XV e COLLOQUE INTERNATIONAL D’ONOMASTIQUELe nom propre a-t-il un sens ?
Les noms propres dans les espace s méditerranéens9-10-11 juin 2010Aix-en-Provence
Symbolisme, nom propre et oralité : le cas de l’Algérie
Farid BENRAMDANE - Université de Mostaganem - Chef du projet de recherche: Toponymie et normalisation des noms de lieux : usages et orthographes officiels en Algérie – CRASC (centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle)
- Membre fondateur du Pole « Langues pour le développement » - AUF
Ouerdia YERMECHE - Université d’Alger- Membre du projet de recherche: Toponymie et normalisation des noms de lieux : usages et orthographes officiels en Algérie – CRASC (centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle)
Les questions du sens dans les systèmes de nomination et de dénomination en Algérie et au Maghreb, de manière générale
1. soumises à de fortes séquences historiques d’occupation/libération/ réoccupation de l’espace 2. observant le fonctionnement des noms propres sur la longue durée, tant du point de vue linguistique, symbolique que culturel, elle laisse transparaître des usages recouvrant :
- des langues différentes : libyque, berbère, punique, latin, arabe, turc, espagnol,
français, arabe dialectal - des histoires : antiquité, Moyen-âge, période
ottomane, colonisation française… - des cultes et des religions : paganisme, judaïsme, christianisme, islam
- une variété de langue (kabyle, chaoui, zénète, chenoua, arabe classique, arabe dialectal…), - géographiques : littoral méditerranéen Hauts plateaux, région steppiques, Sahara…)
3. des repositionnements géopolitiques et par conséquent identitaires et identificatoires dont il faut analyser la pertinence (islamisme politique, mouvements berbéristes, populations européennes d’origine maghrébine…)
• Quelles sont les significations dominantes ? • Comment se sont construits historiquement les
noms propres ? • Quels sont les éléments structurants de l’imaginaire
algérien dans la représentation onomastique? • Quelles options porteuses ont déterminé dans le
passé les représentations suivies et qu’en est-il aujourd’hui ?
• Y a-t-il rupture ou continuité? • Est-ce que le même mode de représentation
onomastique s’est perpétué? • Peut- on établir des correspondances avec les
toponymes d’autres familles de langues (texte de présentation du présent colloque) ?
L’onomastique algérienne:
« des noms en synthèse » (F. Chériguen)
Libyco-berbère Arabe Influences étrangères
Substrat de l’onomastique Composante essentielle
toponymie: 50% 50%
anthroponymie: 20% 74.30% punique (assimilée à l’arabe)
gréco-latine (peu perceptible 0.25%)
hébraïque (significative 2.30%)
turque (assez présente 2.50%)
espagnole (négligeable 0.32%)
française (négligeable 0.25%)
italienne (peu perceptible 0.08%)
Les strates de l’onomastique algérienne
libyco-berbère
phénico-punique
gréco-latine
hébraïque
arabe Espa- gnole
Tur-que
française
Faune
Flore
Oronymie
Hydronymie
Cosmogonie
Sobriquets
Noms honorifiques
Plantes:OuselmounRemaneAghanimAguelmim
Divinités:HamouBaali
Construc-tion: Kirat
LemiSkan-der
Faune:Falkou
Flore:Oulmou Kerrouche
Objets:KinciBordji
Calen-drier Julien:Fourar
Corps:Kebouchi
Noms bibliques:EliasAyoubIshakYounesRebbiYoucefZakarieMoïse
Vocabulaire religieux (en abd, allah et eddine):Herzellah; Razkallah Djaborebbi, Talebrebbi Abdelkafi, Abed RabbouChamseddineDaoudeddine
Vocabulaire profane(tous les domaines)
Noms géo graphiqueGhenouchi El Korso Randi
ActivitésKoucha
RacesMouro
ÉtatsTchikou Blanci
PhysiqueLongoMoral
ExpressionBasta
Noms de pays etd’origineLazougli MattiMorsli
Métiers:BachaKhodjaBarbaraBeyMarquesGrammaticale: suff. «dji»
FonctionMerkanti El MirKoutabli
ObjetsAbrouchBouchoune
ActionsLakrout Zarita
Sobri-quetsBrouti Guignoul Serbi
Influence latine sur les noms propres berbères
Création de formes nominatives originales propres à l’Afrique romaine « gentilices exotiques » (J.M. Lassère)
Formes hybrides Latinisation
N. berbère + N. romain Traduction Rajout Troncation
Gaia Horius du suff. latin –is du suff. berbère –an Zruman/Zrumanis MSNSN/Massinissa
YWGRTN /Yugurtha
Berbérisation des noms latins
Par adaptation phonétique
Formes latines en -us Noms berbères en ouche/èche/iche
Marius Maaouche Aurélius Allouche Andréus Driouche Memmius Mammeche Claudius Gadouche Amadeus Hammadouche
Nomination de type agnatique, patrilinéaire et tribal
Nomination patronymique
X fils de ....fils ...fils: - Ali ben Mohamed ben
Slimane - Lounès n’Ahmed n’Amar - Idir Ou Hamou n’Ramdane
X de la tribu de Y: - Mansour Aït/At Menguelet - Amokrane Nait Djenad
Les enfants de…..: Ouled Moussa
Patronyme + Prénom:Ali Trache; Omar Mahboul;
Ramdane DjadjaYoucef Ighil
Période française: une rupture systémique
Période française: passage de l’oral à l’écrit Nomination traditionnelle Nomination patronymique
- Domaine de l’oralité et de l’affect
- Porteur d’un héritage séculaire
- Calqué sur l’organisation sociale de type tribal
- Fruit d’une maturation historique et d’une transmission naturelle
- Facteur de l’identité
- Du domaine de l’identification écrite, régie par l’écriture et le droit
- Création artificielle à caractère officielle arbitrairement imposé
- De type individuel
- Sans ancrage socio-historique
- Ne véhicule plus l’identité
ETHNONYMES NOMS DE TRIBUSAvant l’application de la
loi du Sénatus Consul 1867
NOMS DE TRIBUS Après 1867
Bou (père de) 74 24
Ben, bel, beni (fils de) 664 143
Ouled (enfants de) 315 67
Ait, nait (fils de ...) berbère
1181 207
Si , Sidi, Ouled Sidi, etc ( Monseigneur, Saint)
166 65
TOTAL 2177 446
Neutralisation du paradigme nominal ethnique : de la filiation séculaire à une infra-dénomination
Période française: le passage à l’écrit
De l’ordre ethnique au désordre patronymique
Anthroponymie Toponymie
Patronyme Francisation: désintégration du sens
Dé/Rebaptisation + Prénom par la transcription graphique
Souggeur/Trézel Formes SNP et
alphabétique
Traduction Suppression Rajout Substitution Ait Ouazou/ Saadi/Ait Saadi Oulds/Ould Leroul/El Ghoul
Ait Ouferoukh
Le cadre colonial va reposer sur le versant linguistique de deux paradigmes de refondation : la terre et la personneDeux lois vont imposer cette nouvelle vision du monde : celle du Senatus Consult (1863) et celle régissant l’Etat civil (1882)Buts provoquer une fracture dans la représentation spatiale opérer une rupture dans l’ordre généalogique (mythe des origines, symbolique du nom et cohésion sociale)
La francisation des anthroponymes algériens : « La constitution de l’état civil (était) et (devait ) être un œuvre de dénationalisation, l’intérêt de celui-ci était de préparer la fusion » (cité par Ageron), c’est-à-dire « franciser plus résolument les patronymes indigènes pour favoriser les mariages mixtes » : Ahmed /Amédée; Farid /Alfred; Naïma/Noémie; Kaci /Cassis Cette nouvelle identité onomastique a été réalisé « en 13 ans à peine » (Louis Milliot)
« la démarche répertoriale de la nomination et de la dénomination des entités linguistiques n’est présente que pour soutenir un rapport, un processus et un questionnement».
F.BENRAMDANE et B.ATOUI, 2005
« sous-jacent caractéristique aujourd’hui des motivationsprofondes de l’onomastique algérienne, voire maghrébine,
etqui peut se résumer par la question Qui suis-je dans le
rapportde nomination /dénomination de tel ou tel territoire et/ousous - territoire déterminé par tel ou tel autre nom ?Questionnement essentiel au fondement de la relationanthropo-toponymique qui, en Algérie, présente un intérêtparticulier et dont bon nombre d’études en font uneproblématique majeure.» F.CHERIGUEN, 2005
Comment la matrice ethnolinguistique forgée par la praxis historique et par
des modalités discursives précises , va-elle se constituer comme les ultimes
ressources et les extrêmes recours de préservation de « l’homme culturel »?
Re / questionnement et hypothèses de recherche
Précaution méthodologique
Débat sur de tels procédés et contenus signe/identité/ culture/nomination, 1.Contexte et objet d’étude: un contexte dramatique voire tragique, en s’interrogeant sur l’existence de réalité ou degré de réalité et voir la pertinence de l’objet que nous estimons analyser, 2.faut-il encore interroger les concepts usités et leur relative temporalité, à l’effet de poser la difficulté de restituer à travers eux un temps spécifiquement historique ;3.d’où la nécessité d’interroger l’interrogation, la forme et la position du problème, dans un domaine, pour reprendre la réflexion de Siblot « où il n’existe ni données pures, ni données parfaitement objectives. Seul l’examen du cadre épistémologique limite le risque de confusion entre données perceptives et données du problème ». (2001).4.« la rigidité de nos concepts du temps et de la causalité » (Gruzinsky, 1999, p. 12).
Débat sur le sens et sur de tels contenus :
signe/identité/ culture/nomination, dans un contexte
dramatique voire tragique
- s’interrogeant sur l’existence de réalité ou degré de réalité et voir la pertinence de l’objet que nous estimons analyser, - faut-il encore interroger les concepts usités et leur relative temporalité, à l’effet de poser la difficulté de restituer à travers eux un temps spécifiquement historique?- d’où la nécessité d’interroger l’interrogation, la forme et la position du problème, dans un domaine, pour reprendre la réflexion de Siblot « où il n’existe ni données pures, ni données parfaitement objectives. Seul l’examen du cadre épistémologique limite le risque de confusion entre données perceptives et données du problème ». (2001)
Interrogation de l’interrogation
Désagrégation du Signifiant :Dysfonctionnements morphologiques, altérations graphiquesdéstructuration/re struc uration de la linéarité du signe
SIGNIFIANT
Neutralisation du Signifié : taxinomie alphabétique, infradénomination, déstabilisation des univers cognitifsDé/re/sémantisation du signifié
SIGNE LINGUISTIQUEl NOM PROPRE
Dérèglement des modalités de la transmission identitaire
SIGNIFIE
Désagrégation du Signifiant :Dysfonctionnements morphologiques, altérations graphiquesdéstructuration/re struc uration de la linéarité du signe
SIGNIFIANT
Neutralisation du Signifié : taxinomie alphabétique, infradénomination, déstabilisation des univers cognitifsDé/re/sémantisation du signifié
SIGNE LINGUISTIQUEl NOM PROPRE
Dérèglement des modalités de la transmission identitaire Syndrome nominatif (O. Yermeche),« onomacide sémantique » (F. Benramdane, 2000
SIGNIFIE
« La résistance par les noms » (Foudil Cheriguen: 1987)
un usage écrit officiel,juridiquement codifié etsémiologiquement présent(documents administratifs, enseignes, éducation,culture, major, état civil, cartes topographiques,
état civil, etc.)
des pratiques orales, officieuses, souvent exclusivement orales.
la dé/nomination linguistiquement différente et historiquement différenciée d’une même entité réalise une décantation sémantique identitaire et identificatoire, avec des visées communicatives fondamentalement opposées, cristallisée dans
la dichotomie écrit /oral.
Contexte et visée pragmatique
«A la généalogie et à l’hégémonie de l’écrit, elle répond par une légitimité indiscutable, celle des origines. Des cosmogonies complexes, un imaginaire rythmé par le sens des pratiques; bref une oralité qui aurait acquis ses lettres de noblesse en transmettant à la fois un corpus d’expériences et des modalités d’appréhension de l’univers dans lequel elle a pris naissance»
(Miliani, 1990).
« la force de parole est un fait de tradition orale tandis que les sociétés de tradition écrite connaissent plutôt la force du texte. Dans un cas, on est gouverné par des lois, des décrets, des traités, dans l’autre par une tradition ancestrale qui ne s’inscrit pas dans les livres mais dans la mémoire sociale »
(Calvet, 1980)
Nous sommes dans un domaine , celui de l’onomastique, où les rapports de causalité ne sont pas aussi évidentes sur un plan purement sémantique. La linéarité historique ne surdétermine pas la composante discursive et linguistique: l’usage, par exemple, des noms propres français ne tombent pas en désuétude, avec la fin de la colonisation française, y compris dans ses formations linguistiques les plus étranges et étrangères à l’environnement local :
- Saint Hubert, Saint Eugène, Place d’Armes, Cardinal Lavigerie
« Pourquoi et comment a-t-on retenu et mémorisé Clauzel et Diderot et non Rousseau et Lamartine ? La mémoire linguistique a-t-elle, peut-être, ses raisons que la raison historique ne maîtrise pas ? »
Merci pour votre attention
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