Endophtalmie chronique après chirurgie de la cataracte

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Journal français d’ophtalmologie (2010) 33, 105—110 COMMUNICATION DE LA SFO Endophtalmie chronique après chirurgie de la cataracte. À propos de deux cas Delayed postoperative endophthalmitis following cataract surgery. A report on two cases R. Macarez a,, M. Vanimschoot a , A. Baumann b , D. Bathany b , P. Ocamica a , J.-L. Kovalski a a Service d’ophtalmologie, Hôpitaux des armées, Brest, France b Service d’ophtalmologie, CHU de Brest, France Disponible sur Internet le 18 janvier 2010 MOTS CLÉS Endophtalmie chronique ; Implant intraoculaire ; Injection d’antibiotique ; Cataracte Résumé L’endophtalmie chronique à la suite d’une chirurgie de la cataracte constitue une affection rare. Nous rapportons le cas de deux patients ayant présenté une importante inflammation intraoculaire apparue respectivement 6 et 5 semaines après une chirurgie de la cataracte, avec une baisse d’acuité visuelle et l’apparition d’une plaque blanchâtre sur la face antérieure de l’implant, sans aucune inflammation associée du segment postérieur. La prise en charge thérapeutique a comporté, outre une antibiothérapie systémique, une injection intra- vitréenne et/ou intracamérulaire d’antibiotiques. Aucun germe n’a pu être identifié chez les deux patients. L’acuité visuelle s’est améliorée dans les deux cas pour atteindre au final la valeur de 8/10 e P2. Ces observations incitent à discuter des différentes options thérapeutiques envisageables en présence d’une endophtalmie chronique et soulignent la double difficulté du diagnostic différentiel entre un rebond inflammatoire et une endophtalmie chronique, ainsi que, dans ce dernier cas, celle de l’obtention d’une preuve bactériologique. © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. KEYWORDS Delayed endophthalmitis; Summary Delayed postoperative endophthalmitis following cataract surgery remains a rare complication. We report two cases of patients who presented with marked intraocular inflam- mation following uncomplicated cataract surgery. The patients did well for the first weeks after surgery (6 and 5 weeks). Both patients presented with visual impairment, inflammatory red eye, Communication affichée lors du 115 e congrès de la Société franc ¸aise d’ophtalmologie en mai 2009. Auteur correspondant. Service d’ophtalmologie, HIA Clermont-Tonnerre, BCRM de Brest, CC 41, 29240 Brest Cedex 9, France. Adresse e-mail : [email protected] (R. Macarez). 0181-5512/$ — see front matter © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.jfo.2009.12.004

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Journal français d’ophtalmologie (2010) 33, 105—110

COMMUNICATION DE LA SFO

Endophtalmie chronique après chirurgie de lacataracte. À propos de deux cas�

Delayed postoperative endophthalmitis following cataract surgery.A report on two cases

R. Macareza,∗, M. Vanimschoota, A. Baumannb,D. Bathanyb, P. Ocamicaa, J.-L. Kovalski a

a Service d’ophtalmologie, Hôpitaux des armées, Brest, Franceb Service d’ophtalmologie, CHU de Brest, France

Disponible sur Internet le 18 janvier 2010

MOTS CLÉSEndophtalmiechronique ;Implantintraoculaire ;Injectiond’antibiotique ;Cataracte

Résumé L’endophtalmie chronique à la suite d’une chirurgie de la cataracte constitueune affection rare. Nous rapportons le cas de deux patients ayant présenté une importanteinflammation intraoculaire apparue respectivement 6 et 5 semaines après une chirurgie de lacataracte, avec une baisse d’acuité visuelle et l’apparition d’une plaque blanchâtre sur la faceantérieure de l’implant, sans aucune inflammation associée du segment postérieur. La prise encharge thérapeutique a comporté, outre une antibiothérapie systémique, une injection intra-vitréenne et/ou intracamérulaire d’antibiotiques. Aucun germe n’a pu être identifié chez lesdeux patients. L’acuité visuelle s’est améliorée dans les deux cas pour atteindre au final lavaleur de 8/10e P2. Ces observations incitent à discuter des différentes options thérapeutiquesenvisageables en présence d’une endophtalmie chronique et soulignent la double difficulté dudiagnostic différentiel entre un rebond inflammatoire et une endophtalmie chronique, ainsique, dans ce dernier cas, celle de l’obtention d’une preuve bactériologique.© 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSDelayedendophthalmitis;

Summary Delayed postoperative endophthalmitis following cataract surgery remains a rarecomplication. We report two cases of patients who presented with marked intraocular inflam-mation following uncomplicated cataract surgery. The patients did well for the first weeks aftersurgery (6 and 5 weeks). Both patients presented with visual impairment, inflammatory red eye,

� Communication affichée lors du 115e congrès de la Société francaise d’ophtalmologie en mai 2009.∗ Auteur correspondant. Service d’ophtalmologie, HIA Clermont-Tonnerre, BCRM de Brest, CC 41, 29240 Brest Cedex 9, France.

Adresse e-mail : [email protected] (R. Macarez).

0181-5512/$ — see front matter © 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.jfo.2009.12.004

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106 R. Macarez et al.

Intraocular lens;Antibiotic injection;Cataract

and a whitish plaque on the anterior surface of intraocular lenses. Posterior segment examina-tion was normal in both cases. The two patients were treated with systemic antibiotic therapyas well as intravitreal and/or intracameral injections of antibiotics. The exact organism invol-ved could not be identified in either patient. Each patient regained a final 20/25 visual acuity.Based on the clinical courses of these patients, the various possible therapeutic approachesfor delayed postoperative endophthalmitis are discussed. This report underlines the problem ofreaching the differential diagnosis between inflammation recurrence and delayed postoperativeendophthalmitis as well as obtaining positive culture results if the latter diagnosis is suspected.© 2010 Published by Elsevier Masson SAS.

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tsXvSua4tajvlLLlulaire coté à 3+ associé à une petite lame d’hypopion

ntroduction

’endophtalmie constitue une complication rare de la chirur-ie de la cataracte et de l’implantation intraoculaire. Alorsu’il s’agit le plus souvent d’une endophtalmie dite « aiguë »urvenant dans la période postopératoire précoce, elle peutgalement se présenter sous une forme dite « chronique »,urvenant après un intervalle libre d’au minimum 6 semainesprès la chirurgie et d’évolution chronique en l’absence deraitement [1]. Cette affection pose un double problèmeiagnostique et thérapeutique du fait d’un diagnostic sou-ent tardif, de la difficulté de l’identification du germe enause, mais également du choix de la stratégie thérapeu-ique à adopter. Nous rapportons deux cas d’endophtalmieshroniques postopératoires apparues respectivement 6 etsemaines après l’intervention de la cataracte.

bservations (Tableau 1)

as 1

l s’agissait d’un patient âgé de 60 ans, sans antécédentarticulier, opéré de la cataracte par phacoémulsifica-

Tableau 1 Tableau clinique initial et prise en charge thérape

Cas 1

Age (années) 60Corps étranger OuiDiabète NonAntibioprophylaxie NonIntervention Phacoémusific

incident + ICPDélai post-opératoire

(semaines)6

Acuité visuelle Initiale 3/10e P5Finale 8/10e P2

Prélèvements Humeur aqueuse Examen directCulture : —

Vitré Examen directCulture : —

Traitement Topique CiprofloxacineDexaméthason

Latérobulbaire BéthaméthasoIntravitréen Ceftazidime (J

Vancomycine (Intracamérulaire Vancomycine (Général Lévofloxacine

(12 jours)Imipénem 500

edmé

ion. Cette intervention avec mise en place dans leac capsulaire d’un implant acrylique hydrophile de typeL Stabi SKY® s’était déroulée sans incident et l’acuitéisuelle postopératoire à 1 mois était chiffrée à 10/10e P2.ix semaines après l’intervention, le patient consulta enrgence en raison d’une légère douleur de l’œil opérépparue le jour même alors que cet œil présentait depuis8 heures une rougeur et une baisse d’acuité visuelle. Leraitement postopératoire d’une durée d’un mois étaitrrêté depuis 2 semaines et le patient rapportait la pro-ection dans l’œil opéré de plusieurs corps étrangerségétaux en tronconnant quelques jours auparavant. Lors de’examen initial, l’acuité visuelle était limitée à 3/10e P5.a cornée présentait des plis descemétiques centraux.a chambre antérieure était le siège d’un Tyndall cel-

utique des deux patients.

Cas 2

77NonDNID1 cp lévofloxacine 500mg

ation sans Phacoémusification sansincident + ICP5

7/10e P68/10e P2

: — Examen direct : —Culture : —

: — Non réalisé

Ciprofloxacinee Dexaméthasonene (J2, J4 et J6) Non réalisé0) Non réaliséJ0)J3) Vancomycine (J2 et J5)500 mg 1cp x 2 Lévofloxacine 500 mg 1cp x 2

(10 jours)mg x 4 (8 jours) Imipénem 500 mg x 4 (5 jours)

t de fins précipités rétro-cornéens. Il n’existait pas’inflammation associée du vitré et le fond d’œil était nor-al. Cette absence d’inflammation du vitré nous a amenés à

voquer :

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Endophtalmie chronique après chirurgie de la cataracte

- un syndrome toxique du segment antérieur dont le délaide survenue en période postopératoire précoce n’est pasdans ce cas précis en faveur ;

- une inflammation d’origine mécanique liée à l’implant,peu probable ici du fait de la position intrasacculaire dechacun des deux implants ;

- ainsi qu’une uvéite phacoantigénique éliminée ici enl’absence de résidus cristalliniens dans le sac.

Devant ce tableau fortement évocateur d’endophtalmiechronique postopératoire, une ponction de vitré fut réali-sée, suivie d’une injection intravitréenne de vancomycine etceftazidime. Une antibiothérapie locale par ciprofloxacinecollyre et générale par lévofloxacine per os et imipénem enintraveineux furent associées. L’examen direct et la mise enculture étaient négatifs. L’inflammation en chambre anté-rieure avait diminué et l’hypopion s’était résorbé 48 heuresplus tard, mais la surface antérieure de l’optique del’implant était partiellement recouverte d’une plaque blan-châtre (Fig. 1a). En l’absence d’amélioration clinique etcompte tenu de la limitation de l’inflammation au segmentantérieur, une ponction de chambre antérieure suivie d’uneinjection intracamérulaire de vancomycine, dont une partiefut injectée sous le bord du capsulorhexis, furent réaliséesà J3. Compte tenu de l’importance de l’inflammation, lacorticothérapie locale topique par dexaméthasone collyrefut complétée par 3 injections latérobulbaires de bétamé-thasone à J2, J4 et J6. À J6, deux jours après l’injectionintracamérulaire de vancomycine, l’acuité visuelle étaittoujours limitée à 3/10e, mais la plaque commencait às’éclaircir. Lors du contrôle à J11, celle-ci s’était par-tiellement résorbée et l’acuité visuelle était remontée à8/10e P2. Sur le plan bactériologique, les cultures de vitréet d’humeur aqueuse étaient demeurées négatives aprèsun délai de 14 jours en milieu anaérobie. Les traitementsantibiotique et anti-inflammatoire locaux ont été poursuivispendant une durée de deux mois. Avec un recul de 18 mois,

l’acuité visuelle est demeurée stable à 8/10e P2 avec persis-tance de quelques traces du biofilm à la surface de l’implant(Fig. 1b) ; aucune récidive inflammatoire n’a été obser-vée.

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Figure 1. Cas 1 : aspect de l’implant à J2 (1a) et à 6 mois (1b). Aspec(a). Aspect à 6 mois : reliquats de biofilm à la surface de l’implant (b).

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as 2

l s’agissait d’une patiente âgée de 77 ans, présentant uniabète non insulinodépendant bien équilibré, opérée de laataracte par phacoémulsification sans incident avec misen place dans le sac capsulaire d’un implant acryliqueydrophile de type XL Stabi SKY®. Cette patiente diabé-ique avait de fait eu une antibioprophylaxie (lévofloxacine,comprimé 1 heure avant l’intervention). Les suites opéra-

oires furent simples et l’acuité visuelle postopératoire était8/10e P2 un mois après l’intervention. La patiente consultan urgence 4 jours après l’arrêt du traitement postopéra-oire (soit 5 semaines après l’intervention) en raison d’uneougeur et d’une douleur modérée de l’œil opéré. L’acuitéisuelle était alors chiffrée à 7/10e P3, la chambre anté-ieure était le siège d’un important tyndall cellulaire coté à+ ; le reste de l’examen était sans anomalie. Le traitementostopératoire fut repris avec diminution nette des signesnflammatoires le lendemain. Le surlendemain, rougeur etouleur avaient complètement disparu ; en revanche, laatiente se plaignait d’une gêne à la lecture. L’acuitéisuelle était alors à 7/10e P6 et l’examen retrouvait unelaque blanchâtre occupant la face antérieure de l’optiquee l’implant (Fig. 2a). Le reste de l’examen demeurait sansnomalie et il n’existait aucune inflammation au niveau duegment postérieur. La survenue d’une plaque sur l’implant,ouvant faire évoquer une endophtalmie chronique, nousmena à réaliser une ponction de chambre antérieure ainsiu’une injection intracamérulaire de vancomycine. Unentibiothérapie générale associant imipénem et lévofloxa-ine fut également instaurée. Une seconde injection deancomycine fut réalisée 3 jours plus tard et nous obser-âmes une amélioration de l’acuité visuelle concomitantee la résorption de la plaque dès le lendemain (Fig. 2b).es examens directs ainsi que les mises en culture deseux échantillons d’humeur aqueuse demeurèrent négatifsprès conservation en milieu anaérobie pendant 14 jours.

es traitements antibiotique et anti-inflammatoire locauxnt été poursuivis pendant une durée de six semaines.’évolution observée avec un recul de 10 mois fut compara-le à celle du premier cas : acuité visuelle stable à 8/10e P2,

t initial de la plaque de biofilm sur la face antérieure de l’implant

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108 R. Macarez et al.

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igure 2. Cas 2 (a) Aspect à J2 de la plaque de biofilm sur la falaque. (c) Aspect à 10 mois : résorption complète de la plaque.

ésorption de la plaque (Fig. 2c) et aucune récidive inflam-atoire.

iscussion

es deux observations posent tout d’abord le problème duiagnostic positif d’une endophtalmie chronique. En effet,ontrairement aux endophtalmies aiguës, ces endophtal-ies se présentent le plus souvent sous la forme d’un

ableau clinique peu bruyant, source de retard de prisen charge et posant un problème de diagnostic différen-iel difficile avec un rebond inflammatoire peu après l’arrêtu traitement postopératoire. Ce fut le cas de la secondebservation pour laquelle notre première attitude thérapeu-ique a consisté en la reprise du traitement postopératoire.insi, ce sont des signes tels que l’hypopion dans le premieras, mais surtout l’apparition d’une plaque blanchâtre sur’implant chez ces deux patients, qui ont permis de redres-er le diagnostic. En effet, l’hypopion s’avère être un signeeu spécifique puisque, outre une endophtalmie, il peutgalement s’observer en cas d’inflammation, de syndromeoxique ou d’inflammation liée à l’implant [2].

En plus de la difficulté du diagnostic clinique, cetteathologie se heurte fréquemment à la difficulté du diag-ostic bactériologique. Compte tenu du caractère chroniquee ces deux endophtalmies survenues plus d’un mois aprèsa chirurgie, nous avons systématiquement procédé à uneise en culture sur milieux aérobies (gélose chocolat à 37 ◦C

ous atmosphère enrichie en CO2), mais également anaé-obie (gélose au sang sous atmosphère anaérobie à 37 ◦C)vec conservation des milieux prélevés pendant une duréee 14 jours étant donné qu’un germe lent tel que Propio-ibacterium acnes met entre 2 et 9 jours en moyenne pourroître sur le milieu de culture adéquat [3]. L’enquête bacté-iologique est toutefois demeurée négative ; une recherchear PCR aurait été plus sensible sur nos échantillons qui pré-entaient vraisemblablement une charge bactérienne peumportante [4].

Propionibacterium acnes et dans une moindre mesuretaphylococcus epidermidis constituent les germes les plus

réquemment responsables d’endophtalmies chroniques eteur capacité à adhérer aux implants est bien connue [5—7].

Concernant ces patients, il s’agissait dans les deux cas’implants acryliques hydrophiles, implants dont le bioma-ériau semblerait, d’après certaines études, moins propice

lccl

térieure de l’implant. (b) Aspect à J7 : début de résorption de la

la formation d’un biofilm que le silicone ou le polymétha-rylate de méthyle (PMMA) [6,8—11]. Adán et al. [12] ontrocédé à une analyse en microscopie électronique de laapsule et de la surface des implants de 4 patients atteints’endophtalmie chronique. Cette étude a permis la mise envidence de microorganismes chez tous les patients avecnfection polymicrobienne dans 3 cas, rendant ainsi comptee la sévérité et du caractère récidivant de ces endophtal-ies, alors que les cultures n’étaient revenues positives que

hez deux patients sur quatre.L’hypothèse d’une séquestration du germe lent dans le

ac capsulaire est communément admise ce qui rendraitompte de la topographie postérieure, voire périphérique,e la plaque de biofilm au niveau de l’implant, comme c’este plus souvent le cas dans la littérature qui rapporte larésence d’une plaque dans 50 % des cas d’endophtalmiehronique [13]. En revanche, les deux patients présentaientne plaque siégeant à la face antérieure de l’optique, sansutre anomalie apparente associée du sac et en l’absencee reliquats de masses cristalliniennes. Cette absence delaque sur la capsule postérieure doit faire évoquer unenfection à Staphylococcus epidermidis.

La prise en charge thérapeutique des endophtalmieshroniques est peu codifiée, mais doit être adaptée àa gravité du tableau clinique. Dans les cas les moinsévères, un traitement médical comprenant des injectionsntravitréennes et/ou intracamérulaires d’antibiotiques estréconisé [14,15]. L’attitude comprenant une capsulecto-ie associée à l’ablation de l’implant présente l’avantage’éradiquer le foyer infectieux, mais n’est pas dénuée deisque de complications telles que le décollement de rétineu l’œdème maculaire cystoïde [16—19], ce qui impose dea réserver aux inflammations récidivantes et aux infectionsévères. Pour les cas intermédiaires, des injections itéra-ives d’antibiotiques associées à une vitrectomie par la parslana avec capsulectomie postérieure ont été proposées20].

Chez ces deux patients, l’évolution rapidement favo-able sous traitement médical nous a amenés à privilégierne option conservatrice de l’implant et de la capsule,’autant plus que la topographie antérieure de la plaquet l’absence d’inflammation associée du segment postérieur

aissaient supposer que le site de l’infection siégeait enhambre antérieure. C’est pourquoi nous avons injecté enhambre antérieure au contact de l’implant, ainsi que souse bord du capsulorhexis afin d’éliminer un éventuel foyer
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Endophtalmie chronique après chirurgie de la cataracte

infectieux intrasacculaire. En outre, dans la première obser-vation, l’injection intravitréenne d’antibiotique ne sembleavoir eu que peu d’effet quant à la résorption du biofilm,qui a été manifestement activée par l’injection de vancomy-cine en chambre antérieure au contact direct de la plaque.C’est pourquoi nous avons d’emblée privilégié cette optiondans le second cas, permettant ainsi une involution rapidedu biofilm en quelques jours.

Certaines études ont mis en évidence le rôle de vec-teur de pénétration bactérienne en chambre antérieure duliquide d’irrigation et de l’implant lors de l’intervention dela cataracte [21,22]. Compte tenu de la mise en place d’unchamp collant chargeant les cils, les seules sources poten-tielles de contamination peropératoires peuvent être, outrele liquide d’irrigation, les entrées et sorties d’instrumentsou le frottement de l’implant contre la berge cornéenne,sachant que nous avons utilisé un injecteur à usage uniquerestant en berges durant l’injection.

La constitution d’un biofilm procède tout d’abord del’adhésion à la surface de l’implant de bactéries dites« planctoniques », c’est-à-dire en suspension dans l’humeuraqueuse, qui deviennent ensuite « sessiles » et vont consti-tuer des microcolonies. Ces microcolonies se développentpour confluer et former ainsi un biofilm dit « mature »[23]. D’un point de vue clinique, la résistance aux antibio-tiques est la caractéristique la plus problématique et la plusremarquable d’un biofilm mature. En effet, les bactériesconstituant ce biofilm mature modifient leur métabolisme,ce qui les rend beaucoup plus résistantes aux attaques dusystème immunitaire ainsi qu’aux antiseptiques et antibio-tiques [24] qui, pour être efficaces, doivent atteindre desconcentrations jusqu’à 1500 fois supérieures à celles quituent les cellules planctoniques de même espèce [25]. Chezces deux patients, l’injection intracamérulaire au contactdu biofilm a permis de délivrer une forte concentrationd‘antibiotique permettant ainsi sa résorption rapide et vrai-semblablement, l’éradication du foyer infectieux comptetenu de l’absence de récidive inflammatoire avec le reculdont nous disposons.

Nous n’avons pas prescrit de corticothérapie généraleni intravitréenne pour ces deux patients compte tenu del’amélioration rapide des signes inflammatoires sous corti-cothérapie topique (et latérobulbaire dans le premier cas).

Le pronostic fonctionnel des endophtalmies chroniquesest moins réservé que celui des endophtalmies aiguëspuisque, d’après la littérature, plus de la moitié des patientsauraient au final une meilleure acuité visuelle corrigée supé-rieure à 5/10e. Chez ces deux patients, l’acuité visuellefinale est de 8/10e P2, la non récupération des 10/10e obte-nus en période postopératoire précoce dans le premier casétant probablement à mettre sur le compte des reliquatspersistants à la surface de l’implant.

Conclusion

Ces deux observations soulignent la difficulté du diagnos-

tic bactériologique d’une endophtalmie chronique. En effet,compte tenu de la négativité des cultures, la prise encharge de ces patients pèche par l’absence de preuvemicrobiologique et aurait nécessité une recherche parPCR.

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La prise en charge thérapeutique des endophtalmieshroniques est encore peu codifiée. Certaines optionshérapeutiques, telles qu’une capsulectomie associée àne ablation de l’implant, n’étant pas exemptes deomplications, nous avons préféré opter, pour ces deuxatients, pour un traitement médical conservateur de’implant qui a permis d’aboutir à un résultat satisfaisant.ette option thérapeutique nécessitera toutefois une sur-eillance clinique étroite dans les suites d’une éventuelleapsulotomie au laser Yag afin de s’assurer de l’absence deécidive inflammatoire.

onflit d’intérêt

ucun.

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