** Année 1949. — N° 83 C. R. Le Numéro : 5 francs. Vendredi 9 Décembre 1949. * *
JOURNAL OFFICIELDE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
DÉBATS PARLEMENTAIRES
CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUECOMPTE RENDU IN EXTENSO DES SÉANCES
QUESTIONS ÉCRITES ET RÉPONSES DES MINISTRES A CES QUESTIONS
Abonnements à l'Édition des DÉBATS DU CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE :
MÉTROPOLE ET PRATCE JD'OCTHE-MER : 500 fr. ; ÉTnAsrGER : 1.400 fr.
(Compte chèque postal ; 100.97,Paris.)
PRIÈRE DE JOINDRE LA DERNIÈRE BANDE
aux renouvellements et réclamationsDIRECTION, RÉDACTION ET ADMINISTRATION
QUAI VOLTAIRE, V» 31. PARIS- 7«
POUR LES CHANGEMENTS D'ADRESSE
AJOUTER ±5 FRANCS
SESSION DE 1949 — COMPTE RENDU IN EXTENSO — 81° SÉANCE
Séance du Jeudi 8 Décembre 1949.
SOMMAIRE
1 1. — Procès-verbal.
2. — Transmission de projets de loi.
3. — Transmission de propositions de loi.
4. — Dépôt de rapports.
5. »— Dépôt d'une question orale avec débat.
6. — Mission d'études aux îles Kerguelen etCrozet. — Adoption d'un avis sur un projetde loi.
Discussion générale : MM. Saller, rapporteur de la commission des finances; lïan-cesohi.
Passage à la discussion des articles.Adoption des articles Ie* et 2 et de l'en
semble de l'avis sur le projet de loi.
7. — Crédits pour la sixième session des ministres des affaires étrangères. — Adoptiond'un avis sur un projet de loi.Discussion générale: M. Bolifraud, rappor-
teur de la commission des finances.
Passage à la discussion des articles.Adoption des articles 1er et 2 et de l'en
semble de l'avis sur le projet de loi.
8. — Politique française à l'égard de l'Allemagne et on Europe. — Discussion d'unequestion orale avec débat.Discussion générale : MM. Michel Debré,
Berlioz.
9. — Congé.
10. — Politique française à l'égard de l'Allemagne et en Europe. — Suite de la discussion d'une question orale avec débat.
Suite de la discussion générale : MM. Kalb,Robert Schuman, ministre des affairesétrangères; Jean Maroger, Marcel Plaisant,président de la commission des affaires
étrangères; Marius Moutet, Léo Hamon,Westphal, Brizard. Georges Pernot, CharlesMorel, le général Petit, Georges Bidault,président du conseil.Proposition de résolution de M. Michel
Debré. — MM. Michel Debré, le ministre,Carcassonne, Pierre de Gaulle, Léo Hamon,Marrane, Mathieu. — Adoption.
11. — Dépôt de propositions de résolution.
12. — Dépôt d'un rapport.
13. — Propositions de la conférence des présidents.
14. — Règlement de l'ordre du jour.
PRÉSIDENCE DE M. GASTON MONNERVILLE
La séance est ouverte à quinze heurestrente minutes.
— 1 —
' PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le procès-verbal de laséance du mardi 6 décembre a été affkhéet distribué.
Il n'y a pas d'obseYvation ?
Le procès-verbal est adopté.
— 2 —
TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale un projetde loi, adopté par l'Assemblée nationale,-autorisant la concession de la construction
et de l'exploitation des ouvrages destinésà l'utilisation des forces hydrauliques duRhin et à la réalisation du grand canald'Alsace.
Le projet de loi sera imprimé Sous lan° 857; distribué et, s'il n'y a pas d'oppo*sition, renvoyé à la commission de la prnduction industrielle. (Assentiment
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale un projet de loi, adoptépar l'Assemblée nationale, relatif à lacréation d'un établissement administratiîpermanent à l'île Amsterdam.
Le projet de loi sera imprimé sous len° 858, distribué et, s'il n'y a pas d'opposition, renvoyé à la commission de laFrance d'outre-mer. (Assentiment .)
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale un projet de loi, adopté parl'Assemblée nationale, rendant applicablesà la Nouvelle-Calédonie et dépendances lesdispositions du décret du 30 octobre 1935réformant le régime de l'interdiction deséjour.
Le projet de loi sera imprimé sous len° 859, distribué et. s'il n'y a pas d'>oppo-
* (2 f.) îaa
.. ,. ;.:6:a8:::,;. _____ ...,.-__ .:.e::O::N:::'S.::El::L:_D:::E:_:L::A:_::D::EP:_:U::D::I.::IQ;;,UE::. ··-~SE:::•A.:.:N::'C.:;E~.D:_:U:_:8~D:::E::C~E.:..M,..~D::E:::.·::1.;;.Q4_9_,__....,,_ ____ ._..,._
sllion, renvo\é à la· Commission. de_ la J'ai reçu de M. \'alle U!-1 . rapv_qrt _tait Ftitnce d'outic-m~r; (thscnlimcnt.) a.u nain de la commission de l'mtérteur · J'ai reçu de ~(. Iè nrésidcnt ùe l'Àsscm- (administration gCnérnle, dt!pattcmentale
l': et communale, Algél'ie), sur· la proposition !Jiéc natlonalc un projet de loi, adopté par de loi, -ndopléc 11ar J'Assemblée nationale, l'Assemblée nationale, tendant à rendre tendant à refuser l'homologatiOn de la np{J'Iicnhle--J à l'J\fdquc équatoriale fran.- décision volée par l'asscmhlée algérienne caisc, _ntix · établi~en.cn1s fr~mçais de au coul's de sa session exlra.ol·dinaire de l'Océanie Ct un x étahli 'scmcnts (r:tn('ais jan\'ier 19HJ,. étendant à_ l~Aigéi'ie. lÇs disdanc; l'Inde le.s di!=ipOsitiOils du décret-loi !JOSUiOilS do fond de ltL loi du· ter seplcm-du 3ù octobre 1035 rérot·mant le régime de 1re 1Dl8. réglant lés rapports cnlt·c bait-l'intcrdiclion de séjour. leurs ct Jocalnires 0~ occupants tic locaux
I.e projet de loi sera imprimé sous le d'ha•hit:tlion ou à usage · pro!cssionncl n• 8GO, distribué cl, s'il n'y a pas tl'oppo- (n• 7~7, année 1949).
·silion, l'envoyé i'L la commi~sion de la France d'outre-mer: (11sscnlimcnt.) Le rai! port sera imprimé sous le n• 865
ct di:;h·thué. _ J'ni rC\'U de ~(. le présitlent de l'Asscm-
lllée nationale un projet tic loi, a•IO)>Ié par l'Asscm!Jléc nalionalc, tendant à la supprc,.lon de la cout· tic justice tle l'lntlochinc.
I.e projet de lui scr.1 imprimé sous le n• 861, dislrihué ct, s'il n'y a JlfiS d'oppoHilion, rcnvové il la conimis~ion de la France d'outre-mer. (,lsscnlimcnl.)
J'ai l'C\'U de )1. le prësidenl de 1'~\sscmIJléc nalionalc uu projet de loi, adopté l''"' l'AsscmlMe nalionalc, pm·lant rém·gamsalion Uu rl'gime tlc l'ëmi.ssfon à )fatl:~gascar.
l'ai re~u de li. René Dcpt·cux un raJiport fui! au nom de la commtsslon de la production lnduslrielle, sur la proposition de résolution de li. ncné Dcprcux el des mem: bres de la· commission de ·la pt·oduction industrielle, tendant à inviter le Gouverne-. ment à ne compromettre par· aucune me4
sure· prématurée raplilude de la production fr:m .. ai~c à afTrontcr Ja· concm-rence internationale ~t à me lire· fln à certaines imporlations sans licence (n• 821, année !!MD.)
I.e ral!port sera imprimé sous le n• 800 ct dislntiué.
-5-
MISSION D'ETUDQ AUX ILES K"RQUELEH. ET.· -CROZET ·
AdOpuori d'un av;s ·iur un:prtlfel. dO loi. . . - , .. Il. le président. L'ordre du jour appcllê
: la discussion du projet de loi, adopté J13r l'Assemblée nationale, relatif à l'organisa ... lion ct au fonctionnement d'une mission d'éludes aux iles J(crguclcn ei Crozet. <N•• 780 ct 8-11; ·année 1010.)
·· Avant d'ou\Tir la. discussion générale, je dois f:IÎI'C connattre au Conseil de la llépu!Jiique que j'ai re~u tic M. Je president du .conseil un décret désignanl. en qu::~.lilé de commissairé dn Gouvernement ·pour· assister &1. le sous-secrétaire d'Etat à la France d'outrc~mcr:
1\1. Douznmy, administrateur des coto~ nies, direclion des affaires économiques.
Acte est donné do cotte communication, Dans la discussion générale, la p:u ole
e:;t à Ptt. le r-apporteur de la commissio~ des Onanccs.
· M. Sttlltr, rapporteur de ta commts.•ilon des fimmces. Mesdames et messieurs, le projet qui \'ons est présenlé, bien •Jue d•imp01·1ance secondaire, pt·ésente CC}Jendntit un lt·i)Jie intérêt: celui d'afllrmcr 1~
Le projet de loi sera Imprimé sous le no 862, distrihu~ et, s'il n'y a pas d'opposit.ion, rem·oyé à la commission de la France d'ouirc-IUCI'. (tlssclllimelll.) DII'OT D'UNIE QUE&TIOH ORALI! AVI!C DEBAT souveraineté françaiso sur les Iles Ker-
gu.elen et Crozet, celui d'assurer les J·ela
-a-TRAHSMtSStOH DE PROPO&ITIOHS Dl! LOI
M. le president. J'ai rc~u de li. le président de" l'A~sembléc n:llionalc une /n·oposilion de loi, adoptée par l'Asscm >léc nationale, tendant à la motlifit'ation ct à la codillcalion ùc; lexies relatif; aux pouvoirs I>ttblics.
La proposilion de loi sm·a impl"iméfl suu~ le n• 856, disU·ibuéc, lt, s'tl n'y a pas d'Ollposilion, rcn\·oyéc à lü commission de la /uslicc ct de législallon civile, criminel c ct comrnerdalc. (tlssclllimclll.)
J'ai reçu de ~f. le président de l'Asscm· blée nationale une 1•roposition de loi, adoptée par l'Assemblee uatioualc, tendant à élentlro l'application des majurallons de service Jlrhucs par la loi du 26 mars 10:!1 aux méilccins ct pharmaciens de réserve admis dans l'armée nctivc en vertu des articles 3 et .! de la loi du 4 janvier 1920.
La proposition de loi sera imprimée sous Jo n• 863, distribuée, el s'il n'y a pas d'opposilion, ren\·oyéc A (a commission de la dctcnso nationJle. (Assentiment.)
-4-
DEPOT DE RAPPORT&
111. hl .préold•nt', J'ai reçu de M. Y alle un rapport rait au non\ de la commission tic J'intérieur (administration générale, départementale et communale, .Algét·lc) sur la proposition do loi, adoptée par l' .Assemblée nallonale, tendant il refuser l'homologation do la décision votée par l'assemblée alçérlenne au cours de sa session ordlnatrc de février-mars 1949, portant rcstrlcllon à la prorogallon résultant de l'cxhmslon à l' .Afgério de la loi n• 48-2(1(Y.) du 31 décemllre 1948 concernant certains locaux à usnge commercial, Industriel ou nrlisanal (n• J55, ànnée 1919).
J.o raflporl sera Imprimé sous Je u• SG·I el dlslrlliué,
M. te présldenl, J'informe le Conseil do la DépuhlifJUe que j'ai été saisi de la question orale suivante avec débal:
M. lln•·lial Brousse expose à M. le ml· nlstrc de J'agriculture quo la situation économitrue de l'enscmbJo de l'agt·icntturc fmnçaisc ne f~it <JUC s'aggraver depuis •JU'cn 1018 la baisse des proiluils agt·icoles et même. leur mévcnlc a mis dans· une situation économique déplorable la plupart des e~ploitations agricoles fran.;aiscs, el cela d'aulan! plus •tne les Irais de Jlro· dnclion sc malnlirnnenl à un nh·•.!au trt~s é!c\·é;
J.ul demande quelles ont été les mesures pl'iscs par le Gouvel'llemcnt ct les mesures •tu'il cn,·isagc de pt·cndro en vue:
1 o D'assurer à la production apricolc des p1·ix ùc \'cnte couvrant les !rats do celle pt•oduction ct pel'mcltant une rémunéralion no1·male du travail· paysan;
2• D'améliorer les condilions de la vio rm·alc, notamment dans les rl-gions défavorisées;
3° Ile réduire )es Jn·ix de l'C\'ÎCill, notamment pat· la diminution des trais de production, p:•r J'augmentation des rcntlcmcnls ct l'accroigsemcnt 'le la procluclivité du travail des cxploilnnls et des ou\'ricrs agt·icolcs;
-1° ne limiter les impol'lttliuns oux ]Jesoins réels, df:\·clopper syslér!laliqncrncnl les expot·lalions ct les organ1scr l'Ur un· plan rationnel cl réaliste pat· la condusiou rapide de Irai lés commerciaux;
tions aériennes inlernalioualcs, celui cntln de compléter l'inventaire économique ùes tcJTiloh·cs d'ouh·e-mer.
En co qui concerna la suU\'crainelé fran~nisc sur· les Ucs I<erguelcn·, I'Organisntion des liatlons Unies a ndoplé Je principe qn'mteunc souvcminclé ne saurait l·lrc aflh·méc sm· des terres inhahiléce, si ello ne sa mauifcsle par des élalilissemenls pcrmancnls. Or, tlcpuis fch·riC!t' i712, date à laf(Ucllc l'at·chipcl des Hcrguclcn est devenu teno rwnçaise, aucnu cHalJJisscment pcnnnncnl n'y a ~lé installé. Il lmpmto uhsolumcnl CJ11C le I>ilssll sn cpntinue ditllB Je !m'sen! cl ~ans J'avenir ct que cet éla J!isscmcnl permanent soit instilu(! Jo
'
>lus t·apiflcmcut possible, alln que les lies iCJguelcn restent terre fran~·aîse, s:ilJs
contestation. Bn cc qui coJICCJ"JJC los J'ela lions· aét·icn ..
ne:; ill let nalior.aJcs, il c~l nécessaire de rcmarCJUCr IJIIC Jcs terres françaises IJUi sc trouvent an Sntl tlc Mnllaga:;car cl •tui sont composécs de l'nrchipel des J(crguclcn cl des Çrozct, des lies Sainl-l'aul cl Amsterdam. - !JOUr Jc.sqncllcs un pt·••lcl fllli vient d'être lrJnsmis ft celle Asscut .. hlée sera discuté )ll'OCha!ncuiCnt - cl ~o la 'J'cn·o 1\tlëlic, ou sc trouve tll!jà la mis~ion do l';~uJ.gmiJe Vlctur, sont siluécs entre J'AiriiJno du Sud cl l'AusJralle.
Il <SI infiisncmable rtu'cnlro ces deux pays soi! é!ahli un relais aérien, composé ft la fois tl'un. terrain d';n-ialion ct d 111\0 lnstnJ!alion 1lo mét6orolnl{ie, qui assure lJ sûeurité cie:; :witms allant 11'111\.}lays fl un auiJ·c. ·
linfln, cunccrnanl l'in\'cnlairc écono• r,• Enfin, d'obtenir une protlnclion sulfl- mique d~s po;scsslons d'outre-mer, il csl
sanie pour atleindrc les ohjecllrs flx~s par l néccssait·o pour la ml:lropule ùo savoir si, Jo plan quadriennal concomant les ·cxpor- lnd~pûnrhnuncnt de~ 1·:u·cs facllllés do talions tTc pro~uils ngrlcolcs '\"1 dolvcul
1
pèche - uotauuncnl celle des élépltanls conlrihncr ~ érJuiliht·cr noire ho ance géné- de mer - IJUi sont ofTcrles aux Ucs lier· rn.lc des comp\cs en JOW. guclcn, il extslc d'autres ressources ma1"i·
lin.cs ou minil:rcs ttu'H est possiblè ù't:x· Conlormémcnl aux arliclcs 87 cl 88 du . j•luilr"·· C'c>l dans le hui •t'arriver Il ce
règlement, celte IJUCsliou onilo avec llêhnl : riJ•le n·· ... nllal IJIIO I'Cil\'oi tl'nrto mis!'ion a l:IU eou.rnunil)lll:c au f;•>urcmcuwnt ct la · a élt! ,,,-;drl1! Il:! l' Jr, c;um·t:f·uemcnt cl CJU'nn flxalion de J~ dale du dê<hal aura lieu ullé· i' f'J'r'•rlil tic \'ill)(l million~ vous est dcmautl6 ricurcmcnt, JIUlll' rm)'Cl' les frais de ctlic mission.
\ .,._.
, .• ~,·~~~~~------~----~~~----~-------~~~~~--~--~--~~~--~------~---------- . . . ~
CONSEIL DE LA REI'UBLIQUil - SllANcil DU. 8 DllCil~IÎIJill 1010 2837
Ce créa!l de 20 millions ne conslilue pas ·Une d~_pense nouvelle qui vient s•ajouter au budget de l'exercice 1949; !1 est prélevé sur les disponibilités qui avaient été atlectées au développement économique el social des territoires d'nuire-mer ~t, à cau~e même du caractère économique de celte mission, consiilue une dépense régulièrement impulée,
En conséquence; votre commission des finances vous propose d'émeltre un avis favorable au jirojet de loi qui vous esi présenté, sans aucune manileslation. (Ap-plaudissements.) ·
·· M. le président. la parole esi à ~1. Fran-ceschi. .
. 11. Franceachl. Mesdames, messieurs, on nous demande de voter un crédit.de vingt millions de francs destiné à couvrir les frais de voyage et do séjour d'uno mission aux Iles J{erguelen.
Le projet nous apprend quo celle mission aura pour obJet essentiel de reconnaltro. l'archipel des Kerguelen, d:en etrec·. tuer la prOSJ.lectlon ~conomh1ue et d'y étudier les possobilités d'installation ultérieure d'un élablissement 11ermanent constituant un relal sur les grandes lignes aériennes intercontinentales.
Ce problème avait déjà. lait l'objet d'une étude à l'Assemblée nationale. Une proposition d.e loi de ~. Louis Rollin a donné lieu à un rapport qni n'a pn ~Ire Imprimé, ni . dislribuè, .en raison de l'obligation constitutionnelle d'une décision f!réalable de l'Assemblée de J'Union françaosc. · Dans l'exposé des motifs de celte proposition on rçll:vc la phrase suivante: ·
,, I.n. position slraté~ique des Kerguelen, ses grandes possibihlés commnnùcnt de .no•·; y Installer rapidement"·
Celle phrase a l'uvantagc, à noire avis, <je poser le r,rohlèmo plus clairement <)Ue les raisons c onnées par le Gouvernement dans l'exposé des molils de son projet de loi. Il s'agil de l'réoccupations stralégi<liiCS ct non économ <JUCS. ·
Cela se lrom·c. d'ailleurs confio·mé dans la déclaration que faisait M. Castellarol, député de ~lndagascar, rapporiP.lor au nom de la commission de la l'rance d'outre-mer do l'As•emhléc nationale, do la P.roposilion de -résolution <till sc trouve à 1 origine dn présent projet de loi.
Voicl cc <JUO disait M. Castcllanl: " Je rapr,ene quo cos Iles sont situées
à 1.000 ki omètres envir<lfi do l'Airlquc du Sud, de Madagascar, de I'Auslralic et do la Nouvellejélandc. "·
L'Importance des Iles Kerguelen cst.donc lrès grande du point da vue stratégique. 11 est de J'lntéri!t do la Franco d'y n!Ormer sa souveraineté dans un très court délai. Ill dans son rapport écrit, M. Castellani précisait: ·
li n. n'est peut-étrc liaS Inutile de signalor l'Importance stratégique de ·J•arclilpel de Kerguelen ct du groupe des Iles Saint· Paul et Amsterdam. 11 su lill, vour .s'en ren· dra compte, d'éxamlner la carle do l'archipol ausfral. L'archipel des Kerguelen est
. sllud à environ 4.000 kilomètres do l' Alri.que du Sud, ào Madagascar, do I'Auslralic ct du pOle sud, à 6.000 kilomètres de Ill Nouvel!o·Zélando ct il 8.000 kilomètres du (;hill. Il sufllt de' se rappeler les moyens dont disposent les nrmécs mod~rncs elles tlfogrôs lnouls réalisés par l'avlallon. "
Oo son cOié M. Durlot ra1ororleur do la commission des llnanccs do I'AsscmiMo nallonnle lmliquo dans son rapport que la rulsslon doit érudler la possiiJOflé ll'lnsln!· lco· aux J{crguclcn un pnsio de rndlomé-
,· . ' - . '
léorolofiiè permanent, rolnsi !\u'uro' terrain d!avJat10n et une. pisto 'd cnVt~l· pour nviops lourds.. · . . , '
Enfin dans lo rapport. ·qu'il. nous ·a pré· sen té au nom de la commlsslon des- f_inao· ces du Conseil de la République, M. Saller souligne:
u Depuis la secomle guerre monùinlc, - nous, nous disons ùepul~ ·qu'on pré· pare ln troisième guerre mondiale - Il est apparu quo la grande Ue des Kcrgue· !en présente un double Intérêt pour les liaisons aériennes intercontinentales en· trel'Airique du Sud-et l'Australie, en par· tlculk>r, ainsi que pour l'économie mondiale des ressources lmporlantc·s pouvant ~tro mises en exploilalion. . D'~ccord pour l'importance stratégique.
Quant à l'imporlanco .économlqtoo, d'autres quo nous ont montré qu'elle élail nulle.
Voici ce qu'écrit M. de Cop).ICt: « Jusqu'à présent, les entreprises lmlus·
iriellcs à Kerguelen pas plus d'ailleurs que sur les autres Iles australe• françaises n'ont donné de résultats salis!aisants et pourlan) ce no sont pas les projets qui ont manqué, ,
Il y a do la tourbe ct du-charbon, nous dii-on. ,
M. de Coppet répoml: « Ln touriJo ct Je charbon ne sont pas rimlables. » Résultats désastreux aussi pour la .. culture, dll-11. En cc qui concerne les métaux précieux, ar. de Coppel ajoute: « JI va sans dire qu'Ils n'ont jamais existé quo dans l'ima·
· glnatlon des anciens cbasscu!'ll do phoques~ ,,
Les arguments économiques rinnonc«!s par Je Gouvernement sont donc, dénués de toute valeur. Seul l'argument stratégique reste valable. C'est le seul qui préoccupe Je Gouvernement qui dans sa fièvre ~·pré' parer ·la guerre (Exclamations a11 cenere.) en arrive à se moquer du Parlement.
A r)uol sert en effet cio nous demander de.· voter aujourd'hui uno dépense do 20 millions puisque .la mission en question a déjà crulilo la Franco depuis le lO octobre dernier, c'csl·A-cliro un mols environ avant qu'inlcrvlcnno le volo cio l'Assem-blée naiionalo? . .
Vous nous placer. dewmt le lait accompli. I.e grour.c communiste ct ripparcnlés sc rcluse ù 1 homologuer. )1 votco·a contre.
Deux raisons essentielles nous incitent A Jo laire: i • parce C)UO cos crédits sont destinés à des œuvres do' guerre; 2• pareo quo vous laites supr.ortcr cctto dépense nar le hud~ot du 11. • D. Il. S. ct du F. !.
D. O. M., c est·à·diro en On do complo par les populations des tcrritulrcs d'outre-mer. (AJ<Jilau<iisscmcnts à l'cxtrdmc u~i<che.)
M, le président. Personne no domanclc plus la parole dans la discussion s~né· raie? ...
La discussion générale est close. Je consulte Jo Conseil do la 11épul<li<1UO
sur le passage à la dlsctlssion des articles du projet de loi.
(Le Conseil décide de passer à la cliscus-sion dc.1 articles.) ·
M. le llréalde..t, Jo donne lecture dlll'nr· tl cio 1":
" Ar!. 1". - Il est ouvert au ministro de la.Franco d'outre-mor, nu tllro du budget ordinaire do l'o~erclcc IOlQ, dépenses clviles, des crédils s'élevant /, 2U rnllilons do francs nr-l'llcah!c6 an chnpltro 323 (nou· l'eau/ du budget du mliolslèro do la l'rance d'ou rc·rner " Orgronlsallon cl fonctionne· mont d'un mi~~ion d'élmlc~ aux lies !\er· guciNI cl Crozet. "
• Pnrsonne ne ·demande ln parole sur l'nr• Uclo t~r '1 · · .
Je Jo, mols 'aux voL,, · (L'article i" esl adoplé.)
M. le ~résident. " Art. 2. - Pour salis;- · laire aux prescriptions de l'ariiclo l6 de Ja loi n• 48-1073 du 31 décoml~re 1018 portant fixation, opohr l'exercice 1919, des maxim~ des clûpcnscs publlctues cl évalualion do, I'Oil'S ct moyens, Jo crédit ouvert ')Jar l'br· tlcle préèédcnt Bcra gagé par une réduc· lion il'<\Ji:al montan\ de ln provision do. 5.070 millions do francs réservée, à litre lnconclillonncl, anF. 1. D. E. s. et au F. r, D. O. M. cl Incluse clans la limite do 150. milliards do francs fixée par l'articlo ;pre- . micr de la loi préelléP. du 31 déccmbro fOlS, » - (Adopté.) . · · Je mets aux volx l'avis sur l'cnscmhlo du projet do loi.,
(Le Conseil Ile la nJpubliquc a aJloplé.)
-7-
CREDITS POUR. LA SIXIEME SESSION DES MINIBTRES DES AFFAIRES ETRANCERES
Adoption d'un avis sur un proJet dB lot.
M. le président. L'ordre du jour appelle 1~ discussion dl! lli'Ojet de loi, adopté par 1 Asscrnbléo nationale, Jlorlant ouverture do crédlls pour le fonclionnemcnt do la Bixlème session elu conseil des ministres des affaires élrang&rcs (n•• 812 ct 812 an-née iOID). · . '
I., oparolc est à M. le rarporlcnr de la commission des finances.
. M. Bolifr~ud, Tnpportcnr cie la commis· swn d~s {wauces. Mesdames, messieurs, pour faire fac~·nux dépenses cniralnécs pal' la ~cnuc h Paros, nu couo·s des mois de mai ct juin 19!9, do la sixième session du consoi des ministre• des aiiRires étran!:ères, le Gouvernement avait dér.oso le 13 JUillet dernier un projet do loi chdant à ouvtü nu ministre des atrnii'Os élrnngèrcs un cré· cltl supplémcnlalre do 19 millions.
Co projet n'a élo adopté lflnr l'Assemblée nalionalo <I!JC Jo fO no\·cmhrc. La dolnllon demande~ est clcsllnéc d'uno part A assu~cr la rémunérallon du personnel Interprete ct du personnel adminlslrnll! chargô d'exécuter des travaux spéciaux occasionnés par la tenue de la conférence et, d'autre part, à couvrir les !tais d~ rcprésenlallon de la déMgnlion lrnntnisc ainsi que les Irais de mnléricl do Ioule nature engagés à celle occasion.
Pour s.llslnire à l'nrllclo lG de la loi des maxima, le Gouvernement a proposé
,dans l'arllclc 2 <JUC les charges supplémcnlalres soient compensées par une annula· lion d'égal montant sur les crédlls ouvcrls au ministre dos finances ct des aiTalrcs éconnmi<JUCS au cbapliro 020 cons~quencc de l'r<lignement monétaire du lB oclobre !OlS.
Votre commission des finances, tout en nJ<prom·ant le principe mOrne do co llo op6· ratlon, croit cependant devoir laire obser· ver quo l'arlicfe 2 du projet, s'Il est con· lorme à· la lettre do l'arliclo IG do la loi dos maxima, n'en resrcctc pcnt-Otro pas très exactement l'csprl , ·
C'est sous le bénéfice do cetlo observa· lion qu'clio von• pro)IOHC d'adopter Je llfO· jet do loi qui vous ~-si soumi;. (Ap11la11· <lissemelll!.)
M. le président. Pcr·>oun" 110 dcmnndo J1lll5 h parole <lau~ ln di,Cil'~inll Cél\6-nl<~ ~ ...
2638 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
La discussion générale est close.Je consulte le Conseil de la République
sur le passage à la discussion des articlesdu projet de loi.
(Le Conseil décide de passer à la discussion des articles.)
M. le président. Je donne lecture de l'article 1er :
« Art. 1er. — Il est ouvert au ministredes affaires étrangères, au titre du budgetdes affaires étrangères (I. — Service desaffaires étrangères) pour l'exercice 1949,en sus des crédits ouverts par la loi n» 48-1992 du 31 décembre 1948 et par des textesspéciaux, un crédit total de 19 millions defrancs réparti comme suit par chapitre:
« Chap. 110. — Service technique desconférences internationales. — Personnel 8.500.000 Ir.
« Chap. 311. — Servicetechnique des conférencesinternationales. — Matériel 10.500.000 fr.
19.000.000 ir »
Personne ne demande la parole ?...Je mets aux voix l'article 1e".
(L'article 1" est adopté.)
M. le président. « Art. 2. — Sur les crédits ouverts au ministre des finances etdes affaires économiques, au titre du budget des finances, par la loi n° 48-1992 du31 décembre 1948 et par des textes spéciaux, une somme de 19 millions de francsest définitivement annulée au titre du chapitre 629 « Conséquence de l'alignementmonétaire du 18 octobre 1948 ». {Adopté.)Personne ne demande la parole ?...Je mets aux voix l'avis sur l'ensemble
du projet de loi., (Le Conseil de la République a adopte.)
— 8 —
POLITIQUE FRANÇAISE A L'ÉGARDDE L'ALLEMAGNE ET EN EUROPE
Discussion d'un« question orale avec débat
M. I» président. L'ordre du jour appellela discussion de. la question orale avecdébat suivante:
M. Debré demande à M. le ministre desaffaires vtrangères s'il n'estime pas utile,après les importants événements des dernières semaines, de préciser les directiveset les moyens de la politique française àl'égard de l'Allemagne et en Europe.Conformément à l'article 90 du règle
ment, aux termes duquel le débat sur unequestion orale doit toujours être organisé,la conférence des présidents a fixé commesuit l'ordre et la durée maximum des interventions des différents orateurs:
M. Michel Debré (rassemblement desgauches), 1 heure.M. Berlioz (parti communiste), 30 mi
nutes.
M. Westphal (action démocratique et républicaine), 30 minutes.
M. Maroger (républicains indépendants),20 minutes.
M. Charles Morel (action rurale et sociale), 10 minutes.M. Léo Hamon (mouvement républicain
populaire), 50 minutes.M. Georges Pernot (parti républicain de
la liberté), 15 minutes.M. Marcel Plaisant (rassemblement des
gauches), 20 minutes,
M. Marius Moutet (parti socialiste), 40 minutes. ,
M. le général Petit (apparenté communiste), 30' minutes.M. Kalb (action démocratique et républi
caine), 30 minutes.M. Brizard (républicains indépendants),
10 minutes.
M. Henry Torrès (action démocratique etrépublicaine), 15 minutes.Gouvernement; 1 heure environ.
Avant d'ouvrir la discussion, je doisfaire connaître au Conseil de la République que j'ai reçu de M. le président duconseil un décret nommant, en qualité decommissaires du gouvernement pour assister M. le ministre des affaires étrangères :
MM. Alphand, directeur général des affaires économiques et financières;
Seydoux, ministre plénipotentiairechargé des affaires d'Europe;
Sauvagnargues, sous-directeur;D'Aumale, administrateur civil ;De Beaumarchais, administrateur civil;
Valéry, chargé de mission;Clappier,' directeur du cabinet;De Bourbon-Busset, directeur adjoint ;Mischlich, chargé de mission au cabinet;
Poher, commissaire général aux affaires allemandes et autrichiennes.
Acte est donné de cette communication.
La parole est à M. Debré.
H. Michel Debré. Mesdames, messieurs,la question qui ouvre aujourd'hui le débatsur la politique française, à l'égard de l'Allemagne et en Europe, a été posée enjuin, au lendemain des accords de Washin-ton. Ces accords transformaient les basesde la politique française, je ne dis passeulement de la politique du lendemain dela capitulation allemande, mais la politiquetelle qu'elle résultait de la dernière conférence de Londres.
Depuis, des changements plus grands encore sont intervenus, les uns par exécutionde ces accords, les autres par non-exécution. C'est en effet un des traits, je ne dispas de notre politique, mais de notre époque, que les actes solennels, solennellement signés, solennellement commentés,soient moins de six mois après considéréscomme en partie ou totalement périmés.
J'ai cependant hésité à prendre aujour-d'hui la parole et à provoquer cette discussion. En effet, il y a quelques jours, a eulieu un grand débat à l'autre Assemblée,grand débat qui a été suivi, de la part deM. le ministre des affaires étrangères, d'explications très longues et très complètes.D'autre part, il est certain. que la tâche del'opposition est facile. 11 est facile, presquetrop facile de faire la liste des hésitations,des silences, des contradictions; au contraire, il est certain que l'action en cettematière, encore plus que dans d'autres matières, est ingrate.Cependant, je crois que ce débat est
indispensable.L'opinion est inquiète et elle l'est pour
une raison très simple. Elle se souvient detout ce qui a été dit sur- la politique française à l égard de l'Allemagne depuis quatre ou cinq ans. Elle entend ce que l'ondit aujourd'hui. Elle s'aperçoit alors dececi: ou les mots n'ont plus le même sens,ou bien les formules ont été entièrementchangées. ■
On a longuement parlé d'une Allemagne"fédérale. L'Allemagne, nous parlons del'Allemagne occidentale, est un pays centralisé. On a beaucoup parlé de réparationset il n'en est plus guère question. On abeaucoup parlé du démantèlement et onvoit le terme des démantèlements. On aparlé d'un régime particulier de la Ruhret on se demande aujourd'hui ce qu'il enTeste et ce qu'il en adviendra. On a affirméque le régime de la Sarre était définitif eton a pu voir récemment, au moins dansla presse étrangère, l'indication que notrepolitique en Sarre devait être revisée. Ona parlé d'une occupation militaire de trèslongue - durée et, brusquement, on parled'une remilitarisation de l'Allemagne..Derrière ces contradictions, les unes
réelles, les autres apparentes, se cachequelque chose de réel: les hésitations etles difficultés de la politique française. Jecrois que l'Gpinion, à juste titre, est inquiète parce qu'elle ne sait pas, et je peuxajouter que le Parlement, lui non plus, nesait pasl " >Il y a quelques années, c'est-à-dire dans
les quelques mois qui ont suivi la capitulation allemande, on pouvait avoir lechoix entre deux politiques. La premièrepolitique était fondée sur la vengeance etsur la crainte. Il s'agissait, par conséquent;avant tout, de vouloir une Allemagne aussifaible eue possible, divisée, occupée, absente de toutes les discussions internationales, qu'elles soient économiques ou politiques, et ceci paur la piis longue duréepossible.Puis il y avait une autre politique, fon
dée sur un autre impératif: celui d'unemenace qui vient de l'Est, fondée sur unaautre idée: les nations qui constituent lemonde libre, l'ensemble des démocraties,l'ensemble des nations européennes sontmenacés; il est donc une obligation primordiale, se défendre, et cette obligationprimordiale implique immédiatement enAllemagne une autre politique à l'égard del'Allemagne.
En fait — et peut-être ne l'a-t-on pasassez dit — ce choix, entre deux politiques, nous ne l'avons pas, eu; il nous aété imposé. Du jour où l'occupation quadripartite est devenue, pour une des puis-sacnes, un paravent derrière lequel onpouvait concevoir et apercevoir une entreprise absolue de colonisation politiqueet économique, à partir de ce moment là,les dés étaient jetés!
Les dés étaient jetés, et restent jetés,car il est impossible de concevoir volontairement, (bénévolement, du côté des alliésanglo-saxons et français, une extensionjusqu'à la frontière du Rhin du régimepolitique et économique imposé à la zoneorientale.
On s'est rendu assez vite compte quenous n'avions plus le choix.
Officiellement, la date à laquelle il fautremonter pour juger de l'évolution définitive, du choix certain, c'est la fin de laconférence de Londres de 1947 ; mais cequi peut alors être reproché à nos gouvernements, c'est de n'avoir pas tiré lesconséquences de ce fait. Tout s'est passédepuis les derniers mois de 1947 commesi nous usions encore des formules,comme si nous avions encore les désirsqui étaient les nôtres au moment où lechoix nous était possible, alors qu'il nel'était plus.
Il s'est alors produit ce que nous pouvons juger maintenant avec quelque sévérité. Les mesures que nous demandions,nous ne les avons pas obtenues parcequ'une bonne pari d'entre elles ne corres
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2639
pondent plus à la réalité, et les mesuresque nous aurions dû demander, nous neles avons pas demandées ou nous n'avonspas réussi davantage à les obtenir carelles étaient entachées des doutes qui pesaient sur les premières. Ainsi nous avons,parfois volontairement, fermé les yeux devant ce qu'était la réalité: les événements,la politique de nos alliés.Que demandions-nous en effet ? D'abord
des réparations et des garanties de sécurité.
Voyons le premier problème, celuf desréparations. Sans doute, nous avons vudes réalisations ; le service des réparationsa fonctionné. Passons sur les chiffres:
entre ce que nous avons demandé et ceque nous avons obtenu, l'écart est immense! C'est pourquoi, au mois de juindernier, à la un de la précédente discussion à l'Assemblée nationale, nous avonsentendu : « Le Gouvernement n'abandonne
rien des droits de la France sur les réparations ». L'ordre du jour de l'Assembléey faisait expressément allusion.
Quatre mois ont passé. Aujourd'hui c'estle silence, et pour cause 1 Les prélèvements sur la production courante n'ontpas été obtenus. Les démantèlements sontclos ou à la veille de l'être. En d'autres
termes, le chapitre des réparations estclos. On peut tourner la page.
On peut même se demander si ce chapitre ne va pas être rouvert, en sens inverse. Nous avons fait valoir nos droitssur i:s mines.de la Sarre et sur l'ensemble des industries importantes à titre deréparation et de réparations permanentes IPour que ce droit ne soit pas remis enquestion, nous avons obtenu des alliés,totalement et librement, l'accord sur lerattachement économique du territoire dela Sarre à la France et le peuple de laSarre, en sa grande majorité, a suivi.Comme conséquence nécessaire, le détachement politique de la Sarre du reste del'Allemagne a été prononcé et approuvé.Brusquement, depuis quelques semaines,on parle de revenir en arrière. Oh ! on enparle modestement. On parle seulement dene pas détacher politiquement la Sarre del'Allemagne. C'est une revendication allemande, mais certains alliés y prêtent attention dit-on. Mais faisons attention t Dujour où l'on déciderait que la Sarre, endroit, n'est pas coupée de l'Allemagne,c'est le -rattachement économique qui estremis en cause et, avec lui, d'une manière logique, dès ce momént-là les droitsde la France ! Or notre politique en Sarrea été telle, et suffisamment approuvée,pour que nous ne cédions pas!La Sarre n'est pas seulement une répa
ration, elle est aussi une garantie, une desgaranties qui formaient la deuxième série-de mesures que nous demandions. Ces garanties de sécurité n'étaient pas seulement des garanties de sécurité pour laFrance, mais visant, d'une manière générale, le militarisme allemand, elles étaient,elles restent valables pour l'ensemble desnatijns européennes, pour l'ensemble desAlliés.
La première, la plus importante de cesgaranties, c'était le régime spécial de laRuhr.
Après la capitulation, vous le savez, lesAlliés — en l'espèce les Anglais — ont misla main sur les ressources et les usinesde la Ruhr et y ont établi des séquestres.D'autre part, on a prélevé des réparationspar la voie des démantèlements. Aujour-d'hui, on ne le fait plus; le potentiel dela Ruhr demeure extrêmement fort, ej, il
n'était pas possible qu'il en fût autrement.
Aujourd'hui, nous constatons deuxordres de mesures! D'une part, des groupes de contrôle, groupe du charbon etgroupe de l'acier. L'un et l'autre sont lemoyen d'action de la haute commissionsur les industries et sur les ressources dela Ruhr. D'autre part, on a créé, à la demande de la France, une autorité internationale de la Ruhr. Cette institution a un
caractère permanent.Il semble que la France, soucieuse que
la Ruhr ne soit pas restituée à l'Allemagne, ait obtenu satisfaction. En réalité,il n'en est rien.
Prenons, par exemple, les deux problèmes qui ont été discutés cette année:le problème du prix du charbon et le problème de la décartellisation.
Vous connaissez le problème du prix ducharbon. Depuis longtemps le charbon dela Ruhr est vendu aux utilisateurs alle
mands un certain prix, alors qu'il est livréà un prix plus élevé aux utilisateursétrangers.; cette disposition s est, pourl'ensemble de l'industrie allemande, unsoutien " dont on sait, par l'expériencepassée, à quel point il est important.Nous avons voulu l'unité de prix. A uneépoque où nous disposions de tous lespouvoirs, nous ne l'avons pas obtenue, etla disparité des prix demeure à peu prèsce qu elle était!
Nous avons, d'autre part, la décartellisation; c'était une politique non seulement française, mais aussi, au moins enapparence, admise par l'ensemble desAnglo-saxons. Une ordonnance sur laquellenous aurons l'occasion de revenir avait,en 1948, solennellement prévu que cettedécartellisation serait faite. La réalité, ilfaut la connaître! Il n'y a pas eu encoreune seule véritable mesure de décartellisation dans la Ruhr.
L'avenir sera-t-il meilleur i Examinonsla vie de cette autorité internationale de
la Ruhr. La réalité est tout à fait différente de ce que nous estimons nécessaire.C'est une institution qui n'a pas de pouvoir. On peut la définir, en quelque sorte,comme une sous-commission du plan Monnet; elle répartit le charbon par quantitéset par qualités, suivant les grands groupesutilisateurs; mais, en ce qui concerne lagestion et l'exploitation, elle n'a aucunpouvoir. Au surplus, elle n'a pas de personnel. Alors que, dans cette Allemagne,Français, Anglais, Allemands, pour ne pasparler des Russes, ont des fonctionnaireset des employés en grand nombre, il y aune parente pauvre, c'est l'autorité internationale de la Ruhr. On peut se demander si cette pauvreté en personneln'est pas voulue par certains de nosalliés.
Au surplus, elle n'a pas de chef! Voilàune autorité à qui l'on donne, au moinsthéoriquement, dans notre idée, unegrande mission. Nous y avons envoyé unambassadeur, les Anglo-saxons y sont représentés par des personnages dont il nefaut pas médire, mais dont on peut direcependant que leur expérience passée neles conduit pas à prendre des initiatives;au surplus, du fait des autorisations qu'ilsreçoivent, ils n'ont certainement pas legoût d'en prendre 1
Cette autorité sans personnel, sans chef,est sans appuis. Quand surgit une discussion avec les autorités extérieures ou intérieures, on s'aperçoit qu'elle n'est passoutenue par beaucoup de gouvernements.Concluons.; cette, autorité, nous pouvons le
dire, nous pouvons l'affirmer, dans sonstatut présent, n'a pas d'avenir. Croyez-moi: il ne s'agit pas d'une conclusion rapide, car il faut terminer ce tableau parune autre observation. Derrière cette au
torité internationale de la Ruhr, il est uneréalité, c'est l'ordonnance 75, prise le*11 novembre 1948, contre laquelle le Gouvernement français a par écrit protesté;cette ordonnance rend à l'Allemagne ledroit de disposer de la propriété des entreprises de la Ruhr. Certes, dans son dispositif, elle prévoit l'obligation de décartel-liser, mais l'exposé des motifs est plusimportant et on le voit aujourd'hui, alorsqu'à la tête de ces entreprises, sous lenom de séquestres, les dirigeants, ceux quiétaient à la tête des affaires de la Ruhril y a quelques années, reviennent. Encommission, hier, M. le ministre des affaires étrangères nous a dit qu'il ne s'agissaitpas des anciens propriétaires, qu'il nes'agissait pas des anciens magnats, maissimplement des dirigeants techniques, administrateurs, ingénieurs; mais dans biendes cas, nous le savons, les liens entre cesdirigeants et les anciens propriétaires sontétroits.
Nous n'en pouvons douter. Qu'est de- ■venue notre première garantie de sécurité ? L'autorité internationale de la Ruhrn'est qu'un motlSeconde garantie: les industries inter
dites et limitées. Vous savez que l'on avaitdécidé d'interdire en Allemagne un certainnombre d'industries qui, directement ouindirectement, servaient à la préparationde la guerre ou pouvaient avoir un objectifmilitaire. Un texte, signé en avril 1949par les généraux commandants en chef,fixe d'une manière très précise et -trèsclaire la liste de ces industries. Ce papierest toujours valable, sous une premièreréserve : c'est que l'accord récemment signé à Pétersbourg supprime un certainnombre des interdictions, notamment ence qui concerne la marine marchande. Maisil faut aujourd'hui apporter une secondeet plus grave réserve.Pour l'exécution de cette liste, on avait
prévu des démantèlements, et l'arrêt desdémantèlements pose immédiatement unproblème. En voici un exemple. La fabrication du caoutchouc et de l essence synthétique est formellement interdite et,parmi les usines dont le démantèlementest arrêté, une douzaine au moins fabriquaient du caoutchouc et de l'essence synthétique.
Même difficulté en ce qui concernel'acier: il est entendu que la productionde l'acier est limitée et c'est en fonction decette limitation de l'acier que le programme des démantèlements avait été établi; mais un certain nombre d'usines sidérurgiques, et non des moindres, sontaujourd'hui sauvées de la destruction.
N'est-il pas possible d'admettre qu'à longue échéance — je ne parle pas pourl'année prochaine, ni pour l'année suivante, mais pour celle d'après, peut-être,— s'il y a une reconversion de ces usines,reconversion difficile pour douze immenses usines dei caoutchouc et d'essence synthétique, impossible pour les usines sidérurgiques qui ne sont pas démantelées —la liste des industries interdites et limi
tées, tout en étant respectée en droit, nele sera plus du tout en fait. Nous n'avonspas le droit de nous payer de mots. Sansdoute avons-nous une garantie, l'office militaire de sécurité, qui a déjà travaillé, quitravaille et qui travaillera, mais que peut-il contre cette réalité: des usines qu'on»laisse intactes et dont la reconversion totale est quasiment impossible 2
2640 ------~--------~C~O~~~SE~l~L~U~E~L~A~I~IE~'l'~U~ll~LI~Q~Ufi~~S~E~A~N=CE~'~D~U~·~S~D=E=CE=a=ffi=J=lE~19=~~9---------------------. "tes llaranlies dont nous: nous faisions les de mnlliplcs mesures. Les unes •!ta~ent core faite, dont les inslitulions euro· .~hampu;ms ,n·~laient 11as sculc~cnt.d•o!ùrc cxceHcùtes, d'autres beaucoup moms. péennes l'estent, pour la. plupart, sur ·1a t:conouullue. Nous· a\'JOns ausn lt souc1 ùe ·vous avoucra.i·je que je n'approuve pas papier. , certaines garanlies d'ordre politique .. Jo que nous ayons imposé le llaccalauréat vom Jo' bilan. Il est ce qu'il est, mais tel serai-- bref. mais quelques points impor- aux jeunes Allemands de la zone fran· qu'il esl, il expliqua Je 1nalaisa francais • . tanis do;,·cnt êlre l'appelés. taise '1 (Sourires.) · ' Les garanties premières que nous demnn-
. · Au lendemain de la guerre, nous a\·ious Mais notre zone est peu étendue et l'ac, dions, duni cerlalnes · étaient justifiées, ·Jo ùésit· etc ne ll3s·faire seulement du con- lion menée par nos alliés, en dehors de dont ·(]'autres l'étaienl peut-Otre moins, \rôle un inslrument Ile sauclion, mals cette zone, est très Téduite. Au surplus ont abouti, quelles qu'elles soient, à peu d'en faire aussi un instrument de tutelle. elle est close 1 Aujourd'hui, nous voyons l]e chose, ct l'organisation européenne n'a Nous savions que, si•nous voulions !aire cc que représentent, par celle abdication, pas la structure, la valeur, la solidité nccé~er cel ensemble ~o la poJmlation alle- une presse libre, une unlversllé libre, qu'olle devrait avoir au moment ou l'Alle·
. mande t'L ln \'ie internationale. nous avions une radio libre -·libre mats non exempte ·magne redevient une :puissance interna .. · uno lounlc J·esponsabilité. Nous savions de terribles relents du nazisme. ' tionalc .
. 'lue les Allemands !l'ont pas le goût do la Sans doute- M. le ministre nous le dé· Ce hilnn, nous y,ouvions Je faire 11 y a t émocf3tie, qn:ilo; sont anim~s pnr une c1nrait hier à la commission - nolis avons · d' '1 ' t ·1~ t lla< .. S!.Oll ùr. ]mi.~sancc nt d'expansion, con- 1 1 1 un mois. AuJour mil nes pas comp e.
~ é l' . des observateurs <ans ous us " pays· " Nous avons récemment en!endu, dans un tmim nu n'gnc rie la liber! po 1l!que, nous - ne disons Qlas Etats, - mals qu'est-ce ciel 4u1 depuis longtemps n'est plus scsa\'ions que J'étlucalion nazi~} :.waitaflermit qu'un obsefvateur, quelles sont ses ins-_ rein un nouveau coup de tonnerre. On .a an moins chez tous les jeune~, cette pa~- tructions, q,uels seront ses pouvoirs? ~1 parlA d'une armée allemande. 1\1. Je mision de 1mi.ssance rn leur incu16uant, en :renseignera, 11 ne pourra pas tatre grand- nistrc des aflaires étrangères nous a dit, et. oulre,.le dédain )Jour tous les m ·ca nismes chose. Sans doute, à la tête de notre zone, nous Jo croyons, que les ministres des a!tlifficiles ùc la ·\'Ie tMmocJ·atiqnc. nous avons maiutenant un haut commis- !aires étrangères n'ont pas parlé de l'ar-
A ces soucis anciens s'en c~t ajout~ un, saire. Mais est-il aub·e.chose qu'un négo- IDée allemande. JI nous a dit aussi hier <l'ordre social, infln!menl plus grave. Cette ciateur, qu'un consP.illrur, autre chose 9u'il était mauvais d'en parler. Mni; huit Allemagne ocei<lcnlr.lc no comprend pas aussi qu'un gendarme, lorsque· la )'ui•- JOurs après la ~rernière déclaration de seulement les 35 millions· à 3~ millions sance occupée nlanqnc d~ respect à la 11uls- M. Jo ministre iles affaires étrangères, !l'habilants qui s'y trounicnt déjà. Ello est sance occupante 1 nous avons entendu Ja radio, dont nous encombrée nnjourù'hui par 10 millions au . Ce n'est pas assez, je Je crainS, pour savons qu'elle est officielle, nous dire fN8 moins de rNugil·s Yenus ùc l'Est, Alle- faire œuvre vraiment utile aujourd'hui ct l'on envJsagcoit, à 1 ..... suite des conférences man<ls chassés de l'Allenugno orwntalc, accomplir celle tAche d'ordre social, d'or- d'étal-major, une armée etJrop~cnne avec cxilê• \'olonlaires ou expulsés •Jlar la lorce: dfe politique et d'ordre édue-1\i! qui élait 200.000 volontaires allemands. Cela a élé une populalion flollante à la recherche ~pendant une de DOS garanties. dit à l'émission officielle de la radio fran-.d'nn ùOJniciiC', Llo. nourriture ct de travaiL Df.ef, l'ensemble des mesures que la çaise. Cette silun.tion sociale rendait infiniment . Jlllls di!llcilc ln tilchc ùc tulclle cl do réé!IU- Franco a longlemps demandées: répara- Soulemcnl, rour· livmr une armée OUI'O• C:llion qui élait ccpcnd:mt ):our nous une tians, Rhur, démantèlemênti, les garan- péenne, il fau une autorité européenne at
1. lies·démo!Vaphiques et politiques, tout cola co n'est pas le conseil da l'Europe qui garantie, en tout cas un cspoh· de garan le. s'est cftnté ct, pour la plupart d'entre peut s'eP- chargb'!'. n en est incaP.able
Qu'avons-nous fait 1 Un des points de elles, nous dc\·ons enregistrer un échec. d'abord cl son sla!.ut le lui interdit. Si notre programme était de nous occuper -)'on crée une armée curop'éenne, en réa .. de l'émigrJtion, considérant comruo 1m- Cet échec - on nous le dll aujourd'hui lité ce serait un congloméra) d'armées na-
lm5sib1C', à J·u::lc tilrc, Je maintien, de - est M.t à 1a nécess\té de la reconstruc· Uonalcs. Chacun sa vérité 1 les Russes ont 'autre ccl lé u llhin, de fiO millions d'ha- lion allemande: nous le concevons volon, ••mstitué une police -
1 les Occidentaux
hilanl; sm· un tcrriloirc d'à peine les deux lieJS. Alors 1 Alors Il 1 a la politiqua eu- conslltucraient des vo ontaires pour une tien de la France:!. L'orga11isalion interna- ropécnne. L' Allem:tgne, en se relevant, ns armée européenne. Les mots risquent de lionale des réfugiés s'est occupée des per- sera pas seule. Elle \'a 6tre encadrée par cacher une réalité semblable .. sonnes déplacl'l!s: c!uclques cenlaines de l'ensemble des nations européennes grou-
1 .1
, l" li ) Juil:c-. Mai.:; le ph,1J êt.ue ùe.:; milliu11.:; de pécs d~ns le Conseil de l'Europe. Qnnn( 1 s agil de n cmagne. tout o rHu
0niê_,, la r,Jupart ,allemands, le pro- A (\ li tl , 1 i monde est responsable, non pas sculelflent
,. cou.p s r, ce e lese, en son pr ne pc, un ministre, ou un gouvernement, mals JJiùrno de celle surpopulalion sur ce ter- est bonne. L'Europe, certes, n'est JIUS une lo l'ar!cmcnt el la nation toul cnUI:re,
. riloir.e trop élrnlt n'e;t pas du tout ré- p,anncéc pour tous nos maux, comme on N - 1 d "l d •olu 1 On en JlJI'ie peu ·auJ'OU!'ù'l!tll·, llla!·, d't 1 . 1 Il t . t 1 ous no < evons one \Jas t: u er nos res .. ,, " e 1 par ms ma s e o es un ms mmen b'l'l' 1 1 J d 't d e (l "n' deux· ou tro!'' ailS, Oll en l'•"rler,• é . d t dé! t Il t . r.ansa 1 1 t:S c nu na e rOI o s
... .. oJ .. ,. n ·cessa1rc e. no re cnse e e c es auss1 1 > 'l' beaucoup. C'est une situation impossible un excellent instrument contre cette déca.. lOrner ~ en Iquer. que celle e;·oée par cene populalioll !le ré- denee europ6cnne qui nous atteindra à Depuis trois ans que voyons-noua 1 Nous fngiù•, pOU!' la plupm·t sinistrés, chômeurs coup sllr, 51 les nations do l'Ouest do J'Êu- voyons une politique russe ct une pollli-pour /Jill:) d'un mi!lion de '!1CI'3onnes, fn- rope restent divisées. que amér·icainc qui, tontes deu'!t tendent caJHt~J cs do trun\'cr mi·mc un ll'ayail par- a reconstiluer une J\Jlcmngne. !'lous con~ lit~l. · Mais, comme l'autorH6 inlcrualionale de naissons les ohjectHs. de la politique
la lluhr, comma Jo !édé!'alisme, cette !lu- l'ljsso, ses méthodes ct nous savons quo nu .social. passons ,1U roliliquc. Nou;; ropc n'est qu'un mot. ni sur les uns, ni sur les autres nous ne·
avions une lhese, le fédéra ismc. Elle ûlait !ln aoM w49, dans deux villes du Hhin, pouvons beaucoup influer, lmnnc sous certains da ses aspects, mau-vnisc som; d'autres. Ella aY:tit au moine; à Strasbourg et à llonn, deux parlcmcnls En cC qui conceme ]a nolitiquc amérl· uno Ycrlu 1 celle ùe meUre l'accent sur un ont éM t·éunls: à Donn, le premier ·parle- caine ct, d'mio manièfc plus gCn6ralc, la. fait d'expérience. Dans un pays hostile ment de I'Ailema~no <le I'Ouesl, à Stras- llOiillquo do nos alliés, Il en va diflérempar tempérament au mécanisme de la vie bourg, lo premier parlement de l'EurojJC, ment J.a Fr~nco doit pr~tcr uno atlention démocratique, le rélah:issemcnl ùes Il- Quel est celui '/ul a lait un travail solide 7 particulière à la politique américaine. hertés Jocalco à l'inlériour de réglons li- Co n'est pas 'asscmbléo de Slrashourg, Nous savons quo chaque lois <JUO · la milécs
1 d'Etal; "''X !ro'nlièrcs élro1les per- c'est colle do llonn. El, quand l'été s'est Fra!lco sc lrouvo en di!flcull~, qu'il
met e permet ecu! l'iniliallon •Jlrogres- terminé, on a pu voir, d'une pari, uno s'agisse d'une dlfflcul\6 milliaire, poliJIsivo au jeu difficile de la liherlé poli- Allcmaguc qui avait reconstitué une struc- ~uo ou flnnnolère, elle dol! sc tourner de li que, do .1~ vic parlementaire. En co do- turc i!OIItique, uno structure gouvcrnémen- 1 autre côté do l'Allan tl quo ol, !lous samaine, on a tout abandonné. L'Ela\ alle- laie, ct d'aulro· part, uno Europe qui en vons - nous en avons maintenant la ccrmand est rede\·eim un Ela\ centralisé, était très loin. Cet échec cruel du premier !:tude quasi expérlmentalo - qu'Il n'y a avec, en fait, un seul parlement et un slalul do l'Europe, co n'est pas sculemwt do sécurilé, qu'il n'y a d'avenu, oour seul gouvernement. Il faut Je voir, co mol <JUI vous le r6vèlc, mals M. Paul toulo noh·e politique, quo par une union parlement, Il faut voir à quel point toul lloynaud, M. André Philip à l'Assemblée étroite de l'cnsemhlo des démocraties !orce que nous considérons comme _le mé- nationale. géo autour de l' Atlanliqno. Mals l'amitié, canlsmo de ln llberlé n'est pas encore 'L'un ct l'autre, à cùt6 .de cc premier rilnls la rcconnnlssnncc ne condamnent üans le sang des parlemtmt:Lires alle- l:chec; ont soullgn6 celui do l'organlsallon pas au silence ct ue doivent pas être l'ac .. mands. lis ont plus le gOI'tl du pouvoir économi<JUO de coopération, laqucllo n'a cepl.•lion de Ioules les dircchvcs qui ins-,quo Jo souel du respect des mlnorllés. IJaS ct de loin réallsù l'onscm~lo de sa mis- ph·cnl la politique américaine. ,
Du politique, pa~sons au culturel. l'ious •lon. Ello n'a pns unifié les économies cu- La Franco, d'autre par·! - et cela Il faut nous sommes préocr.upés de la rééduca- ropéennes. Elle ost mOmo h•ès loin du but. lo dire au~sl - ne pen! pas s'opposer à lion do la jcuncsso allemande. Nous On peul donc dire que l'Allemagne va ln reconstruction allemande. Sans doute,
. j'avons tcnl~e dans la zone !ran~aisc, JWI' .entrer •Jans une EU!'OJle qui n'est Jl3S en- on ne doi.l rien oub!lcr, !léccmmcnl il y
CONSEIL Dll LA fillPUBLIQU:-: - .SilANGil DU 8 DECimonil 1940. 11641 --~------------2·--
a cu, en AUemaJ;ne, une réUnion of0cie1~se · de l'rançais el d Allemands. Lés Allemands .ont _par16 de l'occntlaHon fram:ttise, r!c l'ot·cupnlion anglaise, de roccupJUon amêricainc. II Jlarait que tes Franç-àis n'ont :pas pa'tlé de l'occupation allcu1anùC: Il me SCIIIhlc que· c'est un tort. Il f;mt en par]cr. Il ne faut pas l'oubli_cr: Nous n'ca avons }l>< le droit. Nos morls, nos martyrs sont prt·~ents en nous et doivent le demeurer. fi faut d'autant moins !'oulhlier_(JUC, ]e cas échfant, si ·elle tJevait recommencer, l'occup;ltion all<!mande rc\·NiraiL un caractère
· semh!ablo à ·cel ni que nnu3 lui a\'Ons cou nu.
(;cs souvenirs et celle certitude de doivent pas s'opposer à une politique nécesstlil"c, lfUi est tout:\ fait claire: l'Allemagne :est devenue non par notre volonté, mais pn.r-d! que cela est et qu'on nous l'a lm posé, la première marche de l'Occident; ,tcllt~ est la vé1·ilé, la réalité. Nous n'avons lpas le droit, sons prétexte d'aulres senti· DH"11ls, de le uier aujourd'hui. Voilà qui mi-rilcrait, pitti qu'on ne 1\t. rail, d'être <Hl\"C!"lement atlirmé et expliqué. Le con~r:tirc serail de l'inconscience. t:cssons donc ~l'l·lre silencieux vis-ft-vis tlc nos alliés, et tnennscicnts vis-à-vis des graves prohlè;m.r$ que pose la nécessaire rcconslmclîon rall,•mande. Nous sommes alors conduits à :C•n is::tger deux flireclions d'aclion: l'un~ ncr:tit un retour en arrièl'e sur cc ffUe nous avons déjà accepté, l'autre .plusieur~. i.(l:ts en avant.
Il faut revenir rn arrière. Nüus devor.s 'mellm l'accent sur notre intérH à R\"Oir de~ garanties t(Ue nous considt.'·rons comme ~s:.:culiellcs ct fondamentales, sans lcs~uelles toulc po1iliquc risque un jour on ~ aulro de l'cde\"cnir dange1·cnse, ((UelJcs tJuc solen! les raisons qui la lllOti\"ent.
V1 premii.·rc de ces ~:u-an1ies c'est le .-égime ~péeial de la lluhr. Je m'excuse d'rn reparler, mais l'affaire en vaut la &lcirae. C'est au cours des moi::; qui vicn:tcul que l'oriflnfatinn dérinitive ,.a être prise.
On peut et on <loit 6tre r,arlisan <le la l""l'''iété prirée el de la hiJc>·té d'entrealn·i::c. On peut égalcmcut ôlrc {mrti:;an. de J'a nnlionnJisntion des rcs50lll ces iruporlaulcs, mais, s'ngissnnt de la nuhr
1 ii ne
)?cut être question ni d'un rclollJ' ;\.a .Jll·oI>rii•tô !>rivée, ni de l'acceptation de ln nationalisation allemande de la J>ropriNé ~~ •le l'exploitation.
Il 'f a deux -raisons pom qu'il en soli jlin.-i.
I.a .prcrnière,·c'csl que l'cnsemiJlc de la 1\uhl', avec ses ressources miuitres ct ses indu::;lrics, constitue uu arseual uc [UCJTC !Qu'••!• n'a ~as Je droit de mettre à la dis[I.JO~ition, dtrcctcrucnt ou ill(lireclcment, il'nn gouvCJ·ncmcnt allcmaud.
I.l'autro part, si nous \"OUlon::; crt'!cr une ~nwnisalion ClliOlléenne, il raut lui don· ncr nne rich('sse, une hase d'nctlou r.L de &lOU\*OÎr, J.a fillhf CSt la JII'CrlliÎ'!'e richc~::;c sur laquelle une autorité CUJO]Jl·cnne peut lli•I'IlYcr son aclion.
1.11 solution française IJlli était ·rintca·· tl.alionallsalion de la fiuhr, lfiiC 1u111s a\'ou:: ,trop aiJandonnl·c, doit être tcpl'isu s;ws ~ar.lcr, au moins en pal'lic. Il 11c raut (Ja~ Se rontentçr d'une aulm-ité chargée de rt'!CPttrlir Je charhon sni\"aut t'a qualité ou lnth·anl sa quantité, Il Iaut un coutrùlc da la gestion, un contrôle de l'cxpluilalion ~cs cntre\triscs. Il raut, nu nwiu.-., un c<m•rlill: sur a iH'opriélé,
O·• dit: ne ,·ous engage?. po< tians ~ottc [Voil' Mr cc sera pour 1:. Lonaiuc 1111 m:III\Vtli~ L'Otnrnenccru('nt. On n'a .pa~ Je di'Oit, l!O.ur .uno menace hyopotbéliquc, uo re·
créer immédiatement 1·urn .menrice, réelle.· .Au snrplns, on peut faire la ùiffé1:cnce. La Lorraine n'est pas .. nn arsr.nnl offensif comnie Liepnis JS;j(), et .JIOllf trOÎ$ guerres, la Huhr a été un •. rscnal Ile préparation à Ja gnenr-. Et puis, nyons 1e eO\trage de Je dire ct. il faut accepter les. exigences ùe sa politique quand on la juge bonne 1 Si \'ons voulons une autorité européenne, il en rêsnllr un cerl:1in nomhre de conséquences, et si dans vingt-cinq ou dans trente ans, un ccrtnin nombre de rcssonrces minières, mf:me fron~nises, doh·cnt t:trc intc&-nntionalisfes:, il n'y a :pas de quoi s'émou\'uit·, car ou bien on reut l'Europe, ou hien on ne la vent ipas. mais si on la veut, il raut la vouloir a\'ec ses conséI[Uences. Mais on 4>eu1 fort bien, et c'est une thèse exçellcnte, atrirmer que J'intcrnalionalisalior\ de la Ruhr doit Hrc immédiate. Quant aux autres, on .en reparlera •Jnand l'aut<ll"ilé européenne sera une réalité et apri-s exp~rience.
~fais j'insiste, il ne faut Jl:ts tarder, car, comme jr \'Ous Ju disais toul à l'heure, st nous avon . ..; Ja volonté cJc faire que l'nu·' torité lnlernalionale de la lluhr ne soit )las, je u'excuse (lU rnot, la plaisanterie IJU'cJin ,.,, nnjonrd'hul, c'est maintenant I(U'il f:mt ;;~;1·. Uuns quchjues mois il sera tl"op tar·oi. t'ensemble de a direction alle· .rmmdc de la Ruhr am·a repris_ sa ],lace ct l'aulurité internationale, par suilo de l'absence rte pouvoil"s, de chef et de personnel, aura pris place dans cet cnsemhlc de figurants ilont on croit, avec candeur ou hypocritement, qu'Ils font quelque chose, :1Iors qu'en vèrilé ils ne servent à •·iun! (!lp-pltllldis.•cmcuts sur les baucs supérieurs de la tlmUc, tlil centre ct de la yauclw.)
lln même temps, :1 faut en\'isagcr Je problème des cnh·cpriscs f(Hi étaiunt insct·itcs slil" les listes de démantèlement cl qu'on ne dé.rm111tèle plus, till moins envisager certaines d'coire elles. En cc domaine, on nn opcut tr~p rrlli<tucr le Gou\'crnemcnt. Les démanll:lemcnts étaient Jlossihles en 1915, en 191G ou 1917; ils ne lu sont plus ou prcstJUC plus en 1!119, encore moins en 19:>0. I.cs l'CSIIOHsahiliMs ne sont pas dans le Jlléscnt, elles sont dans Je passé. Cc· vendant, il nu raut JJaS tolérer, comme fJOUr la Huhr, <tue les Jtrinci))a)es cnlrc· Jlrisos <JUC l'on ne démaulèle 11lus rc\'icn· ncnt thl'cctcmcnt ou hulil·cclcmunt à la puls~ancc allemande. Pour tes rn·incÎJJ:Ilcs d'enhc elles, celles fJIIÎ ne ~ront pas re~ com·cr ti es el <tnl lnh>·ir1neront les produits f(UC hier encore on jugcnit dangereux. il ruut égnlcment un régime international. tl faut le \'oufoir, ct llOUS a\"OIIS Je droit de l"ouloir cette inle•·rmtionatisation, ct ju ne parle Jlas seulement des im·cstisscuwnts de cn/'itnux, c'est ·prc~qnc ~~con· dai re, mais (cs sociétés dont Ja direction ~oit uuc direction européenne.
La flul1r a ccrln.ines iodusttic::; complénwntait·c~. I.:'t nous a\'ons lu dcvoiJ' de 1·cvcnir en az1·ièrc ...
An deiiHHirnnt, il t;mt .:tllcr <le l'aw•nt. On a I'Clllis en causr., dous les eom·er~n· lion~ du mois deruicJ', ct lûs ncconls de Lonclrrs de 191~. ct les doetuucnls ~ignés iL Uerlin ù l'elle IIH~mc l-poqun, cl tes :u~~~fll'lh; dr, "'ushing-tun de HH!J. On 1~st nllt1 Hll tlt>l;'t dr. t'C tlu'nu H\'tdt dl:cidé. l'onntw'i t1f! pas nllf'l' :til dt•l:'l de <'f! 11111 a éli! tlt~ddé a l.olldrr:: c·n HIHJ f!ll re ((tti •:nncCI'nc ln ~tn:ut de; I'EIIHJ(IC ? Toul :;c tient, en flfh~l.
r.e IJIIC rlll'IS I"OIIIons, et CC CJIIÎ c<t ll~rr.>s~irc, r'c<l unr. ri·nlil6 CIII'Of•!:clll>~. Encore uuc Cois. l'Euro1or: u'~sl l"" uur. p:tnacér, ruais elle csl tu'·rt!~S<tirc à notre délcusc, elle est nécessairç Il la saul"c-
g>rde des Etats· curop~ens. J.a ra pi dito! du rclù\·cmcnt allcmnn1• exige <)Ue l'cn:rcprise européenne ume plus vite qu'elle n•est alléu justjn'à présent. JI faut IJU'eile aille plus vite. Il raut lut donner d'ahord une compétente rêclJc. Il n'est p~s admiSsible, J~<'lr exemple, que l'orgnnisalion euro· J>éennu ùe coopération économique soit. rndépcndantc du Conseil de l'Jlul"Ope. Il n'est pas admissible, h la longue, quo J'orgnnisalion Ile la défense ~m·opéeune ne·~oill]'os ùe Ja compêt~nch de l'autorité.
J>olititJIIC européenne. Il ne faut pns senement élargir la compétence, mais missi
ses l>Oll\"Oirs: l'autorité européenne doit avoir le droit de commamlur en certains domaines, ct toutes ses décisions ne dol· vent pas perp!Hnellcmont être remises en !\ueslion par le moindre gou\"crnement. Enfin, une nouve11e organi$3lion! nes cadres et dCo! lnslitnlions sont néce>'&ires et tion pas cette apparence que l'on 1 constitué•.
!.a rapidité du rclùvemr.nl allemand ne nous permet pos d'ntlcnù1·e. Je crois que l'on peul dire qu'on n'a .pas lu droit da taire entrer l'Allemagne rians le r.onsell do l'Europe tel qu'il est nnjonrd'hul, cor il no rcprê~ente pas un cntlre. 11 \1!=l encor& un espoir que chnquc jour ùéçoit ùnvan· tage.
Nous voulons donc une \"érital>le E"r·op&. Tel est Je premier point. (Applnutlissemmtls.) Négocions nvec l'll'S alliés. En nu'mo temps il raut montrer l'exemple et r.cci est un deuxième point,~~ nn point difllcilc. Ge sont des n(·gocialions directes avec l'Allemagne IJUi pe•11·eut permettre de tlmuuw une n;alité à l'or'-'<misation euro .. p1!ennc. Nous discutons ave!! d'antres pays. cl sans doule parce 'lUC cr.s discnso;ions n'aboutissent pas à grand-chose, on leur dorme à tléraul ùcs uoms genlils ct amusants. )lais cc n'est 11as sérieux. Ce qui est sérieux. cc serail nue entente entre l'~co~ nomie h•an~aise et l'économie aHemanl1c. Snulcmcnl il ne f.1ut )Jt\s lonlc1' car si nous tartloJts, notre posilion sc1·a mafaisée!
I.e relùl"r>ncnl allemand l'l'end une ca• dcnco nceèlér·éc, les lndustl'>cls a!!èmands n'O!ll J>~s de ehar·gcs de défense nationale ot Ir' f>·nis d'occupation <Jill tes remplacent di;ninnt'nl ~hn•tne j.:mr. te$ Allrm:uuls o!ll, (!g:llcment. moi_ns de charges sociales. S1 nous voulous, non J)nS sculrmcnt .des nccord~ commerciaux, des nccords d"{:ch:mge, des accords de troc, mais des entente.; sur la production, des entrntcs sur- les nmrrhéf:, il raul dire aux indus· h·ir.ls fl'lrll':.lis d'cntrr-r en contact tout dn .;tJitc, snu:; Je conltble <ln Gou,·crncrnent ol en aJ>J>!i<Jllant les dircctil"cs du Golll"crntHnellt. Il f:111l s'rngt~"rr clans cr.tlr. voie. Si l'on ne s'v engage (ta~, la n(•('r~"ilé nons y cnu.lniJ'a duns den x ou trols ans ct notre Jrositinn ::rra .lltir:; Jlius délicate el nolro pnsiliull l'iSIJIIC di•IJ'C hr-:11W1111p lllfiÎIIS f;n·~ rahlr.
Xnns !"liiiTions préscuter les mi:tiJCS ré· rtcxltllls au sujet du prohlCHIC culturel. A lui seul •!C~ pr·ohh'•me Ytllllh'ilil un discnnT! lulli cut;c,·. Si Vl'ilimcnl nous voulons I•Jo:u. l"OJ)C, JI()IIS rJP.\"UIN fot:I\'OÎr CJII'CifC rCJ)OSC sua· Ir. •:onlitwnt ~m· deux piliers, la Fr·uuce
·ct 1'..\llmn:•~ne. l'ni~fJih~ nous n'a\'ons )Jtl9 r(~u.,~i rm muy1~1111r.mcnt réussi au lemps de J•cu:cupalinn. nwinleH:IIII, lmr lt!s échnugcs II'Nu•litlllt~, les échaugcs 1 c jennr~ inf'IIIU· tc~urs, Jt:u· iles raJtfJI'IJfhc.>menls c.>ntl·c les tllti\·m·.;itt~::. nous IWII\'ons. unu~ voulon~ c.t IUHIS !Jf~\'UII:; f:til'e fliiHfiJIIe thfJ~(' .. ,
Xou• arril"ùns là au prolJII-mc le plus ~If, rkii1•. t'at· il lW suUit /1:1:; tl!! \'•liii•Jh' l'l'$ llt!god:llinu", il lU:! sll Ill 11;1s. rln \"Uttloir une ,.éa\it6 curoJ>éeuuc, Il faut s"'i. pl·é.·
h
2642 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
parer et sur ce point il est certain que laFrance n'est pas préparée.Politiquement, c'est un grand problème.
La faiblesse française compte pour beaucoup dans les inquiétudes que nous avons
,vis-à-vis du relèvement allemand. Nous nesommes pas les seuls à sentir cette vérité.Sur le seul problème économique,
sommes-nous prêts ? On sent la nécessitéd'une libération des échanges. Il faudraitavoir une politique agricole, industrielle,sociale, en fonction de ce que nous considérons comme une nécessité. L'avons-nous ? Poser la question, c'est la résoudre.
Mesdames, messieurs, j'en ai à peu prèsterminé. .
Reprendre la dischssion sur l'autoritéinternationale de la Ruhr et sur certaines
industries interdites et les repiendre toutde suite; demander des modifications austatut de l'Europe et tout de suite; entamer des négociations économiques, et sansdoute culturelles, directement avec lesAllemands et tout de suite; tels sont sansdoute les conseils qu'une assembléecomme la vôtre peut donner au Gouvernement.
Elle peut d'autant plus les donner qu'ungouvernement qui prendrait cette attitudefermement et qui n'en démordrait ipas serait certainement très fort dans une discussion internationale.
Lorsque le traité de Versailles avait crééle couloir de Dantzig, beaucoup s'étaientdit: le traité de Versailles a créé la caused'une future guerre. -Lorsque les accords de Yalta et de Pots
dam ont divisé l'Allemagne en deux etdivisé Berlin en quatre, on Jieut estimeraussi qu'ils ont créé un risque de guerreauprès duquel le pauvre couloir de Dantzigapparaît comme faible, si on peut dire !Laissons faire. Si, dans un an ou dans
dix-huit mois, ce gouvernement ou un autre vient reconnaître, ce qui est possible,que l'autorité de la Ruhr n'existe plus,f'ayant plus de rôle à jouer, s'il vientfussi dire qu'en fait il y a une reconstitution de l'armée allemande, nous aurons.— et je suis persuadé que le chemin oùnous sommes engagés, si nous ne nousarrêtons pas, nous y conduit peut-être rapidement — nous aurons reconstitué aucentre de l'Europe une véritable poudrière.L'Est et l'Ouest sont divisés, profondé
ment divisés. Mais il y a un risque etpour l'un et pour l'autre à recréer unepuissance allemande. L'une et l'autre desparties peuvent le craindre et le comprendre et, vous le savez, il en est une quipeut le craindre plus vite que l'autre.II. faut donc que l'arsenal de la Ruhr
soit européen; il faut que l'armée occidentale, le jour où elle' sera, soit une arméevraiment européenne, dépendant d'une autorité européenne. Le potentiel de guerrene doit jamais demeuier sous une autorité allemande. Ce que nous devons éviter, c'est que l'État allemand commandeun arsenal et une armée !
Or, je le dis comme je le pense : si nousne réagissons pas; nous sommes sur unevoie qui, dans uman ou deux, nous conduira à des réveils -douloureux.
11 est tard, il est sans doute très tard,mais la France se doit de rouvrir des négociations. Ce sont vos partenaires, monsieur le ministre, qui vous ont demandéde venir à Londres en 1948, de venir ;'iWashington en 1919. Ils sont venus voustrouver à Paris le mois dernier. A votretour de leur demander de se réunir. L'ordre du jour est simple: les seuls tex-les 1jïu'on-ne vous a pas demandé de modifier
| dans les dernières négociations, le statutet l'autorité de la Ruhr, le statut du Conseil de l'Europe. Ce sont deux textes dontl'un doit être transformé complètement etdont l'autre doit-faire place à un statutabsolument nouveau. Si, dans quelquesmois ou quelques semaines, vous vousprésentez, avec une autorité internationalede la Ruhr qui soit sérieuse et d'avenir,un régime des industries interdites donnant toutes garanties et si, d'autre part,le statut de l'Europe devient une réalité,un véritable statut européen, ce jour-là,nous pourrons dire que la politique française, malgré ses hésitations, malgré sescontradictions depuis quelques années,aura réussi, autant que l'on peut réussirdans un pareil domaine.Seulement il faut agir, il faut agir vite ;
il y a trop longtemps que le peuple etl'opinion ont le sentiment que nous demeurons passifs. Il faut que le Gouvernement quitte cette passivité dont il ne sortque pour démentir ce qui a été dit sixmois auparavant !Récemment ont paru en librairie les car
nets du premier pilote de chasse de laFrance libre, le premier Français à qui lesAnglais en 1942 aient conlié le commandement d'un de leurs groupes de chasse.Le général Corniglion-Molinier l'a bien
connu. Ce jeune Français fut tué en 1943,et ses carnets sont posthumes.Voici la première page. Elle porte la date
du, 17 juin 1940: « Un grand dégoût mesaisit pour les vingt années écoulées depuis 19-18, où nos hommes politiques ontdonné au monde le spectacle de leurs querelles et de leur incapacité. Voici aujour-d'hui le bilan de leur œuvre. Pourquoidonc se sont battus nos aînés ? »
Le commandant Mouchotte n'était pas leseul à penser cela en juin 1940,Si nous ne 'faisons rien, si nous n'arri
vons pas à convaincre nos alliés, prenonsgarde que l'histoire ne nous juge aussisévèrement! (Applaudissements sur ungrand nombre de bancs.)
M. le président. La parole est à M. Berlioz.
M. Berlioz. Mesdames, messieurs, toutrécemment, à la fin du mois de novembre,l'Assemblée nationale a consacré une se
maine à un large débat sur la politiquede la France à l'égard de l'Allemagne elde l'Europe.Si, aujourd'hui ,M. Michel Debré de
mande à M. le ministre des affaires étrangères des précisions sur les direct: s etmoyens de cette politique, c'est, il nousl'a dit et il nous l'a montré d'ailleurs.qu'il n'est sans doute guère satisfait desexplications données, il y a moins dequinze jours, par le Gouvernement, ni del' ordre du jour de confiance mêlée debeaucoup de réserves méfiantes, qui futadopté en conclusion des interpellationsdans l'autre assemblée. .
Cela n'est pas pour nous étonner. '^'rescomme avant les interventions de M. le
ministre à l'Assemblée nationale, tous lesorateurs de cette assemblée avaient exprimé de vives craintes ou tout au moinsdes doutes très graves quant à l'efficacitéde la politique gouvernementale en matière de sécurité et de défense économique de notre pays.Ils traduisaient ainsi, chacun à leur ma
nière, — elle «. été exprimée aussi il y aquelques instants par M. Michel Debré —une inquiétude générale et croissante du.peuple français devant un danger allemand renaissant à cause d'abandons suc-
cesifs de nos positions nationales.
De la droite à la gauche, nos collèguesdéputés ont formulé des critique et demandé des assurances au Gouvernement.La majorité elle-même a tenu à faire figurer un catalogue de garanties dans l'ordredu jour voté le 25 novembre. Celui-ci, eneffet, invite le Gouvernement à fairepreuve de vigilance, à prendre des initiatives^ Il rappelle formellement des exigences antérieures du Parlement. Il propose que le Parlement soit mieux informé,etc. Vraiment, il n'y a dans cet ordre dujour, nul enthousiasme, ni même beaucoup de tranquillité, quant à l'avenir.On peut se demander si cette accumula
tion de réserves et de réticences était destinée à fournir à certains un alibi qui leurpermettra de dire dans quelque temps,lorsqu'il seront en présence de nouvellesviolations des engagements ministériels:« Nous n'avons pas voulu cela. »Toutes ces hésitations sont peut-être bien
des habiletés propres à masquer devant lepays ce qu'on n'ose pas lui dire ouvertement de crainte de soulever sa colère.
Toujours est-il que des précédents fâcheux nous autorisent à affirmer qu'unordre du jour de ce genre ne constitue pasla moindre barrière à la poursuite dépourvue de franchise d'une politique extérieure néfaste à la France. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
Qu'il me suffise de rappeler le textevoté, à une toute petite majorité de septou huit voix d'ailleurs, le 16 juin 1948, à lasuite du débat à l'Assemblée nationale surles accords de Londres, et qui contenaitdes phrases de ce genre :
« En réaffirmant la position française surla nécessité d'une internationalisation desmines et des industries de la Rhur... ».Plus loin : « Réaliser l'expropriation desanciens magnats-... ». Plus loin : « Assurerle payement des réparations qui nous sontdues... ». Plus loin encore: « Continuer derechercher un accord final à quatre surle problème allemand... ». Et, enfin:.« S'élever contre toute décision qui s'écarterait de ces principes... ».
Autant en emporte le vent, le vent quisouftle de l'Ouest! Comme nous sommesloin de toutes ces réserves approuvéespar le Gouvernement !Nous ferons semblable constatation en
comparant l'ordre du jour du 2 décembre .1948, à propos du régime de la Ruhr" à laréalité d'aujourd'hui, telle qu'elle a été
-assez bien définie 'avant moi par M. MichelDebré.
A chaque discussion, en somme, leschoses se répètent. Les représentants dupeuple ou sincèrement ou pour se trompereux-mêmes, ou pour que soient trompéesles masses populaires, font état de -périlset de menaces qui sont dans l'air.Le Gouvernement dément, présente ces
actes comme étant absolument innocents,et puis, un beau jour, on s'aperçoit quece qu'il a nié est devenu une terrible réalité parce que, même en supposant — et .ce n'est pas mon cas — qu'il ait de bonnesintentions, il est pris dans un système quile fait toujours s'aligner sur des positionsaméricaines, les positions d'une classe quine songe qu'à sa survie au détriment del'humanité tout - entière. (Nouveaux applaudissements à l'extrême gauche.)
C'est ainsi que subsiste, et prend chaquejour un tour plus grave, le problème allemand qui, depuis si longtemps, domine lavie de l'Europe- et qu'on pourrait résumeren ces quelques termes: « L'Allemagnesera-t-elle un voisin pacifique ou agressif ? »
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2613
M. Georges Laffargue. Elle 1'a été pendant le pacte germano-russe.
M. Berlioz. C'est un problème capitalpour la France, qui a subi trois invasionsd'armées allemandes en moins de troisquarts de siècle, invasions dont la dernière
[ a bien failli être mortelle pour elle. Maisc'est aussi un problème capital à l'échelleinternationale, où il est évident que beaucoup de destinées du monde entier dépendent de la réponse qui pourra être faite àcette question: l'Allemagne viendra-t-elleen renfort au camp de la guerre ou aucamp de la paix ?
M. Pinton. Où est le camp de la paix ?
M. Berlioz. Nous ne croyons pas à l'éternelle Allemagne, nation de proie. Noussavons aussi que le fascisme bestial qui a
• dégradé le peuple allemand n'est pas unphénomène racial, mais un procédé dedomination de classe, qui peut faire sonapparition dans les pays les plus divers.
M. Serrure. Pas chez nousl
M. Berlioz. M. Henry Wallace avertissait, il y a quelques temps, les Américains que son pays marchait rapidementyers une forme de fascisme.Sans entrer dans des détails qui ne sont
- pas de mise ici, nous expliquons l'histoireide l'Allemagne essentiellement par ce faitque l'État allemand moderne, l'État nécessaire à la grande production capitaliste,n'a pas été l'œuvre du peuple allemand,mais, celle de Bismarck, des Hohenzollern,et des groupes sociaux réactionnaires quifaisaient la force de la Prusse.Seulement, quand les circonstances ont
radicalement changé sous l'cfle.t des dé-I faites militaires qui secouaient totalementJe pays, c'est-à-dire une première foisaprès novembre 1918 et une seconde foisau mois de mai 1945, il semble qu'il étaitpossible alors de résoudre la question allemande dans le meilleur sens. Les deuxfois, elle n'a pas été réglée pour des raisons absolument analogues, qui sont desraisons de classe.
Après la première guerre mondiale, lepeuple allemand pouvait se racheter dupangermanisme par la révolution prolétarienne. . -
Il la commença en 1919, il essaya de lareprendre en 1921, en 1923, mais il futécrasé par les chefs sociaux démocrates,avec le concours le plus actif des gouvernements vainqueurs qui leur fournissaientmême des armes. Ceux-ci ne craignaientrien de plus que la « bolchevisation del'Europe ». (Exclamations .)
- M. Serrure. On n'a jamais vu ça !
M. Berlioz. En 1924, M. Baldwin, le premier britannique, déclarait déjà : « Labarrière de notre civilisation d'Europeoccidentale doit être . renforcée contre
toutes les agressions révolutionnaires quipourraient venir de -l'Orient ». En vertude cette défense d'une prétendue civilisation occidentale, le capitalisme internationale travaillait sciemment et délibérément à la reconstitution d'une Allemagneréactionnaire et militarisée. (Vives interruptions au centre et à droite.)
M. Serrure. C'est une honte!
M. Berlioz. C'est une honte pour ceuxqui ont pratiqué une telle politique contrenoire peuple.
M. Georges Laffargue. Et le pacte ger-mano-russe i
M. Berlioz. Cela vous gêne que 1'on disedes vérités de ce genre.
Cela vous touche. C'est ce qu'a fait laclasse que vous défendez et ce qu'elle faitencore maintenant pour nous mener aumême désastre qu'en 1940.
Le capitalisme international y travaillapar l'octroi d'abondants crédits étrangers,en majorité américains.
Au centre. Déjà!
M. Berlioz. Oui, déjà! Et c'était lesmêmes banques qui les fournissaient —comme aujourd'hui — par l'abandon desréparations, et par les encouragementsdonnés à Hitler, gendarme de l'Europecapitaliste contre les forces nouvelles. (Exclamations et rires au centre.)
J'évoque ce passé simplement pourmieux faire comprendre le présent, carbeaucoup de choses se répètent. (Mouvements divers.) En 1915, la puissancenazie...
M. Laffargue. Vous oubliez de dire queRibbentrop avait été reçu en grande pompeà Moscou par M. Molotov, au milieu desacclamations populaires.
•M. Berlioz. Vos amis avaient déjà reçuRibbentrop ici, en 1938, avec effusion.Seuls les ministres « aryens » avaientd'ailleurs présidé à cette manifestation,les autres étaient déjà exclus avant d'êtreassassinés ! -
Mme Giraud. M. Laffargue ne dit plusrien !
M. le président.,Te vous en prie, n'interrompez plus l'orateur!
M. Berlioz. En 1915, la puissance nazieétait abattue, cf, avec elle, une mystiqueaffolante: les masses allemandes en
désarroi parce qu'elles avaient reçu de• bons coups, cherchaient à se raccrocher àdes valeurs nouvelles. Il était possiblealors de refaire une autre Allemagne avecses meilleurs éléments rééduqués, si faibles fussent-ils, en vue de la rendre inapteà toute nouvelle agression.
Les bases de cette Allemagne nouvelleavaient été fixées en commun par lesAlliés à Yalta, en février 1915, à Potsdamen août de la même année. Ces bases
étaient (je cite en gros les termes desrésolutions de Yalta et de Potsdam) : ledésarmement, la destruction ou le contrôledes industries pouvant être utilisées à desfins militaires, la disparition de tout espritnational-socialiste en plus de la disparitiondes organisations, la réparation des dommages causés, la condamnation des criminels de guerre, et surtout, disait-on: « lareconstruction d'une vie politique allemande sur une base démocratique ■ serafavorisée ».
Une telle reconstruction, une telle transformation étaient possibles ipour l'Allemagne envisagée dans son entier dans lesaccords de Yalta et de Potsdam. Ce quiprouve que cette transformation était possible, c'est qu'elle a été réalisée dans lazone d'occupation soviétique (Rires etexclamations à gauche, au centre et adroite) où l'on a fait disparaître-...
M. Georges Laffargue. Avec M. vonPaulus !
M. Berlioz. ...les bases économiques dupangermanisme et de l'hitlérisme...
M. Serrure. Par quoi sont-elles remplacées?
M. Berlioz. ...les hobereaux par la dis» ..tribution de leurs terres aux paysans pauvres, les konzerns par la remise de leursentreprises au peuple, où l'on a refondules cadres administratifs, procédé à uneréforme scolaire radicale, avec renouvelle- -ment du corps des instituteurs, où l'on a,donné toutes leurs chances aux élémentsdémocratiques, en premier lieu, bien sûr,à ceux de la classe ouvrière.
M. Alfred Paget. Pour en faire des soldats bolcheviks!
M. Berlioz. Seulement, à l'Ouest, régnaiten 1945, comme après 1918, la même peurde la « bolchevisation de l'Europe », unepeur plus hallucinante, encore plus forres-talienne pourrait-on dire... 1
M. Serrure. La peur de la dictature!
M. Berlioz. ... car la seconde guerremondiale avait porté un nouveau coup sérieux au système capitaliste et entraînéles peuples dans un puissant élan libérateur.
Deux des signataires des accords de Yaltaet de Potsdam songeaient moins à parfairela victoire sur Hitler par la réfection démocratique véritable de l'Allemagne qu'àcorriger cette victoire. Les espoirs des monopoles américains1, dirigeants du mondecapitaliste ébranlé, se fondaient particulièrement , sur la restauration de l'Allemagne capitaliste, sous leur contrôle, etles businessmen reprenaient en chœur lalitanie de Baldwin, de 1924, sur la barrière de la civilisation occidentale!
C'est là toute l'histoire de l'évolution de
la question allemande durant ces dernièresannées; le sabotage, puis la répudiationouverte, des conventions de Yalta-Potsdam,si parfaitement conformes à l'intérêt français, l'isolement économique et politiquede l'Allemagne occidentale, en tant quebase réactionnaire et place d'armes pourune nouvelle guerre d agression.
11 fallait tout mettre en œuvre, ainsique M. le ministre des^affaires étrangèresl'a déclaré à l'Assemblée nationale l'autre
jour, afin « d'amener cette partie del'Allemagne dans l'orbite des démocratiesoccidentales », quel que soit le prix dontla France, qui suivait tandis que les autrescommandaient, dût payer cette intégrationdans le dispositif atlantique. (Exclamations su.- de nombreux bancs à gauche,au centre et à droite.)Le risque Allemagne ne comptait plus
pour des gouvernements français inféodésà une politique visant à restaurer l'impérialisme allemand en tant que force principale capable de s'opposer à la démocratie en Europe et considérant le bassin dela Ruhr comme la base du potentiel industriel et militaire du bloc hostile à l'Unionsoviétique.D'où la longue suite de renonciations
et de capitulations qui ont enchaîné notre,pays, par un glissement fatal mais jamaisavoué, depuis l'accord tripartite de Moscouau début de 1947 jusqu'aux provocationsnationalistes des marionnettes qui formentce qu'on appelle le gouvernement de Bonn.j
M. Pinton. Il y a Wilhelm Pieck!
M. Berlioz. Parfaitement, il y a WilhelmPieck, qui, au péril de sa vie, a dénoncéla guerre des llohenzollern, qui a luttéavec Liebknecht contre cette guerre, quin'a jamais désarmé dans sa lutte contrele fascisme et qui est président d'unerépublique démocratique.
M. Cornu. Mais qui donc a trahi la causedes alliés en 1917 et qui donc a déserté
264C CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE — SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1949
les champs de bataille à cette époque ?C'est un scandale 1
M. Marrane. Et Daladier!
M. Pinton. Relisez les télégrammeséchangés entre Wilhelm Pieck et M. Staline.
M. Berlioz. Quand vous le voudrez. Noussommes d'accord sur les textes de ces télégrammes pleins de promesses d'un avenirde paix.
M. Boisrond. Ce ne sont que des mensonges !
M. Berlioz. A propos de ces capitulations,surtout qu'on ne joue pas maintenant lacomédie de la. surprise devant les conséquences d'une orientation délibérée.Vous étiez prévenu, monsieur Schu
man. M. Lewis ll. Brown, de la maisonaméricaine, Brown Brothers, Harrimanand Ce — M. Harrimain est un personnageconsidérable -de l'entreprise Marshall —■chargé d'étudier le problème allemandpour le compte de son gouvernement,exposait qu'il avait étudié ce problème —je cite — « du point de vue du capitalistequi veut se lancer dans une affaire pouren retirer d'importants bénéfices. »
Le 25 juin 1947, M. Acheson, alors sous-secrétaire d'État, déclarait devant la commission des crédits de la chambre desreprésentants :
« Le relèvement de la production allemande est considéré par le gouvernementaméricain comme le fondement du planque les pays de l'Europe pourraient élaborer suivant les propositions de M. Marshall. » Et la reconstruction prioritaire del'Allemagne postulait évidemment l'abandon des réparations.
M. Boisrond. Vous aussi, vous avez demandé sa reconstruction prioritaire.
M. Berlioz. Évidemment, vous ne pouviez pas tenir compte de ces avertissements, non plus que de ceux de M. Molotovqui, à la fin de la Conférence de Londresde 1947, se basant sur des faits exposaitque « le plan américain relatif à l'Allemagne ne tient nul compte des intérêtsdes autres Etats qui firent partie de lacoalition antihitlérienne. L'Ouest allemand n'est que l'objet dont on se sertdans l'intérêt de l'expansionnisme américain ».
Vous étiez constamment sourds et aveu
gles, parce que vous étiez d'accord, aufond, avec les projets d'utilisation del'Allemagne de l'Ouest comme armée dechoc contre l'Union soviétique, contre lesdémocraties populaires et contre le peuplefrançais. (Protestations sur de nombreuxbancs à gauche, au centre et à droite.)
M. Pinton. A bas Tito!
M. Berlioz. Vous acceptiez docilementque cette partie de l'Allemagne revienneà ses vomissements du temps de Hitler.Ainsi, les bases économiques et socialesdu nationalisme germanique ont été soigneusement maintenues dans la triione,où il n'y a pas eu de décartellisation et oùles magnats de l'industrie de guerre onttous été remis en place, quels que soientles crimes dont ils se sont rendus coupables.
Vous savez bien que les huit anciensgrands trusts de -la Ruhr ont été remplacéspar deux seuls organismes de tutelle (mines et sidérurgie), contrôlant l'ensemblede l'activité industrielle.
Vous connaissez l'opinion des trois experts de la chambre de commerce internationale, enquêtant sur les effets de laloi anglaise, dite de décartellisation, et dela loi n° 75. Leur rapport s'exprime ainsi :« L'opération, dans son ensemble, a
abouti à une unification et à une. concentration sans précédent de l'industrie dela Ruhr ».
Vous savez que la Reichsorganizationéconomique de Hitler est reconstituée avecle « Comité pour les questions économiques », monté à Cologne le 19 octobre dernier.
Vous avez aidé à la formation du gouvernement fantoche de Bonn, avec devieux politiciens réactionnaires- étroitement liés aux milieux d'alïaires étrangerset sous la dépendance de ces derniers:un Adenauer, qui a suivi n'importe quidepuis 1918; un Heuss, qui vota les pleinspouvoirs à Hitler et glorilia la guerre totale de ce dernier; un Herman, présidentde la banque de reconstruction, qui reçoitles fonds de contre-valeur du plan Marshall directement des Américains et qui,en 1945, avait été accusé, dans un rapportdu gouvernement militaire américain,d'avoir fait de la Deutsche Bank « la baseéconomique de l'armée hitlérienne pourl'exploitation des ressources de l'Eu'ropeoccupée ».Vous vous réjouissez du résultat des
« élections maison » du mois d'août dernier (Rires sur de nombreux bancs), qu'unorgane travailliste, le Reynolds News, appréciait ainsi:
« Tous les intérêts économiques et financiers qui avaient soutenu Hitler en tantque rempart contre le communisme etqui étayèrent jusqu'à la onzième heure lerégime nazi sont revenus au pouvoir. »Et vous prétendez nous faire croire que
l'implacable logique du développement devotre système de défense du capitalismeaux abois ne va pas se poursuivre .? Vousniez qu'il soit question de l'organisationd'un consortium économique, Fritalux ouautre, dans lequel l'industrie et l'agriculture françaises seraient sacrifiées ?
Vous démentez que des pourparlerssoient en train en vue de la constitution
du vaste combinat sidérurgique Ruhr-Luxembourg-Lorraine, qui donnerait lecontrôle de toute notre industrie métallurgique à des Heinrich Dinkelbach ? Vouscroyez pouvoir tranquilliser les Françaisen assurant que dans vos entretiens àtrois, du 8 au 10 novembre à Paris, oudans les conférences militaires du pacteAtlantique qui viennent de se tenir, il n'apas été question du réarmement allemand,au moins par le biais de la création d'unegigantesque L. V. F. dans laquelle entrerait l'armée de l'Allemagne occidentaledès maintenant remise sur pied ? Ce seraitvraiment prendre les Français pour desenfants.
Tout le monde, sauf vous au Gouvernement, parle de ces choses. Les réunionsd'industriels français, allemands, luxem-bourgeois pour la constitution d'un cartelde l'acier, ont eu lieu. La presse de partout nous dit que les généraux françaisles plus influents reconnaissent qu'il fautconcevoir, au moins dans une certainemesure,- un réarmement allemand.Avant-hier, Le Monde,. qui a, quoi qu'on
en dise, des sources et des missions idéologiques sérieuses, résumait bien la situation en écrivant:
« Le petit jeu auquel continuent à selivrer les hommes d'État, porte la marqued'un pharisaïsme qui n'a même plus lemérite de tromper personne ».
Parlant du récent débat à l'Assembléenationale, le rédacteur inspiré du bulletinde l'étranger de cet organe demandait in»génument: \
« Peut-on blâmer M. Schuman de s'enjjtenir au présent, d'écarter les questions;qui pourraient se poser dans un aveniçprochain ? ».Eh bien! oui, nous blâmons M. Schuman
de toujours faire suivre ses démentis dâjla formule : « pour le moment », ou « dan^)l'immédiat », de vouloir essayer de nougtaire ce qui est en germe aujourd'hui et|dont il ne peut ignorer que- cela s'épaJnoùira demain. <Quelquefois certains trouvent tout d$
même qu'on y va un peu fort en Allemai-gne occidentale, que des exigences arro*gantes gênent les combinaisons secrètes*Émus par des déchaînements de violences?nationalistes, Les Échos constataient quS« les Allemands sont un peu trop pénétréfde leur rôle de champions avancés de lairésistance au communisme ».
Pourquoi donc ne le seraient-ils pas fN'est-ce pas l'unique rôle qu'on leur ap*prend à jouer en passant l'éponge su#leurs responsabilités dans la dernièreguerre et dans les atrocités inouïes qu'ellea déchaînées en acquittant les massa*creurs, en réhabilitant les dignitaires na,-zis, en cultivant avec frénésie les ressen»timents antisoviétiques, en excitant 1-e»espoirs de reprendre la guerre de Hitlefipour recouvrer les territoires de l'Est jus-!tement rendus à la Pologne (Mouvement|divers) et, pourquoi pas — ils le demandent déjà insolemment — pour reprendrail'Alsace et la Lorraine ? (Exclamations suijde nombreux bancs. — Applaudissement§à l' extrême -gauche.)
M. Georges Laffargue. C'est admirablej
Un sénateur à droite. La Pologne, voilâjun exemple bien choisi ! (Rires.)
M. Berlioz. Le fond de votre politiqueest là, monsieur le ministre. C'est' paiSantisoviétisme, par anticommunisme foncier que vous reprenez la folle attitudqd'hier et que vous reconstruisez à no§frontières une menace dont nous aurions
pu nous croire à jamais débarrassés pa£la victoire.
Quand nous vous accusons de moinspenser à la France et aux Français qu'auxfinanciers américains, vous nous reprochez d'être devenus des néo-nationalistes,adversaires par esprit de parti de toutapaisement, de tout rapprochement avec
. notre voisine. C'est que nous avonsconnu déjà les apaisements de Laval, deBonnet et de Blum; et nous n'oublionspas qu'ils nous ont menés, d'abdicatioiîen abdication, à la catastrophe de juin1950.
Mais c'est qu'il ne s'agit pas de rapprochements entre le peuple français, pacifique et généreux, et un peuple allemand
'régénéré, conscient de ses immenses torts*résolu à -travailler désormais, lui aussi,pour la paix... (Interruptions u gauche età l'extrême gauche.)
M. le président. Je vous en prie! Le débat 'ne peut continuer dans de telles conditions. Je le dis tout net.
S'il faut que je rappelle à l'ordre, jele ferai! (Appkiudissements.)
M. Berlioz. ... débarrassé des racines éco
nomiques et sociales de l'esprit de conquête et se refusent à être l'instrumendes impérialistes.Quand vous parlez de conciliation, vous
avez en vue l'utilisation d'une partie de
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2645.
'l'Allemagne comme outil de la prochaine 'guerre contre les peuples- d'Europe, etjion pas l'intégration de toute l'Allemagne dans une Europe démocratique oùtojs ses voisins favoriseraient, tout en lasurveillant, son apprentissage de la viedémocratique. Vous ne pratiquez la conciliation qu'à l'égard des Wehrwirtchafts-tfuehrer, des généraux hitlériens, desIjhyssen et des Plerdmenges.
11 y a heureusement un autre genre de'conciliation, plein de promesses d'avenir,^ç'e.st celui qui est pratiqué à l'Est, avec la(république démocratique allemande, proclamée le 17 octobre et dont Staline, qui!pèse ses mots, saluait l'avènement commeun tournant décisif de l'histoire de l'Europe. (Applaudissements à l'extrcme gau-çhc.)La république présidée par Wilhelm
Pieck, qui lutta au péril de sa vie contrela guerre du Kaiser, -qui fut un intrépidecombattant antifasciste, reconnaît publiquement les responsabilités du peuple allemand qui se laissa entraîner par Hitlerdans le crime.
M. Southon. Lisez le télégramme de Staline à Pieck!
M. Pinton. C'est un fonctionnaire russe!
M. Berlioz. Il proclame la nécessité depayer, de réparer les dommages causés, deconsacrer toutes ses forces à l'édification
d'une paix solide. C'est une Allemagnenouvelle qui naît là-bas et qui aurait punaître de l'Elbe au Rhin, si tous les gouvernements signataires de Yalta et dePotsdam avaient été fidèles à leurs engagements.
A ceux-là oui, aux hommes qui assumentla tâche difficile, mais. grandement allégéepar l'aide soviétique, de faire une Allemagne enfin démocratique et pacifique dignede tenir sa place dans la communauté deshâtions, à ceux-là nous tendons la main(Applaudissements à l'extrême gauche),avec l'espoir que le rayonnement de leurexpérience dans les zones occidentales feraéchouer les tentatives d'exploiter la réaction allemande en vue de l'agression anti-goviétique.Notre geste est dans la ligne de ce point
du programme du parti communiste français qui répond aux besoins et aux aspirations de notre peuple : « application des accords de Potsdam sur la dénazification et ladémilitarisation de l'Allemagne; dénonciation des accords autorisant la formation
d'un gouvernement de l'Allemagne del'Ouest; mise en œuvre vis-à-vis de l'Allemagne d'une politique conforme à la sauvegarde de notre sécurité, au maintien denos droits à réparations et au soutien desforces démocratiques et pacifiques de l'Al-
I lemagne-» .Nous pourrions ajouter qu'il serait enfin
excellent de se souvenir de l'existenced'un pacte d'alliance franco-soviétique. Ceserait une façon honnête de célébrer lecinquième anniversaire de sa signaturedans quelques jours.Ce pacte prévoit que les deux pays
contractants se concerteront en cas de renaissance du danger allemand. Sans cesse,nos gouvernements ont tourné le dos àcelte alliance pour rechercher celle desnazis remis sur. le pavois. Jamais ils n'ontrecherché l'accord avec l'Union soviétiquesur le problème allemand, accord parfaitement possible et qui vous eût permis dedéfendre les droits de la France au lieude tout céder.
/
Wl. Georges Laffargue. C'est, l'accord delà corde et du pendu 1
M. Berlioz. Les gouvernements d'hier etcelui d'aujourd'hui aussi, avaient choisila voie opposée à celle de la sécurité nationale iparce que, ipour eux, importaitseulement la sécurité du système d'exploitation de l'homme par l'homme.Mais même cette sécurité-là, vous ne
l'aurez pas. Vous pouvez ruser pour camoufler ce fait indéniable, que le cycledes concessions nouvelles à l'Allemagneantidémocratique et chauvine est ouvert.Même dans le détail.
Je voudrais simplement signaler le débat qui a eu lieu ce matin à la commissionde la radio et de la presse de l'Assembléenationale où l'on a appris avec stupeurque l'on refusait 200 millions pour augmenter la puissance du poste émetteur deStrasbourg, alors qu'on accorde 500 millions pour monter, avec du matériel américain, un poste à Mayence, en Allemagneoccidentale, ce contre quai la commissiona protesté d'ailleurs à l'unanimité.Vous pouvez continuer de poursuivre des
tractations secrètes dans lesquelles se jouele sort du pays, dans une atmosphère fiévreuse de préparatifs de guerre. Vousn'aurez pas cette sécurité de classe quevous recherchez, vous heurtez trop les sentiments nationaux des Français pour qu'ilsne vous répliquent, avec toute la colèredont ils sont capables, eux qui n'ont oubliéni la guerre, ni la victoire, pour qu'ilsvous répliquent: nous ne marcherons jamais aux côtés de nos bourreaux contre les
vainqueurs de Stalingrad, nos libérateurs.(Applaudissements-, à l'extrême gauche.)Monsieur le ministre des affaires étran
gères, vous allez encore essayer de tranquilliser ceux qui vous interrogent avecune légitime inquiétude...
M. le ministre des affaires étrangères. Ence qui vous concerne, ce sera difficile !(Rires.)
M. Berlioz. Oh, n'ayez pas cet espoir,vous ne le pourriez pas ! Je n'ai pas assezconfiance, dans votre politique pour quevous puissiez me tranquilliser. Vous êtesdepuis trop longtemps sur la pente quiconduit à la catastrophe, et vous songezsi peu à vous arrêter, que nous ne pourrons pas accorder de crédit aux assurancesque vous donnerez.La politique de votre Gouvernement vis-
à-vis de l'Allemagne n'est pas celle de lasincérité parce que .ce n'est pas celle dela paix, parce que c'est celle de Munichqui se prolonge. (Applaudissements àl'extrêm* gauche.)
M. Pinton. Mieux vaut Munich dans la
paix que dans la guerre.
M. Berlioz. La servitude est préférable àtout, n'est-ce pas?..-. (Violentes protestations au centre.)
M.. Pinton. Je n'ai jamais dit cela. J'aiété antimunichois autant que vous. J'estime simplement que ceux qui ont été munichois dans la Daix sont moins condamnables que ceux qui, comme vous, l'ontété dans la guerre. (Vifs applaudissementsau, centre.)
M. Berlioz. C'est ce que disaient ceuxqui défendaient Munich, le Munich quinous a menés à la catastrophe, le Munichsigné par Daladier.Notre grand Gabriel Péri, dressé face
aux gouvernants qui venaient de signerun nouvel accord de démission nationale
avec un émissaire du Fuehrer, le 9 décembre 1W8. il y a exactement onze ans,soulignait que malgré les affronts dont la
France était victime, il était encore possible de retourner la situation en rompantavec l'esprit de Munich, en regroupant lesforces de paix. \Nous sommes animés par la même foi
que notre héroïque disparu. C'est pourquoi, dans son esprit, et fidèle à sa mémoire, je me permettrai, parce que noussommes tout de même dans des circonstances assez semblables, de terminer monexposé comme il concluait alors le sien,le 9 décembre 1938:
« La condition du redressement international, disait Péri, s'exprime dans uneexigence qui n'est pas seulement celle denoti« peuple, mais celle de tous les hommes qui veulent croire encore à laFrance, une exigence qui est celle de ceuxqui, à travers le monde, n'ont pas perduconfiance dans l'avenir de la démocratie.Laissez là les leviers de commande dont
vous vous êtes si mal servi! » (Vifs applaudissements à l'extrême gauche.)
Hl. Georges Laffargue. Vive la Pologne,monsieur I
— 9 —
CONGÉ
M. le président. M. Ernest Pezet demandeun congé.Conformément à l'article 40 du règle
ment le bureau est d'avis d'accorder ce
congé.Il n'y a pas d'opposition 1Le congé est accordé.
— 10 —
POLITIQUE FRANÇAIS; A L'ÉGARDDE L'ALLEMAGNE ET EN EUROPE
Suite de la discussion d'une questionorale avec débat. , >
M. le président. Nous poursuiv as la discussion de la question orale de M. MichelDebré.
La parole est à M. Kalb.
M. Kalb. Mesdames, messieurs, mes cherscollègues, voulez-vous bien, je vous enprie, vous rappeler, pendant un très courtinstant, la magnifique péroraison de l'exposé de notre collègue Debré, qui pourdire ce que devait représenter cette promesse de l'Europe de demain, est venuvous citer les dernières paroles et le dernier message d'un Français libre.Pour l'homme de l'Est qui est de\ant
vous, mes chers collègues, il est singulièrement émouvant de venir ici parler desrapports franco-allemands. De Mulhouseïde Colmar, de Strasbourg, de Metz, desbords du Rhin- et des bords de la Moselle,je viens d'abord, personnellement, vousdire que notre population place son enthousiasme et sa confiance dans cette
perspective de paix et de la fin des invasions allemandes dans nos territoires, quereprésente l'Europe de demain.C'est pour moi un honneur également de
pouvoir parler au nom de mon groupe etde rappeler que, dès 1944, à Alger, le général de Gaulle avait précisé et soulignéla nécessité de penser un jour à reconstruire une Europe unie.Mes chers collègues, vous me permettrez
tout de même de parler un peu du passé,car dans ce débat d'une importance capitale, je pense qu'il est utile d'essayer decomprendre pourquoi nous devons rester
v2646 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
vigilants, et pr - rquoi nous souhaiterionstoujours voir le ministre des affairesétrangères de France, aborder les Allemands les bras croisés et les yeux grandsouverts.
Voyez-vous, pour comprendre l'Allemagne — et ceci dit de ma part sans aucunearrière pensée — il convient de se rappeler l'affirmation de Clausewitz : « Laguerre et la paix sont deux activités profondes qui tendent vers le même but par
.des moyens différents. » —De même il faut se rappeler, dans l'exa
men des rapports franco-ajlemands, la notion germanique de la géopolitique.Dans ce débat dont l'importance, ires
chers collègues, ne vous échappe pas, ilconvient de ne jamais perdre de vue lesaspirations allemandes et leur incidencesur la politique française. Quand on établit objectivement le bilan des activitéset des réalisations germaniques depuis desannées, on s'aperçoit combien l'histoirepolitique et économique de l'Allemagne, aété en quelque sorte inspirée par la prophétie de Fichte : « Vienne un maître pournous forcer à fonder le germanisme! »Qu'on le veuille ou non, il est patent
qu'actuellement encore l'anarchie de laRépublique de Weimar est invoquée outreRhin comme la démonstration de la nécessité de .la force et de la domination,seules capables, d'après les Allemands,d'arracher leur pays à son indétermina.ionet à ses incertitudes.Dans l'étude des rapports franco-alle-
mands, il faut constamment se rappelerquelles furent et quelles sont les conceptions germaniques, si contraires -auxnôtres.
A la conception française qui affirmeconstamment et qui a toujours affirmé quela société est créée par les individus etque ceux-ci sont le phénomène primaire etcelle-là le phénomène secondaire, s'oppose la conception allemande qui est celledu- résultat d'un contrat général et l'expression d'une volonté commune.Cette différence résulte encore d'une
façon éclatante de l'opposition entre laconception latine et statique du mondeaveCla théorie dynamique de l'Allemagne.Je pense devoir souligner avant toutqu'aussi bien dans le passé que dans leprésent et, je le crains, dans l'avenir encore, les traités internationaux suivant ladoctrine allemande bien établie, maintesfois affirmée et affirmée encore tout récemment, ne représentent qu'un instantde l'évolution historique, ne sont que laconstatation d'une situation passagère,d'un rapport de forces déterminées et que
. dès que ce rapport vient à se modifier, lestraités cessent d'être actuels et vivants.
Nous connaissons heureusement lesconceptions germaniques en présence desquelles nous allons nous trouver placés etqui doivent nous inciter à une grande prudence et une constante vigilance. L'Allemagne a constamment soutenu et soutientaujourd'hui encore que. par sa situationgéographique au milieu de l'Europe, c'estelle qui doit être le fondement de la nou-yelle structure européenne.
Tout à l'heure, mes chers collègues, ona critiqué, et sans doute va-t-on encorecritiquer, la structure de l'institution deStrasbourg. Je suis entièrement d'accordpour dire que, pour "le moment, l'unioneuropéenne n'est qu'une promesse, etqu'un espoir. Ce ne sont pas tant les hommes qui onu été envoyés à Strasbourg quisont à critiquer ou à juger, mais bien lesméthodes employées pour mettre sur piedl'organisation de. l'union. lApplaudisse-
ments sur les bancs supérieurs de la gauche et sur de nombreux bancs au centre
et à droite.)Au lieu de'créer l'institution européenne,
par seule voie gouvernementale, il fallaitau préalable songer à obtenir l'adhésiondes peuples de l'Europe. Alors on auraitpu parier d'une institution viable et capable de résister au temps. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)Mais il y a un autre fait. Si Strasbourg a
donné l'impression, parfois, de beaucoupde désordre; si Strasbourg a été l'occasionde beaux discours, n'accusons pas leshommes qui étaient là-bas. Il manquait àStrasbourg la présence efficace et fermede la France. Si nous voulons construire
réellement l'Europe occidentale, si nousvoulons lui donner son caractère vrai et
lui assurer sa force il faut que ce soit laFrance qui en soit le centre et l'animatrice.On parle beaucoup, ces derniers temps,
d'un système de défense de l'Europe occidentale par la mise en commun des ressources des pays qui la composeront. Celaest et sera sans doute nécessaire. 11 y a unpoint que l'on oublie parfois trop dansl'étude du problème. Pour que nous puissions jouer notre rôle, pour que nous puissions animer 1 union européenne, il fautavant tout, mes chers collègues, refaire denotre pays quelque chose de grand, quelque chose de solide, quelque chose de fort.(Applaudissements sur divers bancs àgauche et sur de nombreux bancs au centre et à. droite.)Comment admettre que soit définie par
certains hommes d'État français la défensede l'Europe occidentale, quand on saitque nous n'avons pas de défense nationale. Comment voulez-vous que l'Allemagne puisse accepter avec une certaine confiance les propositions que nous pourrionslui faire, alors que, pour le moment —reconnaissons-le — nous n'avons rien oupresque rien à mettre dans la balance.Le Dr Adenauer, que vous avez vu, je
pense, monsieur le ministre des affairesétrangères, a prononcé tout récemmentune phrase significative : « La France craintl'Allemagne, parce qu'elle est faible ». (Applaudissements sur les bancs supérieurs dela gauche et sur divers bancs au centre età droite.) Et c'est vrai! Nous craignonsl'Allemagne parce que nous nous sentonsfaibles, parce que nous n'avons plus, cheznous, ce ressort nécessaire, ce dynamismedans nos âmes, et parce que le régime nefait rien pour redonner aux Français etaux Françaises des raisons de croire.Je passerai sous silence, mes chers col
lègues, car d'autres personnes en parleront, l'histoire du réarmement. Je ne peuxpas décemment le faire et je vous diraipourquoi. Voyez-vous, pour nous, Alsaciens, pour nous, Mosellans, l'idée d'uneWehrmacht reconstituée est quelqm chosed'atroce. Il y a trop de sang qui souillecette armée, monsieur le ministre, et surtout le sang de ces milliers de jeunes dechez nous — de chez vous, monsieur leministre — que l'Allemagne a envoyés- là-bas, dans la meule à cadavres de l'Est.Alors, laissez-moi passer sous silence ceproblème du réarmement de l'Allemagne.(Applaudissements sur divers bancs àgauche, au' centre et à droite.)Mais il v a un autre problème que je
voudrais évoquer ici, c'est le problèmeéconomique; je l'évoquerai rapidement,car M. Debré l'a exposé d'une façon magistrale.Certes, nos deux pays, la France et l'Al
lemagne, peuvent et doivent, dans unavenir plus ou moins prochain, se compléter, 11 est certain que l'Allemagne a
besoin de certains produits français toutcomme la France a besoin de certains pro-'duits allemands. Or, en 1951, vont cesserles effets du plan Marshall. A ce moment-là, l'Amérique sera prête et décidée àjouer toutes ses cartes économiques.L'Angleterre, elle aussi, voudra jouer lessiennes; nos intérêts seront en jeu, etnotre avenir. Je demande alors à M. leministre des affaires étrangères pourquoile Gouvernement n'a rien fait sur le planéconomique intérieur pour permettre à laFrance d'atteindre effectivement le but
économique envisagé. (Très bien! trèsbien! sur divers bancs.) •En effet, mes chers collègues, il est
très beau — M. Debré l'a souligné — devenir nous dire: nous allons libérer 50 à.
60 p. 100 des échanges, tout en sachantque nous sommes dans l'impossibilité laplus absolue de concurrencer les produits qui nous viendront de l'étranger.Cette situation est due à la politique
de superfiscalité que pratique le Gouvernement, politique qui détruit et ruinenotre économie, notre commerce, notreindustrie et notre artisanat. Ce qu'il fautfaire avant tout, c'est revenir à une plussaine appréciation des besoins de l'éco-nomie-française.
Je me résume : Le problème des relations franco-allemandes est avant tout unproblème intérieur français. ( Vifs applaudissements sur les bancs supérieurs de lagauche et sur do nombreux bancs au cen-,tre et à droite.)Tant que nous n'aurons pas mis de l'or
dre dans notre ' maison, tant que nousn'aurons pas redressé la situation, tantqu'on n'aura pas redonné à ce pays son!enthousiasme et sa foi, il est inutile de,songer à construire une Europe et de songer à l'animer par la France.Je pense donc, mes chers collègues, que
nous devons proclamer notre adhésion de>principe à l'idée de l'union européenne, imais que nous devons aussi, dans l'appli-jcation des solutions proposées, faire toutes,réserves ; il est nécessaire qu'avant tout se,réalise dans notre pays le rassemblementdes Français autour de la France, car autrement il sera impossible d'aller del'avant.
J'en ai terminé, mes chers collègues,mais je désire profiter de cette courteintervention pour signaler, sur le plan-européen aussi, monsieur le ministre, unesituation atroce et tragique. Tout à l'heure,j'ai parlé du silence de la France. Je pré-;tends que ce silence, hélas! angoisse etbouleverse tant de foyers alsaciens et mosellans. ♦Vous avez déclaré à l'Assemblée natio
nale, monsieur le ministre, avoir envoyéà votre collègue russe, il y a .un an, lesnoms de quatre-vingt-sept Alsaciens et Mosellans retenus là-bas comme prisonnierset ce n'est qu'il y a quelques jours quevous avez souligné avoir reçu une réponse par laquelle on vous avisait qu'uneenquête allait être faite. On a envoyé déjàlen Russie de nombreuses missions, celledu préfet Peira et d'autres, mais tout aété mis en œuvre par les autorités russesen vue d'empêcher le dépistage de noscompatriotes. Le Gouvernement n'a riendit, le Gouvernement s'est tu. Certes, ona affirmé que de nouvelles missionsallaient être envoyées en Russie et quedes pourparlers seraient engagés avec leministère russe des affaires étrangères.Ce que nous, là-bas, sur la frontière duRhin et de la Moselle, nous aurions vouluentendre, c'est la voix de la France, laprotestation de la France contre ces traitements scandaleux infligés à des Fran
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2647
çais. Là encore, monsieur le ministre, lesilence du Gouvernement a des répercussions profondes sur le plan international.Quand il s'agit de Français, on ne doit
accepter aucune pression, d'où qu'ellevienne. C'est dans l'intérêt de la France
que, depuis longtemps, nous vous demandions, que nous demandions au Gouvernement d'agir dans le sens de l'honneur et de la solidarité française. (Applaudissements prolongés sur divers bancs àgauche et sur de nombreux bancs au centre et à droite.)
M. Robert Schuman. Je demande la parole;
M. le président. La parole est à M. leministre des affaires étrangères.
M. Robert Schuman, ministre des affairesétrangères. Mesdames, messieurs, je m'excuse d'interrompre le cours de ce débatpour répondre à mon collègue et compatriote M. Kalb, sur le point précis qu'ilvient d'évoquer en fin de son discours, unproblème douloureux sur lequel je n'aipas encore eu l'occasion de me prononcer ici.
Les jeunes gens des trois départementsde l'Est ont été incorporés de force dansl'armée allemande. Il y en a actuellement116.000 dont on est sans nouvelles. Nous nesavons pas combien sont encore en vie.Nous savons qu'il y en a un certain nombre, dont nous,. connaissons les adresses,qui doivent être encore en vie, en captivitéen Russie ! (Exclamations .)
Sur divers bancs. C'est formidable!'
M. le ministre des affaires étrangères.Nous avons, à cet égard, multiplié les protestations, les démarches, non seulementdiplomatiques mais encore personnelles,comme M. Kalb vient de le dire. J'ai donnéconnaissance, par une réponse écrite duJournal officiel, il y a quelques mois, del'ensemble des démarches qui ont étéfaites depuis un an.M. Kalb nous dit: vous auriez dû pro
tester et faire un éclat. Je comprends sessentiments. Je n'oublie pas qu'il a été,après la première guerre mondiale, à latête des engagés volontaires d'Alsace etde Lorraine ayant servi dans l'armée française. ■
i
M. Marc Rucart. Il honore notre assem
blée ! (Applaudissements sur de nombreuxbancs.)
M. le ministre des affaires étrangères.Je m'associe à cet hommage; mais je demande à la loyauté de M. le sénateur Kalbde bien vouloir réfléchir aux conséquencesd'un éclat, lorsqu'on a affaire à certainsinterlocuteurs. Ce qui doit ■ nous préoccuper, c'est le résultat. Nous n'avons pasle droit de compromettre la moindrechance de succès lorsqu'il s'agit de sauverdes vies et de ramener chez nous des
.compatriotes.C'est là la seule réponse que je peux
faire, mon cher collègue. Je la fais avecbeaucoup d'émotion, beaucoup d'insistance. Je vous prie de me comprendre!(Vifs applaudissements sur divers bancs àgauche, au centre et à droite.)
M. le président. La parole est à M. Maro-£,er.
M. Jean Maroger. Mes chers collègues, ona souvent évoqué les fastes et les fautesde l'occupation française en Allemagne. Yétant allé, cet été, au titre de rapporteurde la commission des finances, j'en airapporté une opinion un peu différente
et, dans l ensemble, un peu moins pessimiste peut-être que celle qu'exprimait toutà l'heure notre collègue Debré. Je voudrais vous justifier sommairement cet impression.Dans l'ensemble, l'administration fran
çaise, en Allemagne, m'a paru honnête,consciencieuse et, au total, efficace. Quoiqu'on en ait dit, et au moins maintenant,elle se déroule sans faste excessif ou inutile. Elle accomplit son rôle d'une manièreintelligente, sachant faire une part équitable des intérêts français et des intérêtsallemands, et elle a su très vite, semble-t-il, s'abstenir de vivre comme en paysconquis.
Cette impression, d'ailleurs, ne m'estpas personnelle. Elle m'a été confirmée notamment par des Suisses, des Bâlois qui,de par leurs occupations ou leurs liens defamille sont en relations constantes avec
des Allemands du pays de Bade et duWurtemberg. Elle m'a été également confirmée par des ingénieurs étrangers quiont eu, à différentes reprises, l'occasionde pénétrer en Allemagne et de s'entretenir avec leurs confrères allemands.
Ceci ne veut pas dira évidemment quel'occupation ne soit pas lourde aux Allemands, matériellement et moralement, etqu'ils ne souhaitent pas recouvrer leur indépendance. Il serait vain de penserqu ils nous aiment. Je ne vois d'ailleurspas pourquoi nous le pourrions souhaiter.C'est déjà quelque chose qu'ils nous estiment et les manifestations auxquelles adonné lieu le départ du général Koenigme paraissent caractéristiques à cet égard.J'ai recueilli à peu près partout cette
opinion que nombre d'Allemands, et passeulement les jeunes, pensent que, décidément^ faire la guerre tous les vingt-cinqans avec la France n'est pas la bonnesolution, et qu'il faut trouver autre chose.Cette autre chose, nous ne l'avons peut-être pas encore trouvée, mais c'est aussidéjà quelque chose de la chercher. .Il ne ~faut certes pas nous faire trop
d'illusions sur la portée de notre influenceen Allemagne non point que ce que nousavons fait soit sans efficacité, mais, parceque notre zone d'occupation, la seule danslaquelle jusqu'ici notre action pouvaits'exercer est étroitement limitée, et, laSarre mise à part, ne s'applique guèrequ'au Wurtemberg, au pays de Bade, auPalatinat, à la Rhénanie, régions agricolespaisibles, qui ne sont ni le cœur de l'Allemagne, ni le centre des grands problèmeséconomiques.
A cet égard, le nouveau régime né del'accord de Washington, s'il réduit lesmoyens d'action des puissances occupantes, nous vaut, par contre, d'être représentés, au moins comme observateurs,dans les zones d'occupation anglo-saxonnes, dans la Rhur, à Hambourg, à Cologne, à Munich, à Francfort. Et, »si noussavons y envoyer, comme observateurs,des personnalités de grande classe — etnous en avons dans le personnel d'occupation — nous pouvons trouver une occasion d'étendre et non de réduire l'influence française en Allemagne.Or. si les Français en Allemagne ont,
comme je l'ai dit tout à l'heure, gagnél'estime des Allemands, ils ont aussi— une fois oubliés certains désaccordscomme ceux nés à l'occasion de la trizone
— su gagner l'estime et la confiance deleurs alliés.
La carte à jouer reste donc' entière.Je pense aussi que, même avec le nou
veau régime, nous devons conserver danstoute notre zone une représentation assezétoffée, dans les laender et même dans
les cercles, pour affirmer la présence deJà France et prolonger notre action, enl'adaptant, bien entendu. aux circonstances nouvelles.
Notre zone est très différente du reste del'Allemagne. A chaque pas, on y voit surgir des réminiscences historiques communes, des souvenirs d'un passé encore vivace. Ces réminiscences, ces souvenirsn'occupent, certes, pas toute l'âme des Allemands de notre zone, mais ils en imprègnent largement la mentalité, et il fautnous attacher à les vivifier et à les conserver.
Voilà la première indication que je mepermets de donner pour le rôle futur denotre administration et de notre occupation en Allemagne.Je voudrais maintenant en venir à l'oc
cupation proprement dite. J'ai été frappéaussi de constater que l'occupation et lecontrôle alliés en Allemagne, tels qu'ilsont "évolué, ces dernières années, et telsqu'ils vont encore se transformer avec lenouveau régime, ne ressortissent plus àla conception traditionnelle de l'occupation ipar le vainqueur, telle que nous l'avons connue pendant la guerre, telle quela Rhénanie l'avait connue à la fin de la
dernière guerre.Les Allemands. j'en ai tout au moins
l'impression très nette pour la plupartd'entre eux, vivent actuellement encoresous le signe de la peur, de la terreur duRusse, de l'emprise slave. Ils viennent devoir effacer d'un trait et pour toujours, laRussie l'espère, ce qu'on a appelé l'œuvremillénaire des Chevaliers Teutoniques, enrenvoyant, ptlj-mêle, au delà de l'Oder,tous les Allemands vivant dans les territoires maintenant attribués à— la Pologneou ■à la Lithuanie, c'est-à-dire près de9 millions d'habitants.
Il ne s'agit pas de quelques hobereaux,de quelques représentants de l'anciennearistocratie prussienne, c'est une population tout entière qui, mis à part certainsspécialistes, ou quelques personne pouvantse targuer d'ancêtres polonais, brutalement, en une fois, a été chassée de sesdemeures et renvoyée au delà de Jàfrontière actuelle. On l'a remplacée parquelque trois millions de Polonais que,par une opération analogue, on a prisdans la Pologne russe, au delà de la ligneCurzon, et qu'on a fait sauter au-dessusdes Polonais de la vieille Pologne. C'est àeux et non pas à des Polonais que l'on aattribué les terres des anciens propriétaires allemands.
Les Berlinois non plus ne me paraissentpas avoir oublié ou être près d'oublierles semaines qui ont suivi l'occupation deleur capitale par les Russes avant la miseen place de l'occupation interalliée. Ilsn'oublient pas qu'à ce moment là près de200.000 d'entre eux ont disparu sans qu'ilen reste aucune trace, sans parler d'autresmanifestations qui ont accompagné cetteoccupation.
Alors ils se demandent si ce raz-de-maréeen restera là et si l'emprise slave, qui adéjà gagné la zone orientale ne gagnerapas la zone occidentale. Ils sentent bienque leur seule protection est l'occupationalliée. Bien sûr, quelques-uns d'entre eux,par idéologie politique, pour échapper à'une trop complète emprise anglo-saxonne,-peuvent bien songer à un nouveau Ra-pallo ou à des ententes germano-soviéti-ques. Je crois que, pour le moment, l'opinion s'est cristallisée et que les choix sontfaits.
Deux événements, à mon sens, ont .étâdéterminants à cet égard, Le premier, c'esi
2648 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DfXEMBRE 1919
le succès du pont aérien qui a produit surles Berlinois en particulier, et sur les Al*lemands en général, une impression profonde.
Le second, c'est le succès de la réformemonétaire, imposée elle aussi par le général Cltiy et qui a amené aussitôt danstoute l'Allemagne occidentale une prospérité certes encore relative mais certaine.
L'échec du pont aérien, c'était l'abandonde Berlin aux Russes, l'abandon de. l'Allemagne ensuite; et peut-être la submersiontotale, par les Russes, de l'Allemagne entière. L'échec de la réforme monétaire,c'était la prolongation d'une misère insupportable qui, elle aussi, eût ouvert la porteaux Russes.
La conséquence a été l'acceptation, parl'Allemagne entière, de la constitution deBonn, avec, je crois, plus de 80 p. 100de votants. Je dis bien: par l'Allemagneentière, non pas que les Allemands orientaux aient voté, mais parce qu'ils ont laisséou fait voter les Allemands occidentaux.Fin. juillet, on redoutait encore, quelques
semaines avant les élections, 40 à 50 p. 100de votants. Le nombre plus grand fe votants est précisément le signe de cetteadhésion de l'Allemagne à sa nouvelleconstitution. Non pas, certes, que les Allemands la considèrent comme une solution
(définitive, mais parce qu'ils la considèrentfcomme une étape nécessaire sur la voieie la reconstitution de l'Allemagne, parcequ'ils l'acceptent comme la formation d'un !premier noyau autour duquel viendra s'ag- ;glomérer plus tard — et le plus tôt pos- isible, ils l'espèrent — le reste du paystemporairement détaché.L'occupation et le contrôle alliés sont
ainsi pour les Allemands, à mon sens, autant une sauvegarde qu'une servitude. .Aussi bien, rien ne resterait de la pros
périté si l'aide américaine du plan Marshallvenait à cesser. Tout se tient, et l'occupation, le contrôle sont un des maillons dela chaîne ; si ce maillon saute tous les résultats acquis seront vite balayés.Est-il besoin de dire qu'une occupation
ainsi comprise est, à mon sens, incompatible avec y ne participation allemande,sous quelque forme que ce soit, avec leréarmement de l'Allemagne ? Il ne doit yavoir, sur ce point, aucune ambiguïté, etj'ai été heureux d'entendre hier M. le ministre- des affaires étrangères renouveleren commission, à ce sujet, les assurancesles plus formelles.
' Je pense fermement que l'occupationalliée ainsi conçue et telle qu'elle fonctionne actuellement en Allemagne occidentale, peut et doit se poursuivre sansterme assigné; que c'est là, la conditionessentielle de toute notre action ultérieureet que nous devons et que nous pourronsobtenir cette prolongation dies Américains,de qui dépend évidemment la décision, àla condition que nous sachions mettrecette occupation à profit, les Allemands etnous, pour imaginer et pour proposer unesolution constructive, qui ne peut êtrequ'une solution européenne.
L'expérience est faite depuis de très lon-
fucees aàn fnaécees q iunedl'Alnlemagne seotnlta iFnrcanceace à face, indépendantes, sont incapables d'arriver à un accord amiable sanslequel toute organisation européenne estimpossible. Peut-être en ira-t-il autrementlorsque, dépendant l'une de l'autre, pourleur relèvement, des Etats-Unis, elles sedécideront plus humblement à élaborerensemble une organisation acceptable pourle reste de l'Europe, susceptible d'êtreagréée par les Etats-Unis et de calmer lesappréhensions de la Russie.!
Je crois que l'heure est venue.Il est tard, mais je ne crois pas qu'il
soit trop tard, parce que deux conditionsdoivent être remplies pour élaborer un telaccord: l'existence d'un gouvernementallemand et la permanence d'une occupation alliée.
Le gouvernement allemand vient à peined'être constitué. Je pense donc qu'il n'estpas trop tard pour aborder cette négociation, mais, comme l'a dit tout à l'heuremon ami M. Michel Debré, aucun délain'est permis. La France doit, dès maintenant, sortir de son immobilisme.Je me permets d'indiquer comment je
vois cette solution, et je dirai d'abord unmot de la Sarre.
On peut indéfiniment discuter des pensées et des arrière-pensées de ceux qui,de part et d'autre, ont conçu et réalisé lerattachement économique de la Sarre. DesAllemands, comme M. Schumacher, accusent volontiers les Sarrois d'avoir vendu,sinon leur âme, du moins leur nationalité,pour un plat de lentilles. Ils accusent lesFrançais de chercher à assouvir leur vieilappétit de conquêtes, et nombre de noscompatriotes, par contre, se rappelant leplébiscite de 1935, sont prêts à se deman- !der si la . Sarre et les Sarrois valent la
peine que la France prenne la charge deleur économie.
Peu importe, à mon sens, les mobilessecrets et les arrière^pensées. Les artisansde l'union économique franco-sarroise ontfait l'Europe, ou du moins un morceaud'Europe, peut-être comme M. Jourdainfaisait de la prose, c'est-à-dire sans lesavoir. Car l'Europe n'est pas autre choseet ne peut pas être autre chose que laréunion, dans un même ensemble économique, monétaire, financier et douanier,de territoires relevant de différentes
nations européennes.Ou l'Europe sera cela, ou elle ne sera
pas, et tout le reste, à mon sens, n'estque littérature.
La Sarre est un territoire à peine plusgrand qu'un département français surlequel vivent, à une densité extraordinaire,environ un million d'habitants. Il renferme un bassin minier relativement
important, capable de produire environ15 millions de tonnes de charbon par an.A côté de ce charbon est née et s'est déve
loppée une puissante industrie métallurgique et quelques autres industries particulières comme la céramique. Mais cetteindustrie est très spécialisée et la Sarre estloin de former un ensemble économiqueéquilibré, notamment au point de vue agricole, puisqu'elle produit à peine deux moisde sa propre consommation.
Il y a trois ans, la Sarre s'est détachéepolitiquement et administrativement del'Allemagne. Elle s'est dotée d'un parlement librement élu et d'un gouvernementresponsable et elle a décidé de se rattacher économiquement et financièrement àla France. Le franc a été introduit enSarre et en est devenu la seule monnaie.
Il n'y a plus de douane entre la France etla Sarre ct le cordon douanier de l'ensemble France-Sarre est reporté à la limite
1 extérieure de la Sarre. Les salaires et les
i. charges sociales ont été unifiées. La Sarre1 est entrée dans la zone franc et il n'estplus question de balance des comptes entre la Sarre et la France. C'est pratiquement la France qui nourrit la Sarre et lepotentiel industriel de la zone franc s'estaccru du potentiel sarrois* ce qui ne veutpas dire, en aucune manière, que les industries françaises doivent fermer pourfaire face aux produits sarrois, mais que
l'ensemble ainsi formé doit trouver à l'intérieur de la zone franc et à l'extérieur decette zone les débouchés supplémentairesnécessaires.
M. Robert Schuman, ministre des affaires étrangères. Très bien! C'est là tout leproblème !
M. Maroger. Tout cela ne s'est point faitsans peine et sans risque. On se rappellel'émotion en Lorraine et en Alsace lorsqueces régions se vidèrent de leurs ressourcesalimentaires au profit de la Sarre. II estcertain aussi que les ententes industriellesnécessaires entre les industries française etsarroise ne sont pas toujours aisées à établir et que certains problèmes restent encore à résoudre. Mais, au total> je croisque l'on peut dire que l'opération a réussi:les mines marchent à pleine production,-l'industrie à une allure satisfaisante, puisqu'il n'y avait, cet été, aucun chômageen Sarre, et que l'économie française n'apas été, en toat cas, gravement altéréepar cette brusque extension de la zonefranc.
Cela étant, à mon sens, le problème del'Europe revient essentiellement à savoirsi la France et l'Allemagne sont capablesde faire entre elles, à leur échelle, et avecle charbon de la Ruhr, ce que la France etla Sarre ont fait à une échelle certes plusréduite, mais tout de même à une échelledéjà importante avec le charbon de laSarre, et de savoir si la France et l'Allemagne veulent le faire. Le problème estcertainement plus vaste et plus difficile,mais il n'est pas d'un autre ordre. Il s'agitde tirer parti de cette première expérience, des enseignements qu'elle comporte, et d'aller plus loin.A mon sens, en tout cas, il ne saurait,
en aucun cas, être question de revenir enarrière, car le jour où l'Allemagne feraitelle-même partie de ce vaste Zollvereineuropéen, la question de ses rapports politiques avec la Sarre ne nous intéresseravraiment plus, et pourra se régler aisément. Peu nous importe, ce jour-là, quela Sarre devienne un grand duché commele Luxembourg, ou forme, avec un statutplus ou moins spécial, un Land allemand.C'est là l'affaire des Sarrois. Jusque-là,cela nous importe, à mon sens, beaucoup,et j'estime que nous n'avons pas le droitde laisser détruire ce premier morceau del'Europe. Sur ce point, je serai aussi heureux d'entendre tout à l'heure l'affirmation de la politique française.
J'en viens maintenant au problème allemand, et je voudrais vous demander devous rendre compte combien la créationaujourd'hui de l'Europe se rapproche d'unautre problème que le 19" siècle a résolu,et qui était le problème de l'unité allemande. - ,
J'ai déjà eu l'occasion, dans différentsarticles de journaux, de montrer ce phénomène curieux que la Prusse, de par leshasards de la guerre et des traités, s'esttrouvée, après le traité de Vienne, nantiede la quasi-totalité du charbon allemand.Ce n'étaient certainement par des charbonnages que Frédéric II était allé chercher en Haute-Silésie, ni des mines queles trois grands de Vienne, en 1815, avaiententendu attribuer à ce gendarme bonassequ'ils avaient installé sur le Rhin, face àla France. Mais ces territoires n'en renfermaient pas moins les plus riches gisements d'Europe et les seuls, ou à peu près,'de l'Allemagne, et si l'unité tle l'Allemagnes'est faite, c'est sans doute, pour une part,par le génie d'hommes comme Bismarck,puisqu'il faut toujours un accoucheur audestin, mais c'est essentiellement parce
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2649
bue la Prusse n'a pas gardé ce charbonpour elle, qu'elle l'a mis à la dispositionde l'Allemagne entière et en a fait le biencommun du Zollverein tout entier. Il n'ya pas eu privilège pour le détenteur. LaBavière et le Wurtemberg ont eu ce charbon aux mêmes conditions que la Prusse.C'est la diffusion de ce charbon à travers
toute la confédération, promouvant avecelle le développement, de l'industrie, faisant sauter les particularismes locaux, quia été l'agent unificateur essentiel de l'Allemagne.Là où ce charbon n'a pas pénétré,
comme dans l'empire habsbourgeois,laissé en dehors du Zollverein, l'unification ne s'est pas faite.
. M. le ministre. C'était vrai aussi pour lamarine marchande, qui a été apportée parla Prusse principalement.
M. Maroger. Je ne sais si les choses sontallées ainsi d'elles-mêmes ou si elles ontobéi à une politique préméditée. Certes,l'ère industrielle s'est ouverte après letraité de Vienne: unification politique, développement économique, exploitation desmines, essor industriel sont allés de pair.Par ailleurs, la Prusse, nous le savons,n'était pas un État aggloméré, les territoires relevant de sa couronne étaient séparés les uns des autres et formaient desentités distinctes. Il était donc difficile deconcevoir et de promouvoir une industriepurement prussienne. ,Je crois pourtant savoir que le Zollverein
a été une solution parfaitement réfléchieet voulue par la Prusse, à qui l'unité économique allemande est apparue commele seul moyen de mettre en valeur lesrichesses de la Prusse, celle-ci acceptant,en contrepartie, de les apporter à la collectivité allemande. .
Il est hors de doute, en tout cas, pourma part, que si l'économie prussiennes'était fermée sur elle-même, si la Prussen'avait cédé son charbon aux Etats voisins que contre des accords bilatéraux etavait tenu sa balance des comptes, jamaisl'unité allemande ne se serait faite etl'Allemagne n'aurait connu la prospéritéqu'elle a connue depuis.La situation aujourd'hui est singulière
ment semblable. L'Allemagne, même l'Allemagne occidentale seule, détient encorela majeure partie, et la , meilleure, ducharbon de l'Europe occidentale et je ipenseque l'unité de cette Europe se fera dans,la mesure où le charbon allemand deviendra un bien commun de l'Europe, commel'unité de l'Allemagne s'est faite quandle charbon prussien est devenu un biencommun de l'Allemagne.Sans doute les difficultés sont-elles plus
grandes. Nous ne sommes iplus au débutde l'ère industrielle. Il existe à travers
toute l'Allemagne une chaîne d'industriespuissantes nées du charbon allemand; ilen existe de semblables, quoique néesdans des conditions différentes, en France,en Belgique, dans tous les pays d'Europe.Il ne s'agit pas de sacrifier celles-ci àcelles-là. Le problème est de savoir si l'onipeut instaurer un régime qui permettra àtoutes ces industries on à peu près de survivre dans une organisation raisonnable etéquitable dies fabrications et des débou-thés tant extérieurs qu'intérieurs.On notera pourtant qu'aucune des deux
parties, Allemagne et France, ne joue perdant a priori. Il ne s'agit pas pour laFrance d'arracher sans contrepartie unepartie d^ce charbon westphalien que l'Allemagne, d'ailleurs, n'a jamais pu utiliser elle-même en totalité en dehors de fa
brications de guerre intensément poussées.
La France met au jeu des matières premières essentielles : le minerai de fer, lesphosphates et l'infinie diversité des produits coloniaux. Il n'est ipas évident queson apport dans la communauté soitmoindre que celui de l'Allemagne. L'ensemble France-Allemagne a certainement àgagner à cette mise en commun des ressources naturelles des deux pays et deleurs débouchés. Le tout est de- savoir sices deux pays sauront adopter, avec labonne foi nécessaire, des mesures efficaces.Jamais, en tout cas, les circonstances, lesunes heureuses, les autres malheureuses,n'auront fourni une conjoncture si favorable !
Il n'est qu'un moyen de chercher à résoudre un tel problème, c'est d'avoir lecourage de l'aborder de front, dans sonintégralité et, le supposant résolu, c'està-dire l'Allemagne occidentale et uneFrance formant une même aire économique avec mise en commun des ressourcesnaturelles des différents ipays constitutifs,avec libre circulation des produits, des capitaux et des homme, avec une mêmemonnaie — c'est exactement ce que nousavons fait en Sans — de rechercher quelles en seraient les conséquences pour lesdiverses branches de l'économie de notre
pays, et quelles mesures seraient à prendre, temporaires où définitives, pour quecette économie ne soit pas bouleversée.Ces conditions supposées remplies pour
la France et pour l'Allemagne, dont l'accord forme le nœud du problème, il faudraétendre le j.oblème à l'ensemble de l'Europe occidentale. -C'est une étude qui doitêtre poursuivie en détail pour chaquebranche u'industrie et pour chaque production agricole. -Mais il tombe sous le sens que ce pro
blème ne comporie> pas "de solution si lesconditions de travail, notamment les salaires et bs charges sociales, ne sont pasuniformisés dans les différents pays dontl'économie est intégrée. C'est ce qu'on afait en Sarre.
Mais cela pose aussitôt la question del'instauration d'une autorité confédéralechargée de régir celte économie communeet die fixer des règles communes auxquelles les différents Etats confédérés devront,se plier. Dans l'union franco-sarroise, ileût été absurde de créer à- cet effet uneassemblée de 44 Français et de 1 Sarrois— puisque c'est la proportion admise —et on ne pouvait faire autrement que dedonner délégation à la France de gérerl'ensemble, quitte pour elle à tenir contactavec 1/ gouvernement de la Sarre.Force ici sera d'aborder ce problème
d'une autorité confédérale et des transferts de souveraineté entre les pays membres et l'autorité confédérale, transfertsdont on parie beaucoup, mais qu'on nes'est Jamais préoccupé de préciser. C'estcertainement là aussi un problème difficile, mais je pense, pour ma part, qu'ilserait au total beaucoup plus cohérent etfinalement (beaucoup plus efficace de s'attacher directement à ce problème etd'échafauder cette aire économique commune avec cette autorité internationale
convenablement équilibrée, que de chercher à libéraliser des échanges, commeon dit maintenant, entre des pays quisont tous de' plus en plus ancrés dansleurs particularismes monétaire, économique, social et financier.
Ce n'est pas pour le plaisir que jadison a inventé les contingents. Ils sont devenus nécessaires le jour où les vieux
droits de douane sont devenus insulïi*sants devant les fluctuations des mon*naies et le vagabondage monétaire - desdifférents pays. Je ne crois pas que cesoit en les supprimant qu'on aboutira. Jecrois qu'on résoudra le problème dans sonensemble ou qu'on ne fera rien, ou dumoins rien de bon.
Je pense également que ce n'est quapar ce procédé que l'on arrivera à résoudrele problème de la sécurité. L'expériencede la période qui s'est étendue entre Lesdeux guerres nous l'a enseigné: Ce n'estpas par l'extérieur que l'on établit uncontrôle et que ce contrôle peut être effinace. Il n'y a de contrôle valable que l'ac*tion exercée par l'intérieur dans une organisation commune, dans laquelle laFrance aura la- place qui lui revient etque, j'en suis sûr, elle pourra tenir ave?efficacité.
Contrairement à ce que beaucoupcroient, je ne pense pas que, du fait- desdestructions de guerre, des démantèle*ments, du vieillissement de certaines ins*ta Hâtions, je ne pense pas qu'au totall'Europe occidentale soit actuellement surféquipée et que l'industrie française,' pasplus que celle du Benelux, soit condamnéeà disparaître devant la concurrence del'industrie allemande, du jour où toute?ces industries seront placées à égalité,-tant à l'égard des matières premières qu'àl'égard du niveau des salaires, des char*ges sociales et des charges fiscales.Certes, à cet égard, des mesures di
sauvegarde seront nécessaires, notammentpar 'le jeu d'ententes industrielles convenablement établies, mais il n'est certaine*ment pas impossible de les déterminer.Alors, allant peut-être un peu plus loiiS
que M. Debré, je crois que c'est à ce problème précis et concret que je voudraisvoir le Gouvernement français et le gouivernement allemand s'atteler directement*Je demande au Gouvernement d'avoiij
assez foi en lui-même, assez de foi dansla France, pour aborder, avec confianceet avec autorité, de telles négociations.Tout cela, évidemment, suppose essen*
tiellement le concours des Etats-Unis et
l'accord de l'Angleterre, car il est vainde penser qu'on fera sans l'un et sansl'autre l'unité économique de l'Europe oc*cidentale continentale.
Concours des Etats-Unis, bien sûr, nonpas comme arbitre, car il n'y a pas lieuà arbitrage, mais plutôt, dirai-je, commeforme de la fatalité qui oblige les deuxpays à s'entendre sous peine de périr tousles* deux 'et, surtout, concours des Etats<Unis comme prolongation de l'occupation#faute de quoi, comme je le disais tout êil'heure, rien de ce programme n'aboutira.-Par contre, cette occupation aura alors,
une raison d'êLre nouvelle: permettre lqjtransformation des conditions économi-i
qiues de l'Europe et perpétuer le climaSpropre à cette transformation.Concours de l'Angleterre. Je crois l'avoir;
déjà dit ou écrit ailleurs, je ne pense pasqu'on puisse aboutir à une organisationde l'Europe occidentale aussi longtempsque cette organisation réservera à l'Angle-'terre le même rôle, la même place qu'auxautres états occidentaux.
Deux conceptions se sont heurtées, no>tamment à la Haye et, je crois, à Stras*bourg: celle d'une confédération euro*péenne, celle d'une série d'accords entreétats restant souverains. Je crois cetteconfédération possible et réalisable si onla limite aux états de l'Europe continentale occidentale. Je ne crois pas qu'ellepuisse englober l'Angleterre, qui ne peutêtre séparée du Commonwealth ni de segdominions. Par contre, ce que je crois pos
2650 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
sible et nécessaire, ce sont des accordsentre l'Angleterre et cette confédérationcontinentale.
Ce qui revient en somme -à combinerles deux conceptions en les appliquantchacune au domaine qui leur convient.Mais alors qu'une série d'accords entretous les Etats entre qui se répartissent l'Europe occidentale est une tâche évidemmenttrop vaste et trop complexe à laquelle onn'aboutira jamais, quelques accords entrel'Empire britannique d'une part et la Confédération européenne d'autre part réglantquelques courants d'échange primordiauxsont une œuvre assez concevable et qu'ilest, je crois, possible de mener à bien.Il reste enfin la Russie. Je pense qu'in
dépendamment de toute idéologie, lapolitique russe est, pour une très largepart, commandée par la peur: peur d'ailleurs légitime si on se réfère aux enseignements de l'histoire, puisque depuis unmillénaire la Russie est toujours apparueà l'Allemagne comme sa terre d'expansionnaturelle. La seule chance de changer lecours des événements es.t d'arracherl'Allemagne à sa vocation continentale etde la rattacher aux peuples de la mer, auxpeuples occidentaux.Guillaume II n'avait pasrftort lorsqu'il
disait que l'avenir de l'Allemagne était. sur les mers. Son erreur fut de croire qu'ilpourrait 4 la fois conquérir les mers dehaute. lutte, contre l'Angleterre et contreles Empires maritimes, et poursuivre versl'Est la politique traditionnelle d'expansion de son pays.La vue juste est d'ouvrir à l'Allemagne
l'accession à ce que Pirenne appelle lacongrégation des peuples de la mer, carcette congrégation est, par sa naturemême, hostile aux conquêtes .territoriales.L'Allemagne, indépendante et maîtresse
de ses destinées, sera toujours tentée parle mirage oriental. L'intégrer à l'Europeoccidentale, la lier à son destin, c'est, àmon sens, le seul moyen de changer samentalité et de la tirer de l'ornière où elles'acharne depuis des siècles.Ce jour-là, mais ce jour-là seulement,
sonnera l'heure de la reconstitution del'unité allemande, car la Russie elle-mêmen'aura plus aucun intérêt qu démembrement de l'Allemagne et à l'occupation dela zone orientale.
Telle est la tâchc que je voudrais voir laFrance proposer et aborder. Je souhaiteen avoir montré à cette Assemblée laportée et la nécessité. Je voudrais que leGouvernement l'entreprît.Sans doute, me dira-t-on, vous oubliez
la bombe atomique, le conflit latent entredeux. grands empires, conflit dans lequelnous serons irrémédiablement pris et auquel nous servirons de champ de bataille.Je ne crois pas, pour ma part, aux
catastrophes inéluctables.Je sais aussi que ni la France, ni l'Alle
magne ne sont les maîtres du destin dumonde. Sachons donc, plus modestement,faire l'une et l'autre, à notre niveau,
» l'œuvre de réconciliation qui nous incombe.
Pour le reste, laissons faire les Dieux,en nous rappelant que moins les simplesmortels leur offrent des querelles auxquelles participer, plus ces mêmes mortels ont la chance de les voir demeurer,
' entre eux, en paix! (Vifs applaudissements.)
M. le président. La parole est àM. Marcel Plaisant, président de la commission des affaires étrangères.
M. Marcel Plaisant, président de la commission des affaires étrangères. Mesdames,messieurs, ce débat, qui fut provoqué à lasuite de la position prise par le Gouvernement vis-à-vis de la République fédéraleallemande, a singulièrement dépassé sonobjectif primitif, puisqu'aussi bien, par lejeu même des forces qui sont mises enprésence-, le ministre va être obligé dedéfinir sa politique générale vis-à-vis del'Allemagne, d'abord devant les puissances qui s'affrontent, et ensuite en fonctionde la sécurité suprême de la France.Débat sur l'Allemagne! C'est, peut-on
dire, le plus français, le plus humain desdébats; et c'est ce qui fait à la fois sagrandeur et son danger.Il n'est pas de Français qui ait combattu,
qui ait souffert par lui-même ou par lessiens, qui n'ait la prétention de dire sonmot dans ce conflit douloureux, qui n'aitle sentiment d'être plus proche de la véritéparce qu'il a été plus altier dans les souffrances.
Mais un tel débat se dérobe, c'est là ledanger, aux catégories de l'esprit.Ici, c'est la sensibilité qui domine la rai
son, et l'injure qui est faite aux hommesse perpétue, pèse sur la réalité, et nousempêche d'apercevoir nettement les personnages nouveaux qui entrent en scèneet qui vont se prodiguer sur le théâtre dumonde.
Déjà, nous avons eu ici un.prolegomène,au mois de juin dernier, par le débat surle Conseil de l'Europe, de ce que ' vouspensez au Gouvernement.Mais, en peu de temps, les événements
ont tourné. Aussi bien, il y a une réflexionque je tiens à faire devant ,vous, parcequ'il me semble que c'est lé devoir duprésident de la commission des affairesétrangères de .saisir ipour nous-mêmestoutes les occasions de marquer le rôlegrandissant de cette Assemblée. (Trèsbien! très bien!)Nous avions recueilli, le 24 juillet, des
lèvres mêmes de M. le ministre des affairesétrangères, la promesse formelle faite envotre présence qu'il n'accepterait pas l'ouverture d'une négociation sur l'entrée del'Allemagne dans le Conseil de l'Europe,-avant que ne soit instituée, dans les deuxAssemblées, une explication franche etloyale sur les conditions dans lesquellesse présentait le problème.Invitation - requise, promesses faites,
explications attendues, mais, mesdames,messieurs, aujourd'hui, les données essen^tielles que je tiens à résumer devant vous,à l'heure même où j'interviens dans cedébat, quelles sont-elles ? ,État de l'Allemagne, évolution présente
de l'Allemagne, conjonction des forces enprésence, souci de votre sécurité.Mais l'état de l'Allemagne ? Il fait l'objet
de l'inquiétude qui s'est emparée desesprits et que vous avez sans doute,comme premier devoir, d'apaiser par cedébat lui-même, par sa portée, par lesexplications que vous allez entendre.C'est un fait que l'Allemagne, aujour-
d'hui, montre un degré d'épanouissementde sa puissance industrielle qui, aurythme où elle est animée, risque de dépasser bientôt la force même qu'elle avaità la veille de la guerre.Déjà, on relève que 80 p. 100 de la pro-.
duction d'avant guerre se remarquent dansla zone occidentale.
Il a été dit que la productivité de l'acierétait montée de 10 à 11 millions de tonnes,chiffres contractuels et consentis, jusqu'àcelui de 14, 16 et même 17 millions die
tonnes, encore qu'ils soient l'objet d'une'négociation, et ce qui achève de donner àces chiffres leur valeur, je dirai presquetragique.Lorsqu'il s'agit de l'Allemagne occiden
tale, lorsqu'il s'agit de son équipementindustriel, de cette admirable situation desindustries à trois étages: minières,sidérurgiques et mécaniques, qui se trouvent rassemblées et toutes prêtes à fonctionner demain pour toute œuvre, c'esten même temps le potentiel de guerre quise trouve accru, organisé, tout armé, demain, pour donner la mort.A côté de ces faits, vous venez, mainte
nant, d'admettre l'entrée de cette Allemagne, hier gisante, disait-on, son entréenouvelle dans le monde international.
Car le protocole de Bonn, consenti pour •le moment entre les hauts commissairesinteralliés et le chancelier de la République fédérale, n'est qu'un vaste portique ouvert au vaincu pour s'élancer ànouveau dans l'arène.
Si des réalités nous passons à l'esprit,les enquêtes relevées sur la jeunesse allemande, notamment — je cite celle ducomte d'Harcourt à côté die tant d'autres
— laissent paraître que la jeunesse allemande regrette le temps des nazis commel'époque de l'âge d'or.Hier, elle avait dans son secret, dans
la clandestinité de ses pensées, le servicede la revanche qui était tout prêt dans sonesprit.Aujourd'hui, c'est au grand jour que les
formations militaires et paramilitaires semanifestent , sur les places publiques,appellent le jour élu et cherchent leursmoniteurs et leur conducteur, celui quiaurait le mot magique, celui dont les paroles seraient encore acceptées commeune religion révélée. Dans cette poursuitede l'élite, ne voyez-vous pas déjà toutl'orgueil et toute la foi d'un peuple ?"Comment voulez-vous que, devant cesévénements rassemblés — et que je vousmontre dans un tableau qui, je vous priede le croire, n'est pas chargé — nous nesoyons pas saisis d'effroi et que nous nenous demandions pas,. en vérité, sil'heure est bien propice pour consentir àl'Allemagne une entrée dans la vie publique et une faculté, une liberté d'examen et de discussion qui, demain, pourrait bien apparaître comme une rébellioncontre les engagements pris ?
Mais tournons ce volet ' du dyptique,apercevons l'autre volet. Ici, nous -voyonsune Europe resserrée, amincie, devant lesailes enveloppantes de l'aigle au doublecorps et à la double tête, du double aiglequi, double aigle russe, est beaucoupmieux que du temps des tsars l'emblèmedu nouvel empire puisqu'aussi bien sesserres viennent se poser sur les bords del'Oder, sur les cols des Carpathes, s'allongent jusque sur les vertes et riches régionsqui entourent le Danube et pressent à lafois la mer Noire et l'Adriatique en couvrant les Balkans.
Répugnant aux répétitions, je ne mepermettrai pas ici de donner des chiffresqui sont dans le domaine public, sur la ,puissance de l'État aux 350 millionsd'hommes fédérés. Je préférerais, et je 'vous les livre très simplement, vous traduire deux impressions que j'ai recueilliestout récemment lorsque j'étais délégué dela France à l'assemblée des Nations uniesà New York, et que j'y observais le mouvement des hommes et des passions' Jevous prie de croire que si j évoque cessouvenirs, ce n'est pas une digression queje m'interdis dans un discours, mais parce
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2651
Suedéj'essitionmeqque vouc es atppun édens.élémentse décision qui vous appartient.Deux impressions m'ont frappé. Tout
'd'abord, de voir combien les représentants'des Soviets répugnent à tou.te entente, àtoute convention qui pourraient limiterleurs forces et leurs espoirs. Tout àl'heure mon éloquent collègue M. Maroger vous parlait de la bombe atomique etde ses préparations. Hier même, le généralBillotte et M. Pierre Montel, député, faisaient des révélations qui peuvent êtrevraies ou exagérées sur les constructionspossibles d'un certain nombre d'engins.Pour ma part, je suis beaucoup moins
craintif.
Je ne peux pas indiquer toutes messources de renseignements, mais j'ai eu cesentiment, en entendant les délégués desSoviets parlant à Lake Success dans toutesles commissions pendant plus de vingt-cinq jours, qu'à travers la hâblerie despropos et l'assurance sur la bombe atomique, que dans les laboratoires desSoviets, que ce soit depuis la Vistule jusqu'à l'Oural et la Volga, il y a peut-êtrebeaucoup plus de préparation — je diraimême de préparation accompagnée decatastrophes — que de réalités effectives.
En tout cas ce qu'il faut retenir — etc'est là ce que je tenais à vous communiquer — -c'est que jusqu'ici les Sovietste sont refusés à toute entente, à touteconvention internationale, en lançant enavant, pour troubler les esprits, une prétendue interdiction inconditionnelle del'emploi de la bombe atomique, maiss'opposant à tout contrôle. Cela est si vraiqu'ils ont voté contre la résolution franco-canadienne qui avait été proposée et quidemandait aux Etats certains abandonnç-ments de leurs prérogatives de souveraineté pour accepter ce contrôle. Ils veulent bien la gloriole dans les faits, maisla clandestinité pour la dissimulation deleurs ambitions.
Deuxième impression: M. Vichinsky,dans ses rencontres, ne se contente pastous les jours de condamner, de poursuivre, les Etats occidentaux — tous ceuxqui ae sont pas de sa religion —, de lesmenacer, de répandre sur eux l'invective,de .travestir leurs desseins. Là encore, ilaime à faire manœuvrer ses satellites. Etce n'est pas le moindre intérêt — c'estdu moins celui qui demeure —, de cetteassemblée -de cinquante-neuf nations devoir le chef de la diplomatie soviétiquemanœuvrant les satellites, Biélo-ltussie,Ukraine, Pologne, Tchécoslovaquie et lespoussant comme des pions sur l'échiquierinternational, au gré de ses désirs et aucaprice, de «ses tyrannies passagères.Mais ces deux impressions, rassemblez-
les. Qu'en reste-t-il ? C'est qu'aujourd'huiivous assistez de mois en mois à un développement et à des prises dé positions deplus en plus puissantes, conquises par lesSoviets.
Au mois d'octobre, vous avez vu dénoncer tous les pactes qui unissaient laRépublique de l'Union soviétique, aussibien que ses satellites, avec la Yougoslavie.
Cette guerre aux pactes qui s'est poursuivie pendant tout le mois d'octobre, elle«st le témoignage, non seulement du désirde combattre la Yougoslavie et d'attendrel'heure propice pour faire une manœuvreinterne qui puisse permettre aux Sovietsd'arriver à leurs desseins, mais aussi elleest le témoignage de l'unité de leurs vues,elle est le témoignage de la persévéranceConstante dans le même propos et, là en
core, c'est un objet qui doit rester digned'observation.
Au surplus, je ne trouverai de meilleuresparoles, pour conclure sur ce tableau, quele mot qui a été prononcé par llans Hagenà la maison de culture soviétique avant-hier, lorsqu'il a proclamé que « les pauvres Etats capitalistes marchaient à cloche-pied et misérables dans leurs pantoullesfeutrées, alors que, pendant ce temps-là,les Soviets chaussaient les bottes de septlieues qui gravissent les cimes, et qu'ilspoursuivent leur course de victoire en victoire. »
Devant ce rapport des forces, et en présence de cette conjoncture qui montrel'imminence des conllits possibles, quellesolution pouvait être adoptée, et par laFrance et par les Etats occidentaux, quise trouvent rejetés à la périphérie del'Europe comme sous l'action d'une sorted'axe de rotation de la Russie agissant parl'effet d'une puissance centrifuge ? Quefaire d'autre, sinon d'arriver d'une façoninéluctable à l'union européenne ?
Dans cette enceinte, comme l'Assembléenationale, nous sommes tous, ou presquetous, convaincus de la nécessité de cetteunion européenne, d'abord parce que nousla considérons comme le moyen le meilleur, dans l'intérêt du monde, pour lemaintien de la paix et pour la conservation des établissements de notre civilisation.
Mais comment faire cette union euro
péenne ? Est-il concevable, quand vousvoyez les peuples occidentaux dans cetteresserre, dans cette partie de l'isthme dela vaste Europe, que cette union se fassesans l'Allemagne ? L'Allemagne n'est-t-ellepas nécessairement partie intégrante del'Europe ? Et, d'une façon générale, est-il imaginable que cette union se fasse sansl'Allemagne, malgré nos craintes, commeelle ne saurait se faire sans la Grande-
Bretagne, en dépit de ses réticences.Grandes réticences; réticences que nousdevons surmonter. La Grande-Bretagnenous oppose les obligations qu'elle a contractées avec le Commonwealth, mais,quelle que soit cette hypothèque, elledoit être levée. On sent que le devoir estde conciliation et qu'à toute force on nepeut imaginer une union européenne sansle concours pressant de la Grande-Bretagne. Concours de la Grande-Bretagne, quicomportera des changements, peut-être,dans le statut aujourd'hui adopté, ainsique des amodiations.
Concours aussi de l'Allemagne. Maisalors, soyons francs et, puisque l'unitééconomique doit se faire avec l'Allemagne, pourquoi ne pas voir le problème telqu'il nous est immédiatement proposé ?Unité avec l'Allemagne ? Elle doit se faire,cette unité, sans possibilité de réarmement. Pourquoi prétendre que l'unité del'Allemagne et son intégration dans l'unitéeuropéenne puissent impliquer, à un degréquelconque, le réarmement ?
Continuation de l'occupation, nécessitéd'un désarmement total et du maintiende ce désarmement' ? Dément celui quipourrait penser autrement et j'aimerais,comme il l'a fait devant la commission,que M. le ministre des affaires étrangèresrenouvelât à cette tribune la déclaration
qu'il fit- le 24 novembre devant i'Assemblée nationale lorsquiïi a dit qu'il résultaitdes négociations que la république fédérale allemande elle-même prenaii solennellement l'engagement de ne prépareraucun réarmement, de ne méditer aucunréarmement direct ou indirect.
L'affirmation nous en serait précieuse.Tout d'abord parce que si c'est là cequi s'exhale d'une négociation et d'untexte écrit qui fut publié le 24 novembre,encore pourrions-nous craindre que, depuis, il fût altéré par les discours du chancelier Adenauer, par ceux qu'on lui prête,par ceux qu'il dément.. Sachons la vérité; c'est là une déclaration, n'est-il pas vrai, qui nous est indispensable.Enfin, si nous avons négocié et si nous
avons accepté que l'Allemagne entre danscette unité économique, faut-il croirequ'elle y entrera franche et quitte detoutes charges? Ah! non pas! et c'est icique je serai peut-être en divergence- avecnotre ministre des affaires étrangères.
Jusqu'ici, le problème demeure entieret c'est encore une procédure à suivreque de voir l'Allemagne siéger au conseilde l'Europe; mais le protocole de Bonn,qui a été signé entre les hauts commissaires interalliés et le chancelier de la république fédérale, est-il autre chose pournous qu'une mesure de police intérieure,qu'un acte de discipline de l'occupation ?J'entends par là qu'il m'apparaît que cetacte est encore révocable, perfectible,qu'il peut comporter de nouvelles obligations. En particulier, il est évident que,si l'Allemagne aujourd'hui se voit renaîtreà la vie publique, il est à peine possibled'imaginer que cela soit sans quelquesgaranties, les garanties substantielles quenous avons le droit d'exiger d'elle.
Ici, j'abrégerai d'autant plus aisémentmon propos que MM. Debré et Marogeront donné à cette partie le développementle plus pertinent. Cependant, sur troispoints, j'estime qu'il est encore tempsd'exiger de l'Allemagne candidate, del'Allemagne demanderesse, de l'Allemagnequi n'a pas encore obtenu ce qu'elle désire, d'exiger d'elle d'abord des garantiespour la Ruhr.L'autorité internationale de la Ruhr a été
conçue dans un acte qui est susceptiblede revision. Cette revision figure même,je crois, dans un des termes finaux del'acte qui institue l'autorité internationale.J'aimerais que l'Allemagne, qui a été citéedans le protocole de Bonn comme devantentrer dans le conseil de l'autorité internationale de la Ruhr, y entrât en acceptantnos vues, en adhérant à nos idées sur ledéveloppement de la propriété et l'investissement définitif de l'autorité internationale de la Ruhr.
Car, retenez bien que c'est ici un despoints sur lesquels je crains qu'il y ait ladivergence latente la plus grave entre laFrance et ses alliés. Le texte garde lesilence. Dans ses stipulations, on parle dedistribution et d'attribution.
Mais nous, nous avons toujours penséque le problème de la propriété se posaitencore et nous nous sommes élevés dans,cette enceinte contre la fameuse loi n° 15qui paraissait méconnaître le droit acquiset qui s'engageait dans une voie qui n'ajamais été consentie par le Gouvernementfrançais.
Là encore, nous voudrions que l'entréede l'Allemagne fût concomittante d'unenouvelle revendication et qu'elle adhérâtformellement à notre thèse sur l'autorité
de la Ruhr, revenant pour la dévolutionfinale, à l'investiture de l'autorité internationale pour ses propriétés, comme nousl'avons demandé.
Nous voudrions aussi que fût évoqué ànouveau le problème des réparations, carnous ne saurions croire qu'il fût révolu.
2652 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1049
L'un des orateurs, M. Berlioz, a beaucoupinsisté ' sur les textes des conventions deYalta et de Potsdam. J'y insisterai volontiers au' même titre que lui-même, pourme rappeler que dans la convention deYalta il est' expressément écrit que l'Allemagne' devra' être contrainte à réparer entièrement les dommages dont elle est l'auteur dans la.plus grande mesure possible.Le texte de Potsdam, qui est de six mois
consécutif, n'a en rien infirmé le- textede Yalta sur ce point.D'autro part, la conférence qui a été
tenue ici au Luxembourg à la fin de décembre 1945, en gardant le silence, ieconstitue aucune prévention contre le droit»ux réparations, L'heure est- encore propiceet puisque nous- avons une candidature ànégocier, il m'apparaît que vous devez imposez ce droit aux. réparations à la chargede l'Allemagne.Enfin, un troisième point: nous ne pou
vons accepter, j'estime, que soit encorerevisé le régime des démantèlements. Cesdémantèlements constituent le point surlequel les plus grands abandonnementsont' été consentis peut-on dire dans le protocole de Bonn, de la façon la plus choquante en ce sens que les parties désobéissantes, c'est-à-dire celles qui ne se prêtaient pas au démantèlement, qui ont étéen état de rébellion, jouissent d'une amnistie en quelque sorte et que les démantèlements qui ne sont pas faits avec lafaute même de ceux qui devaient les accomplir ne seront pas faits, si bien qu'ilsbénéficient de leur révolte et de leur désobéissance à la loi internationale.
Mais ces garanties acquises, je crois quenous devons et que nous sommes certainsde faire-l'œuvre la plus directement utileen acceptant l'Allemagne dans cette nouryelle entité économique.On. faisait' tout à l'heure allusion aux
déboires que nous avons éprouvés dansla période d'entre deux guerres où, là aussinous nous sommes acharnés à obtenir
. de l'Allemagne — le ministre des affairesétrangères contemporain de ces efforts nepeut pas les- ignorer — nous avons- essayé,dis-je, d'obtenir de l'Allemagne la sommede réparations qui nous étaient dues. Etcertains de critiquer.. Certains même ont
Îien csaépaqu'il ny'avvaaiit peausd éetsé h ào sa hsautdeounta capacité n'avait pas été à la hauteurdes événements. Quelle injustice! Nousn'avons jamais cessé pendant la périoded'entre deux guerres de démasquer lepéril, de lé dénoncer et de demander avecune répétition constante l'exécution de nosdroits. Mais cotte période, comment selaiti-il qu'elle ait pu se passer, et que nousayons assisté à la renaissance de l'Alle-magne-dans les mêmes termes, avec moinsde rapidité ?'
M. Marius Moutet. Me permettez-vous deyous interrompre ?
Bt; Marcel- Plaisant, président de la commission des affaires étrangères. Je vousen prie, mon, cher collègue.
f
M. Marius Moutet. La thèse de M. Berlioz
soutenant que l'abandon des réparationsétait le fait des puissances, oublie quelques dates historiques dont la premièreest le traité de Rapallo de 1922 qui avaitprécisément pour but de la part de laRussie, d'abandonner les réparations, quiétaient complétées- l'année suivante, etlorsque Hitler est arrivé au pouvoir en4932,. il l'a bel et bien renouvelé en 1933.
Si vous voulez bien relire à la fois lescirconstances qui entourent le traité deItapallo, vous verrez que c'est pour obliger. les puissances occidentales à aban
donner les réparations, que- la Russie s estengagée dans cette voie.Par conséquent les notions historiques -
de M. Berlioz étaient au moins incomplètes, mais l'histoire racontée par les communistes n'est pas souvent en accord avecla réalité des laits. (Applaudissements àgauche.)
; M. Marrane. Hitler est arrivé en 1933 au,
pouvoir et non en 1932. •
M; Marcel Plaisant, président de la commission des affaires étrangères. Nousn'avons jamais cessé d'élever cette revendication, mais je n'ai pas fait appel à cessouvenirs par un. simple jeu de l'esprit,par l'évocation d'une réminiscence historique, j'y ai fait appel; et ce sera là notreconclusion, pour en tirer et en dégagerune leçon dans les circonstances présentes.
Lorsque nous avons voulu exiger de l'Allemagne des réparations, lorsque nousavons voulu essayer de la maintenir dansles langes qui restaient encore de ce traitéde Versailles, nous avons, fait, successive-,ment deux politiques.Tour à tour ce fut la politique de: la
vindication totale et ensuite la politiquede la conciliation et de l'abandon. Et c'est,peut-on dire, l'interversion de ces deuxpolitiques successives que l'on mettait àl'essai qui donnait à chacun le témoignage
, d'une hésitation et d'une incertitude.Mes chers collègues, encore que moi non
plus je ne croie pas aux leçons de l'histoire,, car jamais elle ne se renouvelle suivant les mêmes normes, dans les mêmesprocédés, il n'y a qu'une valeur commune, c'est' l'âme des hommes qui ne
, change pas.Cependant, si nous devons nous rappeler
ces expériences, il y a une première action que nous devons faire dans la constitution de l'union européenne, dans l'appel de -toutes les forces utiles pour concevoir cette unité, c'est de la vouloir vrai
. ment, c'est, d'agir de notre propre■ mouvement, c'est de ne pas paraître supporter une pression quelconque, c'est aucontraire de se montrer comme un élément moteur, comme un élément fédérateur qui, le premier de sa propre impulr, sion, désire cette unité économique,,comme notre sauvegarde..Est-ce que cette vue est une vue super
ficielle ou bien vous apparaîtra-t-elleconnue le résultat d'un artifice ?
" Là encore je me permettrai un souvenir. De tous les hommes d'État et aussi
des industriels, des chefs d'entreprises,que je. viens de voir pendant un mois,à New-York et à. Washington, j'ai retiréune impression, c'est que rien ne leurparaissait plus cher que notre volonté defaire cette unité européenne, parce qu'ilsla ; considèrent, non pas du tout commeune formation d'un bloc antagoniste,loin de là, ils la considèrent comme laplus forte garantie de la restauration, dela reconstitution de l'Europe. Ils aboutissent, avec leur mentalité d'hommes d'action, à cette conséquence: si l'Europe estforte et prospère, si elle est outillée, sielle introduit l'harmonie dans ses chargessociales, dans ses possibilités d'avenir,alors certainement nous aurons la paix.C'est la parole même que j'entendais duprésident Truman . « Que l'Europe soitforte, qu'elle connaisse l'harmonie, alorsnous aurons la, paix. »Nous aurons la paix, mais il faut avoir
la- foi, la conscience de la demander oude la rechercher suivant des formes déterminées. Il faut avoir en même temps
' la persévérance de ne pas mouvoir de sonpremier dessein, de rester iidèle à unepolitique. . Si bien que nous en arriverons,après avoir dressé le bilan et des dangerset des profits et des avantages et des es-ipoirs qu'ils, laissent naître, à cette conclusion : clairvoyance et vigilance dans lanégociation, dans la sauvegarde de nosgaranties; compréhension humaine, intelligence dans l'exécution de nos desseins,■■mais aussi- opiniâtreté et je dirais mêmeun peu d'audace et d'imagination pourleur achèvement. C'est, encore une manière do mettre, au bas de cette; adhésion,de cet acte nouveau, le sceau du géniefrançais. (Vifs applaudissements à gauche,au centre et à droite.)
M. le président. Je voudrais connaître lesentiment du Conseil sur la suite desdébats.
Plusieurs sénateurs. Suspension!...
M» le président. Sept orateurs restentinscrits dans la discussion plus, bien entendu, M. le ministre des affaires étrangères. Le prochain- orateur. M. Léo Hamon,est inscrit- pour une demi-heure. Voulez-vous que nous entendions M. Léo Hamonet que nous suspendions ensuite la.
, séance ?...
Monsieur Hamon, quel est votre avis t)
Mi Léo-Hamon> Personnellement, étant. donné l'heure, il me paraîtrait préférable-de suspendre, mais, naturellement, je suisà la disposition de mes collègues.
». le ministre. Je crois que nous pourrions, avec l'accord de l'Assemblée, continuer le débat pendant une demi-heure.
. (Assentiment.)
M. le. président). La parole est à M. Hamon.
M-. Léo Hamon. Mesdames, messieurs,quand, par une journée printanière de1915, dans l'élan d'une victoire dont nous
; n'oublions pas les sacrifices communs,Russes et. Américains se sont rejoints quelque part sur les bords de l'Elbe, près desarches effondrées d'un pont détruit, leurrencontre a bouleversé pour l'Allemagne,bien autrement que n'avaient pu le fairetous les revers passés, les données mêmesde son existence nationale et ses ambitions- possibles.Jusque là, après comme avant 1918, le
souci de l'Allemagne avait été d'éviter cequ'elle appellait l'encerclement afin do:pouvoir se choisir un allié, à défaut unneutre et en tout cas, une proie future.Désormais, irrévocablement chassée des
■ premiers rôles, située aux. contins desdeux zones d'influence mondiale, le ?eulchoix qui restait ouvert à l'Allemagneétait celui d'un protecteur dont elle pourrait demander aujourd'hui le secours, demain peut-être l'alliance, plus tard les faveurs.
Dans sa grande majorité c'est la protection occidentale qu'a choisie l'Allemagne.Des élections libres en porteraient sansdoute le témoignage pour l'ensemble deson, territoire. La République fédérale allemande de Bonn est en tout cas issue de
' ce choix, pour le territoire qui la constitue!Ce sont les conséquences de cette situa
tion nouvelle que nous avons à considérer. Plaçons-nous donc devant elle en yappliquant notre pensée afin de libérerpar là même nos thèses du reproche quileur est parfois fait d'être la survivanced'un conflit qui n'est plus guère que provincial. C'est du présent que, nous aussi,nous entendons parler.
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2653
Aussi bien (prenons-nous acte de ce qu'iln'y a plus entre la France et l'Allemagnede litige territorial. La Sarre ne sauraiten être un puisque — n'est-il pas vrai 1monsieur le ministre — il y a ici unesituation de fait qui a reçu sa consécrationeuropéenne, devant laquelle c'est le propre de tout bon Européen de s'incliner.Pour le surplus, jamais la reconnaissancede l'indépendance politique d'un territoiren'a pu, bien au contraire, passer pourfaire obstacle au droit d'une population àdisposer d'elle-même.Délaissons donc le tête-à-tête franco-al-
lemand suranné, et délaissons aussi destraditions de politique intérieure encoreplus surannées, qui voudraient que leshommes de progrès se distinguent par uneparticulière sympathie pour l'Allemagne,tandis que les hommes d'ordre feraientpreuve d'une plus grande défiance à sonégard, parce que tout cela est dépassé. Considérons le présent qui est l'Allemagne demanderesse à l'entrée dans la fédérationeuropéenne. Devant cette situation, commedevant toute- demande d'entrée dans une
alliance, trois questions se posent: quelleest la nature de l'allié qui s'offre: quellesera l'influence de son entrée sur les buts
même de la coalition en cause ; enfinquelle sera la place qu'il y tiendra ?
La nature du demandeur, c'est le problème de la démocratie allemande; soninfluence sur les buts de l'alliance, c'estle problème du caractère pacifique del'Europe; sa place dans l'alliance ou lafédération, et c'est le problème qui, ailleurs, a ipu être appelé celui d'une hégémonie économique de l'Allemagne.
La démocratie allemande, d'abord: iln'est que trop naturel ici d'être inquiet.Les survivances du nazisme sont indénia
bles outre-Rhin. Les outrances de langagede la campagne électorale, telles manifestations de la persistance du racisme, l'absence d'un véritable remords à l'égard desabominations de l'hitlérisme, tout cela estpatent. Je n'ai pas moins été frappé, aucours de récents voyages outre-Rliin, parl'indifférence obstinément témoignée par'les Allemands aux quelques Résistantsantihitlériens qu'ils ont pu avoir parmieux.
Oh, je n'ignore pas, par quelque, expérience française, que l'hommage à la résistance n'est pas après coup le monopoledes résistants, mais j'ai du moins le droitde dire que la faiblesse de l'hommagerendu à la résistance fait présumer quelque précarité dans le désaveu dé" l'oppression.
Mais ce qui me surprend encore le plusou, plus exactement, ce qui m'inquiète leplus, ce ne sont pas les séquelles dunazisme, ce ne sont pas les menaces d'unemportement dont notre pays a lui-mêmeparfois connu la tentation, ce n'est pas quela République soit contestée, qu'elle soitincomprise, c'est qu'elle ne soit pas défendue. En effet, au cours des différentespériodes où la République a pu être miseen cause chez nous, c'est le sursaut desrépublicains qui l'a sauvée. C'est ce sursaut que je ne trouve pas outre-Rhin etc'est ce qui m'inquiète.
Au lieu de cela, que voyons-nous dansla figure de la politique intérieure de l'Allemagne ? Une coalition gouvernementalequi comprend!, à côté de démocrates et depacifistes sincères, incontestés, à côté deforces spirituelles et démocratiques incontestablement' valables, des masses électorales et des intérêts privés dont je nepuis oublier que c'est leur égarement et
leurs intrigues qui ont amené Hitler aupouvoir.Tandis qu'en regard, dans l'opposition,
nous trouvons le parti socialiste, et ceparti socialiste dont les cadres furent durement éprouvés dans la lutte antihitlé-rienne fait, aujourd'hui, retentir les accents d'un nationalisme, lequel, pour êtreparfois inconscient, n'en est pas moinsinadmissible dans la forme et absurde dansle fond.
Je n'entends pas essayer de juger lesresponsabilités de cet état de choses, ou,plus exactement, j'ai été assez longtempsavocat pour savoir que les divorces sonttoujours aux torts réciproques. Mais, jevoudrais, pour me défendre d'intervenirdans la politique intérieure d'un pays voisin, rappeler que les voisins de l'Allemagne sont payés pour savoir par quels liensparticulier la politique extérieure de l'Allemagne est rattachée à sa politique intérieure. Ceci doit suffire à nous permettrequelques incursions. Dans cette situation.dans cette menace que j'expose, je trouvedes raisons non seulement pour nous,Français, mais encore pour les démocratesde tous pays, de comprendre que l'Allemagne ne saurait assumer un rôle prépondérant en Europe au moins parce que sondegré de maturité politique ne l'en rendpoint capable. J'y vois aussi, pour nous,pour vous, représentant du Gouvernementde la République, quelques raisons de précautions supplémentaires.Sait-on assez, monsieur le ministre, dans
notre pays que, lorsque le gouvernementdu chancelier Adenauer s'est présenté devant le Bundestag, à Bonn, après les accords du Petersberg, la confiance qui lui aété votée émanait de quelque 230 députéssur les 400 que comporte le Bundestag ?Voit-on combien est précaire, combien
est limitée la majorité, par ce fait même,et ne pensez-vous pas que nous avons ledevoir de mesurer les risques que nousfait courir l'opposition. Si, demain, se produisait un renversement de majorité, dontnul n'a le droit d'exclure l'hypothèse enrégime parlementaire, faudrait-il nous exposer à devoir allonger la liste des concession? déjà faites afin de fournir au nouveauparti de gouvernement un prétexte à revenir sur son attitude ? Ou. faudrait-il nous
exposer à voir ce même parti devenu partide gouvernement, négliger les signaturesdu gouvernement antérieur i Cela aussiaurait quelques précédents.J'entends bien, monsieur -le ministre,
que votre grandeur est ici une entrave àvotre liberté et que je ne puis vous demander de dire, en votre qualité de ministre des affaires étrangères, ce que le simple parlementaire que je suis n'hésite pasa dire, à savoir que la majorité gouvernementale actuelle en Allemagne lui paraît,quantativement et qualitativement, insuffisante.
Mais je pense qu'il est opportun de dire,au nom du Parlement français tout entier,que le Gouvernement de la Républiquefrançaise porportionnera sa confiance, sabienveillance et ses concessions à l'énergieavec laquelle le gouvernement allemandcombattra les survivances du nazisme quise manifestent sur le territoire allemand,et aussi à l'étendue de la majorité qui lesuivra dans sa politique. J'ose espérer que,sur les conseils que vous donnerez, le partisocialiste comprendra qu'une oppositionvéritablement consciente de ses responsabilités et de son rôle, doit savoir excluredu champ des débats les grandes questions de politique internationale, et quela majorité gouvernementale elle-mêmecomprendra qu'une véritable politique nationale, pour inspirer confiance à l'étran
ger, doit être soutenue par l'ensemble duParlement et non être seulement l'apanageélectoralement intéressant d'une majoritédéterminée.
Je vous demande aussi, mes chers collègues, je vous demande, monsieur le ministre, de songer à ce qui se produiraitdemain si, un grand parti d'opposition enAllemagne, prenant prétexte par exemple "du règlement qui est intervenu pour laSarre, déclarait s'abstenir lors du vote surl'admission d:e l'Allemagne à l'Europe. Etl'hypothèse, dont je souhaite qu'elle nese réalise pas, n'est cependant pas absurde, permettez-moi de le dire. Je vousdemande si nous serions, alors, sans défense devant le spectacle véritablementparadoxal d'un comité des ministres desnations victorieuses décidant unanimementd'inviter l'Allemagne, et d'une Allemagneprétendûment vaincue et dans laquelle ceserait la majorité la plus étroite qui déciderait seule d'accepter dédaigneusementl'invitation faite par nous.Je me permets d'insister et de vous de
mander si nous en sommes là et si vous
êtes désarmés devant une hypothèse sem-,blable et ce que vous pourriez alors faire.Je pense qu'il s'agit là — vous en êtes;,
je pense, persuadé — d'une question tropimportante pour l'équilibre des relationsde nos pays, pour l'équilibre même de ladémocratie allemande, pour que nous puis^sions nous contenter de nous référer aux
règles constitutionnelles du droit interneallemand. Certes, le droit constitutionnel .allemand nous lie, comme nous lient tousles droits internes, pour l'aspect propre-'ment juridique des choses; mais nos initiatives politiques, nos concessions, nosfaveurs, nous avons le droit de les réserverà un régime qui nous inspire véritable-;ment confiance.
J'ai parlé de la nature du demandeur àl'alliance. Je voudrais à présent aborderle problème plus délicat encore de l'in?fluence que va exercer, dans la coalitionoù il demande à entrer, l'arrivée du nou+veau partenaire.Nous voulons être, dans l'Europe, la coa
lition des peuples libres. C'est dans cetesprit que nous avons voté le pacte del'Atlantique; mais il est bien entendu,n'est-il pas vrai, mes chers collègues, que,dans notre esprit, cette coalition des peuples libres est une coalition défensive etque jamais nous n'avons désespéré de lasauvegarde de la paix.1 Nous avons dès lors le droit de nousdemander si l'entrée de l'Allemagne estbien accompagnée des garanties sans lesquelles elle risquerait de déclencher desengrenages qui pourraient nous arracherà la voie/ pacifique et défensive. Car,voyez-vous, la situation de .l'Allemagne,l'immense déchirure qui la parcourt, lesressentiments profonds que nous connaissons au peuple allemand et ses épouvantes, peuvent créer un risque de tension supplémentaire.Au cours d'une série de voyages en
Allemagne, j'ai constaté, je dois à la vérité de le dire, que, chez les Allemandsqui ressentaient le plus douloureusementla meurtrissure de l'Est et la déchirure
de leur pays, il n'y avait pas de volontéde guerre, . je veux en porter le témoignage ici, mais c'est, je pense, rendre service aux hommes politiques allemandsque leur dire : vous compromettez l'intégration de votre pays à l'Europe sirègne l'impression que vous y apporterezun irrédentisme aujourd'hui revendicatif^et demain peut-être belliqueux.C'est parce que telles doivent être les
préoccupations de notre politique que je
2654 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
vous approuve, monsieur le ministre desaffaires étrangères, d'avoir jusqu'à présent, au nom de la France, refusé l'inclusion de Berlin comme douzième État,non pas que nous ayons ici je ne saisquelle pensée mesquine à l'égard de l'Allemagne — que Berlin soit ou non undouzième État,' peu nous importe en tantque Français — mais parce que celamarque notre refus de désespérer des possibilités de paix et de raison en Europe.Pour les mêmes raisons, pour les mêmes
préoccupations, je ne me désole pas, lorsque je vois se créer des possibilitésd'échanges commerciaux entre l'Allemagne de l'Ouest, comme partie de l'ensemble de l'Europe, et tel territoire de l'Allemagne de l'Est, parce que ce n'est enaucun cas de nous que doit venir unecassure de l'Europe aussi contraire à laraison que menaçante pour les relationsinternationales.
Si quelqu'un doit en porter la responsabilité, que ce ne soit pas nous, car leréarmement allemand — et ceci devraitapparaître à tous non pas comme uneexigence de l'égoïsme national français,mais comme la conclusion des hommesraisonnables de toutes nations — représente - un tel accroissement des risquesde conflit, qu'en l'assumant on prouvequ'on a si bien désespéré de la paix qu'onne redoute plus de hâter la guerre.J'entends bien que vous avez tenu, il
y a quelques jours, dans une autre enceinte, et que vous avez répété hier à lacommission des affaires étrangères, despropos si nets que la sagesse serait de neplus revenir sur une question que l'onSevrait considérer comme épuisée.J'ajoute qu'au cours d'un voyage en
Allemagne, j'ai eu l'agréable surprise —car c'était pour moi une surprise — deconstater qu'aucun de nos interlocuteursallemands ne réclamait un réarmement etque beaucoup nous disaient: pourquoinous entretenez-vous éternellement de ceproblème que nous ne posons pas? (Exclamations sur divers bancs.)
M. Léo Hamon. Je dis et je répète, meschers collègues, qu'il faut savoir prendreses responsabilités et reconnaître qu'àl'heure actuelle — sans rechercher lapensée secrète des Allemands — que cene sont pas les Allemands qui posent leproblème du réarmement: ayons l'objectivité de le constater.
Et l'on complique bien inutilement leproblème en voulant introduire, dans unediscussion qui pourrait être simple sur leréarmement ou le non-réarmement allemand, je ne sai? quelle hypothèse sur l'inclusion de contingents allemands dans unearmée européenne. Comme si la premièrechose qu'on est allé chercher outre-Rhin,ce n'est pas les qualités réelles de ce peu-
f»lse, omnatiisercert daiun reéeilnaptituud re vae.discerneres frontières du réel .et du rêve.
Disons donc, que c'est compliquer lesproblèmes qui pourraient rester simples,et qui sont déjà posés, que de vouloir, àleur propo%, parler de problèmes qui, eux,ne sont pas encore posés et dont personnene peut dire comment ils pourraient seposer.
Que je voudrais vous voir aussi révéler,monsieur le ministre,, à des amateurs destratégie qui se délivrent eux-mêmes unbrevet de compétence, qu'une résurrectiondie l'armée allemande, c'est le bloc, l'ensemble des Slaves, nécessairement et tropfacilement cimenté autour de l'Union sovié
tique, tandis que pour l'armée française,c'est un conflit qui risquerait alors d'évoquer des souvenirs récents et doulou
reux, c'est la certitude d'une défectionmassive; en sorte que ce réarmement, quihâterait la guerre, en comprometterait enmême temps l'issue.Mais, plus immédiatement encore, le
réarmement allemand signifie, pour la démocratie allemande, une menace intérieure qu'elle n'est pas en état de supporter. La république allemande n'est pasencore assez forte pour s'accommoder auxplans politiques de l'existenec d'une armée et d'une caste d'officiers; cela, tousles démocrates allemands le disent.
Et puisqu'on a souvent parlé en Allemagne de coup de poignard dans le dos,il faut qu'on sache que bavarder, horsd'Allemagne, sur. le réarmement de celle-ci, c'est poignarder dans le dos les démocrates allemands qui, eux, ont le couragede prendre position pour le désarmementde leur pays. •Je ne veux pas abandonner ce sujet sans
vous demander de dire, avec toute l'autorité de vos fonctions, à des Français peut-être plus soucieux d'ingéniosité que deleurs responsabilités devant l'opinion nationale et internationale que la probitéintellectuelle et la discipline nationale leurcommanderaient. avant d'aller suggéreraux Allemands je ne sais quelle hypothèse ingénieuse de réarmement détourné,d'essayer de convertir leurs propres compatriotes à cette idée. Mais ils savent bienque, quand vous dites non ici, c'est l'opinion de la France quasi unanime quevous traduisez.
II va sans dire, enfin, que le maintiendu désarmement de l'Allemagne implique,pour les autres puissances européennes,l'obligation d'assurer la sécurité de ce territoire comme de tous les autres territoiresqui seraient compris dans le conseil del'Europe; et, puisque nous assurons unemission qui est d'intérê.t commun, il vasans dire que la couverture des chargesfinancières devra être répartie équitablement entre tous les bénéficiaires, Allemagne comprise.C'est un point que je voudrais voir sou
ligner par le Gouvernement français, caril ne doit pas être seulement question desavoir qui a une armée, mais encore comment se répartit la charge financière. Sinous ne prenions pas ici nos précautions,nous risquerions d'être les dupes dansune situation où, répétons-le, les Allemands ont la sagesse de n'être pas demandeurs au réarmement.
J'ai abordé ainsi, naturellement — c'estle dernier problème qui me reste à traiter — la place de l'Allemagne dans la fédération européenne.Quand on s'allie, quand on se fédère,
on ne se combat certes plus, mais 11 subsiste une -compétition très pacifique pourobtenir l'influence déterminante.
Avec une énergie qu'il faut reconnaître,le peuple allemand se remet au travail.Sa situation — ses interprètes vous le disent — est difficile. Dans un très intéressant discours au Bundestag allemand, ledéputé socialiste allemand Baad faisaitune comparaison très curieuse entre laGrande-Bretagne et l'Allemagne. Dansl'un comme dans l'autre cas, montrait-il,47 millions d'hommes vivent sur un ter
ritoire qui est plus petit que la moitié dela France métropolitaine, avec une densité de plus de 200 habitants au kilomètrecarré. Et, puisque les importations alimentaires sont nécessairement les mêmes, enAngleterre et en Allemagne, les exportations doivent être semblables. Or, les exportations de produits finis de la Grande-Bretagne sont aujourd'hui vingt-deux fois
supérieures aux exportations allemandes.-Il faut rattraper cet écart : l'Allemagnaidoit être autorisée et même aidée à accom
plir ce bond formidable pour pouvoir vi«vre.
Il y a — je n'hésite pas à le dire aurisque de choquer certains — une grandepart de vérité dans ce raisonnement, etil n'est pas possible de prétendre intégrerune population comme la population allemande dans l'Europe occidentale, il n'estpas possible de la préserver de certainestentations si on ne lui donne pas en mêmetemps la possibilité matérielle d'exister,la possibilité d'un équilibre économiquesans lequel ce serait le chômage- déjàtrop grand, plus menaçant même que neparaissent s'en apercevoir les hommesd'État allemands. N'oublions pas en Franceque c'est par le chômage que l'avènementd'IIitler a été possible.
Seulement il faut voir — et c'est le plusactuel et le plus important à la fois desdébats — comment cet équilibre peut êtreatteint. Le raisonnement allemand est denous dire: actuellement, notre productiond'acier est limitée à 11.200.000 tonnes.
Elle suffit tout juste à notre consommationintérieure. Mais s'il faut que nous puissions payer nos importations, s'il faut quenous ayons la faculté d'exporter, s'il fautque nous retrouvions un jour le niveaude vie de 1936, alors ce n'est plus 11 millions, mais 15 millions de tonnes d'acierqu'il nous faut avoir pour le moins.
Ceci n'est pas encore la revendicationofficielle allemande, mais c'est le raisonnement qui nous est tenu dans la libertéde conversations privées et d'échanges devues officieux.
Face à cette perspective, à cette logique,-— et vous vous êtes, l'autre jour, dans uneautre enceinte, monsieur le ministre, préoccupé de prendre position sur des Conséquences prétendues logiques' avant mêmequ'elles ne soient énoncées officiellement— nous devons savoir si nous allons opposer à cette thèse allemande une thèse nationale française qui apparaîtra aux yeuxde l'étranger comme surannée, ou si nousallons savoir invoquer à notre profit,comme nous pouvons le faire, des arguments décisifs" sur le plan de la raisoneuropéenne..
Il est certain qu'il y a entre le charbonde la Ruhr et le fer de Lorraine une solidarité technique qu'on croit aujourd'huidevoir baptiser de l'affreux mot de kom-binat, mais qui n'avait pas attendu cejargon international pour être reconnu desindustriels des deux pays.Mais il reste & dire, lorsqu'un bassin
ferreux a son homologue dans une bassincharbonnier, si la raison veut que le feraille au charbon ou que le charbon ailleau fer. Nous avons le droit de répondre, 'non seulement en tant que Français maisaussi en tant qu'Européens, en tant qu'in-terprêtes de considérations strictement rationnelles, que la logique ei-l'économiedes efforts veulent que le charbon ailleau fer et non l'inverse.
C'est le charbon qui doit aller au ferparce que, là où, pour produire un volumed'acier déterminé, il faut trois tonnes deminerai de fer, il suffît de 1,4 tonne decharbon seulement, et par conséquent ily a moins de charbon à déplacer vers lefer qu'il n'y aurait de fer à déplacer versle charbon. . ,
M. le ministre. D'autant plus' que nousavons du charbon en Lorraine et dans laSarre.
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2655
M. Hamon. Je veux, pour n'esquiver au- !cime diffculté, négliger l'argument ducharbon de la Lorraine et de la Sarre, etne considérer que les deux bassins appartenant à des nations différentes.Si l'on veut transporter le charbon de
la Ruhr vers le fer de Lorraine, pour re-transporter ensuite l'acier brut dans laRuhr, pour l'usiner — et je me place, vousle voyez, dans l'hypothèse la plus favorable pour le raisonnement allemand, puis
la dernière finition aurait, malgrétout, lieu dans la Rliur — dans ce cas,dis-je, il faut, pour le trajet Rhur-Lorraime,du charbon et pour le trajet Lorraine-Rhur de l'acier, compter sur 900 tonneskilométriques de déplacement, alors ques'il fallait porter le fer Je Lorraine dansla Rhur et y laisser ensuite l'acier, c'estd. [500 tonnes kilométriques de déplacement qu'il faudrait réaliser.De sorte que la leçon des chiffres, l'ar
gumentation que je vous demande de développer devant les instances internationales, c'est que l'acier produit en Lorrainerevient moins cher même rêtransportédans la Rhur pour y être usiné que l'acicrproduit dans la Ruhr avec du fer transporté de Lorra.ne.J'ajoute que ce qui est déjà vrai au-
aujourd'hui, dans les proportions que jeviens d'indiquer, le sera sans cesse davantage. car, si les progrès techniques nediminuent évidemment en rien la quantité da fer nécessaire pour la productiond'une quantité d'acier déterminé, ils diminuent constamment la proportion de charbon nécessaire, à telles enseignes que l'onn'a aujourd'hui besoin que d'un tiers ducharbon employé autrefois à la mêmefabrication.
On aura donc, besoin de moins de charbon, il faudra dépenser de moins en moinspour apporter le charbon de la Ruhr enLorraine, alors que, bien entendu, c'esttoujours le même volume de fer qu'il faudra employer.La solution de la raison, la solution du
progrès technique est aussi d'ailleurs lasolution de l'histoire, car. lorsque l'Allemagne parle de reconstruire la sidérurgiede la Ruhr, on peut lui rappeller qu'autemps où la Lorraine était annexée c'estle ir Lorraine que se trouvait une grandepartie "de la sidérurgie qui n'a été portéedans la Ruhr qu'après les traités de 1918;et que Thyssen employa les indemnitésattribuées par l'État allemand, après laguerre, pour reconstituer l'industrie alle-mandie, dans la Ruhr, ce qui a permis ladeuxième guerre et qui permettrait unetroisième, si nous ne réclamions la solution de l'ordre et de l'histoire à la fois.
Le moment est extrêmement favo-,râble pour réaliser celte nationalisation.Car, les Allemands :e reconnaissent eux-mêmes, les usines de la Ruhr sont actuellement désuètes, leur outillage' est vétuste. Pour arriver à les remettre en étatet pour les rendre capables de soutenir■une concurrence internationale, ils devraient, de leur propre aveu, investirune somme qui, selon les estimations lesplus modestes, serait de 900 millions demarks et, selon des estimations plus sévères, de deux milliards de marks.
H faut donc savoir si l'on doit fairedes investissements énormes tant financièrement par les sommes requises que matériellement par les matériaux nécessaires, puisque l'usine qui pourra fabriquer un million de tonnes d acier par anrequiert pour sa seule réalisation deuxmillions de tonnes d'acier. Nous devonsdemander s'il est' conforme' à. la logique
— s'il est raisonnable — en regard del'Europe, qu'on engloutisse des millionsde tonnes d'acier et des .capitaux immenses dans l'équipement d'une sidérurgie qui n'est pas rentable là où on voudrait la mettre et qui, par surcroît, neferait qu'accroître cette surproductionmondiale de la sidérurgie dont vous parliez hier devant la commission des affaires étrangères, parce qu'il y a dès àprésent trop d'acier brut produit par rapport aux industries transformatrices del'acier; celles-ci en traitent présentement62 millions de tonnes alors que la production européenne d'acier brut est déjà de09 millions. L'Allemagne doit-elle, contretoute raison, augmenter une surproduction mondiale déjà acquise ou se spécialiser dans la transformation de l'acier ?Voilà le problème.J'entends bien qu'à l'encontre de cette
argumentation les Allemands invoquentla menace du chômage. Mais, monsieur leministre, vous savez que là où il faut180.000 ouvriers pour transformer, pourfinir 2 millions 'de tonnes de produits usinés, il ne faut que 14.000 ouvriers pourles fabriquer en acier brut, en sorte quecette industrie de l'acier brut que l'Allemagne prétend reconstituer dans la Ruhrpour combattre le chômage est celle quidonnerait le travail au plus petit nombred'ouvriers. Les 4 ou 5 millions de tonnes
d'acier qui seront demain en litige représentent, d'après les chiffres mêmes quej'ai indiqués, l'emploi de 50.000 ouvriersau plu?, alors que le développementde Jà transformation en produits finis d'unacier fabriqué en Lorraine permet etmême impose l'emploi de centaines demilliers d'ouvriers allemands.
Voulez-vous me permettre d'ajouter quecette solution constructive, que la Francedevrait prendre l'initiative de proposer,implique des servitudes pour la France etpour l'Allemagne à la fois i
Commençons par les nôtres, ce sera plusélégant. La servitude que nous devonsproposer d'assumer, c'est de livrer à l'Allemagne, à des prix francs de toute discrimination, la quantité d'acier fabriquéeen France avec le charbon allemand, quiserait nécessaire à l'Allemagne pour laproduction des articles de consommation,la livraison de l'acier brut nécessaire àson industrie de transformation.
La servitude, pour l'Allemagne — etcette question est justement actuelle —c'est non seulement de livrer son charbon à la France, mais de le livrer sans cetteforme de dumping à rebours que constituent des prix .différenciés qui font payerplus cher le charbon à l'acquéreur étranger qu'à l'acquéreur national. Il ne fautpas venir se présenter comme un demandeur à l'Europe, il ne faut pas venir réclamer le bénéfice de la solidarité euro
péenne quand, dans le même temps, onpratique sur son propre territoire, pourson charbon, c'est-à-dire pour le plus important des produits dont on dispose, desmesures discriminatoires qui ne tendentqu'à fausser artificiellement les différencesde prix de revient que j'ai eu l'honneurde rappeler devant vous.
C'est là une question du jour: noussavons, monsieur le ministre, par quellesinterventions personnelles de votre part ila été possible, lors de la dévaluation dumark, d'obtenir un arrangement provisoire. Mais à l'heure actuelle encore, lesFrançais le savent-ils? Le monde le sait-il assez ? Nous payons 50 marks un charbon qui est facturé aux Allemands, sur lecarreau de la mine de la Ruhr, à 30 marks,et ces 20 marks de différence représen
tent le prix d'un transport très libéralement évalué à 10 marks pour 300 kilomètres, et un surprix — un véritable tribut inlligé à l'économie française au profit de l'économie allemande — de10 marks par tonne. C'est sur. ce pointque je voudrais vous demander, monsieur le ministre,' de nous donner desapaisements.
M. Westphal. Voulez-vous me permettrede vous interrompre ?
M. Léo Hamon. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M Westphal, avjc là permission de l'orateur.
M. Westphal. Je veux aborder une autrequestion. Pendant que nous nous occupons ici du charbon et de l'acier, d'autress'occupent ailleurs de questions très importantes également. J'ai sous le.* yeuxpar exemple un petit rapport venant deLondres, à la date dir 8 décembre. et indiquant ceci: « Un porte parole du Foreign- 'Office a confirmé aujourd'hui que sir Ivone-Kirkpatrick, chef de la section allemandeau Foreign Office, s'était entretenu hier àDueseldorf avec _ une vingtaine d'indus- 'triels, de banquiers et d'hommes politiques allemands, sur l'invitation da baronvon Lersner, ancien diplomate allemandqu'il avait Connu à Berlin avant la guerre*Le principal objet de cet- entretien, précise-t-on dans les milieux anglais officiels,était de faire clairement comprendre aux■personnalités allemandes réunies à Düsseldorf les mobiles de la politique alliéeen Allemagne, politique qui a suscité descritiques acerbes dans les milieux indus-,triels de la Ruhr.
« Selon des renseignements recueillis debonne source, il est hors de doute que certains industriels allemands ont exprimél'espoir de voir les Alliés permettre à l'Allemagne de porter le niveau de son industrie de 11 millions 100.000 tonnes à prèsde 16 millions. Sir Ivone Kirkpatrick auraitévoqué sur ce point les décisions alliées.
« La nouvelle de cette rencontre a suscité à Londres une émotion extrêmementvive et on déclare au Foreign Office qu'ellene différai! en rien de celles que sir BrianRobertson, haut commissaire de Grande-Bretagne en Allemagne, a parfois avec despersonnalités responsables des milieux politiques et économiques allemands. » .Je me permets, dans ces conditions, de
poser à M. le ministre des affaires étrangères la question suivante: quelles sontces décisions sur lesquelles s'appuieM. Kirkpatrick dans des conversations devant éventuellement permettre au potentiel allemand d'être porté de 11 millionsde tonnes à 1G millions de tonnes T
M. le ministre. Il n'y a qu'une seuledécision interalliée, celle qui a fixé le plafond à 11.100.000 tonnes. C'est la seule décision qui existe et elle sera maintenue.
M. Westphal. C'est un papier officiel,monsieur le ministre.
■ M. le ministre. Ce qu» je dis est officielaussi. (Sourires.)
M. Léo Hamon. Je remercie M. Westphalde ses inquiétudes et de son témoignage.Cela correspond pleinement aux inquié
tudes que j'ai exprimées, et il dépendrade la réponse que voudra bien, je l'espère, me faire tout à l'heure M. le ministredes affaires étrangères de savoir si celacorrespond aux réalisés.Je voudrais lui dire que c'est, . à mon
sens, peut-être le point sur lequel au-
2656 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
iourd'hui notre intransigeance doit êtrela plus brutale, la plus totale, car, bienentendu, si l'union européenne tellequ'on la conçoit devait aboutir à fairede la France le fournisseur agricole d'uneAllemagne redevenue industrielle, Hitler jconnaîtrait je ne sais quelle revanche posthume qui serait plus sinistre, mais pasdavantage acceptable parce que, dans l'intervalle, nous aurions recouvré le privilège d'être des fantassins tandis que d'autres auraient acquis celui d'être des affectés spéciaux.Je vous demande, en fonction de ces
perspectives, de nous dire si, aujourd'huiet demain, vous demeurerez, en tout étatde cause, absolument intransigeant sur ,la question de la limitation de la produc- !tion allemande à 11.200.000 tonnes, et ceciquelle que soit la capacité de productionqui pourrait se révéler dans l'industrieallemande du fait de l'arrêt des démontages ou de tout autre rééquipement.Je vous demande ensuite de ' vouloir
bien nous dire si le Gouvernement de laRépublique entend attacher tout son ef- ,fort à l'obtention de l'égalité de prix pourle charbon de la Ruhr entre l'acheteur de •l'extérieur et l'acheteur de l'intérieur.J'entends bien que vous vous trouvez
devant une différence considérable quevous ne pouvez pas supprimer peut-êtreen un jour, mais puisqu'il est question jaujourd'hui, je crois, d'une négociationdestinée à régler définitivement ce qui rn'avait été abordé que provisoirement au 1lendemain de la dévaluation allemande, jje voudrais vous entendre dire qu'en aucun cas le Gouvernement français n'ac- Iceptera à titre durable un arrangementqui ne serait pas un progrès substantielvers l'égalité des prix, et il n'y a pas, jepense, un progrès substantiel lorsque celui qui pratique une méthode contraire à |la solidarité européenne ne réduit pas d'aumoins de moitié, dès l'abord, la mangeusuraire qu'il prétend réclamer.J'ai insisté sur ce point, qui est la der
nière des conditions que je voulais indiquer, parce que, et je crois que le Conseilde la République le sent tout entier, à propos de ces tonnages d'acier c'est toute laplace de l'Allemagne dans la coalition oùelle prétend rentrer qui est en' jeu. Il nes'agit pas ici de l'hégémonie française,mais-de l'absence d'hégémonie allemandeet cela est essentiel.
J'ai essayé, en même temps, monsieurle ministre, d'indiquer ici ce que pourrait être une solution constructive. ce quepourrait être une attitude française qui ne ]se bornerait pas à dire non, dans un intérêt national limité, mais qui suggérerait 'qu'Plque chose de valable -pour tous enn'hésitant pas à se situer aussi sur le plan Ide l'Europe. - I
C'est sur cette note que je voudrais terminer en vous disant que la situation nou- jvelle nous commande sans doute, dansnos attitudes, non seulement des positionsnouvelles, mais encore un style nouveaude notre argumentation. Trop souvent, Ic'est vous-même, je crois, qui vous enêtes plaint dans une autre enceinte, nousnous sommes bornés à dire non. Cela
n'est pas suffisant. i
L'Allemagne est, aujourd'hui,, si paradoxal que cela puisse paraître, en quelquemesure à l'écoute de la France, non seulement parce que les Américains lui ontdit qu'il fallait s'entendre avec nous maisencore, plus profondément, parce que, devant l'accumulation de ses folies ,et larévélation de leurs conséquences, funestespour elle, elle découvre que notre vieux
pays d'Occident avait peut-être un supplément de sagesse à lui apprendre, commeses soldats et ses administrateurs luiont, malgré tous leurs difauts, révélé unsupplément d'humanité.Il ne faut pas qu'on puisse dire de nous
que devant cette attitude nous sommesrestés semblables à ce personnage dûFaust qui se désigne. lui-même comme« l'esprit qui toujours dit: Non ».Vous avouerai-je que j'éprouve même
quelque irritation à entendre toujours parler, par les Allemands qui nous témoi-
fnentnlafrplusa grade bouninte vo cloomntmé, d suiesoin français de sécurité, comme sinou^ étions semblables à des fonctionnaires qui K ayant passé la force de l'âge, sepréoccupent désormais davantage de leurretraite que de la suite de leur carrière ?Nous avons d'autres ambitions. Nous sa
vons qu'il n'est pas victoire ni veto quipermette A un peuple la paresse de l'intelligence, la fuite devant le risque etl'économie 'e l'effort. Nous» savons tout
cela, et nous l'avons, je crois, prouvé. Lavéritable sécurité de la France, c'est de laraison, c'est de la sagesse et. c'est de l'initiative de notre pays que nous l'attendons. (Applaudissements .)
M. le président. Le Conseil, tout àl'heure, a décidé de suspendre sa séanceaprèsTexposé de M. Léo Hamon.A quelle heure désirez-vous reprendre
vos travaux ?
Plusieurs sénateurs. A vingt et un«heures trente.
M. le président. Quel est l'avis de M. leministre ?
M. le ministre. Je suis aux ordres del'Assemblée.
M. le président. La séance est suspenduejusqu'à vingt et une heures trente minutes.
(La séance, suspendue à vin/t heures,est reprise à vingt et une heures quarantecinq minutes.)
M. le président. La séance est reprise.Nous reprenons la discussion sur la ques
tion orale de M. Debré.
La parole est à M. Brizard.
M. Brizard. Monsieur le ministre, je croisqu'après vos explications d'hier, à la commission des affaires étrangère et à la commission des finances, et après les exposéssi complets que nous avons déjà entenduscet après-midi, ce que je pourrais vousdire est, pour une part, superflu.Aussi, je renonce purement et simple
ment à toute la partie, peut-on dire littéraire, de mon intervention, pour me borner à trois questions; et je vous demanderai par la suite, monsieur le ministre,s'il vous est possible de me répondre.Un premier problème semble ne pas
avoir été abordé qui pourtant est d'uneimportance capitale par ses incidences surles salaires et sur les prix français, puisque, dans un délai assez court, vont s'ouvrir, ou du moins s'entrouvrir nos frontières. Nous allons avoir à lutter contre laconcurrence allemande qui, en l'état actueldes choses, me semble très difficile à dominer.
Là-bas, en effet, dans les prix de revientallemands, rien que les charges socialessont de "70 p. 100 moins élevées que lesnôtres.
Si' l'on y ajouté la discrimination desprix du charbon, laquelle fait qu'il estvendu à toutes les industries allemandesde 25 à UO p. 100 meilleur marché que
celui fourni aux -autres pays, l'Allemagnese trouve et vis-à-vis de nos propres marchés et surtout sur les marchés extérieurs,dans une situation presque impossible àsurpasser.
Outre cette question des salaires, ilconvient de remarquer que l'Allemagne n'aplus d'armée ni de jeunes gens sous lesarmes.
Or, nous avons en France un contingentde 300.000 garçons qui ne produisent lienpuisqu'ils sont sous les drapeaux. Deplus, une partie de notre industrie — minime il est vrai — travaille pour les fabrications de guerre. L'Allemagne est délivrée de ce souci.
Quand au prix de revient, nous l'avonsvu lorsque nous sommes allés avec la commission en Allemagne, un élément est oublié volontairement, celui des amortissements. C'est pourquoi l'industrie allemande peut produire à des prix à peu prèsimbattables.
Je me demande quelle pourra être, dansles ententes' futures, la position du Gouvernement français à cet égard.Un autre point sur lequel je voudrais ap
peler votre attention, monsieur le ministre, et dont il n'a pas été parlé, c'estqu'on me semble toujours faire une confusion en ce qui concerne l'Allemagne, entrele mot production et les mots capacité deproduction ou productivité.En effet, pour la production de l'acier
l'Allemagne, sa capacité de production estévaluée à quinze millions de tonnes. On luiaccorde normalement une production desept millions de tonnes, mais, en plus decette production, il y en a une autre, jene dirai pas « noire », mais presque, quipeut être cédée aux Alliés.Je crois savoir d'une façon à peu près
certaine qu'au moins trois ou quatre millions de tonnes sont produites de cettefaçon. :Notre contrôle, évidemment, existe. On
peut dire que la France est présente partout en Allemagne; c'est exact, mais necroyez-vous pas que ce contrôle soit unpeu illusoire ?Je me souviens toujours que, visitant
une usine sidérurgique de la Ruhr, nousdemandions justement au contrôleur Français de quelle façon s'exerçait ce contrôle.Il nous a répondu tout simplement: «Maismon contrôle s'exerce sur le tonnage quechaque semaine la direction me donne ».Or, naturellement la direction présente
le tonnage qui lui est autorisé, mais si notre contrôle s'aperçoit, soit de fuites, soitde production plus intense, etc., quelleaction juridique aurons-nous pour l'empêcher ? Je crois qu'il n'a rien été prévu àce sujet, et il me semble tout de mêmeque cette omission est grave. (Applaudissements .)
M. Le Basser. On estime qu'ils sont honnêtes!
M. Brizard. Une autre question sur laquelle je voulais appeler également votreattention, monsieur le ministre, c'est surla production d'aluminium.On a accordé à l'Allemagne une' capa
cité de production de 85.000 tonnes..A l'heure actuelle, il lui est impossible
d'avoir une telle capacité parce qu'il luimanque des bauxites.Or, elle avait, avant la guerre, deux
sources de bauxites: la France et la Tchécoslovaquie. La Tchécoslovaquie lui estabsolument fermée, et, en France, nousavons tendance à exporter vers l'Allemagne une assez importante quantité dobauxites, parce que notre industrie élec
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 . DECEMBRE 1949 2S57
trique ne nous permet pas de traiter toutle minerai que nous avons sur le carreaufies mines. Mais est-ce qu'il n'y a pas làun danger énorme ?Ne serait-il pas .possible tout de même
de donner à l'Allemagne de l'aluminium,sous forme de métal fabriqué et non passeulement sous forme de bauxite, car notre production, notre main-d'œuvre en bénéficieraient ?
Enfin, un dernier mot, monsieur le ministre, au sujet de l'écartélisatiori, si je
,puis dire, des groupes de l'acier et descharbons allemands.Le cartel de l'acier a été dissous, certes;
il y avait, là-bas, avant la guerre, quatregroupes qui avaient, peut-on dire, unegrande capacité de production. On a supprimé deux usines dans l'un, dans un autre trois, pour n'en laisser que deux outrois dans certains cartels, mais tous ontété groupés dans une nouvelle sociétéqui. s'appelle, je crois, la société fiduciaire.Or, si.mes renseignements sent exacts,cette société est dirigée par l'ancien directeur, M. Fidenbach, qui était déjà, avantguerre, à la tête de ce cartel. Donc, envoulant supprimer celui-ci, ne l'a-t-on paspurement et simplement reconstitué ?Voilà, monsieur le ministre, les simples
questions que je désirais vous .poser, etje serais très heureux si, dans votre discours, tout à l'heure, vous pouviez nousdonner quelques apaisements à. leur sujet.( Applaudissements .)
M. le président. La parole est à M. Georges Pernot.
M. Georges Pernot. Mes chers collègues,mon intervention sera très brève.
Je tiens à la commencer par des remerciements à l'adresse de notre distinguécollègue M. Michel Debré. Je -le remercie,d'abord, d'avoir provoqué le débat d'aujourd'hui, iparce que, grâce à son initiative, il sera clairement établi que notreAssemblée, qui est une assemblée parlementaire, entend jouer pleinement sonrôle et recueillir des renseignements depolitique étrangère, non pas seulement parla voie du Journal officiel, mais par desdéclarations que M. le ministre des affairesétrangères voudra bien faire ici tout àl'heure.
Je le remercie encore, parce que cedébat, d'une parfaite tenue, aura permis àdes membres venue de tous les points del'horizon politique, de marquer très nettement que s'ils sont partisans d'une politique de compréhension vis-à-vis de l'Allemagne, ils veulent aussi, comme l'a proclamé tout, à l'heure M .le président de lacommission des affaires étrangères, quenous soyons particulièrement vigilants.Tout a été dit, et fort bien, par les ora
teurs qui m'ont précédé, en ce qui concerne les relations franco-allemandes.
Aussi, permettez-moi d'évoquer seulement deux questions.Je voudrais revenir d'un mot sur le pro
blème de la Ruhr et, en second lieu, exprimer quelques idées sur le Conseil del'EuropeEn ce qui concerne la Ruhr, je ne puis,
pour ma part, que me rallier pleinementaux observations formulées par M. Debré,par M. le président de la commission desaffaires étrangères et, à l'instant même,par M. Brizard,
Je crois, en- effet, qu'il faut que, dans cedomaine nous soyons particulièrementfermes et vigilants. Et, aux arguments décisifs que nos collègues ont apportés, jevoudrais ajouter un souvenir personnel. 11
y a tantôt trois ans, si ma mémoire -estfidèle, alors que se déroulait à Nurembergle procès des grands criminels de guerre,j'avais eu l'honneur d'être invité par lesautorités alliées à passer quelques joursdans cette ville et à suivre les débats.
C'est ainsi que j'ai assisté, à l'interrogatoire de l'ancien ministre de l'armementdu Reich.
Au cours de ses déclarations, il est revenu, à plusieurs reprises, sur le pointsuivant: « Lorsque, disait-il, les Alliés sontparvenus à bombarder les usines de laRuhr, .je me -suis parfaitement renducompte qu'il n'était plus possible, pourl'Allemagne, de continuer la guerre. Je l'aidit à plusieurs reprises à Hitler, qui n'apas voulu m'écouter ».En terminant chacune de ces .déclara
tions, il répétait avec force — retenez bienceci, mes chers collègues, comme je l'aimoi-même retenu : a Sans la Ruhr,l'Allemagne ne peut pas faire la guerre ».
A l'heure où il s'agit précisément defaire rentrer, si j'ose dire, l'Allemagnedans le concert des nations, de lui accorder un rôle qu'elle avait perdu depuis sa ;défaite, 'je supplie le 'Gouvernement, aucours des négociations qui auront lieu concernant la Ruhr, de ne jamais oublier ces :
•paroles qui ne sortiront jamais de ma mémoire et qui me paraissent décisives pourla solution du problème d'aujourd'hui.(Applaudissements .)Maintenant, quelques mots, si vous le
voulez bien, en ce qui concerne le Conseilde l'Europe et, plus particulièrement, l'assemblée de Strasbourg.M. Michel Debré me permettra-t-il de lui
dire que je l'ai trouvé un peu sévère pourStrasbourg. C'est peut-êtra parce que j'ysuis allé et qu'on est toujours enclin aquelque indulgence pour les assembléesaux travaux desquelles on a participé.Certes, je ne partage pas, relativement àl'assemblée consultative, au sein de laquelle j'ai eu l'honneur de siéger, le jugement enthousiaste qu'a formulé M. leprésident Spaak au lendemain de la session de l'été dernier,
Je pense que M. le président ne'm'en■voudra pas si je dis que guand on présideune assemblée, on . a quelque tendance àvanter ses mérites.
M. le président. Surtout quand elle vousen donne l'occasion, comme ce soir. (Applaudissements.)
'M. Georges Pernot. Vous êtes trop aimable, monsieur le président. .M. Michel Debré a comparé, si je ne me
trompe, le parlement de Bonn et ce qu'ila appelé, un peu pompeusement d'ailleurs,le parlement de Strasbourg, puisque l'assemblée européenne n'avait aucun pouvoirde décision.
Je crois pouvoir lui dire que cette comparaison est vraiment inadmissible. .
Qu'est-ce donc • que le parlement deBonn ? Une réunion d'Allemands 'heureuxde se retrouver au sein d'une assembléedélibérante, d'Allemands qui, en réalité,supportent assez mal, je crois, le régimefédératif qu'on leur impose et qui ont vudans le parlement de Bonn l'occasion dedélibérer en retrouvant leur unité à laquelle ils tiennent tant.
Au contraire, nous autres, à Strasbourg,nous étions les représentants de quatorzeEtats européens qui nous rencontrions,pour la plupart, pour la ipretnière fois, nenous connaissant en aucune façon, ne disposant à peu près d'aucun travail préparatoire. Comment auriez-vous voulu que l'on
pût vraiment construire l'Europe en quatre semaines dans de semblables conditions ?
Je dis que, pour être équitable, il fauttenir compte des possibilités et des contingences. S'il est vrai que -l'Assemblée deStrasbourg ne mérite pas les couronnesque certains lui ont tressées, je crois, dumoins, qu'il est excessif de considérer cetteexpérience comme un échec.Si vous aviez participé aux délibérations
de l'Assemblée de Strasbourg, vous auriezinut de .même constaté une chose réconfortante, c'est que lorsqu'on parlait, parexemple, des droits de l'homme, de la. dignité de la personne humaine, de la 'civilisation occidentale qu'il fallait sauvegarder, il y avait comme un grand soufflequi passait sur cette . assemblée. J'avaistout de même le sentiment qu'on dégageaitpeu à peu ce que je me permets d'appelerune âme commune européenne.On ne pouvait guère faire autre chose,
avouez-le, pour une première rencontre.Et pourtant on a fait mieux. Les 'commis
sions ont travaillé. M. le ministre des affaires étrangères, à plusieurs reprises, arendu hommage à leur activité; mais 1 cequi, à mon avis, a été tout à fait décevant—' je le dis en tout respect, mais avecforce — c'est l'attitude prise par le comitédes ministres, récemment.
L'Assemblée ne pouvait que formulerdes recommandations et les envoyer <aucomité des ministres. Nous espérions queces recommandations .seraient examinéesavec bienveillance. Or, il faut bien reconnaître que le comité des ministres n'a euvraiment que bien peu de considérationpour les textes adoptés par l'Assemblée deStrasbourg. Les uns ont été entièrementnégligés, d'autres ont été renvoyés à desorganismes divers. Hier, monsieur le 'ministre des affaires étrangères, au cours -devotre audition si intéressante au sein de lacommission, vous disiez :
« En ce qui concerne l'organisation del'union européenne, ce sont les problèmeséconomiques qui doivent tout dominer, aumoins pour le début. »
• Or, il se trouve que c'est précisémentdans le cadre des problèmes économiques,que l'attitude.du comité des ministres aété le plus décevant.
La commission des affaires économiquesavait formulé un certain nombre de recommandations. Qu'en a-t-on fait 1? On les arenvoyées à d'autres organismes qui devraient être des organismes subordonnés &l'Assemblée de Strasbourg et qui, au contraire, apparaissent, désormais, à la suitede la décision prise par le comité des ministres, comme des organismes supérieur»et disposant d'une autorité plus grande quecelle de l'Assemiblée elle-même. (Applaudissements.)
Aussi, voici la première question que 'Jeveux vous poser, monsieur le ministre. Jevous demande si vous êtes décidé h userde votre autorité au sein du comité ' desministres pour qu'un pareil fait ne se reproduise pas et pour que l'on donne .àl'Assemblée de. Strasbourg les pouvoirs etles droits qui reviennent normalement làune assemblée délibérante chargée deconstruire l'Europe. (Applaudissements <àgauche; au centre et à droite .)
Cela impliquera, comme l'a très biendit M. Michel Debré — et je le rejoins complètement sur ce point — une modificationau statut du Conseil de l'Europe.
M. le président de la commission. C'estcela.
2658 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE' — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
M. Georges Pernot. J'en arrive et je vaisavoir terminé, mesdames, messieurs, auxconditions de l'admission de l'Allemagneau Conseil de l'Europe.
M. Léo Hamon, tout à l'heure, prenant laparole sur cette question, qu'il a traitéede façon très pertinente, disait: « L'Allemagne était demanderesse. » J'aurais bienvoulu qu'elle le fût, monsieur Hamon, etje considère, pour ma part, qu'une graveerreur a été commise, non pas par vous,monsieur le ministre des affaires étrangères, non pas par le Gouvernement français ni par les délégués français à l'assemblée de Strasbourg, car nous avonstout fait pour l'éviter. Oui, je considèreque le problème de l'admission de l'Allemagne a été très mal posé, car l'Allemagne qui aurait dû être demanderesse setrouve, en réalité, défenderesse. Or pasplus en matière diplomatique qu'en matière judiciaire la situation n'est la mêmesuivant que l'on est demandeur ou défendeur.
Pourquoi l'Allemagne aurait-elle dûêtre demanderesse ? Vous le savez, trèsbien, monsieur le ministre des affairesétrangères. Parce qu'aux termes de l'article 5 du statut du Conseil de l'Europe, quej'ai sous les yeux, un pays européen nepeut être invité éventuellement par le comité des ministres comme État associé ques'il est considéré comme capable de seconformer aux dispositions de l'article 3et comme en ayant la volonté.Or, que dit l'article 3 ? Écoutez bien,
mesdames, messieurs* « Persuadés que laconsolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale estd'un intérêt vital pour la préservation dela société humaine et de la civilisation;
« Inébranlablement attachés aux valeursspirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et quisont à l'origine des principes de libertéindividuelle, de liberté politique et deprééminence du droit sur lequel se fondetoute démocratie véritable... ».
Voilà les principes que doit professertout État qui demande à être admis àl'Assemblée de Strasbourg.J'aurais souhaité, mesdames, messieurs,
qu'an laissât à l'Allemagne le soin et ledevoir de faire cette démonstration avant
qu'on se pressât de l'inviter. On a interverti les rôles; et ce n'est pas, oroyez-iesans de graves inconvénients. (Très bien!très bienl et applaudissements.)Quoi qu'il en soit, ceci a été fait, je le
répète, sans aucune espèce de responsabilité de la part ni du Gouvernement français, ni des délégués de la France.Je voudrais terminer par une dernière
observation : je ne demande pas seulementau Gouvernement d'user de son autorité
pour faire modifier le statut du conseil del'Europe; je demande encore autre choseà quoi vraiment, jusqu'à présent, les autorités françaises, à mon avis, n'ont passuffisamment songé.
M. Debré disait tout à l'heure: il fautConstruire l'Europe, et rapidement. Qu'ilme soit permis d'affirmer de nouveauqu'on ne construira jamais l'iEurope sansle concours de l'opinion publique européenne, et notamment sans le concours del'opinion publique française.Or personne ne me démentira, j'en suis
sûr, sur aucun banc, si j'affirme que l'opinion publique, notamment chez nous, estsingulièrement sceptique. Pourquoi sceptique ? Parce que les précédents sont là,qui ont engendré ce scepticisme, parceque les échecs de la Société des Nations,parce que les difficultés rencontrées par
l'O. N. U., tout cela, évidemment, rendl'opinion particulièrement réservée.Mais aussi, monsieur le ministre — et
je me tourne vers vous — parce qu'onl'a très mal éclairée et qu'on ne fait aucun effort sérieux pour l'informer commeil conviendrait de le faire. A Strasbourg,nous lisions tous les jours la presse venant de tous les pays d'Europe ou mêmede pays extra-européens.- Nous voyionsdans tous les journaux, sauf dans les journaux français, de très longs comptes rendus consacrés aux travaux de l'Assembléede Strasbourg et soulignant l'importancede la construction de l'Europe. Puis, quandnous ouvrions les journaux français,même ceux qui passent pour les plus sérieux et les plus documentés, nous trouvions, dans un petit coin de je ne saisquelle troisième, quatrième ou cinquièmepage, quelques lignes à peine perceptiblesdans lesquelles on faisait une vague allusion aux travaux tle Strasbourg.Il en est de même pour la radio. Je con
nais certains postes étrangers qui, tous leshuit jours, depuis l'ouverture de la' session de l'assemblée de Strabourg, font desémissions pour éclairer leur opinion publique, pour montrer l'importance des pro-blèmes-européens qu'il s'agit de résoudre,pour marquer également .toute l'importance qu'a revêtu le fait que, pour la première fois, une assemblée comme celle deStrasbourg a été réunie. N'est-ce pas, eneffet, un grand événement que l'on aitpu réunir, pour la première fois, je le répète, une sorte de Parlement européen ?Si quelqu'un avait osé le dire il y a deux
ans seulement, personne ne l'aurait cru.C'est pourtant un fait.Il faut donc non pas parler d'un échec
complet-, mail constater loyalement que,au contraire, d'ores et déjà, une premièreétape a été franchie.Ce résultat est insuffisant, d'accord. 11
faut le compléter. Vous n'y parviendrezqu'en pratiquant une politique qui peutse résumer en deux mots: hardiesse et
vigilance. On me fait jamais de politiquesans risques.L'admission de l'Allemagne au Conseil
de l'Europe peut faire courir certains risques, c'est entendu. Ces risques il faut leslimiter le plus possible.Faites donc, à la fois, une politique de
hardiesse et une politique de prudence.C'est par ce double moyen que vous arriverez à réaliser cette union européenneindispensable au maintien de la paix. (Vifsapplaudissements à gauche, au centre et àdroite.)
M. le ministre des affaires étrangères.Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre des affaires étrangères.Mesdames, messieurs, je m'excuse Te prendre la parole en ce moment-ci, mais il y adéjà tant de questions auxquelles je doisrépondre que je commence à m'inquiéter;de plus, je ne voudrais pas risquer d'oublier une partie de la réplique que je vousdois si l'heure, était trop avancée. Mais jedonne îa garantie aux orateurs qui mesuivront à cette tribune que je resteraiattentif à tout ce qu'ils diront et que jeserai toujours prêt à leur répondre sur lespoints qui seraient restés dans l'obscurité.La première observation que je voudrais
faire, en réponse au discours de grandevaleur et de haute tenue de M. Michel Debré, c'est la remarque suivante que je faisd'une façon très nette: nous restons dans
la ligne de la politique que nous avonschoisie et que nous continuerons à poursuivre. Nous n'avons pas varié dans cettepolitique; nous n'avons pas changé doroute. Nous avons peut-être changé darythme sur certains points, mais la poli*tique est restée la même.
M. Debré a reproché au Gouvernementd'avoir fait preuve d'hésitation, même décontradiction. Eh bien] si nous ne restonspas toujours sur la même position, c'estque cette politique, que nous avons délibérément engagée et que nous ne pouvons!pas pratiquer autrement, est nécessairement une politique par étapes, une politique progressive.Nous sommes en face d'un problème qui
évolue chaque jour. En 1945, nous avonstrouvé l'Allemagne effondrée et sans institution politique ; même dans les communes, tout avait disparu. Il est évident qu'à!ce moment-là notre politique devait pra«tiquer une méthode d'intervention et d'ingérence "dans les détails de la vie quotidienne. Cette période est passée et nousavons dû, progressivement, avec toutes lesprécautions nécessaires, restituer aux Al«lemands les responsabilités qui leur TCVe-naiert.
Ceci explique l'évolution permanente!dans le passé et aussi dans l'avenir, de.notre politique à. l'égard de l'Allemagne.;On a d'abord reconstitué les municipalitésen 1945-1946. En 1947, on a admis la formule des laender, des états confédérés,;avec leur parlement, leur gouvernement.En 1949, en vertu des .accords de Londresde 1948, on a mis en place une organisationfédérale.
Telle est la raison pour laquelle notrepolitique allemande ne peut rester figée.Il ne s'agit là nullement de contradiction;je le répète, il s'agit d'une évolution nécessaire. D'autre part, dans la mesure otles responsabilités sont reprises en chargepar les autorités allemandes, le rôle despuissances occupantes diminue.Nous gardons — et ceci je voudrais le
souligner, ne serait-ce que pour rassurercertains membres de cette assemblée —>la totalité de l'autorité qui nous revientcomme puissance occupante.Il me suffira de vous lire le préambule
du statut d'occupation qui est toujoursintégralement en vigueur et que nousavons signé au mois d'avril 1949 àWashington.Voici la première phrase de ce statut :« Dans l'exercice de l'autorité suprême
qui est conservée par le gouvernement dela France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis, nous proclamons conjointement lestatut d'occupation ci-après. »Alors on fait une nouvelle répartition
des attributions entre les autorités allemandes d'une part et les autorités d'occupation d'autre part.Nous conservons donc juridiquement
l'autorité suprême, c'est-à-dire totale, quenous tenons du fait de la victoire des alliés, jusqu'au moment où un traité de paixou un traité équivalent aura restitué cetteautorité à l'Allemagne elle-même. C'estdonc le .statut d'occupation qui continue àrégir les relations entre les alliés et l'Alilemagne.Les alliés se sont réservés tous pouvoirs.
Ceux-ci sont longuement énumérés dansce statut d'occupation. Je n'entrerai naturellement pas dans le détail.En ce qui concerne les pouvoirs res
titués aux Allemands, les alliés ont undroit de contrôle total en vertu de l'autorité qui leur revient et qu'ils ont expressément maintenue.
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2659
te 123
• Telle est la situation juridique qui• existe et qui a été intégralement maintenue. Ce contrôle s'exerce non seulementau point de vue législatif, mais aussi auxpoints de vue administratif et exécutif.Dans les accords récents du mois de
novembre qui fournissent la matière dudébat de ce soir, nous avons voulu assurer sur certains points une meilleure application des décisions antérieurementprises.Nous n'avons rien changé à ces déci
sions — j'aurai l'occasion de vous le montrer en détail — mais nous avons obtenu,par l'acceptation expresse . et formelle dugouvernement fédéral allemand, unemeilleure mise en œuvre des principesque nous avions fixés antérieurement. Unexemple: la décartellisation, c'est-à-direla destruction des trusts excessifs et dangereux, non seulement du point de vueéconomique, mais aussi du point de vuede notre sécurité, était à la charge desAlliés seuls, chacun dans sa zone d'occupation. Désormais, l'Allemagne s'est engagée expressément, dans le protocole dumois de novembre dernier, à prendretoutes les mesures législatives et autrespour- mettre à exécution ces mesures dedécartellisation. - <
De même, l'Allemagne a pris l'engagement de se mettre à la disposition dé l'office militaire de sécurité — dont il n'a pasencore été question ce soir — qui est unorganisme essentiel dans la structure denotre régime d'occupation. Cet organismetripartite dans lequel ne figure pas l'Allemagne a pour objet non seulement de veiller au désarmement cdmplet de l'Allemagne et à son maintien, mais aussi à l'observation des règles concernant la limitationet l'interdiction de certaines productions.C'est un point qui a légitimement préoccupé plusieurs orateurs.Cet organisme ne se borne pas à pour
suivre pénalement des infractions éventuelles mais est chargé de les dépister, deles signaler, non seulement dans les in-
I dustries de guerre, mais dans toutes lesI industries, soit interdites, soit limitéesI comme les aciéries. C'est un organisme trèsI sérieusement étoffé dans lequel nous avonsI nous-mêmes des hommes très compétentsI qui, certainement, accompliront une tâ-I—che de première importance. En passant,I je voudrais vous signaler la différenceI avec la situation entre les deux guerres.I Cette fois le contrôle pourra être effectif,I et le sera, car nous occupons toute l'Alle-I magne que nous avons à contrôler. NousI sommes partout, nous n'avons pas seule-I ment à notre disposition une commissionI qui circulait dans une Allemagne libreI d'occupation. Cette commission n avait pasI l'autorité, nécessaire, pas même le moyenI d'entrer dans les établissements, alors queI maintenant, nous avons le pouvoir effec-1 tif d'imposer et de faire accepter les con-I trôles nécessaires.
1 J'en arrive maintenant à la, question deI la Ruhr. Il est inutile de vous dire que jeI souscris entièrement aux jugements portésI par M. Pernot en dernier lieu, par d'autresI orateurs avant lui, et notamment par M. Debré, sur l'importance de la question de laI Ruhr. La question est importante pour.no-I tre sécurité, importante aussi du point deI vue économique. Les deux sécurités, mili-I taire, et économique, se rejoignent d'ail-I leurs la plupart du temps.I J3i M. Debré a regretté que l'organe quila' été prévu pour le contrôle de la RuhrI — .cet organe s'appelle « autorité inter-I nationale de la Ruhr » et a été créé parIles accords de Londres, en juin 1948 — ne■ soit pas muni d'une autorité suffisante,
d'un personnel suffisant, nous sommesd'accord sur ce point. Nous avons déjà, àplusieurs reprises, négocié avec nos deuxalliés pour que cette autorité se trouveaccrue moralement ainsi qu'au point devue de ses effectifs et de son budget.
Cette question n'a pas encore pourtantl'acuité qu'a bien voulu lui attribuer M. Michel Debré. En effet, cette autorité internationale est, pour le moment, chargée uniquement du contrôle de la répartition desproduits sidérurgiques et miniers de laRuhr. Cette autorité n'est pas chargée ducontrôle de la gestion de ces établissements, mais ce contrôle-là, qui est essentiel et primordial puisqu'il concerne l'ensemble de la fabrication et l'exploitationde ces entreprises, est exercé par les deuxgroupes de contrôle : l'un pour l'acier, l'autre pour le charbon.Le Conseil de la République voudra bien
se souvenir du débat que nous avons euici à ce propos au mois de novembre 1918.C'était une de nos revendications d'alorsd'être admis dans ces deux groupes decontrôle parce que, jusqu'en novembre1948, ils étaient constitués uniquement parnos deux alliés qui occupaient la bizone.Nous avons obtenu, au mois de décem
bre 1918, il y a donc exactement un an,d'être admis dans ces deux groupes à égalité de droits, et c'est dans ces deux organismes que nous exercerons effectivementet valablement un contrôle sur toute lagestion des entreprises de la Ruhr aupoint de vue minier et au point de vuesidérurgique.
Ceci est l'état de choses actuel, mais lemoment viendra — et M. Michel Debré a
bien voulu le signaler lui-même — où cesdeux groupes de contrôle disparaîtrontavec le contrôle lui-même, c est-à-direlorsque finira ce que j'appelle la périodede contrôle qui probablement coïncideraavec la cessation de l'occupation militaire,bien que sur ce point une classe spécialedans les accords de Londres prévoit : parmiles régions-clefs et en premier lieu la Ruhr,l'occupation continuera après l'occupationgénérale de l'Allemagne.Donc il y aura un jour, dans des condi
tions qui ne sont pas encore définies, unesuppression des deux groupes de contrôle.C'est en raison de cette éventualité qu'ilest prévu dans le statut de l'autorité internationale que le contrôle de la gestion seraalors et dans la suite exercé par l'autoritéinternationale. A partir de ce moment, lecontrôle sera fusionné en quelque sorte,confié à un même organisme qui aura uncaractère international puisque, dans l'autorité internationale, il n'y a pas seulement les trois alliés, mais aussi les paysde Benelux et, comme vous le savez, l'Allemagne. Il ne faut donc pas trop s'inquiéter, et je me permets de le rappeler àM. Michel Debré, si, à l'heure présente,nous ne sommes pas satisfaits — et jele dis d'une façon très nette — du fonctionnement de l'autorité internationale etsi nous nous préoccupons — et nous devons le faire comme une tâche essentielle— de donner à cette autorité internationale
tous les pouvoirs dont elle a déjà besoinactuellement et dont elle aura encore beau
coup plus besoin le jour où la totalité . ducontrôle lui reviendra. Nous continuerons
à insister auprès de nos alliés pour qufsatisfaction nous soit donnée sur ce point.Les négociations sont en cours, je puis endonner la garantie à l'Assemblée.Pourquoi tenons-nous au maintien et au
fonctionnement pleinement satisfaisant decette autorité internationale ? D'abord
parce que, comme ie l'ai indiqué tout à
l'heure, nous considérons que c'est le pro- -blême essentiel dans le cadre du problèmeallemand, mais aussi parce que nous considérons qu'il y a là une amorce d'une solution européenne puisque l'autorité internationale ne représente pas seulementles puissances occupantes, en vertu de lavictoire militaire, mais parce qu'elle formele noyau d'une organisation qui comprendd'autres pays qui ne doivent leur présence, dans cette autorité, non pas uniquement au résultat de la guerre, maisen raison de leur situation géographiqueet en raison de l'intérêt économique qui 'les lie à la Ruhr.
Que sera ultérieurement l'autorité inter.;nationale ? Quel sera le secteur qu'ellsaura à surveiller ? Ceci est un problèmed'avenir. Je ne voudrais pas, ce soir, pourne pas trop allonger mes remarques, entrer dans les détails. D'autres orateurs yont fait allusion. Il y a -là une perspectiveessentielle mais assez lointaine pour quele ministre actuel puisse se dispenser dedonner à cet égard ses conceptions personnelles.
A ce propos, puisque l'Allemagne a déclaré vouloir entrer désormais dans l'autorité internationale de la Ruhr, M. le président de la commission des affaires étran
gères a posé une question d'une grandeimportance — question que nous devonsposer, que nous avons posée. L'adhésionde l'Allemagne, ou plutôt son entrée danscet organisme, suffit-elle pour faire valablement et définitivement admettre qu'ellea souscrit au statut de la Ruhr ? Ne peut-elle pas se dérober ultérieurement en disant qu'elle n'est pour rien .dans ce statut et ne lui est-il pas loisible de le renierlorsqu'elle estimera le moment venu 1Pour éviter une telle difficulté, il est de
mandé à l'Allemagne, au gouvernementfédéral allemand, d'accepter expressémentet par écrit le statut de la Ruhr, intégralement et dans toutes ses dispositions. Celaest une assurance que je peux donner auConseil de la République.
i M. le président de la commission desaffaires étrangères. Elle. ne figurait pasdans le protocole de Bonn.
M. le ministre. Tous ces protocoles,comme tous les textes, dans leur application, demandent à être précisés et complétés.
M. le président de la commission desaffaires étrangères. Nous enregistrons caconquêt. .
M. le ministre. A propos de la Ruhr, uneautre question se pose, qui a été évoquéeici tout à l'heure à plusieurs reprises. C'estcelle du prix du charbon. C'est l'autoritéinternationale qui a pour mission d'évitertoute discrimination défavorable aux importateurs de charbon de la Ruhr. .
C'est ainsi que cette autorité internationale a été chargée, il y a. deux mois, defaire une enquête au sujet de la pratiquedes prix en Allemagne, notamment àl'égard des Alliés et des pays du Benelux. .Un délai est fixé, qui expire le 31 décembre, pour rectifier ce qui pour nous estinadmissible. Vous voyez tout de suiteque nous avons choisi un délai qui marque l'urgence de cette question et, enmême -temps, notre volonté de ne rienconclure de définitif avec l'Allemagne aupoint de vue économique tant que cettequestion préalable n'aura pas été résolue.
Enfin se pose la question de la propriétédes établissements de la Ruhr et, à cetégard, je dois me référer au débat quenous avons eu ici il .y a un .an.
2660 CONSEIT; DE" EA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
C'est la fameuse loi n° 75 du 10 novembre 1948 qui avait été promulguée par nosi)eux alliés à une époque où nous n'étionspas encore à leurs côtés pour la gestion dela Ruhr,Cette loi comprenait deux parties : la pre
mière, un préambule dans lequel il étaitquestion du régime futur de propriété,car- les anciens propriétaires sont expropriés- déjà à l'heure actuelle et les établissements sont sous séquestre.La seconde partie, c'est-à-dire le corps
même de la loi, concernait la décartelli-eation et, d'autre part, l'organisation duséquestre.En ce. qui concerne l'organisation du sé
questre, M. Brizard, tout à l'heure, a eutout à fait raison de dire que nous retrouvons parmi les administrateurs ou les dirigeants actuels, au titre du séquestre, deshommes que npus n'avions que trop connus dans le passé.
Ce n'est pas la France qui les a choisis ;seuls quelques-uns, parmi eux, méritentpleinement cette critique, mais ils ne sontpas là au titre de propriétaires.Je ne méconnais pas le danger qu'il peut
y avoir à les voir présents dans les affaires le jour où il s'agira de disposer de lapropriété . et de l'attribuer; mais il fautdistinguer les deux choses. Actuellement,il n'y a qu'une administration séquestre,c'est tout ce qui a été décidé provisoirement et, je le répète encore* par nos deuxalliés.
En ce qui concerne la propriété, cettequestion est réservée. Je souligne d'abordque c'est une question interalliée. Ce n'estpas une question qui concerne les Allemands.. Les. Allemands n'ont (pas à intervenir lors de l'attribution de la propriétédéfinitive de ces établissements. C'étaientnos deux alliés qui avaient inscrit dans lepréambule que la question de la propriétéfinale des industries sidérurgiques et charbonnières: de la Rhur devait être laisséeà la disposition du gouvernement allemand représentatif et librement élu. Nousn'avons jamais accepté ce passage qui afait l'objet de notre protestation d'il y aun an, soutenue par le vote unanime desassemblées parlementaires.
M. le président de la commission des affaires étrangères. Vous dites : « nos deuxalliés », je veux vous aider. Ce ne sontmême pas nos deux alliés, c'est une ordonnance émanant des généraux commandant dans la zone d'occupation. Par conséquent, si j'ai bonne mémoire, le préambule de l'ordonnance 75, loin d'êtrel'émanation d'un pouvoir souverain, estune mesure de disposition prise par lesgénéraux commandant en chef, ce qui endiminue l'autorité au point de vue diplomatique et international. ,
H. le ministre. Certainement, mais ce quin'a pas diminué notre inquiétude, monsieur le président, c'est que, lorsque nousen avons appelé aux gouvernements contre cette ordonnance, nous n'avons pas étésuivis comme nous l'aurions désiré. Laquestion reste donc entière et la décision,la volonté du. Gouvernement français, quelqu'il soit d'ailleurs, restent entières également.
Il est évidemment dans ce préambulequelque chose qu'il faut retenir, c'est qu'ily a un texte assez long disant qu'en aucun cas la propriété ne doit revenir à despersonnes dont il a été reconnu ou dontil pourrait être reconnu par la suitequ'elles ont favorisé les desseins agressifsau parti national-socialiste. La formulemanque peut-être de précision et ce quilui enlève un peu de sa valeur, c'est le
fait que, malgré cette formule,, certainspersonnages se sont vu confier la gestion,l'administration provisoires de ces établissements.
Nous aurons donc encore une très grossepartie à jouer à cet égard, mais ce qu'il ya lieu dé souligner, de dire et de redire,c'est que la question reste entière. La propriété de tous les établissements de laRuhr ne pourra être attribuée qu'en accord entre tous les alliés -qui signeront letraité de paix et, sans la France, unesolution ne pourra pas intervenir.,
Nous préconisons une solution qui nesera ni le retour aux anciens propriétaires^ni une attribution à des personnes privées*ni la nationalisation au profit d'un gouvernement allemand ; nous sommes — ici encore je réponds à certaines questions —pour une solution internationale,- mais nonpas dans le sens où on l'entendait au début lorsque nous avons demandé l'internationalisation du territoire de la Ruhr;c'est-à-dire la création d'une enclave internationale; ce que nous demandons maintenant, c'est une formule internationalepour- la propriété des établissements sidérurgiques et charbonniers de la.Ruhr.En ce qui concerne les réparations, je
voudrais faire certaines remarques.
La première est que nous n'avons rienabandonné de ce que nous possédions jusqu'ici. Or, quels droits avions-nous aupoint de vue réparations? Deux sourcesde réparations étaient prévues dans les accords de Potsdam: d'abord les avoirs allemands à l'étranger, qui sont à peu près liquidés maintenant; d'autre part, l'outillage économique démonté dans les usines.Il n'est pas question dans le règlement dePotsdam d'un prélèvement sur la production courante. Il a été théoriquement etconditionnellement question d'un tel mode-de réparations: c'était à Yalta, six moisavant Potsdanj; mais, à Potsdam, on a, parun texte formel — c'est l'article 19 de l'ac-_cord de Potsdam — expressément écartéce mode de réparation tant que la balancedes payements avec l'Allemagne ne seraitpas en équilibre.Depuis Potsdam, depuis 1945, il n'y a eu
aucun accord ni aucune renonciation dans
cette matière. Le jour donc où les conditions auront changé, où nous aurons lapossibilité- d'avoir l'accord de nos alliés —car à cet égard il faut l'unanimité des alliés — le problème pourra être reposé,comme on Pavait déjà fait à la fln de 1945,>au moment de la conférence de Paris quia été évoquée pout à l'heure par M. le président Plaisant.
Ensuite, la question des démantèlements.Sur ce point, nous n'avons pas abandonnénos droits. Nous avons simplement arrêté des mesures qui, dans les textes quinous donnaient le droit de procéder auxdémontages, avaient été limitées à deuxannées — on l'a déjà dit tout à l'heure.Ce qu'on pouvait faire en 1945 et en 1946est devenu extrêmement difficile en 1949,pour des raisons psychologiques, d'abord,et pour des raisons économiques, ensuite.Ces démantèlements, d'ailleurs, n'ont pas
été complètement supprimés ni arrêtés parnotre accord du mois de novembre dernier,
«Je donne un exemple : il y a une aciérie en Allemagne, la plus moderne, dontla construction a été commencée en 1936,pour la guerre, et qui devait avoir une capacité de production de quatre millions detonnes par an. Cette aciérie sera démontée et le démontage est en cours d'exécution.
Les autres usines- libérées- du démantè-lement ont déjà subi des démontages par*tiels.
Il a été beaucoup question des aciériesThyssen à Hamborn.qui, avant la guerre*avaient une. capacité de production de2.400.000 tonnes. Cette capacité, par suitedes démontages, a été ramené à 200.000tonnes par an.Voilà des faits qui ne peuvent pas être
contestés et, dans le protocole du mois denovembre, il est stipulé qu'aucune reconstruction de ces usines, partiellement ou toitalement démontées, ne sera tolérée.Je- voudrais vous faire une dernière re
marque, qui a son importance. Ces usinesqui viennent'd'être libérées du démontagesont toutes situées dans la Ruhr. La propriété de ces établissements sera donc attribuée dans- les mêmes conditions quepour les au très, établissements de la Ruhr;Le problème reste encore en suspens etnous aurons notre mot à dire à cet égardcomme pour l'ensemble de la Ruhr.J'en arrive à la Sarre.
Le statut actuel de la Sarre est fixé parla constitution sarroise, qui a été acceptée- par le peuple sarrois en 1947, et l'existence de ce statut a été consacrée et 'consolidée en fait, lorsque, en 1948 et en 1949, 'la Sarre a été laissée en dehors du statutde Bonn. La constitution de Bonn, le gouvernement de Bonn et son parlement,n'ont aucune compétence pour la Sarre,ce qui est la confirmation du statut spécialde ce territoire.
Lorsque la Sarre sera présente commeentité spéciale au sein du conseil de l'Europe, il y aura là une nouvelle reconnaissance de ce statut particulier: M. Debré ademandé tout à l'heure si la séparationde la Sarre de l'Allemagne, au point de-vue politique, sera maintenue.Évidemment, puisque, pour les raisons
que je viens d'indiquer, ce territoire n'estpas compris dans l'ensemble de l'Allemagne, a une existence particulière, des orga- .nismes spéciaux, et que nous avons, enoutre, avec ce territoire; une communautééconomique et monétaire et aussi desliens culturels qui la distinguent entièrement de l'Allemagne. A cette situationnous n'avons nullement l'intention dechanger quoi que ce soit. La question nes'est jamais posée et ne se posera pas pour-le Gouvernement français..On a parlé du réarmement de l'Allema
gne.
Il me devient presque pénible d'avoir à.,répéter, chaque semaine, la même chose,puisque chaque semaine on recommence:à émettre des hypothèses et des doutescontre lesquels on ne peut rien; s'agissant de gens qui ne veulent pas être convaincus. On a trouvé une formule nouvelle,pour arriver à faire admettre qu'il pourraily avoir tout de même une -arrière-penséechez les alliés et peut-être- même en.France.
Cette formule, c'est funaèe européenne.On a dit qu'à notre radiodiffusion, il avaitété question d'une armée européenne. Jene sais où quelque reporter a pu puisercette idée, mais je peux rassurer M. MichelDebré en lui affirmant que, sur ce point,comme hélas! peut-être aussi sur d'autres, la radiodiffusion ne reflète pas toujours très exactement l'opinion et l'idéedu Gouvernement. (Sourires et exclamations.)En tout cas, l'armée européenne n'est .
qu'une vue de l'esprit, une idée qui estvenue à des gens qui sont très pressés etdont l'imagination est féconde. Ce sontcertainement de bons Européens, mais qui
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2661
voient l'Europe déjà construite sur unmode plus rapide que celui que nous connaissons jusqu'ici, et qui a fait l'objetde certaines études, dont je parlerai toutà l'heure.
Comment pourrions-nous, dans les circonstances actuelles, aboutir à la constitution d'une armée européenne ? Quel serait l'organisme qui aurait le droit de lacréer ? Serait-ce le conseil de l'Europequi est l'organisation spécifique mdis qui,dans son statut — et je crois que sur cepoint nous n'avons pas l'intention de lemodifier — exclut délibérément et formellement tout ce qui touche au domaine militaire et de la défense nationale i
Serait-ce le pacte Atlantique? Le pacteAtlantique n'est pas spécifiquement européen. Et puis, d'*utre part, il ne prévoitaucune clause qui permette d'établir etd'utiliser une armée autre que les arméesnationales.
D'autre part, j'ai déjà eu l'occasion dele dire, réarmer l'Allemagne, directementou indirectement, serait l'inclure dans lesystème du pacte atlantique comme entité, ce serait l'admettre dans ce pacteet vous savez que, pour l'admission d'unnouveau membre, il nous faut non seulement l'accord de tous les signataires, mais,en ce qui concerne la France, une loi préalablement votée avant l'admission d'unmembre nouveau et notamment de l'Al
lemagne.Voilà donc la situation et malgré tous
mes efforts d'imagination je n'arrive pasbien à voir de quelle façon nous pourrionsobtenir, dans un délai plus ou moins rapproché, une armée européenne en Allemagne.
Comme je l'ai déjà dit, nous sommesen Allemagne en vertu de notre droitd'occupation et de notre victoire. Nous yresterons tant qu'il y aura lieu de maintenir l'occupation avec nos deux alliés qui,jamais, ne nous ont fait une propositionde ce genre. Si nous y restons, c'est poursauvegarder la paix, pour protéger lesterritoires de l'Europe occidentale, notamment le territoire français métropolitain, entièrement et intégralement. Voilàla meilleure garantie, la seule que nousvoyions.Il est évidemment nécessaire que les
moyens de défense soient améliorés etque notre armement soit perfectionné. Or,a cet égard, si l'Allemagne devait êtreréarmée, qui pourrait le faire i L'Allemagne elle-même ? Non. Vous savez qu'elleest désarmée, qu'elle n'a plus d'industriede guerre, qu'elle a été complètement démantelée. Il faudrait donc qu'on lui donneun armement venu du dehors, un armement américain, alors que nous-mêmesavons besoin de. cet armement et que nosbesoins sont loin d'être couverts ? Il yaurait donc une priorité pour l'Allemagneà notre détriment ? Pensez-vous que jamais un gouvernement français ou ungouvernement quelconque de l'Europe occidentale puisse admettre une telle conclusion ?
'Je m'excuse de faire ce raisonnementdevant vous car vous l'avez certainementdéjà fait vous-mêmes. Mais il est nécessaire, devant cette renaissance continuelledes mêmes utopies, que je prenne ici, aunom du Gouvernement, ouvertement etfranchement position.J'en arrive aux questions économiques.
Là, je partage entièrement les préoccupations qui se sont fait jour ici lors desdifférentes interventions. Comme je l'aidit dans l'autre assemblée: ai momentoù . nous occupons avec nos deux alliésl'intégralité de l'Allemagne occidentale,
il ne se pose pas de question de sécuritéen ce qui concerne cette Allemagne, maisle problème économique se pose. Il seposera et il se pose déjà en dehors detous les accords que nous avons conclus,et cela parce que l'Allemagne a repris desforces, s'est remise au travail et continueà s'organiser. C'est donc un problème quenous ne pouvons . ni supprimer ni ignorer.Il faut l'aborder franchement, courageusement, et je dirai avec M. Maroger :l'Allemagne serait plus dangereuse endehors d'une organisation européennequ'à l'intérieur de cette organisation.Mais il ne suffit pas de l'admettre pour
résoudre le problème, et là je reprendsles idées émises tant par M. Maroger quepar M. Brizard tout à l'heure.Nous ne pouvons pas supprimer les pré
cautions qui sont prises actuellement dansl'intérêt de notre économie, notammentsous forme de contingents, sans que préalablement aient été harmonisées les char
ges et les lois sociales et fiscales, sinonla concurrence ne serait pas loyale, nousdevrions lutter- dans.des conditions inégales.Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut
supprimer, pour le charbon, les mesuresdiscriminatoires. Nous devons prévoiraussi les clauses de sauvegarde nous permettant de rétablir les contingents lorsqu'une expérience se vérifiera dangereuseet malheureuse.
Tout ceci est prévu non seulement ence qui concerne l'Allemagne, mais àl'égard de tous les autres pays aveclesquels' nous procéderons à des étudesde ce genre.
A M. Michel Debré, qui m'a demandé sinous engageons des pourparlers à deuxavec l'Allemagne dans le domaine économique, je répondrai que nous sommes entrain de négocier, mais nous posons nosconditions. Nous prenons les précautionsque je viens de définir et nous voulonséviter à notre production nationale, qu'ellesoit agricole ou industrielle, des aventures dangereuses.
Mais ce qui-est vrai, aussi, je le répète,c'est que nous ne pouvons pas rester passifs, nous ne pouvons pas piétiner surplace, car non seulement nous risquerionsde tomber nous-mêmes dans le marasmeéconomique, non seulement nous nous isolerions, mais l'Allemagne en profiteraitpour trouver elle-même d'autres débouchés qui nous échapperaient. Elle feraitd'autres ententes si nous n'arrivions pasà nous entendre avec elle.
Telles sont les considérations que nousavons toujours présentes à nos yeux, etl'organisme européen chargé de ces questions économiques — je veux dire l'organisation européenne de coopération économique, l'O. E. C. E., dont l'Allemagne estmembre depuis quelques mois —. se préoccupe de cette évolution et de ces progrès, qui sont nécessaires dans l'intérêtnon pas de l'ensemble de l'Europe seulement, mais de chacun des pays adhérents.
A propos de la production allemande, jevoudrais donner quelques précisions pouréviter des malentendus.
J'ai déjà dit, et ceci a été répété, que laproduction effective de l'acier en Allemagne occidentale est et reste limitée à11.100.000 tonnes par an. C'est le plafondqui a été étaibli au mois de novembre 1947par les quatre puissances occupantes. Laproduction effective en acier de l'Allemagne a toujours été inférieure à ce maximum, elle oscille entre huit et neuf mil- Jlions de tonnes par an.
Voilà la situation dans laquelle nousnous trouvons au point de vue matériel,au point de vue militaire, au point de vuede notre sécurité et de nos relations économiques avec l'Allemagne.
Il reste nos relations que j'appelleraipsychologiques. Il a été dit, tout à l'heure,que l'état d'esprit en Allemagne n'est pastoujours tel que nous le souhaiterions etc'est vrai. Je dirai même qu'il serait étonnant qu'il n'en fût pas ainsi.
Il y a là-bas, non seulement les réminiscences des temps antérieurs, mais aussineuf millions de réfugiés, déracinés, quivivent dans cette Allemagne-occidentaleet -qui constituent un foyer de fermentation continuelle.
Il y a cette jeunesse qui a été déforméepar l'emprise hitlérienne et dont la rééducation est loin d'être achevée. C'est pourcela que je souscris entièrement à ce qu'adit M. Michel Debré. Il faut, en ce quinous concerne, agir en sorte que cetterééducation puisse être poursuivie. Celane pourra pas se faire utilement sous lesigne de l'occupation et de la contrainte.Il faut le faire par l'exemple que nousdonnons. On apprend la liberté à quelqu'un lorsqu'on lui montre de quelle façonon sait se servir soi-même de la liberté.
Les échanges culturels, iîous les pratiquons intensément en ce qui concernel'Allemagne. Nous faisons à cet égard desefforts bien supérieurs à ceux que nousfaisons dans n'importe quel pays européen, et nous considérons que ceci faitpartie dé notre politique.
Il n'y a pas que les échanges d'étudiants et de professeurs; il doit y avoiraussi des contacts entre les partis politiques. Je le dis ici. Lorsque nous constatons quelquefois dans certains milieuxpolitiques d Allemagne une incompréhension dangereuse de ce que nous considé-,rons comme indispensable pour la paix enEurope, je voudrais que ceux qui partagent leurs conceptions politiques établissent et entretiennent des contacts avec les
partie allemands pour les persuader quec'est l'intérêt de l'Allemagne elle-mêmed'entrer délibérément dans la voie de laconciliation.
Si nous n'arrivons pas à convaincrel'Allemagne, si nous n'arrivons pas àl'amener, par la persuasion, par l'exemple, à la politique que je viens de vousdéfinir très brièvement, eh bien ! — jevous le dis franchement — je ne croispas qu'il soit jamais possible, par la seulecontrainte, d'obtenir un résultat durable.
Nous avons devant nous des hommesqui sont responsables de la politique allemande en Allemagne occidentale et deshommes, aussi, je tiens à le dire ici àM. Ilamton, qui sont les dirigeants de l'opposition politique au parlement de Bonn,dont j'ai la conviction qu'ils ont, les unset les autres, délibérément opté pour uneorientation politique favorable aux démocraties pacifiques de l'Ouest. Je ne dispas qu'ils soient déjà des démocrates. Jene peux même pas dire qu'ils le seronttous un jour, mais ils ont choisi cetteorientation qui veut que, nous appuyantsur les éléments sincèrement démocratesen Allemagne occidentale, sans distinctionde parti, nous puissions arriver à mettresur pied un système qui garantisse lapaix pour nous, pour l'Allemagne, pourl'Europe.
J'ai cette conviction. C'est cette conviction qui m'inspire dans la politiquequ'en accord avec le Gouvernement j'ail'honneur de poursuivre.
2662 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1049
C'est une expérience que nous faisonsaprès l'échec de celle que nous avons faiteentre les deux guerres et que je ne voudrais pas, en ce qui mie concerne, recommencer, avec ses sécurités illusoires Basées sur la contrainte et des contrôles fictifs impossibles.Nous devons construire un avenir, len
tement, patiemment et aussi avec confiance; si nous n'y croyons pas, nousn'arriverons à rien. Cette politique, si
" nous la faisons en certaines circonstances,dans un tête à tête avec l'Allemagne,comme, au point de vue économique, jel'ai dit tout à l'heure, et dans nos relations personnelles d'autre part, nous lapratiquons surtout dans le cadre européen.Pourquoi? Parce que l'Europe est et
doit devenir, chaque jour davantage, unclimat et une réalité à l'intérieur de laquelle l'Allemagne trouvera une placequi suffise à ses- ambitions légitimes, etaux qualités de travail, de discipline deson peuple, une place qui sera utile etmême nécessaire pour qu'il y ait uneEurope.On a dit à juste titre: « Il n'y a pas
d'Europe sans la Grande-Bretagne ». Je ledis pour mon compte: il n'y a pas d'Europe non plus sans l'Allemagne. On a pudiscuter sur la moment où il fallait admettre l'Allemagne dans l'assemblée européenne. Mais là je voudrais répondre àce scepticisme qui s'est fait jour, nonseulement ici, mais aussi au dehors, ence qui concerne l'expérience commencéeil y a quelques mois.
M. Michel Debré, dans la première partie de son exposé, a élé d'un scepticismeet d'un pessimisme noirs. Il m'a rassurédans la seconde partie lorsqu'il a dit quel'Europe est un mot: « C est un échec,c'est un espoir déçu ». M. Pernot a déjàrépondu sur ce point, comme M. Marogerqui a dit: « L'Europe est un espoir ». 11a supprimé l'adjectif et je l'en remercie.Ce n'est pas encore la réalité que nous
vouions, que nous désirons et qu'il nousfaudra; certes non. Mais n'oublions pasque l'Europe est un enfant de quelquesmois et que, Jéjà, il montre tant de dynamisme qu'il trouve que son habit est tropétroit et c'est là la crise qui s'est faitjour. Je m'en félicite; c'est un enfant quigrandit plus vite que ses pères ne l'avaientprévu — je ne veux pas dire: qu'ils nel'avaient désiré. Tant mieux si on setrouve à l'étroit à l'intérieur de ce statut du conseil de l'Europe. Nous sommeslà pour adapter ce statut aux besoins etnon pour faire l'inverse.Je peux dire à M. Michel Debré que le
^ comité des ministres ■— je n'ai pas le droit"de répondre à une interpellation adresséeau comité des ministres, mais je répondstout de même comme membre de ce comité et comme témoin — que ce comitén'a eu nullement l'intention de refuser unchangement des statuts sur presque tousles points qui ont été mis en avant dansles demandes formulées. Il a simplementvoulu que toutes ces demandes de change- *ment de statut puissent être groupées etfaire l'objet d'un vote d'ensemble parceque ces changements de statut doiventêtre approuvées par les Parlements. jN Nous ne pouvions pas rédiger les statuts :du Conseil de l'Europe avec cette càscade ;d'amendements que nous aurions eu àexaminer l'un après l'autre. Je crois qu'il :était utile de faire un groupement de :toutes les demandes et recommandationsqui nous ont été adressées. Mais, paravance, nous avons déjà appliqué certainsde ces textes avant qu'ils soient introduits dans les statuts.
Je reconnais que sur d'autres points lesréponses auraient pu être différentes,beaucoup moins sur le fond que dans laforme, et sur le point qui intéresse particulièrement M. Pernot, les enquêtes .d'ordre économique, qu'avons-nous voulu ?Nous n'avons pas voulu qu'on puisse créerdes centres nouveaux pour des étudestechniques, puisque ce centre existe et
i qu'il est extrêmement bien documenté.• C'est l'O. E. C. E. dont j'ai parié tout à; l'heure. C'est pour nous documenter etpour documenter l'Assemblée de Strasbourg que nous avons transmis la recommandation qui nous a été envoyée, maisavec la demande de nous la retourner avecla documentation nécessaire.
Je trouve que ce système est peut-êtreun peu long et un peu formaliste. C'estpour cela que nous établirons, et ceci, jecrois, donnera satisfaction, un contact direct entre l'Assemblée de Strasbourg, sescommissions et ses autres organismesd'une part, et l'O. E. C. E. d'autre part,sans que l'Assemblée de Strasbourg ait àpasser par le comité des ministres. Ce sontdes adaptations faciles à réaliser.Je n'ai pas le droit de faire des pro
messes et de prendre des engagementsau nom de mes douze collègues. Je voudrais simplement dire, pour vous rassurer, qu'il est dans la nature deschoses que la situation statutaire s'adapteaux besoins réels et je ne doute pas quedans quelques mois toutes ces difficultéset malentendus soient dissipés. Alors, nousn'aurons pas encore l'Europe, mais nousserons dans une voie qui, comme l'a dittout à l'heure M. Pernot, était encore,pour la plupart d'entre nous, inespérée ily a un an. -
Il ne faut donc pas être trop pessimisteà cet égard, comme nous ne devons pasl'être non plus pour notre politique àl'égard de l'Allemagne. Je sais très bienque la roule est longue. Nous somme encore dans les débuts, nous ne sommes passeuls, nous sommes devant beaucoup d'inconnues en Allemagne et au dehors del'Allemagne. Mais je constate tout demême qu'à l'heure actuelle, à l'heure oùje vous parle, nous jouissons encore d'unesituation que nous ie connaissions plus en1924, quatre ans après' la première guerremondiale, où nous pouvions pourtant direqu'il y avait une sécurité militaire absoluepour la France et les Autres pays de l'Europe occidentale.
Le problème économique, il y a moyende le résoudre et nous le résoudrons dansles conditions que je viens de définir. Cesont, au fond, les mêmes problèmes quise posent aussi à l'égard des autres payseuropéens. Ne désespérons pas. Pratiquonsdans ce domaine une politique françaiseet nationale au-dessus des partis et alors,quels que soient les hommes qui serontchargés de l'appliquer, faisons une fois deplus la preuve que c'est la France qui saittoujours trouver la première la voie qu'ilfaut lorsqu'il s:agit du bien-être de 1 humanité et de la paix du monde. IApplaudissements au centre et à gauche.)
• M. le président. La parole est à M. CharlesMorel.
.M. Charles Morel. Mes chers collègues, sije prends très rapidement la parole en cedébat, après les ténors de notre Assemblée, je tiens à le faire très modestement,au nom des populations rurales, qui nesont pas, comme certains pourraient lecroire, étrangères aux affaires au point dese désintéresser des affaires étrangères.(Rires.)
Je suis un peu* troublé, voyez-vous,■parce que, alors que le Conseil de la République n'est pas représenté au sein duGouvernement, je' constate, ce soir — cequi prouve que nos paroles ont une certaine valeur — qu'en échange le Gouvernement envoyé une représentation dechoix an sein du Conseil de la République.(Rires et applaudissements sur plusieursbanc.)Ce sont, voyez-vous, et c'est pour cela;
que je tiens à faire entendre leurs voix,ce sont, dis-je, ces populations ruralesqui payent le tribut du sang; et la guerreet la paix sont entre vos mains, monsieurle ministre, plus qu'elles ne le sont entreles mains de celui de vos collègues quipréside aux destinées de la défense nationale.
•«s.
Vous avez, tout à l'heure, répondu unpeu par avance à certaines questions queje voulais vous poser.J'en prends acte.Nous savons désormais que, dans la'
Ruhr, nous sommes les locataires d'unfonds de commerce, alors que la maisonne nous appartient pas. Nous espéronsqu'une nouvelle loi des loyers ne nousexpulsera pas et que, demain, si nousnous voyons mis à la porte, d'autres nepourront mettre en place un mobilier quiremplacera celui que nous aurons emporté.
Mais il est des questions beaucoup plusgraves. Excusez-moi si je parle franchement de choses que d'autres préfèrenttaire.
Deux grandes puissances sont maintenant face à face. in danger réel de guerreexiste du fait de cette opposition. Bienqu'ayant pris parti pour la nation quinous garantit le minimum de servitudesou, si vous préférez, le maximum de libertés. n'avons-nous pas encore un rôlede médiateur à jouer ? On nous a ditqu'on ne voulait pas réarmer l'Allemagne;on nous a dit aussi que l'O. N. U<n'avait pas d'armée et qu'il n'était pasquestion de lui en donner une. C'est entendu, mais alors, en cas de choc, où seranotre frontière ? Y serons-nous encore les
seuls, une fois de plus, devant l'ennemicommun ? (Applaudissements .)Nous avons, ai-je dit, adhéré à l'une de
ces deux grandes collectivités internationales.
A cause, peut-être, de l'idéal communqui nous unit, nous nous trouvons, en Indochine, en face de difficultés qui, demainpeut-être, dépasseront les faibles moyensdont nous disposons. Là-bas, disons leschoses franchement, les armées communistes sont à nos portes, tandis que depuisplus de trois ans, une cinquième colonneest sur place et occupe partiellement lepays.
L'heure des décisions graves est arrivée— si elle n'est pas déjà passée, monsieurle ministre. Or l'Indochine est, danstout l'Orient, le suprême rempart de notrecivilisation devant l'idéologie adverse.Pouvons-nous compter, dans un conflit
qui peut surgir et qui menace non seulement nos territoires, à nous, mais — aussitoute l'Asie et toute l'Océanie, Australiecomprise, sur une aide quelconque deceux qui se disent nos amis ?
Ou bien allons-nous, sous leurs regard?indifférents, si votre diplomatie ne peu;rien arrêter, livrer seuls le suprême ba-rou d d'honneur de la civilisation occidentale ? (Applaudissements.) .Car, enfin, monsieur le ministre — et i
ne faut pas l'oublier — il y a l'O. H. U.
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2663
Nous avons, ce soir, beaucoup parlé del'O. N. U. Mais j'ai l'impression que leconseil des Nations Unies ne tient pasbeaucoup plus compte des avis de laFrance que" le Gouvernement français natient compte des avis du Conseil de laRépublique. (Applaudissements .)
Il y a l'O. N. U., dis-je, qui s'est attribué le droit de contrôle sur nos territoires d'outre-mer en évitant la charge deles défendre contre une agression étrangère et c'est contre cela que certains d'entre nous s'insurgent.
Ces peuples font partie de la nation française. Deux fois sur les champs de bataille, le sang des blancs de chez nous, etle sang des noire, qui sont de chez nousaussi, se sont mêlés aux avant-portes dela liberté.
Grâce à nos pionniers, grâce à nosadministrateurs, grâce à nos missions,grâce à nos éducateurs, pais, aussi etsurtout, grâce à leurs mérites et à leurintelligence, ces hommes sont devenus nosfrères et nos égaux.
Et c'est si vrai que l'un d'eux qui représentait jadis- un département d'outre-mer,français depuis deux siècles, récemmentet à deux récentes reprises a été élu pardes paysans du Massif Central. (Applaudissements.) Car en France — c'est peut-être le seul pays du monde où il en estainsi — nous ne regardons pas la couleurde la peau, mais uniquement les qualitésdu cœur. (Très bien! très■ bien!)
Admettre que l'O. N. U. ait le droit decontrôler ces terres qui font partie constitutionnellement de la nation française, etces hommes qui sont des citoyens français, c'est renoncer un peu à notre indépendance, renoncement qui nous amènerait peut-être plus tard à une abdicationtotale.
Et celà, nous l'admettons d'autantmoins que d'autres nations, l'Espagne parexemple, 'qui ne fait pas partie de l'O.N.U.,ie sont pas soumises à ce contrôle pourleurs territoires d'outre-mer. Il y a là vraiment une situation un peu scandaleuse etvexante pour nous. (Applaudissements surplusieurs Jbancs.)
D'autre part, nos frères- lointains' connaissent le drapeau français et se sont battus sous ses plis. Pour symboliser notrefaiblesse, désormais nos trois couleurs nes'élèveront pas seules là-bas; il faudraqu'elles flottent à côté du pavillon protecteur de l'O. N. U. Celà, nous ne pouvonsle tolérer, et nous demandons si le Gouvernement français le tolérera.
Voici, très simplement, les quelquesquestions que je voulais vous poser, monsieur le ministre, au nom de quelquesFrançais qui ne veulent pas la déchéancedu pays et qui tiennent à ce que vous lesrassuriez. (Vifs applaudissements au centreet à droite.)
M. le président. La parole est à M. legénéral Petit.
M. le général Petit. Mesdames, messieurs, il y a quelques instants, M. le ministre des affaires étrangères nous a ditqu'il lui était pénible de parler de la question du réarmement de l'Allemagne, qu'iln'y a que des doutes et des hypothèsescontre lesquels on ne peut rien.
Cependant — 11 est un fait — il règnedans notre pays une grande inquiétudeiu sujet du. réarmement de l'Allemagne,de l'Allemagne occidentale. . s
Au centre. Et orientale]
M. le général Petit. ...et c'est des fonde- 1ments ou plutôt de quelques-uns des fondements de cette inquiétude que je mepropose de vous entretenir.Il existe, en effet, aujourd'hui, pour la
France, un danger militaire allemand queressentent vivement la plupart de noscompatriotes, qui leur paraît même évident et que de nombreux journaux, quelleque soit même leur opinion politique, signalent chaque jour, de plus en plus souvent, et sous des formes différentes.Pour le journal Le Monde, il ne s'agit,
semble-t-il, que d'un simple réarmementallemand, considéré comme inévitable.Le 10 novembre, le même journal décla
rait: « La vérité est que l'Allemagne, puisqu'on parle de l'intégrer à l'Europe, nepeut en faire partie économiquement etpolitiquement et rester militairement unno man's land. ».
Le 23 novembre, dans le même journal,M. Millet écrivait :^« Malgré -les démentisrépétés, lb sentiment persiste, depuis laréunion des Trois au quai d'Orsay, que
.M. Dean Acheson souhaite que l'Allemagnes'arme et ait sa place dans le pacte Atlantique. »Je ne fais que ces deux citations puisées
parmi bien d'autres articles qui posentnettement la question du réarmement allemand comme la conséquence logique à laquelle aboutit la politique commune, dumoins pour l'essentiel, que pratiquent àl'égard de l'Allemagne les gouvernantsfrançais, britanniques et américains.Il y a également le journal L'Aurore du
16 novembre qui confirme la position duMonde par la plume même de M. Bénazet.Que dit-il ?
« Cette hypothèse, écrit-il, qui nous eûtparue inouïe, démentielle, force nous estde l'accepter en ce jour. »Oui, malgré le démenti de M. Acheson,
les propos lénifiants de M. Bevin et lessilences de M. Schuman, l'existence duprojet — il s'agit du projet de réarmementde l'Allemagne — ne laisse aucune doate.Mais d'où tire-t-il son origine i Des Etats-Unis.
Il continue en ces termes: « Que songeraient, dans l'au-delà, les ombres des victimes de la barbarie germanique à la vuede cette- immorale alliance quelques années à peine après la dernière hécatombe i Oh ! soldats tombés au cours desdeux guerres, martyrs des camps de concentration ou des fours crématoires, voilàl'épilogue de votre sacrifice! »
Il ajoute, à l'adresse de ceux qui, pourlutter contre Staline, s'uniraient au diable :« Comment ne discernent-ils pas l'effroyable pente sur laquelle ils s'engagent.Réarmer nos voisins serait ressusciter aussitôt le pangermanisme. Et, comme à l'accoutumee, nous lui servirions de premièreproie. m
Enfin, pour ajouter à ces informations,je cite encore le journal Le Lorrain quipubliait, il y a environ trois semaines, uneinterview accordée par le docteur Adenauer: « On dirait vraiment, déclarait lechancelier, d'après ce journal, que la disparition de l'armée allemande remplit l'Occident de nostalgie. » Et après cette sortede boutade, il ajoutait « que, d'après sesvues, l'armée atlantique aurait des basesen Allemagne, en France, en Belgique, enAngleterre, aux Etats-Unis et que ces basescomporteraient, suivant un pourcentage àfixer, des effectifs français, belges, anglais, américains et al'emands, lesquelsseraient placés sous un commandementunique », -
R Dans ces conditions — et c est toujours le chancelier Adenauer qui parle —nous accepterions, quand le moment seravenu, de nous intégrer dans le systèmedéfensif européen. »Comment peut-on imaginer, comment le
Français moyen peut-il croire que le chancelier du Gouvernement de l'Allemagneoccidentale puisse tenir un tel langage, s'iln'est pas certain que le réarmement decette Allemagne occidentale est admisdans son principe, peut-être (pour plustard, sinon dans ses modalités, par lestrois puissances occupantes.Notre peuple est inquiet dans son en
semble, et j'avoue que je partage son inquiétude.Nous savons tous que notre pays a très
douloureusement souffert au cours de troisguerres coûteuses en sacrifices humainset en ruines contre une Allemagne belliqueuse, avide de puissance et de conquêtes et qui reste toujours à nos frontières.
Il sait qu'au cours des deux dernièresguerres mondiales, la France a eu environdeux millions de morts et a subi desruines considérables.
Il n'oublie pas qu'au cours de la guerre1939-1945 des dizaines de milliers dessiens, parmi les plus ardents défenseursde la patrie, ont été lâchement tués etassassinés par toutes sortes de procédéseffroyables: exécutions, pendaisons, incinérations.
Il n'oublie pas non plus les camps demort hitlériens, ni les Oradour. Il saitqu'enfin, à la suite de ces deux guerresprovoquées par l'Allemagne, notre pays aété sérieusement affaibli par ses pertes etpar ses ruines et qu'il a été retardé dansson développement normal, ce qui n'a faitqu'aggraver sa situation matérielle relativement aux autres pays de l'Europe.Sa volonté est de vivre et de travailler
en paix, de procéder au redressement duipays. Il veut que, plus jamais, l'Allemagne ne soit en mesure de reconstituerla puissance économique et militaire quilui permettrait de le menacer ainsi que lesautres peuples d'une nouvelle guerre mondiale.
Dans tous les pays, les hommes qui sepréoccupent de l'indépendance et de l'avenir de leur patrie connaissent la gravitédu problème allemand et n'ont pas manqué de le signaler.Permettez-moi de rappeler encore ce
qu'écrivait M. Maurice Pernot, en 1945, aumoment de la capitulation de l'Allemagne :
« 6i complète que soit la défaite militaire du Reich, si profonde que puisseêtre la débâcle économique et financièrequi s'ensuivra, il nous parait témérairede prétendre, comme le font quelquesobservateurs étrangers, que l'Allemagne acessé pour un- siècle de constituer undanger pour la paix de l'Europe. Nous nesavons que trop de quel prix nous devrions payer une telle illusion. Le pangermanisme très antérieur à Hitler ne disparaîtra pas avec lui. » (Applaudissements àl'extrême gauche.)
Rappelons-nous aussi, en même temps,ce qu'écrivait le maréchal von Seekt ausujet de l'Allemagne après la guerre de1914-1918 :
« Un tremblement de terre peut bienaltérer la forme d'un volcan, il n'en altèrepas les propriétés. »C'est d'ailleurs pour prévenir cette re
naissance du danger allemand qu'à la con
2664 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
férence de Yalta, en février 1945, M. Churchill, le président Roosevelt et le maréchal Staline se mirent d'accord en ce quiconcerne les mesures à adopter à l'égardde l'Allemagne et firent, parmi d'autres,la déclaration solennelle exprimant leurdessein inflexible de détruire le- militarisme allemand et le nazisme et de s'assurer que l'Allemagne ne soit plus jamaisen mesure de troubler la paix du monde ;leur décision de désarmer et de dissoudretoutes les forces armées allemandes,d'anéantir à jamais l'état-major allemandqui a toujours provoqué la résurrection dumilitarisme allemand. \La France, sans doute, n'était pas pré
sente .à Yalta, mais le Gouvernement français a reconnu la validité des accords quiy furent signés.
M. Georges Bidault, président du conseil. Mais non! Une partie seulement deces accords a été reconnue et non leurtotalité, car la France ne saurait admettreen bloc des accords qui ont été conclussans elle. (Applaudissements à gauche, aucentre et à droite.)
M. le général Petit. Je comprends bien,monsieur le président du conseil; néanmoins, il en est fait état très fréquemment comme de documents sur lesquelson s'appuie pour traiter les questions diplomatiques internationales et M. le ministre des affaires étrangères y a fait allusion tout récemment à l'Assemblée nationale.
M. Léon David. Même devant cette Assemblée.
M. Marrane. M. le président du conseila signé depuis un traité franco-soviétique.
M. le président du conseil. Je l'ai signéavant; vous vous trompez sur les dates,mon cher collègue.
M. le général Petit. Je dis donc, avec laréserve que vous exprimez, monsieur leprésident du conseil, que le Gouvernement français a reconnu, peut-être danscertains cas, la validité des accords quifurent signés à Yalta. C'est d'ailleurs dansle même esprit, vous le savez, monsieur
. le président du conseil, que par le traitéd'alliance et d'assistance mutuelle franco-soviétique du 10 décembre 1944, les gouvernements français et soviétique s'affirmaient être « assurés de répondre par la'conclusion de l'alliance aux sentimentscomme aux intérêts des. deux peuples, auxbesoins de la paix et de la reconstructionéconomique », et s'engageaient à « prendre d'un commun accord toutes mesuresnécessaires pour éliminer toute nouvellemenace provenant de l'Allemagne et àfaire Obstacle à toute initiative de nature& rendre possible une nouvelle tentatived'agression ».
Ce traité fut, on le sait, lors de sa ratification par le Parlement français, l'objetdes déclarations les plus enthousiastes dela part de membres du Gouvernement etde nombreux parlementaires. Comme lesaccords de Yalta, il correspondait bien aux
• sentiments et aux intérêts du peuplefrançais.
Mais on doit bien constater à l'heure'actuelle que, contrairement aux termesdes accords de Yalta, on ne peut pas affirmer que l'Allemagne occidentale, celleque nous occupons avec les Anglais et lesAméricains, ne sera plus jamais en mesure de troubler la paix du monde, qu'ellesera définitivement désarmée et que notrejGouvernement s'efforce de rendre impossible toute nouvelle tentative d'agression.
; Cette situation est assurément causéepar la politique d'ensemble adoptée parles gouvernements français, anglais etaméricain, -
A ce sujet, M. Louis Vfarin, évoquant lechangement d'attitude des alliés anglaiset américains, déclarait récemment à l'Assemblée nationale que nous voyions se renouveler aujourd'hui « le problème de1919 où les Américains ont abandonné à lafois la Société des nations et les pactesde garantie ».
Or, l'Allemagne non dénaziflée conservede trop nombreux éléments pangermanistes et revanchards et il ne pouvait pasen être autrement. A plusieurs reprises,elle a pu croire à la victoire toute prochependant la guerre. Il n'est pas douteuxque, dans la zone occidentale, faisant étatde la politique de redressement rapideadoptée à son égard par les puissances occupantes, il se trouve des dirigeants pourexploiter, parmi les anciens combattantset dans le peuple, le sentiment qu'ils méritaient la victoire, que Hitler avait sansdoute raison et que, en tout cas, une revanche peut- devenir possible.
Sans doute s'abstiennent-ils de le proclamer trop fort, mais il est incontestableque nous assistons à une renaissance del'esprit militaire, plus ou moins discrète,de l'Allemagne occidentale en mêmetemps qu'à une résurrection politique etéconomique.
En fait, malgré les précautions que l'onpourra prendre, il est évident, comme ledisait encore Le Monde, que « le réarmement de l'Allemagne occidentale est contenu dans le Pacte atlantique comme legerme dans l'œuf ». Il serait, en effet, inconcevable, qu'en vue d'une guerre éventuelle contre l'Union soviétique, des dirigeants allemands, responsables de leurpays, ne réclament pas le droit de prendrepart aux opérations. Ne peuvent-ils pasdire, avec quelque raison, d'abord qu'ilssont parmi les premiers intéressés et, ensuite, qu'ils ont une incontestable expérience de la guerre contre l'Union soviétique ? Personne, de bonne foi, ne peutdouter, quelles que soient les formulesqui seront adoptées pour la reconstitutiondes forces armées allemandes que, tôt outard, l'Allemagne occidentale, avec ousans l'agrément des puissances occidentales, saura en faire, gr^e à ses industriesrestaurées, une armée inome.
Si le gouvernement des Etats-Unis mènele jeu politique à l'égard de l'Allemagneoccidentale, il existe aux Etats-Unismêmes — c'est quelque chose qui nouséchappe — un vaste courant d'opinionfavorable au réarmement allemand. Différents groupements s'y associent en menant dans ce sens une très vaste campagne.
. Les thèmes de cette campagne, on lestrouve dans une déclaration adressée à lacommission des affaires étrangères du Sénat américain par la « Voters alliance forAmericans of Germany ancestry ». Cettedéclaration, faite à l'occasion du pacte del'Atlantique, a été publiée le 19 juin par laDeutsche Americanische Burger Zeitung.Elle vaut la peine d'être connue, et envoici les extraits principaux:
« Il y a l'Alsace et la Lorraine allemandes depuis le temps de César. LesFrançais en ont volé des parties penda.ntla guerre de trente ans... Le Rhin n'a étéfrontière entre la France et l'Allemagneque du jour où une agression française1 atteignit au Sud... Les Allemands n'ontjamais obtenu de réparations pour lesactes . de vandalisme commis par les
troupes de Turenne, lors de l'occupationdu Palatinat... Le pacte Atlantique est,comme l'entente cordiale, .un pacte deguerre, et comme nos futurs allies » — ils'agit de nous, probablement! — « sont lamentablement faibles, manquent d'enthousiasme et sont peu dignes de confiance,tout le poids de la 'guerre retomberait surnous.
« Avant la dernière guerre, l'Allemagneétait le bastion contre la Russie, contre lesAsiates; elle était le principal soutien dela politique anglaise d'équilibre des puissances. Il nous faut restaurer cet équilibre en réarmant l'Allemagne. C'est leseul ^pays qui puisse faire un allié de valeur et nous ne' l'avons jamais considérécomme une menace pour nous jusqu'à ceque l'Angleterre tournât contre lui sa-fureur... La* manière de nous faire un alliébienveillant de l'Allemagne est d'en finiravec tout- le bazar des restrictions et deprendre intérêt à sa reconstruction et nonà sa destruction. »
Je peux ajouter que la propagande pro-allemande* ne connaît plus de limite auxEtats-Unis. Je signale, en liaison aveccette lecture, que vers la fin de septembrede cette année, quarante-quatre sénateursont adressé à M. Dean Acheson une lettre .lui demandant d'arrêter les réparations.Le 13 octobre, renforcés de plusieursautres sénateurs, ils introduisirent au Sénat une résolution par laquelle Ils demandaient la convocation d une conférenceentre les représentants des Etats-Unis, dela Grande-Bretagne et de la France pour..examiner le problème des réparations.Notons enfin qu'après la récente confé
rence des- Trois, à Paris, le protocole signé par les hauts commissaires occidentaux et le chancelier Adenauer consacrela rentrée de l'Allemagne de l'Ouest surla scène internationale et que dans lesclauses de ce protocole figure l'arrêt immédiat des démantèlements de onzeusines allemandes d'essence et de caoutchouc synthétiques et de sept aciéries.Parmi ces aciéries figurent Thyssen, Kruppet Bochum. Par cette décision non seulement la France est spoliée économiquement, mais il s'agit en fait d'une acceptation officielle du réarmement.
C'est, en effet, grâce aux aciéries et auxusines d'essence et de caoutchouc synthétiques que Hitler mit sur pied les nombreuses divisions motorisées qu'il envoyaà la conquête du monde.
Il est bon, ici, d'ouvrir une parenthèseet de remarquer que le général anglaissir Bryan Robertson, haut commissairebritannique, a précisé dans une conférence de presse, le 25 novembre, que lesbuts de l accord étaient de consolider leprestige et l'autorité du Gouvernementde Bonn et de son chancelier. Il ajoutait:« C'est pourquoi nous avons procédé
à des discussions libres au lieu d'imposernotre volonté. »
Toute la question est là: libre discussion ou volonté imposée. Quelle est lalimite entre les deux i A l'heure actuelle,il n'est pas possible pour ceux qui n'appartiennent pas aux gouvernements despays du pacte de l'Atantique ou à leursétats-major de préciser les effectifs quipourraient être accordés au gouvernementfédéral du docteur Adenauer, ni l'étatd'avancement des travaux ayant pour butd'armer et d'équiper les forces arméesde l'Allemagne occidentale.S'il a été démenti que M. Adenauer ait
demandé l'armement de 25 divisions, leNew York Times du 15 novembre a révéléà l'occasion de la conférence des Trois
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2665
;que, dans les états-majors occidentaux, onla discuté d'une façon non officielle la possibilité de lever une armée allemande nedépassant pas cinq divisions. .Cette information a d'ailleurs été cor
roborée par le Frankfurter AllgemeineZeitung qui écrit, au sujet du réarmementallemand :
« L'état-major de Paris est depuis longtemps acquis à cette idée. » Que ce soitcinq divisions, plus ou moins, il y auratoujours un commencement.
On pourrait, en ce qui concerne le réarmement, citer des usines allemandes quisont susceptibles d'élaborer, presque sansmodifications, des produits et matérielsutilisables pour la guerre. C'est parexemple l'I. G. Farben, qui produit des insecticides, mais qui pourrait aussi bien,en partant des mêmes éléments, fourniren quantités illimitées des gaz nouveaux,tels que le tabun, le sarun et les « anti-nerfs », qui provoquent dos convulsionsou la mort.
Il n'est pas douteux non plus que lesusines qui peuvent produire du matérielde guerre ont été officiellement considérées comme éventuellement dangereuseset, en conséquence, soumises à uncontrôle. Mais, par exemple,.l'I. G. Farben;d'est contrôlée que par quatre Américains. .Dans la Ruhr, d'après un récent article
du Manchester Guardian, les groupes chargés d'inspecter les usines n existent pratiquement pas. Il précisait que, sur 80 per-'sonnes du groupe ^économique britanni-'que, il y a 30 employés de bureau etqu'ainsi il'reste 50 personnes pour contrôler la.Ruhr qui compte 13 millions d'habitants et plusieurs milliers d'usines.
En ce qui concerne les recherches scien-'tiflques, le même journal affirme que le 1groupe chargé du contrôle pour la Ruhrne comprend que quatre personnes etfu'un seul homme de ce groupe est chargéde découvrir ce que l'on fait dans ledomaine de l'eau lourde, de la paraffinelourde et des moteurs à réaction.
■Il apparaît bien évident que ces contrôles sont totalement illusoires. Il est d'ailleurs non moins certain qu'aucun contrôlene sera jamais totalement efficace et queceux qui sont décidés à y échapper trouveront toujours le moyen de le faire.
'C'est pourquoi, l'arrêté des démantèle-tlents correspond à une autorisation deréarmement :possible de l'Allemagne occidentale.
•Enfin' il faut aussi tenir compte de ceque, dans le monde, il existe des paysqui n'ont jamais manifesté d'hostilité aurégime hitlérien, qui ont accueilli denombreux nazis dont les activités restenthors de tout contrôle des Alliés.
Il y a déjà près d'un an, la revue Constellation signalait qu'en Argentine et enEspagne, il existe des groupes importantsde nazis organisés et-qu'en particulier,en Argentine, dans la province de Mendoza, se trouvent des savants qui travaillent à la question atomique. J'ai lu toutrécemment, il y a un mois ou un mois etdemi, que, dans la même province, il y anon seulement des laboratoires, mais uneusine de production atomique.
2n ce qui concerne'les effectifs, bien desinformations ont été données par lapresse. Je voudrais , cependant indiquerque d'après un récent numéro du NewStatesman and Nation, « le maréchal1 Montgomery est tellement obsédé par l'idéequ'il a besoin de quarante divisions queson esprit .se tourne naturellement vers'ce qui est . la plus grande réserve d'effectifs en .Europe n, c'est-à-dire l'Allemagne.
Cet- hebdomadaire ajoute :« Il a fallu que ce soit le maréchal
Wavel qui, de son lieu de retraite, nousrappelle que les Allemands sont un plus
■ grand danger pour l'Europe que les Russes, dont la dernière offensive de paix àLake Success a été si maladroitement refoulée par une contre propagande stérile. »Nous sommes donc fondés à penser que,
si rien ne change dans la politique duGouvernement français à l'égard de l'Allemagne occidentale, celle-ci disposerad'une armée qui débutera peut-être avecune apparence très modeste, mais quigrandira vite, parce qu'elle a des hommeset des cadres et que ses usines lui fourniront rapidement les matériels de toutessortes dont elle a besoin.
'Mais ce serait, à mon sens, une erreurde penser que cette armée allemande resterait indéfiniment soumise à l'autorité
d'un chef étranger, pour une seule guerreantisoviétique; il n'est pas douteux qu'ellesaura se rendre autonome. Rien ne saurait l'en empêcher, car il paraît évidentqu'aucun gouvernement allié ne serajamais disposé à intervenir éventuellement .par la force en Allemagne occidentale contre l'armée allemande reconstituée.
C'est là un autre aspect du danger duréarmement allemand, au moins aussi redoutable, pour nous Français, que le danger .de guerre contre l'Union soviétique.C'est le danger qu'envisageaient Yalta etle traité franco-soviétique, afin d'y parer.
■C'est le danger que laisse renaître la politique « atlantique » suivie par notre Gouvernement.
Celui-ci -doit savoir que notre peuple,cruellement éprouvé par deux guerres, terriblement coûteuses, veut la paix, la paix
■ durable ; il veut une politique qui lui permette de travailler avec .-l'espoir d'une vieheureuse pour lui et les siens. II sait quec'est dans la paix assurée et par l'effort detous ses enfants, que la France pourra reprendre sa place normale dans le monde.Il ne -veut pas réarmement allemandqui signifie la guerre.C'est pourquoi Ml veut une politique
autre que celle que suit le Gouvernementactuel intimement liée à la politique anglo-américaine. • Il veut une politique servantd'abord la paix et les intérêts de la France.(Applaudissements à l'extrême gauche.)
M. le président. La parole est à M. MariusMoutet. -
M. Marius Moutet. Mes chers collègues,vous pensez bien qu'à l'heure où noussommes, je ne remplirai pas le 'temps deparole qui m'a été réservé. L'inconvénientc'est qu'en arrivant tard, je suis obligede reprendre, pour fixer notre position,un certain nombre des problèmes et desquestions qui ont été-soulevées; l'avantage, c'est que je suis condamné à le fairetrès brièvement.
S'agissant de définir la politique du Gouvernement à l'égard de l'Allemagne, jecrois que l'on peut dégager de tous les discours qui ont été prononcés une opinionmoyenne et commune. Les uns, avec plusde sévérité pour le Gouvernement, lesautres avec plus de bienveillance, sont arrivés à dégager quelques points qui -meparaissent approuvés par la quasi totalitéde l'Assemblée.
fD'abord le fait que l'on -est bien obligé■ de ^reprendre avec l'Allemagne des relations, que l'on ne peut pas le faire sansgarantie et que c'est vraisemblablementdans l'organisation européenne que cesrelations seront reprises.
Il y a tout de même un point que jem'étonne de ne pas avoir entendu aborderpar aucun des orateurs: c'est celui desavoir s'il y aura ur traité de paix avecl'Allemagne, parce que nous avons raisonné comme s'il n'y avait qu'une Allemagne: l'Allemagne occidentale.La plus grande difficulté — j'oserai dire
le plus grand drame de l'histoire — c'estqu'il y en a deux: l'Allemagne occidentaleet l'Allemagne' orientale.
M. René-Emile Dubois. Tant mieux donc!
M. Marius Moutet. Alors, la premièrequestion à poser au Gouvernement seraitpeut être de lui demander: quels espoirsavez-vous si vous en avez — d'avoir unjour un traité de paix signé par l'ensembledes Alliés? Quels efforts avez-vous l'intention de faire et de poursuivre, ou avez-vous définitivement renoncé?
J'ai lu, avec beaucoup d'attention, lesrelations si lucides que le général BedellSmith a publié sur les efforts que son paysavait faits pour éviter la rupture et "ladivision entre les deux zones.
J'ai bien le sentiment qu'il n'avait plusd'espoir. Il a d'ailleurs assorti ses mémoires d'un certain nombre de citationsprouvant qu'il y avait là une politique déterminée qui correspondait aux habitudesde duplicité de cette politique orientaleque nous voyons se dérouler jusqu'ausein de' cette assemblée. Dès la libération,en effet c'était Staline qui proclamait lanécessité de l'unité allemande exploitantainsi le nationalisme, d'une nation qu'ilprétendait déjà défendre comme une nation opprimée.- Voyez quels défenseursS'armaient pour sa querelle. Ici, c'est nousqui réarmons l'ennemi héréditaire et quiallons provoquer la catastrophe. Vous avezvu avec l'abondance de compilations quevient d'apporter avec toute sa conscience,et j'en suis sûr avec toute sa bonne foi,le général Petit, comment on arrive à lafois à dresser une légende et à créer ou àtenter de créer une opinion. Malheureusement pour la duplicité de cette politiqueorientale il se trouve jusque dans le pays,des propagandistes de cet ordre et de cetteclasse^ (Applaudissements à gauche.)Il n'est pas moins vrai que le problème
existe. . .
'M. -Marrane. Pour la duplicité, vous vousy entendez!
M. Marius Moutet. Mon cher collègue, jene sais pas si un jour ce n'est pas vousque l'on accusera, non pas seulement deduplicité, mais de complicité avec M. Laffargue, ce qui vous conduira au boutd'une corde de chanvre.
M. Georges Marrane. Ce n'est pas sûr!
■ M. Marius Moutet, En tout cas, pourl'instant, vous êtes pour nous une garantie, c'est pourquoi nous tenons à vous,car vous avez des chances d'être, vous,condamné avant nous par vos amisactuels. (Sourires.)
M. Georges Marrane. Qu'est-ce que celaveut dire
M. Marius Moutet. Cela veut dire quevous serez pendu avant nous,!
M. Georges Marrane. Vous êtes un petitplaisantin !
' M. Marius 'Moutet. En tout cas, le problème subsiste dans sa gravité. Il n'y apas de traité de paix. Nous ne savons pas
. s'il pourra jamais y en avoir, de telia
2666 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
ïaçon que nous sommes obligés de nousorganiser pour résoudre le problème allemand avec la situation telle qu'elle seprésente.
C'est une difficulté. Il est bien évidentque les appréhensions que nous pouvonsavoir du côté de l'Est ne doivent pas nousaveugler au point de nous empêcherd'examiner, avec sérénité et avec ce quenous savons de l'Allemagne, le problèmemême de l'Allemagne, nous gardons lespréoccupations qui sont indispensables aumoment où les relations sont reprises avecl'Allemagne, où des institutions politiquesViennent d'y renaître et où il est possiblequ'un jour ou l'autre, l'Allemagne, toutcomme l'a dit avec des regrets que jepartage un des orateurs précédents, soitinvitée à siéger à l'assemblée de Strasbourg. \
Je pense que cette objectivité, que cettelucidité, nous devons la conserver, ne serait-ce que pour répondre aux propagandes de la nature de celle que j'ai montrée au début de mes explications. Jepense que le meilleur moyen d'y répondre c'est d'affirmer qu'il ne s'agit en aucun cas de réarmer l'Allemagne, ni davantage de l'associer à des syndicats d'intérêts privés, ni encore moins de lalaisser coloniser par des capitalistes étrangers. Et si on doit l'intégrer dans uneEurope, c'est dans une Europe organisée,forte et libre.
Mais voilà la seconde difficulté. Si tout
le monde a dit: « L'Europe organisée estune espérance », chacun a reconnu quel'Europe n'existait pas,' et- dans uneEurope qui se trouve dans cette situationd'être un mouvement politique en formation, mal assuré de ses destinées, deses principes, de son unité, de son autorité, quel rôle peut jouer l'Allemagnemême occidentale 1
Y viendra-t-elle en protestant contrel'occupation militaire ? Quelques-uns denos collègues ont dit que certaines partiesde l'Allemagne s'en accommodaient assezvolontiers, mais nous sommes tout demême obligés de constater que, de certains côtés, cette occupation fait l'objet deprotestations. Viendrait-elle au sein del'assemblée européenne ? Cela nous permettrait, peut-être, de montrer ce qu'ellepeut représenter aujourd'hui par rapportà ce qu'était l'occupation des armées allemandes dans les autres pays de l'Europeet dans la France fin particulier.
Mais cela, et c'est ce qui est inquiétantpour nous, beaucoup d'Allemands, mêmede l'Allemagne occidentale, paraissentl'avoir oublié. La place que l'Allemagnedoit prendre au . sein d'une assembléeeuropéenne doit être évidemment, dansune assemblée organisée et forte, sur lepied d'égalité, mais en se soumettant auxobligations résultant des traités et parconséquent au contrôle et aux réparationsqui en découlent. Ce contrôle, à mon sens,sera bien mieux organisé dans une assemblée de ce genre que dans les conditionsoù il peut s'exerce 1" aujourd'hui.
Tout à l'heure, M. le ministre des affaires étrangères nous a parlé de la commission militaire de sécurité; il reconnaît lavaleur des hommes qui la composent, ilpense qu'elle exercera avec le plus grandzèle la mission qui lui est confiée. MaisM. le pfésident du conseil faisait partiecomme moi, ainsi que M. Pernot, de laChambre des députés. Vers 1924 ou 1925,je crois appelés par le président du conseil. Nous avons vu un général venir, aufiom du maréchal Foch, nous garantir que4'Allemagne était désarmée et désarmée
totalement. Il y a eu là une de ces. illusions dont vous avez parlé tout à l'heureégalement...
M. le ministre. Seulement, l'Allemagned'alors n'était pas occupée !
M. Marius Moutet. Ne nous reposons pastrop sur ces comités de sécurité militaire ;tenons-nous en à ce que nous avons déjàobtenu et tâchons de pousser les idéesque nous avons fait triompher en grandepartie jusqu'à leur extrême limite. Nousavons, nous autres, socialistes, défendul'internationalisation de la Ruhr, maisdans son intégralité, non pas seulementpour le contrôle de la distribution et parconséquent de la production. Nous aurions voulu voir résolu le problème de lapropriété parce que nous pouvons redouter ces ententes internationales entre cer
tains capitalistes étrangers ou alliés pourmettre la main sur l'exploitation en liaison avec les anciens propriétaires.
M. le ministre des affaires étrangèresnous a assurés que la politique de décartellisation était poursuivie avec vigilanceet énergie. Je ne demande qu'à lui faireconfiance. Néanmoins, je vous dirai quesur. ces points, comme sur l'action ducomité de sécurité, je partage assez lesappréhensions qui ont été présentées à latribune par M. Debré, et je crains qu'enface de nos alliés — ce qui est une difficulté de plus — vous n'ayez quelque difficulté à faire triompher une thèse quiparait aujourd'hui nous être commune, àsavoir que, dans aucun cas, la propriétédes mines de la Ruhr ne peut retourneraux anciens propriétaires et peut-êtremême pas à l'Allemagne et que nous ironsjusqu'à une internationalisation totale.Nous ne cachons pas, pour notre part, quece n'est en somme qu'une étape dans lesvoies de la paix éar, si l'Allemagne formulait une demande reconventionnelle endisant: « Mais pourquoi, puisque vousvoulez garantir la paix, ne cherchez-vouspas à contrôler l'ensemble des industrieslourdes qui produisent pour la guerre ? »nous serions de ceux qui répondraient:« Mais ce contrôle peut être général etinternational; il ne peut nous gêner enaucune façon » et ce serait là la vraie proposition de paix à faire. Si elle pouvaitpasser de l'autre côté du rideau de fer,alors les propositions spectaculaires pourla paix recevraient une certaine sanction,avec cette liberté de contrôle sans laquelle il ne peut y avoir une véritabletentative- même de désarmement ou deprohibition des armements.Nous en sommes bien convaincus. C'est
pourquoi nous nous attachons tout particulièrement à ce contrôle international
dont vous nous avez dit qu'après les deuxannées où fonctionnent, d'un côté, lecontrôle de la sidérurgie, de l'autre, lecontrôle des mines, il y aura lieu de l'instituer.
Nous en prenons acte, comme déjà nousavons pris acte de certaines promesses enconstatant avec plaisir qu'elles ont étéau moins partiellement tenues. Je dis« partiellement », non comme une critique, mais parce que nous savons lesdifficultés auxquelles vous vous êtesheurté avec nos alliés.
En effet, comme l'ont souligné tous lesorateurs, le problème allemand ne peuttrouver qu'une solution internationale,dans le mouvement européen. Lorsquenotre collègue, M. Kalb, tout à l'heure,disait que c'est un problème uniquementfrançais, il exprimait mal, ce me semble;sa propre pensée. 11 voulait dire sans douteyue la France devait rester forte et vigi
lante; mais il est bien évident que lasolution du problème tient aux conditionsdans lesquelles la France sera soutenuepar ses alliés et que, par conséquent, c'estbien un problème international.Dans cette Europe, i ous savons bien
qu'il y a une autorité politique véritable,et le Conseil comme l'Assemblée consultative ne peuvent pas grand chose.
. J'aurais peut-être poursuivi un développement identique à celui de M. Pernotpour expliquer la faiblesse- de leur action.Les explications qu'il a fournies sur les
.conditions de fonctionnement du Conseilde l'Europe m'épargnent ce développe-,ment.
Il est bien évident' que le Conseil del'Europe, aujourd'hui, a été muni de tantd'amortisseurs et de freins que le moteurn'a plus guère d'action sur la machine etqu'à l'heure présente c'est un surparle-mentarisme avec ~ toute la lourdeur desmécanismes parlementaires.
. Arriverons-nous à des décisions s'il n'ya pas assez rapidement une autorité' exécutive pour qu'aboutissent les vœux que,jusqu'à présent, - l'assemblée consultativeest « autorisée » à émettre? Si cette auto»
rite exécutive n'existe pas, j'ai bien peurque nous- n'obtenions aucune espèce derésultat. _ .Bien sûr, cette v.Utorité exécutive serait
un pouvoir politique, et un pouvoir politique de caractère fédéral ne peut, nous lesavons bien, reposer que sur une organisation économique.
C'est M. Maroger qui rappelait Très justement comment le fédéralisme allemand
était né et le rôle qu'y avait joué précisément Je charbon détenu par la Prusse, eten même temps, il faut bien le dire, leZollverein.
Croire qu'il en serait autrement pour lespays de l'Europe serait une illusion absolue; mais nous allons plus loin, nouscroyons que ne n'est pas seulement pardes accords économiques que l'Europe sefera, mais aussi comme l'a dit très justement l'assemblée de Strasbourg, par despréoccupations d'ordre social et humanitaire, par l'entraide et la coopération detoutes les nations qui y participent et parle relèvement de la condition sociale detous les membres de chacune de ces nations.
En effet, quand nous nous trouvons enface de l'Allemagne, nous voyons les intérêts se dresser quand on parle d'ententeavec l'Allemagne et même d'union douanière avec l'Italie.
Alors se soulèvent tous les intérêts particuliers qui disent : « A aucun prix, et enaucune façon, je ne veux faire les fraisde cette opération », sans se rendrecompte que, peut-être, si personne ne veutfaire les frais d'une pareille opération,l'Europe ira nécessairement à la faillite etque, par conséquent, il faut qu'il- y aittout de même un accord entre les diversintérêts.
Qu'on ne se précipite pas dans le vide,c'est entendu, mais il faut admettre toutde même qu'il y aura des sacrifices àfaire par les uns et pour les autres; sinonil n'y aura pas d'Europe. Les ententesdont on parle,. en particulier l'ententeavec l'Allemagne, se heurtent à la rivalitéexistant dans notre pays entre l'industrieet l'agriculture. Nous risquons de voiréchapper le marché agricole allemand, quiest important pour nous, parce que l'industrie redoute que la compensation denos exportations soit dans des importations le produits fabriqués»
CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE — SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1949 23S7
Bien entendu, il peut y avoir des compensations de cet ordre, mais, si l'on veutune entente, alors on est bien obligé0e faire quelques-uns de ces sacrifices.jC'est pourquoi je pense qu'il y a là despossibilités d'entente, mais, encore unefois, comme beaucoup de. nos collèguesl'ont exprimé ici, il faut que la situationjarrive à être égale et qu'il n'y ait pascette sorte' de dumping que l'Allemagne aquelquefois systématiquement pratiqué etOui résulterait maintenant des circonstances politiques et économiques: politique, comme beaucoup l'ont dit, par lenon-réarmement, alors que d'autres supportent la charge des réarmements, etéconomiques, par le fait que l'Allemagnene payerait plus de réparations jusqu'àce que sa balance des comptes soit équilibrée.Quelques difficultés ont surgi en ce qui
concerne les réparations sur la productioncourante. J'ai entendu tout à l'heure M. leprésident du conseil réitérer la réponsequ'il avait faite à l'Assemblée nationaleà notre collègue M. Lapie, et je pense quec'est à cela qu'il faisait allusion lorsqu'ildisait: « Je déclare d'une façon absolument nette et formelle, contrairement à ce,qui a été affirmé à plusieurs reprises dansce débat, qu'à aucun moment, ni le Gouvernement actuel, ni les gouvernementsantérieurs n'ont rien abandonné au pointde vue des droits, ni du point de vue destextes concernant les réparations. »Quels sont ces textes ? A un moment
Idonné, je crois, répondant à M. de Chambrun, vous disiez: « Je crains que ce nesoient plus les accords de Yalta. » Je nepense pas qu'à cet égard votre réponse àM. de Chambrun soit pertinente. Vousvous êtes référé aux accords de Potsdam;j'ai vu votre raisonnement, il ne m'a pasébranlé et je crois qu'à ce point de vueles accords de Yalta subsistent. Vous avezeu raison de dire: « Nous n'avons rien
abandonné éventuellement en ce qui concerne la possibilité d'obtenir des réparations sur la production courante. » Vousavez ajouté ici cette précision : JJ, Nos alliésont demandé que ce soit lorsque la balance des comptes de l'Allemagne sera enéquilibre. »
M. le ministre. Cela a été décidé à Potsdam par les trois alliés sans la France.
' M. Michel Debré. Par les trois alliés 1
M. Marius Moutet. Cela nous place enface d'incertitudes car, plus le tempss'écoule, moins il sera facile de réclamerîles réparations, de quelque nature qu'ellessoient, et les chances s'amenuisent à mesure que le temps passe.
Par conséquent, de ce point de vue,nous considérons tout de même que desréparations de cette nature seraient lajuste compensation du fait que l'Allemagne ne réarmerait pas, mais que pèserait sur elle cette charge qui pourrait venir en aide, non seulement à la France,mais même à l'organisation européenne.
On a parlé des autres éléments qui favoriseraient l'Allemagne: un prix discriminatoire du charbon, la condition des ouvriers, les charges sociales — c'est l'unedes questions posées tout à l'heure parM. Brizard. Cela revient aux motions vo
tées par l'assemblée de Strasbourg et celarevient à dire que l'Europe sera socialeet planifiée ou ne sera pas.• Planifiée, cela veut dire qu'on dresserale programme des besoins essentiels quiseront à satisfaire par la production del'ensemble des nations, et que les nations
les plus favorisées viendront en aide àcelles qui le sont moins, sans quoi il n'yaura pas de reconstruction de l'Europe.Cela me paraît plus logique que le programme de restrictions ou de destructionsimpose à tel ou tel pays.Qu'y à-t-il de plus antiéconomique que
des destructions, à moins qu'elles- ne portent sur des usines spécialisées dans lesfabrications de guerre? Croyez-vous que,pendant longtemps encore, la productionsoit suffisante pour satisfaire à la reconstruction de l'Europe, et n'y aurait-il paslieu, au contraire, dans une Europe organisée suivant un plan à dresser, de redistribuer les produits qui, de longtemps,ne seront pas surabondants ?
Mais si, dans chaque nation, vous avezà répartir les excédents de production desautres nations, vous avez aussi à vouspréoccuper de la situation de chacun desproducteurs, et c'est là que les préoccupations sociales de l'assemblée de Strasbourgme paraissent justes et me permettent dedire : l'Europe sera sociale ou elle nesera pas.
Si elle ne repose pas sur cette base consistant à donner aux masses l'espérancede voir s'améliorer leur situation, quelidéal opposerez-vous à ceux qui viennentvous dire : vous construisez l'Europe pourla remettre entre les mains de quelquescapitalistes internationaux qui, unis auxAllemands, feront à nouveau peser sur lemonde cette domination d'un régime declasse, d'une minorité d'exploiteurs.
Voilà en somme la question que pose actuellement l'insertion de l'Allemagne dansl'organisation de l'Europe, et peut-être,dans les négociations qui sont en coure,trouverait-ôn, parmi les Allemands qui ontprononcé certains discours que nous regrettons pour leur caractère nationalisteexcessif, un appui pour soutenir les thèsessociales que nous défendons ici.
C'est, à mon sens, dans cette directionque peut-être nous pourrons collaboreravec l'Allemagne dans cette Europe organisée. Nous autres, socialistes, nous sommes opposés à tout réarmement, et c'estle point sur lequel nous nous sommestrouvés d'accord avec les opposants augouvernement de Bonn. Ils ont déclaréqu'eux aussi étaient nettement opposés auréarmement. En mettant en œuvre ce programme de relèvement économique et derelèvement social européen de la conditionhumaine, je vois la base d'une collaboration qui permettra d'éprouver le caractère vraiment libéral et démocratique dece qu'on peut appeler la « nouvelle Allemagne ».
Je l'espère, je le souhaite, ce sont lesdirectives d'une politique qui ne doiventpas faire disparaître notre vigilance, maisqui nous permettent de reprendre ces relations sans lesquelles la paix ne redeviendra pas dans le monde.
Je sais qu'il reste beaucoup d'autres difficultés que j'ai signalées_au début de cesexplications, mais, sans oublier rien desdrames qui se sont passés, ni du passérécent, ni du passé lointain, ni de la formation de la mentalité allemande, il yaura tout de même un commencement de
reprise des relations permettant d'espérerpour l'Europe de vivre en paix, au moinspendant un temp assez long pour .êtreappréciable. (Applaudissements à gauche.)
M. le président. La parole est à M. Westphal.
M. Westphal. Monsieur le ministre, meschers collègues, lorsqu'en juillet notre
collègue M. Michel Debré présenta son rapport sur le conseil de l' Europe, il avaitémis le vœu qu'entre le vote de deux impôts puisse avoir lieu un jour un débatsur l'Allemagne.
Ce vœu est enfin exaucé -et nous approchons de la fin de ce débat. Parlant enonzième position, je ne peux pas avoir laprétention de vous servir de l'inédit. N
M. le ministre des affaires étrangères afait récemment un certain nombre de déclarations sur la politique que le Gouvernement de la France a l'intention de pratiquer vis-à-vis de l'Allemagne.
Le point de vue officiel de mon groupevous a été exposé par notre éminent collègue M. Kalb. Nous avons la satisfactionde constater que, sous bien des rapports,dans les grandes lignes au moins, la politique du Gouvernement se rapproche sensiblement des principes défendus par leparti de l'opposition.
En ce qui me concerne, je voudrais vousfaire part, monsieur de ministre, de quelques réflexions d'ordre économique quim'ont été suggérées par des hommes demon département ayant une profonde connaissance et l'expérience des relationsfranco-allemandes, et ajouter en mêmetemps quelques observations d'ordre politique pour vous mettre au courant de ceque ipense la majeure partie de la population de mon département, vous faire part •de ses critiques et de ses appréhensions.Vous savez, monsieur le ministre, que
de tout temps des échanges commerciauxétaient pratiqués, sauf du temps d'Hitler,entre tous les départements de l'Est et lespays limitrophes allemands de l'autrecôté de la frontière, c'est-à-dire le pays deBade, le Palatinat, la Sarre. Interrompusdepuis plusieurs années, ils ont repris depuis la libération à la satisfaction générale.
Or, les entretiens commencés la semaine **dernière à Paris ont inspiré une certaineinquiétude. 11 apparaît, en effet, que ladélégation allemande, conduite, si mes renseignements sont exacts, par un certain ■von Malzaîm, centralise à outrance et s'oppose à tout projet qui mettrait en contactdirect les économies des laender de lazone française avec la France directement.
Ces entretiens, commencés entre les experts de la France, de l'Italie et du Benelux, ont fait l'objet des commentaires sui-,vants du journal hollandais Maasbode:
'« Il est curieux, dit ce journal, que laFrance prenne l'initiative d'une ententerégionale. Sans doute veut-elle se fairebien voir des Américains et remporter unsuccès politique. La France, en effet, constitue, en Europe, un sérieux obstacle à lalibération du commerce. Depuis des générations, elle suit une politique protectionniste aussi bien dans le domaine industriel
qu'agricole. En outre, le protectionnismefrançais se manifeste, non seulement pardes contingentements, mais aussi par desdroits d'importation Jrès élevés. La Francedoit, la première, accepter les conséquences de son initiative. Il faut éviter quetoute cette affaire ne soit qu'une manifestation de propagande. »
De même la Neue Zurcher Zeitung, abusla plume de son correspondant français,M. S. Wolff, commente ainsi un discoursde M. Georges Villiers, président du conseilnational du patronat français:
« Nous avons affaire, dit ce journal, àune tentative d'user des contingentementsà l'importation pour servir un protectionnisme étroit et à courte.vue. Il était inévitable que, protégées par le contingente
2668 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1919
ment des importations, des positions économiques aient été établies qui n'eussentjamais pu voir le jour dans une économiebasée sur la concurrence internationale.
« Il est tout aussi inévitable que ces dispositions trouvent des défenseurs intéressés au moment où le Gouvernementcherche à éliminer les obstacles quantitatifs opposés au commerce, par .l'accroissement de la productivité de l'ensemble del'économie européenne.
« 11 s'agit d'éviter maintenant que les défenseurs d'une mauvaise cause n'entraînent toute l'économie européenne à saperte en lui barrant la seule route quimène au relèvement. »
Je n'ai voulu citer ces deux, extraits dejournaux étrangers que pour vous démontrer combien la libéralisation des échangesest suivie de pies par les observateursétrangers.
Or, au moment où l'échange libre avecl'Allemagne tend à devenir une réalité,j'estime qu'il est de mon devoir d'attirervotre attention sur les faits suivants:
Les négociateurs du traité de Versaillesdu 28 juin 1919 avaient introduit dans lapartie X traitant des clauses économiques— section I, relations commerciales — l'article 268 qui prescrivait que pendant unepériode de cinq années de la mise envigueur du traité, les produits naturels oufabriqués, originaires et en provenance desterritoires alsaciens et lorrains réunis àla France seraient reçus à leur entrée surle territoire douanier allemand en franchise de tous droits de douane. Le Gouvernement fixait, chaque année, par décret notifié au gouvernement allemand, lanature et la quotité des produits devantbénéficier de cette franchise et dont lesquantités ne pouvaient dé p a sser lamoyenne annuelle des quantités envoyéesen. Allemagne au cours des années 1911à 1913.
En outre, le gouvernement allemands'engageait, pendant la même période decinq ans, à laisser librement sortir d'Allemagne et à laisser réimporter en Allemagne en franchise de tous droits.de douaneet autres charges y compris 'les impôtsintérieurs, les fils, tissus et autres matières ou produits textiles de toute natureet à tous états, venus d'Allemagne dansles territoires alsaciens ou lorrains pour ysubir des opérations de finissage quelconques, telles que: blanchiment, teinture,impression, ' mercerisage, gazage, retordage ou apprêt.
Certes, les conditions économiques enLorraine et en Alsace postérieures à lalibération de 1944-1945 n'étaient pas exactement comparables à celles résultant, en1919, d'une annexion à l'Empire allemandde 47 années, mais en fait une nouvelleannexion de plus de quatre années nes'était pas moins appesantie sur nos départements mosellans et rhénans après lesévénements de juin 1940, et toute l'économie locale avait été de nouveau bouleversée par le régime nazi et dans des conditions beaucoup plus radicales et totalitaires que sous la domination impérialeallemande.
Deux ans s'étant déjà presque écoulés,à jà fin de 1946 depuis la victoire alliéesans que puisse être entrevue la possibilité d'un traité de paix valable, avec uneAllemagne heureusement dissociée et sansgouvernement responsable, les départements frontaliers français ne pouvaientplus être privés plus longtemps de facilitésd'échanges indispensables la sauvegardede leur propre économie. Il ne fallait pas
qu'aux sévices déjà endurés pendant l'annexion ennemie de 1940-1945 et aux sacrifices les plus lourds d'entre toutes lesprovinces françaises, tant en hommes déportés ou incorporés de force qu'au matériel industriel ou agricole détruit ou spo*lié, vienne s'ajouter l'impossibilité de reconstituer un potentiel indispensable detravail et de redressement économique.
C'est en fonction de ces diverses considérations et devant ces pressantes exigencesainsi sommairement esquissées, qu'est néel'idée d'assouplir, pour certains échangeslimités, les règles par trop rigides de laprocédure de l'O.F.I.C.O.M.E.X., en faveurde la Lorraine et de l'Alsace recouvrées,et d'étendre ces facilités au territoire deBelfort, Hwi-même très éprouvé pendantl'immobilisation momentanée de la lignede feu en 1944.
Ce territoire, partie intégrante de l'Alsace avant 1871, et demeuré français aprèsle -traité de Francfort, méritait à touségards d'être inclus dans le bénéfice detelles mesures, en leur enlevant ainsi parsurcroît le caractère insouhaitable d'un régime particulier appliqué au seul Reicli-sland ayant formé l'ancienne entité Alsace-Lorraine.
La sagesse et l'utilité de ces conceptionsne permettaient cependant pas d'instaurerun régime d'exception par rapport aux conventions interalliées, et la solution du problème ne pouvait être trouvée que dansl'autorisation d'échanges privés contrôléset limités, permettant de satisfaire, aussibien du côté français les légitimes désirsdes habitants des quatre départements dela Moselle, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin etdu territoire de Belfort, que de pourvoiraux besoins de la zone au bénéfice despopulations allemandes et sans qu'il enrésulte, en aucun cas, une perte de substance préjudiciable à l'équilibre financierde la zone française d'occupation.
C'est cette recherche de la meilleurevoie qui a conduit, à l'époque, les ministres de l'économie nationale, quelle quesoit leur appartenance politique, et enplein accord avec le commandement supérieur français de notre zone d'occupation,ii créer un système de compensation qui,sous l'ancienne terminologie de « clearing » zone Alsace, règle le commercefrontalier entre les départements rhé-nans-français, Sarre incluse, depuis avrildernier et les provinces de l'Allemagnerhénane.
Ce « clearing » limite les échanges auxdisponibilités existant de part et d'autrede la frontière et, par la? variabilité descoefficients du taux de change axés sur lesprix ^intérieurs français et allemands qu'ilapplique, maintient un équilibre automatique et constant de la balance des comptes, sans jamais rien coûter au Trésorfrançais, ni provoquer la moindre atteinteà notre balance commerciale.
Des produits bon marché allemands peuvent donc sans danger être importés enFrance et des produits français trouverpreneur en Allemagne.L'organisme en cause est une société à
responsabilité limitée avec siège à Strasbourg, appelée office de compensationdes chambres de commerce et d'industrie
du Rhin et de la Moselle (O. C. C. C.) quigroupe les chambres de commerce deStrasbourg, Metz, Colmar, Mulhouse etBelfort et il est placé sous la tutelle et lecontrôle, sans participation ni garantiede l'État, mais en raison même du privi*lège consenti, d'un commissaire du gouvernement relevant de la direction des
relations extérieures du ministère desfinances et des affaires économiques, quiveille à ce que les opérations s'effectuentconformément aux directives des pouvoirspublics, et qui, par délégation du ministre des finances et des affaires économiques, signe les licences d'importation etd'exportation, et fixe les taux de conversion marks-francs, comme je l'ai indiquéprécédemment, d'après le rapport réel desprix intérieurs français et des prix intétrieurs et les prix français et des prix intérieurs allemands, ceux-ci étant arrêtés paJles Preisbildungsstellen.Du côté allemand, une G. M. B. II. simi
laire, la Kompensationstelle der Handels-kamtneen, à- Fribourg, sous contrôle duministère badois de l'économie et du travail, centralise toutes les opérations desdifférents lânder de la zone française d'Allemagne: Bade, Wurtemberg, État rlïéno-palatin, Palatinat.
Les échanges effectués par la procédureO. C. €. C. depuis les premiers mois d$
,1947 ont rendu des services immenses à)l'économie locale, en équipements industriels, pièces de rechange, travail à façon, etc., l'importation de céréales de semences, de produits chimiques ou de matières premières, qu'aucun crédit en dollars ne nous permettrait de nous procurer,tandis qu'il nous assure l'exportation deproduits agricoles ou industriels excédentaires, de vins d'Alsace, d'alcool de consommation, de vins vinés, etc. Ces échanges ont été réglementés par un protocolasigné le 29 septembre 1948, à Fribourg,après trois mois de négociations conduitesdu côté français par le commissaire dugouvernement, qui a ainsi recueilli la première signature allemande librementconsentie depuis l'occupation. Il a- étënaussitôt ratifié par le gouvernement militaire de la zone française.Les autorités allemandes des lânder Y
sont très attachées parce que les relations0.C.C.C.-K.D.H. marquent la première reprise officielle des rapports directs del'économie franco-allemande et que, traitées sur un pied d'égalité absolue, elles yont trouvé autant d'avantages qu'il en étaitréservé aux Français.
Par la suite, ce protocole, avec l'appuidiligent du Gouvernement français, a reçula ratification officielle, le 27 mai 1949, desautorités alliées de Francfort, et conformément aux instructions données le 25 juillet 1919, la procédure 0. C. C. C.-K. d. H.s'adapte exactement aux formalités de laprocédure J. E. I. A., mais sans aucunecomptabilisation en dollars.
11 est donc devenu une pièce maîtressedans l'embryon des rapports directs franco-allemands et après la disparition de l'OFI-COMEX, après l'elïacement progressif de laJ. E. I. A.. l'O. C. C. C. du côté françaiscomme la K. d. H. du côté allemand, demeurent les seuls organismes en présenceet en pleine activité qui règlent quotidiennement de multiples transactions d'échange entra les départements frontaliers, Sarrecomprise, et les lander de la zone frontière.
Parfaitement rodé et adapté à sa tâche,l'O. C. C. C. a le mérite de n'avoir jamaistravaillé sur contingents, mais uniquementsur des besoins réels exprimés de part etd'autre de la frontière, d'avoir vraimentjoué ainsi un rôle expérimental de précurseur, tant en regard de la tendanceactuelle des accords commerciaux que desdécisions d'ordre économique du co iseiïéconomique de l'Europe.
La constante progression du chiffre d e<]transactions traitées sans la moindre dif
.· ~ ·.
.CONSEIL Dll LA RllPUBUQiill - SllANCil DU 8 DllCilMJ:!Ril 19~9 11&ea · ·- .
. ftèltJté' "douanière, sans 1e moind1·e litige I!Ontcnticux pcrQ>et d'apprl!cicr l'effort
, Jéalisé, l:i. diligence et l'elllcncilt\ du con·~rntc ·er 'les .ri\sulla.t• obtomH: en ·1911,
UJlOO F; en· i918, 191 millions de francs; il 31) oejitembre 1949, 1.211 millions de
Jfal}c~,' soit déjà , au total, en lllf!ins de J,rois am•. une somme de 2.180 millions de Jrauc:5. La situation flnnncièrc de l'O. C. c, c. est hors de !lair él peut servir ù'cxem'ple ·à JJicri ·des entreprises puh!iques ou &Jri\·i·cs. Il a la gc>lion du compte lranr.s t'églant- les eXJlOrtatcurs fJ'lln,;:li~ a\'cc le pruduîl des rct·clles d'imporl:lliOIÎ$, tandis tqu•;, l'in\'crsc les Aliemands. gùrcnt ie comn!c marks (twmnaic de rlf!:u·în~ im· I'03éo ·par Jo· G. }f. Z. F. O.), réHlnnt les I!Xportatcurs àllemand~ a\'ec le 11roduil des te<·ette3 de lcllfs importations.
nes échnngcs fJttOtiùiens con~lants d'a\'is jlc ··•·édit ct de payement permettent de régil.'r tous les clients snnli lransrc.-t ni toJII'~rlilJ!Jilé des mQnnllos.
r.c chiflrc lmporlant dçs tran;aclions qui pnl élé alu;l cftcctuôcs par l'olllcc de com~cn~alion des r.hamhrcs de commcr·cc rst :Mi<• assez élevé ct roncerne de' opi:rnlions ~ui u'nnt pu se rl•:tliscr nntériPurP.numt par . ~ Ol'ICOliEX ct par le jeu de l'accord com· mc1l'ial Frnnec-AIIcmagnc de J'ouest pour ;oo raisons· cxpooécs cl-dessus.
De vasles groupements sc sont créés pour tég!cr les mpports économhtuos II'Onco· allemands, ou JIOIIr promoumh· l'Idée curOJil'cnnc des thi•nlcs sou\·cnl répétés dé· llclgncnt 'Jo. mis::iou 6eonomiquc de Strasltnur·~, son rôle de P.!nquc 1ournanle de J'Euro11c oecldenlalc, ile cafl'clour, .de ville :dc!i roules. de capitale fran•:aise sur .. Je
. Rhiu, etc ... nulis sur le plan des réalisa· lions prullqucs, l'O. C. C. C. c;t tc seul 'or· gani..;me qui nit conul:lisê d:m~ le silenee, ~le ta•·on cfleclivc, par le plus patient, irructuéux ct méritoire labeur, les plus aouaillcs ldéologioo.
Au moment o(l une polllhjuc de libémll· satiun des échanges s~mhlc vouloir s'lns- · talll'cr •lans le C<Hirc de l'O. Il. C. H. cl par le truchement d'ententes régiouales1 on peut espérer qu'une ccrlaluc lrhcrlc de 1ransacllons pnr le canal do I'O.G.C.C. el dan< les limites d'une valeur délcrmlni:c, pcrmcttralt de mciurcr les lncouvénlcr,ts ct le< avantages é\'cnlucls <lUC l•r~scntcplcnt do tolles opérations.
Il est certain que notre économie en gé· n6ral ot nos relations économhrucs tavec l'.~llomagnc en partlculior.devro••l C!lrc modill(";c$ <fans le ~ens des dircd:vrs ltropo· sées par Ir!. Jlo!fmann, odmlnlslralcur du plan ·)fnrshall. C'est une ·néccs:;il('. M l'on veut laire des oflorls conscicuclcux pour réaliser l'unité européenne indiscutable· meut souhaitable.
Sur un plan plus réduit! jo tiens à alllrer l'attention do M. lo min stro des aflalrcs · \llrangères sur la situatloo économique non ilculcmcnt do Ja ville .et du port do SlrasboJJrg, gui .fut, avant la .guerre, le guatrlàme ,pori tronçais, mals de toul le •Jéparto· mculJ. encore quo c'est à .Strasbourg quo les cncts se font Jo plus durement sentir.
Cette situation ressemble sous bien des rajlpo't·ls à co llo do 1938; des ln·ulls f!c guerre circulent, on plrle bcaucou11 même 'd'établir une .frontlllro à défendre en cas d'a~rcsslon, soit sur le libin, soit sur l'EllJo, ot nous aurons l~occasion d'en re· parlrr. .
l/hypolhllso de la fronllèrc sur Je Rhin 11 fnlt fuir les capllnux ot lout récemment un de mes amis, directeur d'usine llo Strasbourg, voulanl conlraclcr un cmI!I'Ufll, et obtenir des crédits l!Our la cons·
•
tru clion d'une ·nouvelle lBiile, -s··est vn re- ser exactement la posi-UOn du· Gon'ferne!' · ruser ·tous "les crëdifs, alors .(flle -ceux·ci ment à· re· 8Ujot. Monsieur "le minjstre, lui auraient été ra~idemen~ :accord~s s'il vous.êiM I.OITain, ce n'est donc lJRS une a\'ail voulu conslrmrc so·n usine à 1\.J'leS-, réponse de ~ormand que jo vous demande, par cl\cmple. · ce n"esl pus non-plus uuo déclaraliou ~~l.eC·
laculnirc pouvnnl 6lrc tor)lilil>c ·dem:)in .o.u l.cs capll:iux privés ne s'i_nvestisscnt pas apYès·drmain par .des flos de nor.P-recevmr
\'oloritic•·s le long de lo frontrère fran- , · ça ise du Rhin. ·n en lut ainsi déjà a\'ant · .con~m•qucs. · 1!}33. Cet état d'cspl'it rut lll'éllOndér;:tnl ·de Je \'OUS demande; monsieur le -rninisll"e, 19:Ja :\ 1939. Apri·s !a victoire du 8 mal une ·t·éponse précise ct pfisilivc. Celle ré· 1915, i! tut pos•ihlc d'c>fércr que la tron- ponsc, ou l'attend detmis longtcinps à tièrc du fihin ne serai plus considérée Sh·asbnm·g ct si elle était dnnnéc 1lnns un cnmmo spécialement menacée." mai:: pour· sens JlOsllif, elle apaiscraH ccl'lniuernenl tant les <::Ipitaux.privés redoutent de s'in- bien iles tourments. vestir dans ·Jcs déparlcmenls .du Da~;.Jlhi~ · cl du llaut-llhln, comm~ en 1935, lorsque M. le .ministre. Suis-je· naimcnt cOillllé· le p1·ésidcn~ d'une grande cntrciJrisc iuùus- tenl 'floUr. \'DUS rfpondre 'l lriclle lais~.it savoir qu'il renonçait à cons· lruirc J'usine projcll'e en 1919 parce qu'il M; Weatphal. Cct·talnctncnt. ne ''otùait pas investir les tonds de ses M. ·le ministre. Dans 'lucile mesure ' aetionnuh·cs « à portée des pistolets des Est-cc da"• le cadre des al nil·cs élrnngôrcs, Allemands n, pour reprendre sn -pro[tre, expression. · que s. ~" _ ce prelblèmc 1
Cela m'amène à revenir à cc ~uc j'al· M. Westphal, C'est une question de gou· écrit dan$ le rapport sur le problcme du vcrnomcnt. 11 faudrait savoir si Je Goul•cr· po1·t du Strasbom·g, après un vo
11vagc d'élu- nemcnt a l'Intention de rep1·cndro cl de
de de qucl<IUCS commissaires e la com- poursul\'ro cette politique •l'invcsllsscmis,;ion ~cs nlfalrc~ étmngêres en Alle- ment car si les affaires ne marchent pas magn~ en .a nil 19·19. Voici ce quu je Ils en cc' roo)nenl en Alsace, c'est parce qu'Il dans Id' mpport: " La ~ituallon économi- · plane sur toute celte région une menace •rue n'est guère plus lnvorahle qu'elle ne el parce quo les crédlls fuient ce pays l'était• en 1038 rorsquc le Gou'lernemcnt qui élall cl qui risque à nouveau de lfcvce.nvlsagealt des mesures propres à conso- nlr Ovcntuellcment1 dans ce•·tnlncs eondl· lidcr l'économie alsacienne. Avant la !lons, un glacis. C est donc bien un ·peu guerre, I'Ovolullon s'est déroulée en deux votre rôle pulsgue, aussi Illon, vons ne temps. A la demande du. port autonome .\'OUS occupez ,pas cxcluslvcrnenl d'affaires tlo Slmsbourg, les pcrsonnallt.és los plus, élrangèros, mais mêmo d'allalrcs écono· éminentes des milieux économiques sfra~<- mlqucs. hourgcois étudièrent le moyen d'Jndustrla·. liser le port de Strasbourg. Il s'agissait de· M. ·le ministre. Dans la mesure où ln paix compenser les pertes· do tmOc dues à la est en cause, é\'ldetnmcnt, c'est do mon construction du canal d'Alsace et à la ré· ressorl, mals l'étude économique que vous gnlarisation dn R~ln entre Strasbourg et attendez n'est pas précisément de mon res· lsloln. Un comité constata que les mena· s~rl. ces de guerre cmpêchalcht les capllanx de M. weatpltal, vom celle réponse de Nor. s'Investir au port de Strasbourg, et que maud <JUO 1·0 ne voulais pas 1 (/lires.) seul l'Jllal était à mbmc do supporter les risques de !!llcrrc. Il lut donc ilcmnndé à M. Ren6 Coty, Altcntlon 1 l'lltnt de t>rNer aux 1ndnslrlcls qui neccp· lcrnlcnt de construire des usines A Stras- M. lo pr6oldenl. Monsieur Coty. ce n'ost bourg ln totalité ou tout an moins une par. pas uno Injure personnelle 1 (Nouvcauro !le des fonds â Investir. I.e Gou,·crncmcnt rire•.) accepta cette suggestion, dont résultèrent la Ccllulo<o de Strasbourg .Ill la Socl61é M. Wealphal. Je disais donc 'Ill~ je voudes chantiers ct ateliers dn •Jlhln, qui l'une lais nlllrtr votre allenllon sur e mauvais ct l'nuire stimulêrcnt nclivcmcnt la ville foncllonnemcnt ùc \'Oirc adminlslrallon lndusll·icllc de Strasbomg. ou plutôt de J'admlnl.;lrallon co général.
Nous avons cu J'ocenGion de constater à « Cccl ayant éiO réalisé. l'cxcm)Jlc donné malnles reprises quo toutes les fols qn'1me
par le J•ort de Strasbourg rellnt l'atton- ollaire devait sc !raller entre un acheteur lion non seulement du conseil général du allemand cl un vendeur français, 1m t1·op llas-llbln, mals oncorc de cclur du .Jiaul· grand nombre do minlslurcs nvalenl à llhin. Il lut toit appel aux représentants connallro de celle allaire pni•qnc, non les .plus quai!Dés do !:économie alsacienne senlcmcnt Je rninisl~e des n1T.1lres élran· tout cnllcrc, ot le Gouvernement décida, gllroo, m11ls ·.es ministères des finances, do on 1938, d'ouvrir une nrcmlèro hanche l'économie nallonalc, do l'agrlcnllurc, do de crédit se montant à !;o millions, pour la production lnduslrlcllc ml!mc de la sé· l'amélioration et J'extension des ~tabllsse- cut·llé sociale, et j'en Jafsso pcn\-ètrc do menis Industriels situés en Alsace. côté, ont cu à connnltre de ce problème.
« co précédent doit retenir l'attention Trop soltVcnt l'acheteur allemand ,e la~e 1 G 1 Il d 1 , 1 1 d'allcndre sans pouvoir aboutir el < u ouvcrnemcn • ovrn 1 Nre a 1 appo . s'adresse à un antre vendeur qu'Il pout aux représentants les J'lus quai!Dés do trouver en nclgi•lue, on Il~llnndc, en l'éconornlc du département du Das-llhln Suisse ou en Ital c. Jo vous demande, I•our dresser un _programme. d'Investisse. montiicur Je mtnlsLre, do simplifier un peu menis à réaliser dans les conditions où Jo • furent les Investissements eltectul!s nu ces Mmarchc~ longues, nornlJrCuscs, pc·
llort de Strasbourg en 1030 cl décidés pour nihl~s ct jo voudrai; vous citer un polit • Alsace entière en 1038. , !ail <ru!, en Jul·m~mc, n'a pas une très
grosse Importance, mals IJUI est toul do Vous avez cerlnlncmcnt cu connaissance même slt:n!Ocalll. On avait lndhlll~ •JUP. ~o
do cc rapport, monsieur le ministre, tout trouvaient, rn Allemagne, des acheteurs comme vous a\·ez ou connnissance du vœu pour une quanlité de 20.000 ltnmcs do du conseil général du llas-1\hln ayant la Ilalllc. Celle quantité aurait pu litre trou· rnlimo signitlcnllon. Co m·11 n'a t'"' ~nr.or~ véc faellcrnr.nl en l'•·•nrc. l.t~ dl!rnar~hes cu de répon5c jusqu'à présent Llh hien 1 n'ont pas ahoull, les Mhcle.ur~ nllcman•ls je prolllc de enlie uera>lon, mo11si10llr '" sc ''"'1 :ulre~sés à un lnlcrml·•ll:drc :uni:· minlslre, (JOur vous demander do pt·l:cl· ricain 'lili, lui, a achclé diJ·ecleulenl en
2670 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
France sans passer par les ministères-' eta revendu certe même paille en Allemagneen empochant, bien entendu, le bénéfice,alors que ce bénéfice aurait pu rester dansle pays même.L'essentiel sur le problème politique
ayant déjà été dit et redit, je me coptente-rai d'e^ieurer simplement la question.Nous avons été profondément choqués,monsieur le ministre, par les termes d'uncommuniqué officiel publié après lesaccords de Washington sur le problème duport de Kehl.Ce communiqué disait, ,en effet, qu'un
accord provisoire interviendrait pour régler, _en attendant la signature au traitéde paix, la question, et que si un modusvivendi donnait satisfaction, les Alliésseraient disposés à faire preuve de bonnevolonté. Monsieur le ministre, je protesteavec véhémence contre une telle formulequi équivaudrait, pour la France, à unevéritable décadence, qui est inconcevableet indigne de la France, laquelle se trouve,quand même, dans la situation d'un paysvainqueur en face d'un pays vaincu.Jamais, depuis le mois de juillet 1940
jusqu'au départ du général de Gaulle, unpareil communiqué n'a été publié: Nousestimons que la France ne doit pas enêtre réduite à obtenir des satisfactions parla grâce de sej alliés, mais qu'elle a desdroits formels à faire valoir.
A l'égard de cette Allemagne qui se relève avec une rapidité méritant le respect, pour laquelle se pose, dès maintenantla question de son admission au Conseilde l'Europe et. demain, peut-être, au pacteAtlantique, quelqu-s mesures d'élémentaire prudence s'imposent.Nous sommes d'avis que ces problèmes
doivent être résolus et le plus rapidementpossible même; nous sommes d'avis quel'Allemagne a droit à une place honorabledans le concert des Nations Unies; noussommes d'avis qu'il faut traiter avec l'Allemagne et nous pensons que beaucoupde problèmes pourraient et devraient êtreréglés directement* entre la France et l'Allemagne et que l'entente entre ces deuxpays est la seule base possible pour laconstitution durable d'une Europe fédérée.
Nous pensons également que l'Europeaurait dû être faite avant l'Allemagneparce que cela lui aurait permis de s'intégrer dans un cadre déjà existant, ce quiaurait facilité la création d'une Allemagnefédérée car, ne l'oublions pas, l'Allemandrêve, non pas d'une Allemagne fédérée,imai6 de la reconstitution d'un Reich, d'unÉtat fort, groupant sous une même autorité tous les pays de langue germanique,y compris les pays de la zone orientale.Depuis Bismarck, les Allemands ont
compris qu'étant unis, ils étaient forts etredoutables, alors qu'étant séparés et divisés il ne* sont rien. Les déclarations deshommes d'État allemands., en particulierdes leaders socialistes, sont suffisammentéloquentes à cet égard.
^ Le problème de la Ruhr internationaliséedans le cadre d'une Europe déjà fédéréeet unie aurait également trouvé une solution beaucoup plus simple et plus facilement acceptée par les Allemands.
Les extraits de la presse allemande quinous parviennent parlent de la méfiancequi s'était manifestée à l'Assemblée nationale vis-à-vis de l'Allemagne lors du récent débat. La presse allemande s'étonnede cette méfiance.
S'agit-il, dans l'esprit de ces journalistes, d'incompréhension totale ou d'inconscience ? Que devons-nous penser des déclarations des hommes d'État allemands ?
L'actuel chancelier Adenauer, à Berne, dé- jclare que seule- la Wehrmacht a capitulé,mais non le peuple allemand. C'est la légende du coup de poignard dans le dosde 1918 renversée.
Schumacher est sectaire au possible etfarouchement hostile à toute notion defédéralisme. Le communiste Reimann prononce des discours d'un nationalisme àfaire pâlir d'envie Adolph Hitler lui-même,s'il était encore en vie. Tous sont d'accord pour affirmer que les Alliés et laFrance, en particulier, sont seuls et uniquement responsables de tous leurs maux,et je n'en veux pour preuve que la récentecampagne électorale qui était de nature ànous enlever nos dernières illusions.
On me dira qu'il ne faut pas prendreau mot les exagérations d'une pareillepropagande, mais elle a été conçueévidemment par des centaines de milliers d'Allemands lesquels, loin de serendre compte, recommencent à se considérer comme les victimes innocentes d'unsort injuste et d'une oppression par lesAlliés. La mentalité de la jeunesse allemande est particulièrement édifiante à cesujet. L'esprit de ces jeunes est en ce moment ouvert à toutes les doctrines extré
mistes, que ce soit un nationalisme exacerbé ou même le communisme.
Il existe encore des relents de national-socialisme et le souvenir d'Hitler n'est paspartout effacé.
C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles un rapprochement franco-allemandsemble justifié. Il faut faire l'éducation decette masse, encore sans discernement ; ilfaut encourager et soutenir la démocratieen Allemagne.Mais, une certaine méfiance vis-à-vis de
l'Allemagne et de ses chefs est, jusqu'ànouvel ordre, parfaitement justifiée.
Aux représentants particulièrement qualifiés du S. P. D., M. le professeur CarloSchmid avait déclaré devant les commissaires de la commission des affaires étrangères qu'il fallait « penser européen ».Que devons-nous donc penser de l'espriteuropéen de ces mêmes représentants quirefusent, le cas échéant, de siéger à côtédu représentant de la Sarre dans le conseilde l'Europe.
Je vous ai fait part, mes chers collègues,des sentiments qui m'animent à l'occasion de ce délai.
Certes, il faut traiter avec l'Allemagneet conclure des accords économiques bilatéraux, puisque nos deux économies viennent avantageusement se compléter, certes, il faut créer la base d'une collaboration politique future, profitable aux deuxpays dans un esprit de parfaite loyauté.Certes, il faut prévoir d'admission de l'Allemagne au conseil de l'Europe.
Quant au pacte Atlantique, le problèmereste entier et l'admission de l'Allemagnesemble au moins prématurée. Cependant,ce problème, même en écartant momentanément sa discussion, m'oblige à direun mot d'un réarmement éventuel de l'Al
lemagne.
M. le ministre des affaires étrangères adéclaré qu'il n'en aurait jamais été question et que le Gouvernement était contre.Malheureusement, tout le monde en parle.
Dans ces conditions, je suis obligé devous poser quelques questions :1° Que fera le Gouvernement de la
République française si les alliés décidaient d'armer quelques divisions allemandes ou de lever un corns de volontaires?
2° Quelle est l'opinion du Gouverne*ment quant à la frontière à défendre, soitsur l'Elbe, soit sur le Rhin;3° Avec quels moyens le Gouvernement
compte-t-il éventuellement assurer cettedéfense, et pense-t-il que les forces armées françaises pourraient suffire à cettetâche.
J'ajoute une quatrième question, au risque de déborder un peu sur le sujet.Que ferait la France et avec quels moyenspourrait-elle défendre son propre terri-toire en cas d'agression?En effet, malgré les crédits volumineux
que nous volons, nous n'avons pas dedéfense nationale digne de ce nom.Nous avons par contre, actuellement, un
régime politique en déliquescence qui faitque, je me termets de citer un mot durmais combien juste, de M. le ministre del'intérieur: « L'État tombe en que-,nouille ».
Dans ces conditions, malgré toute labonne volonté que nous avons de poursuivre une politique constructive, il fautfaire -preuve de vigilance à l'extérieurcomme à l'intérieur du pays.Le jour viendra où le Gouvernement de
mandera au Parlement de ratifier un traitéde paix avec l'Allemagne.Ce jour-là, je ne voudrais pas que les
conditions de ce traité dépendent uniquement de la bonne volonté de nos alliés.
En juillet 1949, M. le président du conseil de la République était l'invité de larésistance alsacienne pour inaugurer unmonument élevé en 1 honneur de cetterésistance sur la colline du Stauffen, dansle Haut-Rhin.
Ce n'est pas sans un serrement de cœurque, réunis au pied de cette immensecroix de Lorraine, face à la plaine duRhin, face au ruban argenté du fleuve,face £ cette Allemagne, naguère si orgueilleuse et qui nous avais meurtris dansnotre chair et dans notre âme, nous
entendîmes les paroles de réconciliationdu général Koenig et son appel à une future collaboration franco-allemande.
Le général de Gaulle, récemment, avecune clairvoyance de véritable hommed'État, a posé le problème sur son véritable plan. Nous souscrivons sans réserveà sa doctrine.
Vous-même, monsieur le ministre desaffaires étrangères, dans un certain nombre de déclarations, vous avez défendules mêmes principes, mais dans cet Étatqui sombre en quenouille, je suis obligéégalement de vous rappeler les parolesvraiment émouvantes de M. le présidentMonnerville, lorsqu'il déclarait à Stauffen,en rendant hommage à la résistance alsacienne :
« Nous ne tolérerons pas toutes les défaillances; et nous n'accepterons pas tousles traités. »
Souvenez-vous également de ce que disait tout récemment le général de Gaulle :« Nous voulons des amis, nous avonsbesoin d'alliés, nous ne voulons pas demaîtres. » (Applaudissements sur plusieurs bancs).
M. le ministre. J'y .applaudis entièrement et sincèrement.
M. le président. Il n'y a plus d'orateurinscrit ?
J'ai reçu une proposition de résolutionprésentée par M. Michel Debré, dont jevous donne lecture :
« Le Conseil de la République n'oubliepas les récents souvenirs qui restentcruels au cœur des Français. Affirme son
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE Du 8 DECEMBRE 1949 2671
opposition formelle à tout réarmement allemand, considère que la situation politique mondiale rend nécessaire la participation progressive de l'Allemagne à lavie internationale de l'Occident; mais estime que cette participation et notammentl'admission de l'Allemagne dans un organisme représentatif européen doit êtresubordonnée à certaines conditions préalables; que cette admission doit, en particulier, être précédée de l'ouverture denégociations portant sur les objectifs suivants:
« 1° Préciser la personnalité et rendreeffectifs les pouvoirs de l'autorité internationale quant à la gestion et mêmequant à la propriété des principales ressources de la Ruhr;
« 2° Préciser que l'arrêt des démantèlements ne doit pas avoir pour résultatimplicite d'abroger les dispositions prisesen ce qui concerne les principales activités interdites ou limitées;
« 3° Modifier le statut de l'organisationeuropéenne de telle façon qu'une véritableautorité politique européenne soit forméedès 1950, car le relèvement pacifique del'Allemagne est conditionné par l'existence d'une telle autorité;
« 4° Par un contact direct avec les représentants de l'Allemagne occidentale,rechercher les bases d'un accord économique et culturel entre les deux pays. » .
La parole est à M. Michel Debré.
M. Michel Debré. Monsieur le ministre,vous êtes juriste et je le suis aussi, maisje ne crois pas aux textes autant que vous.Certes, comme vous l'avez dit tout à
l'heure, nous avons encore en Allemagnetous les droits, et le statut d'occupationréserve aux puissances occupantes la totalité des pouvoirs. Ce n'est que par délégation volontaire de ces puissances qu'ilexiste en Allemagne occidentale un gouvernement.
Mais il y a un droit et un fait. Et biensouvent le fait l'emporte et risque del'emporter chaque jour davantage. Qu'ils'agisse du prix du charbon ou de la décartellisation, nous avons vu que ce qui estnotre droit n'est pas toujours, devenu lefait.
Sans doute avons-nous, en vertu destextes, des observateurs dans tous lesEtats de l'Allemagne, mais nous savonsaussi que ces observateurs auront en faitdes pouvoirs très limités, si même on peutparler de pouvoirs en ce qui les concerne.Sans doute, le droit en matière de répa
rations est-il encore le droit, comme vousl'avez dit à l'Assemblée nationale et
comme M. Moutet l'a rappelé ici, et ily a notamment une possibilité de prélèvements sur la production courante pourles réparations .Mais vous savez bien enfait que ce droit ne pourra jamais s'exercer.
D'autre part, vous l'avez dit que l'Allemagne s'engage, ou plus exactement legouvernement de l'Allemagne occidentales'engage et s'est engagé; en particulier, ila reconnu, et c'est un point important, l'office militaire de sécurité, et par conséquent toutes les obligations qui découlent
. pour Lui des textes relatifs aux pouvoirsde cet office.
Mais les gouvernements se suivent. Ilest des pays, comme en France, où lesgouvernements prennent volontiers la responsabilité tle ce que leurs prédécesseursont signé. Nous savons, par l'expérienced'entre les deux guerres, que les signa
tures de gouvernements allemands sontquelquefois discutées par les gouvernements ultérieurs.
Certes, comme vous l'avez dit enfin, nousavons des garanties. Nous avons la fixation à 11 millions de tonnes dd plafond dela production d'acier. Elle est respectée,notamment parce que la production réelleest actuellement inférieure à 10 millions
de tonnes. Mais, quand elle atteindra l'anprochain ou dans dix-huit mois 11 millionsde tonnes, qui vous dit qu'à ce moment-làon ne vous fera pas observer qu'il y aune possibilité, par l'existence d'autres etde nombreuses usines, d'augmenter ceplafond relatif à l'acier qui, cependant, depuis trois ans, est considéré comme undes points essentiels de ce que nous demandons ?
Telles sont les réserves que je voulaisformuler à votre réponse. Votre réponse,sur le terrain du droit, nous dit exactementet effectivement ce qui est; mais nousavons une réalité qui bien souvent est différente. Cependant, dans cette proposition,je vous ai suivi sur votre terrain, celuidu droit. tLe Gouvernement français doit prendre
une décision: celle de l'entrée de l'Allemagne dans le conseil de l'Europe. Enelle-même, cette décision n'est peut-êtrepas très grave étant donné, malgré ce quia été dit, le peu de pouvoirs actuels duconseil de l'Europe. Mais en droit celtedécision représente beaucoup, puisqu'ellesignifie l'entrée officielle du gouvernementallemand dans la vie internationale.
Je crois qu'il est bon de considérer quecette entrée de l'Allemagne dans les négociations politiques internationales est unedate importante et que désormais les décisions qui seront" prises .entre les alliés,même si le gouvernement allemand n'yparticipe pas encore, n'interviendront pascependant sans sa consultation.
Cette date étant importante. je croisqu'il convient de préciser que l'entrée del'Allemagne au Conseil de l'Europe doitêtre subordonnée à l'ouverture de négociations portant sur des points essentiels,sur ce que nous considérons comme desgaranties fondamentales non seulementpour la France, mais pour la cause que laFrance a toujours détendue, et avec elled'autres nations.
Ces conditions, je ne les reprendrai pas;ce sont celles qui viennent d'être exposéesdans la proposition de résolution. Elles neneuvent guère, je crois, être discutées nonplus que modifiées dans la suite des jourset des années.
Vous avez parlé à juste titre, monsieurle ministre, au début de votre exposé, deschangements de politique. La politique dela France dans sa zone d'occupation en1945 ne peut plus être celle qu'elle exercedans ce qui lui reste de zone en 1949.
Mais le mot « politique » a deux sens: ily a les moyens de la politique et les objectifs de cette politique. Que les moyenssoient modifiés, c'est l'évidence même, etil serait fou de notre part de ne pas voirqu'avec l'évolution des circonstances etdes relations internationales, les moyenspolitiques doivent être sans cesse revisés.Mais les objectifs, au moins ceux que nousconsidérons comme essentiels et fondamentaux, eux, méritent d'être décidésd'une manière sérieuse, d'une manièroqui ne puisse pas être, changée impunément ni rapidement. Ces objectifs, qu'ils'agisse de la Ruhr, qu'il s'agisse des industries interdites, qu'il s'agisse du statut de l'Europe ou qu'il s'agisse de l'uti
lité d'une entente économique ou culturelle avec l'Allemagne, ces objectifs sontvalables, comme ils étaient valables l'andernier, comme ils le seront encore dansdeux ans. Si les moyens à mettre enœuvre peuvent changer, eux, sont immobiles.
C'est pourquoi je me suis permis, à l'issue de ce débat, de demander à l'Assemblée d'accepter ces objectifs comme je demande au Gouvernement de les atteindre.(Applaudissements au centre et sur diversautres bancs.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre. M. Michel Debré a le mépris des textes, mais il en -a aussi lebesoin. J'ai le respect des textes, également du sien, car je considère que dansla politique, même à l'égard des Allemands et aussi à l'égard de nos alliés, ilfaut des positions nettement précisées. Jesuis heureux de pouvoir dire que le discours auquel j'ai déjà rendu hommage, etauquel je tiens encore à, répéter mon adhésion complète, s'est terminé par l'expression de revendications qui sont celles duGouvernement.
Dans les textes que vous proposez vousmentionnez différents objectifs. J'en faisles objectifs mêmes de notre action diplomatique future. Ces objectifs intéressentd'ailleurs nos alliés beaucoup plus quel'Allemagne, car ils constituent des résultats que nous devons atteindre par un accord entre les trois alliés.
Vous parlez d'abord de l'autorité internationale. Je me suis expliqué sur cepoint. Je voudrais, sur le paragraphe 1er ,éviter un malentendu. Vous avez la justepréoccupation, comme moi-même, de renforcer l'autorité de cet organisme, sinondans l'immédiat, du moins plus tard, lorsqu'il sera chargé de la totalité du contrôle.Mais * il serait insuffisant et même
contradictoire, avec la réglementation actuelle, de vouloir réclamer uniquementpour l'autorité internationale les pouvoirsnécessaires quant à la gestion des entreprises. Actuellement la gestion des entreprises de la Ruhr est confiée à deuxgroupes de contrôle que nous devons provisoirement maintenir; .ils fonctionnentd'ailleurs'dans de bonnes conditions.
Je ne voudrais pas que votre texte fûtinterprété dans ce sens que les deuxgroupes de contrôle devraient être déssaisis de la fonction qui leur est confiée actuellement.
D'autre part, vous demandez que l'arrêtdes démantèlements soit interprété commene signifiant pas une abrogation des dispositions prises en matière d'interdictions etde limitations de production.
Je crois qu'il ne faut ipas laisser penserà qui que ce soit que ces limitations etces interdictions puissent être remises encause. Je suis d'avis que ce sont là des•décisions immuables. Je ne voudrais donc
pas, en me ralliant à ce texte, que nousayons à ouvrir un débat à cet égard.
Il serait dangereux de laisser croire à quique ce soit que l'on puisse, à l'heure actuelle, sous prétexte de l'arrêt des démantèlements, remettre en cause ce qui a étédéfinitivement décidé.
Je crois que vous partagez mon opinion, -mais je tiens à faire ce commentaire icipour que personne ne puisse s'emparerd'un texte quelconque pour contrecarrerles intérêts de notre pays. Je suis heureuxde pouvoir constater ici que, lorsque nousavons parlé de l'arrêt des démantèlements. .
2672 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
fcucun de nos alliés, à aucun moment, n'asoulevé la question d'une modificationdans les décisions prises au sujet de l'in-Iterdiction ou de la limitation de certainesindustries allemandes; au contraire, on aexpressément constaté que ces décisionsétaient intégralement maintenues.En ce qui concerne le statut de l'orga
nisation européenne, je crois que ce quej'ai dit tout à l'heure à la tribune laitapparaître nettement ma position personnelle qui est d'ailleurs celle de mon gouvernement.
Nous devons adapter dans les moindresdélais possibles le statut du Conseil del'Europe aux nécessités évidentes quinous ont été exposées aujourd'hui, commeelles l'ont été à l'Assemblée. Je peux vousdire qu'il y aura une discussion à cesujet, au, sein du comité des ministres,qui va se réunir au début de l'année prochaine. A cette occasion, l'ensemble de ceproblème se trouvera posé.Que le Conseil de la République soit
assuré que je m'inspirerai des remarquesqui ont été formulées et dont je trouvel'écho dans votre texte.Je voudrais terminer par une autre
remarque. Il y a une réalité qui, elle, jeicrois,, est décisive, quand il s'agit nonseulement d'appliquer un texte maisaussi d'obtenir des résultats positifs,même en l'absence d'un texte.
C'est l'accord entre les alliés; c'est làune réalité tangible à travers et au delà,des hésitations et des désaccords momentanés.
Je voudrais simplement, à ce- sujet,(vous faire une remarque: trop souventon affirme, dans notre presse, que c'estla France qui. cède toujours.J'ai: entendu dire, encore aujourd'hui,
jque nous nous inclinions trop souventdevant la volonté américaine. Pour neparler que de l'Allemagne, je puis vousassurer que la voix de la France comptebeaucoup et que c'est elle qui a très souvent formulé les positions définitives. Jel'affirme ouvertement, franchement, avectoute la solennité que requiert cetteAssemblée. Ne pensez pas que la France.accepte n'importe quelle suggestion etn'importe quel désir de nos alliés. Tout estdiscuté, mais même lorsque pendant dessemaines nous cherchons un accord, nousavons à cœur de ne jamais faire appa-raît-e une divergence, même momentanée, car nous savons que, par là, nousrisquerions de créer la fissure dont l'Allemagne ou d'autres pourraient tirer profit contre nous.
C'est l'accord des alliés qui a créé lenouveau statut de l'Allemagne; c'est enplein accord avec nos alliés que nous l'appliquerons.Je suis convaincu qu'il n'y aura, dans
la suite, aucune difficulté entre nous etnos alliés, si, d'autre part, entre nous,Français, quelles que soient nos conceptions politiques, s nous pouvons, sur l'essentiel, affirmer notre unanimité, commeje pense que ce sera possible.
Ne pensons pas toujours, comme parune espèce de complexe d'infériorité, auproblème de la sécurité. Dans l'immédiat,il est résolu en ce qui concerne l'Allemagne. Il pourra se poser de nouveau ultérieurement et nous devons être vigilants.Mais il y a d'autres problèmes d'une acuitéplus immédiate, dans le domaine économique notamment. Attachons-nous à lesrésoudre.
Je suis heureux de pouvoir rendre hommage à cette Assemblée pour la hautetenue de ses débats et aussi pour l'utilité
; des réflexions, des conseils qui ont été |émis et dont le Gouvernement tfrera profit.
Personnellement j'exprime ma reconnaissance k tous les orateurs qui sontintervenus, car ils ont réussi à rendre cedébat utile pour notre pays. (Applaudissements à gauche, au centre et à droite.)
M. le président. Je vais mettre aux voixla proposition de résolution.Avant de donner la parole aux orateurs
pour explications de vote, je rappelle auConseil les termes de l'article 91 concernant ce débat.
« Seuls peuvent prendre la parole sur laproposition de résolution, en dehors del'un des signataires, les présidents desgroupes ou leurs délégués, le Gouvernement et éventuellement le président de lacommission intéressée ou l'un des mem
bres qu'elle aura mandaté. »La parole est à M. Carcassonne.
M. Carcassonne. Mesdames et messieurs,"au risque d'apporter une note discordanteet en regrettant de ne pouvoir répondre àl'appel qui nous a été /adressé 'tout àl'heure par M. le ministre des affairesétrangères, nous demandant l'unanimitédans ce vote, j'indique, au nom du groupesocialiste, que nous nous abstiendrons surla proposition de résolution déposée parM. Michel Debré.
Nous ne la critiquons pas violemment.Nous l'approuvons dans la plupart de sestermes. Nous y trouvons des choses excellentes, mais, ipar contre, nous l'estimonsinsuffisante.
Il nous semble que l'ordre du jour quiavait été voté à la suite des débats de
l'Assemblée nationale, était beaucoup pluscomplet, et répondait mieux aux désirsdes orateurs socialistes.
Nous reprochons notamment à M. MichelDebré de ne pas avoir apporté un accentsuffisant sur "l'internationalisation de la
Ruhr, et nous regrettons qu'il n'ait pasprécisé dans sa proposition qu'il entendaitque les anciens propriétaires des mines etdes usines de la Ruhr soient dépossédés,notamment le capitalisme international. •
Nous regrettons enfin qu'il sembles'échapper de la proposition de M. MichelDebré un éloge par trop grand du libéralisme, libéralisme qui pourrait faciliteroutre mesure et rapidement l'hégémonieallemande. Nous sommes partisans du dirigisme, vous 1" savez bien, monsieur Michel Debré. On nous l'a violemment reproche sur le plan national. Mais je croisque sur le plan international, ce n'est pasêtre antipatriote que de réclamer un dirigisme, et un dirigisme sérieux, si nous nevoulons pas que l'industrie française,dans quelques années, soit absorbée complètement et ruinée par la puissance industrielle allemande. Votre proposition à cepoint de vue ne nous donne pas satisfaction.
Il y a aussi un autre point de vue, quin'est pas précisé, c'est que nous entendons renforcer de plus en plus l'ententeavec l'Angleterre, non seulement avecl'Angleterre travailliste, mais avec l'Angleterre conservatrice. Nous désirons unrapprochement avec l'Allemagne, mais unrapprochement qui ne nous écarte pas denotre alliée l'Angleterre.
11 nous aurait aussi été agréable que,dans votre proposition de résolution, vousindiquiez qu 11 y a peut-être des possibilités de réduire la production et surtoutla productivité allemande en élevant lestandard de vie de, la démocratie allemande,
Si rAllemagne peut nous concurrencerdans un avenir très prochain, c'est parceque les ouvriers allemands travaillentquarante-huit et cinquante heures par semaine, qu'ils sont moins payés que lesouvriers français et qu'ils ne bénéficientpas des avantages sociaux de la classe ouvrière française.Nous voulons que soit relevé à travers
tous les pays le niveau de vie et qu'ainsiles relations économiques soient normalisées au sein d'un conseil de l'Europequi aurait une souveraineté supranatio-'rtale,
Ce sont ces raisons quo j'expose trèsbrièvement à l'issue d'un débat où l'ona entendu d'excellents discours. Je m'excuse, car je fais mes débuts en matière depolitique étrangère "et, comme un jeuneorateur, j'aurais eu > désir de prononcerun magnifique discours au début d'uneséance et en présence, de nombreux sénateurs, alors que j'ai malheureusement leprivilège de parler en fin de séance et.devant peu de monde.Quoi qu'il en soit, voici donc, mes
sieurs, très brièvement exposées les raisons qui feront que le groupe socialiste, àregret — car il éprouve pour M. Debrébeaucoup de sympathie — s'abstiendra àl'occasion du vote de sa proposition. (Applaudissements à gauche.)
M. le président. La parole est à M. Pierrede Gaulle.
M. Pierre de Gaulle. Mes amis et moi,nous voterons la proposition de résolutiondéposée par M. Michel Debré- En disantceci, je tiens à bien préciser qu'il ne fautpas qu'il y ait, tout à l'heure, monsieurle ministre des affaires étrangères, demalentendu.
J'ai entendu avec une certaine surpriseM. le ministre des affaires étrangères interpréter les conditions qui étaient posées,dans ce texte à l'entrée de l'Allemagnedans une organisation européenne, commeétant des suggestions faites au Gouvernement qui, nous a-t-il dit, fera tout sonpossible pour les faire abouti..Nous sommes ici en plein malentendu.
Le texte précise que l'admission de l'Allemagne dans une formation politique européenne d'ensemble doit être subordonnée à un certain nombre de conditions quiont été fixées dans la proposition de résolution. C'est moyennant l'accomplissement de ces conditions, et non pas dutout en vertu d'un effort gouvernementalpour les faire aboutir, c'est moyennantl'accomplissement de ces conditions quenous considérons l'admission de l'Allemagne comme possible.Nous ne croyons pas qu'il y ait lieu de
tant se hâter et de donner à l'Allemagnece satisfecit de l'entrée dans les conseilsde l'Europe. D'abord, parce que le conseilde l'Europe, tel qu'il fonctionne actuellement ne nous paraît pas représenter quelque chose de très sérieux, de très' utile,de très efficace et que le jour venu, quandce conseil de l'Europe aura été remanié,transformé, conformément à la propositionde résolution, sur une base véritablementde communauté européenne, nous pourrons considérer comme utile et à ce mo-ment-là seulement que' l'Allemagne ytasse son entrée.
Deuxièmement, nous avons aiouté à lafin du texte de la proposition.de résolution un passage relatif à la condition quenous posons pour des négociations préalables entre le Gouvernement français etle gouvernement de l'Allemagne occidentale»
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2673
Nous croyons que cette conversations'impose et qu'il faut qu'elle aboutissedans la mesure où elle peut être Quverte,bien entendu, suivant les dispositions desdeux partenaires. 11 ne s'agit pas de commencer une négociation, il ne s'agit pasde s'en référer à une négociation ouvertecomme le disait justement M. le ministredes affaires étrangères, il s'agit d'aboutirà quelque chose de positif et de concretavant qu'une décision définitive -soit priseconcernant les dispositions de l'Allemagne.
Ilâtons-nous lentement, disait le proverbe latin. Hâtons-nous! En effet, il fautque ces questions soient réglées vite; ilne faut pas qu'elles le soient dans le malentendu et dans le trouble. Revenant àline très belle formule de notre amiM. Kalb — je. suis surpris de voir que notre collègue M. Marius Moutet l'a désapprouvée — je dirai: la question allemande,et c'est ma conclusion, est essentiellementune question intérieure française pourdeux raisons. La première est celleque le président Kalb exposait lui-même,c'est que nous ne pourrons conclure desaccords sûrs et sans ambiguïté avecl'Allemagne et sans danger que le jouroù la France aura un gouvernement solide, une défense nationale établie et oùles Alliés pourront savoir qu'on - peutcompter sur la France beaucoup plus encore qu'on ne peut -compter sur l'Allemagne d'occident.La seconde raison, c'est que l'Europe
occidentale, c'est avant tout l'affaire dela France. C'est le moment pour elle, touten restant naturellement fidèle - à la collaboration nécessaire avec les alliés, de semanifester toute seule, d'elle-même. C'està elle, on ne le répétera jamais assez, deprendre la tète du mouvement européenut toutes les nations de l'Europe occidentale attendent cela d'elle.
Pourquoi rester indéfiniment attaché àcette collaboration nécessaire avec les alliés, à chaque pas, pour chaque motif, aupoint que j'ai eu la surprise d'entendretout à l'heure M. le ministre nous direqu'il fallait que même les petits heurts,les petites difficultés qui peuvent surgirdans la collaboration interalliée fussentdissimulés aux yeux du public de façonqu'on ait toujours l'air d'être d'accord.Enfin, dans une question aussi impor
tante pour k France que la constitutiond'une Europe occidentale, c'est à la France/le prendre au besoin toute seule les initiatives nécessaires. La première à prendreconcernant l'Allemagne est celle d'une négociation directe dont l'aboutissement estla condition d'une admission ultérieure de
l'Allemagne dans le conseil de l'Europeremanié.
C'est dans ce sens que nous l'entendons. Je tenais à le bien préciser pour expliquer notre vote.(Applaudissements surles bancs supérieurs de la gauche, du centre et de la droite.)
M. le président. La parole est à M. Hamon.
M. Léo Hamon. Mes amis et moi-mêmenous voterons la proposition de résolutionde M. Debré, malgré tout ce que nous n'ytrouvons pas — moi non plus, je ne suispas un libéral en matière d'économie internationale — et malgré tout ce qui a puy être ajouté de commentaires, parce quenous voulons, dans une matière de politique extérieure, dégager le plus -possiblel'unanimité d'une des Chambres du Parlement français.
Pour nous faciliter ce vote, nous avons,sur un point précis et important, les explications de M. le ministre des affairesétrangères, auquel je suis heureux depouvoir renouveler,, non pas notre confiance — le mot ne serait pas de miseici — mais notre assentiment suivle pointcapital des plafonds de' la production del'acier, qui ne sont pas matière à négociation, puisque M. le ministre a répétéqu'ils sont et demeurent fixés tels qu'ilsétaient antérieurement et qu'il n'y a pas\ négocier ce qui demeure acquis.J'interprète, d'autre part, l'allusion faite
par M. Debré, dans sa proposition de résolution, à l'autorité internationale de laRuhr, comme nous donnant la possibilitéd'obtenir notamment par cette autorité lafin des pratiques discriminatoires en matière de prix de charbon, point sur lequelj'ai attiré l'attention du Gouvernementavec la satisfaction d'obtenir son assentiment.
. Me sera-t-il permis d'ajouter que, ' simes amis et moi, nous trouvons légitimeque le Gouvernement de la République négocie, dans un tête-à-tête avec l'Allemagne, tout ce- qui ne regarderait que lesdeux pays, il doit être bien entendu dansnotre esprit qu'en aucun cas de tellesconversations directes sur des points nécessairement secondaires ne sauraient af-
falloir la solidarité qui nous unit à nosalliés et qui, dans le temps présent dumoins, doit demeurer une des forces dela France.
J'ai noté, dans les propos de M. Debré,quelque chose qui m'a fait penser à unlivre qui' avait, occupé notre jeunesse. Ils'appelait La révolte des faits contre ledroit. Mais le meilleur moyen de prévenir celte révolte des faits contre le droit,c'est de faire cette politique constructiveque je demandais tout à l'heure, politiquedans laquelle la France n'est pas réduiteà essayer de dire.non et toujours davantage en retrait devant la poussée des faits,mais dans laquelle elle suggère elle-mêmedes solutions pour régler et diriger" lesfaits et les modifier.
Pour éviter la révolte des faits contre ledroit, poursuivez, monsieur le ministre, ladirection des faits par l'esprit. (Applaudissements.)
"M. le président. La parole est à M. Marrane, pour explication de vote.
M. Marrane. Pour les raisons indiquéesclairement à cette tribune par mes amisBerlioz et le général Petit, le groupe communiste votera contre la résolution deM. Debré. •
M. le président. La parole est à M. Mathieu, pour explication de vote.
M. Mathieu. Je parle au nom de mongroupe et aussi en tant que représentantdes départements de l'Est...
M.' le président. Non, vous ne pouvezparler qu'au nom de votre groupe.
M. Mathieu. Je crois qu'il est un peuillusoire de penser qu'un Allemand se battra pour une autre cause que pour cellede l'Allemagne et, si les forces allemandesfinissent par être prédominantes, l'Allemagne saura bien exiger sa prédominancetotale et définitive, tout entière à sonprofit.
Un journal allemand écrit ce que jecrois être le sentiment de nombreux Allemands :
« La plupart des Allemands éprouverontde l'effroi en. voyant qu'on se rapproche
constament d'une institution, la Wehr-!macht, qu'en 1945 on croyait disparue pourtoujours.
« D'autres constateront, non sans quelque surprise, qu'avec une singulière naïveté, certains milieux, du côté des puisisances occidentales, estiment pouvoir disposer purement et simplement des je-ineshommes d'Allemagne, sans même leur poser la question à eux ou bien au -eiu.jléiallemand.
« Mais il est un point sur lequel aucundoute n'est réellement permis; le jourviendra, tôt ou tard, où les puissancesoccidentales s'adressant au gouvernement fédéral de l'Allemagne occidentalepour lui demander de reconstituer les divisions allemandes. Croient-elles que cesdivisions vaudront quelque chose sansl'esprit militaire auquel on déclarait laguerre il y a quinze jours? »
Il faut voir la situation telle qu'elle est.Tout ce qui affaiblira la France sur quelque plan que ce soit, moral, économiqueou militaire, tout ce qui retardera son relèvement, aura pour suite inéluctable defavoriser la germanisation de l'Europe.
Il faut que tous nos problèmes intérieurs soient envisagés sous cet angle etqu'on sache bien que toute division grave,-toute entrave à sa force économique et àla productivité, tout gaspillage, sont de véritables crimes contre la patrie, et doiventêtre évités à tout prix parce qu'ils modifient le rapport des forces entre la Franceet l'Allemagne renaissantes.
Seule une France forte s'appuyant surses populations, ses territoires et ses richesses de la métropole et d'outre-mer,peut admettre à ses côtés la présence del'Allemagne renaissante dans l'Union européenne.
C'est la condition absolue de la réussited'une politique européenne acceptablepour nous.
Alors que nous venons peut-être d'abandonner le Fezzan et que des bruits courent fur les conséquences des décisionsde l'O. N. -U. au sujet de nos territoiresd'outre-mer, j'adjure le Gouvernement deveiller à ne pas permettre qu'une Franceaffaiblie soit amenée à être, dans l'Europe, à la suite de l'Allemagne. (Applaudissements à droite et au centre.)
M. le président. Personne/ ne demandaplus la parole ?...Je mets aux voix la proposition de réso
lution. ^
(Le Conseil de la République a adopté.V
— il —,
DEPOT DE PROPOSITIONS DE RESOLUT:ON
M. le président. J'ai reçu de MM. Jézéquel, Cornu et Henri Cordier une proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à prendre d'urgence les mesures nécessaires pour assurer l'amélioration de la situation matérielle et moraledes anciens combattants et victimes desdeux guerres.
■ La proposition de résolution <era imprimée sous le n° 867, distribuée et, s'il n'y,a pas d'opposition, renvoyée à la commission des pensions (pensions civiles etmiitaires et victimes de la guerre et del'oppression) . (Assentiment.)
J'ai reçu de W. Rochereau une proposition de résolution tendant à inviter leGouvernement à modifier les articles 106 et107 du décret du 9 décembre 1948 portant
2674 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
réforme fiscale et du décret du 4 octobre1949 fixant les modalités de "recouvrement
de l'impôt sur les sociétés.
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 868, distribuée, et, s'iln'y a pas d'opposition, renvoyée & la com-
mission des finances. (Assentiment .)
— 12 —
DEPOT D'UN RAPPORT
M. le président. J'ai reçu de M. JeanBerthoin, rapporteur général, un rapportfait au nom de la commission des finan
ces sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ouverture decrédits spéciaux d'exercices clos et d'exercices périmés (n° 852, année 1949).
Le rapport sera imprimé sous le n° 809et distribué.
— 13 —
PROPOSITIONS DE LA CONFÉRENCE
DES PRÉSIDENTS •
M. le président. La conférence des présidents propose au Conseil de la République:A. — De tenir séance vendredi 9 décem
bre, à quinze heures, pour la suite de l'ordre du jour de la présente séance ;
B. — De ne ipas siéger le mardi 13 décembre. en raison du congrès du parti socialiste:
C. — De tenir séance le jeudi 15 décembre, à quinze heures tiente, avec l'ordredu jour suivant :
1° Sous, réserve de la distribution du
rapport, discussion du projet de loi , adoptépar l'Assemblée nationale, relatif aux nominations et promotions de certains personnels des services de santé des forcesarmées dont la cariière a été affectée pardes événements de guerre;
2° Sous réserve de la distribution du
rapport, discussion du projet de loi, adoptépar l'Assemblée nationale, modifiant lesarticles 37, 38 et 72 de l'ordonnance n° 45-2454 du 19 octobre 1945 fixant le régimedes assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles;1 3° Sous réserve de la distribution durapport, discussion du projet de loi, adoptépar, l'Assemblée nationale, portant ouverture de crédits spéciaux d'exercices closet d'exercices périmés;4° Sous réserve de la distribution du
rapport, discussion de. la proposition de résolution de M. René Depreux et des membres de là" commission* de la productionindustrielle, tendant à inviter le Gouvernement \ ne compromettre par aucune mesure prématurée l'aptitude de la production française à affronter la concurrenceinternationale et à mettre fin à certainesimportations sans licence.
Il n'y a pas d'opposition 1
Les propositions de la conférence desprésidents sont adoptées.
— 14 —
REGLEMENT DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici donc quel seraitl'ordre du jour de notre prochaine séancepublique qui se tiendra cet après-midi9 décembre, à quinze heures:
Discussion de la question orale, avecdébat, suivante : Mine Marcelle Devaud
demande à M. le président du conseiluelles dispositions envisagent les diversépartements ministériels intéressés afinque les vieillards bénéficiaires de l'allocation temporaire puissent être assurésde percevoir, à un titre quelconque, uneallocation de même valeur, en janvierprochain ;
Suite~fle la discussion de la propositionde loi, adoptée par l'Assemblée nationale,relative à l'échange en nature blé-painou blé-farine (n°s 717, 792 et 846, année1949; M. Restat, rapporteur).
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'ordre du jour est ainsi réglé.
Personne ne demande la pa _ olé ?..*La séance est levée.
(La séance est, levée le vendredi 9 décembre 1949 à une heure trente-cinq mi-mites.)
Le directeur du service de la sténographiedu Conseil de la République,
CH. DE LA MORANDIERE.
Propositions de la conférence prescrite parl'article 32 du règlement du Conseil de
la République.
(Réunion du 8 décembre 1949.)
Conformément à l'article 32 du règlement, le président du Conseil de la République a convoqué pour le jeudi 8 décembre 1949 les vice-présidents du Conseil dela République, les présidents des commissions et les présidents des groupes.
Cette , conférence a décidé que, pour lerèglement de l'ordre du jour, les propositions suivantes seront soumises à l'approbation du Conseil de la République:
"A. — Tenir séance demain, vendredi . 9décembre 1949, à quinze heures, pour lasuite de l'ordre du jour de la présenteséance.
B. •- inscrire à l'ordre du jour de laséance du jeudi 15 décembre 1949, S quinzeheures trente :
1° Sous réserve de la distribution du rapport, la discussion du projet de loi (n° 760,année 1949), adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux nominations et promotionsde certains personnels des services desanté des forces armées dont la carrière a
été affectée par des événements de guerre ;2° Sous, réserve de la distribution du
rapport, la discussion du projet de loi(n° 683, année 1949), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 37, 38et 72 de J'ordonnance n° 45-2454 du 19 octobre '1915 fixant le régime des assurancessociales applicable aux assurés des professions non agricoles ;
3° Sous réserve de la distribution du
rapport, la discussion du projet de loi(n° 852. année 1949), adopté par l'Assemblée nationale, portant ouverture de créditsspéciaux d'exercices . clos et d'exeicicespérimés;
4° Sous réserve de la distribution du
rapport, la discussion de la proposition derésolution (n° 821, année 1919) de M. RenéDepreux et des membres de la commissionde ,la production industrielle, tendantu inviter le Gouvernement à ne compro
mettre par aucune mesure prématuréel'aptitude de la production française àaffronter la concurrence internationale età mettre fin à certaines importations sanslicence.
ANNEXE
au orocès-verbal de la conférencedes présidents.
(Application de l'article 32 du règlement.)"
NOMINATION DE RAPPORTEURS
FINANCES
M. Jean Berthoin a été nommé rapporteur du projet de loi (n° 852, année 1949),adopté par l'Assemblée nationale, portantouverture de crédits spéciaux d'exercicesclos et d'exercices périmés.
MARINE
M. Razac a été nommé rapporteur duprojet de loi (n° 834, année 1949), adoptépar l'Assemblée nationale, modifiant l'article 121 de la loi du 13 décembre 1926 portant code du travail maritime.
i PRESSE
M. Gaspard a été nommé rapporteurpour avis de la proposition de résolution(n° 716, année 1949) de M. Durand-Réville,tendant à inviter le Gouvernement à créerla radiodiffusion de l'Union française.— (Renvoyée pour le fond à la commissionde la France d'outre-mer.)
PRODUCTION INDUSTRIELLE
M. René Depreux a été nommé rapporteur de sa proposition de résolution(n°821, année 1949) tendant à- inviter leGouvernement à ne compromettre paraucune mesure prématurée l'aptitude dela production française à affronter laconcurrence internationale et à mettre finà certaines importations sans licence.
M. Bousch a été nommé rapporteur dela proposition de résolution (n° 827, année1949) de M. Hebert, tendant à inviter leGouvernement à prendre toutes dispositions pour que les installations électriquesréalisées par des industriels ou des commerçants pour parer à la pénurie actuellede courant électrique bénéficient de délaisd'amortissement extrêmement brefs, ence qui concerne le calcul des bénéficesnets imposables.
RECONSTRUCTION
Mme J. Thome-Patenôtre' a été nomméerapporteur de la proposition de résolution(n° 820, année 1949) de M. Debré, relativeà une politique du logement.
M. Varlot a été nommé rapporteur dela proposition de résolution (n° 833, année |1949) de M. Landry, concernant l'aide à 'apporter, en matière de logement, aux économiquement faibles.
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949. 2675
Réponses des ministres sur les pétitionsqui leur ont été envoyées par le Conseilde la République,
^Application de l'article 94 du règlement.)
Pétition n° 24. — M. Charles Mahaut,322, rue Mondenard, Bordeaux (Gironde),demande une revision du calcul de sa pension.
* Cette pétition a été renvoyée, le 30 décembre 1948, sur le rapport de M. Raymond Dronne, au nom de la commissiondu suffrage universel, du contrôle constitutionnel, du règlement et des pétitions,au ministre- des finances et des affaireséconomiques.
Réponse de M. le ministre des financeset des affaires économiques.
Paris, le 29 avril 1919.
Monsieur le président,
Par lettre du 21 février 1919 vous avez bienvoulu me transmettre la pétition n» 24, émanant de M, Charles Mahautj
Le pétitionnaire, en Invoquant l'arrêt du<16 avril 1918 (allaire de Saxcé), dans lequel leconseil d'État a estimé que les majorationspour enfants prévues par l'article 2, paragraphe 4, de la loi du 14 avril 1924 étaient unélément constitutif et non un simple accessoire de la pension, et devaient être regardées comme faisant partie intégrante de tonmontant en principal pour le calcul de l'indemnité spéciale temporaire et de l'indemnité provisionnelle, sollicite la revision dansle sens de cet arrêt desdites indemnités dontil bénéficie^
J'ai l'honneur de vous taire connaître queplusieurs, pourvois analogues 4 celui dont 11est fait état sont actuellement en instance
devant la haute assemblée et qu'il est indispensable d'en attendre les solutions pour connaître la position définitive du conseil d'Étatsur la question.
Il faut remarquer d'ailleurs que même ille caractère de nouvelle jurisprudence rêvaitêtre reconnu à cette décision, cette Jurisprudence, comme une loi nouvelle, ne sauraitavoir d'effet rétroactif et ne serait applicable,en ce qui concerne les retraités dont la pension a déjà été concédée, qu'à ceux des bénéficiaires qui ont formulé une réclamation parla voie administrative ou la voie contentieusedans le délai imparti par l'article 66 de laloi du 14 avril 1924.
Or, en application de la loi n° 48-1450 du20 septembre 1948 et du décret n» 48-1515 du9 octobre 1948, les majorations pour enfantssont affectées à compter du 1er janvier 1918,c'est-à-dire antérieurement à 1 interventionde l'arrêt de Saxcé, du même coefficient cehausse que le montant en principal de lapension.
Enfin, si les majorations pour enfantsétaient regardées comme faisant partie intégrante du montant en principal de la pensionelles devraient également, contrairement à làlégislation actuellement en vigueur, être soumises aux règles de cumul et à l'impôt sur lerevenu au même litre que la pension proprement dite.
Dans ces conditions, la pétition de M. Mahaut ne paraît pas justifiée.
Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de nia haute considération.
Pour le secrétaire d'État
et par autorisation:
Le directeur du cabinet,Signé : Illisible.
Pétition n° 12. — M. Jérôme Barrault,Saint-Clair par Moncontour (Vienne) demande une remise d'amende économique.
Cette pétition a été renvoyée, le 30 décembre 1949, sur le rapport de M. RobertLe Guyon, au nom de la commission- dusuffrage universel, du contrôle constitutionnel, du règlement et des pétitions, auministre des finances et des affaires économiques.
Réponse de M. le ministre des financeset des affaires économiques.
#
Paris, le 21 avril 1919.
Monsieur le président, .
Vous avez bien voulu me communiquer, le21 février 1949, une pétition en date du 15 décembre 1918, enregistrée sous le n° 12, parlaquelle M. Barrault (Jérôme), cultivateur àSaint-Clair (Vienne) sollicite la remise d'uneamende de 20.000 francs, infligée par le directeur du contrôle et des enquêtes économiquesdu département de la Vienne, pour infractionà la législation économique.
J'ai l'honneur de vous prier de bien vouloirtrouver ci-après les éléments de la réponsequ'appelle cette requête.
Aux termes d'jin procès-verbal dont il aété l'objet, le 4 octobre 1948, de la part dela gendarmerie de Moncontour (Vienne),M. Barrault a reconnu avoir vendu 6 quintaux d'orge à raison de 2.500 francs le quintal, au lieu de 1.955 francs, prix licite, et6 quintaux d'avoine à raison de 2.300 francsle quintal, au lieu de 1.840 francs, prix taxé,Pour sa défense, le délinquant a déclaré
que les acheteurs l'avaient assuré que lesprix des céréales secondaires étaient libres.Au surplus, il a prétendu ignorer les prixlicites.
Les infactions commises sont- constantes etjustifient l'application de la pénalité prononcée. Toutefois l'instruction d'une requête présentée à M. le Président de la République, quime l'a transmise pour attribution, a fait ressortir que le délin;uant, père de 3 enfantsmineurs, n'était installé comme fermier quedepuis peu de temps.four ces motifs, j'ai décidé de ramener à
10.000 francs l'amende infligée à M. Barrault.
Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.
Pour le secrétaire d'État
aux affaires économiques:
Le directeur du cabinet,Signé : Illisible.
Pétition n° 14. — Mme Hay-Baunot, àSaint-Aubin-de-Baubigné (Deux-Sèvres) ,demande une remise d'amende économi
que.
Cette pétition a été renvoyée, le 8 mars1949, sur le rapport de M., RaymondDronne, au nom de la commission du suffrage universel, du contrôle constitutionnel, du règlement et des pétitions, auministre des finances et des affaires économiques, qui l'a transmise à M. le ministre de la justice.
Réponse de M* le ministre de la justice.
Paris, le 12 juillet 1919.
, Monsieur le président,Par lettre en date du 8 juin 19-19, M. le mi
nistre des finances et des affaires économiques m'a adressé une pétition n° 14 deMme Hay, condamnée le 12 novembre 1918 parla cour d'appel de Poitiers, que vous aviezbien voulu lui iraijsmettre le 11 avril 1919.
J ai l'honneur de vous faire connaître quele recours en grâce de l'intéressée a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 6 ma#1949.
Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.
Pour le ministre:
te directeur du cabinet,Signé: Illisible.
Pétition n° 16. — Mme Morin, la Rivière-de-Mansac (Corrèze), demande que samère ne soit pas expulsée de la maisonqu'elle habite.
Cette pétition a été renvoyée, le 8 mars1949, sur le rapport de M. Robert- LeGuyon, au nom de la commission du suffrage universel, du contrôle constitutionnel, du règlement et des pétitions, auministre de la justice qui fa transmiseau ministre de 1 intérieur.
Réponse de M. le ministre de l'intérieur,
Paris; le 11 Juin 1919.
Monsieur le président,M. le garde des sceaux m'a transmis la pé
tition n° 16 de Mme Morin, demeurant à laRivière-de-Mansac (Corrèze), qui demande qu'ilsoit sursis à l'exécution d'un jugement prononçant l'expulsion de sg mère, Mme Brous-tard, de la maison qu'elle occupe à Teillots(Dordogne).J'ai l'honneur de vous faire connaître que
le préfet de la Dordogne n'a été saisi d'aucunedemande de concours de la force publiquepour l'expulsion de Mme Broustard et qu'iln'a pas eu à prendre de décision dans cetteaffaire.
Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.
Pour le ministre : •
Le directeur de la sûreté nationale,Signé: BERTAUT.
Pétition n° 17. — M. Fernand Rigaud,à Gueux (Marne), demande la restitutiond'une voiture réquisitionnée*Cette pétition a été renvoyée, le S mars
1949, sur le- rapport de M. Robert LeGuyon,- au nom de la commission du suffrage universel, du contrôle constitution-!nel, du règlement et des pétitions, auministre de la défense nationale.
Réponse de M. le ministre de la défense,nationale.
Paris, le 29 avril 1949.
Monsieur le président,Par lettre du 11 avril 1949, vous m'ave»
transmis la pétition n° 17, déposée parM. Fernand Rigaut, à Gueux (Marne), quiréclame la restitution d'un véhicule automobile réquisitionné par l'armée de l'air en 1945,en me demandant que satisfaction soit donnéà l'intéressé.
J'ai l'honneur de vous faire connaître quela voiture légère Citroën 17 BL numéro châssis118.557, numéro immatriculation actuel 8875Nil 6.et numéro minéralogique 4624 KJ 5,en service à l'atelier industriel de l'air, à.Clermont-Ferrand, est comprise sur la listedes véhicules à paraître au Journal officielpour restitution à leur propriétaire.M. Rigaut a été informé d'ailleurs personnel
lement, par les soins du secrétariat d'Étataux forces armées (air), que son véhiculelui serait restitué aussitôt parution au Journalofficiel de la liste sur laquelle il se trouve,c'est-à-dire dans un court délai.
Je vous prie d'agréer, monsieur le président,l'assurance de ma haute considération.
Pour le ministre de la défense national^et par ordre.
Le directeur adjoint du cabinet,Signé - Illisible
2676 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949
Pétition n° 18. — M. Salah Kedjtout.©, rue Clauzel, Bougie (Constantine)., demande un caïdat.
Cette pétition a été renvoyée le -8 mars1949 sur le rapport de M. Robert LeGuyon, au nom de la commission du suffrage universel, du contrôle constitutionnel, du règlement et des pétitions, auministère de l'intérieur.
Réponse de M. le ministre de l'intérieur.
.Paris, le 13 mai 1949.
Monsieur le président,
■Par lettre citée en référence, vous m'avez.adressé le texte d'une pétition adressée parM. Kedjtout Salah demandant soit sa nomination en qualité de caïd, .soit une concession.en Algérie.
Il résulte des recherches (entreprises dansles services intéressés ,que le .pétitionnairebien que mutilé de guerre 1914-1918 et amputé de la jambe droite, n'a jamais posé sa•candidature à l'emploi de caïd au titre desemplois réservés aux anciens militaires.
Toutefois, M. Kedjtout Salah avait été agréépour subir les épreuves du concours de caïdà titre civil qui a eu lieu le 5 octobre derniermais il ne .s'est pas présenté à la -sessionid'examen.
"Par ailleurs, 'M. Kedjtout Salah se plaintdans sa -requête de. ne -pas avoir encore obtenu la 'concession gratuite de terres qu'il asollicitée depuis de longues années.
A ce sujet, l'intéressé a été avisé par l'intermédiaire de M. le préfet de Constantineta la date du 26 août 1946 que la .situation<jetait telle qu'il y avait impossibilité matérielle4 ce qu'il pût obtenir satisfaction.
Signé: R. MARCEIXIN,
'Pétition n° 20. — M. Louis 'Pillault, Bonneuil-Matours (Vienne), demande uneexonération partielle du payement d'uneamende.
Cette pétition a été renvoyée le 8 mars!1949 sur le rapport de M. Robert LeGuyon, au nom de la commission du suffrage universel, du contrôle constitutionnel, du règlement et des pétitions, auministre des finances et des affaires économiques.
Réponse de M. le ministre des financeset des affaires économiques.
Paris, le 30 mai 1949.Monsieur ,1'e président,
Par lettre du 11 avril 1949, vous avez bienvoulu me transmettre une pétition deM. Louis Pillault, marchand de chevaux uiBonneuil-Matours (Vienne), qui sollicite l'exo-œération des sommées dont il reste redevableau titre de la confiscation des profits illicites.J'ai l'honneur de vous faire connaître que
par une décision rectificative du 26 novembre1947, le comité départemental a réduit trèssensiblement le montant de la confiscation et
annulé purement et simplement l'amendeprécédemment infligée à l'intéressé.A la suite de cette mesure bienveillante
•qu'il a acceptée, M. Pillault s'est désisté de;son recours formé devant le conseil supérieuret la décision rectificative du comité est ainsidevenue définitive.
J'ajoute que la procédure de remise gracieuse n'est pas applicable en matière de confiscation des profits illicites, mais que delarges délais de payement ont été accordésau redevable pour se libérer de la oonliscationtrès modérée laissée à. sa charge.
Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.
Putrle secrétaire d'État et par autorisation:Le directeur du cabinet,
Signé: illisible. ■
Pétition n°..21. — Mme Morlet, 148, rueLegendre, Paris (17°), demande des indemnités de dommages de guerre.Cette pétition a été renvoyée. le 8 mars
1949, sur le.rapport de M. RaymondDronne au nom,de la commission du suffrage universel, du contrôle constitutionnel, du règlement et des pétitions au ministre de la reconstruction et de "l'urbanisme.
Réponse de M. le ministrede la reconstruction et de l'urbanisme.
Paris, le 19 mai 1949.
•Monsieur le président,
J'ai l'honneur de vous retourner, ci-joint, lapétition n° 21, émanant de Mme Morlet, demeurant 148, rue Legendre, à Paris, et sinistrée .à Tilloy-Bellay.
■Plusieurs enquêtes ont -été effectuées, ausujet de cette affaire, à la demande de mondélégué départemental de Ch-âlons-sur-Marne.Elles ont permis d'établir que Mme Morletavait fourni des renseignements inexacts ence qui concerne 'l'origine -des dégâts causésà sa ferme. Par ailleurs, et surtout, la commission locale des dommages . de guerre «estimé que la liste des meubles pillés, déposée par Mme Morlet à l'appui de sa demandeétait nettement exagérée.J'ai invité, en conséquence, mon délégué
départemental à transmettrf le dossier au procureur de la République, , seul compétent pourapprécier si Mme Morlet tombe sous le coupde l'article 72 de la loi du 28 octobre 1946,qui réprime les fausses déclarations. Monadministration étant actuellement désusie de
ce dossier, Mme Morlet a donc intérêt à soumettre directement au procureur de la République tous les documents qui lui paraissentde nature à démontrer sa bonne foi. Dès quele procureur m'aura fait connaître sa décision, l'étude du dossier sera reprise sur leplan administratif.
Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.
Pour le ministre et par délégation,
Le maître des requêtes au conseil d'État,directeur du cabinet,Signé: R. BOPDAZ
'Pétition n° 22. — M. Ernest Kern 2, ruede la Vantzenaù, à Strasbourg - Rofoertsaù(Bas-Rhin), demande la libération de sonfils.
Cette pétition a été renvoyée le 8 mars1949, sur le rapport de M. Robert Le Guyon,au nom de la commission du suffrage universel, du contrôle constitutionnel, du règlement et des pétitions, au ministre deia défense nationale.
Réponse de M. .le ministrede la défense nationale.
.Paris, le 23 mai 1949.
Monsieur le président,
Par lettre du 11 avril 1919, vous avez bienvoulu me transmettre la pétition de M. Kern,classée au rôle général sous le n° 22.J'ai l'honneur de vous faire connaître que
la demande de M. Kern n'est pas susceptiblede recevoir satisfaction.
Le fils de ce dernier ne rentre dans aucunedes catégories de jeunes gens pour lesquels laloi prévoit des allégements aux obligations militaires, car la qualité de soutien de famille.elle-même, n'est pas -suffisante pour justifierde tels allégements, et ce militaire ne bénéficie même pas de cette qualité.
'Par ailleurs, ce jeune appelé a déjà bénéficié d'une mesure de faveur en raison de sasituation de famille, et à ce titre, a été incorporé à proximité de son domicilg. . ' '
M. Kern a été avisé personnellement par lessoins de' M. le secrétaire aux forces armées(guerre)" dé' la suite pouvant 'être donnée à s«requête... . .Veuillez. .agréer, monsieur le président, tfa*
surance de ma haute considération,• ■ : "Pour le ministre de la défense national»
et par ordre :
Le directeur adjoint du cabinettSigné: Illisible.
Pétition n° 23. — Mme Collery, 10, ru^Sainte-Suzanne, à Liesse (Aisne), demandaà obtenir un secours.
Cette pétition a été renvoyée le 13 avril1949, sur le rapport de M.. Robert Le Guyon,au nom de la commission du suHrageuni-versel, du contrôle constitutionnel, du règlement et des pétitions, au ministre de 1$santé publique et de la population.
Réponse de M. le ministre de la santépublique et de la population.
Paris, le 26 juillet 1949,
Monsieur le président,
Par votre communication citée en référence,vous avez bien voulu me transmettre le dossier d'une pétition qui vous a »é té adresséepar Mme Collery, demeurant 10, rue Sainte-Suzanne, à Liesse (Aisne).L'intéressée, -âgée de 84 ans .et dépourvu®
de ressources, désirerait, étant déjà titulairede l'allocation temporaire aux vieux instituéepair la loi du 13 septembre 1946, obtenir lebénéfice d'une autre forme d'entr'aide .sociale.
J'ai l'honneur de vous faire connaître quej'ai saisi de cette requête M. le préfet del'Aisne en -lui demandant d'examiner avecbienveillance la - possibilité d'admettre cettepostulante au bénéfice de l'assistance auxvieillards, infirmes et incurables dont les allocations peuvent, en vertu des dispositionsde la loi du 12 mars 1949, se cumuler avecl'allocation temporaire aux vieux.
Le ministre,Signé : .PIERRE SCHNEITER.
QUESTIONS ,ORAREMISES A LA PRÉSIDENCE
DU CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUELE ;8 DÉCEMBRE 1919
Application des articles 84 à 66 du règlement, ainsi conçus:-« Art. 84. — Tout sénateur' qui désire poserune question orale au Gouvernement en remetle texte au président du Conseil de la République, qui le communique au Gouvernement.
« Les questions orales doivent être sommairement rédigées et ne contenir aucune imputation d'ordre personnel à l'égard de tiersnommément désignés ; sous réserve de ce quiest dit à l'article 67 ci-dessous, elles ne peuvent être posées que par un seul sénateur,
* Les questions orales sont inscrites sur -unroie spécial au fur et à mesure de leur dépôt.
« Art. 85. — Le Conseil de la Républiqueréserve, chaque mois, une séance pour lesquestions orales posées par application del'article 84. En outre, cinq d'entre elles sontinscrites, d'office, et dans l'ordre de leur inscription au rôle , en tête de l'ordre du jour dechaque mardi.
* Ne peuvent être inscrites d l'ordre du jourd'une séance que les questions déposées huitjours au moins avant £ette séance.
« Art. 86. — Le. président appelle les questions dans l'ordre de leur inscription au rôle.Après en avoir rappelé les termes, H donne lamrolé au piinisfrg, . .
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2677
« L'auteur de la question, ou l'un de ses rot-lègue désigné par lui pour le suppléer, peutseul répondre au ministre ; il doit limiter strictement ses explications au cadre fixé par letexte de sa question, ces explications ne peuvent excéder cinq minutes« Si l'auteur de la question ou son suppléant
est absent lorsqu'elle est appelée en séancepublique, la question est reportée d'of/ice i lasuite du rôle.
« si te ministre intéressé est absent, laquestion est reportée à l'ordre du jour de laplus prochaine séance au cours de laquelledoivent être appelées des questions orales.
94.- 8 décembre 1919. — M Albert Denversdemande à M. le sous-secrétaire d'État à lamarine marchande: 1» comment il envisagede sauvegarder les intérêts des pêches maritimes dans le cadre des accords économiquesde l'O. E. C. E., à propos de la liberté deséchanges; 2° s'il enlend pouvoir mesurer leseffets de la suppression des contingentementssur l'avenir de l'armement à la pêche commesur celui de l'industrie des pêches maritimes:3° s'il estime devoir, pour la protection qu'ildoit aux travailleurs de la mer dans l'exercice de leur profession et à toutes nos populations maritimes, maintenir ou aménager lesdroits de douanes qui frappent aujourd'huicertaines espèces du poisson importé.
QUESTIONS ÉCRITES- REMISES A LA PRÉSIDENCE
DU CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUELE 8 DÉCEMBRE 1949
Application des articles 82 et 83 du règlement ainsi conçus:
« Art. 82. — Tout sénateur qui désire poserune question écrite au Gouvernement en remet le texte au président du Conseil de la République, qui le communique au Gouverne-ment.
« Les questions écrites doivent être sommairement rédigées et ne contenir aucuneimputation d'ordre personnel à l'égard detiers nommément désignés; elles ne peuventêtre posées que par un seul sénateur et à unseul ministre.o
« Art. 83. — Les questions écrites sont publiées à la suite du compte rendu in extenso;dans le mois qui suit cette publication, lesréponses des ministres doivent également yÊtre publiées.
« Les ministres ont toutefois la faculté detàéclarer par écrit que l'intérêt public l<\irinterdit de répondre on, fi titre exceptionnel,qu'ils réclament un délai supplémentaire pourrassembler les éléments de leur réponse; cedélai supplémentaire ne peut excéder unmois.
. « Toute question écrite à laquelle il n'a pasrépondu dans les délais prévus ci-dessus estconvertie en question orale si son auteur ledemande. Elle prend rang au rôle des questions orales à ta date de cette demande lieconversion. »
ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMESDE LA GUERRE
1220. — 9 décembre 1919. — M. JosephLasalarié demande à M. le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre:d° s'il existe un fonds spécial pour la rééducation des mutilés de guerre; 2° par qui etcomment est alimenté ce fonds;' 3° quel estl'organisme qui paye le montant des journéesde rééducation des mutilés de guerre dansles écoles de rééducation professionnelle.
DEFENSE NATIONALE
1221. — 8 décembre 1919. — M. Albert Lamarque demande à Ml le ministre de la défense nationale pour quelle raisons la liquidation des pensions de l'armée et de la marine nécessite des délais aussi longs, variantde dix à douze mois et même plusieurs an
nées; signale: 1® que les intéressés attendentquelquefois six ou huit longs mois avant depercevoir leur titre d'allocation d'attente; 2°que ceux qui sont liquidés après deux ou troisans d'attente, ne perçoivent que la pensionancienne sans la péréquation, ce qui obligerales services liquidateurs à reprendre encoreune fois ces dossiers pour opérer les nouveauxcalculs; et demande quelles mesures ilcompte prendre pour M ter la liquidation deces pensions afin d'éviter une véritable misèrechez les intéressés de grades inférieurs.
| 1222. — 8 décembre 1919. — M. Albert Lamarque demande à M. le ministre de la dé
• lense nationale combien il existe d'officiersgénéraux ou assimilés dans l'armée de terre,de l'air et de la marine par spécialité et quelest également le nombre de colonels, de capitaines de vaisseaux ou de grades assimilésdans l'armée de terre, de l'air et de la marine par spécialité.
MARINE
1223. — 8 décembre 1919. — M. Albert Lamarque demande à M* le secrétaire d'État auxforces armées (marine): 1» quelles sont sesintentions au sujet de la note 1872/2 qui luia été adressée le 1er juillet 1948 (directioncentrale des travaux immobiliers et maritimes par la direction des travaux maritimes dela 3« région) ; 2° ivant d'engager des dépenses aussi considérables se chiffrant par desdizaines de milliards, lui demande si l'opportunité d'une telle dépense est vraiment nécessaire pour la défense nationale, la sécuritéde la nouvelle usine à construire étant desplus aléatoire et illusoire avec l'utilisation desarmes nouvelles; 3° après examen attentif duparagraphe précédent lui demande s'il n'y apas lieu de rejeter purement et simplementun tel projet afin d'épargner les finances del'État et de permettre aux particuliers de percevoir leurs dommages de guerre, de reconstruire et de cultiver leurs terres; 4° d'envisa-'ger les ordres nécessaires pour que les dépenses engagées (levées de plans, déplacement de personnel, établissement de dossiers;cessent immédiatement; 5° de prévenir leM.R.U. que le projet est sans suite et qu'ilconvient de payer sans retard les dommagesde guerre aux propriétaires sinistrés de cettezone en leur donnant le droit de disposer entoute liberté de leurs biens.
ÉDUCATION NATIONALE
1224. — 8 décembre 1949. — M. Fernand Auberger demande à M. le ministre de l'éducation nationale: 1» la référence des textes législatifs qui autorisent la Société des auteurset compositeurs à percevoir les droits d'auteur à l'occasion de manifestations dont leprogramme comporte l'exécution de morceauxde musique, de chants, de pièces de théâtre,etc...; 2° la référence des textes officiels quifixent le barème que doit appliquer laditesociété; 3° si des conditions particulières sontprévues en faveur des groupements de bienfaisance et des communes; 4° si la gestion dela Société des auteurs et compositeurs, ainsique l'utilisation des fonds qu'elle recueillesont soumis au contrôle des organismes officiels.
1225. — 8 décembre 1949. — M. Camille* Héline demande à M. le ministre de l'éducation nationale les motifs du retard apportéà la publication des échelles de traitementsde l'intendance et de l'économat, et quellesmesures il compte prendre pour hâter laparution des statuts de ces fonctionnaires.
1226. — 8 décembre 1949. — M. Albert Lamarque demande à M. le ministre de l'éducation nationale pour quelles raisons le décret du 6 juin 1946, n® 46-1358, limite l'admission de certains postulants dans les écolesnormales À l'âge de 25 ans, sans tenircompte des services militaires ou de la résistance, alors que dans toutes les autres admi
nistration la limite d'age est reculée d'unedurée égale aux services militaires ou de larésistance; et demande quelles mesures pourraient être prises pour rétablir les droits deces jeunes gens lésés par l'application dudécret précité qui paraît incomplet.
Enseignement technique.
1227. — 8 décembre 1919. — M. Paul Sym»phor expose à M. le secrétaire d'État à l'enseignement technique, à la jeunesse et auxsports qu'en réponse à une question oralesans débat de Mme Devaud, M. le secrétaired'État a précisé à la séance du 6 décembre:« que les associations sportives des deux départements des Antilles et de la Guyane sontsubventionnées comme des associations deidépartements métropolitains; qu'elles perçoivent des crédits de fonctionnement d'une pari
-et d'autre part des crédits pour certainesépreuves de masses »; et demande: 1° lemontant des subventions accordées à chacundes départements d'outre-mer pour les années 1948 et 1949 soit pour leur fonctionnement, soit pour épreuves de masses; 2° lemontant global des subventions attribuéesau cours de ces mêmes années à l'ensemble des départements métropolitains à cesdeux titres; 3® les mesures qu'il comptaprendre pour que la construction « de plateaux scolaires de terrains d'entraînement
et de gymnases » soit effectivement entreprisedès le début de 1950 dans les conditionsoù ils l'ont été cette année sur le territoiremétropolitain où, selon les propres déclarations de M. le secrétaire dEtat, un créditde 2 milliards de francs a été utilisé *cet effet.
Finances et affaires économiques.
1228. — 8 décembre 1949. — M. Emile Claparède rappelle à M. le ministre des financeset des affaires économiques que la loi du5 juillet 1949 ;art. 29) permet l'utilisation detitres de l'emprunt libératoire, de prélèvement exceptionnel pour la libération ftl'augmentation du capital social des coopératives agricoles; et demande, en raison desdifficultés financières éprouvées par les vignerons pour effectuer des versements importants de ce genre, à quelle date il compteprendre, après quatre mois, le décret d'application de la loi précitée.
1229. — 8 décembre 1919. — M. Albert Lamarque expose à M. le ministre des financeset des affaires économiques qu'un fonctionnaire en retraite — ayant repris du servicedans une administration de l'État — a étéi'objet, de la part du Trésor, d'une retenue*assez élevée sur les arrérages de sa pension,bien qu'il fût en congé de maladie, et demande si ces prélèvements sont réguliers; etremarque que la réglementation relative aucumul ne semble s'appliquer qu'aux traitements d'activité et qu'en l'occurence l'intéressé n'a jamais été en possession d'un ordrede reversement, ni "d'un titre de créanceayant pu lui permettre de se pourvoir devantla juridiction compétente.
1230. — 8 décembre 1919. — M. Georges Lamousse expose à M. le ministre des financeset des affaires économiques que le paragraphe III de l'article 36 de la loi n° 48-1150du 20 septembre 1918 portant réforme du régime des pensions civiles et militaires estainsi libellé « le conjoint survivant d'unefemme fonctionnaire peut prétendre à unepension égale à 50 p. 100 de la pension d'ancienneté ou proportionnelle obtenue par elleou qu'elle aurait obtenue le jour de son décès... » permettant ainsi sous certaines conditions la revision de la pension de la femmefonctionnaire au bénéfice du conjoint survivant; et lui demande si cette disposition a uncaractère rétroactif et si en particulier le conjoint survivant d'une femme fonctionnaire décédée le lor novembre 1940, remplissant parailleurs les conditions requises, peut bénéfi cier des dispositions de la loi du 20 septembre1918 .(«rt. 36, $ III).
2678 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1959
1231. — 8 décembre 1949. — M. MarcelLéger signale à M. le ministre des financeset des affaires économiques que de nombreuxsinistrés occupant des construc tions provisoires sont encore invitas par l'administrationà souscrire un engagement prévoyant le payement rétroactif d'un loyer; et demande quanddes instructions seront données aux servicesintéressés leur précisant que, conformémentaux engagements pris par M. le ministre dela reconstruction et de l'urbanisme au nom
du Gouvernement, aucun loyer n'est à percevoir antérieurement au 1« janvier 1949.
1232,. — 8 décembre 1949. — Mme JaneVialle demande à M. le ministre des financeset des affaires économiques: 1° à quelles formalités sont soumises les sociétés nationalisées pour acquérir des immeubles, passer desbaux à long terme et transformer des locauxà usage d'hôtel en locaux commerciaux; 2° siles mêmes formalités sont imposées aux sociétés immobilières dont les sociétés nationalisées possèdent la majorité des actions.
FRANCE D'OUTRE-MER
1233. — 8 décembre 1919. — M. Luc Durand-Reville demande à M. le ministre de la Franced'outre-mer les suites que le Gouvernementenvisage de donner aux résolutions votéespar le Conseil de la République dans sesséances du 20 juillet 1919 et du 24 novembre 1919, et tendant à l'inviter à attribuer lacroix de la Légion d'honneur aux villes deDouala, Fort-Lamy, Brazzaville, Bangui et Libreville, en raison de» leur action en face dela défaite et à l'armistice de juin 1910.
1234. — 8 décembre 1919. — M. Gaston Lagarrosse demande à M. le ministre de laFrance d'outre-mer: A) quelle est la situationde la caisse de soutien du cacao à la fin de
la campagne 1913-1919, en francs C. F. A.;B) quel est le montant des recettes par campagne depuis sa création; C) quel est le montant des dépenses, également par campagne:4" dépenses pour travaux exécutés au bénéfice des planteurs de cacao; 2" dépenses. déterminées par pertes sur ventes: a) ventessur l'étranger, b) ventes sur la métropole,c) conséquences de la dévaluation; D) quellessommes ipeuvent espérer récupérer les planteurs de cacao après ces différentes opérations, au titre « -fonds de soutien » but initial de ladite caisse lors de sa création.
RECONSTRUCTION ET URBANISME
1235. — 3 décembre 1919. — M. Albert Denvers expose à M. le ministre de la reconstruction et de l'urbanisme qu'un conseil municipal, répondant en cela au désir général de lapopulation, a rejeté le projet du plan d'aménagement et d'extension présenté par les services du M. R. U.; que le commissaire enquêteur a estimé dans son rapport que les réclamations formulées à l'enquête mériteraientd'être examinées avec la plus sérieuse atten-
' lion en vue de rendre le plan acceptable; quela chambre de commerce a, de son côté, confirmé certaines positions prises par rassemblée communale; que malgré toutes ces données et tous ces avis, le délégué départemental à la reconstruction invite l'assemblée com-
. munale à délibérer sur le schéma de prise en' charge des dépenses et continue l'instruction
de l'affaire tout comme si le conseil munici
pal n'existait pas; ct lui demande: 1° parf quelle autorité sera tranché le dilférend entre
la municipalité et le M. R. U., l'un et l'autrerestant sur leur position; 2° si, dans l'état actuel de l'instruction du projet d'aménagement,non encore déclaré d'utilité publique, les services du M. R. U. peuvent délivrer à certainsadministrés, de la commune des permis debâtir; 3° s'il conçoit que dans le cas dont ils'agit, l'arbitrage doit être rendu par le ministre de la reconstruction et si, dans l'affirmative, il ne pense pas qu'il ferait office dejuge et partie, en raison même des positionsdéfendues, en l'occurrence devant le conseilmunicipal, par les services départementaux dela reconstruction,
1236. — 8 décembre 1949. — M. Albert Lamarque expose à M. le ministre de la reconstruction et de l'urbanisme l'intérêt qu'il yaurait à décider en bloc la main levée deshypothèques qui avaient été prises par sesservices sur les immeubles ayant bénéficiédes travaux d'office; signale que ces hypothèques qui ne sont plus obligatoires gênentconsidéraèlerment de nombreux sinistrés quidoivent se soumettre à des démarches trèslongues pour obtenir cette main levée, d'oùperte de temps et paperasserie inutile; et demande quelles mesures seront prises pourdonner satisfaction à sa requête.
POSTES, TÉLÉGRAPHES, TELEPHONES
1237. — 8 décembre 1919. — M. Paul Robert
signale à M. la ministre des postes, télégraphes et téléphones le cas particulier dessalariés du secteur privé utilisés occasionnellement dans ses services pour le remplacement des agents de la distribution et qui nebénéficient pas des prestations familiales duchef de leurs activités administratives parsuite de l'insuffisance de leur situation, et luisouligne l'injustice dont sont victimes cesauxiliaires en vertu des dispositions du décretdu 21 avril 1918 complété par l'arrêté du6 août 1918, et lui demande s'il n'envisagepas la possibilité d'une réglementation nouvelle qui ne lèse pas d'une façon aussi flagrante les intérêts légitimes de cette catégoriede travailleurs.
TRAVAIL ET SÉCURITÉ SOCIALE
1238. — 8 décembre 1949. — M. Paul Giauque demande à M. le ministre du travaH etde la sécurité sociale quel est le régime dosécurité sociale auquel doit être assujettiela catégorie des sténodactvlographes bénéficiant d'une rémunération horaire et travailint au service de plusieurs employeurs; si
•t-ile peut se voir accorder le bénéfice du régime spécial- applicable dans les villes demoins de 100.000 habitants, aux gens de maison (couturières, blanchisseuses", etc.) travaillant à l'heure ou à. la journée, chez plusieurs employeurs, auxquels autorisation estdonnée de percevoir eux-mêmes la cotisationpatronale et d'en effectuer le versement à lacaisse de sécurité sociale.
1239. — 8 décembre 1959. — M. Albert Lamarque demande à M. le ministre du travail et de la sécurité sociale: 1° si deuxconjoints, tous deux retraités d'une administration de l'État, doivent obligatoirementcotiser à la sécurité sociale ou si le chef de
famille doit seul payer ses cotisations puisque, comme tous les autres assujettis, safemme bénéficie légalement des prestationsde la sécurité sociale; 2° si, le chef de familleétant encore en fonction, et ses cotisationsétant retenues sur ses émoluments, sa femmeretraitée doit aussi payer ses cotisations ;3® si oui, dans les deux cas, la femme estlésée vis-à-vis des autres citoyens dont lafemme n'a exercé aucune fonction ou aucunemploi.
TRAVAUX PUBLICS, TRANSPORTSET TOURISME
Marine marchande.
1240. — 8 décembre 1949. — M. Albert Lamarque expose à M. le sous-secrétaire d'Étatà la marine marchande l'intérêt évident pourles pêcheurs de percevoir trimestriellementles redevances sur les rôles de pêche; signaleque la grande majorité des pêcheurs ne peu- .vent, en effet, payer une somme aussi importante semestriellement; que la manièrenouvelle d'opérer aurait le grand avantagede faciliter la trésorerie d'une catégorie intéressante des travailleurs de la mer qui contribue pour une large part au ravitaillementgénéral du pays; et demande de lui indiquerà partir de quelle date il serait en mesure dedonner satisfaction à cette juste doléance.
RÉPONSES DES MINISTRESAUX QUESTIONS ÉCRITES
PRÉSIDENCE DU CONSEIL
Fonction publique.
1102. — M. Jules Pouget demande à M. lesecrétaire d'£tat à ta fonction publique et laréforme administrative: 1° si, à l'occasion dela refonte d'un corps administratif métropolitain Le nouveau statut envisagé peut imposeraux fonctionnaires de ce corps, en mémotemps qu'une sélection à 10 p. 100 lors del'intégration, -l'obligation de servir dans lesterritoires et départements d'outre-mer sansu'une amélioration générale des anciens in-ices, fixés avant réforme, soit prévue;
2° quels seraient, d'après les normes £è UJonction publique, et en pourcentage, leseffectifs idéaux à affecter à chaque classepour permettre un avancement normal, dansun corps administratif de catégorie A quicomprendrait: c) une classe fonctionnelle àdeux échelons; b) trois classes comportantrespectivement trois échelons, quatre échelons, cinq échelons et un écnelon de stage,l'avancement moyen iirévu étant attribué ideux ans, l'avancement minimum à un anet demi et la durée du stage d'un an; 3° si, à-l'occasion de la refonte dudit corps, il estpossible d'insérer des dispositions telles queles fonctionnaires non intégrés, sans avoirdémérité, verraient les avantages de carrièreréduits par suppression du grade supérieur etaggravation considérable des possibilitésd'avancement. (Question du 15 novembre1919.) ■
Réponse. - lo La revision des statuts particuliers effectuée en application- de l'article 141 de la loi du 19 octobre 1916, peutéventuellement, si l'administration le jugeindispensable, donner lieu à la création d«corps nouveaux mieux adaptés par leur niveau de recrutement aux tâches incombantaux fonctionnaires qui en feront partie. Toutefois, les agents appartenant à certains cadres existants du département intéressé,peuvent éventuellement être appelés à bénéficier des dispositions transitoires exceptionnellement favorables, les dispensant des conditions normales d'accès aux corps ainsicréés (concours ou examens professionnels,diplômes, etc...) mais exigeant, en contrepartie, un pourcentage maximum d'intégration variable d'ailleurs en fonction des situations particulières (donc inférieur, égal ousupérieur suivant les cas aux 70 p. lOu mentionnés dans la question). L'administrationest seule juge des nécessités du service quipeuvent rendre indispensable une affectationoutre-mer. Toute- transformation d'emploispeut donner lieu à une revision des indicesattribués au corps primitif. 11 est d'ailleurspossible que les modifications ainsi intervenues soient de faible ampleur ou que mêmeles sommets de carrière demeurent inchangés ; 2» le problème d'un pyramide idéale vi-lable pour un corps de la catégorie A ne peutêtre résolu m abstracto. Le niveau de qualification des agents qui en feront partie, l'existence ou l'absence de débouchés, les effectifsglobaux et la durée moyenne d'une carrièrenormale permettront, dans chaque cas, dedéterminer 1« répartition des agents A l'intérieur des différents grades. 3» il ne faut pasoublier que l'article 5 du statut générai aposé le principe que « le fonctionnaire estvis-à-vis de l'administration, dans une situation statutaire et réglementaire ». L'administration peut donc, à tout moment, si elle lejuge nécessaire, en vue d'un bon fonctionnement des services, modifier le déroulementdes carrières prévues dans un texte statutaire ,antérieur. Elle peut même, si elle estime quele niveau de qualification de certains cadresn'est plus en rapport avec la nature destâches à elle imparties, envisager la créationde corps nouveaux sans qu'aucune intégration de fonctionnaires des cadres existants nepuisse y être opérée. Dans cette hypothèse,ces derniers n aintenus dans un cadre d'extinction, peuvent conserver lé bénéfice de leurancien statut; au fur et à mesure de leurdépart, ils sont remplacés par les agents dunouveau corps.
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2679
FINANCES ET AFFAIRES ÉCONOMIQUES
647. — M. Paul Driant demande à M. le minrstre des finances et des affaires économiquessi un immeuble ayant lait l'objet d'une spoliation qui représente elle-même un dommage de-guerre lait l'objet d'une prolongation de la période d'exonération d'impôts fonciers au mêmetitre qu'un immeuble sinistré et pour une durée égale à celle pendant laquelle il a étéinutilisable par son propriétaire; précise queCette question fait suite à la question écriteposée à M. le ministre des finances parM. Jaouen, sénateur du Finistère, sous len° 51 et poux laquelle la réponse a été affirmative. (Question du 19 mai 1940.).Réponse. — Les exemptions fiscales de droit
étroit, la mesure à laquelle il est fait allusiondans la question ne peut être étendue à. descatégories d'immeubles autres que celle qui estexpressément visée par l'article 45 de la loi du31 décembre 1945 qui a édicté cette mesure.La question posée comporte, dès lors, une réponse négative. .
882. — M. Henri Cordier expose à M. le ministre des finances et des affaires économiquesles différences d'interprétation apportées parle contrôle dans l'imposition des tracteurs agricoles à la taxe des prestations et demande lesmodalités d'assiette de la taxe, et notammentau regard de la qualité du propriétaire (exploitant individuel, coopérative d'utilisation dematériel) de la force en C. V. (à la poulie ouà la traction) de l'adjonctiffn ou non d'uneremorque. (Question du 8 juillet 1949.).
Réponse.' — Les tracteurs agricoles.sont pas sibles de la taxe des prestations dès l'instantoù ils ne font pas corps avec un instrumentde culture — c'est-à-dire si, pouvant être séparés de cet instrument, ils ne forment pasavec lui une seule et même machine — sansqu'il y ait lieu de distinguer suivant qu'ilssont possédés par un exploitant individuel oupar une coopérative. La puissance en chevaux-vapeur A retenir pour le calcul de cette taxeest la puissance à la traction, à l'exclusionde la puissance plus élevée dite au frein ouà la poulie. Quant aux remorques atteléesaux tracteurs agricoles, elles sont égalementpassibles de la taxe des prestations, indépendamment de ces tracteurs, par application del'article 320 du code général des impôts directs.
985. — M. Robert Brizard demande à M. leministre des finances et des affaires économiques: 1° si sont englobées dans la revalorisation des rentes viagères, les rentes constituées par les anciens combattants auprès dequelques organismes spécialisés et habilitéspar le Gouvernement; 2° pourquoi avoirmaintenu l'impôt cédulaire sur les retraitesciviles des cadres, alors qu'il a été aboli pourtoutes les autres formes de profit. (Question(tu 4 octobre 1949.)
Réponse. — 1° La loi du 4 mai 1918 a majoré, sous certaines conditions, les rentes viagères constituées, antérieurement au 1er janvier 1946, auprès de la caisse nationale des retraites pour la vieillesse. La loi dû 9 juin 1918a étendu le bénéfice des majorations instituées par la loi précitée aux anciens combattants bénéficiaires de la loi du 4 août 1923qui se sont constituées- des rentes viagèresauprès des caisses autonomes mutualistes.Bénéficient donc de ces dispositions nouvelles, d'une part, les anciens combattants titulaires de la médaille interalliée ou de lacarte du combattant délivrée pour les opérations de la guerre 1914-1918 et d'autre part,les veuves, orphelins et ascendants de combattants morts pour la France au cours de laguerre précitée; 2° l'exonération de la taxeproportionnelle de l'impôt sur le revenu despersonnes physiques que l'article' 70 du décret du 9 décembre 1948 portant réforme fiscale prévoit h l'égard des traitements et salaires et des pensions de retraite est la contrepartie du versement forfaitaire de 5 ou de 3 p.cent effectué au Trésor par le débiteur deces traitements et salaires et de ces pensions.Ce régime, qui- est obligatoire en ce qui
concerne les traitements et salaires ainsi queles pensions de retraite payées par l'État etles collectivités publiques est également applicable, en vertu de l'article 70 susvisé du décret du 9 décembre lfliS et de l'article 1er dudécret du 1er mars 1949 aux pensions serviespar les caisses de retraite déterminées pararrêté du ministre des finances. C'est auxcaisses qu'il. appartient de demander l'autorisation d'effectuer le versement forfaitairede 3 p. 100. Lorsqu'elles ont usé de cettefaculté, les pensions dont elles assurent lepayement donnent lieu au versement forfaitaire et sont corrélativement exonérées dela taxe proportionnelle entre les mains desbénéficiaires, au même titre que les traitements et salaires et les pensions de retraiteservies par l'État et les collectivités publi ques.
986. — M. Roger Carcassonne demande aM. le ministre des finances et des affaireséconomiques si un fonctionnaire réintégréconformément aux dispositions de l'ordonnance du 29 novembre 1911 peut, pour permettre l'application de l'article 8, paragraphe 3, alinéa a, de ladite ordonnance, tenircompte, dans sa déclaration sur l'honneur desrémunérations perçues, des charges exceptionnelles qui résultaient pour lui du fait quel'emploi occupé l'obligeait à des frais detransports quotidiens- importants. (Questiondu 18 octobre 1949.)
Réponse. — Une instruction générale du2 décembre 1914 a donné toutes les précisionsnécessaires à l'application de l'ordonnancedu 29 novembre 1944. S'agissant du pointparticulier évoqué par l'honorable parlementaire, il y a lieu de consulter le Journal officiel du 5 décembre 1944, page 1671, où setrouvent exposées les conditions dans lesquelles doivent être déduits les revenus professionnels acquis à un titre quelconque pendant la période d'éviction.
993. — M. Yves Esteve signale a M. le ministre des finances et des affaires économiques que, se basant sur une D.M.F. 1937,l'administration de l'enregistrement,, sur le vud'un acte oc prêt à moyen terme consentipar une caisse régionale de crédit agricolemutuel, prévoyant la constitution d'une garantie hypothécaire et autorisant la créationde billets à ordre en représentation de l'obligation, exige le droit proportionnel de 1 p. 11)0(antérieurement au 1« janvier 1949) au tarifmajoré de 5 p. 100 lorsque l'affectation hypothécaire n'est pas restreinte à l'obligationprincipale et s'applique par suite égalementaux effets souscrits en représentation duprêt, et demande le droit dû sous l'empirede la loi en vigueur au 7 juin 1947 sur untel acte d'obligation, et ajoute que, lorsqueles billets ont été destinés à être escomptéspar la caisse régionale à l'ordre de la caisselocale du lieu du prêt et que l'acte contenant l'affectation nypotbécaire a restreintcette dernière à la caisse régionale premièreprêteuse, les effets de l'affectation hypothécaire ne peuvent pas profiter à la caisse locale. (Question du 3 novembre 1949.)
Réponse. — Sous réserve d'un examen destermes de i'acte et des circonstances particulières de l'affaire le contrat de prêt viséci-dessus donnait ouverture au droit de i p.100 prévu par l'article 423 ancien du codeoe l'enregistrement, si le bénéfice de l'affectation hypothécaire était expressément réservé à la caisse régionale, première prêteuse, et au droit de 5 p. 100 édicté par l'article 424 ancien du même code, dans le cascontraire.
994. — M. Yves Estève signale à M. le ministre des finances et des affaires économiques que, sur un acte de vente d'immeublesinistré par faits de guerre, acte dressé en1947 sous la condition suspensive de l'autorisation du tribunal pour le transfert de l'indemnité. l'administration de l'enregistrementperçoit le droit fixe; que, sur l'acte de réalisation dressé en la même année 19Î7 arwès
autorisation du tribunal, le droit proportionnel de vente, seul, est perçu; et demandesi le droit dé quittance était exigible au moment de l'enregistrement de l'acte de réalisation, comportant lui-même quittance duprix. (Question du 3 novembre 1949.)Réponse. — Réponse affirmative,, observa
tion faite que le droit fixe perçu lors de l'en-renistrement ce l'acte conditionnel était imputable our le droit proportionnel de venterétroactivement exigible sur cet çcte.
. 1014. — M. Gabriel Tellier demande à M. leministre des finances et des affaires économiques si le service des contributions directesdoivent toujours être en possession d'un carnet do souches des titres de mouvement deblés, donV la dernière souche date de 1915.(Question du 4 octobre 1949.)Réponse■. — Aux termes de l'article 50 du
décret du 1™ Germinal an 13, l'administrationdes contributions indirectes est déchargée dela garde des registres des recettes antérieuresde trois années à l'année courante. En vuede permettre le plein contrôle de la cour descomptes, l'administration a précisé au serviceque ce délai de trois ans doit être calculéà partir du dernier arrêté sur chaque exercice.D'une manière générale, les titres de mouvement délivrés à l'occasion du transport decertaines marchandises garantissant l'impôtdont celles-ci sont frappées ou en attestentle payement. Ils peuvent, à ce titre, êtreconsidérés comme des registres de recetteset les délais de conservation susvisés leur sontapplicables. Par contre, tel n'est pas le casdes titres*de mouvement légitimant le transport des blés qui n'ont d'autre objet que depermettre le contrôle du marché des céréales.L'administration recommande cependant auservice de conserver les souches desdits registres dans la limite compatible avec la possibilité souvent très limitée de gardiennage.
1015. — M. Gabriel Tellier demande à M. laministre des finances et des affaires économiques si un artisan imprimeur (au sens del'article 23 du code général des impôts directs) serait susceptible de perdre cette qualité dès l'instant ou il deviendrait propriétaired'un comerce de librairie papeterie, dont leprofit et le chiffre d'affaires seraient supérieurs à celui de l'atelier d'imprimerie, quiserait installé à côté de cet atelier et quiserait tenu exclusivement par l'épouse decet artisan, mariée sous un régime de communauté de biens. (Question du 4 octobre1949.)
Réponse. — Question de fait à laquelle il nepourrait être utilement répondu que si, parl'indication du nom et de l'adresse du contribuable, l'administration était mise à mêmede faire procéder à une enquête sur le casparticulier.
FRANCE D'OUTRE-MER
T088. — M. Luc Durand-Réville demande &M. le ministre de la France d'outre-mer:1" s'il est exact que l'assemblée représentative du Cameroun ait décidé de prélever surle fonds de soutien du cacao des avances àattribuer: a) aux coopératives ou sociétésindigènes de production d'arachide, à concurrence de 5 millions de francs C. F. A. au mini
mum; b) pour la campagne de divers autresproduits du Cameroun a l'exclusion du cacao,a millions de francs C.F.A. également; cj pourla campagne de cacao elle-même, 15 millionsde francs C. F. A. à des coopératives adhérantà l'union des coopératives, 15 millions à descoopératives non affiliées à cette union, 1#millions k répartir entre les coopératives desrégions produisant moins de cacao que lesrégions grandes productrices; 2° si ces prélèvements entrent à son avis dans le cadredes utilisations prévues pour le fonds de soutien du cacao; 3° quel contrôle s'exercera surl'utilisation de ces avances et quel rythmea été prévu en vue de leur remboursement.(Question tlu 8 novembre 1949.) '
2680 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 19Ï9
Réponse. -r- Le département, à plusieursreprises, a donné au Cameroun des instructions très fermes pour que les fonds ducompte « soutien cacao » de ce territoiresoient utilisés uniquement dans l'intérêt desproducteurs de cacao. Il ne semble pas queces instructions aient été perdues de vue,mais, pour ce qui concerne les questions précises posées par M. Luc Durand-Réville, desrenseignements sont demandés au haut commissaire du Cameroun. Dés leur réception,ces renseignements seront communiqués àM. Durand-Réville.
INDUSTRIE ET COMMERCE
1157. — M. Francis Dassaud demande àM. le ministre de l'industrie et du commercequelles mesures il compte prendre pour hâter l'application de la loi n» 49-1017, modi-,liant l'article 156 a, du livre II du code dutravail fixant en journées la rémunérationdes délégués permanents de surface cans lesmines). (Question du 24 novembre 1919.)Réponse. — Comme il était spécifié par la
dernière phrase de l'article 156 a, du livre Hdu code du travail, dans la rédaction résultant de la loi n° 49-1047 du 2 août 1919, undécret portant réglementation d'administration publique était nécessaire pour fixer lesmesures d'application du dernier alinéa cecet article 156 a, lequel concernait spécialement la rémunération des délégués' de la surface. Ce décret vient de paraître au Journalofficiel du 23 novembre 1919 (décret n° 49-1500ou 19 novembre 1949) . Les nouvelles règles derémunération des délégués de la surface seront donc mises en vigueur immédiatement.
INTÉRIEUR
1089. — M. le ministre de l'intérieur faitconnaître à M. le président du Conseil de laRépublique qu'un délai lui est nécessairepour répondre à cette question écrite poséele 8 novembre 1919 par M- Claudius Delorme.
RECONSTRUCTION ET URBANISME
1045. — M. Jacques Delalande demande àM. le ministre de la reconstruction et del'urbanisme dans quelles conditions sont conciliables les dispositions de la loi du 1er septembre 1918 (articles 18 et 19) et celles del'ordonnance du 11 octobre 1945 et du décretdu 16 janvier 1947, en particulier si, à l'expiration de la durée légale de six mois prévue pour une réquisition d'immeubles, lepropriétaire a la possibilité d'exercer le droitde reprise, étant fait observer que, dans lanégative, le bénéficiaire de la réquisition aurait davantage de droits que l'occupant debonne foi maintenu dans les lieux. (Question du 4 novembre 1949.)
Réponse. — Aux termes d'une jurisprudence constante, il n'existe pas de lien dedroit entre le prestataire et le bénéficiaired'une réquisition. Il en résulte, notamment,sous réserve de l'appréciation souveraine destribunaux, quo les dispositions de la loi du1er septembre 1948, et en particulier celles relatives au maintien dans les lieux et au droitde reprise, ne sont pas applicables aux rapports entre prestataires et bénéficiaires de laréquisition. Toutefois, des instructions ont étéadressées par le ministère de la reconstructionet de 1 urbanisme pour que la situation desprestataires de réquisitions qui, s'ils étaient.propriétaires, auraient bénéficié d'un droit dereprise, fasse l'objet de la part des servicesadministratifs d'un examen particulièrementbienveillant. Par ailleurs, un projet de loin" 6895 déposé sur le bureau de l'Assembléenationale, prévoit l'octroi, à certains bénéficiaires da réquisitions et sous certaines réserves du droit, au maintien dans les lieux, cequi aura notamment pour effet de permettreaux prestataires, à titre de corollaire, d'exercer leur droit de reprise lorsqu'ils rempliront les conditions visées au chapitre IIde la loi du 1« septembre 1948.
1049. — M. Roger Menu expose i M. le ministre de la reconstruction et de l'urbanismeque le règlement sanitaire municipal, établipar le ministère de la reconstruction et del'urbanisme et reproduisant les dispositions dela loi du 15 février 1902 sur la santé publique,prescrit, dans son article 55, que: « Dans toutes les agglomérations ou parties d'agglomération desservies par une distribution d'eaupotable, toute habitation devra y être reliéepar un branchement suivi d'une canalisationqui mette cette eau a la portée de tous leshabitants de l'immeuble il tous les étages, àloulo heure du jour et de la nuit »; qu'ilsemble que l'obligation de raccordement, bienque non précisée, incombe au propriétaire del'immeuble ; que la loi du 1er septembre 1918sur les loyers a inséré, par ailleurs, dans sonarticle 72, une faculté pour le locataire deréaliser k ses frais, nonobstant l'opposition dupropriétaire, certaines installations reconnuesnécessaires, au premier rang desquelles figurecelle de l'eau; et demande si l'on doit logiquement en conclure que la loi permettantet réglementant l'initiative du locataire, ladéfaillance du propriétaire se trouve, par là-même, admise et consacrée; et demande' également de préciser si les obligations découlantdu règlement sanitaire sont ou non frappéesde caducité par la nouvelle législation. (Question du 3 novembre 1949.)
Réponse. — L'article 55 de la loi du 15 février 1902 et l'article 72 de la loi du 1« septembre 1918 ne sont pas contradictoires. Ilsont, en effet, tous deux pour objet de faciliter l'installation de l'eau dans les logementsct la loi du 1er septembre 1918, notamment,prévoit une procédure spéciale, particulièrement simple puisqu'elle permet au locatairede se substituer de plein droit au propriétairenégligent, tout en étant assuré que les travaux qu'il effectuera éventuellement lui seront remboursés par le propriétaire, au moinsen partie, s'il quitte les lieux avant dix-septans d'utilisation. Ainsi les deux textes peuvent parallèlement être mis en œuvre, le locataire disposant de la solution offerte par laloi du 1er septembre 1918 et l'administrationpouvant faire application des sanctions prévues 'par la loi du 15 février 1902.
1050. — M. Marcel Molle demande à M. leministre de la reconstruction et de l'urbanisme si des fonctionnaires de son ministèresont autorisés à se charger avec ou sans rétributions: 1° de l'établissement pour lecompte des particuliers de projets de travaux,devis, surveillance et règlement de travaux;2® de rétablissement pour le compte d'entreprises travaillait pour la.reconstruction desmémoires-comptes de travaux exécutés parces dernières. (Question du 3 novembre 1919.)
Réponse. — Le décret du 29 octobre 1936,tout en décidant la suppression des cumulsde retraites, de rémunérations quelconqueset de fonctions contraires à la bonne gestionadministrative et financière du pays, a déterminé les conditions dans lesquelles ilpourra être dérogé, à titre exceptionnel, auxrègles énoncées par ce texte, en laveur desfonctionnaires ou agents de l'État et des collectivités publiques. Aucune dérogation collective n'a été accordée, jusqu'ici, aux agents duministère de la reconstruction et de l'urba
nisme pour leur permettre d'effectuer il titreprivé, avec ou sans rétributions, pour lecompte de particuliers ou d'entreprises, destravaux dont le contrôle ou le règlement étaitde la compétence de cette administration. Ace jour, seuls certains agents permanents desservices extérieurs de la direction de l'aménagement du territoire (services départementaux de l'urbanisme et do l'habitation) ontpu, en vertu des dispositions de l'article 6 dudécret n> 45-2177 du 19 octobre 1945, modifié,être autorisés à effectuer, pour le compte del'État et des autres collectivités publiques, desétablissements publics et des concessionnaires de services publics qui en relèvent, lestravaux ressortissant à l'exercice de leur art,ainsi qu'à ^remplir les missions d'expertisequi leur sont confiées par les juridictions civiles ou administratives. Si des autorisationsindidividuelles ont été, par ailleurs, accordées
à d'autres catégories de techniciens pour exécuter certains travaux ressortissant à l'exercice do leur art, il n'en demeure pas moinsque les demandes visant des travaux personnels à accomplir pour le compte de particuliers sinistrés ou d'entreprises privées travaillant pour la reconstruction ont été systématiquement écartées. D'une manière générale, de pareilles dérogations n'ont été accordées que pour des travaux intéressant l'Étatet les collectivités publiques et établissementspublics ou concessionnaires qui en relèvent.
1051. — M. Jean Péridier demande à M. leministre de la reconstruction et de l'urbanisme si: 1® dans l'article 5 du décret n° 49-908 du 15 juin 1949, déterminant les prixmaxima au mètre carré des dépendances etdes- terrains de toute nature loués ou occupésaccessoirement aux locaux d'habitation (Journal officiel du 12 juillet 1949), l'absence d'indication des prix mensuels maxima pour cha*ciin -des quarante premiers mètres carrés desbalcons et terrasses d'autre part, impliqueque le propriétaire ne peut rien réclamer dèslors que les cours, jardins ou terrains ontune surface inférieure à 40 mètres carrés ettes balcons et terrasses à 20 mètres carrés,ou si elle signifie, au contraire, comme peutle laisser penser la rédaction du texte, queles quarante premiers mètres carrés dans lepremier cas, et les. vingt premiers mètres carrés dans le second', ne sont pas multipliés parun « prix mensuel maxima » et ne sont assujettis k aucune limitation de prix; 2® si leprix de location des armoires frigorifiques,machines à laver ou autres éléments d'équipement exceptionnel fournis par le propriétaire et situés à l'intérieur du local dont l'article 14 in fine du décret n° 48-1766 du 22 novembre 1948 (Journal officiel du 23 novembre)précise « qu'il fait obligatoirement l'objetd'une évaluation séparée » subit chaque semestre à compter du 1er juillet 1949 une augmentation égale au cinquième de son tauxprimitif. (Question du 3 novembre 1949.)
Réponse. — 1» Il résulte des dispositions del'article 5 du décret du 15 juin 1919 et del'exposé des motifs de ce texte, qu'il n'estdû aucun prix de loyer pour les quarantepremiers mèlres carrés des cours, jardins etterrains, ni pour les vingt premiers mètrescarrés des balcons et terrasses; 2° il apparaît, sous réserve de l'appréciation souverainedes tribunaux, que le prix de location d'éléments d'équipement exceptionnels fournis parle propriétaire et non visés au décret du 22 novembre 1948 est libre et doit faire l'objetd'une évaluation séparée qui n'a pas à figurer dans le décompte de la surface corrigée.Il en résulte, sous la même réserve, que cesprix ne subissent pas de plein droit les ma-orations visées par le décret du 10 décembre 1948 et qu'ils peuvent être modifiés àtoute époque, par accord entre bailleur etpreneur, sous le contrôle du juge.
TRAVAIL ET SÉCURITÉ SOCIALE
1059. — M. Jean Biatarana rappelle à M. leministre du travail et de la sécurité socialeque le précompte sur traitement, au titre dela sécurité sociale, est de 3 p. 100 pour lesemployés départementaux, alors qu'il n'estpas de 1,25 p. 100 pour les fonctionnaires del'État, et demande les raisons de celle différence et les moyens qu'il envisage de mettreen œuvre pour arriver à un régime identiquepour ces deux ordres de fonctionnaires.(Question du 3 novembre 1949.)
Réponse. — La différence signalée par l'honorable parlementaire entre le taux des allocations de sécurité sociale dues pour lecompte des employés départementaux et celui des .cotisations dues pour le compte desfonctionnaires de l'État résulte de ce que lesprestations servies sont elles-mêmes diffé-'rentes dans l'un et l'autre cas. En effet, lescaisses de sécurité sociale versent aux employés départementaux et à leurs ayants droitles prestations en espèces (indemnités journalières et allocations mensuelles) des assurances maladie, longue maladie et maternité,ainsi que le capital décès, tandis que ces
CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2681
Paris. — Imprimerie des làurnaux officiels, 31, quai YoltaIrç>,
mômes prestations sont servies par l'État ases fonctionnaires sans participation descaisses de sécurité sociale. Toutefois, l'article 82 du projet de loi n° 6366 portant statutdu personnel des communes et des établissements publics communaux prévoit l'extensionaux employés communaux du régime de sécurité sociale dont bénéficient les fonctionnaires de l'État et le ministère du travail etde la sécurité sociale ne. verrait que desavantages à ce que la même mesure soitprise en faveur des employés départementaux.
1069. — M. Bernard Lafay demande à M. leministre du travail et de la sécurité socialesi un médecin conventionné par un ministère pour assurer sans limite de temps uncontrôle ophtalmo-oto-rhino du personnel ettfont le salaire constitue la partie principalede ses revenus (certifié par le. contrôleur)peut, conformément: 1° aux dispositions del'article 2 de l'ordonnance du 19 octobre 1915,être inscrit à la sécurité sociale; 2° aux dispositions de la loi du 22 août 1946 (règlement d'administration publique du 10 décembre 1946), toucher les allocations familialespar les soins de l'administration qui. l'emploie. (Question du 3 novembre 1949.).
Réponse. — Les deux questions posées comportent une réponse affirmative. Les médecins rémunérés régulièrement par une administration sont assujettis obligatoirement enapplication de l'article 2 de l'ordonnance du19 octobre 1945 et donnent lieu au versementdes cotisations d'assurances sociales. ils bénéficient des .prestations familiales dans les conditions prévues par l'article 4. de la loi du28 août 1916.
1124. — M. Martial Brousse expose à M. leministre du travail et de la sécurité socialequ'un malade ayant dû séjourner à Nancypour subir un traitement par rayons, son médecin traitant l'a envoyé à l'hôpital Bon-Secours où on lui a demandé 1.400 francs parjour; que vu le prix élevé, il s'est logé dansun hôtel et a mangé au restaurant, ce qui luia coûté environ 500 francs par jour; que lacaisse de sécurité sociale refuse de rembour
ser ces dépenses, mais aurait accepté de luirembourser 80 p. 100 sur 1.400 francs, prixfixé par l'hôpital; et demande s'il n'y auraitpas lieu de récompenser un malade qui procure des économies aux caisses de sécurité
sociale au lieu de le pénaliser et si les règle
ments ne devraient pas être révisés en vuede permettre aux caisses de sécurité sociale aulieu de le pénaliser et si les règlements nedevraient pas' être révisés en vue de permet-lie aux caisses de faire des économies sensibles en encourageant les malades à recevoir des soins dans des conditions moins oné
reuses que ne le prévoient les règlements etcela au moment ou les plaintes contre le coûtélevé de la sécurité sociale se font de plus enplus vives. (Question du 15 novembre 1949.)
Réponse. — Conformément aux dispositionsdes articles 16 et 17 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 fixant le régime des assurances sociales applicable aux assurés des professionsnon agricoles, les assurés sont couverts deleurs frais d'hospitalisation dans les établissements de soins publics et légalement dans lesétablissements privés de cure et de prévention de toute nature, à la condition que cesderniers soient autorisés à dispenser des soinsaux assurés sociaux par une commission constituée à cet effet dans chaque région. Aucune-disposition légale ou réglementaire ne prévoitla prise en charge par les caisses de sécuritésociale des frais d'hébergement ô l'hôtel d'assurés qui reçoivent un traitement à l'hôpitalet aucune modification des textes n'est envisagée à ce sujet.
Top Related