UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL
CARACTÉRISATION ÉLECTRIQUE DE MATÉRIAUX EN COMPOSITE POUR
FUSELAGES D’AVIONS
WILLIAM TSE
DÉPARTEMENT DE GÉNIE ÉLECTRIQUE
ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE MONTRÉAL
MÉMOIRE PRÉSENTÉ EN VUE DE L’OBTENTION
DU DIPLÔME DE MAÎTRISE ÈS SCIENCES APPLIQUÉES
(GÉNIE ÉLECTRIQUE)
DÉCEMBRE 2010
© William Tse, 2010
UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL
ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE MONTRÉAL
Ce mémoire intitulé :
CARACTÉRISATION ÉLECTRIQUE DE MATÉRIAUX EN COMPOSITE POUR
FUSELAGES D’AVIONS
présenté par : TSE, William
en vue de l’obtention du diplôme de : Maîtrise ès sciences appliquées
a été dûment accepté par le jury d’examen constitué de :
M.SIROIS, Frédéric, Ph. D., président
M. LAURIN, Jean-Jacques, Ph. D., membre et directeur de recherche
M. MOUPFOUMA, Fidèle, Ph. D., membre
III
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à remercier mon directeur de recherche, M. Jean-Jacques Laurin, professeur à l’École Polytechnique de Montréal pour m’avoir suivi et conseillé pour toute la
durée de mon projet de maitrise et, Fidèle Moupfouma, employé de Bombardier Aerospace, pour
m’avoir donné l’opportunité de travailler sur un projet d’actualité munie d’une équipe
dynamique. Je remercie également Monsieur Fréderic Sirois, professeurs à l’École Polytechnique
de Montréal aussi, pour avoir accepté de participer au jury d’examen de ce mémoire.
J’adresse ensuite mes remerciements à toute l’équipe du laboratoire de Poly-Grames, en
particulier Jules Gauthier, Steve Dubé et Traian Antonescu pour leur précieux temps.
Je tiens aussi à remercier mes collègues de bureau qui ont su m’offrir multiples conseils et
surtout un environnement de travail toujours agréable. Merci à Hamidreza Memarzadeh et Alvaro
Diaz-Bolado.
Le projet s’est déroulé avec le soutien d’une Bourse en Milieu de Pratique du FQRNT,
complétée d’une contribution financière de Bombardier Aérospatiale. Les objectifs de cette
recherche étaient donc orientés vers un problème pratique auquel fait face l’industrie aérospatiale.
IV
RÉSUMÉ
Depuis plusieurs années, l’augmentation du coût du pétrole se fait sentir sur le plan
international. Le pétrole étant une source primaire d’énergie largement exploité, il joue un rôle
très important dans l’économie mondiale, surtout dans le domaine du transport. Ainsi afin de
rester compétitif, les entreprises œuvrant en transport se doivent de modifier leur approche lors
des phases de conception de nouveaux produits ou d’amélioration de produit existants. Dans le
domaine de l’aéronautique par exemple, la réduction de poids dans la structure des avions
demeure un aspect important, même primaire, lors de la conception de nouveaux modèles afin de
les rendre plus légers et plus efficaces.
Dans le cadre de ce projet, la recherche est en relation avec de nouveaux matériaux
structuraux plus légers pour de nouveaux avions. À ce jour, plusieurs recherches ont été entamées
afin de trouver un substitut adéquat aux matériaux présents (aluminium) dans la structure des
avions. Plusieurs matériaux innovants tel que l’aluminium-lithium et le composite à base de fibre
de carbone attirent beaucoup d’attention en tant que candidat de remplacement. Ce dernier
présente des propriétés mécaniques (légèreté et rigidité) supérieures à l’aluminium. Ses propriétés
électriques par contre demeurent peu connues. L’objectif de ce projet, proposé par Bombardier,
est de trouver une technique convenable qui permettrait de caractériser le composite afin d’en
ressortir ces propriétés électriques (permittivité (εr), conductivité(σ), etc.).
Dans ce mémoire, les études préexistantes et plusieurs approches pour la caractérisation
du composite sont présentées et discutées. Ces approches ont pour but de mieux anticiper le
comportement électrique du composite sous test. Une comparaison entre éléments connus (ex.
aluminium) et le composite est aussi entreprise afin de bien le situer au niveau électrique, plus
particulièrement au niveau de la conductivité pour de basses fréquences (≈1 MHz) jusqu’à de
hautes fréquences (≈12 GHz). Finalement, plusieurs tests de simulations sont réalisés afin de
reproduire les résultats obtenus et approximer la valeur de la permittivité/conductivité du
composite.
Pour clore le mémoire, une discussion/conclusion présente les résultats et en valide
l’intégrité. Les résultats nous permettent d’obtenir un ordre de grandeur de la conductivité ainsi
que d’observer différentes propriétés d’atténuation du composite en fonction de la fréquence. Les
tests ont été faits avec des plaques de composites laminées sans « wiremesh ». Le « wiremesh »
V
ou treillis de métallisation ici est une matrice de cuivre reposant sur la partie extérieure du
composite et sert de protection électromagnétique additive.
VI
ABSTRACT
In the last decade or so, the rise of oil price is being felt all over the world. Oil being one
of the primary sources of energy highly exploited, it plays a great role in the today’s world
economy, especially in the transport domain. To remain competitive, companies striving in this
domain need therefore to modify their approach in the design phase of new or improved products.
In the aerospace industry for example, weight reduction in aircraft structures have become a
primordial aspect in the design phase of new models making them lighter and more efficient.
In the framework of this project, the research is related to new weight-reduction of
structural materials used in aircrafts. As of today, much research effort has been undertaken to
find good substitutes to replace the materials presently used (aluminum). Several materials such
as aluminum-lithium and carbon fibre composite bring great interest as substitutes. This last one
presents superior mechanical properties over aluminum such as lightweight and rigidity; its
electrical properties though remain still ambiguous. The objective of this project, proposed by
Bombardier Core EMC, is to find a way to characterize the composite in a conventional way that
would allow an extraction of its electrical properties (permittivity (εr), conductivity (σ), etc).
In this Master thesis, the existing studies and characterization approaches for the
composite material are presented and discussed. These approaches will help anticipate the
electrical behaviour of the composite material under test. A comparison between known elements
(ex: aluminum) and the composite material will also be tackled in order to gauge its conductivity
level, particularly for low frequencies (≈1 MHz), and up to high frequencies (≈ 12 GHz). Finally,
some tests have been simulated with electromagnetic modelling software in order to reproduce
and validate the experimental results.
At the end of the thesis, a discussion/conclusion presenting the results and validating their
integrity is given. The results enable us to do an estimation of the composite’s conductivity and to
observe its attenuation properties in function of the frequency. The tests were made with
composite laminated panels without wire mesh. The wire mesh here is a copper matrix integrated
at the exterior surface of the composite for added electromagnetic protection.
VII
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS ...................................................................................................................... III
RÉSUMÉ ........................................................................................................................................ IV
ABSTRACT ................................................................................................................................... VI
TABLE DES MATIèRES ............................................................................................................ VII
LISTE DES FIGURES ................................................................................................................... IX
LISTE DES TABLEAUX ............................................................................................................ XII
LISTE DES ANNEXES .............................................................................................................. XIII
LISTE DES ABRÉVIATIONS ................................................................................................... XIV
INTRODUCTION ............................................................................................................................ 1
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION : LES MATÉRIAUX COMPOSITES UTILISÉS EN
AÉROSPATIALE ............................................................................................................................ 4
1.1 État de l’art ....................................................................................................................... 4
1.2 Objectifs ......................................................................................................................... 10
1.3 Panneaux de tests ........................................................................................................... 10
1.4 Conclusion ...................................................................................................................... 12
CHAPITRE 2 : CARACTÉRISATION ÉLECTRIQUE DU COMPOSITE AVEC UNE
TECHNIQUE DE CAVITÉ ........................................................................................................... 13
2.1 Introduction .................................................................................................................... 13
2.2 Notions de bases sur les techniques de cavité ................................................................ 13
2.3 Expérimentation, résultats et discussion ........................................................................ 15
2.4 Conclusion ...................................................................................................................... 18
CHAPITRE 3 : ÉVALUATION DE LA CONDUCTIVITÉ À L’AIDE DE MESURES EN
GUIDE D’ONDE ........................................................................................................................... 20
3.1 Introduction .................................................................................................................... 20
VIII
3.2 Notions de base sur un guide d'onde .............................................................................. 20
3.3 Principe de l'expérience .................................................................................................. 22
3.4 Mesures préliminaires en courant continu ..................................................................... 27
3.5 Résultats et Discussion ................................................................................................... 31
3.6 Conclusion ...................................................................................................................... 40
CHAPITRE 4 : ÉVALUATION DE LA CONDUCTIVITÉ À L’AIDE DE MESURES AVEC
UNE LIGNE MICRORUBAN ....................................................................................................... 42
4.1 Introduction .................................................................................................................... 42
4.2 Notions de bases sur une ligne microruban .................................................................... 42
4.3 Ligne microruban dans le cadre de la recherche ............................................................ 45
4.3.1 Ligne microruban avec composite non-poncée .......................................................... 48
4.3.1.1 Conception de la première ligne ......................................................................... 48
4.3.1.2 Résultats et Discussions ..................................................................................... 52
4.3.2 Ligne microruban avec composite poncé ................................................................... 56
4.3.2.1 Conception de la nouvelle ligne microruban ...................................................... 57
4.3.2.2 Résultats et Discussion de la première procédure .............................................. 58
4.3.2.3 Résultats et discussion de la deuxième procédure ............................................. 61
4.3.2.4 Comparaison des valeurs expérimentales avec des valeurs simulées ................ 66
4.4 Conclusion ...................................................................................................................... 72
CHAPITRE 5 : CONCLUSION .................................................................................................... 76
5.1 Contributions ........................................................................................................................ 76
5.2 Travaux futurs ...................................................................................................................... 78
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 80
A N N E X E S ............................................................................................................................... 84
IX
LISTE DES FIGURES
Figure 1.1 : SE (dB) de Composites A-D. Figure tirée de [5]. ......................................................... 6
Figure 1.2 : Montage pour un test de SE. Figure tiré de [5]. ............................................................ 7
Figure 1.3 : Pertes de réflexion pour simple couche (CB6) et multicouches (CB5+CB6+CB7,
CB5+CB7) d’une structure absorbante en composite. Figure tirée de [10]. ................... 8
Figure 1.4: Plan de coupe du panneau en composite. .................................................................... 11
Figure 2.1: Modèle 600T de Damaskos. ........................................................................................ 14
Figure 2.2: Comparaison des signaux transmis (S21) pour une des nombreuses résonances de la
cavité ouverte, en présence de l’échantillon de test fourni par le manufacturier et de
l’échantillon en composite laminé................................................................................. 17
Figure 3.1: Représentation des dimensions typiques d’un guide d’onde rectangulaire. ................ 21
Figure 3.2: Section transversale du guide d’onde avec languette de composite. Figure tirée de
[17]. ............................................................................................................................... 23
Figure 3.3 : Différentes vues du guide d’onde avec languette de composite. ................................ 24
Figure 3.4: Représentation de l’effet de la discontinuité entre les sections chargées et non
chargées du guide d’onde. ............................................................................................. 26
Figure 3.5 : calibration TRL vs. Calibration Coaxiale. .................................................................. 27
Figure 3.6 : Montage pour le calcul de résistivité avec multimètre 8860A. .................................. 28
Figure 3.7 : Résultats expérimentaux et simulés avec une languette de composite insérée dans un
guide d’onde WR90. ..................................................................................................... 31
Figure 3.8 : Résultats expérimentaux vs simulés d’alpha (α) et beta (β). ...................................... 33
Figure 3.9 : Résultats expérimentaux vs résultats simulés d’alpha (α) à hautes fréquences avec
sigma = 500 S/m. ........................................................................................................... 34
Figure 3.10 : Conductivité calculée avec l’équation 3.3 pour une languette de composite dans un
guide d’onde avec des données simulées pour une conductivité fixe simulée à 500 S/m.
....................................................................................................................................... 35
X
Figure 3.11 : Options de modélisation pour les mesures en guide d’onde dans HFSS. ................. 36
Figure 3.12: Conductivité calculée avec l’équation 3.3 pour une paroi d’un guide d’onde avec des
données simulées pour une conductivité fixe simulée à 500 S/m. ................................ 37
Figure 3.13 : Résultats de la routine Matlab avec des données expérimentales pour une languette
de composite laminé (L1,i = 22cm, L1,j = 42 cm). .......................................................... 38
Figure 4.1: Géométrie d'une ligne microruban............................................................................... 42
Figure 4.2: Configuration des champs électromagnétiques d’une ligne microruban. .................... 43
Figure 4.3: Impédance caractéristique d’une ligne microruban en fonction du rapport W/h. ....... 44
Figure 4.4: Panneau en Composite, Aluminium et FR4. ............................................................... 45
Figure 4.5: Différentes configurations du plan de masse avec le composite partiellement
découvert: (1) Cuivré au complet, (2) Δd=50 mm cuivré, (3) Δd=30mm cuivré, (4)
Δd=19 mm cuivré, (5) Δd=9 mm cuivré. ...................................................................... 46
Figure 4.6: Coupe détaillée d’un panneau en composite laminé. ................................................... 47
Figure 4.7: Ligne Micro ruban avec composite non-poncé. .......................................................... 49
Figure 4.8: Orientation du champ magnétique pour un couplage maximal dans les sondes de
champ proche HP11940A et HP11941A. ..................................................................... 50
Figure 4.9: Position de la sonde par rapport à la ligne micro ruban. ............................................. 50
Figure 4.10 : Circuit équivalent d’une ligne micro-ruban avec un panneau en composite non-
poncé. ............................................................................................................................ 51
Figure 4.11 : Signaux de transmission (S21) pour un plan de masse en Aluminium de 30 kHz à 1
GHz. La légende indique la largeur (mm) des bandes de cuivre de chaque côté du plan
de masse (voir Fig. 4.5). ................................................................................................ 52
Figure 4.12 : Signaux de transmission (S21) pour un plan de masse en Composite de 30 kHz à 1
GHz. La légende indique la largeur (mm) des bandes de cuivre de chaque côté du plan
de masse (voir Fig. 4.5). ................................................................................................ 53
Figure 4.13: Montage de la ligne micro ruban avec un Amplificateur 5W. .................................. 54
XI
Figure 4.14 : Signaux de transmission (S21) pour un panneau en Aluminium de 30 kHz à 1 GHz
avec le facteur d’amplification et d’antenne intégré. .................................................... 55
Figure 4.15 : Signaux de transmission (S21) pour un panneau en Composite de 30 kHz à 1 GHz
avec le facteur d’amplification et d’antenne intégré. .................................................... 55
Figure 4.16: Ligne Micro ruban avec composite sablé et son circuit équivalent. .......................... 58
Figure 4.17 : Comparaison des signaux de transmission (S21) pour composite non-poncé vs
composite poncé avec la première ligne microruban, de 30 kHz à 30 MHz. ................ 59
Figure 4.18 : Signaux de transmission (S21) pour un panneau en composite poncé de 30 kHz à 1
GHz avec la deuxième ligne microruban. ..................................................................... 60
Figure 4.19 : Signaux de réflexion (S11) et phase (θº) avec une plaque en Aluminium ................. 61
Figure 4.20 : Signaux de réflexion (S11) et phase (θº) avec une plaque en composite. .................. 61
Figure 4.21: Modèle de la trajectoire des lignes de courant dans la ligne micro ruban et le plan de
masse sous-jacent. ......................................................................................................... 62
Figure 4.22: Simulation de la distribution du champ magnétique Hz avec différents modèles de
parcours des lignes de courant de retour. ...................................................................... 64
Figure 4.23: Coupe utilisée pour la représentation du champ magnétique. ................................... 65
Figure 4.24 : Résultats expérimentaux et simulés de S11 pour une ligne microruban avec une
plaque en composite. ..................................................................................................... 66
Figure 4.25 : Résultats de l’équation 3.10 pour différentes valeurs de conductivités simulées .... 68
Figure 4.26 : Résultats de la conductivité (σ) pour un panneau en aluminium avec les mesures
d’une ligne micro-ruban. ............................................................................................... 69
Figure 4.27 : Résultats de la conductivité (σ) pour un panneau en composite avec les mesures
d’une ligne microruban. ................................................................................................ 70
Figure 4.28 : Rapport de conductivité (σ) entre résultats d’un panneau en aluminium et d’un
panneau en composite. .................................................................................................. 71
Figure 4.29: Direction de propagation perpendiculaire aux fibres (a), direction de propagation
parallèle aux fibres (b)................................................................................................... 74
XII
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 2.1: Résultats de l’échantillon de test avec εr = 4,4. ....................................................... 15
Tableau 2.2: Résultats avec un échantillon de test, Annexe A, tableau tiré de [22] ...................... 16
Tableau 2.3: Résultats avec un panneau en composite laminé avec une valeur de départ εr = 5 ... 16
Tableau 3.1: Résistance de différentes configurations de languette .............................................. 29
Tableau 4.1: Équations d'impédance caractéristique et de εff d’une ligne microruban .................. 44
Tableau 4.2: Dimensions de la première ligne micro ruban. ......................................................... 48
Tableau 4.3: Dimensions de la deuxième ligne micro ruban ......................................................... 57
XIII
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1 : Tableau des orientations des fibres de carbones commençant par la surface extérieure
....................................................................................................................................... 85
Annexe 2 : Spécifications de la sonde HP11940A ......................................................................... 86
Annexe 3 : Spécifications de la sonde HP11941A ......................................................................... 87
Annexe 4 : Spécifications de la sonde HP11941A ......................................................................... 88
Annexe 5 : Dérivation de l’expression de l’atténuation par effet de peau à partir des équations de
Maxwell ......................................................................................................................... 89
XIV
LISTE DES ABRÉVIATIONS
CEP : Conducteur électrique parfait
CMP : Conducteur magnétique parfait
TE : Transverse électrique
TM : Transverse magnétique
TEM : Transverse Électromagnétique
ADS: Advanced Design System
SE: Shielding Effectiveness
1
INTRODUCTION
Depuis plus d’un siècle et encore aujourd’hui, les combustibles fossiles demeurent une des
principales sources d’énergie sinon la principale source d’énergie malgré leurs réserves limitées.
Ceci devient problématique car l’économie mondiale dans laquelle nous faisons affaire en dépend
grandement. Le domaine du transport, secteur qui fait marcher le monde que l’on connaît
aujourd’hui, est victime de cet effet. Cette restriction de richesse se traduit par une hausse de sa
valeur au marché et ainsi met en jeu la position financière de multiples compagnies innovant dans
le domaine du transport, en particulier aérien. Une éventuelle pénurie force ainsi les entreprises à
trouver de nouvelles façons de diminuer la consommation de combustibles de leurs produits.
Ce projet, proposé par Bombardier Aéronautique, s’inscrit dans un vaste effort de
recherche visant à apporter des solutions innovatrices dans le domaine du transport, plus
spécifiquement dans la branche de l’aéronautique. La solution de transfert d’un moteur thermique
(gros consommateur de combustible) à un autre type de moteur consommant une source d’énergie
alternative n’étant pas encore disponible, la solution la plus appropriée entre-temps demeure une
réduction de poids. L’utilisation de nouveaux matériaux plus légers est donc envisagée dans la
conception de nouveaux avions. Il existe aujourd’hui deux principaux matériaux qui peuvent
servir en tant que nouveaux matériaux plus léger pour la fabrication de nouveaux avions :
l’aluminium-lithium et le composite à base de fibres de carbone. Dans le cadre de cette recherche,
l’étude se concentre exclusivement sur le composite à base de fibres de carbone, lequel est
considéré par Bombardier Aéronautique pour la conception de nouveaux avions. Or, dans le
domaine de l’aéronautique, une protection électromagnétique adéquate est nécessaire pour la
certification d’un avion afin d’assurer la sécurité du public. En effet un avion évolue parfois dans
un environnement électromagnétique très sévère tel les champs forts générés par les radars ou
l’électricité atmosphérique : foudre, électricité statique, etc. Cette protection est liée à l’énergie
électromagnétique que les champs radiofréquence à haute intensité et que la foudre peuvent
générer et elle repose sur les propriétés électriques (ε, µ) de sa structure. L’aspect étudié dans ce
mémoire est le comportement électromagnétique d’un nouveau matériau plus léger utilisé pour la
structure de l’avion. Cette recherche représente une étude importante pour le domaine de
l’aéronautique et pour Bombardier Aéronautique – elle permettrait de supporter les travaux liés à
la certification de nouveaux avions utilisant cette technologie et d’obtenir une certaine expertise
2
sur ses propriétés électriques. Une expertise permet de prédire et donc prévenir certains
problèmes que peuvent donner un nouveau matériau. Ceci est un aspect très important à
considérer lors de la conception de nouveaux avions, surtout pour les fabricants d’avions, afin
d’éviter des délais de livraison.
Le composite est un matériau perçu par les grands manufacturiers autant dans le domaine
de l’aéronautique que l’automobile. C’est un matériau innovant avec une utilisation croissante.
Cet assemblage d’un ou de plusieurs éléments non miscibles permet une amélioration de poids,
de rigidité, etc. à des niveaux que les éléments individuels ne possèdent pas. Il existe plusieurs
types de composite : fibres de verre, fibres de carbone, kevlar, béton armé, etc. La recherche en
question se concentre sur les matériaux à base de fibres de carbone en raison de la rigidité que ces
derniers offrent par rapport au poids. Or, les propriétés électriques de ces derniers demeurent mal
connues. L’objectif de ce mémoire est de procéder à une caractérisation électrique du composite à
base de fibres de carbone afin d’acquérir une meilleure compréhension de son comportement
lorsque celui-ci se retrouve dans un environnement aéronautique.
Le mémoire est divisé en cinq chapitres. Le premier chapitre présente l’état de l’art
englobant les divers aspects et études liés à ce projet. Il aborde aussi la structure des matériaux
composites à bases de fibres de carbone conçus et utilisés par Bombardier Aéronautique. Le
deuxième chapitre présente la première approche utilisée pour procéder à l’étude des propriétés
électriques. Elle fait référence à l’usage des techniques des résonateurs ouverts. Une technique à
base de résonateur de type Fabry-Perrot couramment utilisée pour la caractérisation de substrats
dans un espace ouvert, en particulier dans les bandes millimétriques et micro-ondes. Dans notre
cas, un système de mesure par résonateur commercial fourni par la compagnie Damaskos1 a été
utilisé. Différents modèles de résonateurs existent dans le commerce. Le modèle disponible au
centre de recherche Poly-Grames2 est le modèle 600T.
Suite aux mesures obtenues avec une cavité résonante, une deuxième approche fut
entamée afin de valider les observations de la première approche. Le troisième chapitre présente
une approche utilisant un guide d’onde rectangulaire de type WR90. Les effets d’une languette de
1 Damaskos.INC, PA, USA est un fournisseur de matériel de mesures dans le domaine de l’électromagnétisme.
2 Poly-Grames : Groupe de Recherche Avancée en Micro-ondes et Électronique Spatiale
3
composite sur le long d’une paroi d’un guide sont étudiés. Cette expérience fait l’analyse d’effet
de peau « skin depth ». Le quatrième chapitre traite d’une troisième approche faisant appel à des
mesures avec une ligne micro ruban. Des tests et mesures sont faits avec plusieurs configurations
de lignes microrubans dans lesquelles le comportement électrique est examiné pour différents
matériaux de plan de masse. Les résultats obtenues avec ces diverses approches serviront en tant
que base pour l’étude et l’approximation des propriétés électriques du composite en test.
Finalement des outils de simulations seront utilisés afin de reproduire les valeurs expérimentales
et ainsi reconstruire un modèle électrique du composite.
Le cinquième et dernier chapitre dresse un bilan des résultats et conclusions du mémoire
et présente des perspectives de travaux futurs possibles.
4
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION : LES MATÉRIAUX COMPOSITES UTILISÉS EN AÉROSPATIALE
Dans ce chapitre, l’état d’art ayant un lien avec les aspects de ce mémoire ainsi qu’une
brève description des objectifs de la recherche et des caractéristiques du panneau en composite
testé dans le cadre du mémoire sont présentés.
1.1 État de l’art
Dans cette section, une revue bibliographique sur les études récentes et connaissances
existantes ayant un lien avec le sujet en question sont présentées.
Le composite, pour lecteurs encore non initiés dans le domaine, est un assemblage de
plusieurs matériaux non miscibles dans le but de créer un nouveau matériau ayant des propriétés
que les matériaux de départ ne possèdent pas. C'est un procédé souvent utilisé pour des
applications mécaniques afin d’allier certaines propriétés des composants de base telles que la
légèreté et la rigidité. Nous retrouvons le composite surtout dans les domaines de l'automobile, du
transport aérien, maritime, ferroviaire, du bâtiment, de l'aérospatiale et de même dans les sports et
loisirs. Parmi les principaux composites [1], nous y retrouvons les fibres de verre, les fibres de
carbone, le contreplaqué, le béton armé, la fibre d'aramide (Kevlar) ainsi que le GLARE (GLAss-
REinforced).
La fibre de carbone est un matériau se composant de fibres extrêmement fines, de l'ordre
de 5 à 15 microns de diamètre. Les atomes de carbone sont agglomérés dans des cristaux
microscopiques, qui sont alignés plus ou moins parallèlement dans l'axe de la fibre. Cet
alignement des cristaux rend la fibre jusqu’à 5 fois plus résistante que l’acier. Le tout est
normalement renforcé avec de le la résine d'époxy, d'où l'appellation de composite. Le composite
à base de fibres de carbone est surtout utilisé dans les applications exigeant une grande résistance
mécanique pour un poids réduit. Parmi une de ses applications les plus populaires et récentes,
nous pouvons mentionner la conception de nombreuses pièces pour l'AIRBUS A380 (le plus gros
avion civil en service en 2009 et le 3e plus gros avion de l'histoire de l'aéronautique). Le carbone,
à titre d'information, se retrouve sous deux principales formes d’allotropie : graphite et diamant.
Le carbone, à l’état graphite, est un élément conducteur avec une conductivité électrique en
courant continu de 61x103 S/m, alors qu’à l’état diamant, ce dernier est un élément peu
5
conducteur. Le graphite découle d’un empilement de graphène; un cristal bidimensionnel avec
une résistance de rupture 200 fois supérieure à l’acier et 6 fois plus léger [2].
En ce qui concerne la recherche réalisée sur les composites, ce sont les aspects
mécaniques qui sont habituellement optimisés, sans égard aux propriétés électriques. Les
matériaux composites commencent néanmoins à s'intégrer de plus en plus dans la conception de
composantes électriques. Pour des applications de protection électromagnétique, un besoin sur la
connaissance de son comportement électrique devient essentiel. Les prochains paragraphes
introduisent les paramètres nécessaires pour une caractérisation électrique et les études réalisés
ayant un lien direct avec le sujet de ce mémoire.
Les propriétés électriques sont généralement associées à la dissipation et au stockage
d’énergie. La dissipation électrique est liée à la conductivité du matériel alors que le stockage
d’énergie est lié à permittivité diélectrique du matériel. En régime d’excitation sinusoïdale, les
deux propriétés peuvent être combinées dans un seul paramètre, soit la permittivité complexe :
0eff
r
jσε ε ε
ω= −
(1.1)
Sigma effectif (σeff) tient compte de la conductivité ohmique associée au transport de
porteurs de charge et à la relaxation diélectrique3 . Les propriétés magnétiques ne sont pas
considérées dans ce mémoire. La perméabilité relative (μ/μ0) est ainsi considérée égale à 1. Ceci
peut être justifié par le fait que le matériau ne réagis pas en présence d’un matériau magnétique
tel un aimant et qu’aucun matériau magnétique (e.g. Fe, Ni, Co) ne se retrouve dans la
composition des panneaux.
Depuis plusieurs années, nous avons pu témoigner d'un accroissement d'intérêt sur la
caractérisation autant mécanique qu'électrique des matériaux composites. Nous pouvons
maintenant y retrouver quelques études, dans le domaine électrique, sur le composite à base de
fibres de carbone. Ces études se font souvent dans des contextes d'interférence
électromagnétique, de compatibilité électromagnétique et d'efficacité de blindage (« Shielding
3 La relaxation diélectrique représente le délai de polarisation au niveau des molécules par rapport à un changement
des champs électriques.
6
Effectiveness » (SE)) [3-7]. Un exemple de résultats expérimentaux de SE provenant de [5], est
présenté à la Figure 1.1.
Le composite A représente une couche de fibres de carbones orienté de 0º/90º, le
composite B et C représente respectivement deux et trois fois la couche A et le composite D
représente le même modèle que le composite C mais avec sa couche centrale orienté de -45º/+45º.
D’ailleurs, la composition anisotrope des composites due à l’orientation des fibres et la couche de
résine entre fibres présente une certaine complexité côté modélisation électromagnétique [3], [8]-
[9]. À ce jour, différentes méthodes numériques de modélisation ont été développées pour ce type
de matériaux.
Figure 1.1 : SE (dB) de Composites A-D. Figure tirée de [5].
Dans ce cas, les résultats ont été obtenus avec un montage de type « espace ouvert » où un
panneau en composite est placé entre une antenne émettrice et une antenne réceptrice. Le principe
est simple, une antenne émettrice génère un signal vers un panneau en composite et une antenne
réceptrice mesure le signal transmis à travers le panneau en composite tel que démontré à la
Figure 1.2. Une comparaison des puissances de champs avec et sans panneau (équation 1.2)
permet d’obtenir le SE.
7
Figure 1.2 : Montage pour un test de SE. Figure tiré de [5].
1 1 110 10 10
2 2 2
( ) 20log 20log 10logE H PSE dBE H P
⎛ ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞= = =⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟
⎝ ⎠ ⎝ ⎠ ⎝ ⎠ (1.2)
La propriété qui a rendu le composite en général populaire est la flexibilité que ce dernier
possède pour ce qui est de la composition de sa structure. Le processus d’assemblage des
composites joue un rôle primordial sur leurs propriétés finales. Par exemple pour du composite à
base de fibres de carbone, la résistance de surface ainsi que la résistance de volume dépendent
largement du pourcentage fibres de carbone-composite. Selon des travaux antécédents sur
l’absorption et le blindage électromagnétique [10]-[11], en manipulant le pourcentage massique
de particules de carbone dans le composite, les propriétés d’absorption et réflexion peuvent être
ajustées selon des spécifications précises. Par exemple, l’objectif des travaux fait en [10] était
d’étudier plusieurs structures d’une certaine épaisseur produite avec soit un ou plusieurs
panneaux en composite (i.e. CB5+CB7) afin de déterminer la meilleure combinaison qui donne la
meilleure absorption dans la bande X (8.2 GHz -12.4 GHz). Dans ce cas, des mesures de
réflexion S11 plutôt que des mesures de transmission S21 ont été utilisées pour analyser le
comportement électrique d’un panneau en composite à base de fibres de carbone. La Figure 1.3,
prise de [10], représente les résultats obtenus pour une configuration optimale d’une structure
absorbante dans la bande X. Les courbes présentées font référence à plusieurs panneaux en
8
composite (simple couche ou multicouche), d’épaisseur de 2.6 ou 2.7 mm, avec différents
pourcentages massiques de particules de carbone (notation: CB6 = 6% de teneur en carbone).
Figure 1.3 : Pertes de réflexion pour simple couche (CB6) et multicouches (CB5+CB6+CB7, CB5+CB7) d’une
structure absorbante en composite. Figure tirée de [10].
Nous pouvons observer ici l’effet de la composition d’un panneau en composite sur ses
propriétés électriques absorbantes. L’utilisation de mesures de réflexion est une approche
intéressante surtout dans un cas où les signaux de transmission sont difficiles à interpréter. Dans
le cadre de ce mémoire, nous verrons plus tard que ces signaux seront utiles afin de mieux
comprendre les phénomènes observés.
Pour une caractérisation électrique, il existe différentes techniques et approches. Elles
dépendent souvent de plusieurs critères tels la taille de l'échantillon, la composition de
l'échantillon, la plage de fréquence d'intérêt, etc.
Une des techniques de caractérisation les plus communes pour mesurer la permittivité
complexe d’un matériau diélectrique est la méthode de transmission/réflexion [12]. Le principe
de cette méthode repose sur l’analyse de la propagation des ondes dans un milieu contrôlé et
fermé. L’objet sous test est inséré soit dans un guide d’onde ou un câble coaxial, et la permittivité
est déterminée selon des mesures des coefficients de répartition (paramètres S) avec l’algorithme
de Nicolson-Ross. Les solutions de cet algorithme sont par contre restreintes à des échantillons de
9
taille inférieure à une moitié de longueur d’onde. Depuis, certaines techniques [13-17] inspirées
de la méthode transmission/réflexion ont été développées afin de contourner cette restriction. Il
existe aussi des techniques à espace ouvert [18]-[19] qui permettent la mesure de la constante
diélectrique, se fiant toujours à la méthode de transmission/réflexion. Les techniques à espaces
ouverts offrent plusieurs avantages. Premièrement, en raison de la composition non-homogène
des matériaux composites, les modes supérieurs peuvent être excités pour une interface air-
diélectrique dans un guide d’onde ou une cavité fermée. Deuxièmement, les mesures effectuées
avec ces techniques sont non-destructive et sans contact, les rendant ainsi très convenables pour
des mesures à haute température. Finalement, dans un espace fermé, l’échantillon sous test doit
être machiné afin de s’ajuster à la section transversale de l’espace. Ceci peut limiter la précision
des mesures, surtout pour des matériaux difficiles à machiner avec hautes précisions. Il existe
néanmoins certaines inexactitudes dans les mesures de la constante diélectrique avec les
techniques à espace ouvert. Il y a les effets de diffraction à considérer sur les bords de
l’échantillon ainsi que les multiples réflexions présentes entre antennes et la surface de
l’échantillon.
Une autre technique de caractérisation assez commune est la méthode des résonateurs,
dans lequel l’algorithme utilisé pour le calcul des propriétés dépend de la distribution des champs
dans le résonateur et l’échantillon [20]. Même si cette approche ne fonctionne habituellement
qu’à une seule fréquence ou à quelques fréquences discrètes, elle est couramment utilisée en
raison de sa précision et de sa sensibilité. Parmi ces méthodes, nous retrouvons les méthodes de
l’échantillon résonateur et les méthodes de résonateur-perturbateur. Dans la première méthode,
l’échantillon sous-test sert lui-même de résonateur ou d’élément clé du résonateur -- ses
propriétés électriques sont déterminées à partir de ses propriétés résonantes. Dans la méthode de
résonateur-perturbateur, l’échantillon sous test est inséré dans une structure a priori résonante
(e.g. cavité ouverte ou fermée) -- dans ce cas ses propriétés sont déterminées à partir du
changement des propriétés résonantes de la structure résonante causée par l’insertion de
l’échantillon.
Dans cette section, nous avons défini de façon générale les matériaux composites et
présenté quelques recherches antérieures effectuées sur les matériaux en composite concernant
une caractérisation ou une modélisation électrique. Dans la littérature, plusieurs méthodes se sont
avérées pertinentes et inspirantes en regard des objectifs de ce projet de maîtrise. Dans les
10
sections qui suivent, les objectifs et le panneau en composite sont définis. Ensuite, à partir de ces
derniers, le choix des méthodes d’approche utilisées ou développées pour la caractérisation
électrique d’un panneau en composite est justifié.
1.2 Objectifs
Dans le cadre de ce projet, on vise une caractérisation électrique de panneaux de
composite à base de fibres de carbone. Une bonne caractérisation permettrait d’acquérir les
propriétés électriques et ensuite de les utiliser dans des outils de simulation électromagnétique
utilisés lors de la conception de la structure de l’avion. Ce projet s’effectue en collaboration avec
la division « Core EMC Engineering » de Bombardier Aéronautique.
Cette caractérisation est importante pour pouvoir prédire les performances en blindage
électromagnétique, autant à basse fréquence qu’à haute fréquence. Nous faisons références à la
foudre pour les basses fréquences (DC à 3 MHz approx.) et aux champs radiofréquences générés
par les radars et les systèmes de télécommunications (e.g. la radiodiffusion) pour les hautes
fréquences (100 MHz à 18 GHz approx.). Ainsi un plan de test doit être conçu pour respecter les
plages de fréquence d’intérêt.
1.3 Panneaux de tests
Avant de passer aux méthodes utilisées pour la caractérisation électrique, une description
d’un panneau en composite typiquement utilisé par l’industrie aérospatiale est présentée. Le
panneau en composite est assemblé par un processus de durcissement par chaleur. La Figure 1.4
présente une coupe du panneau et ses diverses composantes. Le numéro de modèle du panneau
fourni et construit par Bombardier Aéronautique est le « EX13253000001-001 ».
11
Figure 1.4: Plan de coupe du panneau en composite.
Le panneau peut être divisé en trois majeures parties. De l’extérieur vers l’intérieur, nous
faisons face en premier avec une partie composite/résine d’époxy (composite laminé) avec un
maillage de fil de cuivre à la surface externe du panneau, ensuite nous y retrouvons une partie
cartonnée en forme de nid d’abeille solidifiée avec de la résine d’époxy et finalement nous y
retrouvons une fois de plus une couche de composite laminé. Un ruban adhésif fin est aussi
trouvé entre la couche de composite laminé et le nid d’abeille en carton afin de les unir. Chaque
partie du composite laminé, pour le panneau en test, est constitué de 10 couches de fibres
orientées différemment (soit 0º, ±45º ou ±90º). Un tableau avec l’orientation de chaque couche se
retrouve en annexe.
L’étude, dans le cadre de ce mémoire, ne tient compte que de la partie laminée
(composite/résine d’époxy) en raison du fait que la maille de cuivre est une protection additive et
qu’elle demeure toujours en phase test, c'est-à-dire que sa nécessité à certains endroits dans la
structure reste encore à définir. Évidement la partie cartonnée est un isolant électrique et ne
présente aucun intérêt car elle ne participe pas au blindage.
12
1.4 Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons introduit plusieurs recherches antérieures sur les composites
au niveau électrique ainsi que présenté le panneau en composite de BA en son entier. Nous avons
également défini la partie critique à analyser: le composite laminé. Cette introduction a permis de
développer et prendre connaissance de différentes méthodes de caractérisation électrique ainsi
que de mieux comprendre et prédire le comportement électrique du composite.
Dans le cadre de ce projet, la caractérisation électrique par une méthode de résonance de
type espace ouvert semble être une approche idéale pour analyser le comportement électrique
d’un panneau en composite. Elle est simple, et ne requiert que des équipements de base, sans
aucune insertion ou machinage complexe de l’élément sous test. Elle permet aussi une plus
grande liberté sur la plage de fréquence d’opération alors que pour une cavité fermée, cette
dernière est assez restreinte. Pour une caractérisation électrique par la méthode de
transmission/réflexion, l’utilisation d’un guide d’onde rectangulaire semble être un choix
approprié. Une analyse avec un guide est beaucoup plus simple et requiert un machinage
de l’élément sous test très simple, ce qui n’est pas le cas avec un guide coaxial.
Il a été difficile de trouver des méthodes de caractérisation simples travaillant dans les
basses fréquences. En raison de cela, une méthode d’approche avec une ligne micro ruban, une
technologie simple et à point, où un panneau en composite peut être utilisé sans trop de
complexité, a été développé. Les prochains chapitres présenteront les méthodes d’approche
utilisés en détails avec une analyse de leurs résultats. Il est à noter que certaines mesures ont été
comparées avec des mesures simulées et que le composite est modélisé ici en tant que continuum.
Ceci se justifie par le fait que la plus petite longueur d’onde des signaux utilisés pour l’étude est
d’environ 3 cm et que cette valeur représente plus de dix fois l’épaisseur du matériau composite
testé, soit moins de 2mm. Une telle supposition est couramment utilisée dans le domaine des
micro-ondes.
13
CHAPITRE 2 : CARACTÉRISATION ÉLECTRIQUE DU COMPOSITE AVEC UNE TECHNIQUE DE CAVITÉ
2.1 Introduction
Dans ce chapitre, une approche utilisant une des techniques de cavité est présentée. Cette
technique permet de déterminer la permittivité d’un échantillon dans un espace ouvert. Dans ce
cas, notre échantillon est une plaquette de composite laminée (sans maille de cuivre) 12cm x
12cm x 1.23mm approximativement.
Les prochaines sections serviront à expliquer le principe et l’utilisation des techniques de
cavité, présenter et analyser les résultats obtenus et finalement en ressortir une conclusion
adéquate.
2.2 Notions de bases sur les techniques de cavité
Les techniques de cavité sont des méthodes bien établies pour la mesure des propriétés
diélectriques dans les bandes micro-ondes/ondes millimétriques. Il en existe plusieurs types, nous
y retrouvons des résonateurs ouverts, des cavités circulaires, des résonateurs de type Courtney
[20]-[21], etc. Chacun est idéal pour une plage de fréquences et une dimension d’échantillon
donnée. Parmi ceux disponibles au laboratoire de Poly-Grames, un résonateur de type Fabry-
Perrot ouvert commercialisé par la compagnie Damaskos (le modèle disponible est le 600T). Il
est considéré comme un petit résonateur, évaluant des échantillons ayant des dimensions
minimales de 10 x 10 cm, et est capable de calculer les paramètres ε et tan δ (facteur de
dissipation4) sur une bande approximative de 15 à 100 GHz. Le travail se fait ainsi dans les
hautes fréquences. Le résonateur est formé de deux réflecteurs amovibles formant un résonateur
Fabry-Perrot (réflecteurs avec une mini antenne intégrée au centre de chacun) relié par des
supports cylindriques avec un support d’échantillon entre les deux tel que démontré à la Figure
2.1.
4 Le facteur de dissipation est le rapport entre la partie imaginaire et la partie réelle de la permittivité.
14
Figure 2.1: Modèle 600T de Damaskos.
Le tout est rattaché à un analyseur de réseau Anritsu 39397C qui lui est contrôlé par un
ordinateur externe. Avec le modèle 600T, le calcul de la constante diélectrique se fait par les
différences mesurées des multiples fréquences de résonance et des facteurs Q, entre un système à
vide et un système avec échantillon. L’acquisition de données et le processus de calcul de la
constante diélectrique se fait par l’entremise d’un logiciel fourni par le manufacturier, lequel se
base sur la théorie présentée dans [22]. Le traitement des données nécessite l’entrée d’une
constante diélectrique approximative. Donc, l’usager doit refaire une approximation entre chaque
mesure jusqu’à l’obtention de résultats adéquat. Un exemple de résultats corrects et incorrects est
présenté dans le prochain sous-chapitre.
La plage de fréquence de 15 à 100 GHz est la plage totale accessible avec ce modèle,
différentes configurations/positions des réflecteurs permettent différentes mesures dans
différentes plages de fréquence. Comme démontré à la Figure 2.1, les réflecteurs reposent sur des
supports cylindriques sur lesquels ils peuvent glisser, ainsi augmentant ou diminuant la distance
entre eux. Le modèle 600T inclut aussi des accessoires tels que des entretoises de différentes
grandeurs servant comme standards pour séparer les réflecteurs. Il existe 5 standards pour cette
15
cavité avec plus ou moins 10 GHz de bande passante. L’objectif visé avec la méthode de
résonateur est donc d’extraire la constante diélectrique complexe (ε) d’un panneau en composite.
2.3 Expérimentation, résultats et discussion
Suivant les restrictions du modèle 600T, un échantillon de composite laminé de 12cm x 12
cm x 1.23 mm a été découpé pour procéder aux mesures. Ceci représente approximativement les
mêmes dimensions que celles d’un échantillon de test avec propriétés connues. L’échantillon de
test est inclus avec le système de cavité et permet une meilleure compréhension du
fonctionnement d’acquisition et de traitements de données du système. Il possède une constante
diélectrique relative de 4.4. Un espacement entre les miroirs de 23.9 cm est recommandé par le
manuel d’utilisation pour faire une caractérisation dans la plage de fréquence de 12 à 26 GHz. La
figure suivante représente les résultats obtenus avec l’échantillon de test.
Tableau 2.1: Résultats de l’échantillon de test avec εr = 4,4.
Les résultats obtenus sont cohérents avec ceux de l’annexe A de la documentation du
modèle 600T présentés dans le Tableau 2.2. Nous remarquons que les valeurs de Q ainsi que la
partie réelle et la partie imaginaire de ε sont constantes dans toute la plage de fréquences. La
maîtrise de la méthode d’acquisition et de traitement de données peut ainsi être dite acquise.
16
Tableau 2.2: Résultats avec un échantillon de test, Annexe A, tableau tiré de [22]
Les mêmes mesures sont ensuite faites avec le panneau en composite laminé. Un exemple
de résultats à partir de plusieurs tentatives avec différentes valeurs de départ de εr est démontré
dans le Tableau ci-dessous. La valeur de départ, dans ce cas, est εr = 5.
Tableau 2.3: Résultats avec un panneau en composite laminé avec une valeur de départ εr = 5
Les valeurs de Q, ε et tan δ obtenues avec l’échantillon de panneau en composite démontrent
une grande instabilité, contrairement à ce que nous avions observé avec l’échantillon de test
17
fourni par Damaskos. De ce fait, il est difficile d’affirmer que nous avons une bonne estimation
de la constante diélectrique. En réalité, les données calculées par le logiciel sont fausses car elles
sont basées sur une simple mesure du bruit ambiant. Cet effet est démontré à la Figure 2.2
montrant le coefficient de transmission entre l’entrée et la sortie du résonateur dans une bande
étroite de fréquences. En présence de l’échantillon fourni par le manufacturier la résonance est
clairement visible, alors que seul du bruit est présent lorsque l’échantillon à base de fibres de
carbone est inséré. En réalité, si le signal généré par l’antenne émettrice passe à travers l’élément
de test, nous devrions observer un léger déplacement (droite ou gauche) ainsi qu’une forme
différente du pic (plus étroit ou plus large) de la fréquence de résonance en fonction de εr. Cette
absence de résonances provient du fait que cet échantillon est suffisamment réfléchissant ou
absorbant, de sorte que le signal transmis à la sortie du résonateur est en deçà du seuil de
détection des appareils de mesure, rendant ainsi les résonances invisibles. Il en résulte que le
calcul du déplacement de la fréquence de résonnance et du changement de facteur de qualité est
simplement impossible.
Figure 2.2: Comparaison des signaux transmis (S21) pour une des nombreuses résonances de la cavité ouverte,
en présence de l’échantillon de test fourni par le manufacturier et de l’échantillon en composite laminé.
Une bonne atténuation ou une bonne réflexion des signaux suppose des propriétés
conductrices importantes. Selon la littérature [3], un composite à base de fibre de carbone
12.22 12.24 12.26 12.28 12.3-100
-90
-80
-70
-60
-50
-40
-30
-20
-10
Fréquence (GHz)
S21
(dB
)
Échantillon de testComposite Laminé
18.48 18.485 18.49 18.495 18.5-100
-90
-80
-70
-60
-50
-40
-30
-20
-10
Fréquence (GHz)
Échantillon de testComposite Laminé
18
représente un bon matériau conducteur (seulement 1000 fois moins conducteur que l’aluminium),
ce qui justifierait notre supposition.
2.4 Conclusion
Dans ce chapitre, l’approche par méthode de cavité pour le calcul de la constante
diélectrique à hautes fréquences a été présentée. Avec différents standards ou configurations
possibles du résonateur ouvert, un standard a été choisi afin d’opérer dans la plage de fréquence
désirée. Deux mesures ont été faites. Une avec un échantillon de test de constante diélectrique
connue de 4,4 et une autre avec un panneau en composite laminé.
Dans ce cas, l’objectif n’a pas été atteint. Une valeur numérique de la constante
diélectrique (ε) n’a donc pas pu être obtenue avec un panneau en composite. Avec le composite
laminé, la différence de la fréquence de résonance et du facteur de qualité Q a été impossible à
lire. Ceci peut être dû au fait que les signaux nécessaires à l’estimation de la constante
diélectrique ont été atténués et réfléchis au point de n’obtenir que du bruit de l’autre coté du
panneau. Cette observation suggère une structure très compacte avec une conductivité importante
pour le composite laminé. Quoique l’objectif n’ait pas été atteint, ces dernières observations sont
très intéressantes et utiles. Le composite démontre ainsi des propriétés de blindage favorables. En
effet, nous pouvons nous attendre à une bonne protection électrique contre les champs à hautes
fréquences. Pour ce qui est des basses fréquences, nous nous attendons à des propriétés de
blindage (atténuation du signal) dépendantes de la fréquence. Cette hypothèse est reliée à la
présence de la résine d’époxy qui forme une mince couche non-conductrice à la surface du
panneau et entre les fibres. Cette mince couche de résine agit en tant que diélectrique. Sa
conductivité est considéré nulle ou très faible. Donc, le couplage entre le courant externe et le
courant circulant dans le composite est de type capacitif, ce qui signifie un couplage très faible et
fortement dépendant de la valeur de la capacité de couplage aux basses fréquences, et un
couplage plus élevé et moins dépendant de la valeur de la capacité de couplage aux hautes
fréquences.
Ainsi pour la formule de la permittivité présentée dans le chapitre 1, en supposant une
bonne conductivité du composite en raison des bonnes propriétés de blindages mise en évidence
avec les mesures de résonateur et des études retrouvées en littérature [3-7], nous pouvons nous
19
attendre à ce que la partie imaginaire de la permittivité soit supérieure à la partie réelle. C’est ce
que le prochain chapitre tentera d’éclaircir.
20
CHAPITRE 3 : ÉVALUATION DE LA CONDUCTIVITÉ À L’AIDE DE MESURES EN GUIDE D’ONDE
3.1 Introduction
Le Chapitre 2 a introduit une première méthode d'approche pour une caractérisation
électrique d’un panneau en composite utilisant des techniques de cavités. Les résultats de
caractérisation nous n’ont pas permis de mesurer une valeur numérique de la constante
diélectrique (ε) et à partir des observations retenues de cette première approche, une conductivité
élevée a donc été présumée dans le domaine des hautes fréquences.
Ce chapitre tentera de confirmer si cette supposition est réaliste en utilisant une approche
basée sur l’utilisation d’un guide d'onde rectangulaire. Le guide choisi est de type WR90. À vide,
ce type de guide est habituellement utilisé dans la bande X des micro-ondes (8 à 12 GHz). Dans
les paragraphes qui suivent, quelques notions de base sur le principe et le fonctionnement d'un
guide d'onde sont présentées.
3.2 Notions de base sur un guide d'onde
Son nom définit sa fonction. Un guide d'onde est assuré par des réflexions successives
d'une onde sur ses parois. Les parois par défaut sont de bons conducteurs afin de maximiser la
réflexion et ainsi minimiser les pertes.
Il existe deux types de guide: homogène et inhomogène. Les guides d'onde sont souvent
de type rectangulaire ou circulaire, avec ou sans diélectrique à l'intérieur. Ces derniers sont de
différentes dimensions selon la plage de fréquence d'opération désirée. Par exemple, WR90
représente un guide d'onde de 2.286 centimètre de largeur (a) et de 1 centimètre de hauteur (b) tel
que présenté à la Figure 3.1, avec une plage d’opération de 8 à 12 GHz approximativement.
21
Figure 3.1: Représentation des dimensions typiques d’un guide d’onde rectangulaire.
Les équations de Maxwell décrivent les propriétés des champs électriques et magnétiques
dans un milieu. La solution aux équations de Maxwell dans un guide d'onde est un problème de
valeurs propres. Autrement dit, plusieurs solutions sont possibles. Ces solutions représentent
plusieurs modes de propagation. Chaque mode possède différentes propriétés de propagation
(atténuation, déphasage, fréquence de coupure, etc.), nous y retrouvons 3 types de mode de
propagation pour un guide d’onde rectangulaire: transverse électrique (Ez=0, Hz≠0), transverse
magnétique (Ez≠0, Hz=0), et hybride (Ez≠0, Hz≠0), z étant l'axe de direction de propagation de
l'onde. Le mode transverse électromagnétique (Ez=Hz=0) ne peut exister dans un guide fermé en
raison de ses parois qui forment une équipotentielle dans un plan perpendiculaire à la direction de
propagation (NB : Dans un mode TEM le champ E est conservatif dans un tel plan)5. Dans un
guide d'onde, il existe un facteur de propagation (γ = α + jβ) pour chaque mode et ainsi une
fréquence de coupure spécifique à chacun. Cette fréquence sépare la plage de fréquence où l'onde
est atténuée (onde « évanescente ») de la plage de fréquence où l'onde peut se propager. Afin de
définir la plage idéale de fréquence d'opération d'un guide d'onde, la fréquence de coupure de son
mode fondamental et des modes suivants doivent être connus.
La formule de fréquence de coupure de tous les modes pour un guide d'onde rectangulaire
est donnée ci-dessous:
5 Pour obtenir le mode transverse électromagnétique, il faut donc avoir 2 conducteurs ou plus isolés pour éviter que le
plan tansversal soit une équipotentielle.
22
2 2
2mnc m nf
a b⎛ ⎞ ⎛ ⎞= +⎜ ⎟ ⎜ ⎟⎝ ⎠ ⎝ ⎠
(3.1)
Les termes de l’équation 3.1 sont définis comme suit :
c = vitesse de la lumière (300x106 m/s)
m,n = numéro de mode (≥0)
α,b = dimensions du guide d’onde
Pour un guide d’onde de type WR90, nous obtenons ces fréquences de coupures pour les
premiers modes:
f10= 6.521 GHz f01=15 GHz f20= 13.04 GHz f11= 16.356 GHz
Le mode fondamental est celui avec la fréquence de coupure la plus faible et la plage de
fréquence idéale d'opération d'un guide d'onde est celle où ce dernier se propage seul. Dans ce
cas, le mode fondamental commence à se propager à 6.512 GHz et le prochain mode commence à
ce propager aux alentour de 13.04 GHz, ainsi la plage d'intérêt se situe entre 6.521 GHz et 13.04
GHz. Par contre, un guide d'onde réel n'est jamais parfait. À cause des pertes dans les parois de
métal qui sont élevées près de la fréquence de coupure, il est préférable d’opérer un peu au-dessus
de cette fréquence (8 à 12 GHz). Dans cette section, la position de la fréquence de coupure et le
facteur de propagation sont nos points d’intérêts.
3.3 Principe de l'expérience
Après avoir démontré quelques notions de bases sur le fonctionnement d'un guide d'onde
rectangulaire, l'explication de l'utilisation de ce dernier peut être entamée. L'objectif de cette
expérience est d’évaluer la conductivité à hautes fréquences du composite. Le principe de cette
expérience est de remplir partiellement le guide d'onde de composite dans l'axe longitudinal du
guide sur un coté et d'en visualiser les effets. Cette méthode est inspirée d’une technique de
mesure de permittivité avec guide d’onde tirée de la littérature [17]. Il existe aussi d’autres
23
approches de caractérisation faisant usage d’un guide d’onde WR90, d’où le guide est rempli
complètement [4]. Ceci requiert de grandes quantités de matériau et, compte tenu des résultats
obtenus avec les mesures en cavité, il est clair que le fait de remplir un guide d’onde avec le
matériau composite à tester serait totalement inutile. Les ondes seraient complètement atténuées
et réfléchies, et seul du bruit serait mesuré pour les signaux de transmission (S21). Pour ces
raisons, la méthode avec un guide d’onde partiellement rempli à été utilisée. La Figure 3.2
démontre une coupe du guide d'onde avec le composite partiellement inséré.
Figure 3.2: Section transversale du guide d’onde avec languette de composite. Figure tirée de [17].
L'épaisseur du composite laminé (d) est de 1.25 mm. En se basant des résultats de la
première approche et ainsi supposant une conductivité élevée du composite laminé à hautes
fréquences, l’insertion d’une languette de composite dans l’axe longitudinal d’un guide d'onde
devrait en théorie engendrer un déplacement de la fréquence de coupure. Dans le cas où le
composite serait un matériau très conducteur, ceci reviendrait à créer un deuxième guide d’onde
avec trois murs de cuivre et un mur ayant la conductivité du composite. La nouvelle fréquence de
coupure devrait donc s'approcher à la fréquence de coupure d'un guide d'onde pour lequel la
dimension (a) est réduite à 2.161 cm (largeur du guide – épaisseur de la languette en composite).
Si nous réutilisons l’équation 3.1 pour calculer les nouvelles fréquences de coupure, nous
obtenons :
f10= 6.941 GHz f01=15 GHz f20= 13.882 GHz f11= 16.528 GHz
Lorsque le guide est chargé d’une languette de composite, cette dernière ne le remplit que
partiellement selon l’axe des z tel que démontré à la Figure 3.3. L’onde guidée subit donc des
réflexions partielles à cause des discontinuités entre les parties de guides chargées et non
chargées par le composite. Afin de déterminer la constante de propagation à partir des mesures et
d’éliminer les effets de ces discontinuités, il suffit d’effectuer plusieurs mesures avec diverses
longueurs de languette de composite. Une telle approche a été utilisée dans [17] pour des mesures
24
de réflexions. Elle repose sur l`hypothèse que l’effet des discontinuités est localisé au voisinage
des transitions entre les parties chargées et non chargées, et donc que cet effet est indépendant de
la longueur des languettes utilisées, du moins au-delà d’une certaine valeur de cette longueur.
Figure 3.3 : Différentes vues du guide d’onde avec languette de composite.
Afin de procéder à une estimation de la valeur de conductivité du matériel inséré dans le
guide d’onde, nous supposons qu’il n’y a qu’une légère pénétration des champs dans la paroi,
constituée de composite de sorte que le principe de pertes encourues par effet de peau est utilisé.
L’effet de peau fait référence aux pertes par absorption/pénétration du courant à la surface d’un
conducteur. En supposant donc que le composite est un bon conducteur, nous faisons l`hypothèse
que l’effet de peau est une bonne approximation. Ce principe repose sur l’hypothèse que malgré
le fait que la conductivité des parois du guide soit finie, elle demeure toutefois suffisamment
élevée pour faire en sorte que l’impédance de surface (Zm) soit beaucoup plus petite que
l’impédance caractéristique du milieu dans le guide. Il en résulte que :
• La partie imaginaire de la constante de propagation (βz) est à toutes fin pratiques la
même que si les parois du guide étaient parfaitement conductrices.
• La partie réelle de la constante de propagation (αz) dépend directement de 1 σ
et peut être calculée par une approche de perturbation.
Cet effet peut être représenté par une impédance de surface (Zm) reliant le courant de
surface (Js) au champ électrique tangentiel à la surface du métal. Les équations liées à l’effet de
peau sont données ci-dessous.
tan (1 ) 2m s m m mE Z J avec Z R jX j ωμ
σ= = + = + (3.2)
25
Le calcul de la valeur de la conductivité se fait via l’équation d’atténuation6 par effet de
peau. Cette équation découle du calcul des pertes que subit la puissance (Pz) du mode guidé.
Cette équation représente l’atténuation dans un guide d’onde avec 3 murs de conductivité en
cuivre (σ1) et un mur de conductivité en composite (σ2).
( )2
1 1 22
1 21 2
1
1
2 2
cz m m m
c
m m
f bR R Rf afb f
R R
α
η
ϖμ ϖμσ σ
⎡ ⎤⎛ ⎞= + +⎢ ⎥⎜ ⎟
⎢ ⎥⎝ ⎠⎛ ⎞ ⎣ ⎦− ⎜ ⎟⎝ ⎠
= =
(3.3)
Les termes de l’équation 3.3 sont définis comme suit :
ω = fréquence angulaire
f = fréquence de travail
fc = fréquence de coupure pour un mode
a = largeur du guide d’onde moins l’épaisseur de la languette
b = hauteur du guide d’onde
σ1 = conductivité des parois métallique
σ2 = conductivité du composite
η = impédance caractéristique d’une onde plane uniforme dans l’air (environ 120 π)
En évaluant les paramètres (S21) de transmission pour différentes longueurs de languette
de composite, nous sommes capables par division de différentes mesures de faire ressortir la
constante de propagation. L1+ L2 = 162 mm et est fixe pour toutes les mesures. Par cette
manœuvre, le facteur d’atténuation peut être calculé avec les équations ci-dessous:
6 La dérivation de la formule d’atténuation par effet de peau à a partir des équations de Maxwell pour trois murs de
conductivité σ1 et un mur de conductivité σ2 est démontrée en annexe.
26
( )
2, 1,
2, 1,
2, 2, 1, 1,
21, 1 2
21, 1 2
( ) ( )21,
21,
2 2
g i c i
g j c j
g i j c i j
L Li
L Lj
L L L Li
j
cg
c
S T T e e
S T T e e
S e eS
c c
j
γ γ
γ γ
γ γ
ω ωγ
γ α β
− −
− −
− − − −
=
=
=
⎛ ⎞= −⎜ ⎟⎝ ⎠
= +
(3.4)
Les indices i et j indiquent des cas différents de longueurs de languette. De l’équation 3.4,
les paramètres T1 et T2 représentent les coefficients de transmission reliés aux discontinuités entre
les sections de guide chargées et non chargées avec la languette, tel qu’illustré à la Figure 3.4.
Dans les équations ci-dessus, il a été supposé que les réflexions multiples dues à ces
discontinuités n’ont pas été prises en compte. Également, nous avons supposé que les paramètres
T1 et T2 demeurent les mêmes lorsqu’un échantillon de différente longueur est inséré dans le
guide. Ces suppositions permettent l’annulation de ces termes lors de la division entre mesures
21.
21,
i
j
SS
⎛ ⎞⎜ ⎟⎝ ⎠
.
Figure 3.4: Représentation de l’effet de la discontinuité entre les sections chargées et non chargées du guide
d’onde.
Pour effectuer les mesures de paramètres S en guide d’onde, nous avons utilisé une
calibration de type TRL (THRU-REFLECT-LINE). Les plans de référence des ports 1 et 2 ne se
font pas à la connexion des connecteurs coaxiaux branchés aux transitions guide d’onde à ligne
coaxiale mais plutôt aux extrémités du guide d’onde. La différence des références de mesures
entre une calibration TRL et les ports d’accès coaxiaux est montrée à la Figure 3.5.
27
Figure 3.5 : calibration TRL vs. Calibration Coaxiale.
3.4 Mesures préliminaires en courant continu
Dans le cadre de cette expérience, un test préliminaire en courant continu a été fait dans le
but d’obtenir un ordre de grandeur de la conductivité d’une languette en composite. La languette
sous test est de mêmes dimensions que la languette utilisée dans le guide d’onde. Pour ce test, un
multimètre numérique Fluke 8860A a été utilisé. Ce multimètre permet une terminaison Kelvin7
(4 terminaux), la résistance des fils utilisés pour la mesure est ainsi prise en compte. Il est à noter
que la résistance des contacts ne l’est pas par contre. Un montage électrique à la Figure 3.6
présente le montage avec le multimètre 8860A.
7 La terminaison Kelvin fait référence à la terminaison « Four terminal sensing » [23].
28
Figure 3.6 : Montage pour le calcul de résistivité avec multimètre 8860A.
Dans les échantillons de matériau composite à notre disposition, les fibres de carbone
baignent dans une matrice de résine, laquelle crée une mince couche isolante en surface. Cette
couche peut affecter de façon importante et imprévisible la qualité des contacts entre les sondes
de mesures et les échantillons. Ceci est mis en évidence dans le Tableau 3.1 où nous retrouvons
les valeurs de résistivité obtenues avec différentes configurations de languettes. La valeur de la
conductivité du composite est calculée avec la formule empirique:
1 LR S
σ = (3.5)
Les termes de l’équation 3.5 sont définis comme suit:
R = Résistance mesurée (Ω)
L = Longueur de la languette (0.162 m)
S = Surface de la languette selon une coupe transversale8 (1.2 x10-5 m2)
8 S = largeur x épaisseur = 10mm x 1.2mm
29
Tableau 3.1: Résistance de différentes configurations de languette
Description de la languette
mesurée Résistance (Ω)
Rapport de conductivité du
composite par rapport à la valeur
de la conductivité théorique de
l’Aluminium (30x106 S/m)
1 Languette originale
(sans modification)
Infinie, Pas de contact
électrique ____________
2 Languette poncée aux
extrémités sur une face
4.950 Ω
(Sans pression sur les
connecteurs)
1.805 Ω
(Avec pression sur les
connecteurs à l’aide
de pinces)
≈ 11 000 X moins conducteur
≈ 4000 X moins conducteur
3
Languette poncée aux
extrémités sur une face et
couverte avec du ruban de
cuivre
3.730 Ω
(Sans pression sur les
connecteurs)
1.805 Ω
(Avec pression sur les
connecteurs à l’aide
de pinces)
≈ 8250 X moins conducteur
≈ 4000 X moins conducteur
4
Languette poncée et métallisée
par déposition plasma aux
extrémités sur les 2 faces
0.840 Ω ≈ 2000 X moins conducteur
30
Les résultats démontrent un effet important provenant de la résine sur la conductivité
obtenue pour une languette de composite. Premièrement, pour obtenir un contact électrique un
ponçage de la mince couche de résine jusqu’aux fibres de carbone est nécessaire. Deuxièmement,
pour obtenir le meilleur contact électrique, une métallisation 9 de la partie poncée est
recommandée. Cette métallisation permet de relier le maximum de fibres possible et ainsi obtenir
une résistance plus faible. Les contacts électriques lors de ces tests ont été faits avec des pinces
crocodiles. Pour une surface plane solide assemblée de fibres, cette méthode démontre certaines
erreurs de mesures. Les dents des pinces crocodiles offrent des contacts localisés, or si un contact
est fait avec une fibre endommagée, une mauvaise lecture peut être obtenue. Troisièmement, pour
une même surface, en appliquant une certaine pression sur les connecteurs, une amélioration de la
résistivité est obtenue. L’écrasement des fibres les unes sur les autres jouerait ainsi un rôle
important dans la valeur mesurée de la résistivité. À cet égard, notons que nous pouvons
aujourd’hui retrouver des résistances variables en composite qui fonctionnent avec l’effet de
pression10 sur le marché [24] - [25].
En résumé, à partir des mesures obtenues en courant continu, le composite démontre une
conductivité inférieure à celle retrouvée dans la littérature11. Le meilleur rapport obtenu est
néanmoins assez proche du rapport retrouvé dans la littérature. Les prochains textes présenteront
les mesures obtenues dans un guide d’onde ainsi qu’une conclusion.
9 La métallisation est faite par électro-placage
10 Un exemple de composite qui fonctionne à pression : composite de type « Quantum Tunnelling »
11 La littérature fait toujours référence à une conductivité 1000 fois inférieure à celle de l’aluminium. Elle ne fait
jamais référence à une plage de fréquence précise, elle est donc supposée constante partout.
31
3.5 Résultats et Discussion
La Figure 3.7 démontre les résultats expérimentaux et simulés avec le guide d’onde
WR90. Les résultats de simulation ont été réalisés avec HFSS version 11. Une conductivité
simulée de 500 S/m (valeur arrondie) est choisie à titre de comparaison avec les résultats
expérimentaux. Cette valeur a été choisie parce qu’elle représente une valeur qui simule des
résultats semblables aux résultats expérimentaux. Suivant une calibration TRL, la structure
simulée fait référence à la Figure 3.3. Le matériau simulé pour les murs du guide d`onde est le
cuivre. Les valeurs de permittivité, perméabilité et conductivité simulées sont indiquées dans le
Tableau 3.2. Les résultats présentent les mesures obtenues avec différentes longueurs de languette
en composite (L1). Les valeurs numériques dans les légendes représentent la longueur de la partie
chargée du guide d’onde L1.
Tableau 3.2 : Valeurs simulées
εr 4
μr 1
σ(S/m) 500
Figure 3.7 : Résultats expérimentaux et simulés avec une languette de composite insérée dans un guide d’onde
WR90.
6 6.6 7.2 7.8 8.4 9 9.6 10.2 10.8 11.4 12-20
-15
-10
-5
0
5
Fréquence (GHz)
Résultats simulés (σ = 500 S/m)
6 6.6 7.2 7.8 8.4 9 9.6 10.2 10.8 11.4 12-20
-15
-10
-5
0
5
Fréquence (GHz)
S21
(dB
)
Résultats expérimentaux
à vide012mm022mm042mm062mm082mm102mm122 mm142 mm162 mm
à vide012mm022mm042mm062mm082mm102mm122 mm142 mm162 mm
32
En choisissant arbitrairement un seuil de comparaison de -5dB, nous pouvons observer
que plus la partie chargée (L1) du guide est grande, plus la fréquence correspondante augmente.
Ceci est attendu puisqu’un guide chargé/rétrécis possède une fréquence de coupure plus élevée et
plus la longueur de la languette de composite est longue plus la région rétrécie du guide est
grande. Une augmentation de la fréquence de coupure est aussi observée lorsque la conductivité
simulée de la languette est plus faible.
Nous pouvons voir que pour des mesures avec des mêmes longueurs de languettes (L1), la
fréquence de coupure est plus grande pour les résultats expérimentaux que pour les résultats
simulées avec un matériau isotrope de conductivité 500 S/m. Afin d’approfondir ces premières
observations, une analyse des valeurs complexes est entreprise dans les prochains paragraphes. Il
est à noter que nous supposons que la résine est parfaitement isolante, i.e. que sa conductivité (σ)
est considéré nulle, et qu’aux hautes fréquences, elle représente donc une impédance très faible.
L’effet de la résine est ainsi considéré infime. Par contre, pour les mesures en basses fréquences,
elle aura beaucoup plus d’impact sur les résultats mesurés et son effet ne pourra pas être négligé.
Nous observons aussi des valeurs de S21 supérieures à 0 dB. Ceci est dû principalement en raison
qu’une calibration TRL n’est pas valide très près de la fréquence de coupure. Ce phénomène peut
aussi être dû au bruit de mesure.
33
À l’aide du logiciel Matlab et des équations (3.4), la constante de propagation γc est
calculée. Les graphiques à la Figure 3.8 représentent les courbes d’alpha (α) et beta (β)
expérimentaux et simulés (σ = 500 S/m) en fonction de la fréquence. Les valeurs numériques
dans chaque légende représentent les longueurs de languettes ( en mm) respectives utilisées pour
les calculs de division des signaux de transmission S21 tel que présenté dans les équations (3.4).
Figure 3.8 : Résultats expérimentaux vs simulés d’alpha (α) et beta (β).
6 6.6 7.2 7.8 8.4 9 9.6 10.2 10.8 11.4 12-100
-50
0
50
100
150
200
Fréquence (GHz)
Nep
ers/
m ( α
) et R
adia
ns/m
( β)
6 6.6 7.2 7.8 8.4 9 9.6 10.2 10.8 11.4 12-100
-50
0
50
100
150
200
Fréquence (GHz)
alpha 12-22 expbeta 12-22 expalpha 12-22 sim (σ = 500 S/m)beta 12-22 sim (σ = 500 S/m)
alpha 22-42 expbeta 22-42 expalpha 22-42 sim (σ = 500 S/m)beta 22-42 sim (σ = 500 S/m)
6 6.6 7.2 7.8 8.4 9 9.6 10.2 10.8 11.4 12-100
-50
0
50
100
150
200
Fréquence (GHz)
Nep
ers/
m ( α
) et R
adia
ns/m
( β)
6 6.6 7.2 7.8 8.4 9 9.6 10.2 10.8 11.4 12-100
-50
0
50
100
150
200
Fréquence (GHz)
alpha 42-82 expbeta 42-82 expalpha 42-82 sim (σ = 500 S/m)beta 42-82 sim (σ = 500 S/m)
alpha 82-162 expbeta 82-162 expalpha 82-162 sim (σ = 500 S/m)beta 82-162 sim (σ = 500 S/m)
34
Les figures suivantes présentent une vue avec une échelle verticale agrandie des résultats
de la constante d’atténuation ( )zα tirée de la Figure 3.8. Celles-ci permettent d’observer l’accord
entre les courbes expérimentales et simulés. Nous remarquons que, pour une conductivité simulée
aux alentours de 500 S/m, la constante d’atténuation simulée est un peu plus faible à celle
mesurée en laboratoire. On note toutefois que l’accord est moins bon dans la premi
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