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Sémiotique de l’espace et sémantique du discours littéraire dans les œuvres de Ngugi wa Thiong’o, George Lamming et William Boyd

Tome 1 Abib Sene

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Abib Sene

Sémiotique de l’espace et sémantique du discours littéraire dans les œuvres

de Ngugi wa Thiong’o, George Lamming et William Boyd

Tome 1

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Dédicace

A la mémoire de ma grand-mère, feu Madjiguène LO (Repose en paix Mummy !)

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Remerciements

A travers ces lignes, nous faisons recours au langage humain, parfois faible pour habiller de mots justes, les idées et les sentiments qu’on peut éprouver et vouloir exprimer à l’endroit d’une personne, pour donner corps, d’une manière consistante, à nos sentiments de reconnaissance à tous ceux qui ont contribué à la réalisation de cet ouvrage.

A mes encadreurs, le Pr Baydallaye KANE et le Pr Philip WHYTE, j’exprime ma profonde gratitude. En effet, leur disponibilité sans limite temporelle et spatiale, leur indulgence devant mes manquements comportementaux et leur bienveillance qu’ils me témoignèrent, m’auront, sans nul doute, permis de rester debout pour faire face à toutes les intempéries psychiques et psychologiques qui ont véritablement rythmé le cours de la rédactions de ce travail. Pour leur rigueur scientifique et leurs qualités humaines avec lesquelles ils m’ont encadré et formé en me transformant sans pour autant me déformer, qu’ils reçoivent, ici, l’expression d’un témoignage de reconnaissance d’un disciple, qui gardera pour toujours un sentiment indéfectible de reconnaissance envers eux.

Mes remerciements vont également à l’endroit du personnel enseignant et administratif de la section d’anglais de l’UGB. Un personnel qui a hautement contribué à ma formation intellectuelle. Nous serons toujours redevables au Pr Omar Sougou qui a guidé nos premiers pas dans les études de la littérature africaine. Nous remercions sincèrement le Pr Badara SALL pour sa générosité intellectuelle et ses conseils prodigués pour mieux nous orienter aussi bien dans le champ intellectuel que social ; aux Pr Abdoulaye Barry, Boubacar Camara, Maweja Mbaya et Moisé Chimoune pour les bons rapports sociaux et pédagogiques qu’ils ont

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toujours entrenus avec nous. Au Dr Khadidiatou Diallo pour son soutien moral et materiel, aux Dr Mamadou Ba, Mamadou Dieng, Oumar Fall, Astou Diop, Albino Ndéky, Ousmane Ngom, Ibrahima sarr pour leur soutien moral. Mention spéciale au Dr Maurice Gning et à M. Babacar Diouf qui m’ont assisté durant les moments les plus difficiles de ce travail. A mes collègues et du laboratoire LARAC, pour leur ouverture d’esprit et leur sens du partage, je dis Merci. A la secrétaire de la section d’anglais, madame Ndiaye que j’appelle affectueusement madré, j’exprime toute ma gratitude. Pour la beauté du geste au service de la recherche, je remercie le corps professoral de la section de Langue, Littératures et Civilisations du monde anglophone pour m’avoir engagé comme enseignant vacataire depuis 2008 à ladite section. Ce qui ma permis de trouver des moyens financiers pour ainsi continuer mes recherches.

Nous remercions de vive voix nos amis Sébastien Aimé Nyafouna de l’Université Paris IV, qui a bien voulu relire ce travail, MM. Seydou Diouf, El Hadji Omar Ndiaye, Yoro Diallo, Dr Lucien Gning, Ibrahima Diop, Daouda Diouf, Djijack Faye, Gustave Dioussé pour leurs encouragements quotidiens. Aux responsables pédagogiques administratifs de l’Institut Supérieur de Management de Dakar (ISM), en l’occurence Mr Aly Hanne, Mbaye Ndiaye et Samuel Faye, ceux de l’Institut Supérieur du Commerce de Dakar (Supdeco), en particulier M. Diakhaté, ceux de l’Institut Africain de Management (IAM), pour m’avoir donné l’opportunité de faire l’expérience de l’enseignement de l’anglais appliquée dans leurs instituts respectifs.

Nos remerciements vont également à l’endroit de nos parents, feu ma mère Diarra Ngom et feu mon Père Mamecore Sène pour tous les sacrifices qu’ils ont consentis à mon égard. Pour ma grand-mère, feu Madjiguène LO à qui ce travail est dédicacé, pour m’avoir éduqué et transmis les valeurs qui ont fait de moi aujourd’hui l’homme que je suis, j’exprime une pensée pieuse. Nous souhaitons également remercier notre oncle paternel Yacinthe Colly Sène et sa femme Bernadette Diouf qui ont pris en charge mes études de la 6ème à la teminale. A leurs enfants j’exprime ma profonde gratitude. Que soient également remerciés mon frère ainé Pape Faniand Sène et sa famille, mes cousins Guèdj Sène et Birame Sène pour le confort moral qu’ils m’ont toujours assuré. Mes sincères remerciements vont

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également à l’endroit de M. Ibrahima Sène et famille, à M. Ibrahima Ndiaye et famille pour m’avoir assisté socialement durant tout au long de la rédaction de cet ouvrage.

Pour ses prières et ses encouragements, j’exprime mon amitié et ma gratitude à la famille Badji. A leur fille Diénéba Badji, un des lecteurs de ce travaille, je témoigne mon attachement indéfectible. A sa sœur Awa Badji, j’exprime ma reconnaissance pour les moments distractifs que suscite toujours sa présence à nos côtés.

Que soient également remerciés mes étudiants, toutes promotions confondues, de l’université Gaston Berger de Saint-Louis, de l’Institut Supérieur de Management à Dakar, L’Institut Supérieur du Commerce de Dakar, de l’Institut Africain de Management de Dakar.

« Quand dire c’est faire », en proférant le mot Merci à l’endroit de toutes ces personnes qui nous sont chères, je pose un acte expressif qui va dans le sens de dire : on ne naît pas Dr : on le devient par le concours des uns et des autres !

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Introduction

La littérature est un art social dont les objectifs se sont diversifiés au cours de l’histoire. Avec leurs compétences narratives et poétiques, certains écrivains, dans des pays comme la France, formèrent, dans les années 1850, un bloc aristocratique qui s’était désolidarisé de tout engagement dans la vie politique et de toutes les préoccupations sociales de leurs communautés. Par littérature, ils entendaient l’autonomie d’une écriture qui n’avait tâche que de se focaliser sur les aspects poétiques de l’écriture pour préserver la spécificité « du champ littéraire autonome »1. Cependant, cette conception de la littérature en France connaîtra des émiettements entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle avec l’avènement de l’homme dit « intellectuel ». Ce dernier va faire prévaloir ses compétences scientifiques pour faire entendre sa voix aussi bien dans le champ politique que social. Ainsi, il acquit une certaine légitimité qui lui tailla une place de choix dans les prises de décision ou les recherches de solutions aux questions d’ordre général qui rythmaient le quotidien de sa cité.

Menacée dans ses lettres de noblesse, la littérature marqua le pas et ouvrit une fenêtre sur l’actualité de son environnement politico-social. On assistait ainsi à l’apparition de « l’homme bâtard » de Roland Barthes ou de « l’écrivain-écrivant » qui, tout en restant fondamentalement attaché à la dimension poétique du texte, s’ouvrit aux préoccupations multiformes de sa communauté. Cette ouverture sera agrandie dans des pays comme la France au lendemain de la Grande Guerre avec la révolution d’Octobre 19172,

1 Benoît Denis. Littérature et engagement de Pascal à Sartre. Paris : Editions Seuil, 2000, p. 20. 2 Ibid., p. 22.

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qui avait ressuscité l’espoir brisé en terre occidentale, laquelle venait juste de sortir d’un conflit militaire sans précédent dont la cruauté témoignait de la barbarie et des limites de la raison humaine.

Une nécessité de porter les valeurs de la justice, de la liberté et de la démocratie à une dimension universelle se fit jour. La voix de l’homme littéraire se leva alors comme porte drapeau d’une vision nouvelle, d’un monde différent : c’est la naissance d’une littérature totalement engagée dans une bonne partie du monde occidental.

En Afrique subsaharienne, la littérature écrite porte souvent la marque d’un engagement politique. Après la période d’enchantement des années vingt, qui s’était caractérisée par un panégyrique des auteurs africains sur la colonisation, apparurent des écrits du désenchantement qui dressaient le spectacle d’un système « centraliste », entraînant et entretenant la privation de l’homme colonisé. Des penseurs avertis à limage de Chinua Achebe, Wole Soyinka, Ferdinand Oyono, Eza Boto et tant d’autres, engagèrent, à travers leurs écrits, un combat anticolonial à la mesure de leur sens de la justice et de l’égalité des peuples. L’accumulation de déceptions et d’illusions finit par faire naître, chez les écrivains comme Ngugi wa Thiong’o, George Lamming, et William Boyd, le sentiment du mal qui les projeta dans les formes d’écritures qui visent un objectif : libérer l’opprimé du poids de la honte, de la dépendance et du silence asservissant. La foi dans les ressources et la dignité de l’homme noir féconde leur idéal de liberté conforme à la vérité pour laquelle ils se sont engagés.

Leur observation sur une société de classes et de races a ouvert leurs yeux sur un univers phagocytant qu’il convient de supprimer ; leurs écritures se sont dressées alors contre la marche macabre du mal et la tragédie coloniale et néocoloniale. Ainsi, il nous conviendra, à travers une analyse sémiotique et sémantique de l’espace et du discours littéraire, de porter dans le détail de la compréhension, les messages que véhiculent Ngugi dans A Grain of Wheat3, The River Between4, et Wizard of the Crow5,

3 L’acronyme GW sera employé dans le texte pour référer à A Grain of Wheat. 4 L’acronyme RB sera employé dans tout le reste du texte pour faire référence à The River Between. 5 L’acronyme WC sera employé dans tout le reste du texte pour faire référence à Wizard of the Crow.

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Lamming dans In the castle of my Skin6 et Season of Adventure7, et Boyd dans in the Ice-Cream War8, et Armadillo9.

Le choix de ces auteurs et de ces ouvrages s’explique par le fait que les écrivains kenyan, caribéen et britannique soient identiques dans leur engagement à mettre leur plume au service de la liberté et de l’égalité entre les hommes. Leur attachement au sens de l’histoire et la nature contemporaine des thématiques qu’ils développent, nous laissent l’intérêt de parcourir leurs ouvrages précédemment cités pour en souligner la portée sémiotique de leurs messages. En plus du fait que les œuvres choisies appartiennent à la littérature postcoloniale, les similitudes des questions abordées, malgré la différence des aires géographiques auxquelles les auteurs appartiennent, constituent un autre point qui justifie notre motivation à explorer les travaux de ces penseurs.

En effet, en vue de « libérer tous les silences emprisonnés quel que part au fond de lui-même »10, Ngugi, à travers The River Between, mais surtout A Grain of Wheat, fait lever un peuple opprimé pour faire disparaître l’iniquité et l’arrogance aveugle d’une puissance coloniale.

Dans A Grain of Wheat, il présente le mouvement révolutionnaire des Mau Mau comme l’expression d’un sacrifice, d’une générosité d’un groupe qui verse son sang pour garantir la survie de tout un peuple. Il les dépeint comme des héros qui incarnent une cause virile, qui vise la gloire dans une victoire libératrice. Les combattants de la justice, qui s’enferment dans un cadre révolutionnaire où s’observent les limites du colon blanc, portent le symbole d’une oppression illégitime refusée ; ils incarnent l’expression d’une contrainte et d’une domination rejetées. Et cela leur fait porter, sur les épaules, le fardeau de la douleur qui sanctifie et libère. Leur courage, leur abnégation et leur sens profond du sacrifice remplacent la honte et la dénégation de soi.

Conscients de l’austérité d’un système infâme et déshumanisant,

6 L’acronyme ICS sera employé dans tout le reste du texte pour faire référence à In the Castle of my Skin. 7 L’acronyme SOA sera employé dans tout le reste du texte pour faire référence à Season of Adventure. 8 L’acronyme ICW sera employé dans tout le reste du texte pour faire référence à In the Ice-Cream War. 9 Le titre de l’ouvrage Armadillo restera inchangé dans tout le texte. 10 S. L Tansi. La Vie et demie. Seuil : Paris, 1979, p. 100.

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les habitants de Thabai se dressent sur leurs ergots pour renverser un ordre politico-économique qui les prive de jouir de leurs droits d’hommes libres. C’est l’avènement de « UHURU ». Les carcans d’une société régie par les lois qui nient l’homme colonisé ont sauté et le Kenyan opprimé est restitué son statut d’être humain. Les chaînons de l’asservissement sont brisés et l’espoir d’un lendemain meilleur nourri.

Dans un Kenyan libre et indépendant, Ngugi se dresse en vigile pour porter un regard observateur sur le bien commun : l’indépendance. De son observation, résulte une analyse critique, qui prend valeur d’évidence dans ses œuvres comme Petals of Blood, Wizard of the Crow, qui, en partant de l’exemple du Kenyan, embrassent toutes les nations dont les fruits de l’indépendance ont été usurpés par des dirigeants aux intentions peu démocratiques, lesquels, du « despotisme sanglant à la (…) démocratie à vie sans vote populaire (…), en passant par toutes sortes de degré du césarisme opportuniste »11, ont plongé leurs nations dans un univers à rebrousse-poil. Ils ressuscitent le désespoir de leurs peuples, dont l’horizon s’assombrit dans leurs régimes post indépendances aux appétits égoïstes et destructeurs. Leurs rêves de vivre dans un univers purifié de toutes sortes de meurtrissures, d’injustices et de corruptions, est balayé par la tyrannie des nouveaux dirigeants africains : c’est le néocolonialisme, dont l’analyse sémiotique constituera un point focal dans notre travail.

Classée dans la catégorie des hommes piétinés, la communauté noire des Caraïbes tirait de l’évidence du mal le désir de vengeance, la soif de la liberté et de la justice sociale. La relation avec le Blanc était déterminée par la violence qui avait fait d’elle le seul miroir de la société caribéenne, le seul moyen pour les non blancs de s’identifier et de reconquérir une dignité blessée, une humanité bafouée et une morale souillée.

Le rôle du nègre dans la société caribéenne, sous domination coloniale, était relégué au second plan. Sa différence avec l’homme blanc prenait source dans un complexe de supériorité, qui était entretenu par un univers racial, lequel niait les droits fondamentaux de l’homme noir, en le condamnant à une existence timide et stérile. Le Noir était alors installé dans un ordre social qui le soumettait à un système qui donnait sens à une vision spirituelle, laquelle faisait du Blanc un « élu de Dieu », son vicaire 11 Chislain Couraice. Continuité noire. Dakar-Abidjan : Nouvelles Editions Africaines, 1977, p. 57.

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sur terre qui pouvait s’arroger le droit de vie et de mort sur les autres races dites « inférieures ».

Ayant grandi dans un environnement social hostile où la couleur de la peau jouait un rôle de stratification sociale, Lamming s’est très tôt rangé du côté du plus faible pour dénoncer un système qui faisait le mal et l’accomplissait sans retenue sur un peuple à la fois abusé et désabusé. A travers In the Castle of my Skin, il élabore des arguments d’une scientificité certaine, lesquels mettent à nus les milieux où la pensée du Noir reste conditionnée par l’injustice sociale, et où la pauvreté mesure le caractère abject et cruel d’un régime fasciste cimenté par une politique aveugle de la loi du plus fort. Lamming continue son combat contre l’injustice dans ses autres ouvrages avec la même ténacité.

Dans Season of Adventure, il oriente sa réflexion sur le déracinement et l’acculturation dans les Caraïbes post indépendance. Le caractère peu intègre des hommes politiques, la corruption, et le népotisme, restent des points saillants dans ledit ouvrage.

Ce mal qui fait surface dans les actes quotidiens de l’homme constitue une source de réflexion chez l’écrivain britannique, William Boyd. Ce dernier, dans son roman An Ice-cream War, met en relief des communautés occidentales qui versent dans une cruauté macabre, par laquelle elles transforment l’Afrique en un endroit d’antipathie et de forfaits. Chez des hommes et des femmes, William Boyd souligne la dimension innée du mal chez l’être humain.

Cette même conception du mal, sera davantage illustrée dans son roman Armadillo où la morale et la dignité humaine sont sacrifiées au prix du profit. Ainsi, Boyd semble porter un regard critique sur l’Homme dont la civilisation semble avoir favorisé la pérennisation du mal sous-tendu par un égoïsme certain.

Tandis que Ngugi et Lamming portent l’accent sur le mal d’un système politique, Boyd se focalise sur la domination et le triomphe du mal sur l’Homme, qui n’a moyen que de créer des civilisations porteuses de violences anéantissantes. Sa quête perpétuelle du bonheur se contredit par sa barbarie quotidienne à travers laquelle il s’enferme dans un état permanant d’instabilité psychique et morale.

Comment l’espace, peint par Ngugi, Lamming et Boyd dans notre

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corpus, concourt-il à mettre en évidence l’idée du mal collectif (le mal du système), le mal individuel (le mal inné en l’homme) ?

Comment, du point de vue sémiotique et pragmatique, s’est composé le discours de chaque auteur ; et comment ces éléments linguistiques, illustrent-ils les différents aspects sémantiques du discours de chaque auteur ?

Comment la narratologie sémiotique souligne-t-elle les différents thèmes et sous-thèmes développés par les auteurs de notre corpus ?

L’espace textuel, est-il lié au discours littéraire ? Comment le discours littéraire est-il lié à la narratologie sémiotique ?

Trouver des réponses à ces différentes interrogations, nous permettra de répondre sans équivoque à la question principale que soulève notre projet de recherche. Pour ce faire, nous entendons procéder par une analyse comparatiste rigoureuse et détaillée, qui prendra en compte l’ensemble des éléments culturels, politiques, psychologiques et linguistiques des différentes productions littéraires sur lesquelles est portée notre recherche. Une approche qui sera fondée sur des théories sémiotiques.

Cela nous permettra d’atteindre un certain nombre d’objectifs, articulés dans une première partie relative à une étude sur la spatialité, une analyse de la sémiotique du système des signes physiques et de leurs significations. Cela aidera à comprendre la divinisation de la représentation de l’indice identitaire. Les univers religieux, les espaces ésotériques et politiques, nous amèneront à articuler la symbolique des signes spatiaux comme l’église, la forêt, la montagne, et l’arbre. La cruauté et le dynamisme dans l’espace devra aider à mettre en surface, à travers l’étude des espaces maritimes, carcéraux et médicaux, la portée politique et sociale des régimes coloniaux et postcoloniaux en terre africaine et caribéenne. L’analyse des angles de la liberté, portera en vue la valeur sémiotique et sémantique des espaces sociaux comme la route, la maison close et le bar-café.

Dans notre deuxième partie, également divisée en deux chapitres, nous comptons faire une analyse socio-sémiotique des œuvres de notre corpus. L’étude de l’aspect sémiotique et de la fonctionnalité du langage actantiel, nous aidera à mieux noter la signification et le fonctionnement de la structure textuelle par l’interaction des diéctiques « Je-Tu ». En effet, l’étude de l’impact du contexte sur le langage des actants, nous donnera la possibilité d’aborder un point sur le contexte et le cotexte, en insistant sur

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les déictiques personnels, spatiaux, discursifs et sociaux dans les différentes œuvres. Les aspects descriptifs et constatifs de même que la relation entre diéctiques et situations d’énonciations, resteront des points saillants dans notre analyse.

Une analyse pragmatique nous donnera également la possibilité de porter une attention sur les termes indexicaux ; éléments dont l’emploi et le sens sont déterminés par les paramètres contextuels.

La variabilité des différentes registres de langues et les actes de langage (les actes accomplis, les actes illocutoires et perlocutoires), ainsi que les énoncés argumentatifs, constatifs et performatifs, permettront de bien illustrer la dimension politique des œuvres de Ngugi, de Lamming, de même que le message socio-anthropologique de Boyd.

La vérification de la signification de l’espace, des lois discursives et des maximes conversationnelles de même que la rhétorique argumentative devront contribuer à mieux comprendre comment la littérature postcoloniale, d’une manière générale, a levé un coin du voile sur les véritables facteurs qui bloquent la marche rapide de l’Afrique et des Caraïbes vers des lendemains meilleurs.

Dans notre troisième partie, nous mettrons l’accent sur l’aspect sémiotique des modes narratifs. Ainsi, il nous sera opportun, en étudiant les jonctions et les disjonctions transformationnelles, d’exploiter les structures de « l’effet récit » et de l’algorithme du récit second. L’analyse de la syntaxe narrative, des modalisations véridictoires, de même que l’étude des programmes cognitifs et de l’arithmétique narrative des composantes de la logique déontique, nous aideront à mettre en vue les identités narratives et l’articulation des paradoxes thématiques et narratifs. Un intérêt particulier sera aussi porté sur l’aspectualisation des signes temporels.

Une étude détaillée de l’espace devra aider à voir, de manière plus claire, comment, du point de vue spatial et linguistique, la thématique du néocolonialisme est exprimée dans les œuvres de Ngugi et de George Lamming ; comment le concept du mal individuel et collectif est développé à travers leurs récits et ceux de Boyd. Les ressemblances et les dissemblances stylistiques, des thématiques historiques, culturelles, et politiques abordées par les auteurs de notre corpus, devront être bien soulignées. Ainsi, nous pourrions porter en vue l’expression du mal collectif et individuel qui peut

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revêtir des formes spatiales et linguistiques multiples ; leurs expressions pouvant varier d’un auteur à un autre, d’un pays à un autre et donc d’une culture à une autre.

Nous nous évertuerons, en nous appuyant sur la dimension sémiotique, mais aussi sur l’aspect pragmatique de notre corpus aux textes parfois marxistes, à démontrer comment cette idée du mal postcolonial est sémiotiquement présentée comme une pathologie qui fait de l’Afrique le principal coupable et la seule victime de ses dirigeants aux régimes dictatoriaux, qui font de la démocratie et du développement, le cadet de leurs programmes politiques et économiques. Il sera également intéressant de faire une comparaison sémiotique entre cette situation politique en Afrique et celle en Occident au lendemain de la Première Guerre mondiale.

Il nous devra être possible, à la fin de ce travail, de mettre en évidence la présence de techniques narratives aux relents sémiotiques dans les messages textuels de notre corpus. En outre, nous serons amenés à établir le lien intrinsèque qui existe entre la sémiotique de l’espace et la sémantique du discours littéraire. En d’autres termes, l’analyse de notre sujet devra nous permettre de montrer comment le cadre physique dans le roman détermine les événements et, par conséquent, la nature et le contenu du discours du personnage.

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Première partie

L’espace Un système de signes et de significations

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Chapitre I Au coin des D/dieux et des démiurges

I-1-1 La divinisation de la représentation de l’indice identitaire

I-1-1-1 Du terrestre au céleste

L’espace romanesque est un univers où se déplacent des personnages, se déploient des actions et se créent des événements cadrés dans une structure temporelle qui, somme toute faite, permet de mesurer la durée fictive de la vie romanesque.

Dans les œuvres de Ngugi, Lamming et Boyd, l’espace est diversement constitué. Les personnages se déplacent d’un univers à un autre à la quête d’un accomplissement personnel et ou collectif.

Dans ce sous chapitre nous nous proposons d’explorer les espaces mythiques et mystiques à travers lesquels nous mettrons l’accent sur la méthode de l’école de sémiotique de Paris12 qui, dans l’analyse du récit, souligne les aspects figuratifs, narratifs et thématiques. Au niveau figuratif du récit, les personnages qui sont en interaction « sont pris en considération en tant qu’« acteurs » [en mouvement] dans des lieux et des temps déterminés »13. C’est un niveau à partir duquel le message littéraire reste « accessible à nos sens (vue, ouïe, odorat, goût, toucher) »14. En effet, le figuratif demeure, dans

12 Organisée autour des idées de A. J. Greimas, l’école sémiotique de Paris est née en 1966 avec la publication de La Sémantique structurale de Greimas. Elle hérite de la lecture de l’école de Copenhague (traveaux de Louis Hjelmslev) sur Le Cours général de la linguistique de Ferdinand de Saussure pour l’approfondire et de ce fait se distinguer de l’cole de Prague de Roman Jacokbson plus interressée par les variations et les changements des langues. Cette école de Paris, dans son analyse sémiotique du discours littéraire, mettra en avant les éléments du figuratif, du narrtif et de la thématique. 13 Nicole Everaert-Desmedt. Sémiotique du récit. Bruxelles : Editions de Boeck Université, 2000, p. 29. 14 Ibid.

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l’univers textuel, le « niveau concret »15 où se notent les éléments physiques de la nature. Il représente des signes, des éléments du monde extérieur et réel. Tout signe textuel pouvant être rapporté au cinq sens peut prendre, dans son analyse, la valeur sémiotique du figuratif. D’ailleurs, Joseph Courtes le définit comme étant « un système de représentation ayant un correspondant perceptible au plan de l’expression du monde naturel »16.

Quant au niveau narratif, il « concerne les actants (…) et leurs divers parcours »17. C’est un niveau d’analyse dans lequel les fonctions18 des personnages et les modèles actantiels19 sont articulés. Les rapports entre les actants20 sont exprimés dans des énoncés narratifs21 à travers lesquels les réussites et les échecs des sujets dans leurs quêtes d’objets de valeur22 dans l’espace narratif donne à l’univers spatial une dimension sémiotique où le pouvoir-faire23 et le savoir-faire24 des sujets actualisés25 et des sujets savants26 donne une visibilité à la nature et aux contenus des programmes narratifs.

Le niveau thématique, il relève de l’analyse « des valeurs profondes, véhiculées implicitement par le texte »27. Par opposition aux niveaux figuratif et narratif, le niveau thématique s’intéresse à l’aspect conceptuel du récit. Il développe les axes thématiques auxquels renvoie le figuratif.

Etant donné que « la structure narrative donne du sens aux éléments

15 Ibid. 16 Joseph Coutes. Le Conte populaire : poétique et mythologie. Paris : PUF, 1986, p. 18. 17 Nicole Everaert-Desmedt. Sémiotique du récit, op. cit., p. 71. 18 Ibid., p. 37. [Par fontion, Everaert-Desmedt entend « l’action d’u personnage définie d’un point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue. »] 19 Ibid., p. 38. Un modèle actantiel, selon Everaert-Desmedt, est [« une sphère d’action » articulée dan un énoncé narratif où les actants entretiennent des relations de conjonctions et de disjonctions. »] 20 Ibid. [« les actants sont les « personnages » considérés du point de vue de leurs rôles narratifs (leurs fonctions, leurs sphères d’actions) et les relations qu’ils entretiennent entre eux. »] 21 Ibid. [« l’énoncé narratif est une relation entre actants. »] 22 Ibid., p. 58. [L’objet de valeur n’est « valeur » qu’à l’interieur du récit. Il n’a pas de valeur référentielle, en « soi ». Sa valeur tient au seul fait qu’il est l’objet d’une quête pour un sujet »] 23 Ibid. [« la capacité d’agire, (…) la force physique » [d’un sujet de faire. »]. 24 Ibid. [la connaissance technique de l’accomplissement d’une tâche, d’une quête d’un objet de valeur] 25 Ibid., p. 60. [« L’orsqu’un sujet possède le pouvoir-faire, il a le statut de sujet actualisé. »] 26 Ibid. [Les sujets savants c’est « les sujet dont l’aptitude à accomplir les performances provient d’un savoir faire initialement acquis. »] 27Ibid., 73.