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Séance 2 Dérégulation et crises

financières

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Plan de la séance

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I) Pourquoi la dérégulation financière? (néo-libéralisme, globalisation et financiarisation)

A) Un changement de paradigme économiqueB) Une grille de lecture sociologiqueC) Les premières applications politiques

II) Les mécanismes d’une crise financièreD) (Ir)rationalité individuelle et collective E) Entre euphorie et panique : le caractère cyclique des crises

III) Les effets politiques d’une crise financièreF) La mise en place d’un filet de sécuritéG) Les effets sur la prise de décisionH) Le rôle des idées lors d’une crise économique

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I. Pourquoi la dérégulation financière?

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A.1) Du paradigme keynésien au paradigme néo-classique• Comment expliquer

accroissement libre-circulation

des capitaux? Lien avec la

globalisation et la diffusion des

idées néo-classiques

• Qu’est-ce qu’un paradigme? Les

trois niveaux d’idées de P.Hall

(1993) et Kuhn (1970).

• La fin du Système de Bretton-

Woods (1971) et la stagflation

• Deux paradigmes opposés sur leur

vision des mécanismes

économiques et des politiques à

mettre en place.

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I. Pourquoi la dérégulation financière?

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A.2) Un paradoxe : le rôle de l’Etat dans la dérégulation.• L’application des idées néo-classiques : une profonde modification des structures

économiques et sociales.

• Le « consensus de Bruxelles- Francfort -Washington » (Fitoussi 2004) : réformes

structurelles (NAIRU) et restrictions budgétaires.

• L’abandon des politiques macro-économiques de l’Etat (Croissance présente contre

croissance future). A.3) La diffusion du modèle des banques centrales indépendantes.• Pas de consensus économique sur le bien-fondé des BCE

• Isomorphisme institutionnel coercitif (FMI) et normatif (McNamara 2002)

• Transition : « Les idées ne flottent pas librement dans l'air, elles résultent des expériences

des acteurs avec leur environnement et de leurs interactions et elles survivent à leur

implémentation dans les politiques publiques seulement si elles sont suffisamment

politiquement saillantes » (McNamara 1998, p.5)

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I. Pourquoi la dérégulation financière?

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B.1) Les « courtiers de l’international » (Dezalay 2004)• Comprendre les stratégies internationales par les positionnements nationaux.• Le double jeu : « investir dans l’international pour renforcer leurs positions dans le champ

du pouvoir national et, simultanément, faire valoir leur notoriété nationale pour se faire entendre sur la scène internationale » p.8

• Exemple : les stratégies d’internationalisation des notables du Foreign Policy Establishement pour se renforcer vis-à-vis du Midwest en dévalorisant leurs compétences locales. Imbrication des champs du savoir et du pouvoir (Ivy League, Washington, Wall Street).

• Ces stratégies viennent de la colonisation mais s’affranchissent des distinctions nationales : « Au lieu de s’affronter sous les drapeaux britannique, français ou allemand, les nouveaux missionnaires de la modernité préfèrent se regrouper sous des bannières comme le monétarisme, les droits de l’homme ou le développement durable » p.13

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I. Pourquoi la dérégulation financière?

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B.2) La construction d’une profession globale (Fourcade 2006)• Depuis la fin des années 1970, révolution et internationalisation des techniques de

gouvernement : du planning, de la production nationale et du contrôle des importations à

la privatisation, baisse des taxes et à la libéralisation du capital.• Connexion entre ces changements et le rôle des économistes comme agents de la

globalisation.• Trois facteurs pour expliquer l’institutionnalisation des sciences éco. de manière globale :• L’établissement d’une rhétorique universaliste dans la science éco (néo-classique)• La transformation de la connaissance économique en technologie de pouvoir politique et

bureaucratique (transfo. du rôle de l’Etat : les nations comme communautés économiques). Csq : conquête de portefeuilles pol.par les économistes.

• L’existence de liens transnationaux dominés par les U.S. (fondation, prix nobel, brain drain, insitutions internationales)

• Ex : Chicago School et boys.• Conséquence : diffusiond es économistes et reconstruction de la profession autour du

paradigme néo-classique.

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I. Pourquoi la dérégulation financière?

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C) Les premiers exemples politiques

• Reagan et Thatcher (Hall 1993)• Théories néo-classiques permettaient de critiquer les mesures du Labour (expansionnisme

fiscal)• Impopularité croissante des syndicats après 10 ans d’échec du néo-corporatisme• Mai 1979, ouverture d’une fenêtre d’opportunité pour la discussion sur les paradigmes

économiques (deuxième choc pétrolier).• Cristallisation du paradigme lors de la prise de pouvoir : monétaristes dans les cabinets

politiques et lignes directrices de la banque centrale changent.

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Transition

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De la dérégulation aux crises financières

• Reinhart et Rogoff (2009, p.156, p.205).

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Transition

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De la dérégulation aux crises financières

• Reinhart et Rogoff (2009, p.156, p.205).

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II. Les mécanismes d’une crise financière

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A1) L’hypothèse des marchés efficients

• Le domaine de la finance a pour objet le rapport des individus au temps (Orléan 2011). L'investisseur doit se projeter dans l’avenir afin d'anticiper les évolutions de valeur d’un actif financier.

• Un marché est alors efficient si le prix d'un titre est un bon estimateur de sa valeur intrinsèque. Tous les mouvements non-prévus affectant le marché boursier doivent avoir pour origine une information nouvelle par rapport à la valeur fondamentale.

• Selon cette hypothèse, les prix reflètent directement toute l'information connue et même des investisseurs non-informés qui achètent un portefeuille d'actions au hasard obtiendront un taux de retour aussi généreux que celui des experts

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II. Les mécanismes d’une crise financière

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A2) Les critiques envers l’hypothèse

• Distinction entre risque et incertitude (Knight 1921).• Intersubjectivité des participants aux marchés financiers et comportements moutonniers :

la spéculation importe plus que l’écart avec la valeur fondamentale de l’actif.• Citation de Keynes« La technique du placement [financier] peut être comparée à ces concours organisés par les journaux où les participants ont à choisir les six plus jolis visages parmi une centaine de photographies, le prix étant attribué à celui dont les préférences s'approchent le plus de la sélection moyenne opérée par l'ensemble des concurrents. Chaque concurrent doit donc choisir non les visages qu'il juge lui-même les plus jolis, mais ceux qu'il estime les plus propres à obtenir le suffrage des autres concurrents, lesquels examinent tous le problème sous le même angle. Il ne s'agit pas pour chacun de choisir les visages qui, autant qu'il peut en juger, sont réellement les plus jolis ni même ceux que l'opinion moyenne considérera réellement comme tels ». Keynes (1985, chap. 12, paragraphe 5)

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II. Les mécanismes d’une crise financière

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B) Un modèle général pour comprendre les crises financières.

• Human Minsky et son hypothèse de l’instabilité financière, qualifiée de systémique (1977)• En période d'expansion, l'abondance de liquidité permet une activité spéculative élevée et

favorise l'endettement des entreprises grâce à des prêts bancaires facilités. La montée de l'endettement inquiète progressivement les investisseurs qui demandent des taux d'intérêt de plus en plus élevés, ce qui provoque une récession. Alternance des cycles.

• A l’origine, un déplacement : il modifie de manière positive et signifiante les perspectives de croissance et de profit, enclenche une prophétie auto-réalisatrice, phénomène de « This time it’s different ». Entre 1996 et 2006, prix de l’immobilier américain : hausse de 92%, soit trois fois

• Puis panique « la musique s’arrête ».• Krach et mécanismes de contagion: effet domino et spirale des prix (amplifié par le

système Mark-to-market). • Kindleberger et Allibert (2005) observent ce cycle sur 400 ans. • Godechot (2005) : rotation de personnel amplifient les risques.• Transition : première crise financière au XVIIème siècle « crise des tulipes », apprentissage

du phénomène et mise en place de système de sauvegarde.

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III. Les effets politiques d’une crise financière

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A) La mise en place d’un filet de sécurité.

• En première « ligne » : les banques centrale et la notion de préteur en dernier ressort (Bagehot 1873), distinction problèmes de liquidité et de solvabilité.

• Le risque d’aléa moral et l’ambiguïté constructive• Les critiques de la doctrine : too big to fail (and condemn??), distinction

liquidité/solvabilité difficile à réaliser dans la finance moderne, quid des dettes souveraines?

• Deuxième ligne de sécurité : les Etats• Recapitalisations bancaires et plans de relances• L’interaction entre les crises bancaires et souveraines.• Conséquences sur les rapports de pouvoir entre acteurs : Fluctuation de la valeur des

ressources détenues par les acteurs. • « On s'attend à déceler dans des phénomènes de crise les « moments de vérité » par

excellence de ces sociétés, les moments où ses différentes composantes [...] offrent au regard de l'observateur les traits les plus « enfouis », leurs secrets, leurs faiblesses, mais aussi leurs ressources les plus insoupçonnées en un mot leurs « êtres profonds » (Dobry 1992 : 287) ».

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III. Les effets politiques d’une crise financière

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B) Les effets sur la prise de décision

• Allison et la crise des missiles de Cuba (1971) : critique de l’acteur rationnel basé sur la théorie des jeux, d’autres facteurs entrent en compte du fait de l’incertitude entourant la prise de décision:

• Nombre trop important ou trop restreint d’informations à traiter dans un délai court.• Focalisation des décideurs sur la première solution semblant offrir une issue satisfaisante

au problème ou sur les propositions qui offrent le plus de bénéfices à court terme, leur horizon temporel se rétrécissant en situation d'urgence.

• Importance du « charisme ».• Exemple du week-end du 9 mai 2010.

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III. Les effets politiques d’une crise financière

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B) Les effets sur la prise de décision

« Quand nous sommes arrivés le dimanche [9 mai 2010] à Bruxelles, il y avait un texte qui était un cadre pour toute la procédure et qui avait été préparé par l'EFC, et puis le ministre des finances allemand [Wolfgang Schäuble] a du être transporté à l'hôpital et tout s'est écroulé. J'étais assis à une rencontre séparée de l'EFC lors de la soirée de 7 à 9 heures du soir et les ministres écrivaient des emails et buvaient des bières. Nous essayions de mettre quelque chose en place et nous sommes revenus avec un texte différent qui a été refusé une fois de plus. Et il y a eu une autre pause, et durant ce temps là, Lagarde était au téléphone avec le G7 et un autre avec Strauss-Kahn et nous avons produit quelque chose d'autre. Notre ambition était de finir vers minuit car [la bourse de] Sydney allait ouvrir, et nous nous sommes dit tant pis pour Sydney, essayons pour Tokyo, et à la fin, c'est lors d'une de ces réunions séparées que la somme des 440 milliards a été décidée, mais aucun d'entre nous n'avait la moindre idée…la vérité était que nous ne savions pas de quoi nous parlions. 100 milliards? Et puis j'ai décidé qu'il fallait que je trouve un chiffre, je me suis dit 200 milliards est un bon chiffre, et puis j'ai pensé que j'allais mettre 400 car les Allemands diront que la moitié c'est assez, donc si je mets 400, j'aurai 200 et ca sera assez. Et puis nous avions le European Financial Stability Mechanism, donc je me suis dit, faisons un chiffre rond, ajoutons 40 milliards, comme ça avec les 60 milliards de l'EFSM, ca fait 500 milliards ce qui a l'air bien. Et si les Allemands reprennent, disons, non pas la moitié mais 200 milliards, ca nous laisse 300 et nous sommes sur-financés. Donc 440 milliards? Personne ne m'a jamais demandé pourquoi, jamais, et les Allemands ne l'ont pas divisé, allez parler de science…

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III. Les effets politiques d’une crise financière

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C) Le rôle des idées en situation de crise

• Ce qui constitue une crise économique n'est pas un phénomène évident, il a besoin d'être narré et expliqué aux agents qui sont impliqués

• Blyth (2002), 5 moments clés où les idées jouent un rôle dans une crise économique : • reconstruire une stabilité en temps de crise, c'est-à-dire qu'elles signalent quand les

anciennes formules économiques ne marchent plus• rôle congruent pour l'action collective car elles permettent aux individus de comprendre

leur rôle dans la division des tâches• elles offrent un plan directeur pour la transformation de l'environnement préexistant en

expliquant aux acteurs comment adapter les anciens projets aux nouvelles circonstances• Elles peuvent aussi stimuler la création d'un nouvel environnement complètement

innovant• les idées peuvent assurer que les intérêts et attentes des agents sont conformes à la

nouvelle architecture institutionnelle• Au final, moments plus propices à des actions persuasives de la part des acteurs car

déstabilisation. Ils s'engagent dans un processus de « construction sociale stratégique » de la réalité (cadrage). Ces périodes sont propices à la contestation du sens de concepts-clés et ainsi à la redéfinition de ceux-ci (fenêtre d’opportunité).

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Conclusion

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• La conjonction de la diffusion des idées néo-classiques, de l’intensification de la globalisation et de la financiarisation de l’économie est l’élément majeur qui a causé les conditions structurelles menant à la résurgence des crises financières et économiques à partir du milieu des années 1970.

• Les crises financières ne sont donc pas des accidents et mènent à des bouleversements majeurs dans les systèmes politiques concernés.

• La prochaine séance permettra de comprendre comment la création de la zone euro est liée à la conjonction des éléments cités plus hauts. Les séances 4 et 5 se chargeront d’analyser les bouleversements politiques ayant eu lieu pendant la crise de la zone euro.

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Institut d’études Politiques de Lille

84 rue de Trévise - 59000 Lille

Tél. : +33 (0)3 20 90 48 40 - www.sciencespo-lille.eu

A la semaine prochaine (mardi 29 janvier, 18h30)