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    Diane Saint-PierreCap-aux-Diamants : la revue d'histoire du Qubec, vol. 3, n 3, 1987, p. 25-28.

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    Quand Lvis menaait Qubec

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    Vue arienne de Lv1881.(.Archives du CollgeIjtis).

    QUAND LEVISMENAAIT QUBEC...par Diane Saint-Pierre*

    Faut-il vraiment justifier ce titre? Pour seconvaincre de cette affirmation, il suffit deprendre connaisance de certains articles et di-toriaux, de confrences et de rapports duXIXime sicle. Ainsi, William Serrel crivait en1852, dans son Rapport sur le pont suspenduprojet pour le passage d'un chemin de fer etpour la traverse du fleuve Saint-Laurent Qubec: ^Citoyens de Qubec, il vous fa ut construiresoit un pont, soit une nouvelle Cit. Sans desmoyens convenables de fr anch ir le fleuve, dest illes rit 'aies de Qubec s elt 'eront sur la rit 'e duSud, et le commerce de l'Ancienne capitale l'abandonnera.

    Pourtant la fameuse rivalit conomique entreles villes de Montral et de Qubec, ou encore larivalit politique avec les villes de Kingston,Montral et Toronto, ont davantage retenu l'at-tention. Nous proposons de mettre en videnceles facteurs qui ont, au cours du sicle dernier,acclr la croissance de cette rivale de la rive-sud.

    La naissanc e d'une ville

    Comment se fait-il qu'en l'espace de dix ans, unvillage, Notre-Dame-de-la-Victoire, fond sur une

    falaise presque dserte devienne, en 1861, unedes plus importantes villes du Qubec? L'un des

    rsidents de Lvis, le pote Louis Frechette, criten 1864:Hier, ce fut en vain que l'on t'aurait cherche...Hier tu sommeillais, immobile et penche.Sur les abmes de l'oubli;Puis, l'oeil triomphateur, la tte couronne.Tu surgis...et sondant ta haute destine.Qubec ta rivale a pli.

    C'est la conjugaison de plusieurs facteurs quientrane cette croissance exceptionnelle queconnat Lvis au cours de la seconde moiti duXIXime sicle. Il faut nanmoins remonter bien

    avant 1850 pour retracer les origines de ce dveloppement.

    Au tout dbut du XIXime sicle, des vnementsmilitaires europens forcent l'Angleterre s'intresser au potentiel de ses colonies. L'une desmatires premires les plus convoites est le boisdont on a besoin, entre autres, pour la construction des navires. Or, le milieu naturel de la rive-sud, par la proximit des ressources forestires,

    ' Historienne

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    Vue del'Anse-aux-Sauvages, Lauzon, en 1895.(Archives n ational esdu Qubec).

    le potentiel de ses rivires et ses nombreusesanses constitue un territoire des plus attrayants.Conjuguons cela la profondeur du chenal dufleuve Saint-Laurent qui permet aux bateaux anglais de fort tonnage de venir jusqu' ses rives et

    l'apport de nouveaux lments fort dynamiquesque sont les lumber Lords et nous retrouvonsainsi tous les facteurs qui enclenchent le processus d'appropriation et d'exploitation du littoralsud.

    Les chantiers de bois et deconstruction navale

    Il faut accorder Henry Caldwell l'initiative d'avoir construit en 1801, aux embouchures desrivires la Scie et Etchemin, les premires scieries d'importance, et Allison Davie, l'tablisse

    ment en 1829 d'un chantier de rparation denavires voiles prs de l'actuelle traverse deLvis.

    D'autres investisseurs suivent les traces de cesprcurseurs. Ainsi, George Hamilton tablit sonchantier de bois dans l'anse de New Liverpool;William Price choisit, en 1820, l'anse Hadlow;Allan Guilmour s'installe l'Anse-aux-Sauvages Lauzon; les familles Benson, Atkinson et, plustard, Gravel et Breakey s'approprient une bonnepartie du littoral entre l'Anse-aux-Sauvages etl'embouchure de la rivire Chaudire. Ici et l, on

    construit les infrastuctures ncessaires, quais, btiments, entrepts, scieries, afin de faciliter et derentabiliser le commerce du bois. Chantiers debois et chantiers navals se ctoient. Trois centresd'activits importants naissent ainsi au cours de la

    premire moiti du XIXime sicle: l'Anse-aux-Sauvages avec ses chantiers de bois Lauzon,Notre-Dame-de-la-Victoire avec ses chantiers maritimes et son dynamisme commercial, et NewLiverpool, un bourg issu des chantiers de bois.

    La croissance de ces activits est telle qu'en 1851,21 scieries sont tablies en bordure du fleuve. En1860-1861, 1 571 journaliers oeuvrent dans lesanses bois et les chantiers de construction navale. En 1864, Lvis compte elle seule quatrechantiers de construction de navires: Charland etMarquis, Brunelle, Davie (George, fils d'Allison)

    et Russell. Ce dernier chantier construit, entre1848 et 1864, prs d'une trentaine de navires.Grce l'intiative et au dynamisme de cesconstructeurs, une tradition navale s'implante etdevient une vritable spcialit rgionale.

    Outre ces gros chantiers axs beaucoup plus surles marchs national et international, plusieurspetits constructeurs prosprent en s'adaptant des besoins plus rgionaux, et en se consacrant la construction de petits navires et des activitsde remorquage ou de traverse entre les deuxrives. Mais l'poque du bois quarri est rvolue et

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    celle du bois de sciage perd de la vitesse. la findu XTXime sicle, les chantiers de bois ne trouvent plus leur profit et, les uns aprs les autres,ferment dfinitivement leurs portes. Les chantiers navals, de leur ct, prouvent de srieusesdifficults. Ils ne peuvent, pour la plupart, faireface la modernisation des transports maritimeset, en particulier, l'avnement des vapeurs etdes navires construits en acier. De tous les chan

    tiers, un seul, le chantier Davie, sait relever le dfique pose l'industrie l'apparition des vaisseauxde mtal. L'arrive sur la rive-sud du chemin defer va compenser le dclin des chantiers et assurer Lvis un essor sans prcdent.

    L'arrive du chemin de fer sur la rive-sud

    La construction des installations du Grand-Tronc,en 1854, dans les anses Tibbits et Hadlow, l'ouest de la Traverse de Lvis, insuffle beaucoupde dynamisme. Des centaines d'emplois sontcrs par les besoins d'accueil, de manutention etd'entretien du matriel. Des htels sontconstruits proximit des magasins de dtaillantset de grossistes de toutes sortes. Cet essor sepropage dans toute la ville et particulirementdans la basse-ville. Le chemin de fer et la voiefluviale deviennent indissociables de cette prosprit industrielle et commerciale.

    Durant plus de vingt ans, le Grand-Tronc est sansconcurrent sur la rive-sud du Saint-Laurent. En1876, l'Intercolonial construit une ligne vers lesMaritimes tandis qu'en 1881 le Qubec-Centraltablit son lien avec Boston. Lvis est alors avanta

    ge par les diffrentes lignes qui la desservent etqui traversent son territoire. Qubec, quant elle, doit attendre l'anne 1879 avant d'tre reli un premier rseau de chemin de fer.

    Grce ses infrastructures portuaires et ferroviaires, Lvis devient un centre de transbordement de premire importance. Une partie dutrafic portuaire de Qubec profite cette agglomration naissante. Le dynamisme transparatdans le rythme que prend le dveloppement dela ville. Rapidement, des commerces, des htelset des maisons de pension surgissent dans lesecteur de la gare du Grand-Tronc. De nombreuses industries voient galement le jour. Pour

    New Liverpool(aujourd'hui includan s Saint-Romual

    un bourg ouvrierconstruit proximiLvis.(Collection GeorgeCharest).

    Un navire enconstruction LviXIXime sicle.(Archives nationaldu Qubec).

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    La gare du Grand Tronc Lvis, vers 1865.(Archives nationalesdu Qubec).

    La Cte du passage audbut du XXime sicle.(Archives nationalesdu Qubec).

    Pour la plupart entreprises familiales et artisanales, ces scieries, fonderies, fabriques de limes,

    chaussures, instruments aratoires, articles detoutes sortes deviennent florissantes. La compagnie Carrier & Laine, entre autres, s'imposecomme le plus important atelier de constructionmcanique du Canada. la fin du XIXime sicle,cette industrie, situe prs de la traverse, emploie

    jusqu' 600 personnes.

    C'est vritablement au cours de cette secondemoiti du XIXime sicle, et plus particulirement dans le dernier quart, que l'activit conomique de la basse-ville est la plus intense. En1891,146 tablissements emploient 1 220 travail

    leurs. cela s'ajoutent des services: htels, banques, places d'affaires. Le commerce y est florissant et les marchands prospres.

    Alors que la basse-ville s'affirme comme quartier vocation industri elle o s' entr eml entcommerants, industriels, cheminots et ouvriersde toutes sortes, le secteur de la haute-ville et dela cte des marchands, aujourd'hui Cte duPassage, s'affirme comme zone rsidentielle et demaisons de commerce. Les Couture, Michaud,Proulx, Grenier, Arsenault et bien d'autres se

    joignent aux riches commerants anglais, cossais et irlandais qui, en 1850, reprsentent lestrois quarts des ngociants de la Cte du Passage.Simultanment, des professionnels ouvrent leurbureau, des compagnies de service s'tablissent,puis d'importants marchs sont construits. Signede prosprit, de nouvelles rues sont traces, unparc public est amnag (aujourd'hui la Terrassede Lvis) et on claire les artres importantes.

    Bref, au tournant du XXime sicle, moins dequarante ans aprs la fondation de la ville deLvis, on dnombre plusieurs industries importantes, des commerces desservant une clientlelocale et rgionale, une organisation municipale

    coordonne, une structure portuaire et ferroviaire que l'on peut envier, et une population trsdynamique.

    Nanmoins, les premires dcennies se rvlentdcevantes. La dpression qui affecte la basse-ville de Lvis est attribuable la perte graduellede son rle cl de terminus maritime, la diminution des activits ferroviaires et, enfin, la fuitelente et progressive du commerce et de l'industrie. Qubec n'a donc plus rien redouter...letemps des craintes est dsormais chose dupass.

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