Download - Romans adulte septembre 2018 · Romans adulte septembre 2018 ANGOT Christine. – Un tournant de la vie. – Flammarion, 2018. R/ANG "Je traversais la rue... Vincent passait sur le

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Romans adulte septembre 2018

ANGOT Christine. – Un tournant de la vie. – Flammarion, 2018. R/ANG

"Je traversais la rue... Vincent passait sur le trottoir d'en face. Je me suis arrêtée au milieu du

carrefour. J'étais là, figée. Le coeur battant. Je regardais son dos qui s'éloignait. Torse large, hanches

étroites, il avait une stature impressionnante. J'aurais pu courir, le rattraper. Il a tourné au coin de

la rue. Je suis restée debout, les jambes coupées. Les yeux fixés sur la direction qu'il avait prise. Je

tremblais. Je n'arrivais plus à respirer. J'ai pris mon téléphone dans mon sac, j'ai appelé une amie. »

BALZANO Marco. – Je reste ici. – Philippe Rey, 2018. R/BAL

Trina s'adresse à sa fille, Marica, dont elle est séparée depuis de nombreuses années, et lui raconte

sa vie. Elle a dix-sept ans au début du texte et vit à Curon, village de montagne dans le Haut-Adige,

avec ses parents. En 1923, ce territoire autrichien, annexé par l'Italie à la suite de la Première

Guerre mondiale, fait l'objet d'une italianisation forcée : la langue allemande, qu'on y parle, est

bannie au profit de l'italien. Trina entre alors en résistance et enseigne l'allemand aux enfants du

bourg, dans l'espoir aussi de se faire remarquer par Erich, solitaire aux yeux gris qu'elle finit par

épouser et dont elle aura deux enfants, Michael et Marica. Au début de la guerre, tandis qu'Erich

s'active dans une farouche opposition aux mussoliniens et au projet de barrage qui menace d'immerger le village, la

petite Marica est enlevée par sa tante, et emmenée en Allemagne. Cette absence, vive blessure jamais guérie chez

Trina, sera le moteur de son récit. Elle ne cachera rien des fractures apparaissant dans la famille ou dans le village, des

trahisons, des violences, mais aussi des joies, traitées avec finesse et pudeur. Un roman magnifique, mêlant avec talent

la grande et la petite histoire, qui fera résonner longtemps la voix de Trina, restée fidèle à ses passions de jeunesse,

courageuse et indépendante.

BAYAMACK – TAM Emmanuelle. – Arcadie. – P.O.L, 2018. R/BAY

"Si on n'aimait que les gens qui le méritent, la vie serait une distribution de prix très ennuyeuse."

Farah et ses parents ont trouvé refuge en zone blanche, dans une communauté libertaire qui

rassemble des gens fragiles, inadaptés au monde extérieur tel que le façonnent les nouvelles

technologies, la mondialisation et les réseaux sociaux. Tendrement aimée mais livrée à elle-même,

Farah grandit au milieu des arbres, des fleurs et des bêtes. Mais cet Eden est établi à la frontière

franco-italienne, dans une zone sillonnée par les migrants : les portes du paradis vont-elles s'ouvrir

pour les accueillir ?

BÉGAUDEAU François. – En guerre. – Verticales, 2018. R/BEG

"A supposer qu'ils habitent la même ville, Louisa Makhloufi et Romain Praisse y resteraient-ils

encore cent ans que la probabilité qu'ils se croisent, s'avisent et s'entreprennent resterait à peu

près nulle. En sorte que si l'une des 87 caméras de surveillance installées en 2004 par les

techniciens d'un prestataire privé de la mairie les voit se croiser, s'aviser, s'entreprendre, ce ne

sera qu'à la faveur d'un dérèglement des trajectoires lié à une conjonction hasardeuse de faits

nécessaires." Dans une France contemporaine fracturée, François Bégaudeau met en regard

violence économique et drame personnel, imaginant une exception romanesque comme pour

mieux confirmer les règles implicites de la reproduction sociale.

BELLOVA Bianca. – Nami. – Mirobole éditions, 2018. R/BEL

L'histoire d'un jeune garçon qui grandit sur les rives d'un lac en train de s'assécher, quelque part

en Asie. Un village de pêcheurs quelque part au bout du monde. Un lac qui s'assèche et des rives

qui reculent de manière inquiétante. Les hommes ont de la vodka, les femmes des soucis, les

enfants de l'eczéma qu'ils grattent. Et Nami ? Nami n'a rien, hormis sa grand-mère aux mains

énormes. Mais il a aussi une vie devant lui, un premier amour qui lui sera arraché par des soldats

russes, et tout ce qui suit. Cependant, quand une vie commence à la toute fin du monde, elle

peut peut-être finir à son début. Cette histoire est aussi vieille que l'humanité. Pour son héros,

jeune garçon qui part avec pour seules armes son obstination et le manteau qui appartenait à son grand-père, il s'agit

d'un pèlerinage. Pour découvrir le plus grand des secrets, il devra traverser le lac, en parcourir les rivages et, enfin,

s'immerger jusqu'à son fond.

BOFANE In Koli Jean. – La belle de Casa. – Actes sud, 2018. R/BOF

Qui a bien pu tuer Ichrak la belle, dans cette ruelle d'un quartier populaire de Casablanca ? Elle en

agaçait plus d'un, cette effrontée aux courbes sublimes, fille sans père née d'une folle un peu

sorcière, qui ne se laissait ni séduire ni importuner. Tous la convoitaient autant qu'ils la craignaient,

sauf peut-être Sese, clandestin arrivé de Kinshasa depuis peu, devenu son ami et associé dans un

business douteux. Escrocs de haut vol, brutes épaisses ou modestes roublards, les suspects ne

manquent pas dans cette métropole du XXIe siècle gouvernée comme les autres par l'argent, le sexe

et le pouvoir. Et ce n'est pas l'infatigable Chergui, vent violent venu du désert pour secouer les

palmiers, abraser les murs et assécher les larmes, qui va apaiser les esprits... Avec sa lucidité acérée

et son humour féroce, In Koli Jean Bofane dénonce la corruption immobilière, la précarité des migrants et la

concupiscence masculine.

BOLEY Guy. – Quand Dieu boxait en amateur. – Grasset, 2018. R/BOL

Dans une France rurale aujourd'hui oubliée, à la périphérie d'une ville de province dont le seul

intérêt est un dépôt de locomotives que le vent du progrès balaiera bientôt, deux gamins

passionnés par les mots nouent, dans le secret des lettres, une amitié solide. Le premier, orphelin

de père, travaille comme forgeron depuis ses 14 ans et vit avec une mère que la littérature effraie

et qui, pour cette raison, le met tôt à la boxe. Sans quitter sa forge où il martèle le fer, il découvre

sur le ring sa seconde passion et devient champion de France de boxe amateur, adulé par la foule.

Le second, d'abord féru de mythes, se tourne rapidement vers des écritures plus saintes. Il devient

abbé, puis père de la paroisse, aimé de ses fidèles. Pour autant, les deux anciens gamins ne se quittent pas. Aussi,

lorsque l'abbé propose à son ami d'enfance d'interpréter, sur la scène du théâtre paroissial, le rôle de Jésus dans son

adaptation de La Passion de notre Seigneur Jésus Christ, l'amoureux des belles lettres et comédien amateur accepte

de prêter et ses poings et sa voix à la parole de Dieu pour sacrer, sur le ring du théâtre, leur amitié. Ce boxeur amateur,

forgeron flamboyant et comédien fantasque qui, avec sa femme, montait dans sa cuisine de petites opérettes pour le

plaisir de ses voisins, était le père du narrateur. Après sa mort, ce dernier retrouve les carnets dans lesquels il

consignait les chansons, poèmes et mots qu'il aimait, même s'il ne sut jamais s'en servir comme il l'aurait souhaité. A

son tour alors, il prend la plume pour lui rendre sa couronne de gloire, tressée de lettres et de phrases splendides, et

lui écrire le roman qu'il mérite.

BOLTANSKI Christophe. – Le guetteur. – Stock, 2018. R/BOL

Mais qui guette qui ? Lorsque le narrateur découvre dans l'appartement de sa mère le manuscrit

d'un polar qu'elle avait entamé, "Le Guetteur", il est intrigué. Des recensements de cigarettes

fumées, les pneus des voitures voisines crevés - comment vivait cette femme fantasque et

insaisissable ? Elle qui aimait le frisson, pourquoi s'est-elle coupée du monde ? Elle a vécu à Paris

avec pour seul compagnon son chien Chips. Maintenant qu'elle est morte, le mystère autour d'elle

s'épaissit. Alors il décide de la prendre en filature. Et de remonter le temps. Est-ce dans ses années

d'études à la Sorbonne, en pleine guerre d'Algérie, où l'on tracte et l'on se planque, que la jeune

femme militante bascule ? Le Guetteur est le roman bouleversant d'une femme qui s'est perdue.

La quête d'un fils qui cherche à retrouver sa mère.

BOSC Adrien. – Capitaine. – Stock, 2018. R/BOS

Le 24 mars 1941, le Capitaine-Paul-Lemerle quitte le port de Marseille, avec à son bord les

réprouvés de la France de Vichy et d'une Europe en feu, les immigrés de l'Est et républicains

espagnols en exil, les juifs et apatrides, les écrivains surréalistes et artistes décadents, les savants

et affairistes. Temps du roman où l'on croise le long des côtes de la Méditerranée, puis de la haute

mer, jusqu'en Martinique, André Breton et Claude Lévi-Strauss dialoguant, Anna Seghers, son

manuscrit et ses enfants, Victor Serge, son fils et ses révolutions, Wifredo Lam, sa peinture, et

tant d'inconnus, tant de trajectoires croisées, jetés là par les aléas de l'agonie et du hasard, de

l'ombre à la lumière.

BULLE Estelle-Sarah. – Là où les chiens aboient par la queue. – Liana Levi, 2018. R/BUL

Dans la famille Ezechiel, c'est Antoine qui mène le jeu. Avec son "nom de savane", choisi pour

embrouiller les mauvais esprits, ses croyances baroques et son sens de l'indépendance, elle est

la plus indomptable de la fratrie. Ni Lucinde ni Petit-Frère ne sont jamais parvenus à lui tenir tête.

Mais sa mémoire est comme une mine d'or. En jaillissent mille souvenirs-pépites que la nièce,

une jeune femme née en banlieue parisienne et tiraillée par son identité métisse, recueille

avidement. Au fil des conversations, Antoine fait revivre pour elle l'histoire familiale qui épouse

celle de la Guadeloupe depuis la fin des années 40 : l'enfance au fin fond de la campagne, les

splendeurs et les taudis de Pointe-à-Pitre, le commerce en mer des Caraïbes, l'inéluctable exil vers la métropole...

Intensément romanesque, porté par une langue vive où affleure une pointe de créole, Là où les chiens aboient par la

queue embrasse le destin de toute une génération d'Antillais pris entre deux mondes.

BURNSIDE John. – Le bruit du dégel. – Métailié, 2018. R/BUR

Kate, étudiante à la dérive, fait des "enquêtes" cinématographiques dans les rues désertées des

banlieues pavillonnaires. Son père vient de mourir brutalement et elle noie son chagrin dans la

défonce. Au cours d'une de ses déambulations, elle rencontre Jean, une vieille dame en pleine

forme qui coupe son bois et prépare des thés délicats. Jean propose un étrange marché: elle veut

bien raconter ses histoires, mais à condition que Kate cesse de boire.

Tandis que Jean déroule le mirage du rêve américain et règle ses comptes avec quelques

fantômes, Vietnam, guerre froide, mouvements contestataires, Kate affronte enfin son deuil

impossible et retrouve une place dans le monde. Avec sa prose magnétique et tendre, John

Burnside rend le monde aux vivants et rappelle que seules les histoires nous sauvent.

CABOCEL Julien. – Bazaar. – L’Iconoclaste, 2018. R/CAB

Ce matin-là, il a roulé. Roulé jusqu'à la panne sèche. Roulé jusqu'à se retrouver au beau milieu

d'un désert. Mais au loin clignote l'enseigne d'un vieux motel. C'est là qu'il pose ses valises.

Peu à peu, il y rencontre Stella, une ancienne amante, Ilda, une vieille dame aux allures

d'actrice hollywoodienne, Théo un berger et ses animaux mécaniques... Le motel est une

poupée russe dans laquelle s'emboîtent des vies. Mais plus encore, toutes les vies qui

auraient pu être la sienne. Julien Cabocel érige un monde de papier fulgurant. Un univers

onirique où se logent les désirs enfouis, les amours perdues, les occasions manquées. Et où

tout redevient enfin possible.

CERCAS Javier. – Le monarque des ombres. – Actes sud, 2018. R/CER

Un jeune homme pur et courageux, mort au combat pour une cause mauvaise (la lutte du

franquisme contre la République espagnole), peut-il devenir, quoique s'en défende l'auteur, le

héros du livre qu'il doit écrire ? Manuel Mena a dix-neuf ans quand il est mortellement atteint,

en 1938, en pleine bataille, sur les rives de l'Ebre. Le vaillant sous-lieutenant, par son sacrifice,

fera désormais figure de martyr au sein de la famille maternelle de Cercas et dans le village

d'Estrémadure où il a grandi. La mémoire familiale honore et transmet son souvenir alors que

surviennent des temps plus démocratiques, où la gloire et la honte changent de camp. Demeure

cette parenté profondément encombrante, dans la conscience de l'écrivain : ce tout jeune aïeul

phalangiste dont la fin est digne de celle d'Achille, chantée par Homère - mais Achille dans

l'Odyssée se lamentera de n'être plus que le "monarque des ombres" et enviera Ulysse d'avoir

sagement regagné ses pénates. Que fut vraiment la vie de Manuel Mena, quelles furent ses

convictions, ses illusions, comment en rendre compte, retrouver des témoins, interroger ce destin et cette époque en

toute probité, les raconter sans franchir la frontière qui sépare la vérité de la fiction ? L'immense écrivain qu'est Javier

Cercas affronte ici ses propres résistances pour mettre au jour l'existence du héros fourvoyé, cet ange maudit et

souverain dont il n'a cessé, dans toute son oeuvre, de défier la présence.

CHAON Dan. – Une Douce lueur de malveillance. – Albin Michel, 2018. R/CHA

"Nous n'arrêtons pas de nous raconter des histoires sur nous-mêmes. Mais nous ne pouvons

maîtriser ces histoires. Les événements de notre vie ont une signification parce que nous

choisissons de leur en donner une". Tel pourrait être le mantra de Dustin Tillman, psychologue

dans la banlieue de Cleveland. Ce quadragénaire, marié et père de deux adolescents, mène une

vie somme toute banale lorsqu'il apprend que son frère adoptif, Rusty, vient d'être libéré de

prison.

C'est sur son témoignage que, trente ans plus tôt, celui-ci a été condamné à perpétuité pour le

meurtre de leurs parents et de deux proches. Maintenant que des tests ADN innocentent son

frère, Dustin s'attend au pire. Au même moment, l'un de ses patients, un policier en congé longue maladie, lui fait part

de son obsession pour une étrange affaire : la disparition de plusieurs étudiants des environs retrouvés noyés, y voyant

la marque d'un serial killer. Pour échapper à sa vie personnelle, Dustin se laisse peu à peu entraîner dans une enquête

périlleuse, au risque de franchir les limites que lui impose son rôle de thérapeute. Plongée dans les ténèbres, celles

d'un homme submergé par ses propres contradictions et les failles de sa mémoire, Une douce lueur de malveillance

est un livre virtuose et vénéneux. Une écriture glaçante, une inventivité littéraire qui bouscule les structures du roman

contemporain : rarement un écrivain aura su explorer le mystère de l'identité avec un réalisme aussi obsédant.

CRACE Jim. - La mélodie. – Rivages, 2018. R/CRA

Alfred Busi, dit Mister Al, est attaqué chez lui par tine étrange créature. Les médias crient à

l'invasion de bêtes féroces ; Alfred, lui, affirme que son assaillant est un petit garçon rendu fou

par la faim. Mister Al, chanteur reconnu, devient la seule voix dissonante dans la ville frappée

depuis quelques temps par de violentes agressions. Il appelle à la compassion, alors que les gens

du coin se laissent dominer par leur peur et se calfeutrent, développant un discours haineux

contre les autres. Il fallait une certaine audace pour s'emparer d'un sujet si brillant-la pauvreté, le

sort des migrants, de tous les laissés-pour-compte. La grande force de Jim Crace est de montrer

l'humanité telle qu'elle est : un troublant mélange de noirceur et d'espoir.

DAULL Sophie. – Au grand lavoir. – Philippe Rey, 2018. R/DAU

Une romancière participe à une émission littéraire télévisée à l'occasion de la parution de son

premier livre. Elle ne se doute pas qu'au même moment son image à l'écran bouleverse un

employé des Espaces verts de la ville de Nogent-le-Rotrou. Repris de justice pour un crime commis

il y a trente ans, menant désormais une vie bien rangée, ce dernier est confronté de façon

inattendue à son passé, à son geste, à sa faute. Car la romancière est la fille de sa victime. Et, dans

cinq jours, elle viendra dédicacer son ouvrage dans la librairie de la ville. Un compte à rebours se

déploie alors pour cet homme solitaire, dans un climat à la fois banal et oppressant, en attendant

le face-à-face qu'il redoute mais auquel il ne pourra se dérober. Dans ce texte où chaque

personnage est en quête d'une réparation intime, Sophie Daull intervient pour affirmer la fidélité qu'elle voue aux

disparus, aux fleurs et aux sous-préfectures.

DIEUDONNÉ Adeline. – La vraie vie. – L’Iconoclaste, 2018. R/DIE

C'est un pavillon qui ressemble à tous ceux du lotissement. Ou presque. Chez eux, il y a quatre chambres. La sienne,

celle de son petit frère Gilles, celle des parents, et celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. La mère est

transparente, amibe craintive, soumise aux humeurs de son mari. Le samedi se passe à jouer

dans les carcasses de voitures de la décharge. Jusqu'au jour où un violent accident vient faire

bégayer le présent.

Dès lors, Gilles ne rit plus. Elle, avec ses dix ans, voudrait tout annuler, revenir en arrière.

Effacer cette vie qui lui apparaît comme le brouillon de l'autre. La vraie. Alors, en guerrière des

temps modernes, elle retrousse ses manches et plonge tête la première dans le cru de

l'existence. Elle fait diversion, passe entre les coups et conserve l'espoir fou que tout s'arrange

un jour.

FERRARI Jérôme. – À son image. – Actes sud, 2018. R/FER

Ce somptueux roman en forme de requiem pour une photographe défunte est aussi l'occasion

d'évoquer le nationalisme corse, la violence des guerres modernes et les liens ambigus

qu'entretiennent l'image, la photographie, le réel et la mort.

GAUZ. – Camarade Papa. – Le nouvel Attila, 2018. R/GAU

1830. Un jeune homme, Dabilly, fuit la France et une carrière toute tracée à l'usine pour tenter

l'aventure coloniale en Afrique. Dans une "Côte de l'Ivoire" désertée par l'armée française,

quelques dirigeants de maisons de commerce négocient avec les tribus pour faire fructifier les

échanges et établir de nouveaux comptoirs. Sur les pas de Dabilly, on découvre une terre presque

inexplorée, ses légendes, ses pactes et ses rituels... Un siècle plus tard, à Amsterdam, un gamin

d'origine africaine raconte le monde postcolonial avec le vocabulaire de ses parents

communistes. Lorsque ceux-ci l'envoient retrouver sa grand-mère et ses racines en Afrique, il

croise les traces et les archives de son ancêtre. Ces deux regards, celui du blanc sur l'Afrique et

celui du noir sur l'Europe, offrent une histoire de la colonisation comme on ne l'a jamais lue.

HALLIDAY Lisa. – Asymétrie. – Gallimard, 2018. R/HAL

Alors qu'elle lit dans la chaleur d'un parc new-yorkais, Alice est abordée par un homme qui

pourrait être son grand-père. Il s'agit d'Ezra Blazer, un écrivain célèbre et respecté, que la

jeune femme, qui travaille dans le milieu de l'édition, reconnaît aussitôt. C'est le début d'une

relation charnelle et intellectuelle, rafraîchissante pour lui, déterminante pour elle. La suite

du roman, sans lien apparent avec cette liaison inattendue, se déroule du côté de Londres.

Amar Jaafari est retenu à l'aéroport alors qu'il tente de rejoindre sa famille en Irak. Le pays a

été envahi par les Etats-Unis pendant qu'Alice et Ezra jouaient au Scrabble ou regardaient un

match de base-ball. Entre deux interrogatoires, les souvenirs d'Amar affluent. Des souvenirs

d'enfance ; d'autres, plus récents, dans lesquels le conflit irakien se fait de plus en plus

menaçant. Qu'est-ce qui relie ces deux récits, qui ne semblent pourtant pas devoir se croiser ? L'interview musicale et

piquante d'Ezra Blazer, qui vient clôturer le roman, fournit la clé de ce puzzle littéraire bouleversant.

JACOB Fabienne. – Un homme aborde une femme. – Buchet Chastel, 2018. R/JAC

Une femme se souvient de tout ce que les hommes lui ont dit ou fait dans la rue tout au long de

sa vie de petite fille, jeune fille et femme ; des cailloux jetés dans les roues de son vélo de petite

fille à des mots beaucoup plus crus qu'un inconnu surgi de l'ombre a lancés contre elle et sa robe

d'été. Certains de ces hommes l'ont suivie, d'autres n'ont fait que la frôler. Leurs mots étaient

tantôt offensants, tantôt romanesques ou drôles, voire incongrus.

Comme ceux de ce harceleur" attachant, P'tit Pau, un simple d'esprit de son village natal...

Confrontant son expérience à celles des autres, voisines, amies - personnages de femmes

souvent très libres dans leurs paroles et leur corps -, elle mène l'enquête sur ce qu'est devenu

l'espace public aujourd'hui, où écouteurs, casques et oreillettes entravent la rencontre fortuite

et furtive. Renouant avec l'écriture du corps et des sensations, Fabienne Jacob tisse en creux,

dans le cadre d'un débat d'actualité qui fait rage, un éloge de la rue joyeuse, vivier foisonnant et insondable, terrain

de prédilection du jeu et du hasard."

JAMES EL. – Cinquante nuances plus sombres. – JC Lattès, 2018. R/JAM 2

Dépassée par les sombres secrets de Christian Grey, Anastasia Steele a mis un terme à leur

relation pour se consacrer à sa carrière d'éditrice. Mais Grey occupe toujours toutes ses pensées

et, lorsqu'il lui propose un nouvel accord, elle ne peut lui résister. Peu à peu, elle découvre le

douloureux passé de son sulfureux M Cinquante Nuances. Tandis que Christian lutte contre ses

démons intérieurs, Ana doit prendre la décision la plus importante de sa vie...

Romantique, libératrice et totalement addictive, la trilogie Fifty Shades vous obsédera, vous

possédera et vous marquera à jamais.

JAMES EL. – Cinquante nuances plus claires. – JC Lattès, 2018. R/JAM 3

Dépassée par les sombres secrets de Christian Grey, Anastasia Steele a mis un terme à leur relation

pour se consacrer à sa carrière d'éditrice. Mais Grey occupe toujours toutes ses pensées et, lorsqu'il

lui propose un nouvel accord, elle ne peut lui résister. Peu à peu, elle découvre le douloureux passé

de son sulfureux M. Cinquante Nuances. Tandis que Christian lutte contre ses démons intérieurs,

Ana doit prendre la décision la plus importante de sa vie...

Romantique, libératrice et totalement addictive, la trilogie Fifty Shades vous obsédera, vous

possédera et vous marquera à jamais.

JONCOURT Serge. – Chien-Loup. – Flammarion, 2018. R/JON

L'idée de passer tout l'été coupés du monde angoissait Franck mais enchantait Lise, alors Franck

avait accepté, un peu à contrecoeur et beaucoup par amour, de louer dans le Lot cette maison

absente de toutes les cartes et privée de tout réseau. L'annonce parlait d'un gîte perdu au milieu

des collines, de calme et de paix. Mais pas du passé sanglant de cet endroit que personne

n'habitait plus et qui avait abrité un dompteur allemand et ses fauves pendant la Première Guerre

mondiale. Et pas non plus de ce chien sans collier, chien ou loup, qui s'est imposé au couple dès

le premier soir et qui semblait chercher un maître. En arrivant cet été-là, Franck croyait encore que

la nature, qu'on avait apprivoisée aussi bien qu'un animal de compagnie, n'avait plus rien de

sauvage ; il pensait que les guerres du passé, où les hommes s'entretuaient, avaient cédé la place à des guerres plus

insidieuses, moins meurtrières. Ca, c'était en arrivant. Serge Joncour raconte l'histoire, à un siècle de distance, d'un

village du Lot, et c'est tout un passé peuplé de bêtes et anéanti par la guerre qu'il déterre, comme pour mieux éclairer

notre monde contemporain. En mettant en scène un couple moderne aux prises avec la nature et confronté à la violence,

il nous montre que la sauvagerie est toujours prête à surgir au coeur de nos existences civilisées, comme un chien-

loup.

KERANGAL (DE) Maylis. – Un Monde à portée de main. – Verticales, 2018. R/KER

"Paula s'avance lentement vers les plaques de marbre, pose sa paume à plat sur La paroi, mais

au lieu du froid glacial de la pierre, c'est le grain de la peinture qu'elle éprouve. Elle s'approche

tout près, regarde : c'est bien une image. Etonnée, elle se tourne vers les boiseries et

recommence, recule puis avance, touche, comme si elle jouait à faire disparaître puis à faire

revenir l'illusion initiale, progresse le long du mur, de plus en plus troublée tandis qu'elle passe

les colonnes de pierre, les arches sculptées, les chapiteaux et les moulures, les stucs, atteint la

fenêtre, prête à se pencher au-dehors, certaine qu'un autre monde se tient là, juste derrière, à

portée de main, et partout son tâtonnement lui renvoie de la peinture. Une fois parvenue devant

la mésange arrêtée sur sa branche, elle s'immobilise, allonge le bras dans l'aube rose, glisse ses

doigts entre les plumes de l'oiseau, et tend l'oreille dans le feuillage."

KERNINON Julia. – Ma dévotion. – Le Rouergue, 2018. R/KER

Quelle est la nature du sentiment qui lia toute sa vie Helen à Frank ? Il faut leurs retrouvailles,

par hasard à Londres, pour qu'elle revisite le cours de leur double existence. Elle n'espérait plus

le revoir - tous deux ont atteint les 80 ans - et l'on comprend qu'un événement tragique a mis fin

à leur relation. Dans un retour sur soi, la vieille dame met à plat ces années passées avec, ou loin,

de Frank, qu'elle aida à devenir un peintre célèbre. Une vie de femme dessinée dans toutes ses

subtilités et ses contradictions. Dans ce quatrième roman, Julia Kerninon, qui a obtenu de

nombreux prix pour ses précédents livres, déploie plus encore ses longues phrases fluides et

imagées, d'une impeccable rythmique.

KHADRA Yasmina. – Khalil. – Julliard, 2018. R/KHA

Vendredi 13 novembre 2015. L'air est encore doux pour un soir d'hiver. Tandis que les Bleus

électrisent le Stade de France, aux terrasses des brasseries parisiennes on trinque aux

retrouvailles et aux rencontres heureuses. Une ceinture d'explosifs autour de la taille, Khalil

attend de passer à l'acte. Il fait partie du commando qui s'apprête à ensanglanter la capitale. Qui

est Khalil ? Comment en est-il arrivé là ? Dans ce nouveau roman, Yasmina Khadra nous livre une

approche inédite du terrorisme, d'un réalisme et d'une justesse époustouflants, une plongée

vertigineuse dans l'esprit d'un kamikaze qu'il suit à la trace, jusque dans ses derniers

retranchements, pour nous éveiller à notre époque suspendue entre la fragile lucidité de la

conscience et l'insoutenable brutalité de la folie.

KRAUSS Nicole. – Forêt obscure. – Éditions de l’Olivier, 2018. R/KRA

Jules Epstein a disparu. Après avoir liquidé tous ses biens, ce riche new-yorkais est retrouvé à

Tel-Aviv, avant qu'on perde à nouveau sa trace dans le désert. L'homme étrange qu'il a

rencontré, et qui l'a convié à une réunion des descendants du roi David, y serait-il pour quelque

chose ? A l'histoire d'Epstein répond celle de Nicole, une écrivaine américaine qui doit affronter

le naufrage de son mariage. Elle entreprend un voyage à Tel-Aviv, avec l'étrange pressentiment

qu'elle y trouvera la réponse aux questions qui la hantent. Jusqu'au jour où un étrange

professeur de littérature lui confie une mission d'un ordre un peu spécial...

LANÇON Philippe. – Le lambeau. – Gallimard, 2018. R/LAN

Lambeau, subst. masc. 1. Morceau d'étoffe, de papier, de matière souple, déchiré ou arraché,

détaché du tout ou y attenant en partie. 2. Par analogie : morceau de chair ou de peau arrachée

volontairement ou accidentellement. Lambeau sanglant ; lambeaux de chair et de sang. Juan,

désespéré, le mordit à la joue, déchira un lambeau de chair qui découvrait sa mâchoire (Borel,

Champavert, 1833, p. 55). 3. Chirurgie : segment de parties molles conservées lors de

l'amputation d'un membre pour recouvrir les parties osseuses et obtenir une cicatrice souple. Il

ne restait plus après l'amputation qu'à rabattre le lambeau de chair sur la plaie, ainsi qu'une

épaulette à plat (Zola, Débâcle, 1892, p. 338). (Définitions extraites du Trésor de la Langue Française).

LEVY Marc. – Une fille comme elle. – Robert Laffont/Versilio, 2018. R/LEV

"Quelle distance nous sépare, un océan et deux continents ou huit étages ? Ne soyez pas blessant,

vous croyez qu'une fille comme moi... Je n'ai jamais rencontré une femme comme vous. Vous

disiez me connaître à peine. Il y a tellement de gens qui se ratent pour de mauvaises raisons. Quel

risque y a-t-il à voler un peu de bonheur ?". A New York, sur la 5e Avenue, s'élève un petit

immeuble pas tout à fait comme les autres... Ses habitants sont très attachés à leur liftier,

Deepak, chargé de faire fonctionner l'ascenseur mécanique, une véritable antiquité. Mais la vie

de la joyeuse communauté se trouve chamboulée lorsque son collègue de nuit tombe dans

l'escalier. Quand Sanji, le mystérieux neveu de Deepak, débarque en sauveur et endosse le

costume de liftier, personne ne peut imaginer qu'il est à la tête d'une immense fortune à Bombay... Et encore moins

Chloé, l'habitante du dernier étage. Entrez au N°12, Cinquième Avenue, traversez le hall, montez à bord de son antique

ascenseur et demandez au liftier de vous embarquer... dans la plus délicieuse des comédies new-yorkaises !

MATHIEU Nicolas. – Leurs enfants après eux. – Actes sud, 2018. R/MAT

Août 1992. Une vallée perdue quelque part dans l'Est, des hauts-fourneaux qui ne brûlent plus, un

lac, un après-midi de canicule. Anthony a quatorze ans, et avec son cousin, pour tuer l'ennui, il

décide de voler un canoë et d'aller voir ce qui se passe de l'autre côté, sur la fameuse plage des

culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute

la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence. Avec ce livre, Nicolas Mathieu écrit le roman

d'une vallée, d'une époque, de l'adolescence, le récit politique d'une jeunesse qui doit trouver sa

voie dans un monde qui meurt. Quatre étés, quatre moments, de Smells Like Teen Spirit à la Coupe

du monde 98, pour raconter des vies à toute vitesse dans cette France de l'entre-deux, des villes

moyennes et des zones pavillonnaires, de la cambrousse et des ZAC bétonnées. La France du Picon et de Johnny

Hallyday, des fêtes foraines et d'Intervilles, des hommes usés au travail et des amoureuses fanées à vingt ans. Un pays

loin des comptoirs de la mondialisation, pris entre la nostalgie et le déclin, la décence et la rage.

MATHIS Hector. – K.O. – Buchet Chastel, 2018. R/MAT

Sitam, jeune homme fou de jazz et de littérature, tombe amoureux de la môme Capu. Elle a un toit

temporaire, prêté par un ami d'ami. Lui est fauché comme les blés. Ils vivent quelques premiers

jours merveilleux mais un soir, sirènes, explosions, coups de feu, policiers et militaires envahissent

la capitale. La ville devient terrifiante... Bouleversés, Sitam et Capu décident de déguerpir et

montent in extremis dans le dernier train de nuit en partance.

Direction la zone - « la grisâtre », le pays natal de Sitam. C'est le début de leur odyssée. Ensemble

ils vont traverser la banlieue, l'Europe et la précarité... Nerveux, incisif, musical, K. O. est un

incroyable voyage au bout de la nuit. Ce premier roman, né d'un sentiment d'urgence radical, traite de thèmes tels

que la poésie, la maladie, la mort, l'amitié et l'errance. Il s'y côtoie garçons de café, musiciens sans abris et imprimeurs

oulipiens.

Splendide et fantastique, enfin, y règne le chaos. Né en 1993, Hector Mathis grandit aux environs de Paris entre la

littérature et les copains de banlieue. Ecrivant sans cesse, s'orientant d'abord vers la chanson, il finit par se consacrer

pleinement au roman. Frappé par la maladie à l'âge de vingt-deux ans, il jette aujourd'hui l'ensemble de ses forces

dans l'écriture.

MOYES Jojo. – Paris est à nous. –Milady, 2018. R/MOY

"Elle lève les yeux vers les cadenas, accrochés si près les uns des autres que le pont est devenu

scintillant. Tout cet amour. Tous ces rêves. Elle se demande combien, parmi ces couples, sont

encore ensemble. Combien sont heureux, brisés ou morts." Ils ont le coup de foudre au détour

d'une rue, ils s'aiment mais ne s'entendent plus, ils retrouvent leur amour de jeunesse, des années

plus tard, au hasard d'une fête, ils célèbrent leur anniversaire de mariage, ils se lancent dans des

liaisons extra-conjugales, ils découvrent sans le vouloir les secrets de ceux qu'ils croisent, le temps

d'un voyage. Jojo Moyes raconte avec délicatesse le fabuleux destin de ces inconnus qui nous

ressemblent. Des nouvelles fourmillant d'émotions dans la ville des amoureux. Un recueil irrésistiblement romantique

dans lequel Moyes fait rimer humour avec amour !

NOTHOMB Amélie. – Les prénoms épicènes. – Albin Michel, 2018. R/NOT

"La personne qui aime est toujours la plus forte".

POURCHET Maria. – Toutes les femmes sauf une. – Pauvert, 2018. R/POU

Dans une maternité, une femme épuisée, sous perfusion. Elle vient d'accoucher d'une fille, Adèle, et

contemple le berceau, entre amour, colère et désespoir. Quelque chose la terrifie au point de la tenir

éveillée, de s'interdire tout repos : la loi de la reproduction. De génération en génération, les femmes

de sa lignée transportent la blessure de leur condition dans une chaîne désolidarisée, sans merci, où

chacune paye l'ardoise de la précédente. Elle le sait, elle en résulte, faite de l'histoire et de la douleur

de ses aînées. Elle voudrait que ça s'arrête. Qu'Adèle soit neuve, libre. Alors comme on vide les

armoires, comme on nettoie, elle raconte. Adressant à Adèle le récit de son enfance, elle explore la fabrique silencieuse

de la haine de soi qui s'hérite aussi bien que les meubles et la vaisselle. Défiance du corps, diabolisation de la séduction,

ravages discrets de la jalousie mère-fille... Elle offre à Adèle un portrait tourmenté de la condition féminine, où le tort

fait aux femmes par les femmes apparaît dans sa violence ordinaire. Et c'est véritablement un cadeau. Car en mettant

à nu, rouage après rouage, la mécanique de la transmission, elle pourrait parvenir à la détruire.

RAZIMBAUD Aurélie. – Une Vie de pierres chaudes. – Albin Michel, 2018. R/RAZ

« La guerre, non, la guerre n'a rien d'essentiel ; les choses essentielles sont le vent, le goût des

pierres chaudes, le soleil, les ailes des oiseaux, les cris des enfants sur la plage. »Qu'est-ce qui

brille à la même hauteur que le soleil ? L'amour ou la mort ? Dans ce récit enfiévré, qui raconte

l'Algérie avant, pendant et après l'indépendance, Aurélie Razimbaud tisse les liens subtils et

poignants entre l'amour et l'abandon. Qu'il s'agisse des pays ou des êtres, comment aller dans le

sens d'une réconciliation, comment panser les plaies, comment éviter qu'elles ne s'ouvrent ?

L'indépendance d'un pays, les liens d'un homme, des histoires qui se croisent : un premier roman

porté le souffle tiède de la Méditerranée, une mer-maîtresse en coups de théâtre.

REVERDY Thomas B. – L’hiver du mécontentement. – Flammarion, 2018. R/REV

L'Hiver du mécontentement, c'est ainsi que le journal le Sun qualifia l'hiver 1978-1979, où des

grèves monstrueuses paralysèrent des mois durant la Grande-Bretagne. Voici venir l'hiver de notre

mécontentement, ce sont aussi les premiers mots que prononce Richard III dans la pièce de

Shakespeare. Ce personnage, la jeune Candice va le jouer, dans une mise en scène exclusivement

féminine. Entre deux tournées à vélo pour livrer des courriers dans un Londres en proie au

désordre, elle cherchera à comprendre qui est Richard III et le sens de sa conquête du pouvoir.

Au théâtre Warehouse, lors d'une répétition, elle croisera une Margaret Thatcher encore

méconnue venue prendre un cours de diction et déjà bien décidée à se hisser à la tête du pays. Elle fera aussi la

rencontre de Jones, jeune musicien brutalement licencié et peu armé face aux changements qui s'annoncent. Thomas

B. Reverdy écrit le roman de cet hiver qui a sonné le glas d'une époque et accouché d'un autre monde, un monde sans

pitié où Just do it ne servira bientôt qu'à vendre des chaussures. Mais il raconte aussi comment de jeunes gens

réussissent à s'y faire une place, en luttant avec toute la vitalité, la détermination et les rêves de leur âge.

RICHARD Emmanuelle. – Désintégration. – Editions de l’Olivier, 2018. R/RIC

"Les gosses de riches gueulent en riant plus fort "Qu'est-ce que j'peux faire, j'sais pas quoi faire",

ritournelle en scie, scie qui vrille mes tympans, implante une graine de haine qui vient se loger

très profond dans mon crâne loin après le cortex". Pour payer ses études, elle enchaîne les petits

boulots tout en cherchant quelque chose qui serait une place. Elle n'envie pas ces jeunes qui,

d'un claquement de doigts, obtiennent tout de leurs parents.

Ils n'ont de cesse de lui rappeler qu'elle est l'Autre. Mais il n'y a pas de neutralité possible. A

force d'humiliations, le mépris s'inverse. La violence devient dignité. Et la colère monte, jusqu'à

se changer en haine pure. Désintégration est l'histoire d'une femme qui sait qu'un regard peut tuer. D'une

combattante habitée par la honte, et qui transforme la honte en arme de guerre. C'est un roman sur le sexe, le pouvoir,

le succès. Et la fierté comme moyen de survie.

STEFANSSON Jon Kalman. – Asta. - Grasset, 2018. R/STE

Reykjavik, au début des années 50. Sigvaldi et Helga décident de nommer leur deuxième fille

Ásta, d’après une grande héroïne de la littérature islandaise. Un prénom signifiant – à une lettre

près – amouren islandais qui ne peut que porter chance à leur fille… Des années plus tard, Sigvaldi

tombe d’une échelle et se remémore toute son existence : il n’a pas été un père à la hauteur, et

la vie d’Ásta n’a pas tenu cette promesse de bonheur. Jón Kalman Stefánsson enjambe les

époques et les pays pour nous raconter l’urgence autant que l’impossibilité d’aimer. À travers

l’histoire de Sigvaldi et d’Helga puis, une génération plus tard, celle d’Ásta et de Jósef, il nous

offre un superbe roman, lyrique et charnel, sur des sentiments plus grands que nous, et des vies

qui s’enlisent malgré notre inlassable quête du bonheur.

TAVERNIER Tiffany. – Roissy. – Sabine Wespieser éditeur, 2018. R/TAV

Les discussions des voyageurs de toutes nationalités, les panneaux où viennent s'afficher les

numéros de vol, les boutiques, les enseignes clignotantes, les annonces lumineuses, les bribes

échangées par les personnels navigants ou au sol, les demandes affolées des passagers en transit,

égarés dans le vaste aéroport : tel est le quotidien de la narratrice de ce roman, son

environnement visuel et sonore, depuis qu'elle a élu domicile à Roissy. Sans cesse en mouvement,

toujours tirant derrière elle une petite valise, elle va d'un terminal à l'autre, engage des

conversations, s'invente des vies, éternelle voyageuse qui pourtant ne montera jamais dans un

de ces avions dont le spectacle l'apaise. Passée maîtresse dans l'art de l'esquive, elle sait comment éviter les questions

trop pressantes. Cette femme sans domicile fixe, dont Tiffany Tavernier fait l'héroïne de son nouveau roman, est ce

qu'il est convenu d'appeler une « indécelable ». Arrivée à Roissy dans une grande confusion mentale, sans mémoire

ni passé, elle a trouvé dans ce non- lieu qui les englobe tous un cocon protecteur. Au fil des jours, elle s'y est reconstruit

une vie. Les subterfuges qu'elle déploie pour rester propre et bien habillée, les rencontres incongrues, les épisodes

cocasses – comme ces sangliers qui ont envahi les pistes –, mais aussi les angoisses d'être repérée par les forces de

l'ordre, elle les confie à Vlad, l'homme dont elle partage parfois le matelas dans la galerie souterraine d'où lui ne sort

jamais. Instituant habitudes et rituels comme autant de remparts au désarroi qui souvent l'assaille, s'attachant aux

lieux et aux êtres – notamment à cet « homme au foulard » présent tous les jours, comme elle, à l'arrivée du vol Rio-

Paris –, la femme sans nom fait corps avec l'immense aérogare. Mais, bientôt, ce fragile équilibre est rompu.