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Centrafrique Difficiles transitions politiques depuis la tragique disparition de Barthélémy Boganda

Zéphirin Mogba

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Avant-propos

Cet ouvrage collectif est le fruit d’une réflexion commune des enseignants chercheurs de l’Université de Bangui intervenant dans différentes institutions facultaires et disciplines. Son contenu fournit des éclairages, des repères à la fois historiques, politiques, sociologiques sur les principaux points de connaissances et débats relatifs à des transitions étatiques difficiles en Centrafrique depuis la disparition tragique de Barthélémy Boganda tout en ne perdant pas de vue des questions prospectives sur la refondation de la société centrafricaine fortement menacée par des crises militaro-politiques récurrentes mettant à dures épreuves son unité nationale et son avenir. En cinquante quatre années d’indépendance (13 aout 1960-2014), la République Centrafricaine a connu huit régimes politiques dont cinq (5) sont issus des coups d’Etat à l’instar des régimes de Dacko 2, du Colonel Jean Bedel Bokassa de 1966 à 1979, Dacko 2 de 1979 à 1981, des généraux André Kolingba de 1981 à 1993 et François Bozizé de 2003 à 2013, et de Michel Djotodia Am Nondroko avec la coalition des forces rebelles de la Séléka le 24 mars 2013. Ces régimes ont été tous forgés dans la violence des armes à l’exception de l’alternance démocratique de 1993 ayant porté au pouvoir Ange Félix Patassé. Les transitions étatiques dans ce pays se font à un rythme cyclique de dix ans suite à la montée des contestations politiques et syndicales. Si dans l’imaginaire populaire, ces transitions sont supposées mettre fin à des dérapages politiques, l’exclusion et relancer par conséquent la machine économique de développement, force est malheureusement de constater que les espoirs suscités de réforme, de changements institutionnels profonds et de construction d’un Etat de droit énoncés dans les premiers discours radiodiffusés des nouveaux dirigeants

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putschistes sont loin de répondre aux attentes nationales au terme de leur longévité au pouvoir. Ce qui interpelle ici est la complexification des processus étatiques transitoires actuels comparativement aux précédentes transitions politiques que le pays a connues.

Cinquante quatre années après l’indépendance, le pays passe tout son temps à payer les conséquences de l’incompréhension et des avidités des acteurs de la politique, friands des crises et de conflits pour détruire au lieu de participer à la construction et activer l’espoir. Le tissu économique nationale est en perpétuelle déconstruction car l’argent n’aime pas le bruit des crises militaro-politiques récurrentes. Les usines du coton, café, tabac, savonnerie, huilerie, les maisons de commerce, ont été régulièrement pillés au rythme des changements des régimes politiques. Le pays n’est pas capable de réparer ses bavures. Cette situation prive les jeunes générations des possibilités de mieux gagner leurs places dans le pays et les condamne par conséquent au désespoir. Dans les régions, les villages autrefois dynamiques et entreprenants se sont mués en enfer pour les masses paysannes. Depuis le coup d’Etat de la coalition des forces rebelles de la Séléka entrainant la fuite de Bozizé, le pays est assiégé par des mercenaires tchadiens et soudanais qui ont pris l’habitude de tuer et d’égorger leurs victimes. Les populations centrafricaines vivent aujourd’hui dans la peur, la hantise d’entre kidnappées et torturées par les éléments de la Séléka et des anti-balaka. L’assassinat du magistrat Martino Modeste Bria le 16 novembre 2013 a mis à nu le contexte de la grande insécurité nationale dans laquelle la transition politique a été gérée sous Michel Djotodia. Bien avant ce crime odieux, les populations de la capitale et des régions intérieures ont subi les razzias des mercenaires de la Séléka avec ses cortèges de pillage, viols, assassinats et incendies des habitations et greniers à l’échelle du territoire national. Les régions de l’arrière du pays ont été occupées et partagées entre les nombreux « généraux et colonels » autoproclamés et illettrés de la coalition en face desquels l’armée nationale a capitulé abandonnant le pays à son triste sort. Les forces de la FOMAC (Forces Multinationales de l’Afrique Centrale) dépêchées pour la sécurisation et la paix ont été dépassées par l’ampleur du drame humanitaire et remplacées par la MISCA (Mission Internationale pour la Sécurisation de la Centrafrique) habilitée à utiliser la force des armes pour rétablir la sécurité. Toutefois, ces montages institutionnels à l’échelle internationale ne peuvent ramener la RCA sur le chemin de la stabilité

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politique et d’une sécurité durable que si les centrafricains eux-mêmes s’engagent à rompre avec les pratiques récurrentes de déstabilisation de l’intérieur des institutions étatiques établies, d’œuvrer pour la consolidation de l’Etat de droit et la culture de la démocratie comme mode de gouvernement et d’alternance consensuelle du pouvoir.

Que dire des leçons apprises des transitions étatiques passées et celle provoquée par la coalition rebelle Séléka ? Qu’il s’agisse des régimes civils, militaires et militaro-politiques, tous ont provoqué à l’apogée de leurs règnes de vastes mouvements sociaux de revendication de liberté, de justice, de transparence et d’équité. Tels ont été les cas des soulèvements des élèves et étudiants en 1979 contre le régime sanguinaire de l’Empereur Jean Bedel Bokassa 1er, les marches et villes mortes organisées par les forces vives (partis politiques, syndicats, Eglises catholiques, opérateurs économiques, etc.) regroupées au sein de la CCCCN1 afin de contraindre le régime militaire de Kolingba à s’incliner devant le vent de la démocratie en 1990 et à organiser les élections démocratiques de 1993. Les causes de la difficile transition étatique sont à rechercher dans la vulnérabilité politique de l’intérieur, les ambitions militaro-hégémoniques du Tchad sur la scène politique centrafricaine et les convoitises des puissances étrangères pour le contrôle des richesses minières et pétrolières du pays. Totalement vassalisé et soumis aux ambitions hégémoniques et régionales du Président Idriss Déby Itno, le pouvoir de Bangui a du mal à contenir les nombreuses exactions criminelles des rebelles de la Séléka jamais expérimentées de la mémoire nationale. Les leaders politiques nationaux sont plus divisés qu’unis autour des intérêts géostratégiques du pays. Les périodes de gestion des processus étatiques transitoires sont souvent assimilées à des occasions de marchandage et de clientélisme par l’élite politique et intellectuelle d’accéder à des hautes fonctions de l’Etat au lieu d’être des moments intense de réflexion, de conduite et gestion des réformes et changements institutionnels. La difficile transition étatique en Centrafrique a ses racines profondes dans la non performance de la classe politique à formuler des offres de changement social et à les transformer en des actions concrètes mesurables, l’instrumentalisation des idéaux politiques légués de Boganda par les régimes civils et militaires successifs en mal de légitimité, le déficit pédagogique et en vision prospective 1CCCCN : Comité de Coordination pour la Convocation de la Conférence Nationale.

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des partis politiques sur la refondation de la société centrafricaine. L’accumulation des tares dans la gouvernance des difficiles transitions politiques en Centrafrique empêche le pays de connaitre une stabilité durable et de développement et à l’Etat d’esquisser des voies prospectives de sortie des crises récurrentes et à la population de vivre dans la prospérité.

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Introduction générale

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Par sa situation géographique en zone intertropicale, la République Centrafricaine (RCA) dispose sur ses 623 000 kilomètres carrés de grands écosystèmes terrestres les plus représentatifs du continent africain. Les steppes subsahariennes au nord couvrent environ 3500 kilomètres carrés dans la partie septentrionale des Préfectures de la Vakaga et de la Bamingui Bangoran. Elles représentent environ 5 % du territoire national. Les savanes les plus étendues et les plus variées s’étendent au centre sur 540 00 kilomètres carrés soit 80 % du pays. Elles sont substituées le long des cours d’eau par des forêts galeries. Enfin, la forêt dense humide se trouve au sud (Sangha Mbaéré, sud Mambéré Kadéi et Lobaye, Mbomou). Elle occupe 52.000 kilomètres carrés, soit 8,2 % des terres nationales. Un réseau hydrographique très dense est articulé autour de deux grands bassins, celui du Congo au sud et celui du Tchad au nord.

2Dr Zéphirin MOGBA est Maitre de Conférences de sociologie.

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Figure 1 : Situation géographique de la RCA en Afrique

La position géographique de ce pays entre la forêt dense humide au Sud

et la steppe au Nord lui confère une diversité d’habitats renfermant une flore et une faune riches et variées. Le pays abrite environ 3602 espèces de plantes vasculaires, 208 espèces de mammifères, 660 espèces d’oiseaux dont 400 se trouvent en forêt et environ une vingtaine de familles de reptiles. On y trouve presque toutes les espèces de la faune tropicale africaine à savoir : Antilopes, Eléphants de savane et de forêt, Primates, Buffles, Elan de Derby, Cob de Buffon, Bubale, Lycaon, Lion, Hippotragues, Hippopotames, etc. Cette diversité de la flore et la richesse de la faune constituent non seulement un important réservoir naturel de la biodiversité mais également des atouts considérables pour un développement économique et social durable et la sécurisation alimentaire des populations rurales et urbaines. Malheureusement, ces ressources sont soumises à des modèles d’exploitation inappropriés pendant les périodes des crises militaro-politiques. L’analyse de la dynamique et des conséquences des modifications de l’environnement survenues au cours des dernières décennies confirme l’interaction existant entre la dégradation dramatique de plus en plus accentuée de l’environnement, l’appauvrissement d’une population pourtant moins

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nombreuses (4 millions d’habitants) et la faiblesse des performances des politiques nationales de développement économique et social menées depuis l’indépendance.

I. Contexte politique

Indépendante le 13 aout 1960, la République Centrafricaine se singularise dans la sous région centrale de l’Afrique par son contexte politique difficile de gestion des affaires publiques en dépit de ses innombrables richesses. Ce contexte difficile est la résultante des crises militaro-politiques récurrentes et surtout d’une méconnaissance à l’extérieur des potentialités en ressources humaines et naturelles moins valorisées. Référence est toujours faite à l’ex Empereur Bokassa 1er lorsqu’on veut faire passer l’image de ce pays à l’extérieur à cause de ses frasques décriées par l’opinion internationale. Cette situation est à rechercher dans la faiblesse du poids identitaire de ce pays dans le système de représentation des autres nations tant à l’échelle sous-régionale, continentale qu’internationale. Du point de vue l’histoire politique et de la géopolitique, la Centrafrique a connu une évolution sociopolitique tumultueuse depuis la période coloniale marquée par les insurrections paysannes de 1928-1931 (la guerre de Kongo wara), la disparition tragique de son fondateur Barthélémy Boganda, les coups d’Etats, les changements capricieux de la forme de l’Etat (passage de la République à l’empire sous le régime militaire de Jean Bedel Bokassa), les mouvements militaro-politiques à travers des rebellions hétéroclites mettant en péril des régimes démocratiquement élus en 2003 et 2013. Ce parcours dans le désordre de l’histoire politique centrafricaine met en exergue les propriétés caractéristiques d’un Etat en déliquescence à savoir l’instabilité institutionnelle, la personnalisation des pouvoirs étatiques, la clientélisation de la gestion politique et des transitions étatiques, la fragilité économique aggravée, les tensions ethniques récurrentes, la dépendance stratégique vis-à-vis de la France posée en tuteur perpétuel en dépit de son recul tactique au profit de l’hégémonie militaro-politique du Tchad, la dépendance géostratégique et géoéconomique à l’égard du Cameroun en raison de l’enclavement territorial.

Le pays aborde le troisième millénaire avec beaucoup de difficultés et de défis dans un contexte national de crises itératives jadis marquées par des coups d’Etat, des mutineries militaires et récemment par le recours au

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mercenariat avec les leaders de la coalition Séléka, tout cela dans une incroyable négation des capacités et réalités culturelles nationales porteuse d’un centrafricano-pessimisme. Les crises entrainant souvent les transitions politiques se font en dehors des cycles d’alternance démocratique définis dans la Constitution nationale. Les changements opérés ne sont pas de nature à garantir la paix sociale, la performance de la machine économique et par conséquent le développement humain durable. Ils semblent devenir plutôt une pathologie chronique dont les causes sous jacentes échappent à la compréhension des analystes politiques de la République Centrafricaine. Du point de vue sociologique, les difficiles transitions politiques que connait ce pays ont leurs causes profondes dans le tarissement des ingrédients philosophiques légués par Boganda qui ont jusqu’à un passé éloigné constitué la source collective d’inspiration et d’espoir face aux nouveaux défis politiques et géostratégiques. Ces ingrédients philosophiques sont devenus obsolètes du fait de l’absence d’une adaptation créative nationale susceptible de les intégrer dans une vision et approche prospective de développement en réponse aux défis nouveaux de changement exprimés par la société centrafricaine. Tous les efforts de construction politique post Boganda allant de sa disparition tragique le 29 mars 1959 jusqu’à nos jours, se sont faits dans un contexte de gestion posthume des référentiels identitaires légués à la postérité. Le reformatage inventif et prospectif de ses idéaux politiques aurait permis de consolider les fondements philosophiques partagés de la centrafricaineté. Malheureusement, ce travail a été délaissé au profit des initiatives isolées dominées par des travestis et dérapages. Pour les générations des centrafricains nés en 1990, plus de quarante neuf (49) années les séparent de Barthélemy Boganda décédé le 29 Mars 1959. Les repères historiques que le pays offre à cette génération sont infimes. A part le monument érigé en sa mémoire sur l’Avenue baptisée en son nom, aucune initiative politique et culturelle nouvelle n’a été faite par les différents régimes pour pérenniser cette figure historique. Les régimes successifs civils comme militaires ont tenté de puiser dans sa légende les fondements de leur légitimité. Ils l’ont simplement utilisé comme un tremplin sur lequel ils se sont positionnés pour renverser le cours de l’histoire nationale en ramenant le pays à l’ère des Empires cultivant un charisme anachronique. Tel fut le cas de l’Empereur Bokassa 1er.

Au regard des faits et comportements des gouvernants, de nombreux

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leaders des partis politiques, la fibre ethnique continuent de leur servir de cadre de référence dans leurs choix politiques. Les critiques populaires à leurs endroits pullulent à travers les journaux de la place. L’opinion nationale ne cache pas ses critiques sur la faible capacité des régimes au pouvoir et des partis politiques à conduire et à gérer le changement dans le pays, à appliquer les principes de la bonne gouvernance, à juguler l’impunité, le népotisme et le tribalisme. Les régimes se succèdent au pouvoir mais sont en panne d’innovation dans les offres politiques et sont peu aptes dans une situation nationale de pénurie créative d’outils stratégiques à mettre le système de gestion des biens publics sur les rails de l’efficacité, de la qualité et de la performance. Les facteurs perceptibles de cette panne d’innovation sont perceptibles dans les discours inchangés du leadership politique depuis plus de cinq décennies d’indépendance. Ces discours sont articulés autour des promesses moins pertinentes et le plus souvent non tenues. Les visions et stratégies de la classe politique ne permettent pas d’attaquer en racine les préoccupations urgentes de la nation avec efficacité et réalisme. Ne disposant ni de moyens propres et adéquats, ni encore de capacité d’organisation et de mobilisation des ressources, les différents régimes et partis politiques de la majorité présidentielle qui ont eu à gouverner le pays sont demeurés souvent impuissants, dos au mur et impuissants face aux défis nationaux et géopolitiques. Les initiatives politiques passées et actuelles se font dans la continuité de la dépendance de la puissance tutélaire de la France et dans un processus de vassalisation de l’Etat centrafricain à l’égard du pouvoir tchadien. Cette vassalisation de l’Etat et du pouvoir a commencé avec le Général François Bozizé dès sa prise du pouvoir le 15 mars 2003. Elle s’est accentuée sous la présidence de Michel Djotodia avec les forces coalisées et vassalisées de la Séléka. De son lieu d’exil, Bozizé est entrain de tirer les leçons et enseignements du risque et menace que recouvre tout pouvoir vassalisé. En effet, la fin tragique de ce régime militaire et à forte dose ethnique a occasionné d’énormes pertes en vies humaines dans les Forces Armées Centrafricaines et au sein des populations rurales et urbaines. Sa région natale, Bossangoa, a été mise à sac par les mercenaires arabophones tchadiens et soudanais recrutés par le Tchad pour le compte de l’actuel président de la transition Djotodia. En dépit de la présence des forces armées sud-africaines qu’il avait dépêchées à Bangui à cout de milliards de francs CFA en plus des contrats miniers signés

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sous le manteau, son pouvoir n’a pas résisté à la furie destructrice des forces coalisées de la Séléka lourdement équipées par son ancien maitre tchadien. Pour de nombreux observateurs et analystes de la vie politique centrafricaine, l’arrivée au pouvoir de Bozizé sous le manteau de Déby n’augurait pas un avenir radieux pour ce régime ni encore une véritable libération nationale comme le clamaient si hauts et forts ses partisans applaudisseurs de l’époque le Pr Abel Goumba, Jean Paul Ngoupandé, Charles Massi, Ngone Baba, Cyriaque Gonda, Serge Wafio, Karim Meckassoua et certains centrafricains de la diaspora en France. Tous avaient baptisé le changement politique intervenu et ayant porté au pouvoir François Bozizé de révolution patriotique contre la dictature civile de Ange Félix Patassé élu démocratiquement et renversé par un coup d’Etat militaire soutenu de l’extérieur. En effet, l’appétit d’aller directement à la mangeoire gouvernementale les avait tous détournés d’une analyse critique et prospective des ambitions hégémoniques de Déby et du contexte de pouvoir et d’Etat vassal avec ses cortèges d’humiliation et de négation de la souveraineté de la République Centrafricaine.

L’analyse de contenu des discours de l’élite intellectuelle œuvrant dans la sphère étatique de gouvernance au coté des régimes politiques au pouvoir laisse apparaitre une situation d’inconscience et somnolence démontrant des signes pathologiques d’un abrutissement. En effet, l’élite intellectuelle3 politisée en Centrafrique n’a pas compris que les logiques politiques et intellectuelles ne sont jamais identiques en Afrique. Elle a toujours défendu le faux en lieu et place du vrai pour soutenir des régimes fantoches. Depuis la mort de Barthélémy Boganda, elle refuse d’afficher son nationalisme, de défendre l’indépendance nationale. A chaque transition politique et étatique, elle s’arrange du coté de la classe politique en changeant de veste et cravate pour épouser le nouveau venu sur la scène politique quelle que soit la nature du changement opéré même si celui-ci s’inscrit dans un processus de vassalisation de l’Etat, de négation des idéaux forts de dignité nationale et du nationalisme centrafricain jadis très chers à Barthélémy Boganda. Nombreux tchadiens résidant en Centrafrique s’amusent à dire de manière allégorique 3L’essence du pouvoir n’est pas intellectuelle. En effet, l’intellectuel est avant tout créateur de liberté et de civilisation. Il anticipe sur toutes choses en se dégageant de la tyrannie du quotidien en défiant parfois l’existant pour un futur en construction. La fonction de l’élite intellectuelle n’est pas de soutenir les politiques au pouvoir, dans l’opposition ou encore les dissidents mais de mettre les politiques sous le contrôle de la démocratie et des institutions.

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que la République Centrafricaine est la 24ème région du Tchad gouvernée à partir de Ndjamena par Idriss Déby en se référant aux multiples visites et missions officielles de consultation des autorités politiques centrafricaines dans ce pays dans le dessein de recevoir des ordres et recommandations. Jusqu’au dernier moment de soupir du régime Bozizé, certains applaudisseurs politiciens du pouvoir à l’instar de Josué Binoua, Aurélien Simplice Zingas, Gaston Mackouzangba et autres cadres alimentaires du parti KNK dont David Gbanga, Stève Yambété, Lévis Yakété, Zama Javon Papa, Abakar Piko, Vélé Faimédji défendaient mordicus sur les ondes de la radio nationale la légitimité du pouvoir de Bangui. Mais ils ignoraient dans le même temps que le sort du vassal était déjà scellé par son seigneur protecteur décidé de tourner la page de l’histoire politique en Centrafrique. Pour lui, le dauphin d’hier a failli et il doit payer pour sa désobéissance et multiples actes isolés commis en dépit des conseils de ses frères de la franc-maçonnerie à savoir l’assassinat du Colonel Charles Massi, le renvoi au Tchad sans consultation au préalable du maitre de Ndjamena des forces spéciales tchadiennes assurant jadis sa sécurité, la protection accordée à Baba Ladé, le non respect des intérêts tchadiens en Centrafrique, sa volonté de se représenter aux prochaines élections, etc. Toutes ces situations politiques non maitrisées de l’intérieur ont servi de prétexte à l’envahissement de la RCA par une horde de mercenaires tchadiens et soudanais qui n’ont pas hésité à faire du territoire national un espace de démonstration des forces politiques et militaires qui ont eu raison du régime de Bozizé. Les risques de déstabilisation du pays sont aujourd’hui énormes et aux effets polarisants susceptibles de compromettre pour longtemps l’avenir de la société centrafricaine si elles ne sont pas abordées avec un regard percutant dans l’objectif d’explorer des pistes nouvelles de réflexion et de réponses originales à ce mal centrafricain dont les causes premières sont à rechercher dans l’émergence des défis identitaires et sécessionnistes, la déliquescence de l’Etat et du système de sécurité et la crise de moralisation de la vie publique dans les partis politiques, la faible capacité nationale de relèvement post-conflit au sortir des élections conséquence de la non capitalisation des acquis des multiples missions onusiennes de paix et de sécurisation.

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II. Contexte économique

La République Centrafricaine fait partie des pays les plus pauvres du continent africain. Le visage de l’économie nationale est marqué par la prédominance du secteur primaire (51 %). Le secteur tertiaire représente 33 % et le secondaire 16 %. Le secteur de l’industrie a été grandement touché par les crises politiques avec les premiers pillages de 1979 suite à la chute du régime impérial de Bokassa. Ces pillages se sont poursuivis avec les transitions politiques nées en faveur des différents coups d’Etat. Les mesures et programmes d’investissement mis en place n’ont pas produit les effets escomptés en termes d’emplois rémunérateurs pour les jeunes. La situation politique et sociale dans le pays n’est pas de nature à favoriser la croissance économique. Elle contribue plutôt à la dégradation des ressources naturelles. Celles-ci sont soumises à un système de prélèvement assimilable à une prédation organisée et soutenue par les autorités politiques au pouvoir. Les sous secteurs forestiers et miniers de diamant et de l’or n’échappent pas à cette prédation. L’environnement des affaires est miné par la corruption, les tracasseries administratives et policières. Un tel contexte économique ne peut que contribuer à l’aggravation de la pauvreté économique et sociale des populations. Selon le rapport bilan du PNUD, plus de 70 % des centrafricains vivent avec moins d’un dollar US par jour. Aujourd’hui, plus de 20 % de la population courent le risque de la grande famine suite au déplacement de plus de la moitié de la population paysanne fuyant les exactions criminelles des rebelles de la Séléka dans les villages.

Les régimes militaires et civils ont au fil des années développé une économie de prédation avec la complicité des puissances étrangères reléguant au second plan les intérêts directs du pays. L’apparition au plan intérieur du développement du phénomène de prédation dans l’économie centrafricaine a commencé avec l’arrivée au pouvoir du général Kolingba et s’est amplifiée d’années en années avec la succession des autres régimes. L’usage du terme de prédation renvoie à l’idée de la chasse et de la proie. Il est souvent utilisé en référence au monde animal qui chasse et capture pour ses besoins individuels sa proie. Mais ce qui caractérise ce type d’économie, ce sont non seulement les acteurs en présence amis aussi les significations et formes de prédation. En Centrafrique, la forme endogène de la prédation qui est active et vécue. Ce type de prédation met en relation les gouvernés et les gouvernants dans un

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système à la fois endogène et exogène d’exploitation et de soumission. Les premiers considèrent le pays et ses ressources comme un butin fait à « la guerre de libération » à l’instar du coup d’Etat de 15 Mars 2005 du Général François Bozizé et ses troupes militaro-politiques centrafricaines et tchadiennes. Ce mode violent d’accession au pouvoir de l’Etat leur donne, selon les dires des acteurs, le droit de gérer la proie capturée qui est représentée par le pays et ses ressources forestières, minières ainsi que les divers taxes et impôts établis que doivent verser les citoyens. La forme endogène de la prédation n’est pas un accident ni encore un phénomène marginal. Elle est la résultante de l’extension de l’économie contemporaine marquée par des formes complexes d’alliance les pays du nord et du sud aux intérêts partagés. Les derniers évènements militaro-politiques avec ses cortèges de pillage, de vols et de razzias menés par les mercenaires tchadienne et soudanaise s’inscrivent dans cette dynamique. Ces prédations ont détruit le tissu économique et ont fait fuir du pays les investisseurs. Dans les régions intérieures, les populations paysannes ont été dépossédées de leurs outils de production. Nombreux éleveurs peuhls vivant dans les ZAGROP (Zones Agro-pastorales) ont perdu une grande partie de leur cheptel bovin suite aux razzias répétés des rebelles et les anti-balaka. Les données statistiques des institutions humanitaires font état de plus d’un million de déplacés ruraux. Leurs greniers ont été soit vidés des produits soit tout simplement incendiés.

III. Contexte social

Le paysage social du pays est aujourd’hui marqué par des contres performances de développement humain conséquences directes d’une gestion prédatrice des deniers publics par les différents gouvernements. En effet, plus de 70 % des centrafricains vivent avec moins d’un dollar US par jour. C’est un pays pauvre fortement endetté et peu attirant pour les bailleurs de fonds depuis la fin des années 90. L’espérance de vie de la population est l’une des plus faibles du continent. Jadis aux alentours de 51 ans en 1999, elle a reculé pour se situer à 49 ans traduisant ainsi la montée de la précarité sociale à l’échelle nationale et une situation sanitaire difficile dans laquelle vivent de nombreux centrafricains. Le pourcentage de la population nationale n’accédant pas à l’eau potable est de 74,5 %. Nombreux ménages urbains et ruraux continuent encore de s’alimenter en

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eau de puits. Le capital institutionnel, fragilisé par le déficit chronique de la bonne gouvernance ne facilite pas l’exercice de l’autorité de l’Etat qui a beaucoup reculé. Le capital social4 est flasque et incapable de bâtir sur ses propres résiliences. Il ne parvient ni à se fixer sur une vision claire de son devenir, ni à se mobiliser efficacement afin de répondre aux exigences du bien être. Autant de faiblesses qui sont l’expression de la dégradation du système de valeurs sur la base duquel le pays a été jusque là gouverné. Le contexte social de vie des populations centrafricaines est le reflet des crises politiques et économiques de gouvernance, les multiples revendications syndicales couplées à de longues périodes de grève dans les secteurs publics et privés, les mutineries militaires et coups d’Etat, etc. Tous ces évènements malheureux cycliquement vécus ont fini par faire de la ville de Bangui, un espace d’expression des tensions sociales, de violences et rivalités se construisant à travers les partis politiques et les organisations de la société civile. Les crises politiques et économiques ont fragilisé l’Etat et poussé les populations urbaines et rurales à se communaliser à travers des formes nouvelles de solidarité citoyenne et religieuse avec la prolifération des mouvements religieux qui tendent à reprendre la place face à la déliquescence de l’Etat.

Depuis le 24 mars 2013, les populations centrafricaines sont livrées à elles-mêmes quand bien même un semblant de climat de paix relative tend à revenir dans la capitale Bangui en dépit des tirs sporadiques nocturnes. Les régions intérieures du pays sont encore contrôlées par les seigneurs de guerre de la Séléka et les milices anti-balaka. De la prise du pouvoir jusqu’après la chute de Michel Djotodia, les Séléka n’ont pas hésité à presser le pays comme une orange afin de le purger de ses ressources matérielles, financières et minières poussant les populations à se refugier dans les églises, écoles, mosquées ou encore en brousse comme des bêtes sauvages. Face aux violences quotidiennes des rebelles, nombreux villages des régions nord du pays se sont vidés de leurs habitants. Beaucoup d’entre

4L’observation minutieuse de la société centrafricaine laisse apparaître un constat de paysage flou dans lequel évoluent les acteurs politiques y compris ceux de la société civile. Leurs expériences en matière de conduite des actions politiques et sociales de gouvernance et de développement baignent dans une opacité fonctionnelle sur les questions d’intérêt national. Il est aujourd’hui difficile de dégager un tableau synoptique sur la dynamique des acteurs de la société civile centrafricaine et leurs réseaux d’attache partenariale à l’extérieur.

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eux ont pris le chemin de l’exil vers les pays limitrophes (Tchad, Cameroun, RDC, Congo). Dans les régions intérieures, les services de police et de gendarmerie ne sont plus fonctionnels. Les vols, viols, pillages, kidnapping des enfants et adultes sont devenus des pratiques courant des éléments de Séléka et anti-balaka dans le dessein de réclamer des victimes ou des parents le versement des rançons dépassant des centaines de mille francs CFA. Désormais, c’est la force qui fait office de loi et d’autorité face à la déliquescence de l’Etat qui est quasi absent sur l’ensemble du pays. L’occupation du tarmac de l’aéroport Bangui M’poko le Mardi 27 août 2013 vers 20 heures par les populations de Kokoro Boeing a été un mouvement social déclencheur de l’exaspération devant les abus quotidiens des droits humains subis et vécus. Cette occupation a non seulement empêché l’atterrissage du vol d’air France en provenance de Paris mais a permis d’attirer l’attention de l’opinion internationale sur la descente aux enfers des populations centrafricaines entièrement livrées au bon vouloir des mercenaires tchadiens et soudanais. Déplorant la dégradation de la situation, la France à travers le discours de son président François Hollande en date du 29 aout 2013 à Paris lors de la Conférence des ambassadeurs va décider de prendre les choses en main à travers ces mots : « J » appelle l’ONU et l’UA à se saisir de la crise en Centrafrique, où 60.000 enfants risquent de mourir de malnutrition et qui compte 1,5 million de déplacés ». Du coté tchadien, le Président Idriss Déby Itno interpelle les Nations Unies sur la situation de crise sécuritaire aux risques polarisants pour les autres pays de la sous région dans son discours lors de l’investiture du nouveau président malien Ibrahim Boubakar Keita (IBK). En somme, qu’il s’agisse de la France ou du Tchad, la stratégie de la communication utilisée a permis de médiatiser le drame humanitaire dans un pays laissé pour compte, oublié dans le concert des bailleurs de fonds et « au bord de la somalisation », car devenu le nouveau refuge des mercenaires et rébellions djihadiste déjà très actives au Darfour, au nord du Nigéria et dans le désert malien. Sur le terrain, la FOMAC5, concentrée à Bangui, est en proie avec 5Depuis le 1er août, la FOMAC est officiellement intégrée dans la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA). Ses troupes devraient être portées de 2 000 à 3 600 soldats. Mais les négociations sur le transfert de responsabilités piétinent. Selon les représentants de l'Union Africaine, leurs homologues de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEAC) le retardent afin de conserver leur pré carré et leurs privilèges.

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les multiples dysfonctionnements dans la coordination de la chaine de commandement face aux agitations parallèles de soutien des troupes militaires tchadiennes aux rebelles de la Séléka dans leurs actes criminels sur le peuple centrafricain. Face aux critiques et multiples accusations mettant en cause la partialité de l’armée tchadienne, ses attaques criminelles durant les opérations d’évacuation des communautés musulmanes tchadiennes de Centrafrique, Idriss Déby demande à la surprise de la communauté internationale le retrait de ses troupes de la MISCA afin de laver son armée des accusations non fondées. Le retrait des troupes tchadiennes a plus réjouit les populations centrafricaines meurtries par la barbarie guerrière de ce contingent et provoqué en retour aucun sentiment de regret contrairement aux déclarations officielles ambigües de la présidente de transition et son ministre des Affaires étrangères Komo Doudou qui voyaient dans le geste du Tchad des potentiels risques de regain de tensions. Pour de nombreux centrafricains, le pouvoir de Déby demeure le responsable premier des exactions criminelles des rebelles en Centrafrique et de la déliquescence de l’Etat.

Le présent ouvrage collectif intitulé : CENTRAFRIQUE : Difficile transition politique depuis Barthélémy BOGANDA se veut avant tout une contribution scientifique visant à éclairer, élucider et expliciter les processus de déconstruction des articulations politique, économique, stratégique, géopolitique et managériale d’un pays disposant pourtant de potentialités en prospectives de représentation et de construction d’un modèle de société respectueuse des principes de la démocratie et la bonne gouvernance initialisées par le père fondateur avant les indépendances de 1960. L’exploitation des immenses ressources naturelles dont regorge le pays l’aurait permis de se positionner autrement sur la scène géopolitique en Afrique centrale. Ce qui n’est pas le cas au regard de la profondeur de la pauvreté économique et sociale dans le pays. Les convoitises multiformes pour le contrôle de ces ressources continuent de l’immerger dans des processus de transitions politiques se faisant le plus souvent dans la négation des principes démocratiques d’alternance. Les nombreux gouvernements de transition régulièrement mis en place au lendemain des coups d’Etat ou en faveur des négociations et médiations internationales pour la paix n’ont pas permis de remettre la RCA sur le chemin de gestion

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maitrisée des défis de changement et de la performance. Les périodes de transition ouvrent souvent des moments de surenchères politiques. Elles offrent des occasions au leadership politique de se refaire le poids physique après de longues années de galère économique, de renouveler la garde robe vieillissante, etc. On comprend dès lors pourquoi les critères de compétences techniques et politiques ne sont pas suffisamment privilégiés en Centrafrique pendant les périodes de transition dans le choix des personnes ressources en référence aux exigences des reformes et refondation institutionnelles attendues. Il n’est pas étonnant que la validité des réformes politiques et institutionnelles engagées ne s’inscrive pas dans la durée. Au terme du retrait des soutiens des partenaires extérieurs et des élections dites démocratiques et libres organisées, le pays retombe de nouveau dans l’instrumentalisation des institutions mises en place. L’évolution politique de la RCA, scandée de nombreux gouvernements de transition, n’a pas généré un leadership national novateur et exceptionnel par les actes et la hauteur des sacrifices engagés pour changer les choses. Elle a plutôt confiné la société centrafricaine dans une approche de routine en faisant fi des capacités et mécanismes de suivi et d’auto évaluation de ses forces et faiblesses, des opportunités et menaces permanentes à son développement. Le pays a expérimenté plusieurs exercices de médiation à la fois nationale et sous régionale, de dialogue politique inclusif, des Gouvernements d’Union Nationale et de Transition avec des appuis financiers et matériels considérables provenant de nombreuses missions onusiennes de la paix. En dépit de ces investissements extérieurs, la République Centrafricaine est restée égale à elle-même continuant toujours sa descente aux enfers des agitations sociales, des crises militaro-politiques, des rebellions et coups d’Etat. Pendant ce temps, le nombre des partis politiques ne font qu’augmenter tandis que les conditions sécuritaires du citoyen sont en régression. Les différents régimes civils et militaires qui se succèdent au pouvoir se ressemblent tant par les faits et gestes des dirigeants et membres des équipes gouvernementales. Les analyses développées à travers les différentes contributions rendent compte du parcours de la société centrafricaine en perpétuelle crise. Notre hypothèse principale de réponse à cette question de la crise s’inspire de la conviction scientifique et politique jadis affirmée par les africanistes Cheikh Anta

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Diop, Joseph Ki-Zerbo, Théophile Obenga, Jean Marc Ella, etc. selon laquelle la culture demeure le pivot de l’action politique et de développement en Afrique. Dans le cas de la société centrafricaine, les agitations sociales, les coups d’Etat et les rebellions militaro-politiques récurrents traduisent manifestement la fracture culturelle entre les centrafricains et l’héritage politique de Barthélémy Boganda. Les régimes militaires et civils issus des transitions non démocratiques, ont de tous temps inscrit leurs actions politiques dans un processus de déconstruction des principes fondateurs de la centrafricanité, de reformatage dans l’acculturation des ingrédients philosophiques d’inspiration identitaire et d’espoir collectif légués par le père fondateur. Pour sortir des transitions récurrentes et bâtir un futur politique culturellement appropriable et durable, la société centrafricaine doit se réconcilier avec son histoire. Les idéaux politiques de Boganda doivent être promus et non instrumentalisés. Ils doivent être diffusés dans une perspective pédagogique des hommes politiques, de la population et de la jeunesse à travers le théâtre, la littérature, le cinéma, l’éducation, l’histoire, la philosophie, la sociologie, etc. A travers cette publication, l’élite centrafricaine dans sa diversité typologique est interpellée à la lumière des idéaux de Boganda sur son rôle et responsabilité historique dans la conduite des transitions étatiques, dans l’exploration des voies prospectives de reconstitution et reconsolidation durable des ressorts politiques, économiques, stratégiques et géopolitiques en vue de réduire la fragilité systémique et endémique dans laquelle se trouve aujourd’hui ce pays.

Les différentes contributions scientifiques rassemblées dans le présent ouvrage traitent des aspects spécifiques liés aux transitions politiques souvent difficiles depuis la tragique disparition de Boganda en Centrafrique. Les axes de contribution sont au nombre de sept. Le premier axe de contribution intitulé « Barthélémy Boganda : Les contraintes à la continuité historique et politique d’une figure emblématique en Centrafrique », jette un regard rétrospectif sur la vie et la trajectoire politique du père fondateur ainsi que le contexte colonial de l’époque ayant présidé à la conception de ses idéaux politiques. Un accent particulier est mis les prémisses de la fracture sociale entre David Dacko et Abel Goumba dont les ramifications négatives ont fortement contribué à la mésentente et