Rupture d’anévrisme splénique Une imagerie parfois piégeante
V. Le Pennec (1), B. Alkofer (2), M. Masson (1), NS. Dédé (1), L. Chiche (2), G. Schmutz (1)
(1) Radiologie générale – CHU Côte de Nacre – Caen – France(2) Chirurgie générale et viscérale – CHU Côte de Nacre - France
Journées françaises de Radiologie – Octobre 2005
� Un homme de 40 ans présente une violente douleur péri ombilicale en coup de poignard associée à un malaise (sueurs, vertiges, fourmillements, brouillard visuel) 20 minutes après le déjeuner
� De retour à son domicile, il perd connaissance avec notion de perte d’urine sans morsure de langue. L’entourage constate un syndrome post-critique avec des crampes, une douleur péri-ombilicale, un brouillard visuel et des fourmillements. En dehors de la douleur abdominale, tous les autres signes régressent spontanément
� Le patient est admis aux urgences à 16h30
� Ses antécédents comportent une appendicectomie, un antécédent paternel de dissection aortique de type A opérée et endoprothésée
� A l’arrivée aux urgences, le patient est stable, il présente un fébricule à 38°C et l’examen clinique est normal en dehors d’une douleur péri ombilicale sans défense. Le bilan biologique ne retrouve qu’une hyperleucocytose à 18000 (CRP, lipasémie, Hb normales)
� L’examen chirurgical confirme une douleur épigastrique modérée avec un ventre souple
Présentation clinique
Présentation clinique� Un scanner abdomino-pelvien sans et avec injection iodée est réalisé vers 3h00
� Épanchement intra-péritonéal sus mésocolique dense (>50UH) prédominant en péri-duodéno-pancréatique
Présentation clinique
� Pas d’anomalie focalisée de l’aorte et de ses branches
� Rehaussement normal du pancréas sans syndrome de masse individualisable
� Malgré l’absence de pneumopéritoine, le diagnostic d’ulcère perforé bouché est évoqué et le patient est hospitalisé avec un traitement médical associant une aspiration naso-gastrique et une antibiothérapie
Présentation clinique� Le lendemain, une artériographie abdominale est réalisée
Aortographie Face
Artère cœliaque Face Artère gastro-duodénale Face
Artère mésentérique supérieure Face
� L’aortographie, l’iliographie et l’étude sélective des branches digestives ne retrouve pas de cause à l’hémorragie abdominale� Aspect large et rigidifié de l’artère splénique
Présentation clinique
Artère splénique Face
Présentation clinique� Le patient reste stable, la douleur abdominale régresse � Un nouveau contrôle tomodensitométrique à 8 jours retrouve :
� Un hématome sus mésocolique en voie de résorption� Une formation anévrismale sacculaire circulante de l’artère splénique distale
Présentation clinique� Une nouvelle artériographie digestive confirme cet anévrisme
Artère cœliaque Face
Artère splénique Face
Présentation clinique� Cet anévrisme est embolisé de façon sélective avec des coils Cook DCS ®� L’embolisation est complète et préserve l’artère splénique porteuse
Contrôle post embolisation
Présentation clinique� Les contrôles cliniques et radiologiques à 1 et 6 mois sont normaux.� Le bilan vasculaire céphalique et thoraco-abdomino-pelvien ne retrouve pas d’autre localisation anévrismale
Contrôle tomodensitométrique à 6 mois
Artère splénique MPR curviligne
Discussion - Généralités
� Les anévrismes spléniques représentent 60% des anévrismes viscéraux
� Incidence estimée à 0.78% sur une série angiographique, 0.0038 à 0.098%
sur des séries autopsiques
� Sex ratio 1 Homme/ 4 Femmes
� Localisation préférentielle sur le tiers distal de l’artère splénique
� Anévrismes spléniques multiples dans 20%
Discussion – Étiologies
� Vrais anévrismes spléniques :
� Maladie athéroscléreuse (Homme ++)� Dégénérescence médiale du vaisseau par hyper-débit splanchnique (cirrhose,
hypertension portale, sténose du tronc cœliaque, grossesse)
� Fibrodysplasie musculaire
� Dystrophie du tissu élastique (Ehlers Danlos, Marfan)
� Vascularite (péri-artérite noueuse)
La multiparité et la transplantation orthotopique du foie seraient des facteurs favorisant l’apparition d’un anévrisme splénique
� Faux anévrismes spléniques :
� Traumatisme� Iatrogénie� Processus inflammatoire (pancréatite aiguë ou chronique)
� Processus carcinologique adjacent à l’artère
� Processus infectieux (anévrisme mycotique liée à une endocardite)
Discussion – Modes de découverte
� Asymptomatique +++ dans la plupart des cas
� Découverte fortuite sur un examen d’imagerie réalisé pour une autre indication
� Douleurs épigastriques frustres
� La rupture anévrismale :
� Fréquence mal connue, estimée entre 3 et 5% des anévrismes spléniques de plus de 2
centimètres
� Mortalité de 25 à 50%, atteignant 75% en cas de rupture pendant le troisième trimestre
de la grossesse ou au cours de l’accouchement (mortalité fœtale 95%)
Discussion – Manifestations cliniques de la rupture anévrismale
� La rupture dans la cavité péritonéale (arrière cavité des épiploons ++) se
manifeste par :
� Des douleur abdominale aiguë associée à un choc hémorragique
� Des douleurs épigastriques aspécifiques suivies d’un choc hémodynamique par
rupture intra-péritonéale secondaire
� Hémorragie digestive aiguë ou occulte, liée à une rupture de l’anévrisme dans
la face postérieure de l’estomac, le colon, la canal de Wirsung (hémosuccus
pancréaticus)
� Hémothorax par rupture dans la cavité pleurale
� Rupture dans la rate, la veine splénique
Discussion – Imagerie de la rupture d’anévrisme splénique
� Abdomen sans préparation :
� Calcifications anévrismales
� Échographie Doppler abdominale :
� Masse hypoéchogène vascularisée de l’hypochondre gauche � Hémopéritoine, ascite
� Tomodensitométrie sans et avec injection iodée +++ :
� Valeur du « caillot sentinel » dans l’arrière cavité des épiploons
� Formation sacculaire vasculaire du tiers distal de l’artère splénique ou du hile
� Angiographie abdominale :
� Comme première étape d’un traitement endovasculaire
Discussion – Traitement
� Un traitement conservateur associé à une surveillance étroite peut être proposé en cas de petit anévrisme splénique non compliqué. Plusieurs séries rapportent des évolutions favorables sans rupture ou complication
� Les anévrismes rompus et les anévrismes de plus de 2 cm, particulièrement chez la femme en âge de procréer, sont des indications formelles au traitement
� Chirurgie :
� Le type de geste dépend de la localisation de l’anévrisme� Ligature, résection, splénectomie voire spléno-pancréatectomie caudale
� Traitement endovasculaire percutané :
� Embolisation du sac anévrismal par des coils, préservant l’artère porteuse
� Embolisation « en sandwich » de l’artère splénique en amont et en aval de l’anévrisme (technique de référence en cas de faux anévrisme ou l’artère porteuse est également atteinte)
� Stenting couvert de l’artère porteuse, rarement réalisable en cas d’anévrisme splénique compte tenu du gros calibre du matériel endovasculaire et de la tortuosité de l’artère splénique
� Complications de l’embolisation : infarctus ou embols spléniques, abcès spléniques
Conclusion
� L’anévrisme splénique est une pathologie grave dont la complication principale est la rupture, grevée d’une lourde mortalité
� Si la rupture d’anévrisme splénique associe classiquement une douleur abdominale et un choc hémorragique (concomitant ou retardé), elle peut se manifester de façon plus frustre avec errance diagnostique
� L’imagerie de l’anévrisme splénique peut également être prise en défaut. La présence d’un « caillot sentinel » dans l’arrière cavité des épiploons sur le scanner sans injection devra faire évoquer un anévrisme splénique rompu
� L’absence de cause hémorragique sur le bilan d’imagerie initial impose des contrôles réguliers. Dans notre cas, c’est la diminution de l’hémopéritoine péri-pancréatique qui a permis de mettre en évidence l’anévrisme splénique
Bibliographie
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