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Totonicapán : premier massacre perpétré par

l’armée depuis la signature des Accords de paix

L ’ « Oxlajuj B’aktun » dans le calendrier maya marque la fin du temps long comptant

13 B’aktun. Converti en mesure du temps occidental, au 21 décembre 2012, le cycle débu-

té le 13 août 3 114 ans avant Jésus Christ sera écoulé. Loin de la vision hollywoodienne de

la fin du monde, le passage à une nouvelle ère a redonné force à la résistance autochtone

maya en défense du territoire et des ressources naturelles.

En face, le pouvoir qui use, lui aussi, de l’« Oxlajuj B’aktun » pour se faire promoteur d’un

« folklore » maya pour notamment redonner vigueur au tourisme, ne lésine plus sur les moyens pour

répondre aux revendications légitimes des peuples paysans autochtones.

Les quarante-huit cantons de Totonicapán (département situé à l’Ouest du pays) avaient organisé le 4

octobre dernier un blocage pacifique des routes. Le groupe de manifestants situé sur la route intera-

méricaine, à proximité du carrefour stratégique des 4 chemins (cuatro caminos) à l’entrée de Quetzal-

tenango, la deuxième ville du pays, ne s’attendait pas à voir débarquer l’armée et les forces de police.

Il ne s’attendait pas non plus à ce que ces dernières envoyées par le gouvernement leur tirent dessus à

balles réelles. Leurs revendications ? La volonté de participer à la réforme de la Constitution, l’oppo-

sition à la réforme de l’université et la dénonciation des prix de l’électricité. Trois niveaux de revendi-

cations face à un même système de domination et de discrimination : une Constitution qui ne redon-

nerait pas leur place aux citoyens mayas, une réforme allongeant de deux ans le cursus des études

pour devenir maître, fermant la porte à de trop rares opportunités d’ascension sociale pour les plus

modestes, des prix d’une énergie aux mains des compagnies privées multinationales sans scrupules,

qui facturent aux paysans pauvres des notes hors de prix pour des foyers qui ne consomment tout

juste que l’électricité de quelques ampoules pour s’éclairer à la nuit tombée. Une électricité hors de

prix malgré la multiplication des projets hydroélectriques.

Bilan de ce premier massacre perpétré par l’armée depuis la signature des Accords de paix en 1996 : 9

morts et 32 blessés. Les autorités ont d’abord nié leur responsabilité dans le massacre et la présence

même d’armes à feu dans les mains des forces de l’ordre avant de revenir sur leurs propos, contraints

par la pression internationale. Le chancelier guatémaltèque Harold Caballeros tentait vainement de se

justifier auprès de l’ambassadeur des Etats-Unis au Guatemala, Arnold Chacón, en des termes qui ne

cachaient pas son mépris pour les paysans mayas assassinés : « Je reconnais avec douleur que, sous

certaines latitudes, nous faisons grand cas de 8 morts, et même si cela sonne mal de le dire, nous en comptons le double chaque jour. C’est pourquoi, je considère que cela ne devrait pas mériter une

attention aussi importante » (El Periódico, 8 octobre 2012).

Face aux pressions nationale et internationale, le président Otto Pérez Molina a dû rendre compte aux

ambassadeurs représentant une trentaine de pays (France, Etats-Unis, Israël, Union européenne...) et

l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui a demandé qu’une enquête indépendante soit menée sur

le terrain. A la veille de l’examen périodique universel du Guatemala devant les membres de l’ONU,

le 24 octobre dernier, une manifestation pacifique des autorités autochtones de tout le pays — mayas,

xincas et garifunas, le courant de l’Eglise qui appuie les luttes pour les droits des peuples indiens et de

la terre mère, ainsi que les habituelles organisations mayas et ladinas de résistance — dénonçait d’une

même voix la répression du gouvernement de mano dura, dirigée contre le peuple. Ces événements

auront pour le moins déclenché une vague d’indignation et ressoudé un mouvement divisé ayant du

mal à s’unifier dans la résistance. Les manifestations se sont multipliées ces derniers temps et l’inti-

midation d’une possible répression n’a pas l’air de fonctionner. La résistance se fait pour la défense

de la vie, jusqu’à la mort. Le peuple pleure ses martyrs mais reste déterminé à poursuivre sa lutte pour

ceux qui ne sont plus, pour ceux qui sont, comme pour ceux qui viendront. ■

Lettre d’information du Collectif Guatemala

1 Solidarité Guatemala

n ° 20 1 dé ce mb r e 20 12

Numéro 201

décembre 2012

Collectif Guatemala 21 ter, rue Voltaire

75011 Paris - France Tel: 01 43 73 49 60

[email protected] www.collectifguatemala.org

Directrice de publication : Isabelle Tauty Chamale ISSN 1277 51 69

Ont participé à ce numéro : Vincent Espagne, Amandine Grandjean, Vanessa Góngora, Marilyne Griffon, Nicolas Krameyer, Aurélia Rapin, Isa-belle Tauty, Maxime Verdier, Martin Willaume.

Sommaire

Tournée 2012 du Collectif Guatemala p.2-3

Massacre de Totonicapán p. 4-5

Grand tournant dans les enquêtes sur les années Berger p.6

Alma ou l’autre guerre p.7

Oxlajuj B’aktun p. 8-9

Brèves p.10-11

Par Marilyne Griffon

Page 2: Solidarité Guatemala 201

2

Campagne 2012

Solidarité Guatemala n ° 20 1 dé ce mb r e 20 12

Du 16 au 28 septembre 2012, le Collectif Guatemala a réalisé une tournée de sensibilisation en Suisse et en France avec l’avocat Ramón Cadena de la Commission Internationale des Juristes et les représentants des communautés du Petén affectées par la pré-

sence de l’entreprise pétrolière française Perenco, Hilda Ventura et Mario Ramos. Retour sur les étapes marquantes de ces deux semaines de solidarité et de rencontres avec le grand public et les décideurs.

Une tournée en solidarité avec nos amis du Petén

P endant deux semaines, la délégation des trois repré-

sentants guatémaltèques accompagnée par plusieurs

membres du Collectif Guatemala et notamment notre

coordinatrice terrain, Amandine Grandjean, a par-

couru la France et la Suisse pour constituer un réseau de soli-

darité avec les populations du Petén et engager une réflexion

sur la promotion d’un changement de cadre législatif en France

permettant d’instituer la responsabilité pénale des filiales fran-

çaises à l’étranger.

De nombreuses réunions inter-ONG avec nos différents parte-

naires ont eu lieu. Une dizaine de projections débats ont été

organisées, dont la soirée de lancement à Paris, le 24 sep-

tembre, qui a réuni les soutiens du Collectif Guatemala au ci-

néma Action Christine. Enfin, plusieurs rendez-vous avec les

décideurs ont permis d’avancer sur une réflexion. Les médias

ont relayé notre campagne: reportage de Soir 3, Rue89 Lyon,

HispanTV, le blog du Monde sur l’Amérique latine, Kiagi.fr...

A Genève

- Intervention lors de la XXIe session du Conseil des Droits de

l’Homme des Nations Unies: Mario Ramos a fait une déclara-

tion orale durant le débat général et Ramón Cadena est interve-

nu dans la conférence « Accès à la justice des peuples autoch-

tones »

- Rencontre avec les assistants des Rapporteurs spéciaux des

Nations Unies (alimentation et environnement)

A Lyon

- Rencontre avec la vice-présidente du Conseil régional de la

région Rhônes Alpes

Languedoc Roussillon

- Participation à la journée mondiale contre les gaz et huiles de

schiste (Global Frackdown) à Saint-Christol-lès-Alés : inter-

vention à la tribune des représentants des communautés

- Rencontre avec le maire du Bousquet d’Orb et visite de projet

alternatifs

A Paris

- Petit déjeuner presse à l’Assemblée nationale à l’invitation du

député Dominique Potier en présence de six autres députés et

de nombreux médias

- Rencontre avec le ministère des Affaires étrangères

(Direction des Amériques)

- Conférence publique à la Maison du Barreau organisée avec

la Commission ouverte Amérique latine et le Barreau de Paris

- Participation au festival des utopies concrètes à la Mairie du

IIe arrondissement

- Conférence publique organisée à Amnesty International

France ■

Un grand merci à nos partenaires

pour l’organisation de cette tournée!

AITEC, Amis de la Terre, ATTAC, CCFD-Terre Solidaire, CE-

DETIM, CEDIDELP, CETIM, CGASN, Collectif ALBA, France

Amérique Latine, FIDH, KM207, LDH, MAN, Peace Watch

Switzerland, RIDH, SHERPA, Terre des Hommes...

Mario Ramos au Conseil des Droits de l’Homme

Le député Dominique Potier avec la délégation

Les suites de la tournée: quelles pistes pour 2013?

Une pétition destinée aux autorités guatémaltèques et fran-

çaises diffusée dès maintenant par le Collectif Guatemala

et nos partenaires associatifs

La consolidation d’un réseau d’appui aux communautés

affectées du Petén et l’organisation d’une mission de par-

lementaires et personnalités qui se rendrait au Guatemala

Un site d’information consacré exclusivement au Petén qui

relaierait les problématiques de la région

Page 3: Solidarité Guatemala 201

tants du comité local d’ATTAC. Une trentaine de personne vi-

sionne le film. Mariano, maraîcher et actif dans la Confédération

paysanne, prend la parole 5 minutes. La moitié d’entre nous, dans

la salle comme dans la délégation, ont les larmes qui montent aux

yeux. Echange moins formel avec des membres du conseil muni-

cipal : il se trouve que le Maire de Bédarieux est… « latinophile ».

Des choses peuvent être envisagées, notamment avec les adoles-

cents de la ville. A réfléchir et donc de trouver autre chose que ces

actions néo-caritatives qui consistent à réunir vêtements et maté-

riel scolaire. Certes, au Petén, ils en ont grandement besoin.

Des rendez-vous avec des juristes

Que cela soit à Montpellier, ou, à Paris avec les juristes de l’asso-

ciation Sherpa et à la Maison du barreau, les mêmes questions

sont posées: de quoi dispose-t-on, au regard des dispositifs juri-

diques, pour mettre l’entreprise Perenco et l’Etat guatémaltèque

face à leurs responsabilités ? Il s’agit de réunir les preuves et les

passer aux filtres des textes et des règlements de droits français et

internationaux. Les difficultés sont de deux ordres. Les premières,

tiennent en la situation au Petén : très grandes difficultés d’accès à

la zone pour prélever des échantillons, nécessité absolue de proté-

ger les habitants qui témoignent. Les secondes résident dans la

nature même de textes et des dispositifs. Des normes internatio-

nales existent, mais elles ne s’imposent pas. Les Etats y adhèrent

de manière volontaire. Ce qui, ici et encore plus au Guatemala, est

loin d’être cas. Nous ne pourrons nous appuyer sur ces normes

que si les principaux intéressés les exigent sur place : à commen-

cer par les syndicats. Mais existe-t-il une solidarité entre les habi-

tants de la Laguna del Tigre et les autres Guatémaltèques, travail-

leurs, paysans… ?

Nous sommes obligés de convenir que le premier engagement de

solidarité est celui d’exiger que la norme en France s’applique à

nos entreprises lorsqu’elles investissent à l’étranger. Une telle

évidence est loin d’être acquise, tant le principe de protection des

intérêts des investisseurs français est supérieur à tous les autres.

Jeudi 27 - Paris

Salle Jean Dame, dans le 2ème arrondissement, une idée géné-

reuse : le premier festival des utopies concrètes, avec une soirée

inaugurale titrée : « Luttes contre l’extractivisme et initiatives de

transition : construire des ponts ». Sur la scène, un représentant du

peuple Equatorien Kichwa de Sarayaku. L’accolade entre nos

amis guatémaltèques et ce monsieur est émouvante. Apparem-

ment, ils n’avaient jamais entendu, ne serait-ce que, parler les uns

et des autres. Mais il ce trouve que le peuple Sarayaku a gagné

contre la compagnie pétrolière public PetroEcuador devant une

juridiction internationale : la Cour interaméricaine des droits de

l’homme. Cela doit être aussi inscrit dans notre programme d’ac-

tions de solidarité effective : organiser avec eux, pour eux, pour

nous tous, des moments de rencontres et d’échanges. Des occa-

sions se présentent dans les mois qui viennent : à Santiago du Chi-

li, en Tunisie… A nous de faire en quelque sorte que la voix des

habitants de la Laguna del Tigre se fasse entendre. ■

Campagne 2012

J eudi 20 septembre - Le Bousquet d’Orb

Petite ville au bord d’un fleuve, à quelques kilomètres de

sa source, terre de vignes, de châtaigner, de moutons…,

mais victime aujourd’hui de l’extractivisme d’hier. Dans

ses vallées, de ses collines, on a extrait de la bauxite, du plomb (au

temps des Romains !), de l’or, de l’uranium, et au Bousquet

d’Orb, de la houille, jusqu’à la fin des années 60. Les Charbon-

nages de France abandonnent la mine, laissant le site avec son lot

de pollution et de désespoir social.

Et voilà nos amis guatémaltèques invités à rencontrer des paysans

et ouvriers du Languedoc. Ramón Cadena et Mario Ramos sont

accueillis à la mairie : premiers échanges, premières perspectives

de solidarité effectives. Comment ? Les élus du village s’engagent

à en parler à leurs collègues de l’intercommunalité. On évoque un

jumelage. Difficile compte-tenu du sens que cela a ici, jumelage

de projet et non de connivence comme cela l’a été pendant des

décennies ; et de l’absence d’organisation politique et administra-

tive autonome dans la Laguna del Tigre. Mais, sait-on jamais,

d’autres formes d’actions conjointes sont à inventer.

Vendredi 21 – Montpellier, rendez-vous avec Hélène Bras,

avocate

Autre aspect du dossier. J’ai toujours pensé qu’en même temps

que les actions citoyennes, pétitions, manifestations en tout genre,

désobéissance civile, il fallait user du droit, construire le droit.

Des instruments existent. Et même si les Nations unies ont engen-

dré des monstres tels que la Banque Mondiale et l’OMC, si les

institutions européennes accouchent de directives scélérates, le

droit progresse ailleurs, dans d’autres instances, Tribunal de la

Haye, Cours européenne et interaméricaine des droits de

l’homme. Un Tribunal permanent des Peuples anticipe. Des

« activistes » s’acharnent pour que les règles existantes soient

appliquées, que d’autres s’élaborent.

Samedi 22 – Saint-Christol-lès-Alès

Grand moment ! Etape incontournable pour la délégation, dès lors

qu’elle est dans le Sud du pays. Ce samedi, c’est la « Global

Frackdown ». En Europe, au Canada, aux Etats Unis, tous les ci-

toyens impactés par les gaz et huile de schiste, le schiste bitumi-

neux, le gaz de houille, se rassemblent pour dire « Nous ne vou-

lons pas de cette soi disant ressource énergétique alors qu’elle est

mortifère ». Dans le Gard, à Saint-Christol, sur un territoire affec-

té par un permis exclusif de recherche, 2000 personnes sont réu-

nies. Le documentaire du Collectif Guatemala est projeté à deux

reprises ; salle comble, échanges avec le public. Il est conquis

d’avance, c’est une évidence. Mais dans la tête de bon nombre, le

déclic se produit. Ce qui se passe ici se passe ailleurs, en pire. Et

c’est un système global. Peu importe ce qui est extrait et com-

ment, pourvu que cela profite un maximum et au plus vite, en in-

vestissant un minimum.

Dimanche 23 – Bédarieux

Retour dans les Hauts cantons du Languedoc. Bédarieux, bour-

gade un peu plus grande que le Bousquet d’Orb, toujours au bord

du fleuve. Dimanche matin, la rencontre est organisée par les mili-

Vincent Espagne est membre de la Coordination nationale des collectifs contre les gaz et huile de schiste. Il a rencontré les membres du Collectif Guatemala lors du Forum Alternatif Mondial de l’Eau à Marseille en début d’année et décidé de s’investir

pour l’organisation de la venue de la délégation. Extraits de cette tournée française.

Journal de campagne

3 Solidarité Guatemala n ° 20 1 dé ce mb r e 20 12

Par Vincent Espagne

Page 4: Solidarité Guatemala 201

4

Actualités

Solidarité Guatemala n ° 20 1 dé ce mb r e 20 12

Le Guatemala a vécu le 4 octobre 2012 un nouveau massacre en temps de paix: des soldats de l’armée ont tiré sur les manifes-tants pacifiques des quarante-huit cantons de Totonicapán qui réclamaient une baisse des tarifs de l’électricité et le rejet des ré-

formes constitutionnelles du président Otto Pérez Molina. Résultat: 9 morts. Pour raconter l’impossible et ce retour aux heures les plus sombres du Guatemala, le Collectif Guatemala laisse la parole à

Juan Pérez, engagé de longue date dans les mouvements mayas qui a déjà écrit de nombreux articles dont un a été publié en

France (Guatemala : la présence constante de la peur, revue Sud Nord, n°18, 2003).

Massacre de Totonicapán: la barbarie est leur coutume

C e quatre octobre, se leva un jour pluvieux, triste et

terne. Le climat parfois annonce des événements

funestes. La population quiché de Totonicapán

s’était levée dès l’aube, comme tous les peuples

mayas du Guatemala, pour se rassembler au bord de la route

panaméricaine. Ils n’en pouvaient vraiment plus. Leurs leaders,

élus, éprouvés, choisis parmi les meilleurs de la communauté

selon une organisation qui perdure depuis quatre siècles, les

leaders des quarante-huit cantons de Totonicapán, avec à leur

tête la première femme quiché, présidente de cette organisation

reconnue et respectée, Juana del Carmen Tacam, avaient voya-

gé jusqu’à la capitale pour tenter de rencontrer le président

Otto Pérez Molina et lui présenter minutieusement leurs de-

mandes. Entre temps, celles et ceux qui étaient restés ne

s’étaient pas croisés les bras. En toute hâte, ils avaient parcouru

les sentiers à travers les champs de maïs et de blé pour se re-

trouver en différents lieux convenus à l’avance.

Peu à peu les gens apparaissaient, surgissant de la brume et ils

se saluaient comme ils le font depuis des siècles, avec cérémo-

nie, en douceur, avec le Quiché et le sourire sur les lèvres et la

gentillesse proverbiale qui les accompagne.

Les enfants auprès de leurs parents frottaient leurs petites

mains pour se réchauffer car le soleil ne se levait pas et la jour-

née s’annonçait brumeuse sur ces sommets si chers et si fami-

liers où les Mayas d’aujourd’hui traversent une vie de travail et

de dignité. Au cours de la matinée, de plus en plus de per-

sonnes se rejoignirent avec leurs pancartes où ils demandaient

la baisse du prix de l’électricité qu’ils ne pouvaient plus payer

en raison de leur grande pauvreté et des mauvaises récoltes de

cette année, où ils demandaient que les peuples indigènes

soient pris en compte comme des citoyens de plein droit dans

les réformes constitutionnelles annoncées et où ils exigeaient

que ne soient pas supprimées les écoles normales d’instituteurs

qui sont la seule voie d’accès à l’université pour la jeunesse

maya. C’était des demandes concrètes, raisonnables et justes et

le rassemblement du peuple grossissait rapidement au km

169,5.

Pendant ce temps, le colonel Chiroy (d’origine maya lui aussi

mais avant tout soldat) quittait la capitale à la tête d’un batail-

lon de 83 hommes, comme s’il s’agissait d’affronter une inva-

sion étrangère et non des citoyens guatémaltèques sans armes,

chez eux, là où ils vivent et travaillent. A 9h30 du matin, le

contingent de soldats fait la jonction avec celui des FEP

(Forces Spéciales de la Police) juste au km 170. Au même mo-

ment, les Quichés se mettent en marche sur la route en bran-

dissant des pancartes et en scandant leurs demandes. Les sol-

dats, qui étaient arrivés dans deux camions et un bus, se diri-

gent vers le lieu du rassemblement de la population quiché.

Bien que les FEP en communication avec le colonel Chiroy le

préviennent de ne pas s’approcher de la manifestation, ce der-

nier ignore l’avertissement et la troupe poursuit son avancée.

Les soldats descendent des camions et s’alignent. Les manifes-

tants s’arrêtent et observent à près de vingt mètres la troupe se

mettre en position de tir. Le colonel Chiroy après avoir donné

des ordres quitte les lieux en bus. Alors commence la fusillade,

l’armée tire sur la foule, des hommes, des femmes, des enfants,

des nourrissons dans les bras de leurs mères, des anciens…

Ainsi quatre personnes s’effondrent touchées de face, deux

autres sont abattues dans le dos alors qu’elles fuyaient. Huit

armes ont été actionnées, six personnes sont mortes sur le

coup, trois autres sont mortes de leurs blessures à l’hôpital.

Neuf morts.

Les blessés et les témoins racontent ces terribles moments

qu’ils ont vécus. Tous disent la même chose, ils n’ont pas af-

fronté l’armée, ils manifestaient pacifiquement comme c’est le

droit de tout citoyen dans une société démocratique. Ils étaient

là pour appuyer leurs leaders qui souhaitaient ouvrir le dia-

logue avec le président…

L’inventaire de l’horreur comprend 108 douilles de balles ti-

rées sur la foule désarmée, 89 capsules de gaz lacrymogène, 11

flaques de sang sur la route et 18 vêtements ensanglantés. Les

experts ont analysé 12 fusils Galil. Les médecins légistes de

l’Institut Nacional de Médecine Légale ont produit 69 rapports.

Plus de 50 photos et vidéos ainsi que 50 témoignages de per-

sonnes présentes au moment du massacre ont été réunis.

Oui, massacre. Un massacre en temps de paix ; sous un régime

démocratique, avec des élections convenables tous les quatre

ans, avec une constitution convenable et sans cesse remaniée

(sur le point d’être modifiée pour établir de nouveau manu mi-

litari) ; dans un pays qualifié par les Nord-Américains de plus

rebelle et problématique d’Amérique Latine. Sans doute est-ce

parce que les Mayas ne supportent pas l’oppression, la répres-

sion et les exécutions ?

Mais au Guatemala, les choses sont confuses dès lors qu’il

s’agit de remonter les chaînes de commandement. Juan Chiroy

Sal, colonel, en charge d’un détachement de plus de 80 soldats

a obéi à un ordre du général Roel Clemente de León, comman-

dant de la garde d’honneur (caserne située dans la zone la plus

sécurisée de la capitale). Ensuite la chaîne commandement

s’efface, s’évapore… Même le tiède Procureur des Droits de

l’Homme exige du ministère public d’enquêter sur cette chaîne

de commandement militaire… Laquelle arriverait probable-

ment au commandant en chef des armées : Otto Pérez Moli-

na…

Le Haut Commissaire des Nations Unies signale également

qu’il « existe des éléments concordants pour considérer que les

Par Juan Pérez

Page 5: Solidarité Guatemala 201

Actualités

5 Solidarité Guatemala n ° 20 1 dé ce mb r e 20 12

morts pourraient relever de la responsabilité de l’Etat sous la

forme d’exécutions extra-judiciaires ou arbitraires ». Que cela

soit dit par l’Organisation des Nations Unies pourtant peu radi-

cale sur ces questions en dit long sur la responsabilité des

cercles du pouvoir.

La présidente des quarante-huit cantons de Totonicapán, espère

que les premières arrestations ne vont pas être un rideau de

fumée pour dévier l’attention de la population des faits du 4

octobre, Ik’ dans le calendrier maya. C’est pourquoi le vice-

président des quarante-huit cantons, Eusebio Hernández a de-

mandé l’ouverture d’une enquête sur les auteurs intellectuels

du massacre (qualifié ainsi par le journal Prensa Libre) et dé-

claré : « il faut suivre tout le déroulement de l’enquête qui ne

fait que commencer et continuer jusqu’à obtenir des résultats

indiscutables. Il a également indiqué que les premières arresta-

tions confirment la version des manifestants d’une attaque di-

recte contre la manifestation. Et faisant écho à la voix des com-

munautés de Totonicapán, il a désigné les ministres de l’Inté-

rieur et de la Défense, le lieutenant colonel Mauricio Lopez

Bonilla et Ulises Anzueto, comme « les responsables directs de

ces actions. Les autorités doivent assumer leurs responsabili-

tés ».

La voix des communautés quichés a également demandé la

démission des dits ministres, en charge des forces de sécurité

qui sont intervenues dans le massacre afin que soient établies

leurs responsabilités judiciaires.

Comme pour ces “autorités” la barbarie est une coutume, ils

vont probablement ajouter ce crime à l’impunité qui règne au

Guatemala en arguant du fait que les communautés ont été

« manipulées par les ennemis du gouvernement ». Pour eux,

les Mayas Quichés ne pensent pas, ne raisonnent pas, ne sont

pas capables de juger par eux-mêmes et ne peuvent être que

manipulés.

Quels ignorants! Si on leur avait donné à lire dans leur caserne

ou à l’école militaire, un peu d’histoire, ils sauraient que l’or-

ganisation communautaire quiché des quarante-huit cantons est

une organisation plus ancienne que l’armée, plus ancienne que

les magistrats coloniaux et les mairies. Que c’est une organisa-

tion où fonctionne véritablement une démocratie participative,

où les gens prennent des responsabilités pour services rendus à

la communauté et non par trafic d’influence, népotisme, cor-

ruption ou privilège, où les dirigeants sont contrôlés par la

communauté.

Aujourd’hui, le soleil brillait sur l’Altiplano, les communautés

ont mis une cape noire sur la statue de don Antanasio Tzul,

chef quiché du XIXe siècle, pour exprimer leur deuil, puis ils

ont formé une file sur le bord de la route pour rejoindre les

délégués métis et mayas d’autres villages qui étaient venus

pour partager le deuil et exprimer leur solidarité. Le soleil de

l’Altiplano est sans doute un bon signe… Le sang versé à Toto

ne l’aura pas été en vain. ■

Manifestation nationale pour dénoncer le massacre de Totonicapán le 23 octobre 2012 (© Marilyne Griffon)

Page 6: Solidarité Guatemala 201

Justice

L'ancien chef de la Police Nationale Civile (PNC), Erwin Sperisen, a été arrêté en Suisse le 31 août dernier par les autorités ge-nevoises pour sa responsabilité dans une série d'exécutions extrajudiciaires pendant la présidence Berger (2004-2008). Retour

sur une des affaires emblématiques de la Commission Internationale Contre l'Impunité au Guatemala (CICIG), sur laquelle la justice de plusieurs pays européens enquête.

Grand tournant dans les enquêtes sur les années Berger

6

D ébut de l'année 2007, le Guatemala enregistre un

taux de violence record en temps de paix. Carlos

Castresana, alors Haut Commissaire de la CICIG,

estime que 25% des morts violentes seraient des

exécutions extrajudiciaires1. Une série de meurtres dans des

centres pénitenciers précipite la chute du gouvernement du

président Oscar Berger (voir encadré). Les figures principales

de son cabinet de sécurité, soupçonnées d'intégrer une

« structure parallèle de pouvoir »2, abandonnent discrètement

le Guatemala pour un tout aussi discret exil européen3.

En 2010, dans un contexte plutôt positif pour la lutte contre

l'impunité, suite à la nomination de Claudia Paz y Paz comme

Procureure Générale, Francisco Dall'anese, Haut Commissaire

de la CICIG, se saisit de cette affaire d'exécutions extrajudi-

ciaires « politiquement sensible », en émettant des mandats

d'arrêt internationaux contre plusieurs membres du cabinet de

sécurité de Berger.

Trois arrestations de haut profil

Carlos Vielmann, ministre de l'Intérieur et grand finquero4 de

la côte sud, citoyen espagnol, est arrêté une première fois en

octobre 2010 pour être extradé au Guatemala. Cependant, le

système judiciaire guatémaltèque n’ayant pas respecté les dé-

lais de la demande d'extradition, il est remis en liberté. Deux

mois plus tard, il sera de nouveau arrêté, mais cette fois la

CICIG et le Ministère Public renonceront à le juger au Guate-

mala, en argumentant sur le manque de conditions de sécurité

et d'impartialité nécessaires5. L'Audience Nationale espagnole

poursuit son enquête, Vielmann est libéré sous caution.

Javier Figueroa, sous-directeur de la police criminelle et ci-

toyen autrichien, est arrêté en mai 2011. Les autorités autri-

chiennes renoncent à l'extrader car il serait passible de la peine

de mort au Guatemala6. Un procureur autrichien mène l'en-

quête grâce à des preuves fournies par la CICIG, Figueroa est

placé en détention.

Finalement, en août dernier se produit l'arrestation d'Erwin

Sperisen, directeur de la PNC et citoyen suisse, fruit du travail

acharné d'une coalition d'ONG -Trial (Association suisse

contre l'impunité), l’OMCT (Organisation mondiale contre la

torture), la Communauté genevoise d’action syndicale, l’action

des Chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) et le syndi-

cat Uniterre)-. Depuis 2007 elles avaient déposé des plaintes

auprès de la justice du canton de Genève. La Suisse ne con-

temple pas l'extradition pour ses ressortissants, le parquet gene-

vois s'est donc saisi de l'affaire et a placé Sperisen en prison

préventive7.

Le Collectif Guatemala et l'association genevoise Km. 207 qui

soutiennent la lutte pour la justice dans le cas de la disparition

forcée d’Héctor Reyes et du massacre de Nueva Linda, se féli-

citent des dernières avancées dans l'affaire et de la procédure

lancée par le procureur Yves Bertossa. ■

Solidarité Guatemala n ° 20 1 dé ce mb r e 20 12

LES FAITS

Massacre de Nueva Linda, août 2004 : après la disparition for-

cée du syndicaliste Héctor Reyes, ses amis occupent la propriété

Nueva Linda pour réclamer justice. Les autorités les expulsent

manu militari, 9 paysans et 3 policiers sont tués.

Prison El Infiernito, novembre 2005: suite à l'évasion de 19 dé-

tenus du centre pénitencier de haute sécurité, la PNC lance une

chasse à l'homme, 3 évadés sont exécutés.

Prison Pavón, septembre 2006: une opération policière est réali-

sée avec plus de 3 000 agents pour reprendre le contrôle du centre

pénitentiaire, 7 détenus sont torturés avant d'être exécutés.

Les meurtres du Parlacen, février 2007: trois députés salvado-

riens du Parlement d'Amérique Centrale sont assassinés par des

policiers. Quelques jours plus tard, les responsables matériels sont

à leur tour exécutés dans la prison de haute sécurité El Boquerón.

1 Câble Wikileaks 08GUATEMALA62. 30 août 2011. http://bit.ly/

PWso32

2 Un tribunal guatémaltèque poursuit le procès d'extradition de Carlos

Vielmann d'Espagne. 16 Juillet 2011.Agence EFE. http://bit.ly/QJ2otv

3 Arrestation du viking guatémaltèque. Grégory Lassalle. 9 octobre 2012.

Le Monde Diplomatique. http://bit.ly/ZAFo0U

4 Grand propriétaire terrien

5 La justice espagnole classe la demande d'extradition de Vielmann. 17

février 2012. Prensa Libre. http://bit.ly/ZB6hSH

6 Javier Figueroa accusé d'exécutions extrajudiciaires sera jugé en Au-

triche. 11 juin 2012. Agence Todo Noticia. http://bit.ly/QgjLSp

7 Sperisen a fini par tomber : le récit de cinq ans de lutte. Fabiano Citro-

ni. 7 septembre 2012. Tribune de Genève. http://bit.ly/ZBvBrD

Sperinsen, Figueroa & Vielmann en septembre 2006

Par Vanessa Góngora

Page 7: Solidarité Guatemala 201

Livre

7 Solidarité Guatemala

n ° 20 1 dé ce mb r e 20 12

A lejandra L. est assistante sociale, à Ciudad de Gua-

temala. Elle a 29 ans, vit et travaille dans un quar-

tier tenu par des maras, ces gangs juvéniles ultra-

violents d'Amérique centrale. Elle survit, comme

elle peut. Un jour, sa petite sœur de 15 ans est abattue par deux

membres des maras; alors elle devient « comme une tigresse

en cage », et, avec l'aide de la « patrouille » (groupe d'autodé-

fense composé d'habitants), les « bute ». Elle conclut : « on a

appelé la police pour leur dire que le boulot était fait et pour

qu'ils nous donnent une demi-heure pour décamper ».

Ce témoignage est l'un des nombreux présents dans « L'autre

guerre », livre de Miquel Dewever-Plana, photojournaliste bien

connu du Collectif Guatemala, qui parcourt depuis plus de 15

ans les méandres intimes de la violence qui gangrène chaque

jour un peu plus la société guatémaltèque. L'autre guerre al-

terne témoignages personnels et photographies et donne à res-

sentir une société où les lignes de démarcation entre victimes et

bourreaux perdent leur sens, où la survie passe bien souvent

par le fait de « dégainer » en premier.

Aux photos montrant, jusqu'à l'écœurement, des visages en-

deuillés, des scènes de crime glaçantes dans leur apparence

quotidienne, répondent les témoignages bouleversants de véri-

té, d'humanité, de brutalité, de mareros, de familles de vic-

times, de policiers et procureurs, de légistes et de psycho-

logues, de tueurs à gage, prostituées ou narcotrafiquants.

Toutes ces personnes dont Miquel Dewever-Plana a écouté et

partagé le quotidien, pendant 5 ans, sans voyeurisme, ni sensa-

tionnalisme.

Mieux qu'une étude sociologique, et peut-être pour la première

fois aussi profondément, ce livre donne à voir et ressentir les

mécaniques de cette extrême violence, et les êtres qui l'alimen-

tent, la subissent, la provoquent : sans jamais « excuser », il

montre comment les victimes se transforment en bourreaux,

comment les bourreaux prospèrent sur le terreau d'une société

malade, sous l'œil au mieux impuissant, le plus souvent com-

plice et corrompu des institutions du pays censées protéger les

citoyens.

Comment en est-on arrivé là ? En quelques mots, photos, par-

cours de vie, tout est dit : recyclage des techniques et des

hommes qui ont participé à la répression du conflit ; l'impunité,

corruption généralisée ; exode de centaines de milliers de

paysans fuyant les massacres qui s'entassent dans les bidon-

villes…

« L'autre guerre » est l'un des quatre volets de ce projet majeur

sur la violence actuelle au Guatemala proposé par l'auteur.

Les trois autres volets s'attachent au portrait d'Alma, l'une des

innombrables personnes qui peuplent « L'autre guerre ». Alma,

entrée dans une mara à 15 ans, jeune femme de 27 ans paraly-

sée aujourd'hui, livre son témoignage à la caméra comme on

livre une confession. Elle raconte sa rupture familiale qui l'a

conduite à se choisir une autre famille, la mara, son quotidien

fait de violences, de racket, de meurtre, et de passages en pri-

son, la corruption généralisée de la police, sa volonté d'en sor-

tir après avoir perdu son futur bébé sous les coups de son com-

pagnon, son désir de réinsertion.

Son témoignage exceptionnel, intitulé « Alma une enfant de la

violence » est visible en ligne dans un webdocumentaire ex-

ceptionnel produit par Arte et Upian.

Ce « webdoc » permet d'écouter Alma tout en naviguant vers

les reportages photo de Miquel Dewever-Plana et des modules

plus explicatifs.

« L'autre guerre » et « Alma », deux projets indispensables à

découvrir pour qui veut comprendre comment une société peut

engendrer des enfants de la violence. ■

Alma ou l’autre guerre

Par Nicolas Krameyer

Pour en savoir plus

L'autre guerre, editions le Bec en l'air, 304 pages, 135 photos

couleur, 36 euros www.becair.com/fiche.php?id=106

« Alma une enfant de la violence » : http://alma.arte.tv/fr

Page 8: Solidarité Guatemala 201

Victor Barillas, metteur en scène, et Daniel Guarcax, fondateur, musicien et danseur du groupe de musique et danse maya Kaqchikel Sotz’il (voir Solidarité Guatemala 199), racontent leur travail de récupération de la culture maya Kaqchikel. Leur der-

nière création est un hommage aux ancêtres « à l'occasion » et en représentation du changement d'ère du calendrier maya le 21

décembre 2012, nommé « Oxlajuj B’aktun »1.

M arilyne Griffon: « Oxlajuj B’aktun » est en

fait une grande cérémonie spirituelle maya,

avec le feu sacré, les encens, les couleurs, les

offrandes, etc. C’est une expérience visuelle

et olfactive qui dure plus de 2h30. Que racontez-vous ?

L’histoire du monde, de la genèse jusqu’au changement

d’ère « Oxlajuj B’aktun » ?

Victor Barillas : Oui, peut-être que nous sommes partis de cette

genèse. On raconte un peu ce début, comme partie de la cos-

movision2 mais plus tard on se dirige vers notre époque, vers

ce choc qu’il y a entre l’obscurité et la clarté. Pour le peuple

maya, l’obscurité est nécessaire comme l’est la clarté. Le pro-

blème c’est lorsqu’il y a un déséquilibre. En fait, presque

comme dans la question chrétienne qui recherche seulement la

clarté car elle considère

que c’est ce qu’il y a de

mieux, de parfait parce

que c’est par la lumière

que les chrétiens disent

transcender. Mais ici,

dans le monde maya, ce

n’est pas ainsi, il faut

qu’il y ait un équilibre

entre l’obscurité et la

clarté.

C’est une forme de

transcendance aussi que

voudrait restituer notre

œuvre où se concentre la

parole des anciens, dans

la recherche de cet équi-

libre entre l’obscurité et

la clarté. Nous pensons

qu'actuellement, au Gua-

temala, nous vivons un

temps de déséquilibre où

l’obscurité met de côté

la clarté.

C’est cette lutte que nous présentons dans « Oxlajuj B’aktun »

et en la présentant de cette façon, on universalise le temps, et

aussi l’espace. On peut dire qu’on raconte ce qu’il se passe

maintenant, mais sans oublier ce qu’il s’est passé avant. L’uni-

versalité de cet équilibre, ou plutôt de ce déséquilibre, c’est là

où nous voulons aller. Donner à voir ce choc constant, ce désé-

quilibre, qu’il soit individuel ou social, sans laisser de côté la

part philosophique de l’ « Oxlajuj B’aktun ». Le moment

ponctuel est sur ce futur, quand le feu revient au centre et que

l’humain enlève le masque qui l’empêchait de voir.

MG : Pouvez-vous expliquer les sept person-

nages d’« Oxlajuj B’aktun » ?

Daniel Guarcax : Mercedes Ordoñez3 qui porte le feu repré-

sente le serpent à plume, Q'uq'umatz. C’est l’espace. Et son

conjoint, Rejqalem, celui qui porte le tambour, est la représen-

tation du temps. Pour nous, le temps est cyclique, c’est une

spirale, c’est pourquoi ils viennent du centre et tournent ensuite

de manière cyclique en suivant le cercle qui entoure la scène.

Cela commence là, et lorsque l’œuvre se termine, c’est lors-

qu’ils peuvent à nouveau intervenir au centre de cet espace.

Il y a aussi la partie obscure, avec le personnage de

Wuku’Kaqix, symbolisé par le Guacamaya (perroquet) et re-

présentant les 7 maux : l’ambition, l’ignorance, etc. Ce person-

nage est dans le Popol Vuh4. Il se croit le créateur de tout. Il

pense qu’il est la lumière, l’étoile qui fait tourner le temps et

l’espace. Il y a aussi

Keme’, représentation

de la mort, de l’énergie

négative, obscure. Et

enfin, il y a Tukur, sym-

bolisé par la chouette et

qui dans le Popol Vuh

est le messager de Ke-me’, de l’inframonde

Et de l’énergie de la

clarté, l’unité et la spiri-

tualité, la vision et la

lumière, ce sont Jun

Ajpu’ et Yaxbalamkej.

Jun Ajpu’ représente

l’être humain et Yaxba-lamkej est le jaguar, son

nahual5, symbole et

interprétation de la terre

mère, du cosmos. Il re-

présente la douleur

qu’on inflige à la terre

mère, au cosmos, la

même douleur qui s’inflige à l’être humain. Avec ses sept per-

sonnages se développent toutes les actions et les moments

d’une même lutte.

MG : Cette œuvre, c’est aussi un hommage à Lisan-

dro Guarcax6, fondateur du groupe Sotz’il, victime d’un

groupe de nettoyage social en août 2010 ?

DG : C’est un hommage à Lisandro mais également à tous les

ancêtres qui ont donné leur vie pour résister et faire vivre notre

culture.

VB : Oui, pour arriver à ce grand changement de 5 200 ans7, il

a fallu le concours de nombreuses personnes qui ont lutté pour

maintenir tout ce savoir jusqu'à aujourd’hui.

Entretien

8 Solidarité Guatemala

n ° 20 1 dé ce mb r e 20 12

« Oxlajuj B’aktun » Propos recueillis et traduits par Marilyne Griffon

Représentation de l’Oxlajuj B’aktun, Sololá, octobre 2012 (© Marilyne Griffon)

Page 9: Solidarité Guatemala 201

MG : Quand a eu lieu la première représentation ?

DG : Le 6 mars 2011. Comme toujours, on a validé notre tra-

vail auprès de notre communauté8 des autorités et des guides

spirituels aussi pour qu’ils donnent leur accord et quelques

recommandations, car la dernière chose que nous voulons,

c’est trahir l'honneur de notre peuple. Comme ils nous l’ont

toujours demandé, de travailler avec sérieux et selon les prin-

cipes et les valeurs de notre culture, car bien souvent on repré-

sente mal la culture maya, on parle mal de l’ « Oxlajuj B’ak-tun », par exemple en la décrivant comme la fin du monde.

C’est donc pour contredire cette mauvaise vision que nous, en

tant que Mayas Kaqchikels, nous avons fait ces recherches sur

le « Oxlajuj B’aktun ».

MG : Quelle a été la réaction de la communauté ?

DG : Ils nous ont beaucoup apporté. Nous voulions dépasser

l’idée que seuls les guides spirituels peuvent parler de

l’ « Oxlajuj B’aktun » ou de spiritualité. Mais d’autres per-

sonnes nous ont fait

comprendre que la spiri-

tualité est en chacun de

nous, dans l’artistique,

dans le social, dans la

médecine. Bien sûr il y

a des choses que nous

ne pouvons pas donner

à comprendre, que seuls

savent les guides. De

même, il y a des choses

artistiques que nous

maîtrisons et que les

guides parfois ne con-

naissent pas et c’est

dans cette complémen-

tarité de ces connais-

sances mutuelles que

nous voulons œuvrer.

Malheureusement du

fait de l’invasion tout a

été divisé : les arts d'un

coté, la spiritualité de

l'autre. D'où l'intérêt de

cette recherche. ■

Retrouvez l’entretien complet sur notre site :

www.collectifguatemala.org

MG : Qu’avez-vous découvert ou redécouvert grâce à votre

travail ?

DG : La fabrication de tambours, de flûtes, d’objets sonores

qui n’existaient plus mais qui ont été retrouvés grâce à la tradi-

tion orale, et notre principale source d’inspiration : la nature

elle-même et la sagesse du peuple.

MG: Comment est née cette dernière création?

DG : Notre dernier montage scénique, au contenu spirituel et

politique, reprend le thème de l’ « Oxlajuj B’aktun ». Ceci est

important car dans la tradition orale il n’y a plus beaucoup

d’information sur ce qu’est le « Oxlajuj B’aktun ». On a donc

fait des recherches pour pouvoir retrouver son sens et se le ré-

approprier, mais également pour éduquer et sensibiliser les

gens grâce aux arts scéniques et de là refléter les éléments cos-

miques. C'est aussi conter l’histoire d’une culture millénaire,

tout ce qu’elle a souffert, toute la résistance qu’il y a eu face

aux nombreuses difficultés, aux problèmes sociaux, fruits de

l’acculturation, produit

de l’invasion, du conflit

armé, de la violence.

C’est tout cela l'ambi-

tion du montage que

nous présentons actuel-

lement.

L’idée était de ne pas

tomber dans la commer-

cialisation, dans

le « show », comme

d’autres groupes l'ont

fait. Le Ballet National,

le Ballet de l’Inguat, la

Marimba des Beaux-

Arts ne font qu’une imi-

tation, et de surcroit une

mauvaise imitation, de

notre culture. Nous ne

nous sentions pas repré-

sentés par eux. C’est

pourquoi nous avons

commencé les re-

cherches sur les fresques, les peintures et nous avons recréé les

instruments qui n’existaient plus.

Notre précédente œuvre scénique s’appelle « Ajchuem ».

Ajchuem signifie l’artiste, car nos ancêtres ont aussi mené la

résistance par les arts. Nous le voyons grâce à notre propre

maître qui connaît environ 70 mélodies et rythmes de marimba

(instrument traditionnel maya, parent du xylophone) ou

d’autres anciens qui connaissent toujours un nombre infini de

rythmes et de mélodies à la flûte et au tambour. C’est donc un

hommage que nous leur rendons. Par la spiritualité, toute la

cosmovision sert à l’art, tout comme l’art sert à la spiritualité.

L’art sert aussi pour influencer le politique, revendiquer la cul-

ture, résister, être partie fondamentale de l’organisation sociale,

comme musiciens. De là est venu le contenu et de cette ma-

nière, en se rapprochant de la nature, nous atteignons la trans-

cendance. C’est seulement ainsi que l’on peut transcender et,

avec la musique, nous faisons cette connexion avec la cosmo-

vision.

Entretien

9 Solidarité Guatemala n ° 20 1 dé ce mb r e 20 12

1 littéralement 13 B’aktun, soit 13 périodes de 400 ans. Un B’aktun est

l’unité de mesure du temps long dans le calendrier maya et équivaut à

400 ans. Le 21 décembre 2012 marquera la fin du compte long, un chan-

gement d’ère.

2 vision du monde selon la culture maya

3 la seule femme du groupe Sotz’il

4 livre qui compte la genèse et l’histoire du peuple maya quiché, un des

rares écrits maya ayant survécu à l’invasion

5 être mythologique de nature double, à la fois humaine et animale, qui

guide et protège chaque personne depuis sa naissance

6 assassiné en août 2010 en raison de ces activités spirituelles, sociales et

politiques (voir Solidarité Guatemala 191)

7 13 B’aktun

8 El Tablon, Sololá

Représentation de l’Oxlajuj B’aktun, Sololá, octobre 2012 (© Marilyne Griffon)

Page 10: Solidarité Guatemala 201

10 Solidarité Guatemala

n ° 20 1 dé ce mb r e 20 12

Brèves

Un tremblement de terre, le plus puissant depuis 1974, frappe le Guatemala

C’est une secousse de 7,1 sur l’échelle de Richter, la plus puissante depuis celle de magnitude 7,4 qui avait fait 200 000 morts en 1974,

qui a frappé le Guatemala le mercredi 7 novembre. Le tremblement de terre, qui a eu lieu à 10h35 laisse derrière lui un bilan toujours

incertain de 52 morts, 22 disparus, 150 blessés et 2 263 habitations lourdement affectées selon les dernières déclarations du président

Otto Perez Molina au siège de la CONRED (Coordination Nationale pour la Réduction des Désastres).

Trois départements, situés sur la côte pacifique à 250 km à l’ouest de la capitale, ont été les plus touchés par les conséquences du

séisme, dont l’épicentre a été localisé au large des côtes. Les habitants y étant en majorité indigènes et la zone concentrant 70% des po-

pulations en situation d’extrême pauvreté du pays, la qualité de la réponse des autorités pour le secours et la reconstruction sera déci-

sive, et ne pourra être évaluée qu’à posteriori.

Au-delà des conséquences évidentes du séisme, des associations du pays alertent sur les risques de contamination directement liés à

l’exploitation industrielle des ressources naturelles. Le Centre d’Action Légal, Environnemental et Social du Guatemala (CALAS) a

publié un communiqué appelant les autorités, dans le cadre de leur mandat constitutionnel de protection des populations, à effectuer au

plus vite un diagnostic de résilience (capacité des matériaux à supporter une énergie provoquant une déformation) sur le mur d’enceinte

du bassin de rétention des eaux usées de la mine Marlin. En cas de défaillance du système de rétention, les eaux contaminées par les

produits chimiques et métaux lourds utilisés par l’exploitation minière, s’infiltreraient dans les rivières et les nappes phréatiques et pro-

voqueraient de lourds dommages sanitaires sur les populations environnantes de San Miguel Ixtahuacan à San Marcos.

La Cour Interaméricaine des Droits de

l’Homme (CIDH) condamne l’Etat du

Guatemala pour sa responsabilité dans

les massacres de Río Negro Au terme d’une vingtaine d’années de lutte juridique, la

CIDH condamne officiellement l’Etat du Guatemala pour

les cinq massacres de Río Negro commis entre 1980 et 1982

par des militaires de l’armée régulière et des membres des

patrouilles d’autodéfense civile, ainsi que les atteintes aux

droits de l’Homme perpétrées à l’encontre des survivants*.

Bien que l’Etat du Guatemala n’ait reconnu la compétence

de la Commission Interaméricaine qu’en 1987, cette der-

nière s’est déclarée compétente pour juger des faits anté-

rieurs de cette nature. Ce verdict apporte espoir aux cen-

taines de survivants que soit enfin établie la vérité et que le

pays et les institutions nationales fassent leur travail de mé-

moire historique et de justice.

L’Association pour le Développement Intégral des Victimes

de la Violence dans les Verapaces Maya Achi (ADIVIMA)

explique que ces massacres orchestrés par le pouvoir exécu-

tif répondaient à des intérêts éminemment économiques ;

ces derniers ayant directement facilité la construction du

barrage hydroélectrique Chixoy sur le Río Negro en y sup-

primant toute forme d’opposition communautaire et d’occu-

pation des terres.

Le Centre d’Action Légal pour des Droits Humains

(CALDH) réaffirme le devoir d’enquête de l’Etat du Guate-

mala et juge tous les faits analogues survenus au cours des

années du conflit armé. L’association se félicite pour l’es-

poir qu’apporte ce verdict et témoigne, à juste titre, de son

admiration pour le courage des survivants et l’infatigable

lutte qu’ils ont menée pour la vérité et la justice.

* communiqué de la Cour Interaméricaine des Droits de

l’Homme: www.corteidh.or.cr/docs/comunicados/cp_27_121.pdf

Criminalisation et répression autour du projet

minier de San Rafael Las Flores

Les membres du Comité en Defensa de la Vida y la Paz (Comité de

défense de la vie et la paix) de San Rafael Las Flores sont la cible

d'intimidations, menaces et d'une criminalisation croissante. Ils luttent

pour le respect de leurs droits et demandent la réalisation d'une con-

sultation communautaire dans leur municipalité, afin que la popula-

tion puisse s'exprimer sur l'installation du projet minier El Escobal.*

Depuis août, la criminalisation des défenseurs des droits humains

s'intensifie : Yuri Melini, directeur de CALAS et des membres du

Comité sont accusés de violences et menaces alors même que la jus-

tice leur est niée en ne leur permettant pas de faire appel de ces accu-

sations. D'autres membres du Comité avaient déjà été accusés à tort

dans le passé par la multinationale Tahoe Resources. Cette stratégie

utilisée en vue de discréditer et intimider les défenseurs des droits

humains, notamment les défenseurs des ressources naturelles, est de

plus en plus fréquente au Guatemala.

Plusieurs personnes sont actuellement en cours de procès, libérées

sous caution, après des arrestations lors de la manifestation du 18

septembre violemment réprimée par les forces publiques. Plus récem-

ment, alors que le Comité organisait une rencontre, le 25 octobre, sur

la résistance contre l'exploitation minière et la lutte pacifique, les

autorités municipales ont envoyé quelques 200 agents des Forces Spé-

ciales de la Police à San Rafael.

En attendant, le processus d'organisation de la consultation commu-

nautaire de San Rafael Las Flores est bloqué par le maire, qui aurait

déjà été corrompu par l'entreprise. La municipalité de Mataquescuin-

tla (département de Jalapa) a pu, quant à elle, mener à bien sa consul-

ta communautaire, le 11 novembre dernier.

* El Escobal est un projet de l'entreprise canadienne Tahoe Resources (avec

40% de capital de Goldcorp Inc.) situé entre les municipalités de San Rafael

Las Flores (département de Santa Rosa) et Mataquescuintla (Jalapa).

Pour plus d’information, voir l'article publié dans Solidarité Guatemala n°

198, p. 7 à la suite d'une visite sur le terrain.

Page 11: Solidarité Guatemala 201

Solidarité Guatemala n ° 20 1 dé ce mb r e 20 12 11

Brèves

Rencontre lors de la journée internationale de solidarité avec les peuples amérindiens

La dénomination “Indiens d’Amérique”, attribuée par Christophe Colomb aux populations rencontrées sur le continent américain il y a

plus de 500 ans, continue d’avoir cours de nos jours. Or les Sioux, Cheyennes, Apaches, Mayas, Aztèques, Mapuches, Incas… n’ont

rien d’indien ! On estime que les populations autochtones représentent 370 millions de personnes vivant dans soixante-dix pays à tra-

vers le monde. L’autodétermination de ces populations est un droit fondamental résultant de leur condition d’êtres humains libres ; dans

les faits, ce droit a été étouffé par les colonisateurs d’hier et enterré par ceux d’aujourd’hui.

Le 12 octobre 2012, le CSIA a organisé une soirée à l’espace Daniel Sorano de Vincennes, dans le cadre de la journée internationale de

solidarité avec les peuples amérindiens. Suite à la diffusion du documentaire « Un été indien à Genève » retraçant la première confé-

rence à l’ONU en 1977 sur le racisme et la discrimination à l’encontre des peuples autochtones des Amériques, nous avons pu entendre

les témoignages de Bill Jimbo Simmons, Choctaw des Etats-Unis, Ron Barnes, Inuit d’Alaska, Rock Haocas, Kanak de Nouvelle Calé-

donie / Kanaky, Llanquiray Painemal, représentante Mapuche du Chili et de José Morales, Maya Quiché du Guatemala, venus parler de

leurs luttes pour la reconnaissance de leurs statuts, de leurs terres, de leurs cultures.

Le Collectif Guatemala était bien sûr présent pour témoigner de son soutien et de sa lutte pour la reconnaissance des droits des popula-

tions mayas du Guatemala.

Le Collectif Guatemala à la Fête de l’Humanité

Au-delà de l’immense fête de rentrée du Parti Communiste, la fête de l’Huma est un lieu

d’information, d’éclairage et d’échange sur les différentes luttes sociales en France et à tra-

vers le monde. Le Collectif Guatemala a répondu présent. Nous avons profité de cette tribune

pour rencontrer les divers intervenants concernant leurs actions en Amérique latine tel que le

Collectif Paraguay, Jean Paul Guevara Aliva, ambassadeur de Bolivie en France ou encore

Maurice Lemoine, journaliste et ami du collectif…

Grâce au stand aimablement partagé par nos amis du CSIA (Comité de Solidarité avec les

Indiens des Amériques) , nous avons pu poursuivre notre travail de sensibilisation aux pro-

blèmes rencontrés par les populations guatémaltèques aussi bien au niveau social qu’écono-

mique : les conditions de l’exploitation du pétrole de la région de la Laguna del Tigre par

l’entreprise française Perenco ou encore de l’exploitation de la mine Marlin par l’entreprise

canadienne Goldcorp qui sont aujourd’hui deux exemples prégnants de la délicate cohabita-

tion entre les populations locales et l’initiative privée mondiale.

Ces 3 jours nous ont permis de mieux faire connaître nos convictions, mais aussi et surtout notre action concrète sur le terrain afin de

partager nos expériences avec d’autres mouvements pour les droits humains sur le continent latino-américain.

Un grand merci à tous les bénévoles du Collectif Guatemala qui ont participé et animé ce stand!

Examen Périodique Universel du Guatemala aux Nations Unies

L’Examen Périodique Universel (EPU) est un mécanisme d’évaluation de la situation des droits humains mis en place par le Conseil des

Droits de l’Homme pour passer en revue tous les 4 ans les réalisations de chaque pays membre des Nations Unies. Le Guatemala, exa-

miné une première fois en 2008, l’était à nouveau le 24 octobre dernier, l’occasion de faire le point sur les avancées et défis du pays. La

veille, les dirigeants autochtones du pays organisaient une manifestation pacifique en mémoire du massacre de Totonicapán.

Le gouvernement du Guatemala, représenté par Antonio Arenales Forno, directeur de la Commission présidentielle des droits de

l’Homme (Copredeh), a commencé par présenter son rapport dans lequel il s’est félicité de la ratification, en janvier 2012, du Statut de

Rome de la Cour pénale internationale ainsi que de la signature de la Convention internationale pour la protection de toutes les per-

sonnes contre les disparitions forcées. Ce rapport technique a été critiqué par de nombreuses organisations pour ne pas refléter la réalité

actuelle du Guatemala et occulter la gravité des violations des droits humains notamment celles des peuples autochtones.

Cinquante-huit délégations sont ensuite intervenues pour poser des questions au Guatemala et émettre des recommandations parmi les-

quelles on peut citer la lutte contre les violences faites aux femmes, la défense des droits des enfants, les consultations communautaires

des peuples autochtones, l’abolition de la peine de mort ou la sécurité des défenseurs des droits humains.

Antonio Arenales a répondu rapidement de manière générale aux différentes questions et recommandations des autres pays en les accep-

tant presque toutes et en niant toute discrimination des peuples autochtones. Il a indiqué que les ressources naturelles appartenaient à

tous les Guatémaltèques et pas uniquement aux peuples autochtones tout en affirmant que la Convention 169 sera appliquée pour les

consultations. Son discours officiel teinté d’autosatisfaction confirme les craintes exprimées par les organisations des droits humains

envers un gouvernement tenté par une réécriture de l’histoire récente et une amnistie des crimes commis durant le conflit armé. Le rap-

port final sur la situation des droits humains au Guatemala devra être remis en mars 2013 en intégrant les remarques de tous les pays.

Page 12: Solidarité Guatemala 201

12

Le Collectif Guatemala Qui sommes-nous ? Fondé en 1979 par des réfugiés guatémaltèques et des militants français, le Collectif Guatemala est une association 1901 de solidarité

internationale. Il est composé d’associations et de particuliers, dont une bonne dizaine de membres actifs, sur lesquels repose la vie de

l’association. Depuis octobre 2002, l’équipe s’est étoffée avec l’arrivée d’un permanent à mi-temps. Depuis mars 2006, l’association a

ouvert un bureau de coordination pour ses activités au Guatemala (accompagnement international et campagne de soutien aux militants

luttant contre le pillage de leurs ressources naturelles).

Les activités du Collectif au Guatemala

● L’accompagnement international

√ des populations indigènes victimes du conflit armé impliquées

dans des procès contre les responsables de violations massives

des droits humains,

√ des personnes menacées du fait de leurs activités militantes.

Comment ?

√ à la demande des groupes ou personnes menacées,

√ en recherchant et en préparant des volontaires qui resteront au

minimum 6 mois sur le terrain.

Pourquoi ?

√ pour établir une présence dissuasive,

√ pour avoir un rôle d'observateur,

√ pour relayer l'information.

Les accompagnateurs/trices sont des volontaires majeurs, de tous

horizons, désirant s’engager pour une durée minimum de 6 mois.

Des sessions d’information et de préparation ont lieu en France

avant le départ. Au Guatemala, les accompagnateurs sont intégré

au projet international d’accompagnement ACOGUATE.

● L’outil vidéo

√ organisation d’ateliers vidéo destinés aux membres d’organisa-

tions communautaires pour la réalisation documentaire

√ soutien à la diffusion de ces films à la capitale et dans les com-

munautés

√ réalisation de film-documentaires comme outil de campagne et

de sensibilisation en France

Les activités du Collectif en France

● L'appui aux organisations de la société civile guatémal-

tèque qui luttent pour plus de justice et de démocratie

√ en relayant des dénonciations de violations des droits de

l'Homme,

√ en organisant des campagnes pour soutenir leurs revendica-

tions,

√ en recherchant des financements pour soutenir leurs projets,

√ en recevant en France et en Europe des représentants de dif-

férentes organisations pour leur permettre de rencontrer des

décideurs politiques et financiers.

● L’information et la sensibilisation du public français

Sur quoi ?

√ la situation politique et sociale au Guatemala,

√ la situation des droits humains,

√ l'action des organisations populaires, indiennes et paysannes.

Comment ?

√ par la diffusion d’une lettre à l’adhérent bimestrielle,

√ par l'organisation ou la participation à des conférences, dé-

bats, réunions, projections documentaires

√ par des réunions mensuelles ouvertes à toute personne inté-

ressée.

● Le travail en réseau avec différents types de partenaires

présents au Guatemala

√ associatifs,

√ institutionnels.

Contact: [email protected]

ADHÉSION / ABONNEMENT Le Collectif Guatemala vous propose plusieurs formules de soutien :

Adhésion au Collectif, permettant de recevoir la Lettre à l’Adhérent - Solidarité Guatemala 23 €

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