Université de POITIERS
Faculté de Médecine et de Pharmacie
Année 2016 Thèse n°
THESE
POUR LE DIPLOME D’ETAT
DE DOCTEUR EN PHARMACIE
(Arrêté du 17 juillet 1987)
présentée et soutenue publiquement
le 25/01/2016, à POITIERS
par Mademoiselle Lydia RICHEZ
née le 26 avril 1989 à ST MICHEL
Algocarburants :
Modes de production et faisabilité
Composition du jury :
Président : Monsieur Bernard FAUCONNEAU, Professeur des Universités, Toxicologie
Membres : Madame Marie DEBORDE-DELAGE, Maître de conférences, Sciences
Physico-chimiques
Monsieur Jérôme GUILLARD, Professeur des Universités, Chimie organique
Monsieur Jean-Yves JOSEPH, Docteur en Pharmacie
Directeur de thèse : Madame RIOUX BILAN Agnès, Maître de Conférences, Biochimie
Université de POITIERS
Faculté de Médecine et de Pharmacie
Année 2016 Thèse n°
THESE
POUR LE DIPLOME D’ETAT
DE DOCTEUR EN PHARMACIE
(Arrêté du 17 juillet 1987)
présentée et soutenue publiquement
le 25/01/2016, à POITIERS
par Mademoiselle Lydia RICHEZ
née le 26 avril 1989 à ST MICHEL
Algocarburants :
Modes de production et faisabilité
Composition du jury :
Président : Monsieur Bernard FAUCONNEAU, Professeur des Universités, Toxicologie
Membres : Madame Marie DEBORDE-DELAGE, Maître de conférences, Sciences
Physico-chimiques
Monsieur Jérôme GUILLARD, Professeur des Universités, Chimie organique
Monsieur Jean-Yves JOSEPH, Docteur en Pharmacie
Directeur de thèse : Madame RIOUX BILAN Agnès, Maître de Conférences, Biochimie
3
FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE
UNIVERSITE DE POITIERS
LISTE DES ENSEIGNANTS DE PHARMACIE
Année universitaire 2015-2016
Professeurs
CARATO Pascal, Chimie thérapeutique
COUET William, Pharmacie clinique
FAUCONNEAU Bernard, Toxicologie
GUILLARD Jérôme, Chimie organique
IMBERT Christine, Parasitologie et
mycologie médicale
MARCHAND Sandrine, Pharmacologie,
pharmacocinétique
OLIVIER Jean-Christophe, Pharm.
galénique et biopharm.- pharm.indust.
PAGE Guylène, Biologie cellulaire,
biothérapeutiques
RABOUAN Sylvie, Sc.physico-chimiques
SARROUILHE Denis, Physiologie humaine
SEGUIN François, Biophysique
Maîtres de conférences
BARRA Anne, Immunologie
BARRIER Laurence, Biochimie générale et
clinique
BODET Charles, Bactériologie
BON Delphine, Biophysique
BRILLAULT Julien, Pharmacocinétique,
biopharmacie
CHARVET Caroline, Physiologie, anatomie
humaine
DEBORDE-DELAGE Marie, Sc.physico-
chimiques
DEJEAN Catherine, Pharmacologie
générale et clinique
DUPUIS Antoine, Pharmacie clinique
DELAGE Jacques, Biomathématiques,
biophysique
FAVOT-LAFORGE Laure, Biologie cellulaire
et moléculaire
GIRARDOT Marion, Biologie végétale et
pharmacognosie
GREGOIRE Nicolas, Pharmacologie et
pharmacométrie
HUSSAIN Didja, Pharmacotechnie,
biopharmacie
INGRAND Sabrina, Toxicologie
MARIVINGT-MOUNIR Cécile,
Pharmacochimie (chimie organique)
PAIN Stéphanie, Toxicologie
RAGOT Stéphanie, Droit et économie de la
santé
RIOUX BILAN Agnès, Biochimie
TEWES Frédéric, Chimie et
pharmacotechnie
THEVENOT Sarah, Hygiène, hydrologie et
environnement
THOREAU Vincent, Biologie cellulaire et
moléculaire
WAHL Anne, Chimie analytique
Maîtres de Conférences associés
DELOFFRE Clément, Pharmacien
HOUNKANLIN Lydwyn, Pharmacien
Professeur du 2nd degré
DEBAIL Didier, Anglais
Poste de moniteur
COSTA Damien
4
REMERCIEMENTS
À mon père, pour l’excellent et humble sujet qu’il m’a suggéré.
À ma maître de thèse pour son aide et surtout sa patience.
À mon jury, qui a accepté de participer à cette thèse.
À ma famille, mes proches et mes amis pour leur soutien, leurs encouragements et qui ont fait
de moi ce que je suis aujourd’hui.
À Lina et Jocelyne, mes deux relectrices, pour avoir corrigé les fautes d’orthographe et les
erreurs syntaxiques.
5
LISTE DES ABREVIATIONS
Acétyl CoA : Acétyl Coenzyme A
ACV : Analyse du cycle de vie
ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie
AG : Acide gras
ANR : Agence Nationale de la Recherche
ASTM : American Society for Testing and Material International
CEA : Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives
CIRAD : Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour
le Développement
CNRS : Centre National de Recherche Scientifique
COP21 : Conférence des parties 21
DAF : Flottation par air dissous
DIC : Détente Instantanée Contrôlée
DOM TOM : Département d’Outre-Mer - Territoire d’Outre-Mer
EADS : Aeronautic Defence and Space Company (devenu Airbus Group)
EEAG : Esters éthyliques d'acides gras
EMHV : Ester méthylique d’huile végétale
ENEA : Agence Européenne de l’Energie Nucléaire
GEPEA : Génie des Procédés Environnementaux et Agroalimentaires
GES : Gaz à Effet de Serre
HB : Homogénéisation à bille
HHP : Homogénéisation à haute pression
Ha : Hectare
HVO : Huile végétale hydrogénée
6
IEED : Institut d’Excellence pour les Energies Décarbonées
IFP : Institut Français du Pétrole
IFREMER : Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer
INRIA: Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique
LB3M : Laboratoire de Bioénergétique et Biotechnologie des Bactéries et
Microalgues
LOV : Laboratoire Océanique de Villefranche
M2P2 : Laboratoire de Mécanique, Modélisation et Procédés Propres
Mha : Million d’hectares
OMM : Organisation Météorologique Mondiale
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PBA : Physiologie et Biotechnologie des Algues
PBR : Photobioréacteur
PNRB : Programme National de Recherche sur les Bioénergies
PSA : Peugeot Société Anonyme (Peugeot Citroën)
UPMC : Université Pierre et Marie Curie
7
LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES
Tableaux
Tableau 1 :
Tableau 2 :
Tableau 3 :
Tableau 4 :
Comparaison de quelques sources de biodiesel ………………...…..…………
Comparaison des espèces par leur taux de croissance et leur teneur en
lipides……..…………………………………………………….…………..…
Comparaison entre deux systèmes de culture……………………...…......……
Comparaison des propriétés du biodiesel des algues, des plantes oléagineuses
et du biodiesel standard ……………………………………….……..……….
16
19
24
49
Figures
Figure 1 :
Figure 2 :
Figure 3 :
Figure 4 :
Figure 5 :
Figure 6 :
Figure 7 :
Figure 8 :
Figure 9 :
Figure 10 :
Figure 11 :
Figure 12 :
Figure 13 :
Figure 14 :
Différentes étapes de fabrication du biocarburant micro-algale …….………..
Système de production ouvert de type Raceway …………….…………..…...
Schéma d’une vue de haut d’un étang ouvert……………………………...….
Photobioréacteur tubulaire comportant des capteurs solaires disposés en
parallèle ………………….………………………………………....……….
Réacteur tubulaire BioFence ……………………………………………….…
Réacteur tubulaire …………………………………………………………….
Cultures de micro-algues en raceways sous serres chez Alpha Biotec …...…..
Effet de l'intensité lumineuse sur le taux de croissance ………………..……..
Schéma de concentration des micro-algues par une centrifugeuse à assiette ...
Schéma de concentration des micro-algues par un Sédicanter ……….………
Principe de la filtration tangentielle …………………………………...…...…
Comparaison des deux modes de filtration ………………………..……….....
Pâte algale ………………………………………………………………….....
Diagramme des différents états d’un corps pur ……….……….………...…...
20
21
21
22
23
23
25
29
37
37
38
38
39
46
8
Figure 15 :
Figure 16 :
Figure 17 :
Figure 18 :
Figure 19 :
Figure 20 :
Figure 21 :
Figure 22 :
Figure 23 :
Figure 24 :
Réaction de transestérification : des triglycérides au biodiesel (R : chaînes
hydrocarbonées) ……………………………………………………………...
Réaction de saponification ……………….…………………………...………
Réaction d’hydrogénation …………………………………………………….
Réaction simplifiée de la fermentation du saccharose en bioéthanol de la
biomasse algale grâce à Saccharomyces cerevisiae……………………......…
Principaux verrous identifiés à chaque étape de production ………...…….….
Principaux coûts de production pour la production de biomasse sèche de
Scenedesmus almeriensis à grande échelle, en extrapolant la technologie de
l'installation considérée ………………………………………………….…...
Répartition des principaux coûts d’équipement …….…………………...……
Répartition des coûts de matières premières et services publics ……….….....
Répartition des coûts de main-d’œuvre …………………………………...….
Photobioréacteurs tubulaires utilisés sur une autoroute pour en capter la
pollution ………………………...…………………………………………..
48
50
51
53
59
60
60
61
61
65
Tous les tableaux et figures non créés par moi-même sont sous licence Creative
Commons ou ont reçu l’autorisation de publication par l’auteur ou l’éditeur.
9
SOMMAIRE
LISTE DES ABREVIATIONS .............................................................................................................. 5
LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES ....................................................................................... 7
INTRODUCTION ................................................................................................................................. 12
PARTIE 1 Intérêt des micro-algues comme source de biocarburant .................................................. 14
1.1 Principales caractéristiques des micro-algues ....................................................................... 14
1.2 Intérêt des micro-algues comme source de biocarburant ...................................................... 14
1.3 Production de lipides ............................................................................................................. 16
1.4 Micro-algues utilisées pour la production d’algocarburants ................................................. 18
1.4.1 Critères de sélection des algues ..................................................................................... 18
1.4.2 Quelques algues intéressantes ....................................................................................... 19
PARTIE 2 Modes de culture des algues ............................................................................................. 20
2.1 Différents types de culture..................................................................................................... 20
2.1.1 Mode autotrophe ............................................................................................................ 21
2.1.2 En culture hétérotrophe ................................................................................................. 26
2.1.3 Mixotrophie ................................................................................................................... 27
2.2 Conditions optimales de culture ............................................................................................ 27
2.2.1 L’eau .............................................................................................................................. 27
2.2.2 La température ............................................................................................................... 28
2.2.3 Les nutriments ............................................................................................................... 28
2.2.4 La lumière ...................................................................................................................... 29
2.3 Conditions de stress ............................................................................................................... 30
2.3.1 Carence en azote ............................................................................................................ 30
2.3.2 Choc thermique ............................................................................................................. 30
10
2.3.3 Choc osmotique ............................................................................................................. 31
2.3.4 Autres facteurs déterminants ......................................................................................... 31
2.4 Compromis ............................................................................................................................ 32
PARTIE 3 Récolte et concentration .................................................................................................... 34
3.1 Procédés de récolte de l’huile ................................................................................................ 34
3.1.1 Principes généraux......................................................................................................... 34
3.1.2 Floculation-coagulation ................................................................................................. 34
3.1.3 Sédimentation gravitaire par différence de masse volumique ....................................... 35
3.1.4 Flottation ....................................................................................................................... 35
3.1.5 Centrifugation ................................................................................................................ 36
3.1.6 Filtration frontale : tamisage, séparation par exclusion de taille ................................... 37
3.1.7 Filtration tangentielle membranaire : séparation par exclusion de taille ....................... 38
3.2 Procédés de prétraitement avant extraction ........................................................................... 39
3.2.1 Séchage .......................................................................................................................... 39
3.2.2 Broyage ......................................................................................................................... 40
3.2.3 Homogénéisation à haute pression ................................................................................ 41
3.2.4 Homogénéisation à billes .............................................................................................. 41
3.2.5 Lyse enzymatique .......................................................................................................... 42
3.2.6 Les ultrasons et micro-ondes ......................................................................................... 42
PARTIE 4 Extraction des huiles algales ............................................................................................. 44
4.1 Extraction par solvants organiques ........................................................................................ 44
4.2 Extraction à l’eau subcritique ................................................................................................ 44
4.3 Extraction avec des fluides supercritiques............................................................................. 45
4.4 Extraction au CO2 supercritique ............................................................................................ 46
PARTIE 5 Transformation de l’huile en carburant ............................................................................. 48
5.1 Réaction de transestérification .............................................................................................. 48
11
5.1.1 Transestérification standard ........................................................................................... 48
5.1.2 Transestérification en deux étapes ................................................................................. 50
5.2 Hydrogénation ....................................................................................................................... 51
5.3 Procédés de conversion biologique ....................................................................................... 52
5.4 Procédés de conversion thermochimique .............................................................................. 53
PARTIE 6 Étude d’un projet mené en France et verrous rencontrés .................................................. 55
6.1 Le projet Shamash ................................................................................................................. 55
6.1.1 Présentation du projet .................................................................................................... 55
6.1.2 Les acteurs et leurs missions ......................................................................................... 55
6.1.3 Résultats ........................................................................................................................ 58
6.2 Verrous et problématiques actuelles ...................................................................................... 59
6.2.1 Analyse économique de la filière .................................................................................. 59
6.2.2 Analyse pécuniaire concevable pour l’industrialisation ................................................ 62
6.2.3 Étude des perspectives envisageables............................................................................ 62
6.2.4 Conclusion sur les verrous et valorisation de la filière .................................................. 64
CONCLUSION ..................................................................................................................................... 66
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................ 69
12
INTRODUCTION
L’usage des carburants fossiles pose à ce jour, deux problèmes mondiaux majeurs, qui tirent
leurs origines d’un contexte économique et sociéto-environnemental menaçant.
D’une part, le réchauffement climatique devient un enjeu manifeste et une préoccupation
mondiale, de par l’utilisation massive des carburants fossiles, qui participe amplement à
l’émission de gaz à effet de serre (GES) [L1 ; Luneau, 2007]. Ainsi, par exemple, en 2013,
plus de 36 milliards de tonnes de CO2 ont été émis dans l'atmosphère, selon le Global Carbon
Project, ce qui représente une hausse de 2,1% par rapport à 2012 et de 61% par rapport à 1990
(année de référence du protocole de Kyoto) [W1]. Les transports représentent à eux seuls 27%
des émissions de GES [W2 ; W3].
Selon Michel Jarraud, secrétaire général de l'OMM (Organisation météorologique mondiale):
"Même si nous pouvions stopper du jour au lendemain toute nouvelle émission, la
concentration actuelle continuera à avoir des effets pendant des siècles." [W1]
D’autre part, les ressources naturelles de pétrole, exploitées par l’Homme durant des
décennies, commencent à faire sentir leur limite alors que les besoins mondiaux sont en
constante augmentation.
De ces constats, ressort la prise de conscience générale d’une nécessité de développer des
alternatives aux carburants fossiles. C’est dans ces circonstances que la recherche sur les
« biocarburants » a vu le jour et connaît aujourd’hui un fort engouement [W4].
Il faut noter que les biocarburants ne sont pas des carburants « bio » au sens littéral du terme ;
par conséquent, de nombreuses associations leur préfèrent le terme d’agrocarburants.
Plusieurs utilisations des agrocarburants sont envisagées, tels que les transports routiers,
maritimes et aériens. L’impact du transport aérien reste pour le moment modéré (la
consommation de pétrole pour l’aéronautique ne représente aujourd’hui que 8 à 9% de la
consommation totale) mais les émissions de GES pourraient doubler entre 2012 et 2020 en
raison du fort accroissement du trafic aérien. Toutefois ce secteur, contrairement au secteur
routier par exemple, aura encore longtemps besoin de carburants liquides (car à forte densité
énergétique), et ce, par manque de solutions de substitution [Bruschi et al, 2011 ; W5].
13
L’objectif de la production des biocarburants est de remplacer peu à peu la consommation du
pétrole. L’Agence Internationale de l’Energie a envisagé que les biocarburants pourront
participer à hauteur de 6% de la consommation totale de carburant en 2030 [Cadoret et
Bernard, 2008]. Ayant atteints 3% en 2010, on peut alors espérer revoir à la hausse les
chiffres envisagés [Lorne, 2012].
Les agrocarburants sont des combustibles liquides ou gazeux qui sont produits à partir d’une
biomasse [W6].
Plusieurs générations ont vu successivement le jour. La première génération utilise des plantes
oléagineuses comme le soja, le tournesol, le maïs, la canne à sucre ou le palmier à huile, dont
on extrait l’huile et les sucres. La deuxième génération, quant à elle, utilise des résidus et
déchets agricoles, industriels ou de bois dont on extrait la cellulose, l’hémicellulose et la
lignine afin de les transformer en produits pétroliers par des procédés catalytiques et de
fermentation [Cantin, 2010 ; W7]. Ces techniques présentent cependant de multiples
inconvénients tels que des besoins importants en machinerie agricole, l’utilisation de
pesticides, la participation à la déforestation, la concurrence avec le marché alimentaire, les
coûts élevés…) [Benoît, 2008 ; Salmon et al, 2008].
La troisième génération utilise les algues, et plus précisément les micro-algues, comme source
de carburant. Les recherches sur les algues ont débuté dans les années 50 aux Etats-Unis.
Mais ce n’est que suite au premier choc pétrolier de 1973 que la potentialité d’un carburant dit
« algal » a débuté. Le taux de croissance et le contenu en huile élevés des algues par rapport à
des cultures traditionnelles en ont fait une source d’espoirs. En 1996, les travaux ont
cependant été arrêtés suite à la chute massive des prix du pétrole. Le baril étant descendu en
dessous de la barre des 20 $, l’investissement dans la recherche n’avait alors plus de sens,
puisqu’on estimait que la production de biocarburants ne pourrait être rentable que pour un
baril de pétrole trois fois plus cher [Cadoret et Bernard, 2008]. Ce n’est que dans les années
2000 que la recherche sur les micro-algues a repris suite à la ré-augmentation des cours du
pétrole.
L’objet de cette thèse est de montrer l’intérêt des micro-algues comme alternative aux
carburants fossiles. Après avoir évoqué le choix des algues, nous allons décrire les différentes
étapes de production d’un carburant, depuis la culture des algues jusqu’à la transformation des
composés extraits et concentrés en carburant. Cette thèse met également l’accent sur les
difficultés rencontrées et les verrous nécessaires à enrayer, pour parvenir à l’industrialisation
et la commercialisation des algocarburants.
14
PARTIE 1
Intérêt des micro-algues comme source de biocarburant
1.1 Principales caractéristiques des micro-algues
Les micro-algues sont des micro-organismes végétaux unicellulaires et photosynthétiques
vivant en milieu aquatique. Du fait de leur grande variabilité morphologique, on les classe en
différentes catégories : les cyanobactéries, appelées autrefois algues bleues, les algues brun-
jaune, les algues rouges et les algues vertes [Doré-Deschênes, 2009].
Ces micro-algues sont retrouvées sur la totalité du globe, dans tous les milieux aquatiques
(eaux marines, eaux douces, eaux saumâtres). Elles possèdent, malgré leur grande variabilité,
des points communs en particulier concernant leur structure et leur métabolisme.
Une base internationale de données, nommée « AlgaeBase », recense depuis 1996 environ
127 000 espèces d’algues, dont la majorité sont des micro-algues.
En France, la “Roscoff Culture Collection” [W8], créée en 1998, fait l’inventaire des souches,
les conserve pour en assurer la qualité et la traçabilité et les rend accessibles à la recherche
partout dans le monde. En France, deux autres grandes souchothèques existent : l’Algobank à
Caen et la collection de l’Institut Pasteur. Par ailleurs, des souchothèques internes sont mises
en place par les laboratoires afin de pouvoir gérer les diverses espèces et souches sur
lesquelles ils travaillent [L2].
1.2 Intérêt des micro-algues comme source de biocarburant
Les micro-algues présentent des caractéristiques qui les rendent particulièrement intéressantes
en tant que source de biocarburant [Bélair, 2012 ; Sjors et Flammini, 2010].
- Contrairement aux agrocarburants des deux premières générations, l’algue toute entière
est utilisée dans la production de carburant, et non, seulement, une partie de la plante.
- Le rendement de production des carburants à partir des algues par rapport aux autres
biocarburants est largement plus élevé. D’après ExxonMobil Research and Engineering
Company, les algues peuvent produire plus de 18 700 litres par hectare et par an. Ce qui
est largement supérieur aux autres générations de biocarburant qui sont d’environ
15
6 000 litres pour l’huile de palme, 4 200 litres pour la canne à sucre, 2 300 litres pour le
maïs et 500 litres pour le soja [W9].
- La culture des algues permet de produire du carburant, mais aussi des co-produits
également valorisables. Les molécules à haute valeur ajoutée qu’elles fournissent
peuvent être employées dans l’industrie pharmaceutique (production d’antiviraux,
antiprolifératifs, anti-radicalaires…), dans l’alimentation humaine et la nutraceutique,
dans la cosmétique, mais aussi dans l’alimentation animale et l’aquaculture. Les
tourteaux de pressage, qui sont des résidus de l'extraction de l'huile dans les micro-
algues, peuvent par ailleurs être recyclés en aliment pour le bétail ou les poissons, ou
même en engrais [L2].
- Les micro-algues ont la capacité de supporter tout type d’eau : saumâtre, salée, usée,
douce (selon le type d’algue), ce qui permet d’élargir les possibilités de lieux de
production et diminue la compétition pour l’usage de l’eau. La réutilisation de l’eau
usée est un bénéfice environnemental et économique non négligeable.
- L’huile produite permet, selon le procédé de transformation, la production de nombreux
carburants tels que le gazole, le kérosène, l’éthanol, le méthane, qui seront utilisés seuls
ou mélangés avec le carburant fossile correspondant et ne nécessitent pas de
transformation du moteur [His, 2004].
- Les algues n’entrent pas en compétition avec le marché alimentaire puisqu’elles sont
cultivables sur des terres non arables. Leur besoin en énergie solaire permettrait une
exploitation dans les pays chauds et en voie de développement, ce qui pourrait dans le
même temps contribuer à l’économie de ces pays mais permettrait aussi une culture tout
au long de l’année [Anex, 2012].
- D’autres intérêts sont communs à toutes les générations d’agrocarburants. Par exemple
l’huile et le carburant produits se rapprochent des mêmes spécifications que le pétrole
fossile. Ils sont donc quasiment directement utilisables comme tel. Il n’est pas
nécessaire de reconsidérer de nouvelles structures de motorisation, seuls des additifs
permettront une compatibilité idéale avec les structures actuelles.
- De même, la croissance des algues se faisant par photosynthèse, un avantage commun
aux agrocarburants est la captation du CO2, contribuant ainsi à l’appellation d’un
biocarburant « propre » car réduisant les émissions de gaz à effet de serre d'après les
résultats initiaux de Chisti 2007, confirmés ensuite par d'autres études.
16
L’étude réalisée par Yusuf Chisti en 2007, a évalué la surface permettant la production de la
quantité de biocarburants (estimée à 530 million de m3)
, nécessaire au remplacement de la
demande annuelle totale de diesel aux Etats-Unis.
Filière biocarburant
Production
d'huile
Surface de
culture
Pourcentage de la surface
agricole des Etats-Unis
(L/ha) (Mha) %
Maïs 172 1540 846
Soja 446 594 326
Colza 1 190 223 122
Jatropha 1 892 140 77
Noix de coco 2 689 99 54
Huile de palme 5 960 45 24
Micro-algues à 70% de lipides sur poids sec 136 900 2 1,1
Micro-algues à 30% de lipides sur poids sec 58 700 4,5 2,5
Tableau 1 : Comparaison de quelques sources de biodiesel
D’après Chisti, 2007
Le tableau 1 récapitulatif montre que, pour la plupart des sources de biocarburant, le
pourcentage des terres agricoles qu’il serait nécessaire d’utiliser pour exploiter les huiles
végétales est inenvisageable. Cela confirme l’impossibilité actuelle de remplacer l’intégralité
du carburant fossile.
Cependant, il est estimé que les micro-algues pourraient nécessiter seulement 1 à 3% des
terres agricoles pour satisfaire les besoins en biodiesel (ce qui parait beaucoup plus
concevable). Toutefois, ces chiffres sont obtenus par extrapolation de mesures effectuées à
petite échelle et certains paramètres extérieurs pouvant modifier ces valeurs ne sont pas
systématiquement pris en compte (ensoleillement, variations des températures, vent…). Il faut
donc rester prudent dans les conclusions annoncées.
1.3 Production de lipides
Pour développer les algocarburants, il est nécessaire d’optimiser la production de lipides par
les cellules algales, qui seront ensuite transformés en carburant. C’est pourquoi, de nombreux
travaux ont pour but d’améliorer le rendement lipidique.
17
Les micro-algues renferment de nombreux acides gras différents, mais leur composition
lipidique au sein d’une même classe reste homogène. Par exemple, chez les micro-algues
d’eau douce, les acides gras retrouvés de façon récurrente sont les acides palmitique,
palmitoléique, stéarique, oléique et linoléique. [W10]. De plus, il n'y a pas de relation de
proportionnalité entre le contenu maximum en lipides et la production journalière de lipides
chez les micro-algues. En effet, certaines espèces produisent beaucoup de lipides mais n'ont
pas un stockage suffisant face à leur production.
Les chloroplastes, constituants majeurs des micro-algues, participent à la production de
lipides et d’autres molécules nécessaires à leur développement. Le dioxyde de carbone est
ainsi stocké sous forme d’énergie pour une mise en réserve ou pour son rôle métabolique et
structural. En conditions normales, le taux de lipides produits dans la cellule algale peut
atteindre 50% des composants cellulaires [Chisti, 2007].
Les micro-algues ont tendance à produire spontanément des phospholipides ou glycolipides
qui sont des lipides complexes et ne peuvent pas être transformés en carburant [Cadoret et
Bernard, 2008]. Or, pour la production de carburant, il est nécessaire que les lipides soient
neutres et contiennent des acides gras insaturés. L’oxygène pourra se fixer sur chaque double
liaison lors de la réaction de combustion du moteur. De plus, la viscosité et la lubricité du
carburant augmente avec l’insaturation. Ce sont deux points importants pour l’efficacité
d’injection du carburant dans la chambre de combustion du moteur, afin d’empêcher la
formation de dépôt et permettre le bon fonctionnement des pompes ainsi que de l’injecteur du
moteur [Allen et al, 1999 ; Knothe, 2009]. Cependant, cette insaturation ne doit pas dépasser
un certain point (cf 5.1.1).
Or, Giovanni Finazzi, du Laboratoire de Physiologie Cellulaire et Végétale de Grenoble,
explique que les lipides se saturent naturellement. En effet, les doubles liaisons jouent leur
rôle détoxifiant en se saturant par la captation de l’oxygène qui est nocif pour la cellule.
L’idéal serait de développer une algue produisant beaucoup de lipides, sans que ceux-ci
assurent une fonction détoxifiante et restent donc insaturés. Cette équipe a mis en évidence la
possibilité de suractiver une enzyme, la désaturase des acides gras [Li-Beisson et al, 2015],
permettant d’augmenter l’insaturation [Perrin et al, 2011 ; Wolff, 2012]. L’optimisation des
souches algales par génie génétique, en agissant sur leur génome, pourrait permettre
d’augmenter la production des huiles, faciliter leur extraction, ou favoriser la production d’un
lipide d’intérêt. Mais la biodiversité des micro-algues n’est que très peu connue, une vingtaine
d’espèces seulement ayant été séquencées à ce jour. Par ailleurs, l’utilisation d’organismes
18
génétiquement modifiés est freinée par une législation restrictive et la crainte de
contaminations biologiques [Gressel, 2008 ; Perrin et al, 2011].
Ainsi, les principales études qui ont fait l’objet de manipulation génétique sont les suivantes
[Rosenberg et al, 2008] :
- La modification de la voie de biosynthèse des lipides, en surexprimant l’acétyl-CoA
carboxylase, qui catalyse la première étape de synthèse des lipides. Cette étude a mis en
place les premiers outils moléculaires pour l’ingénierie génétique des micro-algues.
- La conversion des micro-algues autotrophes en algues hétérotrophes, en introduisant des
transporteurs d’hexose.
- L’induction d’une résistance aux dommages photo-oxydatifs, en diminuant l’expression
des protéines formant les complexes d’antennes collectrices de lumière chez
C. reinhardtii. Ceci a également conduit à une meilleure pénétration de la lumière dans
le liquide de culture conduisant de ce fait à l’optimisation de la conversion solaire en
biomasse.
1.4 Micro-algues utilisées pour la production d’algocarburants
1.4.1 Critères de sélection des algues
La sélection des algues se fait selon différents critères [Anex, 2012 ; Day et al, 2012] :
- la robustesse et la résistance au stress
- la domination de l’espèce d’intérêt sur les autres espèces et les contaminants, dans les
bassins ouverts de production
- la haute capacité de capture du dioxyde de carbone
- le faible besoin en nutriments
- la production de co-produits de grande valeur ajoutée
- la tolérance des écarts de température diurne / nocturne et saisonnière
- l’efficacité photosynthétique
- un cycle de productivité rapide
- la capacité de croissance dans de grands volumes
- un pouvoir calorifique élevé
Le pouvoir calorifique des cellules est conditionné par la teneur en glucides, protéines et
lipides. Le pouvoir calorifique du pétrodiesel est de 42 kJ/g. Celui des micro-algues varie
19
entre 18-21 kJ/g dans des conditions normales de culture mais pourra être augmenté en
conditions de stress [Scragg et al, 2002].
1.4.2 Quelques algues intéressantes
Une douzaine d’espèces de micro-algues sont rencontrées systématiquement dans la littérature
[Cadoret et Bernard, 2008 ; Lohman, 2013] :
- Aphanizomenon flos-aquae
- Arthrospira ou Spiruline
- Chlamydomonas rheinhardii
- Chlorella vulgaris
- Crypthecodinium cohnii
- Dunaliella salina
- Euglena
- Haematococcus pluvialis
- Nannochloropsis
- Ondotella aurita (diatomée)
- Schizochytrium
- Ulkenia sp.
Une vingtaine d’autres espèces sont étudiées, notamment Botryococcus braunii,
Nannochloris, Scenedesmus, Tetraselmis, Cylindrotheca, Isochrysis ... [Kerlero de Rosbo et
al, 2014].
Le tableau 2 compare les taux de croissance de 5 espèces intéressantes, ainsi que leur teneur
possible en lipides. Ainsi on remarquera que si la teneur en lipides de Botryococcus braunii
est importante, son taux de croissance reste faible. Cela reflète bien la difficulté d’identifier
une souche idéale.
Chlorella sp. Spirulina
platensis
Botryococcus
braunii
Haematoccocus
pluvialis Dunliella salina
Taux de croissance
(g/m2/jour) 1,61-25 1,5-51 3 10,2-36,4 1,6-38
Teneur lipidique
(% matière sèche) 18-57 4-26 25-75 25 6-25
Tableau 2 : Comparaison des espèces par leur taux de croissance et leur teneur en lipides D’après Griffiths and Harrison, 2009 et Mata et al, 2009
Il est difficile d’obtenir des informations détaillées sur la croissance, les métabolites, la
robustesse, la teneur en lipides, la composition lipidique des algues... lorsque l’on consulte les
souchothèques existantes. Seules des informations basiques ou partielles sont accessibles.
L’Algaebase permet la mise en commun des données, mais reste largement limitée par les
dépôts de brevets et la protection de la propriété intellectuelle [L2].
20
PARTIE 2
Modes de culture des algues
La fabrication d’algocarburant à partir de micro-algues est un processus long et complexe,
encore bien loin d’être parfaitement maîtrisé [Markou et Nerantzis, 2013]. Il comporte
plusieurs étapes énumérées dans la figure 1. La première étape est la culture des algues et le
développement de la biomasse.
Figure 1 : Différentes étapes de fabrication du biocarburant micro-algal
D’après Anex, 2012
2.1 Différents types de culture
Deux principales méthodes de culture des micro-algues sont aujourd’hui pratiquées, selon leur
mode de vie et leur développement. La plupart des algues sont autotrophes, d’autres sont
hétérotrophes. Enfin, certaines algues peuvent utiliser les deux types de croissance.
21
2.1.1 Mode autotrophe
Les micro-algues peuvent être cultivées soit dans des bassins à ciel ouvert, aussi appelés
raceways, soit dans des photobioréacteurs fermés, soit enfin grâce à des systèmes hybrides.
2.1.1.1 Culture dans des systèmes ouverts : les raceways
Les systèmes ouverts sont de grands bassins circulaires d’une trentaine de centimètres de
profondeur, dont la taille varie de 1000 à 5000 m2 (Figure 2). Ils sont sous forme de chemin à
roulement dans lequel sont placées une ou plusieurs roues à aube (Figure 3). Celles-ci ont un
rôle déterminant car elles permettent l’apport en nutriments aux micro-algues, et le brassage
continuel du milieu, empêchant ainsi la sédimentation [L2 ; Sjors et Flammini, 2010].
Ce mode de production permet ainsi l’utilisation d’une souche spécifiquement choisie ou d’un
mélange indéfini de souches.
L’eau utilisée dépendra du lieu de production. Elle pourra provenir du recyclage d’eaux usées
ou il pourra s’agir d’eau douce ou d’eau marine [L2].
Figure 2 :
Système de production ouvert de type Raceway Source : W11
Figure 3 :
Schéma d’une vue de haut d’un étang ouvert
D’après Chisti, 2007
Les avantages de ce mode de culture sont leur simplicité d’utilisation, leur standardisation et
leur faible coût de production. Ils permettent le recyclage des eaux usées et les rendements
sont importants. (Tableau 3)
Cependant, malgré la faible profondeur des bassins, la lumière peut parfois avoir du mal à
pénétrer jusqu’au fond. Par ailleurs, l’ouverture de ce système rend le contrôle des différents
paramètres de culture très aléatoire (vent, température, luminosité…) et la contamination
22
possible par des parasites, prédateurs, bactéries … [Bruton et al, 2009 ; Morita et al, 2001 ;
Tampier et Martin, 2009]
2.1.1.2 Culture dans des systèmes fermés, les photobioréacteurs
A l’inverse des raceways, les photobioréacteurs (PBR) sont des systèmes fermés de culture.
Le principe est de contrôler au mieux les paramètres de culture. Pour cela, plusieurs types de
PBR existent [L2 ; L3] :
- Les photobioréacteurs tubulaires (Figure 4 à 6)
Ce sont un ensemble de tubes transparents en plastique ou en verre, placés de façon verticale
ou horizontale, comprenant un réservoir ou une colonne de dégazage. Grâce à leur
transparence, leur faible diamètre (environ 10 cm) et leur disposition, ces tubes permettent
une captation maximale du rayonnement solaire incident. Les micro-algues circulent à travers
les tubes grâce à un flux d’air riche en dixoyde de carbone, qui permet de distribuer les
nutriments à partir du réservoir, en minimisant la sédimentation des cellules. Les réacteurs de
laboratoire ont une contenance allant de 0,5 à 15 litres. Ceux développés pour la production
industrielle ont généralement une contenance de 20 à 1000 litres et qui peuvent même
atteindre 1 000 000 litres pour certains [Sadi, 2012].
Pour résoudre les problèmes d’accès à la lumière dans la culture en photobioréacteur à gros
volume, des lampes à fluorescence ou des fibres optiques peuvent être couplées à des
systèmes de captation solaire à l’intérieur des cultures (photobioréacteur DiCoFluV développé
dans le programme ANR BIOSOLIS).
Figure 4 : Photobioréacteur tubulaire comportant des capteurs solaires disposés en parallèle
D’après L3
23
Comme le montre la figure 4, les photobioréacteurs fonctionnent en continu. Ils sont ainsi
alimentés en permanence avec le même volume de milieu de culture frais que celui qui est
récolté afin de garder le volume du réacteur constant.
L’eau de refroidissement permet le contrôle de la température. Une voie de sortie est prévue
de façon à évacuer l’oxygène issu de la photosynthèse pendant que de l’air est distribué de
l’autre côté.
Dans le cas d’un réacteur fonctionnant en discontinu, une quantité définie de nutriments est
apportée au départ dans le milieu de culture ainsi qu’une certaine quantité de micro-algues
que l’on va laisser se multiplier. Le développement opère, jusqu’à atteindre une phase
stationnaire de croissance, ce qui témoigne de l’épuisement du milieu en éléments nutritifs.
Un autre cycle pourra alors démarrer après nettoyage du circuit [W10].
Ce mode de culture n’est pas le plus utilisé car les rendements sont cinq fois plus importants
en continu qu’en discontinu d’après Jean-Paul Cadoret, chercheur au laboratoire d’IFREMER
(Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer) [W1].
Figure 5 : Réacteur tubulaire BioFence Source : Copyright Greensea, L2
Figure 6 : Réacteur tubulaire
Source : Microphyt, L2
- Les photobioréacteurs « airlift » à colonne verticale
Leur conception est simple (colonnes rectangulaires verticales) mais les larges diamètres
(dizaine de centimètres) souvent employés, mènent à des efficacités en volume souvent
moyennes. Ce type de PBR est principalement répandu dans l’aquaculture française.
- Les photobioréacteurs plats [Sadi, 2012]
Ils sont constitués d’au moins deux panneaux parallèles transparents, avec une mince couche
de culture circulant entre les deux. Ils permettent d’offrir une large surface d’éclairement avec
des épaisseurs de culture pouvant être très faibles, de l’ordre de quelques centimètres
24
(photobioréacteur AlgoFilm développé dans le programme ANR BIOSOLIS). Ils peuvent être
installés à l’extérieur. Ces réacteurs, de petit volume, sont peu utilisés dans le commerce
(exemple : aquaculture) et l’industrie, mais sont dominants pour les essais expérimentaux en
laboratoire [L2].
Ces systèmes fermés présentent l’avantage de permettre un meilleur contrôle de la production.
La température est plus facile à réguler. Il en est de même pour l’apport en nutriments et en
dioxyde de carbone. Selon les objectifs envisagés et le lieu de culture, on peut choisir
l’exposition à la lumière naturelle ou artificielle (en vue de l’optimisation de production la
nuit). L’espace nécessaire pour leur culture est plus faible que pour les raceways. Le risque de
contamination étant réduit, ces systèmes permettent la culture de micro-algues sensibles. Les
PBR se prêtent facilement à la mise en place de systèmes coordonnés où le dioxyde de
carbone peut provenir d’usine à charbon [Anex, 2012]. Par ailleurs, du fait de la forte
productivité de ces systèmes, l’oxygène formé doit être éliminé en continu pour éviter des
inhibitions de croissance. L’importance d’un flux continu de dioxyde de carbone implique
l’installation d’un procédé onéreux permettant le ravitaillement constant du gaz [Sadi, 2012 ;
Tampier et Martin, 2009].
PBR RACEWAY
Contrôle de la contamination Facile Difficile
Risque de contamination Réduit Important
Contrôle du process Facile Difficile
Contrôle des espèces d’algues Facile Difficile
Mélange Uniforme Très faible
Surface requise (m2) Faible Elevée
Ratio superficie/volume Elevé (20 – 200 m-1
) Faible (5 – 10 m-1
)
Densité des algues Elevé Faible
Investissement Elevé Faible
Coût du process Elevé Faible
Efficacité d’utilisation de la lumière Elevé Faible
Contrôle de la température °C Plus uniforme Difficile
Productivité volumétrique (kg/m3) 1,535 0,117
Evaporation du milieu de culture Faible Elevé
Contrôle du transfert de gaz Elevé Faible
Concentration en biomasse 3 à 5 fois plus concentrée Moins concentrée
Utilisation à grande échelle Facile Difficile
Tableau 3 : Comparaison entre deux systèmes de culture D’après Mata et al, 2009 et Satyanarayana et al, 2011
25
La complexité de mise en place, le contrôle continuel des différents paramètres et l’entretien
expliquent le coût largement plus élevé en PBR qu’en raceways, ce qui représente un frein
important dans l’objectif d’industrialisation (Tableau 3) [L2].
2.1.1.3 Système hybride
Le terme de système mixte / hybride peut correspondre à deux types de structures différentes.
Le premier est un système de culture couplant photobioréacteur et bassin ouvert. Le second
est constitué de bassins pouvant être alternativement ouverts ou recouverts d’une bâche
transparente (passage à un mode de culture fermé) selon les conditions extérieures comme
représenté dans la figure 7. La combinaison des deux types de systèmes de culture d’algues
associe les bénéfices de chacun. C’est sans doute le choix le plus logique pour obtenir une
culture la plus rentable possible lors de la production de biocarburant à haut rendement
[Anex, 2012].
Figure 7 : Cultures de micro-algues en raceways sous serre chez Alpha Biotec
Source : Alphabiotec, Bernard, 2011
Dans le premier cas, les photobioréacteurs sont utilisés pour stimuler la croissance des
micro-algues en conditions contrôlées jusqu’à d’importantes concentrations cellulaires. Ces
micro-algues servent alors d’inoculum, exempt de contamination, aux bassins dans lesquels
les cellules sont alors généralement exposées à un stress nutritif (carence en azote notamment)
et à d’autres stress environnementaux qui stimulent l’accumulation de lipides [Brennan et
Owende, 2009].
26
Dans le second cas, la bâche offre une flexibilité d’adaptation aux conditions extérieures.
Lorsque le bassin est ouvert, l’évaporation permet une régulation de la température de l’eau.
Lorsqu’il est fermé, le bassin est protégé des contaminations.
2.1.2 En culture hétérotrophe
La plupart des micro-algues étant photo-autotrophes, une grande partie de ce chapitre sera
consacré à ce mode de vie. Il existe néanmoins des micro-algues hétérotrophes mais qui ne
sont pas les plus utilisées.
Il est possible de cultiver des micro-algues selon des procédés biotechnologiques classiques,
en utilisant des algues hétérotrophes (ou en les rendant hétérotrophes). C’est le cas de
Chlorella vulgaris et Chlorella protothecoides. Ces deux algues sont capables de se
développer sans utiliser l’énergie solaire, mais grâce à une source de carbone organique. Elles
sont cultivées dans des fermenteurs fermés. Encore une fois, la subtilité est de trouver le bon
substrat correspondant à l’espèce choisie. En effet, si certains substrats permettent la
croissance de certaines espèces, ces mêmes substrats sont inefficaces pour d’autres espèces
[Cantin, 2010 ; Doré-Deschênes, 2009].
Les avantages de ce système de production sont :
- une productivité volumique fortement augmentée (multipliée par 100 par rapport à un
système ouvert, et par 10 par rapport aux PBR)
- des concentrations en matière sèche très importantes (des centaines de grammes par
litre)
- des coûts de production faibles
- des produits obtenus de très grande qualité
- pas de contamination car le milieu est confiné
- pas de contrainte de localisation
- une industrialisation facile
- une technologie totalement maîtrisée à l’échelle industrielle sur les levures et bactéries
depuis plusieurs décennies, par différentes filières comme la chimie et l’agro-
alimentaire [Zheng et al, 2012].
Cependant, ce système nécessite des souches adaptées, des coûts importants d’installation et
d’investissement, notamment à cause des réacteurs, et surtout des sources de carbone
externes, stérilisées et en quantité équivalente aux produits générés [L2].
27
2.1.3 Mixotrophie
La mixotrophie est la capacité pour les micro-algues de se nourrir à la fois comme les plantes
(autotrophes) et les animaux (hétérotrophes). « Nous nous sommes aperçus qu’elles peuvent
non seulement utiliser les deux voies de production mais qu’en le faisant, la production était
largement augmentée » expliquent Pierre Calleja et Marina Leterrier, chercheurs de
Fermentalg qui ont déposé un brevet conjointement avec le CEA de Grenoble, Commissariat
à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives (sous la direction de Éric Maréchal) [Perrin
et al, 2011 ; W12 ; W13].
La société Fermentalg rend la culture de micro-algues économiquement plus viable en
accédant à des rendements élevés en biomasse et en molécules d’intérêt tout en ayant recours
à des coproduits industriels à bas coût comme substrats de production.
La mixotrophie à dominante hétérotrophe consiste à introduire, sur une courte durée, une
composante lumineuse de faible intensité. Comme en hétérotrophie, le substrat organique
nourrit les micro-algues pour produire de grandes quantités de biomasse, mais cette fois il y a
activation des chloroplastes et autres organites capteurs d’énergie lumineuse de la cellule
[Hannon et al, 2011 ; Zheng et al, 2012].
2.2 Conditions optimales de culture
La croissance des algues suit une cinétique comportant plusieurs phases. Il y a tout d’abord
une phase de latence, durant laquelle les algues s’adaptent à leurs conditions de culture. Cette
phase est suivie d’une phase de croissance exponentielle, au cours de laquelle les cellules se
multiplient au maximum de leur capacité, puis d’une phase stationnaire caractérisée par
l’épuisement d’un ou plusieurs éléments nutritionnels. Enfin apparaît une phase de
décroissance rapide, conduisant à la mort des algues du fait de la pollution du milieu.
D'un point de vue pratique, il convient donc de garder la culture en phase de croissance
exponentielle le plus longtemps possible. L’eau, la température, les nutriments, la lumière, le
dioxyde de carbone et le pH de la culture, ainsi que l’agitation sont les différents acteurs et
facteurs nécessaires au développement des micro-algues. [Mata et al, 2009].
2.2.1 L’eau
La quantité et la qualité de l’eau apportée vont permettre une croissance optimale des algues.
Par exemple, en photobioréacteurs, il est souvent nécessaire de débuter la culture dans une
28
eau stérile ce qui évite la compétition entre espèces et donc l’inhibition de la croissance des
algues d’intérêt par tout autre micro-organisme non désiré [L2].
L’utilisation des eaux usées en raceways ou en hétérotrophie est une possibilité et présente
même des avantages écologiques. Un couplage permet d’un côté l’approvisionnement en eau
des micro-algues via la station d’épuration (apportant les nutriments essentiels à la croissance
de la biomasse), et de l’autre le traitement des nitrates et autres composés polluant l’eau par
les micro-algues, de façon à restituer des eaux nettoyées. Ce procédé intéressant démontre un
fort potentiel qui a commencé à être développé dans des études, en particulier sur les eaux
usées municipales. Si certaines études ont montré des résultats prometteurs, des limites
ressortent néanmoins pour ce qui est des eaux usées industrielles. En effet, il ressort qu’il est
difficile de mettre en place un procédé standardisé, du fait de la variabilité de composition de
l’eau d’une entreprise à l’autre, mais aussi parce que ces eaux contiennent des composants
plus toxiques et des contaminants néfastes pour une production optimale de micro-algues.
[Boileau, 2015 ; Dalrymple et al, 2013 ; Levine et al, 2010 ; Rawat et al, 2011].
Une étude a été menée pour quantifier l’utilisation de l’eau dans le cycle de vie de la
production de biodiesel à partir de micro-algues. Ainsi, 3 726 kg d'eau douce sans recyclage
sont nécessaires pour générer 1 kg de biodiesel. Cependant, l'utilisation d’eau de mer ou
d’eaux usées peut réduire cette quantité d'eau douce nécessaire de 90%. Malgré cela, la
quantité d'eau douce reste importante (environ 400 kg par kg de biodiesel) [Yang et al, 2011].
2.2.2 La température
Les conditions optimales de culture des micro-algues sont comprises entre 20 et 30°C.
Beaucoup de micro-algues peuvent cependant facilement supporter des températures allant
jusqu’à 15°C en dessous de leur température optimale. En revanche, la hausse de la
température de seulement 2 à 4°C au-dessus de leur température optimale peut entraîner la
perte totale de la culture. Le maintien de la température en dessous d’une valeur seuil est donc
un facteur limitant pour la croissance [Mata et al, 2009 ; Thepenier et al, 1993].
2.2.3 Les nutriments
Les nutriments indispensables à la croissance des micro-algues sont le potassium, le fer, la
silice, le soufre, les métaux sous forme de traces et les vitamines [Salomez et al, 2009].
Dans le mode autotrophe, les micro-algues sont capables d’utiliser des formes minérales
azotées (nitrate, nitrite, ammonium) et phosphatées (phosphate).
29
Des processus industriels apportent du phosphore en excès pour compenser les pertes dûes à
la formation de complexes avec les ions métalliques.
Pour le mode hétérotrophe, une source de carbone organique est utilisée (sucres, acides
organiques, glycérol ...) [L2].
2.2.4 La lumière
La lumière est un élément indispensable pour la photosynthèse. La biomasse est produite
grâce au dioxyde de carbone fixé par la photosynthèse.
L’intensité lumineuse doit être contrôlée. En effet, elle peut conduire à un stress oxydant si
elle est utilisée en excès [Sforza et al, 2012].
De même, la biomasse est sujette à un phénomène de saturation de l’énergie lumineuse
(malgré une augmentation de l’intensité lumineuse, le taux de croissance stagne). Ce
phénomène est caractérisé par la constante de saturation, qui est l'intensité de la lumière pour
laquelle le taux de croissance spécifique µ de la biomasse est égal à la moitié de sa valeur
maximale ( ) (Figure 8). Pour les micro-algues, cette constante de saturation est
largement inférieure à l'intensité lumineuse disponible en milieu de journée. De ce fait, le taux
de croissance reste bien inférieur à ce qu'il pourrait être. D’un autre côté, une intensité
lumineuse trop importante conduit à un phénomène de photo-inhibition, c'est-à-dire à une
diminution du taux de croissance, ce qu'il faut également éviter. En conclusion, un des enjeux
de la recherche sur la modification génétique des micro-algues est d'augmenter le seuil de
saturation et de le déplacer vers des intensités lumineuses plus grandes [Riyahi et al, 2007 ;
W14].
Figure 8 : Effet de l'intensité lumineuse sur le taux de croissance D’après Chisti, 2007
30
2.3 Conditions de stress
Les recherches ont permis d’obtenir une optimisation de la production des lipides à partir des
paramètres énoncés plus haut, tout en favorisant un taux de croissance maximum des cellules.
En règle générale, on observe pour la majorité des micro-algues des contenus en huile de
l'ordre de 20 à 50% en masse de matière sèche. Cependant, cette proportion peut fluctuer pour
une même variété d'algues.
On s’est aperçu, au fur et à mesure des expérimentations, qu’en provoquant un stress chez les
micro-algues, un mécanisme d’auto-défense se déclenchait en faveur de la production de
métabolites de réserve. Ce phénomène fait intervenir plusieurs paramètres et est devenu un
enjeu majeur de la recherche sur les micro-algues. Plusieurs études démontrent que les algues
peuvent atteindre une accumulation de lipides égale à 80% du contenu de la cellule (voire
jusqu’à 90%) [Chisti, 2007 ; Goold et al, 2014].
Certaines carences en nutriments, appliquées par l’homme et lorsqu’elles sont mesurées
stimulent la production de métabolites de réserve [Schnurr et al, 2013 ; Sheehan et al,
1998].
2.3.1 Carence en azote
Une carence en azote (N) provoquée dans le milieu de culture déséquilibre la proportion
d'azote et de carbone habituellement absorbée par l’algue dans ses cellules. Cette diminution
soudaine a pour conséquence de ralentir la synthèse de protéines au profit de l’augmentation
des glucides et des lipides [Falkowski et Raven, 2007].
2.3.2 Choc thermique
Un brevet de « Procédé de production sélective de lipides polyinsaturés à partir d'une culture
de Porphyridium cruentum » a été déposé pour une invention permettant la mise en place d'un
choc thermique sur une culture de micro-algues [W10].
En effet, la teneur en acides gras polyinsaturés à l'intérieur des micro-algues varie fortement
en fonction des conditions de température. Un choc thermique est un écart thermique par
rapport à la température normale de culture dans le photobioréacteur, appliqué à la biomasse
pendant un temps donné, de façon à modifier l'insaturation des acides gras des lipides.
Une diminution de température variant entre 4 et 15°C en dessous de la température optimale,
permet d’obtenir des lipides plus insaturés, alors qu’une augmentation de température au-delà
31
de 30°C permet d’obtenir des lipides moins insaturés. Il est à noter qu’en deçà d’une
température de 15°C il n’y a plus de croissance donc plus de production de biomasse
[Thepenier et al, 1993].
2.3.3 Choc osmotique
Une augmentation de la salinité dans un milieu aqueux constitue un choc osmotique pour des
micro-algues marines. Ainsi, la production cellulaire d'acides gras totaux augmente avec la
quantité de sel.
Le glycérol intracellulaire sert à équilibrer osmotiquement le sel extracellulaire. De ce fait, la
micro-algue répond au stress osmotique en privilégiant la production de glycérol plutôt que la
production d’amidon qui s’effectue en temps normal. Dans les organismes vivants, le glycérol
est un composant important des glycérides et des phospholipides [Takagi et al, 2006].
2.3.4 Autres facteurs déterminants
D’autres facteurs viennent s’ajouter aux phénomènes de stress. La réussite des procédés de
production dépendra aussi de la capacité des micro-algues à maîtriser des paramètres comme
la respiration, la contamination, la captation et la réémission du dioxyde de carbone.
2.3.4.1. La captation et la réémission du dioxyde de carbone
La captation du dioxyde de carbone (CO2) par les micro-algues, s’explique par la
photosynthèse qui, grâce à l’énergie lumineuse, permet la fixation du CO2 atmosphérique ou
dissous dans l’eau pour produire de la biomasse. Ainsi, 1 kg de biomasse correspond, en
moyenne, à 1,8 kg de CO2 fixé [Chisti, 2007 ; Sialve et Steyer, 2013]. Il est important de
garder à l’esprit que fixer le CO2 ne veut pas dire le piéger. Il faut ensuite réutiliser ce carbone
devenu organique, avant que la biomasse se décompose, ce qui produirait CO2 et méthane, et
induirait donc des rendements négatifs en terme de gaz à effet de serre, à l’échelle du mois. La
valorisation énergétique de la biomasse est bien évidement une voie privilégiée au cours de
laquelle le CO2 fixé sera finalement réémis (ce procédé sera donc « neutre » par rapport aux
gaz à effet de serre) après avoir restitué une partie de l’énergie solaire accumulée.
2.3.4.2 La respiration
La production lipidique des micro-algues ne peut se faire qu'en présence de lumière. Non
seulement, elle cesse la nuit, mais on estime que 25% de la biomasse produite pendant le jour
32
va être consommée la nuit pour satisfaire les besoins en énergie de la cellule. Ce phénomène,
appelé respiration, restitue à la cellule l'énergie emmagasinée pendant la journée, consomme
du dioxygène et produit du dioxyde de carbone.
L'importance du phénomène de respiration dépend en particulier de la température de la
journée et celle de la nuit. Un des enjeux de la production de micro-algues est donc de
maximiser la production de matière organique lipidique la journée par la photosynthèse, mais
également de limiter la dégradation de cette matière organique la nuit par la respiration. En
effet, ceci annulerait voire même aggraverait le bilan de l'opération par dégradation de
l'énergie produite (consommation des lipides au profit de la cellule), dégazement de dioxyde
de carbone et dégazement de méthane [W14].
2.3.4.3 Contamination
Des prédateurs, des contaminants, des souches d’algues sauvages ou des virus peuvent créer
des dysfonctionnements dans les procédés de culture. C’est pourquoi la contamination est un
paramètre à éviter à tout prix. Les microorganismes non désirables ont une croissance plus
rapide, et risqueraient d’inhiber la croissance des souches recherchées. Des solutions ont été
trouvées pour pallier ce problème, à savoir, la culture en photobioréacteurs ou l’utilisation
d’algues se développant en milieu extrême par exemple dans les eaux hyper salées
(Dunaliella salina) ou hyper alcalines (spiruline) [Cadoret et Bernard, 2008].
2.4 Compromis
Ces conditions de forte productivité ne peuvent toutefois pas être maintenues pendant de
longues durées. Elles conduisent le plus souvent à un arrêt de la croissance puis, après un laps
de temps, à la reconsommation des réserves lipidiques ainsi produites. Par exemple si on
impose une carence en azote, la synthèse lipidique maximale pourra être atteinte en 2 à 3
jours. Une phase de plateau vers le 5ème
jour précèdera la phase de dégradation où les lipides
seront remobilisés pour les besoins de la cellule [Siaut et al, 2011].
Ce stress imposé doit donc être contrôlé et limité dans le temps.
De ce fait, l’optimisation de la productivité en lipides passe par un compromis entre
stimulation de la croissance et augmentation de la teneur en lipides. Une méthode
envisageable serait la culture des micro-algues en deux étapes : une phase de croissance et une
phase de carence afin d'augmenter leurs stocks en lipides.
33
Huntley et Redalje, proposent une manière d’optimiser la production de lipides chez
Haematococcus pluvialis en deux étapes. Une étape de croissance en photobioréacteurs
permet d’atteindre des rendements élevés et de limiter les sources de contaminations de la
culture [Huntley et Redalje, 2007]. Cette phase est suivie par 2 jours de carence en étang
dans lequel les micro-algues sont limitées par l’azote [Cadoret et Bernard, 2008].
34
PARTIE 3
Récolte et concentration
3.1 Procédés de récolte de l’huile
3.1.1 Principes généraux
La récolte des cellules algales est l’étape suivante dans le processus de fabrication de
biocarburant. Le but est d’extraire les lipides présents dans les cellules. Pour cela, il est
nécessaire de concentrer d’abord les cellules algales de la façon la plus efficace et la plus
rentable possible afin d’en valoriser les molécules d’intérêts. Pour cela, on sépare l’eau et
l’ensemble de l’environnement de croissance de la cellule algale en elle-même.
Différents procédés d'extraction ont été mis au point, certains jusqu’à l’échelle industrielle. Le
choix du procédé d’extraction va notamment dépendre des exigences du marché cible, mais
aussi de la nature des molécules d’intérêt à extraire, qui elles-mêmes dépendent de la souche
d’algue cultivée et de ses conditions de croissance [L2].
Les différents procédés de récolte abordés précédemment sont eux aussi susceptibles
d’affecter les procédés d’extraction en aval (teneur en eau).
A l’heure actuelle, l’étape de récolte et celle de concentration représentent 20 à 30% des coûts
de production [Molina Grima et al, 2003]. C’est une étape limitante pour laquelle des
recherches sont encore nécessaires pour en améliorer le rendement [Pienkos et Darzins,
2009].
Plusieurs méthodes existent et la sélection de l’une d’elle dépend des divers choix effectués
en amont et conditionne, en outre, toutes les étapes en aval [Kerlero de Rosbo et al, 2014].
3.1.2 Floculation-coagulation
Littéralement, la floculation est le processus physico-chimique au cours duquel des matières
en suspension dans un liquide s'agglomèrent pour former de plus grosses particules [W15].
Ce phénomène est provoqué en agissant sur l’état d’agrégation des cellules, ce qui facilite la
décantation des micro-algues. Elle peut avoir lieu naturellement, déclenchée par un
changement des conditions environnantes (pH, lumière, stress…). On parle dans ce cas
35
d’auto-floculation ou biofloculation. Elle peut aussi être le résultat d’un ajout de floculant
comme le sel de fer (FeCl3, Fe2(SO4)3, …) ou d’aluminium (Al2(SO4)3), ou d’un ajout de
polymères (anioniques ou cationiques, synthétiques ou naturels) [Cantin, 2010].
L’électrocoagulation et l’électrofloculation sont deux autres procédés qui ont l’avantage de ne
pas nécessiter d’additifs chimiques. Le premier est réalisé grâce à des électrodes à base de fer
ou d’aluminium, parcourues par un courant générant la libération d’ions métalliques par
oxydoréduction. Le second utilise soit des électrodes (deux électrodes -anode et cathode- sont
placées dans la suspension et au contact de l’anode, les cellules perdent leur charge et peuvent
s’agglomérer), soit des ultrasons (les ultrasons générant des champs acoustiques, les cellules
se concentrent dans les zones où le potentiel est minimum, provoquant ainsi leur agrégation)
[L2].
La floculation est une étape préparatoire précédant la récolte et qui permet de faciliter les
étapes ultérieures. En général, son coût d’exploitation est faible. Toutefois, ce procédé exige
une longue période de traitement qui peut entrainer un risque de décomposition du produit
bioréactif [Li et al, 2008].
3.1.3 Sédimentation gravitaire par différence de masse volumique
La sédimentation est la séparation sous l’influence de la gravité d’une phase dispersée solide
ayant une densité plus grande que la phase fluide continue qui la contient. Les matières
solides dont la densité est quasiment égale ou inférieure à celle de l’eau ne peuvent donc pas
être séparées par sédimentation.
La vitesse de sédimentation dépend aussi directement de la taille des particules et de leur
forme (résistance à l’écoulement). La concentration des algues constitue un autre paramètre
qui influence la vitesse de sédimentation. Lorsque la concentration augmente, la vitesse de
sédimentation est réduite [L2].
3.1.4 Flottation
Certaines souches peuvent avoir une tendance naturelle à flotter, en particulier celles riches en
lipides, dès l’arrêt du brassage du milieu. Cela facilite alors leur récolte. Le phénomène de
flottation est produit par une action sur la différence de masse volumique et le diamètre des
cellules [W16 ; W17].
36
Deux systèmes existent, l’électroflottation et la flottation par air dissous (DAF). Ils se
distinguent principalement par le mode de production des bulles de gaz [L2].
L'électroflottation permet aux algues en suspension d’être entraînées à la surface par l'action
des microbulles d'hydrogène provenant de l'électrolyse des molécules d'eau. Il en résulte une
couche dense à la surface contenant les algues en suspension. Malheureusement cette méthode
consomme une importante quantité d’énergie [Cantin, 2010].
La DAF s’effectue grâce à de fines bulles d’air qui remontent tout au long de la suspension et
adhèrent aux matières solides en les transportant à la surface de l’eau. La floculation peut être
utilisée pour favoriser ce processus de récolte. La remontée dépend de l’efficacité du floculant
mais aussi en grande partie de la taille et de la distribution des bulles d’air au travers de la
suspension. La couche supérieure enrichie en algues est alors mise de côté dans un container
pour les traitements ultérieurs. Ces deux méthodes permettent de récupérer en sortie un
concentré présentant 1 à 6% de matière sèche [W18].
3.1.5 Centrifugation
La centrifugation est un procédé de séparation utilisant la force centrifuge pour séparer les
algues en suspension de leur milieu de culture. L’outil utilisé pour cela est une centrifugeuse
[W19].
La taille, la concentration des cellules, le temps de séjour et l’accélération (gravitation) sont
autant de paramètres opératoires à prendre en compte pour le bon déroulement de cette
technique de récolte. Plusieurs systèmes ont été développés : la centrifugeuse à bol, le
séparateur à assiettes (figure 9), le décanteur centrifuge ou Sédicanter®
(figure 10) [W20] et
l’hydrocyclone. La centrifugation permet de concentrer les micro-algues d’une solution
initiale ayant une concentration en biomasse de 10 à 20 g/L en une pâte de 100 à 200 g/L
[Sadi, 2012].
37
Figure 9 : Schéma de concentration des micro-algues par une centrifugeuse à assiette D’après Flottweg, W19
Figure 10 : Schéma de concentration des micro-algues par un Sédicanter
®
D’après Flottweg, W19
La centrifugation est à l’heure actuelle une des techniques les plus utilisées mais elle reste
encore malgré tout coûteuse en investissement et en consommation énergétique [Cantin,
2010].
3.1.6 Filtration frontale : tamisage, séparation par exclusion de taille
La filtration frontale, consiste à faire passer le fluide perpendiculairement à la surface du filtre
(figure 12). Ce type de technologie est valable pour des « grosses » cellules (supérieure à
40 μm). C’est un procédé très simple à mettre en œuvre. Il est possible d’utiliser de simples
toiles ou tamis. Un tamis vibrant avec une épaisseur de maille inférieure à la taille des algues
peut aussi être utilisé.
38
Ce procédé de récolte fonctionne sous de faibles gradients de pression (ou à vide) et présente
la nécessité de racler le gâteau d’algues formé à intervalles réguliers pour maintenir les débits
de filtration (ou d’ajouter des auxiliaires de filtration comme des fibres de cellulose ou de la
terre de diatomées). En effet cette technique est limitée par l'accumulation des particules à sa
surface, qui finissent peu à peu par colmater le tamis.
En fonction de la nature de la souche cultivée, une pré-concentration préalable ou une pré-
couche filtrante peuvent être nécessaires. Le taux de matière sèche et la consommation
énergétique sont quant à eux dépendants de la nature du tamis utilisé [L2].
3.1.7 Filtration tangentielle membranaire : séparation par exclusion
de taille
La filtration tangentielle, au contraire, consiste à faire passer le fluide parallèlement à la
surface du filtre (figures 11 et 12). C'est la pression du fluide qui permet à celui-ci de
traverser. Les particules, dans ce cas, restent dans le flux de circulation tangentiel, et le
colmatage s'effectue ainsi beaucoup moins vite. Cette technique est réservée aux très petites
particules, dont la taille est inférieure à 40 μm, ce qui est le cas pour la plupart des micro-
algues.
Dans ce contexte de récolte, une bonne rétention nécessite le recours à des filtres de micro ou
d’ultrafiltration avec des pores allant de 0,5 μm à 0,02 μm.
Ces systèmes présentent cependant une forte consommation liée au pompage et à la pression.
Ils peuvent être une alternative plausible à la centrifugation [L2].
Figure 11 : Principe de la filtration tangentielle
Source : GEPEA-CNRS, L2
Figure 12 : Comparaison des deux modes de filtration
Source : GEPEA-CNRS, L2
39
Notons que les technologies sont souvent utilisées de façon combinée. Par exemple,
floculation puis flottation ou décantation, floculation puis centrifugation, floculation puis
filtration (moins courant).
En conclusion, le débit de culture à traiter, l’efficacité du traitement (taux de rétention…), la
siccité finale, l’impact sur la qualité de la biomasse et sur son traitement ultérieur, la stabilité
du procédé, les dérives de performances (évolution du milieu, développement bactérien,
débris cellulaires…), le matériel et les coûts (investissement, énergie, main d’œuvre,
consommation de réactifs…) sont autant de facteurs à prendre en considération dans le choix
de la technologie de récolte.
On observe cependant, que pour une souche donnée, un procédé de récolte efficace à petite
échelle ne sera pas forcément techniquement et économiquement viable à grande et très
grande échelle.
La concentration finale de la pâte dépendra de la méthode de récolte employée et aura un
impact direct sur la quantité d’énergie consommée et sur les procédés de traitement et
d’extraction en aval.
Le produit de la centrifugation ou de la filtration permettent d’obtenir une teneur en matière
sèche comprise entre 10 et 20% [Wiley et al, 2011].
3.2 Procédés de prétraitement avant extraction
3.2.1 Séchage
Quelle que soit la méthode précédemment employée (cf 3.1), on obtient une pâte algale dont
le taux d’humidité est diminué (figure 13). Toutefois, il est encore nécessaire de sécher cette
pâte pour obtenir un pourcentage de masse sèche maximum afin d’optimiser la durée de vie
du produit final [L2].
Figure 13. Pâte algale
Source : Flottweg, W19
40
De même que précédemment, l’étape de séchage peut être fortement énergivore. Quelle que
soit la technologie utilisée, l'évaporation de 1 kg d'eau consomme au moins 800 kilocalories
[Singh et al, 2011]. Il est important de trouver l'équilibre entre l'efficacité et le coût du
séchage afin de maximiser le rendement de la stratégie de production de biocarburant à partir
d’algues. Le résultat final est l’obtention d’une concentration d’environ 90% de masse sèche.
Plusieurs procédés existent [Kerlero de Rosbo et al, 2014 ; L2] :
- Le séchage solaire, qui est le plus ancien, consistant à étendre la pâte d’algues sous
serre ou à l’air libre afin d’en évaporer le contenu en eau.
- Le séchage en sécheur convectif ou conductif, résultant d’échanges couplés de
chaleurs et de matières avec l’air et la pâte algale.
- Le séchage par atomisation, consistant à faire passer de l’air chaud dans un cylindre
vertical, ce qui déshydrate le liquide sous forme de poudre.
- Le séchage par lyophilisation, consistant à ôter l’eau d’un produit liquide, pâteux ou
solide, à l’aide de la surgélation puis une évaporation sous vide de la glace sans la
faire fondre (sublimation). La vapeur d’eau quitte le produit puis est capturée par
congélation à l’aide d’un condenseur, ou d’un piège à froid. Cette technique permet de
conserver à la fois le volume, l’aspect et les propriétés du produit traité. Mais elle est
la plus consommatrice en énergie.
- Le séchage par DIC (Détente Instantanée Contrôlée), ayant pour principe le traitement
de la biomasse à haute température et haute pression sur une courte durée avec une
chute abrupte de pression vers le vide provoquant une auto-vaporisation instantanée.
Cette auto-vaporisation instantanée peut engendrer en plus d’un refroidissement
instantané, une texturation des matières. Il est possible de réaliser plusieurs cycles
successifs. Les applications de cette technologie sur la biomasse micro-algale sont le
séchage, la décontamination et l’extraction de lipides.
3.2.2 Broyage
La dernière phase avant extraction est le broyage. En effet, il est nécessaire de traverser les
membranes cellulaires pour accéder aux molécules d’intérêt. Le solvant pourra alors entrer en
contact avec ces molécules pour les dissoudre [Bélair, 2012].
Un broyage mécanique efficace peut supprimer le besoin d’utiliser des procédés à
températures et pressions élevées, permettant au solvant d’entrer directement en contact avec
les molécules cibles. Il existe plusieurs technologies de broyage mécanique :
41
l’homogénéisation de cellules, le broyage à billes, les ultrasons, et l’autoclavage
[Middelberg, 1995].
Les méthodes non mécaniques incluent des procédés tels que la congélation / décongélation,
l’utilisation de solvants organiques, les chocs osmotiques et les réactions acido-basiques ou
les lyses enzymatiques.
L’utilisation de micro-ondes ou d’ultrasons (sonification) sont d’autres méthodes présentant
un fort intérêt.
Il est à noter qu’un broyage efficace peut, chez certaines algues, suffire pour s’affranchir de
l’étape d’extraction et passer directement à une étape de purification par filtration.
3.2.3 Homogénéisation à haute pression
L’homogénéisation à haute pression (HHP), déjà connue et reconnue, a été adaptée à partir
des procédés utilisés dans l’industrie de l'alimentation et de la pharmaceutique pour la rupture
de cellules [Bélair, 2012].
L'homogénéisateur est formé d'une pompe qui force la suspension de cellules à passer par le
centre du siège et puis radialement à travers les fentes de la valve. Les nombreuses forces
d'accélération, de collision et de dépressurisation contribuent au bris de la cellule. Son grand
avantage est d'être applicable à l'échelle industrielle. La méthode d'HHP présente toutefois
certaines restrictions, dont l'augmentation de la température et la nécessité dans certains cas
de faire de multiples passages pour obtenir le pourcentage de bris voulu. Les lipides libérés
sont récupérés à partir de l'émulsion par une inversion de phase avec de l'huile chaude et
l’utilisation de la centrifugation triphasique. L'objectif sous-jacent consiste à examiner la
possibilité d'obtenir un système biphasique (aqueux - huile) permettant de récupérer les
lipides intracellulaires qui serviront à fabriquer du biodiesel [Middelberg, 1995].
3.2.4 Homogénéisation à billes
La technique d’homogénéisation à billes (HB) est une technique mécanique, simple et
efficace. L'appareil est une chambre de broyage munie d'un axe de rotation au centre. L'axe
est équipé d'agitateurs (disques, anneaux ou tiges) qui transfèrent l'énergie cinétique aux
petites billes dans la chambre qui se heurtent les unes contre les autres. Les billes (en verre
d’un diamètre inférieur à 1,5 mm) sont maintenues dans la chambre par un tamis ou une fente
42
axiale au niveau de la sortie. Toute l'énergie d'opération de l'appareil est dissipée en chaleur,
ce qui rend nécessaire un refroidissement de la chambre de broyage [Middelberg, 1995].
Les deux techniques (HHP et HB) sont les plus utilisées à l’heure actuelle et à l’échelle
industrielle pour les micro-algues. Elles permettent d'opérer en continu et rapidement, ce qui
induit un minimum de dégradation des produits. De plus, elles sont peu coûteuses
contrairement à la lyse enzymatique (cf 3.2.5).
Cependant, elles sont limitées par l'augmentation de la température et génèrent des débris
cellulaires. Le choix d'une technique de rupture adéquate doit donc également se faire en
considérant l'étape subséquente de séparation [Mata et al, 2009].
Après le traitement mécanique, les composés cellulaires co-extraits (débris cellulaires),
principalement les protéines et les phospholipides, forment une émulsion qui emprisonne les
gouttelettes de lipides libérées et empêchent leur coalescence. Plusieurs procédés visant à
briser cette émulsion (démulsification) permettent de récupérer un maximum de lipides. La
déstabilisation de l'émulsion peut se fait par addition d'enzymes réduisant la rigidité de la
paroi cellulaire (protéases pour l’hydrolyse des protéines, phospholipases pour l’hydrolyse des
phospholipides ou le mélange des deux), par ajustement du pH ou par des techniques
mécaniques comme l’électrocoagulation et l’ultrafiltration [Bélair, 2012].
3.2.5 Lyse enzymatique
Des cellulases sont utilisées pour digérer la cellulose qui est un constituant majeur de la paroi
cellulaire et un polymère non ramifié du glucose. La digestion de cette cellulose a pour effet
d'affaiblir la structure cellulaire et d’augmenter l’efficacité du bris cellulaire (>80%). Ce
traitement avec les cellulases a l’avantage de diminuer la quantité de débris cellulaires qui
empêchent la coalescence des lipides entre eux [Bélair, 2012].
3.2.6 Les ultrasons et micro-ondes
L’utilisation d’un réacteur ultrasonique peut permettre d’améliorer le rendement de
l’extraction, le temps d’extraction étant réduit.
Les ultrasons émis vont former des bulles dans le solvant, qui vont éclater contre les
micro-algues et optimiser ainsi l’extraction des lipides. L'opération à basses fréquences
permet de générer un maximum de pression permettant de maximiser le bris cellulaire. Les
43
ultrasons sont plus couramment utilisés en association avec les techniques d'extraction au
solvant ou enzymatique pour en augmenter l'efficacité [Siwek et al, 2006].
La technique de micro-ondes (à environ 100°C et 2450 MHz durant 5 minutes) est également
une méthode physique utilisée pour augmenter l'efficacité de l'extraction au solvant. Elle s'est
avérée être la plus applicable pour la rupture d'un volume important de biomasse micro-
algale, donc applicable à l'échelle industrielle. Globalement, une micro-onde génère des
oscillations ou vibrations, ce qui produit de la chaleur en quelques secondes. Le chauffage des
cellules crée une pression intracellulaire qui brise les membranes cellulaires en plus des effets
d'électroporation [Lee et al, 2010 ; Mata et al, 2009].
44
PARTIE 4
Extraction des huiles algales
Il existe plusieurs procédés permettant l’extraction des huiles de l’algue. Ces procédés
nécessitent de l’énergie et possèdent des rendements différents. Dans le but d'obtenir
quasiment 100% de rendement, une combinaison des techniques peut être utilisée
[Satyanarayana et al, 2011].
4.1 Extraction par solvants organiques
Le solvant organique est choisi en fonction de sa polarité et de son affinité avec les molécules
d’intérêt à extraire. Parmi eux on retrouve l’hexane, le plus couramment utilisé, mais aussi le
chloroforme, l’éthanol, l’isopropanol, le butanol, les cétones, les esters [Kerlero de Rosbo et
al, 2014].
Dans certains cas, le fait d’associer plusieurs solvants permet d’améliorer la capacité
d’extraction et d’améliorer la sélectivité. Il est possible d'obtenir jusqu'à 98% d'extraction des
acides gras purifiés [L4].
Ce type d’extraction existe déjà à l’échelle industrielle pour différentes applications,
notamment l’extraction du béta-carotène de Dunaliella salina en Inde [Wolff, 2012].
Cette extraction, présente néanmoins des inconvénients. L’hexane est un produit toxique,
néfaste pour l’environnement. L’utilisation de ce produit comme solvant peut également
dégrader la qualité des lipides extraits et l’utilisation à l’échelle industrielle n’est pas
applicable dans l’état actuel des choses.
4.2 Extraction à l’eau subcritique
L’un des aspects les plus attrayants dans le cas des algues est l’utilisation de l’eau comme
solvant d’extraction. Elle permet alors de s’affranchir du besoin de l’étape de séchage ou de
déshydratation [Vian et al, 2013].
Ce procédé est basé sur l’utilisation de l’eau à des températures juste en dessous de la
température critique (température maximale supportée par l’eau en phase liquide), et à une
45
pression suffisamment élevée pour maintenir l’eau dans cet état liquide (Tc=373°C et
Pc=221 bars) [L2].
L’intérêt de cette extraction est que l’eau, dans ces conditions, devient moins polaire et les
composés organiques plus solubles qu’à température ambiante. Elle présente aussi l’avantage
de l’accessibilité du solvant dans la matrice de la biomasse qui apparaît dans d’autres cas à
des températures bien supérieures.
Pour finir, l’eau d’extraction est refroidie à température ambiante, rendant les produits
miscibles à température et pression élevées, et non miscibles à des températures inférieures,
ce qui permet une séparation facile [L2].
On trouve d’autres avantages pour ce mode d’extraction : les temps d’extraction sont plus
courts, il donne des extraits d’une qualité supérieure, des coûts moindres en agents extractants
et une bonne compatibilité environnementale (absence de solvants).
Cependant, une contrainte majeure est la difficulté à extrapoler le système à grande échelle.
Par ailleurs, une charge importante en énergie est nécessaire pour chauffer le système
jusqu’aux températures subcritiques.
4.3 Extraction avec des fluides supercritiques
L’extraction par fluide supercritique utilise le pouvoir renforcé de solvatation des fluides au-
dessus de leur point critique.
L’extraction par fluide supercritique est le plus souvent employée en mode discontinu, mais le
procédé existe aussi en mode continu [Vian et al, 2013].
L’un des points les plus attractifs de l’extraction par fluide supercritique est qu’une fois la
réaction d’extraction faite et les matériaux d’extraction dissous dans le fluide supercritique, le
solvant et le produit peuvent être facilement séparés en aval une fois la température et la
pression revenues aux conditions atmosphériques. Dans ce cas, le fluide retourne à son état
gazeux original pendant que les produits extraits restent dans un état liquide ou solide
[Kerlero de Rosbo et al, 2014].
Les fluides utilisés peuvent inclure des solvants comme l’éthane, l’hexane, l’eau, le méthanol,
l’oxyde nitreux, l’hexafluorure de soufre, aussi bien que le n-butane et le pentane.
Le traitement supercritique est capable de simultanément extraire et convertir des huiles en
biocarburants. Cette technique a été démontrée comme étant extrêmement puissante dans
46
l'extraction d'autres composés présents dans les algues. Les fluides supercritiques sont
sélectifs, offrant ainsi une grande pureté et concentration du produit. En outre, il n'y a pas de
résidus de solvants organiques dans l'extrait ou dans la biomasse traitée [L2].
4.4 Extraction au CO2 supercritique
L’état supercritique confère au dioxyde de carbone un excellent pouvoir d’extraction. Il s’agit
d’un CO2 stabilisé au-dessus de son point critique, caractérisé par sa température et sa
pression critique, c’est-à-dire au-dessus de 31,1°C et de 74 bars. Il s’agit d’un état
intermédiaire entre le liquide et le gaz (figure 14).
Figure 14 : Diagramme des différents états d’un corps pur
D’après Penchev, 2010
Le dioxyde de carbone présente la caractéristique d’être un bon solvant à l'état supercritique,
et un mauvais solvant à l'état gazeux.
Les avantages de ce procédé sont les suivants :
- le dioxyde de carbone est totalement inerte chimiquement ; il est naturel et impacte donc peu
l’environnement. Il est non toxique, peu coûteux et utilisable à l’infini.
- la température abordable et la stabilité permettent d’assurer la qualité du produit
- en fin de cycle, la séparation entre le solvant d'extraction et le soluté pour obtenir l’extrait
est facile (simple détente qui ramène le dioxyde de carbone à l’état gazeux), avec une
récupération quasi-totale de tous les composants [L2].
Si on ajoute un co-solvant d’extraction au CO2 supercritique, on peut améliorer son pouvoir
d’extraction et élargir la gamme de molécules extractibles.
47
L’extraction au CO2 supercritique est assez intéressante mais elle nécessite un séchage
préalable, qui comme nous venons de le voir, reste onéreux (Travaux du Laboratoire de
Mécanique, Modélisation et Procédés Propres M2P2, Université Aix-Marseille dans le cadre
du projet Shamash). De plus, à l’échelle industrielle, il y a de nombreux progrès à faire pour
améliorer la rentabilité économique [Bernard, 2011].
48
PARTIE 5
Transformation de l’huile en carburant
Une dernière étape est encore essentielle afin d’obtenir un carburant (cf partie 2, figure 1).
L'huile végétale issue de l’extraction n'est pas utilisable directement en tant que carburant, car
leur densité et leur viscosité sont trop élevées.
La transformation de l’huile est déjà connue et utilisée pour les huiles issues du palmier à
huile, du maïs, du jatropha…
Il existe plusieurs techniques de conversion de l’huile qui dépendent de différents paramètres :
la finalité du produit et le rendement entre autres.
5.1 Réaction de transestérification
5.1.1 Transestérification standard
La transestérification est la réaction qui permet l’obtention du biodiesel.
Le processus chimique de base de la transestérification consiste en une estérification des
triglycérides (molécules comportant 3 fonctions esters) contenus dans l'huile végétale, en
présence d'un alcool (méthanol ou éthanol en général) (figure 15).
Le résultat de cette réaction est de séquencer un triple-ester d’acides gras (plus gros) en esters
d’acides gras plus petits et plus légers [Chisti, 2007].
Figure 15 : Réaction de transestérification : des triglycérides au biodiesel
(R : chaînes hydrocarbonées)
Source : Wikimédia commons, W21
49
La réaction se produit en 3 étapes successives et réversibles : un triglycéride est d'abord
converti en diglycéride, puis en monoglycéride et finalement en glycérol. Un méthyl ou éthyl-
ester est libéré à chaque fois. On obtient de cette façon le biodiesel.
Les quantités stœchiométriques de la réaction (figure 15) indiquent qu'il faut fournir 3
molécules de méthanol pour chaque molécule de triglycéride, ce qui conduira à la production
de 3 méthyl-esters [Bélair, 2012].
Cependant, cette réaction est réversible. Pour déplacer l'équilibre vers la droite, on utilise le
méthanol en excès dans le mélange réactif : les processus industriels utilisent 6 moles de
méthanol pour chaque mole de triglycéride [Gao et al, 2012].
Partant d'une huile dont la densité moyenne observée est de l'ordre de 0,912 kg/L (pour les
micro-algues), on obtient par ce procédé du biodiesel dont la densité est de 0,864 kg/L qui se
conforme aux standards internationaux de l'ASTM (American society for testing and material)
se situant entre 0,860 et 0,900 kg/L, comme le montre le tableau 4 ci-dessous.
Propriétés Algues Plantes oléagineuse ASTM biodiesel standard
Densité (kg/L) 0,864 0,838 0,86-0,9
Viscosité à 40°C (mm2/s) 5,2 1,9-4,1 3,5-5,0
Température de fusion (°C) 115 75 min 100
Température de solidification (°C) -12 de -50 à 10 x
Température limite de filtrabilité (°C) -11 -3 à -6,7 été max 0 / hiver max < 15
Acidité (mg KOH/g) 0,374 max 0,5 max 0,5
Tableau 4 : Comparaison des propriétés du biodiesel des algues, des plantes oléagineuses et du
biodiesel standard
D’après Miao et Wu, 2004
Le biodiesel est ensuite lavé afin d’éliminer le glycérol et le méthanol qui seront ensuite
réutilisés et valorisables afin de diversifier les sources de profits. Par exemple, le glycérol
séché peut servir de déshydratant chimique ou encore être utilisé dans les produits
pharmaceutiques et cosmétiques, ainsi que dans l'industrie chimique [Cantin, 2010].
La transestérification peut se faire dans des conditions supercritiques ou subcritiques, assistée
par des ultrasons ou des micro-ondes, en présence d'enzymes ou de catalyseurs acides ou
basiques.
Une solution encore plus élaborée consiste à éliminer le glycérol qui se forme au cours de la
réaction, mais ce procédé plus perfectionné est également plus coûteux.
50
La réaction est habituellement assistée par des catalyseurs type hydroxyde de sodium ou de
potassium pour en augmenter la vitesse. Elle est réalisée à une température de 60°C, sous
pression atmosphérique. Dans ces conditions, la réaction aura atteint son avancement maximal
au bout de 90 minutes et la quantité de méthyl-esters en présence sera de l'ordre de 98% en
masse. Une tonne d'huile avec 0,1 tonne de méthanol produit une tonne d'EMHV (Ester
Méthylique d’Huile Végétale) et 0,1 tonne de glycérol en présence d'un catalyseur alcalin
[W10].
Pour limiter les pertes de production, il faut également s'assurer de l’absence d'eau et d’acides
gras libres, car ces derniers conduiraient à une hydrolyse des esters par la réaction de
saponification (figure 16). La formation de savon empêche la séparation des esters d’acide
gras. Pour éviter cela, un prétraitement par un catalyseur acide (acide sulfurique ou acide
chlorhydrique) est parfois utile [Leung et Leung, 2010].
RJCOOH + NaOH R'COONa + rM
AG libre + Hydroxyde de sodium Savon + glycérol
Figure 16 : Réaction de saponification
D’après wikipédia, W22
Un autre facteur limitant de la réaction peut être la teneur en acides gras insaturés. Même si
l’insaturation est un critère de recherche, il ne faut pas que celle-ci dépasse un certain nombre
de doubles liaisons. L’insaturation totale est d’ailleurs limitée par les standards européens : le
biodiesel utilisé pour les transports ne doit pas dépasser un indice d'iode de plus de 120.
L'indice d'iode d'un lipide est la masse de diiode (I2) exprimée en grammes, capable de se
fixer sur les insaturations des acides gras pour 100 g de matière grasse. Ainsi, l'indice d'iode
d'un acide gras saturé est nul [Demirbas et Demirbas, 2011].
Le niveau d'acides gras insaturés dans les micro-algues est parfois très élevé (jusqu’à 30%) et
l’excès de ce type d’acides gras est un problème pour la production de biodiesel. En effet, leur
oxydation plus aisée peut induire la formation de goudron [Bélair, 2012].
5.1.2 Transestérification en deux étapes
Cette technique de transestérification peut se réaliser sans déshydratation préalable de la
biomasse. Une étude réalisée en 2010 par Levine et al, a développé une technique en deux
étapes réalisées sans catalyseur.
51
Dans la première étape, la biomasse humide (80% d'humidité) réagit avec de l'eau sous-
critique afin d’hydrolyser les lipides intracellulaires [Levine et al, 2010].
Au cours de la seconde étape, le solide formé de cellules et de lipides, est soumis à la
transestérification supercritique in situ avec de l'éthanol, pour produire du biodiesel sous la
forme d'esters éthyliques d'acides gras (EEAG).
Ce processus permet d’éliminer l’étape du séchage de la biomasse et d’éviter la phase
d’extraction des triglycérides.
L’inconvénient de cette méthode est le faible rendement de récupération d’EEAG. Ceci peut
être dû à une transestérification incomplète, une décomposition / polymérisation des acides
gras insaturés, une hydrolyse des EEAG, ou une extraction incomplète des lipides de la phase
solide. Un avantage principal du processus est la capacité de l’étape d’hydrolyse à créer deux
produits stériles : un solide riche en acides gras à l’humidité relativement faible (< 50% d'eau)
et une phase aqueuse riche en nutriments. L’azote et le phosphore, nécessaires pour la
production de biomasse algale, sont des ressources non renouvelables. La capacité de recycler
ces nutriments, avec une source de carbone utile comme le glycérol, présente des opportunités
uniques pour réduire davantage l'impact de la production de biodiesel algal [Anex, 2012].
5.2 Hydrogénation
Le procédé d'hydrogénation consiste à transformer les triglycérides de l'huile végétale en leurs
alcanes correspondants (figure 17). Il s'agit d'une réaction catalytique comme la
transestérification, mais ici l’huile est mise en présence d'hydrogène à la place de méthanol.
Figure 17 : Réaction d’hydrogénation
Source : wikimédia commons, W23
Les avantages de cette technologie par rapport à la précédente sont multiples. La coproduction
de glycérol est évitée. L'hydrogénation permet par ailleurs d'ôter tous les atomes d'oxygène,
ce qui rend le produit final plus stable. Enfin, les produits de la réaction sont essentiellement
52
des alcanes, ce qui permet d'obtenir des indices élevés de cétane, proches d'un gazole idéal
[Kerlero de Rosbo et al, 2014].
En ce qui concerne l’aviation, le biodiesel ou le bioéthanol seul ne suffit pas. Un mélange
avec du kérosène est essentiel. Les conditions de production du bio-kérosène, nécessitent des
spécifications très strictes en matière de point de congélation et de tenue dans le temps des
produits finaux [Boukhetaia et Blanquet, 2011].
L’alternative envisagée pour ce marché est celui de l’hydrogénation pour enlever les doubles
liaisons (huile végétale hydrogénée ou HVO).
Les hydrocarbures issus de cette technologie présentent d'excellentes qualités pour les
kérosènes : chaînes carbonées de bonne dimension, cétane élevé, absence de soufre et
d'hydrocarbures aromatiques, propriétés à froid ajustables, bonne tenue au vieillissement
[Boukhetaia et Blanquet, 2011].
5.3 Procédés de conversion biologique
La conversion biologique de la biomasse en énergie comprend [Kerlero de Rosbo et al,
2014] :
- La digestion anaérobique, aussi appelée méthanisation.
- La fermentation
La première est une technologie basée sur la dégradation de la matière organique, en milieu
anaérobie. La résultante est d’une part, la production d’un digestat riche en matière organique,
et d’autre part, la production de biogaz composé de bio-méthane pour 50 à 70% et de dioxyde
de carbone principalement pour le reste.
Ce procédé a l’avantage d’utiliser de la biomasse humide, ce qui évite l’étape de séchage. Un
autre avantage est que, le dioxyde de carbone ainsi que les nutriments fournis peuvent être
recyclés pour les prochaines cultures d’algues. [Doré-Deschênes, 2009]. Cependant, pour
produire la même quantité d’énergie que le biodiesel, il requiert une surface et des
infrastructures plus importantes [Jones et Mayfield, 2011].
Pour être utilisé en tant que carburant, le biogaz suit ensuite une série d’étapes
d’épuration / compression [Brennan et Owende, 2009].
La deuxième permet la production de bioéthanol (figure 18). Elle passe par des étapes de
saccharification et de fermentation simultanées. En premier lieu, amidon, carbohydrates et
53
protéines des algues sont libérés des cellules mécaniquement ou grâce à des enzymes. La
levure Saccharomyces cerevisiae est alors ajoutée. Grâce à son invertase, elle catalyse
l'hydrolyse du saccharose pour le convertir en glucose et en fructose. La zymase, une autre
enzyme aussi présente dans la levure, transforme par la suite le glucose et le fructose en
éthanol. Le bio-éthanol est ensuite distillé et déshydraté.
La fermentation est déjà utilisée commercialement à grande échelle dans différents pays,
comme le Brésil, pour produire de l'éthanol à partir de cultures de sucre et d’amidon.
L'éthanol peut être produit à partir d'une grande variété de glucides [Brennan et Owende,
2009].
La valeur calorifique de l'éthanol est inférieure à celle de l'essence ; soit respectivement de 22
et de 33 MJ. Toutefois, un indice d'octane plus élevé de l'éthanol et de possibles ajustements
du système d'injection des voitures peuvent donner un indice d'équivalence de 1,15 par
rapport à l'essence [Costa et de Morais, 2011].
Figure 18 : Réaction simplifiée de la fermentation du saccharose en bioéthanol de la biomasse
algale grâce à Saccharomyces cerevisiae D’après Anex, 2012
5.4 Procédés de conversion thermochimique
Les traitements thermochimiques permettent contrairement aux traitements biologiques,
l’utilisation de conditions extrêmes car aucun organisme vivant n’est en jeu.
- La liquéfaction hydrothermale directement dans l'eau sous-critique est une technologie qui
peut être utilisée pour convertir la biomasse algale humide en un éventail de combustibles
liquides. Elle a lieu dans un réacteur à basse température (300-350°C) et à pression élevée
(5-20 MPa) pour produire des bio-huiles. La technique utilise les propriétés de l'eau en
conditions sous-critique pour décomposer la biomasse en matériel moléculaire plus court
54
et plus petit, ayant une densité énergétique supérieure, ou en produits chimiques de plus
grande valeur. La réaction se produit en présence de dioxyde de carbone, d’hydrogène et
d'un catalyseur. Le principal produit de ce procédé de liquéfaction est un "bio-brut"
représentant généralement 45% en poids sec de la matière première et possède un contenu
énergétique comparable au diesel. Un gros avantage de ce procédé est l’absence de
séchage préalable de la biomasse [Brennan et Owende, 2009 ; L3 ; Ramirez, 2013].
- La gazéification est un procédé qui permet de convertir les produits de la biomasse algale
à des températures très élevées (800-1000°C) avec de l’eau et une quantité contrôlée
d’oxygène, en un mélange de gaz appelé syngaz, constitué principalement de monoxyde
de carbone et d’hydrogène. La valeur calorifique du syngaz est d’environ 4-6 MJ. La
gazéification trouve également des applications dans l'élimination des déchets verts
[Brennan et Owende, 2009 ; L2 ; Ramirez, 2013].
- La pyrolyse est une décomposition de la matière à des températures élevées (350-700°C)
qui ne fait pas intervenir d’oxygène. Elle permet d’obtenir des bio-huiles et son rendement
de production augmente avec la température [Miao et Wu, 2004]. Les huiles issues de la
pyrolyse présentent des limitations dûes à leur instabilité, leur viscosité, et la présence de
particules solides. De plus, c’est un procédé énergivore et qui produit des petites quantités
de sous-produits potentiellement toxiques. Cette technique a cependant l’avantage d’être
extrêmement rapide, avec des temps de réaction de l'ordre de quelques secondes ou
minutes [Anex, 2012 ; Brennan et Owende, 2009 ; L2 ; Packer, 2009].
55
PARTIE 6
Étude d’un projet mené en France et verrous rencontrés
6.1 Le projet Shamash
6.1.1 Présentation du projet
Le projet Shamash est un projet multipartenarial français qui a été initié en 2006 dans le cadre
de la recherche sur les biocarburants algaux. Il a duré 3 ans. Un certain nombre d’acteurs se
sont unis dans ce projet dans le but commun de faire avancer la recherche française. Tous
spécialistes dans une des branches du domaine, ils ont pu bénéficier d’un investissement total
de 2,8 millions d’euros. Les investisseurs (l’ANR Agence Nationale de la Recherche, PSA
Peugeot Citroën, le PNRB Programme National de Recherche sur les Bioénergies, et EADS
Aeronautic Defence and Space Company, devenu Airbus Group) ont, en plus de leur rôle
financier, apporté leurs propres connaissances pour compléter celles des laboratoires, en
particulier en matière de normes automobiles et aéronautiques [W24].
Le but premier de ce projet a été de mieux appréhender et évaluer le monde des micro-algues
ainsi que leur potentiel en tant que source de carburant, et d’en identifier les verrous. Ainsi,
l’idée fut d’élargir la recherche en employant non pas un seul laboratoire, mais en combinant
le savoir-faire d’une dizaine de laboratoires spécialisés afin d’élargir la vision globale du
domaine, d’acquérir une plus grande compétence, une meilleure crédibilité et de justifier
l’intérêt porté par la recherche [W25].
6.1.2 Les acteurs et leurs missions
Pour ce faire, le projet a été divisé entre plusieurs groupes de recherche, le rôle de chaque
acteur étant fonction de son domaine de compétence.
L’INRIA Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique, représentée par
Olivier Bernard et Jean-Paul Cadoret coordonne le programme grâce à sa vision étendue des
micro-algues, de l’échelle microscopique jusqu’à l’échelle industrielle [Bernard, 2011].
L’IFREMER, Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer, spécialiste des
micro-algues a pour mission d’offrir la matière première à l’ensemble des intervenants. Son
56
rôle a été de sélectionner parmi une cinquantaine d’espèces candidates celles qui ont la
capacité, en fonction des modes de production, de produire la plus forte concentration d’huile.
L’aboutissement des recherches a permis de retenir quelques espèces à fort potentiel :
Chlorella vulgaris, Cylindrotheca closterium, Odontella aurita. A partir de là, leur
productivité a été améliorée via un protocole adapté.
Le partenaire LB3M, Laboratoire de Bioénergétique et Biotechnologie des Bactéries et
Micro-algues (CEA/CNRS) de Cadarache a concouru à la dimension génétique du projet,
grâce au séquençage des génomes. Ce laboratoire a pu prouver la capacité intrinsèque des
algues à fabriquer une forte concentration de lipides. Il a aussi présenté les mécanismes
d’accumulation des triglycérides en prenant le modèle de C.reinhardtii dans des conditions de
carence en azote.
L’analyse de mutants a pu mettre en évidence l’accumulation de 70 à 80% de gouttelettes
lipidiques au sein d’une seule cellule et de démontrer que les deux formes de réserves
carbonées (lipides et amidon) évoluent de façon complètement indépendante.
Le LOV, Laboratoire Océanique de Villefranche (CNRS-UPMC) a eu pour rôle, en travaillant
sur les souches sélectionnées, de déterminer l’équilibre pour que l’augmentation de la teneur
en lipides n’empêche pas la croissance des algues (paramètres qui sont d’ordinaire
antagonistes). Pour cela, des expériences menées sur le stress azoté ont permis de comprendre
dans quelle mesure la production de lipides est maximisée. La réponse des algues à
l’éclairement a pu être analysée. Ainsi, les triglycérides présentent une forte réactivité en
fonction du rythme circadien : les lipides accumulés en journée sont re-consommés la nuit.
L’utilisation de toutes ces informations a ensuite alimenter des modèles mathématiques.
C’est là tout le rôle de l’INRIA, qui combine les informations fournies à l’expérimentation
mathématique. La biologie moléculaire actuelle intègre les équations mathématiques pour
comprendre, analyser et déduire les conditions les plus propices à la synthèse de lipides. Dans
ce cadre, on calcule, en fonction de divers paramètres et variables (stock en azote,
luminosité…), la quantité d’huile attendue et l’évolution de cette productivité au cours du
temps. Cette simulation informatique bien plus efficace dispense d’expériences longues et
coûteuses faites classiquement en laboratoires.
Le GEPEA, Génie des Procédés Environnement et Agroalimentaire, a pour mission
l’expérimentation du développement des algues dans des photobioréacteurs à grande échelle.
Selon un protocole homologué sur une souche sélectionnée par l’IFREMER, des
57
expérimentations sur petits photobioréacteurs sont effectuées. Les prédictions des modèles
mathématiques de production et d’extrapolation sont alors validées et permettent le passage à
l’étape supérieure. Le but est, à terme, l’application à grande échelle.
Avec la coopération de la société Alpha Biotech, les résultats ont permis de mettre en place un
tout autre protocole pour la pré-industrialisation en raceway (600 m2) de Nannochloropsis
oculata. L’expérimentation a duré une année, et a contribué à confirmer le choix de la souche,
du procédé et a démontré la faisabilité prometteuse de l’application à une échelle industrielle.
Alpha Biotech a aussi participé à pointer les faiblesses du domaine tout entier. Ainsi, il est
impératif de limiter au maximum la consommation d’énergie durant tout le processus de
production.
Le CIRAD, Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le
Développement, quant à lui, met au point des procédés permettant de concentrer les algues
puis d’en extraire l’huile. Pour cela, il utilise des techniques de séparation membranaire.
Grâce à ces procédés, outre l’augmentation de la concentration initiale de biomasse algale
(moins d’1 g/L) à des taux plus importants, il permet d’obtenir des coproduits valorisables et
de recycler les milieux de culture. À la suite d’opérations supplémentaires, on obtient une
biomasse sèche.
Le M2P2, Laboratoire de Mécanique, Modélisation et Procédés Propres, tient son implication
dans l’utilisation du CO2 supercritique. Un procédé d’extraction a d’abord été mis au point,
sur Nannochloropsis, prenant en compte l’influence des paramètres de pression, température
et rapport de masse. Devant les rendements maximaux obtenus dans ces conditions
expérimentales, il est possible d’envisager le travail sur des extracteurs de plus gros volumes,
passant de l’expérimentation du gramme au kilogramme.
L’intégration de toutes ces recherches au sein du projet Shamash nécessite toutefois encore de
tenir compte de deux autres facteurs : la qualité de l’huile et du carburant. Des nombreuses
normes sont liées aux produits pétroliers et à leurs substituts. Dans cette optique, le CIRAD
observe les critères d’évaporation et de formation de dépôt. Dans le cas où la norme est
respectée, des essais moteurs sont effectués, ce qui amène à connaître et à valider selon les
règles ; la consommation, la puissance, le rendement, l’émission à l’échappement…
58
6.1.3 Résultats
Les bénéfices apportés par ce projet ont été les suivants [Cadoret et Bernard, 2008 ;
Bernard, 2011] :
- De nouveaux critères de sélection des espèces ont été découverts, comme la qualité des
acides gras, la robustesse aux contaminants, la facilité de récolte…
- Des espèces potentiellement utilisables et prometteuses pour la fabrication de carburant
ont été identifiées.
- La production de certaines espèces a pu être perfectionnée.
- Des protocoles de standardisation de mise en culture et des techniques d’analyse des
lipides ont été élaborés.
- Des modèles numériques prédisant la productivité et le taux d’accumulation de lipides
ont été approuvés.
- Il a été déterminé que les lipides et l’amidon qui sont les deux formes de réserve de la
cellule, évoluent de manière totalement indépendante.
- Des progrès sur l’extraction par le CO2 supercritique permettent d’envisager son emploi
à l’échelle industrielle.
- Les tests préindustriels ont établi une productivité moyenne de production de biomasse
(3 g/m2/jour), avec un maximum de 5,3 g/m²/jour sur 6 mois. Cela représente 2000 L
d’huile par hectare et par an, en Pays de Loire (lieu de l’expérience) et à la lumière
naturelle sur une base de 20% de lipides extraits.
- Les calculs ont permis d’envisager un coût de production de 2,1 €/kg (coût qui n’a
encore jamais pu être réalisé)
- Les verrous de la filière ont pu être déterminés et quantifiés
Au total, cette étude a fait l’objet de 11 publications et articles dans des revues internationales,
dont 6 en accès public et trois brevets ont été déposés [W25].
- Cadoret et Bernard, 2008 : “La production de biocarburant lipidique avec des
microalgues : promesses et défis”
- Pruvost et al, 2009 : “Investigation of biomass and lipids production with Neochloris
oleoabundans in photobioreactor”
- Sialve et al, 2009 : “Anaerobic digestion of microalgae as a necessary step to make
microalgal biodiesel sustainable”
- Lardon et al, 2009 : “Life-Cycle Assessment of Biodiesel Production from Microalgae”
59
- Goffaux et al, 2009 : “Continuous - Discrete Interval Observers for Monitoring
Microalgae Cultures”
- Goffaux et al, 2009 : “Improving continuous–discrete interval observers with
application to microalgae-based bioprocesses”
D’autres projets ont vu le jour à la suite de ces expériences : projet ANR Biosolis, Algomics,
Salinalgue…
6.2 Verrous et problématiques actuelles
Grâce aux études réalisées en France et dans le Monde, les verrous de la filière sont de mieux
en mieux identifiés. Cette démarche d'identification permet la planification des efforts à
fournir pour parvenir au fur et à mesure à la levée des différents verrous [Lorne et Chabrelie,
2010].
Ainsi, on peut constater qu'à chaque étape de production apparaît un verrou propre (figure
19). On en observera donc quatre principaux types : économique, technologique,
environnemental et réglementaire.
Trois études sont synthétisées dans cette partie sur les verrous.
•Ouverture des marchés, réglementation
Valorisation
• Recherches et developpement, main d'oeuvre , diminution de la teneur en eau
Transformation
•Coût de récole
Récolte
•Coût , maitrise de production et main d'oeuvre qualifiée
Culture
•Connaissance des souches, de leur génome
Souches
Figure 19 : Principaux verrous identifiés à chaque étape de production D’après L2
6.2.1 Analyse économique de la filière
Cette étude [Acien et al, 2012] réalise l’analyse économique de la filière. Elle est effectuée en
Espagne et basée sur la production de Scenedesmus almeriensis pendant 2 ans, sur 10
photobioréacteurs tubulaires de 3 m3 exploités en mode continu. Le rendement de
l'installation a atteint 90 t/ha/an ce qui était proche du maximum envisagé. Le coût de
production était de 69 €/kg [Acien et al, 2012].
60
La valeur des coûts a été appréciée et il en ressort que : l'amortissement représente 78% des
dépenses totales de fabrication. Les autres ne représentent que 7 à 8% du coût total de
production (figure 20). Le photobioréacteur représente à lui seul 94% du coût de l'équipement
(figure 21). Les autres facteurs contribuant au coût de direct de production sont l’énergie
(44%), le CO2 (37%) et le travail (38%) (figure 22 et 23).
Figure 20 : Principaux coûts de production pour la production de biomasse sèche de
Scenedesmus almeriensis à grande échelle, en extrapolant la technologie de l'installation
considérée D’après Acien et al, 2012
Figure 21 : Répartition des principaux coûts d’équipement
D’après Acien et al, 2012
61
Figure 22 : Répartition des coûts de
matières premières et services publics D’après Acien et al, 2
Figure 23 : Répartition des coûts de main-
d’œuvre D’après Acien et al, 2012
Cette analyse montre que les principaux freins à la viabilité de la filière, à l'heure actuelle,
sont la main-d’œuvre, l’amortissement, et les coûts des photobioréacteurs. Les infrastructures,
le transport de la biomasse et les coûts d'exploitation en énergie viennent s'ajouter aux frais.
De ces données, il a été extrapolé à une plus grande échelle que la production de 200 t par an
permettrait de réduire le coût de production à 12,6 €/kg.
Ce concept consiste à prouver qu'en augmentant l'échelle, on réduit le coût. Cependant, si à
l'heure actuelle on est capable de produire à un coût avoisinant les 10 €/kg, on est encore bien
loin d'être compétitif vis-à-vis des coûts de production des carburant fossiles.
De plus, en simplifiant la conception des photobioréacteurs (utilisation de matériel d'occasion
ou simplification de conception par exemple), en utilisant les eaux usées, les déchets de gaz
de combustion et en diminuant la main d’œuvre, cette étude indique que les coûts pourraient
diminuer à 1,8 €/kg.
La conclusion de cette étude indique que les photobioréacteurs sont considérés comme les
systèmes les plus productifs mais restent malgré tout onéreux. De grandes installations à
l'échelle industrielle permettraient de réduire les coûts de production tout en ayant recours à
peu de main d’œuvre et en utilisant des gaz de combustion comme source de carbone et des
eaux usées comme milieu de croissance. Grâce à cette étude, on met le doigt une fois de plus
sur un problème récurrent dans le domaine : on a travaillé sur des hypothèses et des
applications de calculs normalisés, mais peu de mises en pratique ont été effectuées à l'échelle
industrielle.
62
6.2.2 Analyse pécuniaire concevable pour l’industrialisation
Un autre article publié par Wijffels et Barbosa en 2010 [Wijffels et al, 2010], montre que pour
remplacer la demande européenne en carburant par du biodiesel micro-algale, en supposant un
rendement de 40 000 L/ha/an, 9,25 millions d’hectares de terres seraient nécessaires (ce qui
représente quasiment la surface du Portugal)
Ceci nous prouve que malgré le potentiel élevé des micro-algues, les technologies disponibles
actuellement ne peuvent satisfaire la demande mondiale.
Pour calculer un prix de production de biomasse rentable, une équation peut être utilisée :
Si on considère que la conversion d’une quantité de biomasse en énergie coûte environ le
même prix que la conversion d’un baril de pétrole en énergie, on peut alors utiliser la formule
suivante pour obtenir le prix maximal de rentabilité [Chisti, 2008] :
Prix acceptable de la biomasse ($/tonne) = Prix du baril de pétrole ($)/M
En supposant le prix du baril à 81 $, et le contenu en huile de la biomasse à 70%, la valeur
calculée pour M est de 0,273 tonne.
Ainsi, la biomasse algale devrait être produite à un coût se situant aux alentours de
296,70 $/tonne pour que celui-ci puisse être concurrentiel par rapport au prix du baril.
Actuellement, la biomasse coûterait environ 1 540 $/tonne à produire en mode hétérotrophe et
2 660 $/tonne en mode autotrophe [Tampier et Martin, 2009].
6.2.3 Étude des perspectives envisageables
Pour terminer, et pour se faire une idée plus précise des perspectives envisageables concernant
ce milieu des micro-algues, l’ADEME, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de
l’Energie, a réalisé une analyse croisée de 3 rapports américains de référence datant de 2010,
afin de prédire l’avenir de la filière algale en 2030 [Kerlero de Rosbo et al, 2014].
Dans un premier temps, un plan de recherche a été établi pour estimer la taille des marchés
potentiels. Onze utilisations des micro-algues ont été retenues pour cette étude. Parmi
eux figurent les biocarburants, l’alimentation humaine, l’alimentation animale, le domaine
pharmaceutique-cosmétique, et la chimie.
Dans ce cadre, ont été effectuées :
- l’analyse du marché Européen actuel (en fonction des données d’évolution des années
précédentes)
63
- la projection de ce marché à 2030 (sur la base des taux de croissance actuels connus
sur la période 2014-2030)
- l’estimation de la part de marché des algues (avec une approche hypothétique mais
tenant compte de la pertinence technique des algues et des volumes de productions
actuels)
- l’estimation de la part de ce futur marché Européen mais pouvant être produit en
France (s’appuyant sur les données actuelles)
Pour calculer le potentiel physique de production et de valorisation des algues en France, en
2030, des modèles numériques ont été développés.
L’objectif est de donner des ordres de grandeur réalistes de la production française maximale.
Pour cela, l’étude prend en compte le périmètre géographique (France et DOM TOM), les
algues considérées (micro et macro-algues), et le secteur d’application.
Plusieurs scénarios sont réalisés. Ils prennent en compte le couplage
« ensoleillement / température » et la disponibilité des ressources avoisinant l’exploitation.
Ainsi, l’estimation du potentiel physique maximum de production de biomasse est évaluée en
tonnes par année. Un découpage a été fait comme tel : un test pour les organismes autotrophes
en système raceway et un autre test en photobioréacteur. Sept espèces ont été retenues au
total.
Selon un carnet de méthodes bien spécifique, les résultats annualisés sont les suivants :
La productivité est de l’ordre de 14,4 g/m2/jour en raceway et de 25,3 g/m
2/jour en
photobioréacteur. On notera que la productivité a pu monter au-delà de respectivement 25 et
60 g/m2/jour en été et descendre en deçà de 17 et 45,2 g/m
2/jour en hiver. Ces éléments
montrent que la saisonnalité, généralement ignorée, doit être prise en compte dans les calculs.
On observe dans les DOM TOM, une plus grande productivité.
Selon les divers scénarios, le potentiel physique est à modérer. Les quantités maximales de
biomasse pouvant être produites en France se situe entre 7 et 53 millions de tonnes de matière
sèche par an.
Il ressort pour le futur plusieurs points importants. Ainsi, les divers aspects thermiques ne sont
pas à négliger. L’utilisation d’espèces tolérant de plus larges gammes de températures
permettrait améliorer la productivité. La notion de contaminants doit être prise en
64
considération car elle provoque de pertes de production. Quant à la notion de besoin en eau, il
ne s’agit pas une valeur stricte puisqu’elle fluctue selon le lieu de production.
Le potentiel physique de production de biocarburant est de l’ordre de 7% de la consommation
de diesel en France (pour une production orientée 100% biodiesel) ou de 15% de la
consommation en essence (pour une production orientée 100% bioéthanol).
Certaines localisations seront dépourvues d’un réel potentiel de rentabilité en raison de leurs
faibles températures tout au long de l’année.
Au-delà du potentiel théorique se pose la question du potentiel atteignable à l’horizon 2030.
Une feuille de route a été synthétisée en collaboration avec les plus grands chercheurs français
du domaine. Elle propose une vision globale de l'état actuel des recherches, pointe les axes à
approfondir et les moyens à déployer pour rendre cette filière compétitive [L2].
Pour lever les verrous, des études de marché et de faisabilité sont indispensables. Il est
nécessaire de savoir où cibler les efforts de recherches et de développement, et de connaître la
législation en vigueur pour la respecter.
6.2.4 Conclusion sur les verrous et valorisation de la filière
Les points forts à retenir pour aspirer à un objectif de rentabilité sont [Chisti, 2013 ; Kerlero
de Rosbo et al, 2014 ; L2] :
- l’amélioration de la connaissance des souches de micro-algues et de leur génome
- la baisse des coûts de culture, de récolte, et de main-d’œuvre
- la formation d’équipes pour des compétences de qualité
- les essais de mise à l’échelle
- la mutualisation et la mise en relation des recherches et de leurs acteurs
- la durabilité des techniques de production
- le respect de la réglementation et de l’impact environnemental
- la valorisation des coproduits de fabrication
De façon à conclure sur la possible rentabilité de la filière algale, il apparaît incontournable de
développer les divers potentiels de valorisation. De nombreuses recherches effectuées en ce
sens : pour l’industrie alimentaire (épaississants, gélifiants, additifs, colorants…), pour
l’alimentation animale (aquaculture…), pour l’agriculture comme engrais fertilisant les sols,
en pharmacie, comme complément alimentaire grâce à leur richesse en protéines, vitamines,
65
sucres et lipides, et dans la recherche contre le cancer (IFREMER de Nantes), pour
l’environnement, dans le traitement des eaux usées, de plastiques recyclables.
Plus récemment, une nouvelle branche de valorisation a vu le jour dans le but de lutter contre
l’effet de serre en milieu urbain. Ainsi, chez Fermentalg, il a été mis au point un lampadaire
renfermant des micro-algues, capable de capter le CO2. Une start-up, « the Cloud
Collective » a conceptualisé le fait de placer des photobioréacteurs sur les ponts des
autoroutes pour participer à la dépollution de ce milieu, comme le montrent les figures 25 et
26 [W26 ; W27].
Ennesys, une entreprise Française, quant à elle, a eu l’idée de transformer les eaux usées d’un
immeuble, en énergie pour permettre ensuite de le chauffer. Des photobioréacteurs sont
installés au niveau des façades du bâtiment. Les micro-algues se développent et se nourrissent
à la fois de la lumière incidente mais aussi des nutriments fournis par les eaux usées. Ainsi les
algues fournissent l’énergie nécessaire au chauffage de l’immeuble mais pourront également
être récupérées à des fins énergétiques multiples [W28 ; W29].
A
B
Figure 24 (A et B) : Photobioréacteurs tubulaires utilisés sur une autoroute pour en capter la
pollution Source : The Cloud Collective, W27
66
CONCLUSION
De nombreux progrès ont été faits depuis que la recherche sur les micro-algues s’est
intensifiée. Dans le domaine des biocarburants, des étapes ont été franchies, mais ce domaine
est tellement étendu et peu connu que de nombreux efforts en recherche et développement
restent à fournir. 2020 et 2030 seront des étapes clés pour connaître la viabilité ou non de
cette 3ème
génération de biocarburants. Bien que des essais préindustriels soient réalisés
partout dans le monde, il n’en reste pas moins à discuter de la possibilité de produire à très
grande échelle.
Depuis la hausse du baril de pétrole de 2006, les recherches sur les micro-algues a déjà connu
3 périodes :
- la promesse de débouchés lucratifs dans une tranche temporelle courte.
- une remise en cause de la politique de recherche et développement a eu lieu au bout de
5 ans, car de nombreuses sociétés ont fait faillite.
- une troisième phase de recherche et développement s’est alors inscrite plus
sereinement dans une échelle de temps en accord avec les défis économiques et
écologiques à relever [Kerlero de Rosbo et al, 2014].
En France, l’Institut d’Excellence pour les Energies Décarbonnées IEED « greenstars » a pu
voir le jour dans cette cinétique de développement. Il a permis d’intégrer les recherches dans
la durée et d’associer de nombreux acteurs autour de projets innovants, garantissant une
cohérence de synchronisation et de rationalisation des développements à l’échelle nationale.
L’arrêt du financement de cet IEED provoqué par le retrait de certains industriels de l’énergie,
laisse planer, une fois de plus, une incertitude sur le devenir de la filière micro-algues
française, avec un risque de morcellement des efforts de recherche.
L’ADEME et le réseau Action Climat, a rendu un rapport où il est noté que malgré la
publication de conclusions différentes, les résultats normalisés permettent d’établir que le
biodiesel et bioéthanol réduisent la dépendance aux énergies fossiles. En ce qui concerne les
GES, des indicateurs soulignent les effets bénéfiques des agrocarburants vis-à-vis des
carburants fossiles [Campbell et al, 2011 ; Dohy et al, 2006 ; W30].
67
De plus, depuis 2011, il a été établi dans l’Union Européenne, une norme contrôlée par les
États membres, visant à certifier l’aspect durable des biocarburants. Ainsi, les émissions de
gaz à effets de serre sur la chaîne de production doivent être réduites de 35% par rapport à la
chaîne de production des carburants fossiles. L’impact environnemental des cultures (eau,
biodiversité, déforestation…) doit être mesuré, de même que la pollution due aux moteurs
[Kerlero de Rosbo et al, 2014].
En énumérant certaines limites de la filière, de manière non exhaustive, on peut ouvrir
quelques axes de réflexions qu’il pourrait être intéressants de développer dans d’autres
projets.
Tout d’abord, les effets nocifs des émissions de gaz d’échappements sur la santé, à court et à
long terme, sont reconnus officiellement par l’OMS (Organisation Mondiale pour la Santé) en
particulier pour les moteurs diesel [Thomas, 2012 ; Tissot, 1999]. Comme il a été souligné
dans cette thèse, les biocarburants doivent, la plupart du temps être mélangés aux carburants
fossiles. On peut dès lors se demander contextuellement s’il est réalisable de les rendre non
néfastes voire même s’il est logique de continuer à fabriquer des moteurs de cette nature (au
moins dans le secteur du transport routier). Les avis divergent sur ce point.
Un autre point de réflexion porte non pas sur le carburant, mais sur l’algue elle-même. Une
fois génétiquement modifiée, son introduction dans un milieu aquatique naturel pourrait
déclencher sa propagation. Ceci menacerait les espèces naturellement présentes et
déstabiliserait le faune, ce qui induirait par voie de conséquence, le bouleversement de
l’écosystème aquatique à long terme. Par ailleurs, la contamination de l’eau par les rejets des
usines de fabrication pourrait induire une eutrophisation et / ou une acidification des cours
d’eau [Christenson et Sims, 2011].
Il paraît alors essentiel de mettre en place, de manière systématique, des analyses du cycle de
vie (ACV) des micro-algues, pour chaque étude. Ces analyses consistent à prendre en compte
et à évaluer au mieux les bilans énergétiques ainsi que les impacts environnementaux globaux
dans le but de parvenir à les améliorer [Liu et al, 2012]. C’est une étape qui apparaît
indispensable dans le sens où le carburant micro-algal se revendique plus « vert » que le
carburant fossile et que les premières générations de biocarburants. Le développement du
carburant micro-algal pourra alors s’inscrire dans une nouvelle ère bien plus respectueuse et
préservatrice de l’environnement et de la santé publique [Gudin et Bernard, 2013 ; Lardon
et al, 2009 ; Zaimes et Khanna, 2013].
68
Pour finir, la tenue de la COP21 à Paris en Novembre 2015, confirme bien la préoccupation
internationale de limiter le réchauffement climatique. Les carburants de substitutions ont été
au cœur des débats, ce qui porte encore plus haut, l’espoir de l’aboutissement de la filière
micro-algale.
69
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[W19] https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrifugation Dernière mise à jour : Novembre 2015
[W20] https://www.flottweg.com/fr/applications/graisse-et-huile-biocarburants/algues/
Dernière mise à jour : 2015
[W21] https://fr.wikipedia.org/wiki/Biodiesel Dernière mise à jour : Septembre 2015
[W22] https://fr.wikipedia.org/wiki/Hydrogénation Dernière mise à jour : Octobre 2015
[W23] https://fr.wikipedia.org/wiki/Saponification Dernière mise à jour : Décembre 2015
[W24] https://interstices.info/jcms/c_24036/projet-shamash-production-de-biocarburants-lipidiques-par-
des-microalgues Publié en Octobre 2008
[W25] http://www-sop.inria.fr/comore/shamash/ Dernière mise à jour : 2009
[W26] http://thecloudcollective.org/#/projects/culture-urbaine/
Dernière mise à jour : 2014
[W27] http://www.faiteslepleindavenir.com/2014/12/09/algues-les-autoroutes/
Dernière mise à jour : 2015
[W28] http://www.ennesys.com/entreprise/ Dernière mise à jour : 2015
[W29] http://www.faiteslepleindavenir.com/2013/11/05/lenergie-des-eaux-usees/
Dernière mise à jour : 2015
[W30] https://fr.wikipedia.org/wiki/Biocarburant Dernière mise à jour : Octobre 2015
75
Résumé
Le réchauffement climatique, la pollution environnementale, la hausse des prix du pétrole et
sa pénurie annoncée sont autant de critères qui ont conduit les chercheurs à développer des
alternatives aux carburants fossiles. Les agrocarburants souvent nommés biocarburants ont,
dans ce contexte, fait l’objet de nombreuses études.
Avec la pratique et le recul, il en ressort que les agrocarburants ne sont pas LA solution aux
problèmes à cause de leurs coûts, leurs contraintes de production et l’impossibilité actuelle de
répondre à la demande mondiale. Ils constituent cependant une source d'énergie permettant de
suppléer le pétrole et d’en limiter ainsi la dépendance. Ils ont pour vocation de contribuer à la
« décarbonation fossile » du domaine des transports, étant produits à partir de biomasses
renouvelables. Par ailleurs, le C02 émis lors de l’utilisation des agrocarburants est compensé
par le C02 absorbé par la photosynthèse.
Ces biocarburants pourraient être, en prime, une opportunité de développement économique
pour les régions rurales, les importateurs de pétrole et les pays en développement. Néanmoins,
les technologies de production doivent encore être développées et perfectionnées.
Les algocarburants sont les biocarburants de troisième génération. Espoirs, réussites, échecs et
désillusions sont le quotidien des chercheurs qui aspirent à ce que la filière carburant des
micro-algues voit le jour et soit reconnue comme une solution de substitution ou de
supplémentation réelle aux carburants fossiles au niveau industriel et mondial.
Cette thèse retrace les différentes étapes nécessaires à la production d’un algocarburant. Du
choix de l’espèce, en passant par le choix du mode de production, l’optimisation de la culture,
mais aussi par les différentes méthodes de récolte, de concentration et d’extraction, pour finir
par les méthodes de transformation en carburant. On ne pourra que constater les difficultés
que chaque phase génère. On remarquera aussi que des technologies de pointe pourront
concourir au développement de cette filière et que l’harmonisation des divers acteurs sera
indispensable pour faire avancer la recherche et le développement.
Mots clés : algocarburants, alternative aux carburants fossiles, micro-algues, modes de
production et limites, lutte contre le réchauffement climatique
76
Serment de Galien
Je jure, en présence des maîtres de la faculté et de mes condisciples :
D’honorer ceux qui m’ont instruit dans les préceptes de mon art et de
leur témoigner ma reconnaissance en restant fidèle à leur
enseignement.
D’exercer, dans l’intérêt de la santé publique, ma profession avec
conscience et de respecter non seulement la législation en vigueur,
mais aussi les règles de l’honneur, de la probité, et du
désintéressement.
De ne jamais oublier ma responsabilité et mes devoirs envers le
malade et sa dignité humaine ; en aucun cas, je ne consentirai à utiliser
mes connaissances et mon état pour corrompre les mœurs et favoriser
des actes criminels.
Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes
promesses.
Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y
manque.
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Résumé
Le réchauffement climatique, la pollution environnementale, la hausse des prix du pétrole et
sa pénurie annoncée sont autant de critères qui ont conduit les chercheurs à développer des
alternatives aux carburants fossiles. Les agrocarburants souvent nommés biocarburants ont,
dans ce contexte, fait l’objet de nombreuses études.
Avec la pratique et le recul, il en ressort que les agrocarburants ne sont pas LA solution aux
problèmes à cause de leurs coûts, leurs contraintes de production et l’impossibilité actuelle de
répondre à la demande mondiale. Ils constituent cependant une source d'énergie permettant de
suppléer le pétrole et d’en limiter ainsi la dépendance. Ils ont pour vocation de contribuer à la
« décarbonation fossile » du domaine des transports, étant produits à partir de biomasses
renouvelables. Par ailleurs, le C02 émis lors de l’utilisation des agrocarburants est compensé
par le C02 absorbé par la photosynthèse.
Ces biocarburants pourraient être, en prime, une opportunité de développement économique
pour les régions rurales, les importateurs de pétrole et les pays en développement. Néanmoins,
les technologies de production doivent encore être développées et perfectionnées.
Les algocarburants sont les biocarburants de troisième génération. Espoirs, réussites, échecs et
désillusions sont le quotidien des chercheurs qui aspirent à ce que la filière carburant des
micro-algues voit le jour et soit reconnue comme une solution de substitution ou de
supplémentation réelle aux carburants fossiles au niveau industriel et mondial.
Cette thèse retrace les différentes étapes nécessaires à la production d’un algocarburant. Du
choix de l’espèce, en passant par le choix du mode de production, l’optimisation de la culture,
mais aussi par les différentes méthodes de récolte, de concentration et d’extraction, pour finir
par les méthodes de transformation en carburant. On ne pourra que constater les difficultés
que chaque phase génère. On remarquera aussi que des technologies de pointe pourront
concourir au développement de cette filière et que l’harmonisation des divers acteurs sera
indispensable pour faire avancer la recherche et le développement.
Mots clés : algocarburants, alternative aux carburants fossiles, micro-algues, modes de
production et limites, lutte contre le réchauffement climatique
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