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Numéro 2, mai 2013

POINT FORTGénérationsacrifiée?

Le magazine de

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Esther MaurerDirectrice de Solidar Suisse

2 ÉDITORIAL

26.02.2013Une campagne fracassanteLe dernier spot de Solidar Suisse fait la promotion d’une initiative contre la spé-culation sur les denrées alimentaires. Déjanté et fracassant.Dans un clip diffusé sur Youtube, la vidéo s’en prend à ceux qui jouent avec la nourriture… En d’autres mots: ceux qui s’amusent avec le prix des denrées ali-mentaires, qui spéculent sur la hausse du blé, de l’orge ou du manioc. Par ce biais, l’ONG soutient activement l’initiative «Pas de spéculation sur les biens alimen-taires», lancée en octobre dernier par la Jeunesse socialiste.Le clip de Solidar Suisse ne devrait pas être au goût des banquiers…

24.02.2013Menaces juridiques contre SolidarLa dernière vidéo de Solidar, qui montre un banquier dérobant de la nourriture à une famille africaine, continue à faire des vagues.Une semaine après sa diffusion, Solidar Suisse se retrouve menacée par une plainte: un constructeur automobile ita-lien exige le retrait immédiat du clip. «Nous sommes très heureux que cette grande entreprise condamne la spécula-tion sur la nourriture», explique Alexandre Mariéthoz. Solidar, qui ne veut pas courir le risque que l’argent de ses donateurs soit affecté à un procès, a remplacé sa vidéo par une nouvelle version, où l’on ne distingue plus la marque de la voiture.

07.03.2013 «Notre existence est menacée»Au Salvador, le réchauffement climatique augmente l’intensité et la fréquence des catastrophes naturelles. Solidar Suisse y soutient un programme de prévention des inondations.Solidar aide les villages les plus menacés à se protéger des cyclones. «Les habi-tant-e-s savent déjà comment réagir, souligne la responsable locale du projet, Rocío García de Las Heras. Vu que les catastrophes sont plus fortes, nous œuvrons à renforcer les moyens disponi-bles.» Le projet permet aussi aux villages de mieux faire entendre leurs revendi-cations – en particulier l’amélioration des digues.

Chère lectrice, cher lecteur, On peut exprimer le chômage en pourcentages, comparer les taux nationaux entre eux et examiner les systèmes sociaux à l’aune de leur assurance-chômage. On peut être touché ou épargné par cette inactivité forcée – et, bien sûr, être heureux que la Suisse connaisse un taux de chô-mage très bas.Le chômage déploie des effets plus vio-lents dans les pays pauvres que dans les nations industrialisées. Cette réalité s’explique assez aisément. Les systèmes d’assurances sociales sont plus solides dans «nos» pays; la grande majorité des personnes au chômage y bénéficie d’un filet de protection. De plus, la crise économique mondiale touche de plein fouet les personnes les plus démunies, déjà durement frappées par 30 ans de néo-libéralisme. Et, dans la plupart des pays pauvres, le chômage des jeunes est bien supérieur au taux de chômage général, car les moins de vingt ans y représentent une proportion élevée de la population.

Mais les chiffres et les analyses démographiques ne sauraient cacher une réalité humaine: des centaines de millions de jeunes sont exclus du marché du travail – alors qu’ils rêvent de pouvoir subvenir à leurs besoins.

Solidar Suisse veut «un travail décent pour une vie décente». Une exigence essentielle pour tous ces jeunes qui, en raison du chômage, sont privés de perspectives. Nombre de nos projets visent à garantir un avenir. Par exemple au Salvador (voir page 9), au Pakistan (voir page 10) et en Bosnie-Herzégovine (voir page 12).Pour Solidar Suisse, des jeunes con-traints à l’inactivité ne sont pas qu’une statistique: nous nous engageons, avec eux et pour eux, en faveur de la justice sociale et pour une existence décente. Avec votre soutien et grâce à votre

générosité – dont je vous remercie du fond du cœur! Esther Maurer

REVUE DE PRESSE

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Editeur: Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Postfach 2228, 8031 Zürich Tél. 021 601 21 61, E-mail: [email protected], www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen SolidarRédaction: Katja Schurter (rédactrice responsable), Rosanna Clarelli, Christian Engeli, Alexandre Mariéthoz, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil VoicesTraduction:Irene Bisang, Ursula Gaillard, Milena Hrdina, Interserv SA Lausanne, Jean-François ZurbriggenCorrection: Jeannine Horni, Carol Le CourtoisImpression et expédition: Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 SchaffhausenParaît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé et respectueux de l’environnement.

Page de titre: Au Salvador, les jeunes aspirent à des perspectives d’avenir. Photo: Frederic Meyer. Dernière page: Signez l’initiative contre la spéculation alimentaire! Photo: Spinas Civil Voices.

POINT DE VUELa crise économique éloigne les jeunes du marché du travail – une véritable bombe à retardement. 13

ACTUALITÉ Signez l’initiative contre la spéculation alimentaire! Ce jeu mortel doit cesser. 20

PORTRAITLucia Herrera Martínez associe les hommes à la lutte contre les violences domestiques.Les résultats sont spectaculaires.

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POINT FORTLe chômage des jeunes frappe une génération entière. Comment combattre ce fléau? Quelles sont les exigences des syndicats? Que fait Solidar? 4

IMPRESSUM

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POINT FORT Le chômage des jeunes 4 Chômage des jeunes: état des lieux et mobilisations dans six pays 6 Au Salvador, une boulangerie offre une seconde chance à de jeunes gangsters 9 Au Pakistan, après de terribles inondations, des apprentissages offrent des perspectives 10 Bosnie-Herzégovine: contre le chômage des jeunes, salons des métiers et formation professionnelle 12 POINT DE VUE Vania Alleva: une génération entière de jeunes risque d’être sacrifiée 13 ACTUALITÉ En Bolivie, une table ronde élabore des stratégies pour créer des emplois utiles et durables 15 CHRONIQUE 11 CONCOURS 16 RÉSEAU Nouvelles des OSEO régionales 17 PORTRAIT Au Nicaragua, Lucia Herrera Martínez applique des stratégies novatrices contre les violences conjugales 18

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4La jeunesse bolivienne veut mettre son espoir et son enthousiasme au service de la société.

DES JEUNESPartout dans le monde, le chômage des jeunes devient un immense problème. Une génération entière risque d’être perdue. Qu’en est-il dans différents pays? Quelles sont les répercussions de ce fléau?Quelles mesures lui oppose-t-on au Pakistan et au Salvador? En Afrique du Sud? En Bosnie-Herzégovine? En Italie? En Serbie? Et en Suisse?Photo: Désirée Good

CHÔMAGE

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POINT FORT

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Selon les chiffres officiels, 10,7% des jeunes Salvadoriens de 16 à 29 ans étaient sans emploi en 2011 – le chô-mage constituant un problème central pour cette tranche d’âge. Dans un pays comme le Salvador, les statistiques ne veulent cependant pas dire grand-chose: les emplois formels étant rares, les gens tentent leur chance dans le secteur informel – sans contrat et sans la moindre protection sociale. Le recense-ment de 2007 a révélé que, dans le département de Cabañas, seuls 32% des jeunes de 16 à 24 ans avaient du travail. Comment s’étonner qu’ils émi-grent aux Etats-Unis?Voilà pourquoi Solidar Suisse soutient des initiatives qui offrent des perspec-tives aux jeunes. Ces projets sont cruciaux, notamment pour les jeunes femmes – «qui, aujourd’hui, se marient et se consacrent au ménage, tandis que leur époux quitte le pays», constate Eli-zabeth Córdoba du groupe de jeunesse Las Lomas. Dans un atelier de sérigra-phie, neuf jeunes femmes et hommes de 13 à 25 ans, au bénéfice de connaissan-ces préalables, acquièrent de l’expérience et se forgent une autonomie financière. «Nous avons déjà vendu quelques pro-duits, souligne Ever Beltrán. Avec notre savoir-faire, nous devrions bientôt pou-voir imprimer les affiches de campagnes électorales.»

Selon l’Institut italien de la statistique (Istat), 37,1% des jeunes de 15 à 24 ans en Italie étaient au chômage en novem-bre 2012 – et 10,6% à la recherche d’un emploi.Le taux des jeunes qui ne sont ni étu-diant-e-s, ni employé-e-s, ni stagiaires (aussi appelés les NEET: Not in Educa-tion, Employment or Training), atteint 22,1% dans le pays. L’Italie a ainsi détrô-né l’Espagne, qui occupait le premier rang du classement au sein de l’Union européenne et affiche aujourd’hui 20,4% de NEET. Le taux de ces derniers atteint 14,6% en France et en Grande-Breta-gne – contre 10,7% en Allemagne. Les coûts engendrés par cette jeunesse en perdition se sont montés à 25,6 milliards d’euros en Italie, soit le record de l’UE.Entre 2005 et 2010, la proportion des jeunes chez qui le statut de NEET est devenu un état durable est passée de 58,7 à 65,2%. Cette évolution prouve que la jeune génération rencontre des

DES ALTER- NATIVES À LA MIGRATION

DES RECORDS DE JEUNES «INACTIFS»

6 POINT FORT

difficultés croissantes à trouver une place d’apprentissage ou de travail.Alors que 26,8% des jeunes sans forma-tion ou sans travail finissaient, en 2005, par décrocher un emploi, ce taux avait chuté à 19,2% en 2010. Vu que leurs chances de trouver un emploi s’amoindrissent, ils sont plus nombreux à reprendre des études (12,9%) et certain-e-s sont passés de la recherche active d’un emploi à l’inactivité (progres-sion de 1,7%).C’est extrêmement préoccupant, car lorsque des jeunes sombrent dans la résignation et se coupent du monde, faute d’y voir des perspectives d’avenir, des répercussions dramatiques pour la so ciété sont à craindre.

Raquel Cañas Coordinatrice de Solidar au Salvador

Sergio Bassoli Confédération générale italienne du travail CGIL

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Au Pakistan, plus de la moitié des habi-tant-e-s, 56% plus précisément, ont moins de 24 ans. Ce sont surtout eux qui souffrent d’un chômage généralisé. Officiellement, 8% des jeunes de 15 à 24 ans sont sans emploi. Ils sont toute-fois bien plus nombreux à gagner leur vie dans le secteur informel.Les chances de trouver un emploi sont minces, surtout à la campagne, où vit 60% de la population. Nombre de jeunes partent à la ville, où ils atterrissent dans des bidonvilles aux conditions de vie inhumaines. Sans travail et sans pers-pectives, leur frustration grandit. Les jeunes hommes risquent alors d’être atti-rés par les activités criminelles, tandis que les jeunes femmes n’ont souvent pas l’autorisation parentale de travailler à l’extérieur. Cet interdit repose sur les normes sociales et sur la crainte du har-cèlement sexuel. En fin de compte, le chômage des jeunes pèse lourdement sur l’ensemble de la société.

7POINT FORT 7

La situation s’explique, d’une part, par l’absence d’un secteur industriel fort et générateur d’emplois. D’autre part, les jeunes sont pénalisés par l’absence de coordination entre les institutions de la formation technique et l’industrie.Il est peu probable que la situation évolue tant que quelques grandes familles domineront l’économie et la politique. Pour initier un changement durable, les jeunes chômeurs devraient s’allier aux employé-e-s de l’industrie et aux nom-breux paysan-ne-s, qui souffrent aussi d’un système fondé sur l’exploitation. Des réformes agraires sont nécessaires, afin de distribuer la terre aux agriculteurs. En créant de nouvelles sources de revenus, elles freineraient l’exode rural.

MIEUX RÉPARTIR LES RESSOURCES ET LE POUVOIR

Vendeurs de rue au Nicaragua, paysanne au Sri Lanka ou sérigraphes au Salvador: partout, les jeunes cherchent un chemin vers un emploi stable.Photos (de gauche à droite): Veronica Pfranger, Malith Jayakody, Solidar

En Suisse, selon l’Office fédéral de la statistique, le chômage des jeunes de 15 à 24 ans s’est situé à 8% en moyenne durant les trois premiers trimestres de 2012. Par rapport à l’Union européenne, qui affiche un taux de 22%, la Suisse s’en sort plutôt bien. Entre 2001 et 2011, le chômage des jeunes n’a pourtant cessé de croître, même dans notre pays.Dans le baromètre des préoccupations du Credit Suisse, le chômage, et surtout celui des jeunes, figurait en tête des pro-blèmes évoqués par la population suisse en 2012. L’exercice d’une profession est très valorisé: pour nombre de personnes résidant en Suisse, c’est un moyen d’identification et d’intégration. S’ils ne trouvent pas d’emploi, les jeunes sont voués à un avenir sans perspectives. Une véritable catastrophe sur le plan économique et éducatif.Divers projets favorisent le passage de l’école à l’apprentissage. Les dix associa-tions régionales OSEO proposent ainsi aux jeunes, et surtout aux migrant-e-s, des semestres de motivation, des pré-apprentissages ou des cours de qualifi-cation, afin de les aider à choisir une profession. Des lacunes subsistent toutefois lorsque les jeunes diplômé-e-s se mettent à la recherche d’un emploi stable. Voilà pourquoi le programme Coaching individuel (CT2) des associa-tions OSEO s’adresse aux jeunes qui peinent à trouver un emploi au terme de leur formation. Il contribue ainsi à combattre le chômage.

LE TRAVAIL, SOURCE DE VALORI- SATION

Daniel LüscherOSEO Berne

Muhammad ArfanNational Students Federation Pakistan

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En Afrique du Sud, la statistique officielle a annoncé, en 2012, que 25% de la population active était sans emploi. S’y ajoutent les 15% ayant renoncé à en chercher un. Sur ces 40% de chômeurs et chômeuses, 73% ont moins de 35 ans. Les gens décrochent en moyenne leur premier poste à 30 ans; jusque-là, ils n’ont pas de revenu. Celui ou celle qui a la chance de trouver un emploi devra le plus souvent s’acquitter d’un travail non qualifié, mal payé et temporaire. Le chô-mage des jeunes favorise les grossesses précoces, la consommation de drogues, la criminalité et la marginalisation des jeunes.Le taux de chômage élevé a différentes causes. D’une part, l’économie fortement monopolistique et à forte intensité de capital ne crée guère d’emplois. Bien au contraire: entre 2008 et 2010, durant la crise économique et financière, les restructurations ont abouti à la suppres-sion d’un million d’emplois. D’autre part, la tendance (mondiale) étant à la spécu-lation financière, les investissements dans l’économie réelle se font rares.Contre le chômage des jeunes, l’Etat a misé sur des emplois à durée déterminée et des stages, qui devraient permettre aux jeunes d’accumuler de l’expérience et d’améliorer leurs chances d’insertion.

Jusqu’ici, ces mesures sont demeurées sans effet. Une idée récente propose d’octroyer une réduction fiscale de 50% aux employeurs qui engagent des personnes âgées de 19 à 29 ans – la réduction ne pouvant toutefois excéder 1000 rands (100 francs) par employé-e et par mois. A l’heure actuelle, les syndi-cats s’opposent à cette idée, car elle incite à remplacer le personnel plus âgé par des jeunes.Par le passé, l’Union syndicale sud-afri-caine Cosatu revendiquait un moratoire sur les licenciements et la reprise de sociétés en faillite par les ouvriers et les ouvrières. Elle voulait aussi interdire les heures supplémentaires et instituer des allocations de chômage, même pour les jeunes n’ayant encore jamais travaillé. Ces revendications ne sont cependant plus à l’ordre du jour des syndicats tradi-tionnels. Quant aux nouveaux mouve-ments sociaux, ils n’ont pas encore la force requise pour lutter contre le chômage des jeunes.

LA CRISE DÉTRUIT DES EMPLOIS

8 POINT FORT

Ighsaan SchroederCasual Workers Advice Office, Afrique du Sud

A Zenica, l’organisation bosniaque Zora tient un stand pour informer les jeunes sur les possibili-tés de formation et d’emploi.Photo: Christoph Baumann

En Serbie, 22% de la population est sans emploi, le chômage étant particulièrement élevé dans la province autonome de Voj-vodine – où il touche 46% des jeunes de 15 à 24 ans. Parmi eux, les femmes sont plus nombreuses que les hommes (44%). Bien qu’elles bénéficient d’une meilleure formation, elles n’ont guère de chances sur le marché de l’emploi. Leur potentiel est ignoré.Tant la Serbie que la Vojvodine appliquent des stratégies contre le chômage des jeunes. Elles sont notamment destinées aux jeunes femmes. Cours de spécialisa-tion et stages visent à faciliter leur accès au monde du travail. On les encourage à devenir autonomes et à choisir des métiers ‹‹non féminins››, dans l’espoir qu’elles arrivent enfin à trouver un emploi. Mais ces efforts demeurent vains.Avec l’appui de Solidar Suisse, l’ONG The Cube a collaboré avec le gouvernement, les syndicats et le patronat, afin de mettre sur pied un programme. Objectif: aider les femmes de 18 à 30 ans à décrocher un emploi. Ces trois dernières années, cent jeunes femmes des zones rurales de la Vojvodine ont suivi des cours pour prendre confiance en elles et apprendre à postuler. Une année après la clôture du program-me, un quart des participantes avaient trouvé du travail. L’ONG prévoit désormais d’aider les employeurs et les employeuses à intégrer des personnes insuffisamment formées dans leur entreprise.

GUÈRE DE CHANCES POUR LES JEUNES FEMMES

Renata BlauThe Cube, Novi Sad

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POINT FORT 9

A première vue, José Daniel Moreno*, 17 ans, est un jeune homme tout à fait ordinaire. Il semble calme et légèrement timide; en cours du soir, il fréquente une classe de cinquième. Son ancienne ap-partenance à un gang paraît incroyable. «Aucune mère ne souhaite avoir pour fils un criminel», murmure-t-il.José Daniel vit à Ilopango, une des ban-lieues les plus violentes de la capitale, San Salvador. Depuis que les gangs ont, suite à des négociations menées sous l’égide d’un archevêque, instauré un cessez-le-feu en mars 2012, le nombre de meurtres a diminué d’un tiers à l’échelle nationale. Une trêve fragile. A Ilopango, les meurtres ont légèrement augmenté depuis fin 2012.

Sentiment d’être utilesJosé Daniel ne fait plus partie d’un gang. Avec 25 autres jeunes hommes âgés de 15 à 24 ans, il travaille dans une boulan-gerie. Ce projet a été mis en œuvre fin 2011 par Solidar Suisse et la municipa-lité d’Ilopango. José Daniel Moreno, Jairo Perez* et Ma-nuel Alexander Vázquez* y suivent un apprentissage. «C’est un projet qui tient la route, expliquent-ils. Grâce à la boulangerie, nous ne traî-nons plus dans les rues.» Ils gèrent leur commerce ensemble et s’organisent en équipes au fournil, ou font du porte à por-te pour vendre leur pain. La boulangerie leur offre un travail et un salaire. «Nous

nous sentons utiles et nous investissons dans notre boulangerie», s’exclame Jairo.

Soutien de la communeAngélica Hernández, assistante sociale de la commune d’llopango, est elle aussi convaincue de l’efficacité de ce projet. «Les jeunes sont enthousiastes, ils re-prennent confiance en la société. Et cela contribue aussi à améliorer l’image de la jeunesse.» Ce sont les jeunes qui ont eu l’idée de la boulangerie. La commune a rapidement décidé de soutenir ce projet. En collaboration avec Solidar, elle les a aidés à rassembler des fonds et à créer la boulangerie. Ensuite, elle les a conseil-lés en matière de gestion et leur a fait de la publicité.

Image qui colle à la peauLe Salvador compte une population majo-ritairement composée de jeunes. Or, les perspectives d’emploi y sont rares (voir page 6). Les anciens membres des gangs, parfois tatoués jusqu’au front, ont peu de chances de se réinsérer, car ils sont mis à l’écart par la société. Même lorsqu’ils veu-lent renouer avec une vie normale, il est très difficile pour eux de se débarrasser de leur image.Et pourtant, ces jeunes confirment que, depuis qu’ils travaillent à la boulangerie, la communauté les soutient. Ils ont changé et la société l’a compris. José Daniel, un ancien «rebelle qui passait son temps à traîner dans les rues», gère aujourd’hui une boulangerie. Les familles de ces

jeunes s’investissent elles aussi dans le projet. «Savoir que nous avons un emploi et que nous agissons pour la communau-té les rassure», conclut José Daniel. * Noms modifiés

«Grâce à la boulangerie, nous ne traînons plus dans les rues.»

Au Salvador, dans une boulangerie d’Ilopango, des jeunes issus des gangs tentent de se réinsérer.Texte et photo: Ivonne Arquito

D’ANCIENS GANGSTERS FONT DU PAIN

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Lors des inondations de 2010, le niveau de l’eau est monté jusqu’au toit. Lorsqu’elle s’est retirée, seuls les murs étaient encore de-bout. Le salon de coif-fure était totalement détruit. Solidar a ap-porté une aide finan-cière à Mohamed Lal-Zadha et l’a aidé à réaliser un business plan, afin qu’il puisse reconstruire l’infrastructure de son commerce. La question d’engager un apprenti s’est alors posée.

Du bâtiment à la coiffureAvant d’être apprenti-coiffeur, Abase Abbasi était ouvrier dans le bâtiment. Cependant, une fois ses frais de dé-placements professionnels déduits, ses revenus irréguliers étaient insuffisants pour subvenir aux besoins de sa femme, de ses deux sœurs et de ses parents. Mohamed Lal-Zadha l’a embauché comme apprenti, même s’il n’appartient pas à la caste des «Nai», celle des coif-feurs. «Il était trop pauvre pour payer le loyer du logement qu’occupe sa famille», témoigne M. Lal-Zadha.Avec son salaire d’apprenti de 300 rou-pies (trois francs) par jour, Abase Abbasi

peut rembourser ses dettes. «Je travaille à cinq minutes de chez moi, et jamais le vendredi», ajoute-t-il. Mohamed Lal-

Zadha y trouve aussi son compte: «Avant les inondations, j’avais 40 à 50 clients par jour. Avec Abase, il m’arrive d’en avoir jusqu’à 60.» Et comment Abase Abbasi envisage-t-il son avenir? «J’espère que je pourrai rester encore quelque temps. Puis, lorsque je connaîtrai toutes les fi-celles du métier, j’ouvrirai peut-être même mon propre salon.»

Revenu suffisant pour vivreLa menuiserie d’Alam Gull se trouve sur la route qui mène de Charsadda à Agra, au milieu de nombreux ateliers d’artisans. Il y a plus de deux ans, son atelier a été emporté par les inondations. Grâce au soutien financier de Solidar, Alam Gull a pu le remettre en état, acheter une scie et se procurer du bois. Il a pu acheter lui-même le reste du matériel. Il avait prévu dans son business plan d’embaucher un apprenti.

Les inondations de 2010 ont violemment frappé le nord du Pakistan. Aujourd’hui, des apprentissages novateurs ouvrent des perspectives.Texte et photos: Debora Neumann, Solidar Suisse

«On peut être coiffeur en sachant uniquement compter.»

«Comme ouvrier du bâtiment, je n’étais pas bon à grand-chose, explique Abase Abbasi. J’ai toujours voulu devenir coif-feur. C’est un métier qu’on peut exercer en ne sachant ni lire ni écrire, mais seule-ment compter.» Ce jeune homme de 22 ans, qui n’a jamais fréquenté l’école, ap-plique consciencieusement de la mousse à raser sur le visage de son client. Dehors, on entend le bruit du marché de Pir Sabaq. Abase est apprenti au salon de coiffure pour hommes de Mohamed Lal-Zadha.

Solidar Suisse soutient les victimes des inondations du siècle, survenues en 2010 au nord du Pakistan. En plus d’une aide d’urgence, Solidar s’attache à leur offrir des perspectives. Elle en-courage notamment les possibilités de formation et d’emploi pour les jeunes, qu’il s’agisse d’apprentissages ou de mesures permettant de générer des revenus, comme la construction de poulaillers ou de ruches.

Un soutien

absolument vital

«BIENTÔT, J’OUVRIRAI MON PROPRE SALON»

10 POINT FORT

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THEMA 11THEMA 11

Hans-Jürg FehrPrésident deSolidar Suisse etconseiller national

En 2009, l’émission télévisée Kassen-sturz a cloué au pilori le fabricant d’articles de sport Alder+Eisenhut d’Ebnat-Kappel: il avait importé du Pakistan des ballons de football fab-riqués par des enfants. Solidar Suisse avait apporté de l’eau au moulin de l’émission, car notre campagne «Non à l’exploitation grâce à nos impôts!» appelait les collectivités publiques à acheter uniquement des biens pro-duits dans des conditions décentes.

L’entrepreneur incriminé m’a invité à visiter son usine et à discuter avec lui. Il se sentait accusé à tort. Il m’a mon-tré des documents censés prouver que son fournisseur n’employait pas d’enfants. Doutant de l’authenticité du certificat, j’ai conseillé à Monsieur Alder de creuser le sujet et de se renseigner auprès de spécialistes qui délivrent et évaluent des certificats à l’échelle internationale. Je suis ensui-te resté longtemps sans nouvelles de sa part. Mais je n’ai pas oublié sa pro-messe d’acheter équitable.

Le 1er février de cette année, j’ai reçu le courriel suivant: «J’ai tenu parole: nous avons fini par changer de four-nisseur. Depuis mars, nous commer-cialiserons des produits équitables portant le label Max Havelaar. Cela n’a pas été sans mal, mais nous avons réussi. Cordialement, Robin T. Alder.» Quel plaisir d’apprendre que notre campagne porte ses fruits! Je vous félicite et vous remercie du fond du cœur, Monsieur Alder.

Merci, Monsieur Alder!

Waseem Mohammad est debout, en plein soleil, et rabote le dessus d’une table. Il travaille à l’extérieur, car l’atelier est réservé aux matériaux et aux outils. Avant les inondations, Waseem Mo-hammad avait déjà entamé un apprentis-sage comme menuisier. «Mais les inon-dations ont tout fichu en l’air. Pour continuer à suivre cette formation, il aurait fallu que j’aille à Charsadda. Or mon salaire couvrait à peine les frais de transport et le loyer. Je suis très heureux

de pouvoir désormais travailler dans mon village, avec des revenus suffisants.» Son salaire journalier de 300 roupies lui per-met de nourrir sa mère, ses six frères et sœurs. «Et je peux payer les médica-ments de ma mère.»

Chiffre d’affaires doubléAlam Gull ne regrette pas sa décision. Avant les inondations, son commerce rapportait environ 7000 roupies (70 francs); avec un apprenti, il peut gagner 12 000 roupies par mois. «Waseem Mo-hammad a déjà travaillé durant trois mois comme apprenti-menuisier. Son aide est très précieuse.» M. Gull étant très satis-fait de son travail, Waseem Mohammad peut envisager l’avenir avec optimisme. «Une fois ma formation terminée, s’exclame-t-il, j’aimerais continuer à travailler dans cette menuiserie.»

Grâce à leur apprentissage, Abase Abbasi et Waseem Mohammad envisagent l’avenir sereinement.

Grâce à votre don de 50 francs, une jeune fille ou un jeune homme pourra, au Pakistan, bénéficier d’une forma-tion d’un mois.www.solidar.ch/pakistan-1

Votre don compte

CHRONIQUE

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CHOISIR UN MÉTIER D’AVENIREn Bosnie-Herzégovine, des formations et salons spécialisés aident les jeunes à choisir un métier. Texte: Cyrill Rogger. Photo: Youth Communication Centre

Les formations doivent correspondre aux besoins des employeurs.

intérêt grandissant, explique Ante Juri Marijanovi, du centre Youth Communica-tion Centre YCC, qui a créé en 2010 le salon des métiers de Banja Luka. Les élèves peuvent avoir un aperçu du métier de mécanicienne ou cuisinière, car nous leur montrons les activités concrètes et les produits finis.»

Des formations inadaptéesPour les jeunes de Bosnie-Herzégovine, les chances d’intégrer le monde du tra-vail sont minces. Le taux de chômage des jeunes atteint 57% et le système de formation professionnelle ne correspond pas aux exigences du marché du travail. «Lorsque nous avons lancé notre projet d’orientation professionnelle, nous vou-lions encourager les jeunes à choisir des

formations menant vers des métiers où la main-d’œuvre fait défaut. Nous y sommes parve-nus, raconte Ante Juri. Pour que les formations professionnelles correspondent aux besoins des employeurs, il faudrait qu’elles

évoluent fortement. Nous sommes, hélas, encore loin du système de formation duale existant en Suisse.»

Elèves mieux informésMais le centre YCC a effectué un travail remarquable. Alors qu’il y a trois ans, le choix d’un métier n’était pas un sujet courant dans les écoles, les élèves dis-posent à présent de brochures

Les portes de la salle polyvalente de Banja Luka s’ouvrent. Les jeunes qui arrivent en masse s’observent avec cu-riosité. L’odeur du pain, tout juste sorti du four, attire leur regard vers le stand de la boulangerie Bakal. A côté, les élèves du lycée agricole exposent les formations en production de denrées alimentaires. Ils expliquent aussi les débouchés du secteur.

Vision concrète du métierLa jeune Jovana Petrovic, 13 ans, est ve-nue au salon avec les camarades de sa classe de cinquième. Le métier de bou-langère l’intéresse. Elle est venue se renseigner sur cette profession auprès des jeunes diplômé-e-s du lycée agri-cole: «Boulangère, ce n’est pas un métier

pour moi. Je n’aime pas me lever tôt», dit-elle en riant.Ce salon des métiers présente plus de 50 professions. Parallèlement aux lycées professionnels, on trouve aussi des entreprises, des associations et l’administration de Banja Luka. «Convain-cre les intervenant-e-s de venir n’a pas toujours été aisé. Pourtant, d’année en année, cette manifestation suscite un

d’information attractives et d’offres en ligne. Les enseignant-e-s ont intégré des séances d’orientation professionnelle dans leurs cours. De plus, l’engagement de l’équipe du Youth Communication Centre a mis en exergue les insuffisan-ces du système éducatif – ce qui a renforcé les revendications en faveur de réformes en profondeur.Jovana Petrovic, les cheveux savamment tressés, se tient près de la sortie du salon, la brochure d’un lycée technique professionnel à la main. «Ils m’ont bien coiffée, dit-elle, rayonnante. Et ce qu’ils m’ont raconté sur le métier de coiffeuse m’a plu. Mais j’ai encore le temps de me décider. Je reviendrai sûrement l’année prochaine au salon des métiers.»

Le Youth communication Centre YCC, de Banja Luka, est l’une des six organisations partenaires de Solidar en Bosnie-Herzégovine, en Serbie et au Kosovo. Ces organisations offrent des services qui facilitent l’insertion des jeunes. Elles font pression pour institutionnaliser l’accès à l’emploi et réclament des réformes de la forma-tion professionnelle.Solidar encourage aussi le partage d’expériences et de savoir-faire entre les trois pays.www.solidar.ch/bosnie-herzegovine

Faciliter l’accès à l’emploi

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Jovana Petrovic découvre le métier de coiffeuse, lors d’un salon des métiers.

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UNE BOMBE À RETARDEMENTLe chômage des jeunes frappe le monde entier. La politique et l’économie doivent unir leurs efforts, afin d’éviter une génération sacrifiée. Texte: Vania Alleva, co-présidente du syndicat Unia

Depuis l’irruption de la crise financière, en 2008, le chômage des jeunes prend des dimensions gravissimes à l’échelle mondiale. La crise a exercé des effets foudroyants, notamment dans le Sud de l’Europe. Une génération entière se retrouve face au vide, sans perspectives. Si nous n’agissons pas rapidement, nous irons au-devant de tensions sociales considérables.

Explosion du chômage des jeunesSur le plan mondial, près de 74 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans étaient sans emploi en 2012 – un chiffre qui correspond à la population de la Turquie. Les données publiées tout récemment par l’Organisation internationale du tra-vail (OIT) sont alarmantes et aucun chan-gement ne se dessine à l’horizon. L’inactivité professionnelle va de pair avec une exclusion du marché du travail. Le nombre de jeunes est en augmenta-tion et leur taux d’activité en baisse.

Dans les pays industrialisés, le taux de chômage est passé, de manière drama-tique, de 13 à 17%. Simultanément, le

chômage de longue durée a augmenté: si, en 2007, 28,5% des jeunes chômeurs restaient sans travail pendant six mois et plus, ce taux a atteint 35% en 2012. Dans certains pays, la situation est parti-culièrement désastreuse: en Espagne et en Grèce, un jeune sur deux est sans emploi.

Hausse du travail précaireEn raison de la crise, beaucoup de jeunes trouvent au mieux un emploi pré-caire, mal payé, ou de durée limitée – et vite perdu. Dans bien des pays, la propor-tion de jeunes qui restent des années inactifs est en augmentation; faute d’expérience professionnelle, ils n’ont plus aucune chance d’intégrer le marché de l’emploi et perdent tout contact avec le monde du travail. Une génération sacrifiée!Chômage et inactivité forment un cock-tail explosif. Que faire? Les milieux poli-tiques et économiques doivent, de toute

urgence, intervenir pour combattre le chômage des jeunes et, en particulier, le chômage de longue durée. L’OIT préconise une série de

mesures spécifiques: resserrer les liens entre les secteurs de la formation sco-laire, de la formation professionnelle et le

POINT DE VUE

monde du travail – ce qui améliorerait les chances des jeunes preneurs d’emploi; privilégier la formation professionnelle technique par le biais de l’apprentissage professionnel; ou encore introduire une garantie d’emploi pour les jeunes.

Renforcer le système suisseEt en Suisse? Vu le contexte mondial actuel et la persistance de la crise, le système suisse de formation profession-nelle, qui a fait ses preuves, doit être non seulement maintenu, mais renforcé. Les syndicats défendent plusieurs revendica-tions sur l’apprentissage et l’intégration dans le monde du travail. Leur objectif central: qu’au moins 90% d’une volée obtiennent un certificat de fin d’apprentissage ou un diplôme délivré par une haute école. Chaque branche professionnelle doit se porter garante de la qualité de la formation professionnelle qu’elle dispense. Et puis, il y a aussi des progrès à faire pour garantir l’égalité entre hommes et femmes, car le choix d’une profession reste tributaire de stéréotypes liés au sexe. Enfin, pour que les jeunes en phase d’apprentissage ou en emploi appartiennent de plein droit au monde du travail, il faut qu’ils soient mieux protégés par la législation sur le travail et les conventions collectives.

«Chômage et inactivité forment un cocktail explosif.»

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Le rapport annuel 2012 est arrivé!Solidar Suisse a traversé une année placée sous le signe du succès et pré-sente des résultats positifs. Nos dona-trices, donateurs et membres y ont généreusement contribué: les dons ont bondi de près de 7%. Merci de tout cœur, une fois encore, pour votre soli-darité! Pour commander le rapport annuel: [email protected]

BRÈVES

Sri Lanka: soutien aux personnes migrantesPrès de 250 000 personnes quittent chaque année le Sri Lanka à la recher-che d’un travail, le plus souvent dans les Etats du Golfe. Cette décision leur permet de soutenir leurs familles, en envoyant régulièrement de l’argent.Mais émigrer comporte des risques considérables: nombre de migrant-e-s sont abusés par des agences de recru-tement ou des employeurs – et con-traints à des horaires démentiels. La majorité des émigrant-e-s sont des femmes, souvent employées comme domestiques, et fortement exposées aux abus sexuels.Vu son engagement de longue date dans le nord du Sri Lanka et son exper-tise en matière de mesures génératri-ces de revenus, Solidar Suisse s’est vu confier un mandat de trois ans par la Direction du développement et de la coopération (DDC). Objectifs: informer les travailleuses et les travailleurs des

risques de l’émigration, créer des cen-tres d’écoute avec des représentant-e-s de communautés locales et soutenir les familles en détresse.www.solidar.ch/srilanka_migration

Bulgarie: vers une meilleure gestion des conflitsLa Bulgarie a parfois mauvaise réputa-tion. Les relations de travail y génèrent souvent des tensions sociales. Dans le cadre de la contribution suisse à l’élargissement de l’Europe, le Ministère bulgare du travail examine, avec le sou-tien de Solidar, comment faire en sorte que les entreprises assument mieux leurs responsabilités sociales. Une politique bulgare de «corporate social responsa-bility» doit être élaborée, en concertation avec des entreprises, des syndicats, des ONG et le Ministère du travail. Divers pro-cessus sont prévus pour une meilleure gestion des conflits du travail. La mise en place d’un système d’information doit permettre à toutes les parties potentielles en conflit d’avoir accès à l’ensemble des informations pertinentes. Des concepts pour l’institution d’un organisme paritaire dans la formation professionnelle et spécialisée sont en outre élaborés avec les partenaires sociaux.

Burkina Faso: ruée vers l’orCes dernières années, la fièvre de l’or s’est emparée du Burkina Faso. L’or représente aujourd’hui 64% des expor-tations du pays.Mais ce métal précieux n’est pas seule-ment exploité industriellement. La po-pulation locale en recherche également dans des mines improvisées. A Zincko par exemple, dans la province de San-matenga – où Solidar Suisse soutient

des projets, un véritable village d’orpailleurs a vu le jour, avec bar, res-taurant et coiffeur. Le sol est perforé, jusqu’à 30 mètres de profondeur par-fois. Les orpailleurs escaladent les pa-rois de ces cavités. Des machines tail-lent les pierres, remontées ensuite à la surface afin d’en extraire le précieux métal. Les orpailleurs ne portent aucun vêtement de protection et les accidents sont monnaie courante. Quand une poussière d’or est mise au jour, tout le sol alentour est retourné. Perforées de toutes parts, les élévations menacent ensuite, par temps de pluie, d’ensevelir les hommes sous des glissements de terrain.Des problèmes graves sont aujourd’hui observés. Par exemple, moins d’enfants vont à l’école, parce qu’ils ne sont pas surveillés – leurs parents étant occupés au lavage de l’or ou à préparer des repas. Il arrive aussi que des enfants recherchent eux-mêmes de l’or.

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El Alto – un faubourg de La Paz situé à 4000 mètres d’altitude – est considéré comme le «berceau des luttes sociales» en Bolivie. C’est la ville la plus jeune du pays, celle où la croissance démogra-phique annuelle (5,1%) est la plus forte. Elle abrite un million de personnes, des indigènes aymaras pour la plupart. Le taux de chômage officiel est de 7%. Mais ce chiffre ne signifie pas grand-chose, dans un pays où 75 à 80% de la popula-tion travaille dans le secteur informel, sans le moindre contrat.

«Une bonne vie»A El Alto, Solidar a réuni les autorités, les représentant-e-s de la société civile, les syndicats et le patronat autour d’une même table. En collaboration avec la fon-dation INASET, spécialisée dans la pro-motion de PME et dans le droit du travail, nous favorisons les synergies, afin de créer des emplois durables – et dignes. Car, depuis 2010, une loi oblige les communes à encourager le développe-ment économique local et à intégrer la société civile à ce processus.

La réflexion des acteurs réunis autour de la Table ronde d’El Alto dépasse la pen-sée économique dominante, centrée sur le profit immédiat. Tous veulent créer des conditions de travail dignes pour que les gens aient «une bonne vie», comme ils disent, un concept intégrant les valeurs indigènes de réciprocité et de rapports harmonieux avec la nature. Ils estiment que la création d’emplois dignes est prioritaire pour le dévelop-pement durable de la commune. Cet objectif contraste avec la politique nationale, qui encoura-ge l’exploitation humaine et l’exportation de matières premières. Une politique qui, en l’absence de toute indus-trie de transformation, ne suscite aucune création d’emplois.

Allègements fiscauxTravailleuses et travailleurs d’El Alto tiennent à ce dialogue. Juan Apaza, 29 ans, qui vend des appareils électroniques dans la rue, a entendu parler des propo-sitions formulées par cette Table ronde. «Comme vendeur de rue, j’aimerais bien

exercer une autre activité, mieux rému-nérée, avec une assurance maladie et des vacances. Pour l’instant, je n’ai rien de tout cela.» L’espoir d’un emploi digne est déjà devenu réalité pour Adela Aru-quipa, qui a ouvert une petite fabrique de chandails de laine. «Grâce à la Table ronde, les petites entreprises comme la mienne n’ont pas à payer d’impôts. J’ai

donc pu former et engager deux jeunes femmes. Elles sont salariées et assurées en cas de maladie.»A l’instar de Juan Apaza et d’Adela Aruquipa, beaucoup de travailleuses et travailleurs locaux placent de grands espoirs dans les initiatives de la Table ronde. Ses premières réussites inspirent aussi d’autres villes boliviennes. Elles les encouragent à expérimenter de nou-veaux modèles de production, de parti-cipation et de rémunération.

ACTUALITÉ 15

En Bolivie, syndicats, patronat et autorités tirent à la même corde. Objectif: créer des emplois durables.Texte et photo: Martín Pérez, Solidar Suisse

UNE ÉCONOMIE AU SERVICE DES GENS

Des allègements fiscaux ont permis à Adela Aruquipa de se mettre à son compte.

La «bonne vie» est basée sur la réciprocité et l’harmonie avec la nature.

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Solution

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LE SUDOKU DE SOLIDAR

Règles du jeuComplétez les cases de la grille avec les chiffres de 1 à 9, afin qu’il n’y ait aucune répétition et aucun doublon dans chaque co-lonne, ligne et carré de 3x3. La solution se trouve dans les cases grises lues horizontalement, selon l’équivalence ci-dessous: 1=E, 2=V, 3=C, 4=S, 5=R, 6=T, 7=P, 8=S, 9=I

Envoyez la solution à Solidar Suisse via le talon-réponse ci-joint, sur une carte postale, ou par e-mail à [email protected], sujet «sudoku». Toutes les réponses correctes participent au tirage au sort.

PrixTrois verres de Chutney (cocktail de légumes confits).

Les prix sont offerts par le projet SalSAH de l’OSEO Zurich.

La date limite d’envoi est le 10 juin 2013. Le nom des gagnant-e-s sera publié dans Solidarité 3/2013. Le concours ne donne lieu à aucune correspondance, ni à aucun recours. Le personnel de Solidar n’a pas le droit d’y participer.

La solution de l’énigme de Solidarité 1/2013 était «catastrophe». Esther Guidon, résidant à Aesch, Raymonde Gaume, du Noirmont, et Jacqueline Hottelier, de Plan-les-Ouates, ont chacune gagné un bon gebana. Nous remercions vivement tou-te-s les participant-e-s au jeu, ainsi que gebana pour les prix offerts.

TRANSFORMEZ LE DEUIL EN ESPOIR

Lors d’un décès, transformez les condoléances en espoir pour les plus démunis.

Ecrivez par exemple:«A la place de fleurs, pensez àSolidar Suisse, 1001 Lausanne;Compte postal 10-14739-9;IBAN CH49 0900 0000 1001 4739 9».

Merci de tout cœur!

Notre collaborateur Stéphane Cusin vous renseignera très volontiers: 021 601 21 61 ou [email protected]

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OSEO Zurich: offre élargieLe restaurant SAHltimboca allonge ses heures d’ouverture: dès le 1er juillet, il ouvrira ses portes du lundi au vendredi, de 8h à 22h. L’Office cantonal de l’économie et du travail a réservé un accueil très favorable à ce projet de l’OSEO Zurich – ce qui a rendu le nouvel horaire possible.La nouvelle MenSAH de l’école Rudolf Steiner à Wetzikon, destinée aux femmes et aux hommes, sera gérée avec SAHltimboca, à l’enseigne de «SAH Gastronomie». Le maintien de l’offre SalSAH, destinée aux femmes, est actuellement à l’étude. L’offre du pool emploi sera aussi largement étendue, avec 40% d’emplois indivi-duels supplémentaires dans chaque branche. Et août marquera le début d’un semestre de motivation des jeunes pour le secteur de la restauration. ww.sah-zh.ch

Suisse centrale: 10e fête interculturelleLe 8 mars, à l’enseigne de «Rencontre et danse», Migration Co-Opera de l’OSEO Suisse centrale a organisé la 10e fête interculturelle des femmes, à Lucerne. Depuis 2004, 40 femmes se sont engagées dans le comité d’organi- sation. 29 groupes de femmes de tous

L’OSEO Vaud fait le buzzLancées en 2012, à l’occasion de ses 20 ans, les «Interviews de l’OSEO Vaud» – dont la réalisation est entièrement

Yves Ecœur quitte l’OSEO17 ans à l’OSEO! Jamais je n’aurais pensé, ce 15 janvier 1996, passer de si nombreuses années dans notre ONG. Dans le train qui me ramenait de Zurich, je me demandais où j’étais tombé et réalisais, petit à petit, l’ampleur de la tâche: développer et assurer un futur à une petite structure de sept personnes, basée à Sion. Je n’ai pas été déçu et les projets se sont multipliés durant trois ans. Ensuite, fin 1999, il a fallu redi-mensionner la structure, suite à la baisse (heureuse!) du chômage. Puis il a fallu initier de nouvelles prestations d’insertion – pour arriver à gérer une structure de plus de 40 collègues en 2010.Au niveau national, je me suis vivement impliqué dans les projets de réorgani-sation, dont le dernier a abouti à la séparation d’avec Solidar Suisse et à la création de 10 associations OSEO

les continents ont contribué à un pro-gramme plein d’allant; des spécialités de 37 pays ont été servies; sept femmes de cinq pays ont assuré l’animation et plus de 600 bénévoles féminines ont contribué à la réussite de ces rencon-tres. Cette année, près de 250 femmes ont participé à la fête. www.sah-zs.ch

assurée par les jeunes de la mesure Inizio – donnent la parole à plusieurs personnalités romandes sur le chô-mage des jeunes. Le projet se poursuit en 2013, avec une nouvelle interview postée chaque mois sur Internet. L’une des dernières vidéos a été réalisée avec Jean-Christophe Schwaab, président du réseau national OSEO et conseiller national socialiste.Le thème de la prévention est lui aussi mis en exergue. C’est ainsi que le SeMo Riviera a obtenu le 1er prix du concours

Cette rubrique constitue la plateforme des organisations de notre réseau. On y trouve des informations sur les associations régionales de l’OSEO, qui dispensent notamment un soutien aux personnes sans emploi et aux migrant-e-s. Une longue histoire et des racines communes unissent Solidar et les OSEO régionales.

RÉSEAU 17

autonomes. Mes deux participations aux négociations de la CCT, une fois comme employeur et plus récemment en tant que secré-taire de la négocia-tion, m’ont enseigné l’importance d’une collaboration saine entre partenaires sociaux. A la tête du secrétariat national depuis 2009, je termine un cycle et je suis très heureux de transmettre aujourd’hui le témoin.Dès avril, mon défi consiste à compléter l’équipe de consultants de KEK-CDC, à Zurich. Ma passion pour l’intégration pourra s’exprimer dans cette nouvelle fonction – et les contacts avec l’OSEO perdureront. C’est donc plus un «au revoir» que des adieux. Merci pour ces très belles années passées ensemble!

Yves Ecœur

Raid Blue, lancé par la Croix-Bleue Romande. «Pressentiments» est une action de prévention réalisée par des jeunes pour des jeunes. Le message touche. Personne ne reste indifférent devant le parcours de Lisa et les consé-quences du choix qu’elle s’apprête à faire, à l’aube d’une nouvelle soirée. Déjà visionné plus de 2500 fois, ce film est un véritable succès.Retrouvez toutes les vidéos de l’OSEO Vaud sur: www.oseo-vd.ch/medias/videos

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Au Nicaragua, Lucia Herrera Martínez s’engageau quotidien contre les violences domestiques.Avec des stratégies étonnantes.Texte et photo: Alexandre Mariéthoz

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UN AUTRE REGARD

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«Je suis très heureuse de rendre à la coopérative ce qu’elle m’a donné.» Lucia Herrera Martínez est vice-présidente de l’Union des coopératives (UCA) de La Dalia, au nord-ouest du Nicaragua. Cette jeune femme de 24 ans, mère d’un gar-çon de cinq ans, lutte notamment contre les violences sexuelles et familiales – qui constituent un véritable fléau dans la ré-gion. Dès l’âge de 16 ans, Lucia Herrera Martínez s’est engagée contre les violen-ces domestiques. «Ce fut très dur. Ici, le machisme est particulièrement fort».

«Il a lâché les chiens»La jeune femme a très vite compris l’importance de s’adresser aux hommes. Elle les a notamment sensibi lisés via la prévention des cancers du sein et de l’utérus. «Grâce à cette stratégie, les hommes se sentent concernés. Ils véri-

fient que leur épouse a effectué son contrôle. Et leur regard sur les femmes change. Ils les respectent davantage. De plus, ils acceptent que le thème des vio-lences domestiques soit débattu publi-quement. Tout cela contribue à réduire les violences.»Cette évolution progressive des mentali-tés est le fruit d’un rude combat. Il y a environ cinq ans, Lucia Herrera Martínez a rendu visite à une femme victime d’un cancer. «Son état était critique. J’ai dit à son mari qu’il fallait la transporter à Managua, afin qu’elle y soit opérée. L’homme a lâché les chiens sur moi. Son épouse est finalement décédée du cancer. Quelques mois plus tard, il a pu-bliquement demandé pardon. Cet acte de repentir a eu un fort impact sur la communauté.»

Résultats spectaculairesAu sein de l’Union des coopératives, les questions de genre ont commencé à être abordées en 2000. «Depuis, grâce au travail de nombreuses militantes, un im-mense chemin a été parcouru. L’examen de l’utérus est accepté. Auparavant, cer-tains hommes refusaient que leur épouse se fasse examiner; en cas d’ablation de la matrice, certains pensaient qu’on allait «vider leur femme». Afin de dissiper ces mythes ancestraux, une coordinatrice a donné l’exemple, en subissant elle-même l’opération.»Désormais, les membres de la coopérative ont saisi l’importance d’un dépistage pré-coce. Les résultats sont spectaculaires. «Il y a dix ans, au sein de l’UCA, 20 femmes par année subissaient un examen. L’année dernière, ce chiffre a atteint 580.»

Prise au sérieuxLe destin de Lucia Herrera Martínez est intimement lié à celui de sa coopérative. «A 12 ans, j’ai commencé à assister aux réunions avec mes parents – qui ne sa-vent ni lire, ni écrire.» Très vite, elle est chargée de rédiger les procès-verbaux. Son engagement et son intelligence

frappent la communauté. A 18 ans, elle devient trésorière de sa coopérative – alors que l’âge légal d’admission est fixé à 21 ans. En septembre 2012, elle est élue vice-présidente de l’Union des coopératives de La Dalia. «Ce fut un mo-ment fort. J’ai eu l’impression d’être prise au sérieux en tant que jeune femme.»

Retour des jeunesDans sa nouvelle fonction, Lucia Herrera Martínez, qui a bénéficié d’une bourse de l’UCA pour accéder à l’université, veut contribuer à ce que les jeunes reviennent dans les coopératives. Les premiers résultats sont encourageants: la direc-

tion de l’UCA compte désormais cinq jeunes – sur huit membres. «De plus, souligne la vice-présidente, beaucoup de jeunes ont récemment été engagés par la Municipalité locale. D’autres travaillent au Ministère national de l’agriculture; ils dispensent des conseils techniques aux membres des coopératives.»Lucia Herrera Martínez se réjouit de ces succès. «Le retour des jeunes, qui consti-tue l’une des priorités de Solidar Suisse, renforce nos coopératives. Grâce à leurs compé tences, nous sommes mieux organisés. Et donc plus forts.»

Lucia Herrera Martínez s’engage pour que les jeunes reviennent

dans les coopératives.

PORTRAIT 19

«Grâce à cette stratégie, les hommes se sentent concernés.»

L’Union des coopératives (UCA) de La Dalia regroupe 12 coopératives, au nord-ouest du Nicaragua. L’UCA est un partenaire essentiel d’un projet de Solidar visant à améliorer les condi-tions de vie de la petite paysannerie. Il entend notamment introduire une pro-duction plus efficace et respectueuse de l’environnement. Le projet met aussi l’accent sur la promotion des femmes et des jeunes.www.solidar.ch/nicaragua-1

Promotion des femmes

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LA SPÉCULATIONALIMENTAIRE: UN JEU MORTELUn milliard d’êtres humains souffrent de la faim, car la nourriture est désormais trop chère.

Les principaux aliments de base, comme le riz, le maïs et le blé, coûtent 2,5 fois plus cher

qu’il y a 10 ans. La spéculation sur la nourriture a grandement contribué à cette augmentation.

Halte à ce jeu mortel!

Signez l’initiative «Pas de spéculation sur les biens alimentaires» sur:

www.solidar.ch/speculation