.

Lorsqu’on arrive enfin devant mon chez-moi et qu’elle remarque que j’arrête de marcher, elleobservelebateau,stupéfaite.

—C’esttonbateau?Jehochelatêteetmontesurlepontavantdemetournerversellepourl’aideràmerejoindre.Elle

penchelatêteetlitlenomdubateau«Sauvage»àvoixhaute.Jetenteunsouriresincère.—Ici,jesuisjustemoi.Pasdebarrières.Elleposesamaindanslamienneetjelatireversmoi.Jepasseunemaindanslebasdesondos

pour la tenir serrée contre moi. Je pose mes lèvres sur les siennes et remarque qu’elle est aussipassionnéequemoi.

Jesuismêmeobligédefreinersesardeurs,histoirequ’onneseretrouvepasàpoilsur lepontdevantlespassants.

Onquitteleportetpendantqu’ons’éloignedelarive,jel’inviteàfaireunepetitevisitedubateau.Il n’y a pas un pète de vent ce soir alors je navigue avecmonmoteur thermique.Une fois en

pleinemer,Tifennrefaitsurfaceavecunsourirejusqu’auxoreilles.—C’estchouettecheztoi!Jenesaispaspourquoiçamefaitautantplaisirqu’elleappréciemonvoilier.Peut-être,carc’estle

seullieuoùjemesentevraimentbien.Mesyeuxquidevraientêtretournésversl’horizonsontaimantésàTifenn.Jelaregardesemettre

piedsnusetsebaladerlelongdupontenprofitantdelavue.J’aiunpetitpincementdanslapoitrine,c’estassezétrangecommesensation.Jemesensbien,commesiellesoignaitmasolituderienqueparsaprésence.

Aprèsvingtminutesdenavigation,onarriveenfinprèsdelaplageenformed’ansecachéeparmilavégétation.

—Onestarrivé…

—C’estmagnifique!Jenesuisjamaisvenueparici,commenttuasdécouvertcetendroit?Jesouris,fierdepouvoirluifairedécouvrircelieu.—Tuconnaislesmoindresrecoinsdetonîle,moic’estlesenvironsquejemaîtrise.Ilestàpeinedix-huitheures,lesoleilestencoreassezhautdansleciel.Nousavonslargementle

tempsdefairetoutcequej’avaisprévu.Jem’arrêteàbonnedistancedelariveetjettel’ancrepourimmobiliserlevoilier.—Onvaallerpêcherl’entrée!Tuaimeslescrevettesgrises?Elleestsurprise,maisj’ail’impressionquec’estdanslebonsens.—Ouij’adore!Maisjen’enaiencorejamaispêché,ilvafalloirquetum’apprennes.—T’esbretonneettun’asjamaispêchédecrevettes?Ellemeregardeavecunairdedéfi.—Tu sais, il y a des Bretons qui n’ont jamais pêché de leur vie. Il paraîtmême qu’un faible

pourcentaged’entreeuxn’aimentnilescrêpesnilesgalettes!Je rigoleavantde lui répondrequecene sontquede stupides rumeurs.C’est impossible, c’est

évident.Jemedirigeverslacabineenluidisant:—Mets-toienmaillotdebainau lieude temoquerdemoi,onvaaller sur laplageenannexe

pourpouvoiremmenertoutlematériel.Jedescendsdanslacabinemechangeretremonteavectoutlematos.JeretrouveTifenntoujours

habillée.—Tunetechangespas?Elleplacesamaindroitesursahancheetmelance.—Etnon,vuquemonsieurn’arienvoulumedire,jen’aipasprisdemaillotdebain.Maisc’est

pasgravecommeçaceseratrèsbien.Çasepêcheprofondcesbêtes-là?J’essaiedenepas rireetmets l’annexeà l’eau. Jecroisun instantqu’ellevapasserpar-dessus

bord en entrant dedans,mais elle se retient aux parois et s’étale dedans. Cette fois je ne peux pasm’empêcherderired’elle.

—Ohçava,passe-moilematosaulieudetefoutredemagueule!Jesourisetluipassemonpanierdepêcheenosieretlabichette.Ellesemarrelorsqu’elleapprend

lenomdel’outilservantàpêcherlescrevettes.—Viensparicimabichette.Elle glousse et je hausse les sourcils en descendant dans l’annexe. Cette nana est vraiment

spéciale.Lasoiréeprometd’êtrericheenémotions!

Chapitre12Tifenn

JesuisJOIE!Cen’estpasdutoutceàquoijem’attendaislorsqu’ilm’ainvitéeàsortir,maisçaluiressembleenypensant.Depuisquej’aiapprisàmieuxleconnaître,j’aicomprisqu’ilnefaisaitriencommelesautres.

Ilestunpeudelavieilleécole,ilprenddesprécautionspourmefairelacouretmeséduire.Jesuissûrequ’ilaremarquéàquelpointj’étaisdisposéeàluitomberdanslesbrassanstoutça,maisillefaitquandmême.Jel’apprécied’autantplus.

Jeluisourisalorsqu’ilramejusqu’àlaplage.J’espèrequejenevaispasmeridiculiseraveccettepêcheauxcrevettes.Ceseraitbientonstylepourtant!

Une fois sur le sable, ilm’explique grossomodo qu’il faut s’enfoncer à environ unmètre deprofondeur. Jedoisensuitepoussermabichette leplus loinpossibledevantmoiet la releverpourvoircequej’airamassé.

Ensoit,çaàl’airplutôtsimple.Parcontre,jeréalisequejevaiscomplètementmetremperaveccettehistoire.

Avantd’entrerdansl’eau,jeretiremonshortetjeroulelebasdemontee-shirtpourlecoincersousmonsoutien-gorge. Jeneveuxpaschoper lacrèveenportantdes fringuesmouillées toute lasoirée.

Pendanttoutcetemps,Evannem’apasquittéedesyeux.Jepassemamaindevantsesyeuxetluidisenriant:

—Tum’asdéjàvueenmaillotdebain,c’estpasuntangaquivat’impressionner,si?Il cligne des yeux et prend une brève inspiration avant de ronchonner dans sa barbe. Je crois

entendrequelquechosesurmesfringues,maisjenesaisispastout.C’est vraiment plaisant de voir que je lui fais cet effet. Je n’ai jamais eu l’impression de

déclencherdetellesréactionschezleshommesavantdeleconnaître.Enfinmêmeaveclui,audébutcen’étaitpasgagné.Ilnemeregardaitmêmepas…

Depuislesoiroùilm’araccompagnéechezmoiàmoitiésaoule,toutachangé.C’estcommes’ilme voyait enfin. Je n’étais pourtant pas sous mon meilleur jour.C’est bien la première fois quel’alcoolt’aideaveclesmecs!

Jesursautelorsqu’ilmehèle,mesortantdemespensées.Ilestdéjàenplacedansl’eauetm’attendpourcommencer.Il fautquej’arrêtedepenser.Je lerejoinset le laissememontrercommentfaireavecsonoutilaudrôledenom.

Lorsqu’ilrelèvesabichette,ellecontientunpetitpoissonplat.—Àmontour!m’enquis-jeavecempressement.J’essaie, mais avec la force du courant, la bichette m’échappe des mains. Je grimace en le

regardant.—Jesuiscomplètementnulle…Ilsouritetpassederrièremoipourm’aider.Ilattrapemesmainsetlesécartesurlemanchedela

bichette.Ilestobligédesecollercontremondospourbienlateniravecmoi.Jenesaispaslui,maismoijenesuisplusdutoutdanslapêcheencemoment.Lesbattementsde

moncœursesontaffolésetjecommenceàsentirlachaleursepropagerpartoutenmoi.—Ilfautquetuteservesducourant,dèsquelavaguearrivetupoussesfortsurlemancheettu

remontes,tuesprête?J’aiuntoutautremancheentêteencemoment,maisjemecontentedeluirépondrequejesuis

parée.Ilseremetàcôtédemoipourobservermesgestes.Àlavaguesuivante,jefaiscommeilm’adit

etmêmesij’aidumalàremonterlabichetted’unmètrevingt,jefinisparyparvenir.J’ouvrelaboucheengrandenremarquanttroiscrevettesetunpetitcrabedansmonfilet.—Ahhh!J’airéussi!Ilricaneetm’aideàtenirlefiletpourregardermaprisedeplusprès.Ilrejettedeuxcrevettesàla

mer enm’expliquant qu’elles sont trop petites. Selon lui, on ne peut pas pêcher les crevettes pluspetitesquemonpouce.Jerejettelecrabeaussietoncontinuejusqu’àavoirunevingtainedecrevettesgrisespourcesoir.

Je le regarde, le sourireaux lèvres, sedonnerdumalpour toutpréparerpournotre repas. Ilatentédemefairerestersurlepontpendantqu’ilpréparaittout,maisjecommençaiàm’ennuyertouteseule.J’aibesoind’êtretoujoursoccupéepournepaspenseràtoutlereste.

—Allezdis-moicequejepeuxfaire!Il soupire et m’affecte à la cuisson des légumes. Comme il ne me donne pas vraiment

d’indication,jedécidedecouperlescarottes,leschampignonsetlesharicotsenpetiteslamelles.Ilsortunplatdufouretjeviensfairemafouineetregardecequ’ilacuisiné.—Hummm,çasentbon!Barencroûtedesel?Ilhochelatêteetlaissesonplatdecôtérefroidirunpeu,puisécaillelescrevettesquisontcuites.

Lespauvressesontfaitesébouillantervivantes,jecomptebienleurfairehonneurcesoir.—Tumefaisgoûter?Jeluidemande,lesmainsoccupéesàterminerdecouperleslégumes.Iltrempeunecrevettedans

la mayonnaise et l’approche de ma bouche. Je la croque en deux fois et pose mon couteau pourprendresamainetlécherlagouttedemayonnaiserestéesursonpouce.Sérieux?Onn’estpasdansunfilmpornolàTifenn!

Ilsembleabsorbéparmeslèvresautourdesonpoucejusqu’àcequ’ilrécupèresamainetlafrottecontresonjean.

—Bon!Jevaismettrelatable!Jememarretouteseuledanslacuisineetleregardepasserdehorsàtraversleshublots.En revenant de la plage, il s’est changé et amis un bermuda en jean et un tee-shirt blanc tout

simple.Samanièredes’habilleresttellementbasiquequ’onnepeutqueremarqueràquelpointilestbeau.

Jefaischaufferl’huiledanslaplushautepoêlequej’aiputrouveretymetsmeslégumes.JelesfaissauterpendantquelquesminutesavantdehélerEvanpoursavoirs’iladelasaucesoja.

Ilmeregardebizarrement,ilsedemandeclairementcequejevaisenfaire,maisjen’yfaispasattention.

Unefoismeslégumesbiencuits,jemetsletoutdansunsaladieretrejoinsEvansurlepont.Ilaunepetitetablebasseàl’avantdubateauentouréedematelasquiontl’airconfortables.Pasde

chandelle,defleuroudebellevaissellemaisunevueàcouperlesouffle.Jem’installeenfacedeluietmefrottelesmainsàl’idéededégustercepetitfestin!

Jenesaispassic’estlecadreparadisiaqueoulefaitd’êtreaucalmeseuleaveclui,maislerepassedérouledanslabonnehumeur.Jenel’aijamaisvuautantsourirequecesoiretc’estbeauàvoir.

Jel’appréciedeplusenplusetçacommenceàmefairepeur.Jesaisquejevaissouffrirsijamaisçanedurepasentrenous.Aprèsmamèreetmonpère,jenemevoispasencoreperdrequelqu’unqui

adel’importancedansmavie.Ilme dit une bonne dizaine de fois qu’il adore lamanière dont j’ai cuisiné les légumes.C’est

assez drôle quand on pense qu’il s’est creusé la tête pour organiser tout ça, cuisiner un poissondélicieux…etc’estluiquimeremercie,c’estlemondeàl’envers.

Je tente d’en savoir plus sur ses projets après le tournage du film et écoute avec attention saréponse.

—Après le tournage, ilya toute lapartiemontagevidéoetmixageaudioà réaliseravecmonmonteur.Enfin,jepensequetusaisdéjàtoutça!

Jeluisouris,j’aimelefaitqu’ilreconnaissemescompétences.— Ensuite, il y aura la promo, même si ce sont surtout les acteurs principaux qui vont être

concernésparcettepartie…Jepensequejepourraisl’écouterenparlerpendantdesheures.Ilal’airtellementpassionné…—Vienst’installeravecmoi,c’estlemeilleurmomentdenotrefilm.Je fronce les sourcilspendantquelques instants avantdecomprendrequ’ilparleducoucherde

soleil.Ilprenddeuxmatelassoussonbrasetlesplacepiledanslemeilleuraxepourqu’onprofitedela

vue le plus longtempspossible. Il en caleunpar terre et undans sondospour se faireune assiseconfortable.

Jeprendslamainqu’ilmetendetviensm’installerentresesjambes.Jepensequej’ailemeilleursiège qui puisse exister. Ses doigts me caressent doucement les épaules et les bras, alors qu’onregardetouslesdeuxdanslamêmedirection.

—Ettoiquelssonttesplans?Savoixfaitvibrersontorseetenvoiedepetitesdéchargesagréablesdanslemien.Unlégerrire

meprendenpensantàsaquestionavantquejereprennemonsérieux.— Déjà, réussir à rembourser les dettes de mon père. Et je ne sais pas, j’ai commencé à

échafauderunprojetdepuisplusieurssemaines.Si j’arriveàgarder l’île, jemedisque jepourraismonteruneaffaireetfairedeschambresd’hôtes.Jepourraiproposerunepartiedel’îleàlalocationpourdegrandsévènements,ousimplementpourpasserunweek-end.

Jelesenssourirecontremescheveux.—C’estunesuper idée!Tupourraisaussi jouersur le faitqu’unfilmaété tournédessus.Les

gensadorentcegenredeconneries!Je me marre et lui envoie un coup de coude dans les côtes. Je suis typiquement le genre de

personnequiadoreraitallervisiterunlieudetournage.Ilricaneens’excusant.—Jetel’aidit,jesuisnul…pourdiscuter.Jemecontentederiredunezenadmirantlesoleilsecoucherdansundégradéderosesaumonet

debleunuit.—C’estmagnifiqueEvan,mercipourcettesoirée.Çafaitdubiendesortirunpeudemonîlede

tempsentemps.Ilme surprendenm’entourantde sesbras commeunecouverturechaude. Il se contentedeme

teniretdenousbercerdoucement.Jerenversematêteenarrièrepourlevoirobserverl’horizon.Jeneveuxplusjamaisquittercebateau,jesuistropbien.

On reste comme ça pendant un moment, même après le coucher du soleil, sans parler. Nosrespirationssontcalmesetmesurées,onsavouresimplementleplaisird’êtreensemble.

—Allezc’estl’heuredetasurprise!Ilselèveetjesuisobligéedemeredresserpournepastomber.

—Encoreunesurprise?Ilallumelepontetdescendsagrandevoile.Jememoquedelui.—Tusaisqu’iln’yapasdeventetquetuasjetél’ancrerassure-moi?Il se contente de me répondre qu’il est au courant et que je ne dois pas bouger. Au bout de

plusieursminutes,iléteinttoutesleslumièresetrevients’asseoirdansmondos.Çacommenceàm’inquiéter,jenevoisrienàpartlalunequinousgratified’unefaiblelumière

blanche.Ilposeuneboîtederrièrenousetrapprochesabouchedemonoreilleenbaissantleton.—Tu te souviens de ces cartons remplis de cassettes que tu as trouvés ? Tum’en as parlé la

semainedernière.Jesensmesbattementsdecœurs’accélérerpendantquejerépondsquejem’ensouviens.— J’ai pris la liberté de les récupérer et de les visionner. J’ai fait unmontage avec quelques

passagesett’aimistoutlerestesurcléUSB.Jemeretourne,bouchebée.Iln’imaginepasàquelpointcequ’ilvientdefairemetouche.Jen’ai

pasbeaucoupdesouvenirsdemamère,alorslesvidéosdemonpèresonttrèsprécieusesàmesyeux.Ilme sourit etme retourne face à lavoile et je comprends enfinqu’il veut s’en servir comme

écranpournotreprojection.—Bonl’imagerisquedenepasêtreexcellente,mais…—Chut!Çacommence!Il ricaneetparsèmemoncoude légersbaisers avantdeme serrerplus encore contre luipour

regarderlefilmavecmoi.Lavidéocommenceparmamèreetmoientraindejardinerdevantlamaison.Ellechantonneun

airquejereconnaisdesuite,c’estHall&Oates~YouMakeMyDreamsComeTrue.Ellelachantaittoutletemps.Jememarreenvoyantquejemecontentedechanterles«youhouhouhou»defindecouplet.

Lesvidéossesuivententremonpèreetmoioumamèreetmoi.Cesontdetrèsbonssouvenirs.Lapremièrefoisoùj’ainagéseule,lajoieetlebonheurdemesparentsàl’undemesanniversaires,ilyamêmeunevidéooùc’estmoiquitienslacaméra.OnyvoitmesparentsdansersurunvieuxtubedeWham!unsoirdenoël.

Les larmesmemontentauxyeux,c’estbête,mais jemedisquesi jamaisunau-delàexiste, ilsdoivent être en train de danser, exactement comme sur cette vidéo. Ce sont sur ces penséesréconfortantesquesetermineleminifilmqu’Evanamonté.

Jemetournedetroisquartsetleregarde,encoreémueparlesvidéosdemafamille.—MerciEvanc’est…vraimenténormepourmoi…toutça.Jeluidisenmontrantlepaysagedesbras.Ilsouritencoin.—J’adore lemontage, c’estpasgrand-chose.Tonpèreparlait tout le tempsdes journéesqu’il

avaitpasséàs’exerceràfilmerdifférentsanglesdevuesenteprenantcommecobaye.Quandtum’asparlédescassettesque tuavais retrouvées, j’ai sauté sur l’occasion. Je suis contentqueça te fasseplaisir.

Iln’imaginepascommesesmotsmetouchent.—AttentionEvan,jepourraistrèsvitedevenirtamoule!Lorsque je le vois écarquiller les yeux, je comprends que j’ai loupé un truc. Jeme repasse la

phrasedanslatêteetlèvelesyeuxauciel.Super!Onavaitbienbesoind’undetessous-entendusàlacondansunmomentpareil!

—Je voulais dire tu sais, par rapport à l’expression : « commeunemoule à son rocher », je

parlaispasdutoutde…Tuvois?Dis-moiquetuvois?Ohmisère!Alors que jeme frappe le front en secouant la tête d’avoir gâché ce beaumoment, il se passe

quelquechosed’étrange.Evanritàgorgedéployée,sonvisagedevientlégèrementrougebienquejen’yvoispastoutàfait

clairmaintenant que la nuit est tombée.Mahonte passe au secondplan et je souris en écoutant cenouveauson.Jefinismêmeparglousser,sonrireestvraimenttrèscommunicatif.

—J’aigâchél’ambianceromantique,jecrois.Il reprendsonsouffleet toussepour se remettredeson fou rire. Il acquiesceàmaquestionen

souriant.—C’estjustequejenem’attendaispasàcequetudisesuntruccommeça.Ildoitrepenseràcequejeluiaidit,carunpetitrires’échappedesaboucheavantqu’ilpoursuive.—De toute façon,depuisque je teconnais, tune fais jamais riencommejem’yattends.Tues

vraimentsurprenanteTifenn.Surprenante? Je ne sais pas du tout comment le prendre, on utilise plutôt le terme bizarre ou

complètementbarréepourmedécrire.Jesupposequesurprenanteestunebonnechose.Ildoit remarquermonexpression,car ilpassesamainà l’arrièredemanuqueetserapproche

dangereusementdemoi.Ses lèvres s’arrêtent à quelques millimètres des miennes, je peux sentir son souffle chaud

lorsqu’ilmechuchote:—C’estunebonnechoseTifenn.Jefaislecheminrestantjusqu’àseslèvresquej’embrassesansempressement.Pourlapremière

fois,jeprendsmontempsetdécouvrequ’unfaiblegémissementremontedanssagorgeàchaquefoisquejesucesalèvreinférieure.

Jememetsàgenouxentresescuissespourêtreplusàl’aiseenfacedelui.Jelaissemesmainsleparcouriravecenvie,jeremontesontee-shirtetnosbouchessequittentletempsquejeluienlève.Ilenprofitepourmeretirerlemienaussi.

Evans’avancepourêtreallongésurlematelasetmetientleshanchespourquejerestesurlui.Jel’enjambe,etsensuneboufféedechaleurmonterenmoilorsquemonentrejambefaitpressioncontrelasienne.

Jepensequejen’oublieraijamaissonregardàcemomentprécis.J’ail’impressionquelepeudevêtements qui me reste pourrait partir en combustion instantanée avec l’intensité du désir que jeperçoisdanssesyeux.

Aulieudem’emballercommemoncorpsmeleréclamedangereusement,jepassemesmainssurlescicatricesdesontorse.Sonregardchangeetseteintedetristesseoudehonte, jen’arrivepasàcernersonétatd’esprit.

Plutôt que des mots comme la dernière fois sur le ponton, je me penche au-dessus de lui etembrassechacunedesescicatrices.Commesij’avaislepouvoirdeguérirsesblessuresintérieuresenfaisantça.

Sesmainsprennentdoucementmonvisageencoupeetmeramènentau-dessusdusien. Ilcaptemonregardetfroncelessourcils.

—Ça ne te rebute pas ?Tu peuxme répondre franchement, c’est évident que j’ai eu un passédifficile.

Jevoisqu’ilestsérieuxetc’estcequimefaitdelapeine.Jenesaispassurquelgenredefillesila pu tomber pour être si sûr d’être repoussant. Je ne sais pas non plus ce qu’il attend de moiexactement.Jevoudraisqu’ilsoitpersuadéquejeneluimenspas.

Jemeredressesansrépondreetjevoissonvisagesefermer,ilaremissonarmure.Jedéboutonnemonshort en jeanet abaissema fermetureéclair. Il fronce les sourcils et arrête

mesmainsenbloquantmespoignets.Çamefaitmalqu’ilpuissepenserunesecondequejeletrouverepoussantouquesonpassém’effraie.

—Fais-moiconfianceEvan,s’ilteplaît.Ilmerelâchelespoignets,maisprenduneinspirationcommes’ils’apprêtaitàparler.J’enprofite

pourprendreunedesesmainsetembrassesesdoigtsunparun.Jelafaisglissersurmoncœurpourqu’ilpuisseensentirlesbattementsrapides.

—Tusens?Ilsemblesedétendreunpeuethochelatête.Je fais glisser sa paume sur mon ventre et ma peau se couvre de frissons. Ma respiration

s’accélèrelorsquejecontinuemadescente.Jenelequittepasdesyeuxetmêmes’ilsemblehésiteràsuivrelemouvement,jeguidesamainsousmonshort.

—Est-cequej’ail’aird’êtrerebutéeparquoiquecesoitcheztoiEvan?Avecl’excitation,mavoixestdescendued’uneoctave.Sesprunelless’enflamment,j’aileplaisir

delevoirbaissersagarde.JesuisdenouveauaveclevraiEvan.Jegémisdeplaisir lorsqu’ilmecaressedoucement le longdes lèvresavecdeuxdoigts touten

pressantsonpoucecontremonclitoris.Ma tête tourneunpeu, j’aichaudet iln’arrangerienenseredressantetm’agrippantlespochesarrièredushort.

Jenesaispascommentilsedébrouille,maisenunriendetemps,ilinversenospositionsetjemeretrouvecouchéesurlesmatelassouslui.

Il se met sur les genoux et me retire ce qu’il me reste de vêtements. Il reste un moment àm’observer,mapeauchauffepartoutoùilposeleregard.

Jesuisquelqu’und’assezpudiqueetcommelaplupartdesfemmes,jesuiscomplexéeparuntasdetrucs.J’attrapesesavant-braspourleramenercontremoioùilneverrariendecompromettant.Ilsepencheau-dessusdemoietplaquemesavant-brassurlesmatelas.

—Çategênequejeteregarde?mechuchote-t-ilàl’oreilleavantd’enmordillerlelobe.J’ail’audacedeluirépondre«non»dansunsouffle,maisjesenstoutmonvisageprendrefeu.Il

mesouritencomprenantquejeluimens.—Ilvafalloirquetut’yhabituesTifenn, jecomptebienm’imprégnerdechaquecentimètrede

toncorps.Jenesaispasquoirépondreàça.C’estpeut-êtreparcequ’entretemps,saboucheetsesmainssont

descenduesetinfligentunedoucetortureàmesseins.Salanguetraceunsillondemapoitrineàmonnombril.Jefermelesyeuxavantdedéciderdeles

ouvrir.Jeveuxmesouvenirdecettenuit…Jeveuxtoutpartageraveclui…Il secouchesur lescoudesentremes jambes.Monpremier réflexeestdevouloir refermer les

cuisses,maissonregardd’avertissementmeretientdelefaire.Lorsqu’ilmêlesaboucheetsalanguepourtaquinermonclitoris,j’inspiretoutl’airdisponible.

C’estcommerespireraprèsunelongueapnée.Unelourdetensions’installedansmonbasventre.Jenesaispassic’estparcequeçafaitunmomentquejen’aipaseuderapportavecunmecplutôt

qu’avecmamain,maisj’aidumalàcontrôlermonexcitation.Mes tétons pointent douloureusement lorsqu’il introduit deux doigts en moi. Un long

gémissement m’échappe alors qu’il intensifie ses mouvements tout en faisant des cercles avec sa

langue.Je sens la pressionmonter inexorablement, de la sueur perler surmon front tandis que jeme

dandinepourluiéchapper.Jesaisquec’estunpeubête,maisj’aimeraisquecemomentdurepluslongtemps.Jeneveuxpasqu’ilarrêtecequ’ilfait.Jamais.Malgré mes pensées, je le stoppe dans son élan et amène son visage jusqu’au mien pour

l’embrasseravecpassion.—JeveuxtesentirEvan,luidis-jeendescendantunemainentrenousjusqu’àsonjeanqu’ilporte

toujours.Je le déboutonne et glisse mamain dans son caleçon pendant que ses baisers deviennent plus

sauvages,plusempressés.Ilposesonfrontcontrelemienetsoufflelonguementlorsquejel’enserreenfaisantdelentsvaet

viens.—Tifenn…La façon qu’il a de prononcermon prénom presque suppliant me donne des frissons pendant

qu’unepetitecoloniedepapillonss’envoledemonestomac.C’esttrèsclair,lorsquenosregardssecroisent,onestentotalefusion.Ilsaitcequejeveuxetje

perçoistrèsclairementcequ’ildésire.Ilserelèvepourretirersonbermudaetsonboxertandisquejele dévore du regard. Avec sa taille, il me surplombe et je ne peux qu’admirer sa puissance. Sesmusclespassentdelégèrementdessinésàbienvisiblesenfonctiondesarespiration.

Ilmeregardeet jevoisqu’ilmemangedesyeuxensoufflant. Ilprendunpréservatifdanssonjean et déchire l’emballage avec ses dents avant de le dérouler sur son sexe. Je n’avais jamaisremarquéàquelpointc’estexcitantderegarderunhommesetoucher.

Il prend le temps d’embrasser mon corps de la cheville jusqu’à mes lèvres en venant sepositionnerentremesjambes.

Salanguevientdansercontrelamiennependantqu’unedesesmainsvientmecaresser,commepourvoirsijesuisprêteàl’accueillir.Ilnedoitpasêtredéçudevoyage,carjesaisàquelpointjedoisêtrehumide.Lorsqu’ils’enrendcompte,ilmordmalèvreetjelesensenfin.

Jelâcheuncrid’extaselorsqu’ilentreenfinenmoi.Ilaunemaindechaquecôtédematêteetmeregardedroitdanslesyeux.Ilobservelamoindredemesréactionsetgrognedesatisfactionlorsqu’ilestcomplètementenmoi.

Je laissemesmains descendre le long de son dos en prenant le temps d’en découvrir chaquemuscle.J’écarteencoreplus les jambeset relève lebassinenpressantsurses fessespourqu’ilmepénètreencoreplusprofondément.

Unlonggémissements’échappedemeslèvres,bienvitetuesparsonbaiser.Ilseretireavantdevenirs’enfouirdenouveauenmoi.Ilaccélèresesva-et-vienttandisquej’aidesboufféesdechaleuretlecœurquitambourine.Jesensl’excitationmonteràtoutevitesselorsqu’ilmordillemoncouenmêmetemps.

Ses coups de boutoir se font moins rapides, mais plus intenses. Je m’entame la lèvre en lamordant.Je tentederetenirmonplaisiraussi longtempsqueje lepeux.Ildoitsentirquejesuisaubord,carilremonteseslèvresjusqu’auxmiennesetmedonneunbaiserquimefaittournerlatête.

—Laisse-toiallerTifenn,chuchote-t-ilunpeuessoufflé.Je le regarde tandis que sa respiration devient saccadée, il gémit et les muscles de ses bras

commencentà trembler légèrement.Voir l’effetque j’aisur luidéclenchemonpropreorgasme.Je

relâchetoutelapressionetsenslefeusepropagerdanstoutmoncorpspendantquejesuisprisedelongsspasmes.Descrisdeplaisirm’échappentetEvansombreluiaussidansunrâlelibérateur.

Ilseretiredoucementetselaissetomberàcôtédemoi,unbrasentraversdemonventre.Jemetournesurlatrancheenfacedeluietrelèveunpeusescheveuxquitombentnégligemment

sursonfront.Ilembrassemamainaupassageetmeregarded’unairdétendu,jenel’aijamaisvusiserein.Ilpassesonpoucesurmajouerougieetplongesonregarddanslemiens.

—Etdirequetoutcetemps-là,tuétaisjustesousmonnez.Moncœursegonfledebonheur,puisdepeur.Commentcemecas-t-ilréussiàmefairecomplètementtombersoussoncharmeensipeudetemps

?J’aibeaucherchéoùestle«hic»danstoutça,jenetrouverien.Etc’estbiencequimefaitpeur.Jenesuispasdansundecestéléfilmsàl’eauderosesurM6,toutn’estpasblancdanslavraievie.

Qu’est-cequejevaisbienpouvoirdécouvrir?Iln’apasdetroisièmetéton…C’estdéjàça!Jesourisenrepensantàmonrêveetmeblottitdanslesbrasd’Evanenregardant lesétoiles.Je

metsdecôtémesdoutesetdécidedeprofiterdel’instantprésent.CarpeDiem!

Chapitre13Tifenn

Çafaitdeuxsemainesque je file leparfaitamouravecEvan.Onaunpeudemalà trouverdutempspoursevoir,maisdèsqu’illepeut,ilmerejointsurlepontonenfindejournée.Lorsqu’ilnetravaillepasdenuit,ons’organisepourpasserlanuitchezl’unoul’autre.

Je commence à angoisser, car le tournage touche à sa fin, ils doivent partir dans une semaine.Nousn’enavonspasdutoutparlé,maisjemedemandecommentonvagérercettenouvelleépreuve.

Est-cequ’ilmeconsidèrecommeunepassade?Est-cequ’onvaseséparer?Jenesuispasbête,jesaisquelesrelationslonguedistancesontcompliquéesmêmepourlescouplessoudés.

Matêtefourmilledequestionetjecomptebienendiscuteravecluicesoir.Maisavantça,uneautreépreuvem’attend.GeorgeatrouvéunacheteurpourmaFordMustang.Je

suisentraindeterminerdelalustrerlorsqu’ilarrive.L’acheteuretluisortentdelacamionnetteGeorgeets’approchentdemoi.JebiseGeorgeavantde

serrerlamaindupotentielfuturpropriétairedelaFord.Ilalamainmoiteetlapoigneaussimollequ’une fiente de pigeon ! Je tente de ne rien laisser paraître demon aversion pour cette personnependantqueGeorgenousprésentepoliment.

IlsfontletourcompletdelavoitureetGeorgeluifaitl’inventairedescapacitésetdesrénovationsquenousavonsréaliséesdessus.Ilparaîtsatisfaitetdemandeàfaireuntouravecavantdesedécider.JehochelatêteetlaisseGeorgepartiraveclui.Jeneveuxpasêtredanslavoitures’ilconduitaussimollementqu’ilneserredesmains.

Jem’assoissurleperronlamaisonenattendantleurretour.Luigivientsecoucherprèsdemoicomme s’il savait que j’avais besoin de soutien. J’adore ce chien, je suis occupée à le papouillerlorsquej’entendsunbruitdemoteurfamilier.JevoislaJeepd’Evanarriveraucoinduchemin.

Ilsegareàcôtéduhangaretvientàmarencontred’unairinquiet.—J’aivupassertaFordavecuninconnudedans,tul’asvendue?Jemelèvepourl’enlaceretmarmonnecontresapoitrine:—Pasencore,ilestpartil’essayer.Il me berce doucement jusqu’à ce que je rompe notre étreinte. Je le regarde et lui demande

malicieusementsionserejointtoujourssursonvoiliercesoir.—Jenelouperaiçapourrienaumonde.J’aimevoirlefeus’allumeretcouverdanssesyeuxlorsqu’ilmeregardeavecenvie.Ilmeprend

par leshanchespourmerapprocherdeluietsesaisitdemeslèvresavecpassion.Jem’accrocheàsontee-shirtpourm’aideràmemaintenirsurlapointedespieds.Jesensmonventresecontracteretmoncœurs’affolercommeàchaquefoisquenosbaiserss’intensifient.J’aimeraisquecettesensationnemequittejamais.Jenemesuisjamaissentieaussivivantequedepuisquejesuisaveclui.

Ilagrippemesfessesdesesdeuxmainsetunlégerrâleluiéchappe.—Est-cequej’ailetempsdet’enleverceshort?Jericaneenluirépondantcontreleslèvres.—Detoutcequejeporte,c’estceshortquitefaisleplusd’effetj’ail’impression.Ilm’embrasseetmesourit.—Çafaittroismoisquetunarguestoutlemondeentedandinantdedans.Tuesunediablesse!Jememarre et l’embrasseunedernière fois en attendant unevoiture segarer. Jeme tourne et

constatequec’estGeorgeetMrMollassonquisontderetour.Jefaissemblantdenepasremarquerqu’Evansetendcommeunstringlorsqu’ilaperçoitGeorge.

—Tupensesqueçavaaller?Tuveuxquejereste?Jeluidisquecen’estpaslapeineetilparaîthésiterenmeregardantdanslefonddesyeuxpuis

finitparhocherlatête.Ilsetourneetserrelamaindel’acheteurpuiscelledeGeorge.Jefroncelessourcilsenvoyant

qu’ilsne se lâchentpas.Ondiraituncombatdecoqsà celuiqui serrera lamainde l’autre leplusfortement. J’observe, curieuse, ce duel de domination entre eux jusqu’à ce qu’Evanparte d’un paspresséjusqu’àsaJeepetmettelesvoiles.

IlvafalloirquejeparleàGeorgepoursavoircequisepasseentreeux.—C’estunvraipetitbijouquevousavezlà,jevouslaprendssanshésiter!Georgem’aditque

vousenvouliezsoixante-dixmillec’estbiença?Jehochelatêteetlesinviteàentreràl’intérieurpourréglerça.Unefoisleformulairerempli,il

metendsonchèquedebanqueetjeretiensmonsouffle.Jesorslacartegrisedelavoitureetjenotelecœurlourdladatedujoursuividelamention«vendue».Jesigneetluidonnetandisqu’unnœudseformedansmagorge.Jeretiensmonémotion,maisjesensquejenevaispaspouvoirmecontenirlongtemps.

— En tout cas vous avez une propriété hors du commun, si vous la mettez en vente un jour,appelez-moi.

JemecontentedeluiservirunsourireameretluitendslesclésdelaFord.Jerestedeboutsurleperronetlevoismonterdansmavoiture,celledemamère.Jeleregardeemportertouscessouvenirsaveclavoiture.JesenslamaindeGeorgesurmonépauleetdèsqu’ilpasselevirageduchemin,jen’arrivepasàmecontenir.

Cesontd’aborddeslarmessilencieusesquicoulentlelongdemesjouespuisjemetourneversGeorgeetmelaissetomberdanssesbras.

—Ohmajolie,vienslà.Moncorpsestsecouédegrossanglots.—Jesaisquec’estpasfacile,maisçavaallernet’inquiètepas.Jesuislàd’accord?Jetentedemereprendre,maisj’aidumalàrespirer.Jelelâcheetleremercie.Çametouchequ’il

soitlàetqu’ilmesoutiennealorsqu’onneseconnaissaitpassibienqueça.Aprèstoutc’étaitunamidemonpère, je lui parlais de temps en temps,mais je n’ai jamais nouéde liensd’amitié avec luiavantlamortdemonpère.

—Désolée,jepensaisarriveràmecontenir.Jeluidisensouriant.—C’estnormal,j’imagineàquelpointcettevoitureétaitimportantepourtoi.Jerentrememoucheretilmesuit.Jenoussersdesbièresetons’installesurnotrebanc.C’estune

habitudequ’onapriseensembleetmêmesijelefaisaisavecmonpère,jetrouveçaréconfortantdepartagercegenredemomentavecGeorge.

—Ques’est-ilpasséentretoietEvanpourquevousvousévitiezautant?Il faitsemblantdenepascomprendre,mais iladéjàéludécettequestionunefois, jenevais le

laissersedéfilerencore.J’insisteetilfinitparsoupirerenhochantlatête.—Jenevoyaispasd’untrèsbonœilsarelationavectonpère.Jeboisunegorgéebienfraîchedebièreavantdeluidemanderdem’endiredavantagesurleur

amitié.Ilsembleréfléchiràlatournuredesesphrasesavantdepoursuivre.—Tonpèrel’asortid’unesituationdifficileetl’aenquelquesorteprissoussonaile.Ilneparlait

pasbeaucoupdelui,maisilpassaitsontempsàcouriràdroiteàgauchepourlui.

J’ailasensationqu’ilnemeditpastoutetavantquejeneluiposed’autresquestionsilsetourneversmoietm’avoue.

—Tonpèreétaittoujourslàpouraider,jesaisqu’illuiaprêtédel’argent,d’ailleursilm’enaprêtéaussi.Jemedisques’ilavaitétémoinsgénéreux,tun’auraispastouscesproblèmesàgérer.Tuestropjeunepouravoird’aussilourdesresponsabilités.

Jesouris,touchéeparsesmots.—JesurvivraiGeorge,jesuisjeune.Ilsemarreetsecouelatête.—Tuesaussitêtuequetonpèrel’était,jesuiscertainquetut’ensortirascommeunechef!

Ilfaitencorechaudlorsquejesorsdelapréfecture.J’enprofiteetmarchelentementpourallerauport,carunefoisquel’étéseraterminé,onn’estpasprèsderevoirlachaleuravantdelongmois.

Jeviensdedéposerlespapiersdelaventedelavoiture,jesuiscontented’enavoirterminéavectoutça.Sanscompter lechèqueastronomiqueque jeviensdedéposerà labanque. Il faudraque jepenseàfaireunscreenshotdemoncompteavantdevirerl’argentaucréancier.

En approchant de l’entrée du port, j’aperçois Evan au loin en grande discussion avec… jemerapprochepourvoirsijeconnaislafemmeavecquiilparle.Lorsquejelareconnais,j’écarquillelesyeux.Clarissalapute!

Il a l’air mal à l’aise en lui parlant et je souris en voyant son expression changer lorsqu’ilm’aperçoit.Ungrandsourireluibarrelevisageetilmefaitsignedevenirlerejoindre.

Ilm’attireàluilorsquej’arriveprèsd’euxetmeditensouriant.—Clarissa,jeteprésenteTifenn.Tifennjeteprésente…—OnseconnaîtdéjàEvan.Décidément,lemondeestpetit!Elleserenfrogneenregardantlamaind’Evanseposersurmonventreensignedepossession.Je

prendsunpiedmonstreàlirelajalousiedanssesyeux.Elleestmariée,jesuissûrqu’ellevitdansunemaisonimmense,maisellenesaurajamaissecontenterdecequ’ellea.Elleremetl’ansedesonsacàmainsursonépauleetregardeEvanensouriantcommeunepimbêche.

—BonEvan,c’étaitunplaisirdeterevoir,surtoutsituasbesoindequoiquecesoit,fais-le-moisavoir.Tifenn!

Jelaregardes’éloignerd’unpaspresséavecunplaisirnondissimulé.Evansouffleetsetourneversmoi.

—Mon dieu je croyais ne jamais réussir à me débarrasser d’elle, tu es arrivée pile au bonmoment!

Ilm’embrasseetm’aideàmontersursonvoilier.Unequestionmetrottedanslatêteetjedécidedeluidemandercommentillaconnaît.

Sonsouriresecrispelégèrement,maisilnesedémontepasetmerépondavechonnêteté.—Jesuissortiavecelleilyaplusieursannées.Jesuisvraimentsurprisequ’ilsesoitintéresséàelle.Jeveuxdireonestdiamétralementopposée.

Ildoitleremarquer,carilrectifie.—Enfinpasvraimentsorti…J’aijustecouchéavecelle…enquelquesorte.Jeluifaislesgrosyeux.—Enquelquesorte?Tuascouchéavecelleounon?Ilgrimaceetjem’insurge.—C’estquandmêmepascompliqué!Est-cequetuas trempétonbiscuit?Est-cequetuasfait

sprinterl’unijambiste?Est-cequetuasplantélejavelotdanslamoquette?Tusaisis?Iléclatederire.—Sprinterl’unijambistesérieux?Tusorsçad’où?Jepointeundoigtsurluiengardantmonsérieux.—NechangepasdesujetEvanKergoat!Iltentedeneplussourire,maisjevoisbienqu’iladumal.Jecommenceàmetrouverridicule,je

nesaispaspourquoijesuisénervéeaprèstout,ilfaitcequ’ilveutdesavie.—Çanes’estpaspassécommeça.Enfinsitechniquement,mais…commentt’expliquerça…Ilréfléchitetj’aienviedeluienmettreune,s’ilcomptem’expliquerdansledétailcommeill’a

prise,çanem’intéressepaslemoinsdumonde.—Tun’esquelatroisièmefemmeaveclaquellejecouche.Ettueslapremièreavecquij’aiune

relation.Jesuissurlecul,d’ailleursjem’assoissurundesmatelassurlepontduvoilier.—Lesdeuxpremièresfois,c’étaitunteldésastrequejen’aijamaisvouluretenterl’expérience.

Jenesupportaispaslecontactphysiquealorsjetelaisseimagineràquelpointc’estdifficiledegérerunrapportsexuel.Riendetoutcequej’aiconnun’aressemblédeprèsoudeloinàcequej’aiavectoiTifenn…tucomprends?

Jemeregorgedesesparolesethochelatête.Etpuisjesuisbienmalplacéepourluidirequoiquecesoitalorsquej’aiaussiunpassésentimental.Jechangedesujetetluiparledelaventedecetaprès-midi.

Ondiscutependantunlongmomentletempsqu’ilm’emmènedansunenouvellecrique.J’adoreles endroits qu’ilme fait découvrir, c’est toujours splendide. On entre dans la crique à l’abri desvaguesetiljettel’ancre.Jemepencheau-dessusdubordetsiffled’admiration.

—Ondiraitlaméditerranée!L’eauesttransparente,tuasvuçaEvan?Lamerestbleulagontrèsclairetonvoitlefondmalgréplusieursmètresdeprofondeur,c’està

couperlesouffle!Jen’entendspas sa réponsealorsme tournevers lui alorsqu’il enlève son tee-shirtd’ungeste

assuré.Ilcourtetplongesanshésitationsdansl’eau.Jemedépêched’ôtermonjeanetmondébardeurlorsqu’ilremonteàlasurface.

—Elleestsuperbonnedépêche-toi!Comme je fais toujours dans la finesse, c’est en criant « Yihaaa » que je cours puis saute en

bombedanslamer.C’estvraiqu’elleparaîtpluschaudequ’àlamaison.Çasevoitquelecoinestabrité.—Trèsgracieuxtonsautmabelle!Jenage jusqu’àEvanet lecouleenpesant toutmonpoidssur lui. Jeparsnagerplus loinpour

éviterlesreprésailles,maisilestplusrapidequemoi.Ilparvientàagrippermonbasdemaillot,maisj’arriveàmelibérer.Alorsquejenageverslaplage,jel’entendscrier.

—IltemanqueuntrucTifenn!Je me retourne pour le voir brandir mon slip fièrement. Je me marre en me disant

qu’heureusementl’îleestdéserte.Jereviensverslebateauenpetitebrasse.Jetentederécupérermonmaillotdesmainsd’Evan,maisillelancesurlebateau.

Jeluientourelatailleavecmesjambesetsouritenenlevantlehaut.Jelelancesurlevoiliersousleregardaffaméd’Evan.

—C’estpasmalenfait,ondevraitsebaignernusplussouvent!—Tudevraisresternuetoutelajournée…

Jericaneenlevoyantlouchersurmapoitrine.Jeclaquemesdoigtsdevantsesyeux,maisilbalaiemamaind’ungeste.

—Attends,çafaitlongtempsquejenelesaipasvus.Saluttoi!dit-ilenprenantmonseindroitencoupeetensuçotantmonmamelon.

Jedéglutisalorsqu’ilcontinuesonmanège.—Soispasjalouxjevaism’occuperdetoiaussi,dit-ilenréprimandantmonseingauche.Jesuisprised’unfourire.—Tuparlesàmesnibards?C’estpirequecequejepensais,luidis-jeenm’éloignantdelui.— Reviens par là, j’ai pas terminé, oh salut à vous mes jolies ! dit-il en voyant mes fesses

remonteràlasurfacelorsquejemeretournepourallerverslebateau.—TumefaisflipperEvan…Maisqu’est-cequetufais?Il souritmalicieusement et tente deme rattraper. Je rigole en nageant aussi vite que je le peux

jusqu’àl’échelle.Jemedépêchederemontersurlevoilier,maisjecrielorsqu’ilmemordlefessieralorsquejegrimpeàlal’échelle.

—T’esungrandmalade!Jenedoispasêtretrèscrédible,carjesensqu’ungrandsourirememonteauxjouesenledisant.

Ils’arrêteuninstantpourmeregarder.Jesuisfoutue…maisçam’estégal!

Chapitre14Tifenn

Cematinàmonréveil,j’entendslapluies’abattreviolemmentcontrelesvitresdemachambreetl’oragegronderdehors.Jedétestelesoragesici,onnesaitjamaiscombiendetempscelavadurer.Çapeutsecompterenheurescommeenjours.

JemedépêchedefermertouslesvoletsdelamaisonetdefairesortirLuigiavantqueçanesoitlatempêtedehors.

Enremontantpourfermerlesvoletsdemachambre,jem’arrêtedevantcelledemonpère.Jen’yai pas mis les pieds depuis sa mort, je repousse ce moment depuis mon arrivée ici. Aujourd’huiencore,jepourraismedéfiler,maismaintenantquejesuisdevant,jepenseêtreprête.

Jesouffleentremblantlégèrement,j’abaissemamainsurlapoignéeetentredanslachambre.L’odeurquiyrésidemefaitmonterleslarmesauxyeux.Jelesfermeetc’estcommes’ilétaitlà,

avecmoi.Ma poitrine se comprime et jemanque d’air. Jem’approche de la fenêtre et l’ouvre engrandpouraérer.Jedescendsetfaisunaller-retourencourantduhangaràlamaisonpourprendrequelquescartons.

JenevoispasLuigi alors je refermederrièremoi et retourneà l’étageavecdes ciseauxetdugrosscotch.

J’ouvresonarmoireetemballetoutsaufsavestefétichequ’ilmettaitsouventpoursepromeneretbricoleràlamaison.Contrairementàcequej’auraipupenser,c’estunpeumoinsdurdemeséparerdesesaffaires.Jesaisquelesvêtementsservirontàdespersonnesdanslebesoinetc’estcertainementlameilleurechoseàfaire.Ceseraittellementdommagedelaissercettepièceprendrelapoussière.

Lorsque j’ai terminé de vider sa grande armoire, jeme tourne vers son bureau en serrant lesdents.

Il passait le plus clair de son temps assis ici. Jem’avance etme saisis de son carnet de notes.Plusieurspagesontétédéchiréesetonpeutvoirsurlesautresqu’ilygriffonnaitdesidéesdescript,des techniques pour filmer certains plans… Je le mets de côté avec la veste. Peut-être qu’Evanarriveraàdéchiffrersesnotesetqu’ilpourras’enservir.Ilenferameilleurusagequemoidanstouslescas.

Jeprendslecadreaucoindesonbureauensouriantc’estunephotodemoietmaman.Onprendlapausesurlaplageenriant.Jelaserrecontremoncœuravantdelamettredecôtéégalement.

J’ouvrelegrandtiroircentralquisetrouvesousleplateaudesonbureauettombesurlecontratdetournaged’Evan.Jetombesurplusieursfeuillescouvertesdechiffresetunlégerrirem’échappe.

—Ahpapa,jevoisqu’onestpasséparlamêmegalère!Alorsquejem’apprêteàmelever,jeremarqueuneenveloppekraftposéeàlaverticalecontrele

secrétaire du bureau. Je m’en saisis et mon cœur tambourine lorsque j’y vois mon prénom notédessus.

Marespirationestsaccadéetandisquej’ouvresoigneusement l’enveloppe.J’ensorsuneuniquefeuilledepapierA4,commecellesdesonbloc-notes.Jesouffleetregardeleplafond.Jenesaispaspourquoi,mais j’ai peur de la lire. Je l’emmènedansma chambre et allumemonordinateur pourappelerJess.Parchance,cettefoiselledécrochedèslasecondesonnerie.

—Salutmoruejepensaisjustementàtoi,çava?Jenerépondsrienetresteunpeuhébétédevantl’écran,jenesaispasquoiluirépondre.Est-ce

quejevaisbien?—Tifennqu’est-cequisepasse?

—Jesuisalléedanslachambredemonpère…J’aitrouvéunelettrepourmoi.Sonvisagechangeetjevoisqu’elleestinquiète.—Oh…Qu’est-cequeçaditmachérie?Jehausselesépaules.—Jenesaispasjeviensdelatrouver,jevoulaisquetusoislàquandjelalirais…Ellesouritavecdouceuretmeditqu’ellenebougepasetquejepeuxlalirelorsquejemesentirai

prête.J’inspireetexpireplusieursfoisavantdelalireàvoixhaute.Mafillechérie,Je sens ma voix trembler en lisant ses premiers mots. Je respire et cligne plusieurs fois des

paupièresavantdereprendre.Jenesaispasquelsmotsemployerpourtedireàquelpointjesuisdésolé.Jetelaissesansfamilleetavecunedetteastronomique.Tousmeseffortsn’ontpassuffiàrégler

masituationfinancièredéjàprécairedepuisunlongmoment.Nem’enveutpastrops’ilteplaît…Heureusement, tu as Jessica pour t’épauler dans cette épreuve. J’ai le sentiment que vous

partagezuneamitiéindéfectible,c’estunechosemerveilleuse.TuvasrencontrerEvand’icipeu.Jenet’aijamaisparlédelui,cartuavaisbienassezàgérer

commeça.Jel’aiconnuilyavingtans,jesuissûrquetuserasassezintelligentepourcomprendrecequeçaimplique.Laisse-luiunechancedet’expliquersonparcours.C’estunhommebien!

Aprèsletournage,vendsEnezCoat!Remboursemadetteetgardelerestepourdémarrerunenouvellevie.Jesaisquej’aitoujoursditquejenevendraijamaiscetendroit,maisregardeoùcelam’amené.Crois-moijem’enveuxaujourd’hui.

Je sais que tu dois être en colère contre moi pour ne pas t’avoir dit à quel point mon étatempirait.Maisjel’assume,tutesouviendrasdemoisousmonmeilleurjour!

Hier,j’aifaitunelonguebaladelelongdelaplagelàoùjevousaiprisenphotoavectamère.C’estundemesplusbeauxsouvenirs,cefutunejournéeparfaitecommeonenvitpeu.J’aieuunevie bien remplie et je remercie le ciel chaque jour d’avoir eu une femme et une fille aussiexceptionnellesquetamèreettoi.

TamèreétaitmonEderna,j’espèredetoutcœurquetutrouverastonAlanic.Avectoutmonamour.Yves.Je fonds en larme devant mon ordinateur et Jess tente de me rassurer avec des paroles

réconfortantes.Unefoisquejen’aiplusdelarmesenstock,jememouchebruyammentetmesèchelesyeux.—Tifenn…tusaisdequoitonpèreparlaitconcernantEvan?Jelaregardeetréfléchisenmêmetemps.Ilyavingtans…Moncœurseserredouloureusement

etjedisàJessd’unevoixblanche.—Mamère…Elleestmorteilyavingtans.Elleplacesamaindevantsabouche,aussibouleverséequemoi.—Tucroisque…—Quoid’autre?IlfautquejevoieEvan!JeterappelleJess.—Tifennregarde-moi!Respireokay?Nefaisriendestupide!Jeraccrocheetdescendsentrombelesescalierspourprendremontéléphoneportable.Alorsque

j’appelleEvan, jemerendscomptequeLuigin’estpas là.J’ouvrelaported’entréependantqueçasonneetl’appelle,maisilnevientpas.Jesorspourvoirsijel’aperçois,maisnevoisrien.

—Saluttoi.—Evan!Dis-moiquetun’yespourriendansl’accidentdemamère!Evan,tum’entends?—Tifennoùes-tu?C’estquoicevacarmederrièretoi?Jeserrelesdents,ilnerépondpasàmaquestion.—Luigiadisparu,jevaislechercher!Evancommenttuasrencontrémonpère?Dis-moiquetu

n’aspastuémamères’ilteplaît?Jesensdessanglotsmesecoueralorsqu’ilrépond:—J’arrivetoutdesuite,j’étaisencheminpourvenirtevoir,nebougepasattendmoi!—Evan?Evan!Maisc’esttroptard,iladéjàraccroché.JeglissemontéléphonedanslapochedemonjeanetappelleLuigienm’éloignantverslaforêt.

Jecommenceàgrelotter,leventsouffleetlapluiemefouette,maisjecontinueàcouriretàappelermonchien.

Jem’enveuxdel’avoirfaitsortirparcetemps.Sijamaisilluiarrivaitquoiquecesoit,jenemelepardonneraijamais!

Lesmotsdelalettredemonpèrerésonnentdansmatête,meretournantl’estomac.Jem’arrêteetmepencheenavantpourrendretoutcequej’aidansleventre.Jetrembledefroid,lorsquesoudainj’entendsdefaiblesaboiements.

Jecoursdansladirectiondecebruitjusqu’auborddelafalaiseescarpée.Jedérapesurlespierresfriablesetglissesurlapierred’endessous,m’entamantlesavant-bras.

Jesensunebrûlure,maisj’oublietoutlorsquej’aperçoisLuigiplusbas.Leslarmesmemontentauxyeuxenlevoyantétaléparterreplusieursmètresplusbas.Jetentedelerassurer.

—Jesuislàmonloulou,j’arrived’accord?Nebougepas.Jedescendsprudemmentlelongdelafalaiseenvérifiantmesappuispournepasmefaireavoir

unesecondefois.JecontinueàparleràLuigiquibatmollementdelaqueue,allongéparterre.J’ail’impressionqu’ilnepeutpasbouger,ilfautquejefassevite.

Lorsquej’arriveenfinsurlesable,jecoursversluietmelaissetomberàsescôtés.—Coucoumonbeau,çavaallerjesuislà,d’accord?Evanarrive,ilvanoussortirdelà.Jelacaressedoucementettentedevoircequicloche.Ilcouinelorsquejetouchesesdeuxpattes

avantetjecomprendsqu’ilnepourrapasserelever.Jeregardelehautdelafalaiseàtraverslerideaudepluie.Jen’yarriveraijamaistouteseule.

Je lâcheuncri envoyant l’eauarriverbeaucoup tropviteversnous.C’estmaréehauteet aveccettetempêtelamerseraànotreniveaudansmoinsdecinqminutes.

—EVAN!Je crie son nom une dizaine de fois enmettantmesmains en porte-voix, en priant pour qu’il

m’entende.Jevoislamermonterinexorablementetmeprendslatêteentrelesmains.Luiginepourrapasmarcherninager,ilesthorsdequestionquejelelaissemouririci!

—RéfléchisTifenn,réfléchis!Je regarde les manches déchirées de ma veste à capuche puis j’examine les environs à la

recherchedequelque chosequi pourraitm’aider. Je vois plusieursmorceauxde cordedepêcheuréchouéunpeuplusloin.

—JereviensLuigi,net’inquiètepas.Je cours comme une dératée et tente d’oublier l’eau qui commence à arriver jusqu’à nous. Je

prendslacordelaplusgrandeetlaplussolidequejetrouveetreviensjusqu’àLuigiaussivitequepossible.

—J’aiunplanmonchien,çavaaller!J’enlèvemavesteetl’étendssurlesable.JetraînedifficilementLuigiaucentredelavesteetses

couinementsdedouleurmebrisentlecœur.JezippemavesteavecLuigidedansetretirelecordonquisetrouvedanslacapuchepoursaucissonnélebasdelavesteàsespattesleplusserrépossible.

Je prends la corde de pêcheur et m’échine à le saucissonner en faisant plusieurs nœudscoulissants,suividenœuddehuit.J’espèrequejenesuispasfolledetenterunechosepareille.

Jemeretourneprécipitammentlorsquej’entendsunbruitd’étouffement.L’eauestdéjàlà,jemedépêche de sortir la truffe de Luigi de l’eau et profite que la marée se retire un instant pourm’accroupiretreleverLuigiàlaverticale.

—Çavaallermonchien,jevaisteporterçavaaller…Jenesaispasqui je tentederassurer leplus,mais lestressmegalvanise.Jepasselacordesur

monépauledroiteet faisun touren lapassant sousmonbrasavantd’entourerma taille avec? Jerépète la même opération de l’autre côté et serre le tout. Je force sur mes jambes et grimace ensentantlepoidsimposantdeLuigisurmondos.

Je tente de faire quelques sauts sur place pour tester la solidité demes nœuds et suis satisfaitequandriennebouge.L’eauarriveàmesmollets lorsquejem’activepourmontersurunrocherunpeuplushaut.J’aidumalàtrouverunepositionstablealorsjefaisdemonmieux.Lorsquej’arriveenfinsurmonrocherdeuxmètresplushaut,jesuisensueur.

—EVAN!Jecriesonprénomàm’enarracherlescordesvocales.Jen’arriveraijamaisàmonterjusqu’en

haut toute seule. Je fais une pause pour reprendre des forces et observe la falaise pour voir quelcheminestleplussûr.

Luiginecessed’aboyeretmêmesic’estassourdissant,jenelestoppepas.C’estpeut-êtrenotremeilleurechancepourqu’Evannousentende.L’eauprogresseviteetjedoisdéjàyretournerafindegarderunebonnelongueurd’avance.

Jenesuisplusqu’àunmètreduprochainrocher,lorsquelapierresurlaquellejeposemonpiedcèdesousnotrepoids.Uncridedouleurm’échappelorsquejesenslarocheentamermesmains.Jenoustiensàlaforcedesbrasettâtonnedanslevidepourtrouverunautrepointd’appui.Unefoisquejel’aitrouvé,jesouffleetmeconcentrejusqu’àarriverenfinsurl’autrerocheplateàmi-hauteurdelafalaise.

Jerespirepourreprendremonsouffleettentedefaireabstractiondelacorderêchequientamemapeau.

Je reprendsma remontée,mais je sens lesmusclesdemesbras se tétaniser. Je suis obligée dem’arrêter en plein milieu d’un endroit périlleux, car les tremblements dans mes bras sontincontrôlables.

Jepleurededouleurenmecramponnantdetoutesmesforces.—Putain!Luigionvapascrevericicommedesconsbordel!Jetentederelâcherdoucementundemesbrasetledescendslentementlelongdemoncorpspour

tenter d’assouplirmesmuscles.Çamarche alors je répète lamêmeopération avec l’autre bras enretrouvantl’espoir.

Letempsd’uninstant,jecroisentendremonprénomauloin.—EVAN!Luigiaboieluiaussi,maisjenevoispersonne.Jesuisentraind’halluciner!—Tifenn!TIFENN!Cettefois,c’esttropdistinctpourêtreunehallucinationalorsjecriedetoutesmesforces.

JevoisEvanarrivertroismètresplushaut.Etvusonexpression,ilestbienconscientdelamerdedanslaquellejemesuisfoutue.

—NebougepasTifennj’arrive!—Attentionc’esttrèsescarpéetlespierressontfriables!Jen’aijamaisétéaussiheureusedelevoirqu’àcetinstant.MêmeLuigis’estarrêtéd’aboyer.Mon

cœurfaitunbondlorsquejelevoisdéraper,maisilserattrapedejustesse.Ilarriverapidementàmonniveauetjaugemoninstallationd’unregardahuri!—Jen’aiplusdeforce,jecommenceàtétaniserdepartout.—JevaismonteraprèstoiettenterdetesoulagerunpeudupoidsdeLuigid’accord?Jehochelatêteetserrelesdentsenreprenantlamontée.C’estplusfacilesanslepoidsduchien

quim’entraîneverslebas.Jegrimpeplusviteetmesmouvementssontplussûrs.—ÇamarcheEvan!Onestbientôtenhaut!Jel’entendsgémirsousl’effortquidéploiepourmonteravecLuigiquireposeenpartiesurune

desesépaules.Lorsquemamainrencontreunemotted’herbe, j’aipresqueenviedepleurer.Evannouspousse

aussi fort qu’il le peut,m’aidant àme hisser sur la terre ferme. Je reste couchée sur le ventre lesjambesdans levide en soufflant le tempsqu’Evanmonte.Une foisqu’il est enhaut, il tire sur lescordesdemesépaulesnoustrainantsurl’herbejusqu’àcequ’onsoitensécurité.

Deslarmesdepeuretdesoulagementmêléescoulentsilencieusementlelongdemesjoues.Evansedépêchedesortirsesclésdesapocheetouvresoncanifpourcouperlacordequim’entrave.Ilestobligédelasectionneràplusieursendroitsàcausedesnœuds.

—AttentionàLuigi,ils’estblesséauxpattesavant.IlprenddélicatementLuigietlecoucheavecprécautiondansl’herbe.Jemeretournesurledoset

grogneensentanttousmesmusclesendoloris.Evancommenceàmeprendresouslesbraspourm’aideràmerelever,maisjegémisdedouleur.—Attendlaisse-moireprendremonsoufflequelquesminutes.Ilvients’accroupiràcôtédemoietécartelesmèchesdecheveuxquientraventmonvisage.—BonsangTifenn…J’aieulapeurdemavie!Qu’est-cequit’aprisdefaireça?Jehochelatêteenrespirantunpeuplusfacilement.— Luigi, il a dû vouloir descendre et il est tombé. Il était bloqué en bas, il ne pouvait pas

bouger…—Tuauraisdûm’attendre!—Ilseraitmortsi jet’avaisattenduEvan!Lamermontaitet ilnepouvaitplusbouger, j’aieu

tellementpeur…Ilm’aideàm’asseoiretmeserrecontreluienmeberçantdoucement.Jeluifaissignedem’aider

à me relever et remarque que même si mes muscles sont douloureux, je peux marcher sansproblèmes.

EvanprendLuigidanssesbrascommes’ilnepesaitquequelquesgrammesetnonquarantekilos.Une fois calée sur les sièges arrière de la Jeep d’Evan avec Luigi, il démarre et nous conduitdirectementchezlevétérinaire.

Je sais que je n’ai que des égratignures, il n’y a pas d’urgences pour moi. Une fois chez levétérinaire,l’internequinousvoitentrerécarquillelesyeuxavantdeseprécipiterversnous.Jeluiexplique ce qui s’est passé et avec l’aide du vétérinaire de garde, ils emmènent Luigi en salled’examenpourvérifiersonétat.

Jem’assoisdans lasalled’attenteetattend leverdictunpeuangoissée.J’espèreque jen’aipas

aggravésoncasenserrantlescordes.Evanmeserrecontreluiettentedem’apaiser.Levétérinairerevientvingtminutesplustard.—Bonplusdepeurquedemal,ilvabienilauneentorseàchaque…Jen’entendspaslerestedecequ’ilmeraconte,jesouffledesoulagement.— Je vais le garder cette nuit en observation et voir comment il se porte demain. Je vous

appellerai,vousavezbiensignétouslespapiersavecmonassistante,j’aivoscoordonnées?Jeleregarded’unairabsentetEvanluirépondqu’ils’enestoccupé.— Vous devriez faire examiner vos bras maintenant, ça n’a pas l’air grave, mais il faut

désinfecter.

Chapitre15Evan

Aprèstroisheuresd’attenteauxurgences,etpresqueuneheuredesoinpendantlaquelleTifennaeuledroitàtouteunebatteriederadiosetdepansements.Noussommesenfinsurlarouteduretour.

—Tifenn,àproposdecequetum’asditautéléphonetoutàl’heure…—Onenparleraàlamaison,concentre-toisurlaroute.Moncœurseserreencomprenantlesous-entenduetjepinceleslèvressansrienrépondre.Une fois arrivé, je veux l’aider à sortir de la voiture,mais elleme fait signe que ce n’est pas

nécessaire.Je la suisà l’intérieuret tentedegardermoncalme.Ellemet sacafetièreen routeet se tourne

lentementversmoi.—Est-cequetuasunquelconquerapportavecl’accidentdemamère?Ellemecroit responsablede lamortdesamère?Jesens lacolèremonterencomprenantque

j’avaisbiencomprissonsous-entendudanslavoituretouteàl’heure.Commentpeut-ellecroireunechosepareille?

—C’esttonsupercopainGeorgequit’aditça?répliqué-jemauvais.Elleal’airvraimentsurpriselorsquejeprononceleprénomdesonconnarddemécanicien.—George?Qu’est-cequ’ilvientfairelà-dedans?Jetiqueetluirépondsqu’ilmedétesteetqu’ilseraitsûrementprêtàtoutpourquejem’éloigne

d’elle.—Ilm’abienditdememéfierdetoi,maisilneferaitjamaisriencontretoi!Jesensqu’elleestvexée,ellemetourneledosletempsdeprendreunpapiersurlecomptoirdesa

cuisine.Ellepresselepasetmecollelalettresouslenez.Macolères’éteintsoudainementlorsquejereconnaisl’écritured’Yves.Ellepointeledoigtsurun

paragraphequejelisàvoixbasse.—«TuvasrencontrerEvand’icipeu.Jenet’aijamaisparlédelui,cartuavaisbienassezàgérer

commeça.Jel’aiconnuilyavingtans,jesuissûrquetuserasassezintelligentepourcomprendrecequeçaimplique.Laisse-luiunechancedet’expliquersonparcours.C’estunhommebien!»

J’expirelonguementencomprenantmieuxsonraisonnement.Jeplongemesyeuxdanslessienspourvoiràquelpointelleal’airpauméeetbouleversée.

—Jen’aipastuétamèreTifenn.Jevoissestraitssedécrisperlégèrementavantqu’ellemedemandedesexplications.—Tuessûredevouloirendiscuteraujourd’hui?Tudoisêtrefatiguée.Elle part nous servir deux grands mugs de café et s’installe sur le canapé pour me faire

comprendre qu’elle m’attend. Je souffle, mon cœur battant la chamade. Si je veux sauver notrerelation,jesaisqu’ilfautquejevidemonsac.Jeprendsmoncourageàdeuxmainsetm’assoisàcôtéd’elle.

Je bois une longue gorgée de café avant de réchauffer mes mains autour du mug. Je détesterepenseràmonpasséetencoremoinsenparler.Jen’enaiparléàpersonnesicen’estàYves.Pourelle,jevaisfairel’effortdemereplongerdanslapériodelaplussombredemavie.

—Mamèreestmortequandj’avaissixans.C’estàpartirdecetâge-làquemonpèreacommencéàmebattre.Audébut,c’étaitseulementlorsquejefaisaisunebêtiseetpuisc’estdevenuunehabitude,unesortederituel.Ilpassaitmechercheràl’écoleetmefrappaitdèsnotrearrivéeàlamaison.Jelesuppliaisd’arrêter,maisilserattrapaittoujoursenm’achetantpleindecadeaux.Jepensaisquec’était

normal,alorsmêmesijesouffraisjegardaislesilence.Maisaufuretàmesurequejediscutaisavecmescamaradesdeclasse,jevoyaisbienqueleursparentsnesecomportaientpascommemonpère.

JereprendsunegorgéedecafétandisqueTifennmedévisagelesyeuxbrillants.— Je n’avais pas le droit d’aller chez des copains ni d’inviter qui que ce soit à la maison.

Aujourd’hui, jeme rends compte que c’était sûrement pour que je ne découvre pas comment unevraiefamilleétaitcenséefonctionner.Toujoursest-ilqueçaacommencéàmemettreenmargedesautres. Comme je refusais toujours leurs invitations, les gens ont arrêté dem’inviter, puis ils ontarrêtédemeparleretjoueravecmoi.J’aicommencéàpassertoutmontempsseuldanslacour,sansjamaisparleràpersonne.Lesbrutesdemonécolemeprenaienttoujourscommeboucémissaireetjesouffraisensilence.J’avaisapprisàencaisserlescoupssanscrieràforce.Lorsquej’aieuhuitans,monpères’étaitunpeulassédescoupsetestpasséaucoupdeceinture.Lorsquej’avaislemalheurdeluiéchapper, il finissaitparmeretrouveretm’écrasaitunecigarettesur lecorpspendantplusieursminutesjusqu’àcequejepleure.

LamaindeTifennseposesurmacuisse,mefaisantsursauter.Elles’apprêteàlaretirer,maisjeposemamainsurlasienneetcontinue.

—C’estpourçaquejenesupportepaslecontactdesautresjen’aiconnuquelaviolencejusqu’àl’âge de douze ans.Mon père était complètement bourré et très en colère contremoi, car j’avaisfugué.J’étaispartimeréfugiersurleportenespérantpouvoirmonterdansunbateauquimeferaitquitter cet endroit. Sur le chemin du retour, je n’arrêtai pas de lui dire de ralentir, mais il nem’écoutaitpas.Aprèsavoirgrilléunfeurouge,ilapercutéunevoiture.

JevoisdeslarmesmonterdanslesyeuxdeTifenn.—Mamère?Jehochelatêtetristementavantdereprendre.— Après l’impact, j’ai remarqué que je n’étais pas blessé et je suis sortie de la voiture en

paniquantj’aiappelémonpèrepourqu’ilviennem’aider.Ilnecessaitdemecrierdessuspourquejeremonte dans la voiture,mais je ne l’ai pas écouté. Je ne comprenais pas pourquoi il partait sansmême regarder si la personne allait bien. J’ai donc été vers la voiture fumante pour voir si lapersonne allait bien. Ta mère se démenait pour détacher sa ceinture, mais elle avait une plaie auvisage et semblait étourdie. Je l’ai aidé à s’extraire de la voiture,mais elle s’est effondrée sur lebitume.J’étaiscomplètementpaniqué, jenesavaispascomment jepouvais l’aider.Elle se tenait lajambeetc’estlàquej’aivuunmorceaudel’habitacleplantédanslehautdesacuisse.Jemesuismisàpleurerenm’excusantpourcequemonpèreavaitcausé.Elleaapprochésamaindemonvisageetacaresséma joue en séchant mes larmes. Je n’ai pas eu de mouvements de recul lorsqu’elle m’atouché.C’estcommesijesavaisquejen’avaisrienàcraindre.Ellen’arrêtaitpasdemedirequeçaallaitbiensepasser,quejedevaisarrêterdepleurer.Unevoitureestarrivéeetunhommeestvenunousaider,ilaappelélessecoursquisontarrivéstrèsvite.Maisc’étaittroptard.

Je relève lesyeuxpour regarderTifennqui est en larmes et lève lebrasprudemmentpour luifairecomprendrequ’ellepeutvenirseblottircontremoisiellelesouhaite.Jesouffledesoulagementlorsqu’elleseserrecontremoi.

—J’aivutonpèrepourlapremièrefoisàl’hôpital,ilétaitcomplètementbouleversé.Ilestvenumetrouveraprèsavoireuunediscussionaveclesflics.J’étaismortdepeur.Simonpèreétaitcapabledemebattreàcoupdeceinture lorsquej’avaisunemauvaisenote,qu’est-ceque tonpèreallaitmefaire ! J’étais en train de me faire examiner par le médecin quand il est arrivé dans la chambred’hôpital.J’aivuuneexpressiond’horreursursestraits.Luietd’autrespersonnesm’ontposédestasdequestionssurl’accident,surmonpère.J’aivoulumentir,maistonpèreaposésamainsurmajoue

commel’avaitfaittamèreplustôtetj’aisentiquejedevaisdirelavérité.Lesmoissuivants,j’étaisdansunfoyer.Monpèreestpartienprison,entremeshématomesetl’étatdelavoituredemonpère,il n’y avait aucun doute sur sa responsabilité dans lamort de tamère. J’ai été ballotté de familled’accueil en foyer. Je n’ai jamais trouvé ma place, je voyais bien que j’étais différent. J’avaistellementprisl’habitudedefuirlesgensquejenesavaispascommentm’yprendrepournouerdesliens.Tonpèreestdevenudeplusenplusprésentdansmavie.Ilétaittoujourslàpourdiscuter,pourmeguiderdansmeschoixd’école.

Jesensseslèvresseposerdansmoncoum’envoyantdesfrissons.C’estplusfaciledeluiraconterlasuite,carcenesontquedebonssouvenirs.

—Tonpèrearemarquéquej’étaisattiréparlameretm’aapprisànaviguerlorsquej’aieudix-septans.Jenepourraisjamaisassezleremercierpourtoutcequ’ilafaitpourmoi.Jeluidoistout.

J’hésiteuninstantavantdeluiconfierlasuite,maisjedécidedeluidirepourlalettre.—J’aireçuunelettredetonpèrecommelatienne.Jetelaferaislireunjour…Ellesouritavantdereprendreunairsérieux.—Jesuisvraimentdésoléed’avoirpenséque...jenevoulaispas...Jeprends sonvisageentremesmainset l’embrassedoucement. J’adore sentir sonsouffleet le

miensemêlerlorsqu’ellelâcheprise.Seslèvressontchaudesetdouces.—Cen’estpasgrave,tunepouvaispassavoir.Ellegrimaceenbougeantsonbrastropvite.Jel’aideàmonterdanssachambrepourqu’ellese

couche.Jelarejoinssurlelitetpasseleboutdesdoigtssursatempejusqu’àsamâchoire.—J’aieutellementpeurdeteperdreTifenn.Jen’aijamaiseuaussipeurquelorsquejet’aivuen

équilibresurcettefalaise.Elleme regarde,mais ne répond pas tout de suite.Elle se racle la gorge et finit par ouvrir la

bouche.—J’aieupeurmoiaussi.J’étaistellementsoulagéequandjet’aivuenhaut.Jenesaispassij’y

seraisarrivéesanstoi.Ellesetournesurlecôtépourserapprocherdemoietmeregardeaveclesyeuxbrillants.—Jet’aimeEvan.Moncœursegonfled’émotionenentendantsesmotsquimesontadresséspourlapremièrefois.

C’estunesensationbizarre,jesensmoncorpsseréchaufferetmonventresenouerlégèrement.—Jet’aimeaussi,tellementquetuvassûrementenavoirmarrerapidement.Elleritetmerétorquequ’ellem’enverradormirsurlecanapéavecLuigiquandonsedisputera.Jericaneetvoisqu’ellesembletracasséeparquelquechose.—Çanevapasmabelle?J’inspireetplongesesyeuxdanslesmiens.—Commentonvafaire? Jeveuxdire, tuvaspartird’iciquelques jours...Qu’est-cequiva se

passerpournous?Jeplanteunbaisersurleboutdesonnezenlarassurant.—Ontrouveraunesolution,ontrouveratoujoursunesolution,net’inquiètepas.Jesensqueçamoulinelà-haut,alorsjeluilancepourladétendre:—J’aitoujoursvouluessayerl’amourpartéléphoneenplus!Ellesemarreetm’embrasseavecpassion.Ellesemblerassuréeetc’esttoutcequim’importe.Jeneseraispaspartilongtempsetjesuisbiendécidéàtoutfairepourqu’ellesoitheureuse.Enlavoyants’endormirpaisiblementjemefaisunepromesseàmoi-mêmeetàYves.Jelaprotégeraitoujoursquoiqu’ilarrive...Jesuisbiendécidéàgravermonnomàcôtédusien

surlapierredulacd’EnezCoat!

EpilogueTifenn

UnanplustardC’estlegrandjour!LepremiermariagequenouscélébronsàEnezCoat.Jesuistoutexcitéepar

cettemagnifiquejournéequinousattend.Jefrappeàlaportedemachambreetentreensoufflantd’admiration.—BonsangJess,tuesmagnifique!Ellesouritaveclesyeuxbrillantsetjeluilance:—Tusaisquetouteslesfemmesprésentesvonttehaïrd’avoirretrouvélalignesipeudetemps

aprèstonaccouchement?Ellesemarreensefrottantlesmains.—J’espèrebien!Bénisoisl’allaitement,lessquatsettoussesexercicesdemusculationhorrible!Onrigoledeboncœuretjeluidemandeoùsetrouvemonpetitneveuchéri.—Ilestdéjààlacérémonieavecmesparents.Jesensqu’elleabesoindesedétendre,alorsjeluiraconteladernièredemandeloufoqued’unede

mesclientes.Elleaséjournédanslagrandemaisonlasemainedernière.—Tusaisàleurarrivée,jeleurdemandetoujourss’ilsontdesallergies,oudesalimentsqu’ils

nemangentpas,etc.?Ellehochelatête.—Et bienMadame avait une exigence. Si on venait à lui servir du poulet pour dîner, elleme

prévenaitqu’ellenepourraitmangerquelescuissesdroites!Elleéclatederirelorsqu’elleremarquequejenedéconnepas.—Tesclientssontcomplètementtarés!Jerigoleavantderectifier:—Lesgenspleinsauxasontsouventdesexigencesunpeubizarres.Jeregardemamontreetm’exclamequ’ilesttempsdepartir.Elleinspireungrandcoupethoche

latête.J’ouvrelaporteetmetourneverselleunedernièrefois.—Allonstemarierputain!—Amen!Elle rit avant deme suivre jusqu’à la voiture que j’ai garée juste devant le perron. Je regarde

fièrementmaFordMustang,maisjesuisarrêtéparJess.—Viensm’aideràfairerentrermarobedanstonvieuxtacotmorue!Jem’insurgeetc’estens’insultantdespiresnomsqu’onrouleversl’autel.Aprèslatournéedepromotionpoursonfilm,Evanm’afaitlasurprisederevenirauvolantdema

voiturechérie.IlétaitallévoirGeorgepouravoirlenomdel’acheteurets’estservidesoncachetpourlaracheter.J’étaisdéjàplusqu’heureusedeleretrouver,maisenvoyantlaFord,moncœuramanquéunbattement.J’étaiscomblée!

Jecoupelemoteuràcôtédugrandchêne.—Jevaisprévenirtonpèrequ’onestarrivée,tunebougespascompris?Cen’estpaslemoment

detelajouerfilmaméricainetdeprendrelafuite,okay?Ellesemarreetjemedépêchedesortirdelavoitureavantdemelaisseremporterparl’émotion.

JeprévienslepèredeJessqu’ilpeutallerlachercheretenlèvemestalonsdouloureuxavantdemedirigerverslaplage.C’estlàqu’onainstallél’autel.

Endescendantlespetitesmarchesparseméesdepétalesderosepourl’occasion,j’embrasselavueavecfierté.

—Papasitupouvaisvoirça…chuchoté-je.JechercheEvandesyeuxetletrouveengrandeconversationavecLaurentprèsdel’autel.Luigi

estassisàsespiedsetenprofitepoursefairegratouillerlatêtependantquesonmaîtrediscute.Je remetsmapetite couronnede fleurs enplacedansma tresse et parcours l’allée en levant le

pouceversLaurent.Ilsouritetregardeàl’horizonpourcherchersafuturefemmedesyeux.Lesyeuxd’Evaneuxmedévorentetjeprendsletempsdeluirendrelapareille.Jesuisjusteen

face de lui puisqu’on est tous les deux témoins.La teneur de son regard ne laisse pas de place audoute, quant à ce qu’il a prévu de faire ensuite. Je frissonne de plaisir avant d’entendre la petitemusiquequiannoncel’arrivéedelamariée.

Toutsedérouleparfaitementet lemariageestmagnifique!Jepleure toutau longde l’échangedesvœuxpendantqu’Evansemoquedemoiensilence.

Bon,ilrigolemoinslorsquej’attrapelebouquetdelamariéeaprèslacérémonie.Ilfautdirequejen’aipashésitéàenvoyerlacousinedeJessmangerdusablepourl’attraper!Quoi?j’ail’espritdecompétitionc’esttout!

Laréceptionesttrèsréussie.Unefoisquetoutlemondes’amuse,jepeuxenfinmerelaxer.Jeparsmarcherpourm’éloignerunpeudubruit.

Jeresteauboutdelaplageàcontemplerlameràpertedevue.Jerepenseàcetteannéequiaétévraiment richeenémotions.Entre le remboursementdesdettesdemonpère,ma relationnaissanteavecEvanet l’ouverturedemonentreprisedechambred’hôteetd’événementiel, jenemesuispasennuyée!

Je pense quemes parents seraient fiers ce que j’ai accompli ici. Enez Coat restera dans notrefamillepourencoreplusieursannéesjel’espère.Entoutcas,jeferaistoutpouryparvenir.

Jesensunepairedebrasm’enlaceretjelaissetombermatêteenarrièreaucreuxdesonépaule.—Est-cequejet’aiditàquelpointtuétaismagnifiquedanscetterobe?Bonpasautantquedans

tonshortenjean,maisriennepeutsurpasserça!Jeglousseavantdeluirépondre:—Jecroyaisquejedevaismebaladeràpoilpourêtreparfaite?C’estcequetum’asdithiersoir

entoutcas!Il me retourne face à lui et rétorque en souriant que je marque un point, ce qui me fait rire

d’autantplus.Jesensmonventresenouerd’appréhension.J’aiattendutoutelasemaine,lemeilleurmomentpourluienparler,maisaveclespréparatifsdumariage,ilnes’estpasprésenté.

Jerespireavantdemelancer.—Evan,j’aiuntrucàtedire…—Tu veux qu’on zappe la réception et qu’on rentre à lamaison pour chevauchermon corps

d’athlète?Jericaneavantderépondrenon,maisilcontinue.—Ahtuveuxçaici?C’estunpeuvoyant,maisonpeuts’éloigner!—Quandest-cequetuasdéveloppéunsensdel’humouraussiaiguisé?—C’estlefaitdevivreavectoimabelle,tum’ascontaminé!Jerigoleavantdereprendremonsérieux.—J’essaiedetedireuntrucimportantettunem’aidespaslà!Ilsouritetmimelefaitdesecoudrelaboucheavecunfilimaginaire.Jeglousseavantderespirer

ungrandcoupetdeluidiredebutenblanc:

—Jesuisenceinte!Sesyeuxetsabouches’ouvrentengrandetsonregardfaitdesallers-retoursentremonvisageet

monventre.Merdejel’aibloqué!Jeluifermelaboucheenluipassantundoigtsouslementon,maissesyeux

gardentlamêmeexpressionahurie.Jecommenceàm’inquiéter,jepensaisqueceseraitunebonnenouvellepournousdeux,maisje

nesuisplustropsûredemoitoutàcoup.Ilfinitparclignerdesyeuxetdéglutiravantdemedemander:—T’esenceinte?Jefroncelessourcils.—Oui.—Onvaavoirunbébé?—Euhouic’estleprincipe…Putainjel’aicasséouquoi?—Danscombiendetemps?Jeglousseavantderépondre:—Chezl’êtrehumain,lagestationd’unefemmeestdeneufmoisenviron.Jepensaislefairerire,maisilsecontentederépéterneufmoisenchuchotant.Ilposesamaincontremonventreetmeregarde,sonvisagesebarrantd’ungrandsourire.—Onvaavoirunbébé…Jevoissesyeuxsemettreàbrilleretsouffledesoulagement,ilm’afaitpeurpendantuneminute.

Ça ne fait pourtant que deuxmois que j’ai arrêté la pilule et qu’on avait décrété qu’on laissait lanaturedéciderdureste.

Ilprendmonvisageencoupeetm’embrassecommesisavieendépendait.Jeluirendssonbaiseraussiintensémentetilchuchotecontremeslèvres.

—Jet’aimetellement...—Jet’aimeaussiEvan,plusquetout.Ils’agenouilleetembrassemonventreavantd’entameruneconversationaveclui.—Saluttoi!J’éclatederire.—Arrête,ilcomprendrabienasseztôtquesonpèreestdérangé.Ilplongesesyeuxdanslesmiensetmoncœurseserreenvoyanttoutl’amourquesesprunelles

merenvoient.Jesensdeslarmesd’émotionaffluerauxcoinsdemesyeux.Notrevien’estpas toute tracée, je suiscertainequ’onauradeshautsetdesbas,comme tout le

monde…Maisunechoseestsûre,jel’aimeplusquemaproprevieetjemettraistoutenœuvrepourrester

àsescôtéslepluslongtempspossible.—Onval’annonceràtoutlemonde?medemande-t-iltoutexcité,maisjesecouelatêteensigne

dedénégation.—Nonaujourd’huic’estlajournéedeJess,onleursannoncerademain.Ilm’enlaceetm’embrassepassionnément.—Onpeutzapperlacérémoniemaintenantalors?Jesourisethochelatêteavantqu’ilmeprennedanssesbrasenmefaisantdécollerdusol.—Gardeçapournotremariageletrucduporté,c’esttrèsclasse.Ilmeregardeetsesyeuxbrillantsd’amourmecomblentdebonheur.

—C’estnotéMademoiselle!

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