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2 Réflexions du Plan–C

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Introduction

Ce recueil de textes a été écrit par les participants au forum du Plan-C 1 ; il est le résultat d’années de débats et de discussions que nous souhai-tons partager et diffuser. Tous les auteurs ne partagent pas toutes les idéesrédigées ici, mais tous s’accordent à dire que toutes les idées font partiede l’ensemble du débat, selon le principe énoncé par Voltaire : « Je ne suispas d’accord avec tout ce que vous dites, mais je me battrais pour que vousayez le droit de le dire. »

Dans L’art de la Guerre, Sun Tzu dit : « Il est d’une importance su-prême dans la guerre d’attaquer la stratégie de l’ennemi. ». Notre ennemiest la corruption des politiciens, et sa stratégie est l’élection, qui permetaux richissimes propriétaires des médias de mettre au pouvoir leurs amis etobligés. Nous voulons le contrôle des pouvoirs publiques par des citoyenstirés au sort

Notre objectif premier est d’apporter des idées alternatives au débatpolitique, et nous remarquons qu’ils éveillent l’intérêt des nos concitoyensa chaque fois que nous en parlons autour de nous.

Ce texte est aussi accessible gratuitement à l’adresse :

www.front-plan-c.eu/reflexions

1. forum du Plan-C. http ://etienne.chouard.free.fr/forum/.

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4 Réflexions du Plan–C

Par :David LAFAILLE

Rémi MATHIEU

Zoltán HUBERT

version du 13 avril 2015

Cet œuvre est publiée selon les termes de la Licence Creative Commons At-tribution 3.0. La liberté de partager, reproduire, distribuer l’œuvre en partie ou enintégralité par n’importe quel média est garantie, à la condition de citer tous lesauteurs ainsi que le titre de l’ouvrage.

http ://creativecommons.org/licenses/by/3.0/fr/

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Table des matières

29 mai 2005 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

De la représentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

De l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Des décisions politiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

Des intérêts manquants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

De l’histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

Des propositions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

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1 | 29 mai 2005

Tout remonte à 2005. Le référendum sur le Traité de Constitution Eu-ropéenne (T.C.E.) monopolisait les conversations au travail, à l’apéro oudans les transports. La France retrouvait de son identité, celle d’un peuplepolitique et chacun s’interrogeait sur cette consultation décrite par l’essen-tiel des pouvoirs politique, économique et médiatique comme inéluctable.

Déjà intimement européiste, je me prononçai sans retenue en faveurdu “OUI”, ne serait-ce que pour la paix qu’assure l’Union Européennedepuis qu’elle existe, et conforté par une tribune publiée dans Le Mondepar Michel Rocard, je débattais en ce sens avec conviction.

Seulement, à l’Observatoire de Meudon où je finissais ma thèse de doc-torat, d’autres s’étaient beaucoup plus documenté que moi et attirèrent monattention sur les conséquences réelles de l’adoption du T.C.E. On évoquaitalors pas moins que la disparition de la démocratie, et le texte lui-même –tellement abscons, compliqué, tortueux – semblait avoir été écrit pour nepas être lu.

UTOPIA

L’Observatoire de Meudon est un de ces espaces privilégiés de la re-cherche fondamentale : deux terrasses, un château, trois coupoles de té-lescopes, une grande lunette d’époque et un immense parc en bordure deforêt domaniale où s’épanouit une faune heureuse à seulement quelqueskilomètres de Paris. Des parcelles sont cédées aux employés pour y faire

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pousser ce qu’ils désirent, et il n’est pas rare de croiser tel ou tel les braschargés d’une abondante récolte. Depuis la fenêtre de mon bureau, j’ail’œil sur des arbustes fleuris, des pieds de tomates et un faisan mâle quiaime se blottir dans une souche sans que je ne comprenne bien pourquoi.Les immenses marronniers habillent les allées où les jardiniers s’activent,toutes sortes de gens passent et repassent pour gagner les bâtiments ou lesquitter, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit.

On peut qualifier cet endroit d’Utopia, l’île des philosophes de ThomasMore. Car le savoir n’y est pas, pour l’essentiel, une affaire de certitudes :plus vous en savez, plus vous mesurez votre ignorance. C’est d’autant plusvrai en matière de science que sa nature révisable en est un des principauxmoteurs : en leur temps, Galilée, Newton et Einstein ont bâti des théoriesde mécanique céleste splendides qui ont chacune projeté le monde vers sonavenir, les théories des uns complétant celles des autres. Évidemment etcela va sans dire, parmi ces scientifiques fraient aussi d’appliqués abrutis,gavés de certitudes et qui souvent poursuivent l’espoir d’une reconnais-sance individuelle à même de les distinguer de leurs contemporains.

Quand donc en 2004 annonce fut faite que le T.C.E. subirait en Francel’épreuve du référendum, doucement mais sûrement la population s’en-flamma, et l’Observatoire ne fut pas en reste. Certains essayaient de dé-cortiquer le texte article par article, d’autres se référaient à des analyses deconfiance, et au final tous nous défendions une certaine idée de la politique,construite des influences de notre éducation et de notre expérience.

Bien au-delà de l’Observatoire, au bar de l’Espoir à Meudon, à la Butteaux Cailles la nuit, dans les universités, les brasseries, la même ferveur po-litique s’emparait de la ville. Comme si, nous retrouvant tous égaux devantce texte, c’est-à-dire incapables d’en finir la lecture, nous en profitions pournous exprimer, sans risque de faire pire que le texte lui-même. Descendusde notre observatoire, mêlés aux habitués du comptoir, nous partagions lesmêmes questions et chacun redevenait un citoyen.

Le texte du T.C.E. était un écheveau complexe et le débat devint l’oc-casion de poser des questions sur le fonctionnement des institutions Euro-péennes, son historique, sa logique et son bilan.

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T.I.N.A.

Dans le même temps, l’unanimité des médias “classiques” et des poli-ticiens de tous bords se prononça en faveur du “OUI”, et présentaient lesopposants en farfelus ou en xénophobes (ah, le fameux plombier polonais).Seul Internet permettait un débat ouvert et non-biaisé, et c’est tout naturel-lement là que l’essentiel du débat eut lieu. La machine de propagande souscontrôle centralisé fonctionnait à plein régime, mais le mal était fait, Inter-net avait ouvert la boite de Pandore, le débat occulté et monopolisé dansles médias officiels prit sa place sur la toile.

Le clou du spectacle fût sans-doute quand le président de la Commis-sion Européenne intima aux citoyens français dans les médias français devoter “OUI” car il n’y avait pas de plan de rechange en cas de refus, pasd’alternative au TCE, pas de Plan-B.

Le célèbre hymne Thatchérien, tube planétaire des années 80, le TINA :« There Is No Alternative ». C’est peut-être lui qui nous a le plus mis enrogne, comme un défi lancé aux citoyens : que des millions de personnessoient obligés d’approuver un plan car les dizaines qui l’ont élaboré n’ontpas envisagé que ce plan puisse être refusé scella le sort du T.C.E. : com-ment pourrait-on faire confiance à des naïfs de telle sorte ? Tout scientifiquesait que l’échec fait parti du processus, qu’un plan est une cible mouvanteet que l’on doit s’adapter constamment aux évolutions des événements. Amoins qu’ils ne soient pas naïfs mais arrogants au point de ne même pasdonner de l’importance à ce que le peuple pourrait penser ?

Et nous nous rendions bien vite compte que si nous défaisions le Plan-A, et malgré les jérémiades sur l’absence de Plan-B, un tel Plan-B allaitquand-même être trouvé, et nous sommes passés directement au Plan-C :le forum du Plan-C 1 était né.

Un citoyen Français, enseignant en économie et droit, trouvait anormalque ce texte de constitution européenne fût à ce point incompréhensible.Considérant qu’il était en la matière un citoyen éclairé, il décida donc de le

1. forum du Plan-C. http ://etienne.chouard.free.fr/forum/.

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lire en détail et d’en donner une interprétation plus prosaïque. Sa page In-ternet personnelle 2, où il exprimait ses doutes et ses trouvailles, accueillitdes millions de visiteurs, et devint le lieu de convergence du débat pournombre de citoyens. Au point de déborder d’Internet, et de forcer les mé-dias traditionnels d’organiser des débats, qui ne firent que confirmer à lafois l’intérêt des citoyens pour la chose politique, et aussi la défiance en-vers cette Europe-là.

Il tentait aussi de démontrer que le sacro-saint principe de séparationdes pouvoirs si cher à Montesquieu comme – en théorie – à l’ensembledes démocraties était sévèrement mis à mal. Il plaida très vite pour une as-semblée constituante formée de citoyens – et non de politiciens – justifiéepar l’a découverte que « Ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrireles règles du pouvoir ». Sur le forum du Plan-C nous débattions de nom-breux sujets, tous centrés sur une réforme profonde des pouvoirs actuels :assemblée constituante, désignation des représentants, tirage au sort, po-litiques de l’Union Européenne, référendum d’initiative citoyenne... Bref,nous nous emparions de l’actualité politique pour aborder le thème de ladémocratie.

Si “l’establishment” n’avait pas d’alternative, eh bien, nous en fabri-querions une nous-même.

LA VICTOIRE

Le résultat du référendum le 29 mai 2005 fut pour nous à la fois unevictoire et un soulagement : victoire sur le pouvoir en place et son armadamédiatique, et soulagement que les citoyens ne soient pas complètementslobotomisés par la propagande officielle. Et ce d’autant plus que le rapportde force fut sans appel avec plus de 55% de « NON » et une participationélevée de plus de 70%.

La victoire prit un goût encore plus exquis 3 jours plus tard puisque lescitoyens Hollandais confirmèrent le résultat lors de leur référendum sur lamême question le 2 juin 2005.

2. Etienne CHOUARD. http ://etienne.chouard.free.fr/.

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Mais qu’avons-nous gagné au juste ?

Pour être franc, pas grand-chose. Pendant 3 ans, le calme-plat de lapart des politiciens et des médias. L’Observatoire, le bar de l’Espoir, laButte aux Cailles, Paris tout entier retournaient à leurs chères études. Lacatastrophe annoncée en cas de refus du T.C.E. n’eut pas lieu.

Au forum du Plan-C, nous avons débattu, proposé, argumenté, rédigé,nous avons même évoqué la création d’un nouveau parti politique ; d’autressites et mouvements citoyens faisaient de même. La dynamique démocra-tique était en marche, une nouvelle organisation politique plus humaineallait émerger, nous en étions convaincus.

Puis en 2008, l’inexistant Plan-B apparut : les politiciens Français,Hollandais et de tous les pays de l’Union Européenne ont osé représen-ter le texte pourtant refusé par les Européens, seulement rebaptisé « traitésimplifié ». Ce Traité de Lisbonne n’est autre que le T.C.E. à peine déguisé,comme l’a exprimé Valéry Giscard d’Estaing – président de la conventionayant rédigé le T.C.E. – lui-même !

Le texte des articles du traité constitutionnel est donc à peu près in-changé, mais il se trouve dispersé en amendements aux traités anté-rieurs (...) Quel est l’intérêt de cette subtile manœuvre ? D’abord et avanttout d’échapper à la contrainte du recours au référendum, grâce à la dis-persion des articles, et au renoncement au vocabulaire constitutionnel.

Valéry Giscard d’EstaingLe Monde - 26.10.2007

Le déni de la volonté populaire, le viol de la démocratie, la néga-tion aussi flagrante des principes de base d’une société civilisée, nous nel’avions pas envisagé, même dans nos pires cauchemars.

Seule l’Irlande était obligée par sa constitution de tenir un référen-dum sur le sujet, et immanquablement, le peuple Irlandais refusa ce traité.Ce qui n’empêcha pas les pouvoirs Européens de continuer à forcer sonapplication, et, un an plus tard, le couteau sous la gorge en pleine déroutede ses banques, l’Irlande l’approuva finalement.

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LA FAILLITE DU SYSTÈME

L’ironie de l’Histoire a voulu que cette année d’infamie, 2008, soitaussi celle où leur monde s’écroula : le 15 septembre, l’ensemble des ins-titutions financières, des banques aux assurances en passant par les fondsd’investissements, toutes, absolument toutes, devinrent insolvables. La fa-meuse libre circulation des capitaux (reprise dans l’Article 63 du traité deLisbonne 3) s’est arrêtée net. Cette idéologie avait entraîné pendant des dé-cennies la construction d’un univers financier parallèle, basé sur des CDSet LBO et IPO et autres MDR, s’étendant de Hong-Kong à Londres en pas-sant par New-York ou Abu-Dhabi. Tout-ça, finalement, n’était que du vent.Les milliers de milliards d’argent en circulation dans la finance internatio-nale n’avaient aucune réalité économique, et quand les investisseurs ont dupayer les contreparties, on s’est rendu compte qu’il n’y en avait pas : lesystème entier était en faillite.

Mais au lieu de laisser les banques faire faillite et procéder à leur liqui-dation judiciaire, comme n’importe quelle entreprise, elles ont été sauvéespar les pouvoirs publics grâce à des prêts sans conditions. Depuis 2008,les pays Européens croulent sous les dettes qu’ils ont contractées pour ren-flouer les banques ; la pauvreté, le chômage, la désolation empirent d’an-née en année, alors que le 1% la plus riche de la population – voire 0.1% –s’est enrichie encore plus. Tous les responsables – ministres des finances,superviseurs des marchés, directeurs des banques, présidents des banquescentrales – sont encore en poste. Aucune commission d’enquête, aucunjuge d’instruction, rien, absolument rien n’a été fait pour comprendre cequi s’est passé, qui ou quoi est responsable, où sont partis les milliers demilliards d’argent public déversés. Le tout sous l’œil bienveillant des poli-ticiens élus. « Privatisation des profits, socialisation des pertes »

Les médias, censés être un contre-pouvoir, sont la propriété des mar-chands d’armes et des banquiers, et restent silencieux sur les sujets impor-tants. Oh, il nous informent sur les coucheries des princesses et les records

3. traité de LISBONNE. Version consolidée. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2010:083:FULL:FR:PDF, 2010.

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d’athlètes millionnaires, sur les faits divers scabreux et la courbure des ba-nanes, mais rien des pots-de-vin, des mensonges fabriqués ou des abus depouvoir. Et quand l’un d’eux fait son travail correctement et enquête sur lescircuits mafieux de la finance internationale 4, il est étripé par ses collègueset traîné en justice.

A aucun moment le résultat des référendums de 2005 contre le TCEn’est évoqué, aucun éditorial ne rappelle que le peuple n’a pas voulu decette Europe-là, tous les médias et tous les politiciens élus régurgitent lapropagande unique : « il n’y a pas d’alternative ».

L’Union Européenne et son nouveau traité ont échoué : les belles pa-roles d’entraide et de coopération ont laissé la place à la compétition etla contrainte ; il nous ont conduit puis enfoncé dans une crise aux dimen-sions Historiques, et les responsables de ce désastre sont tous encore à leurposte, affirmant maintenant que la solution est de leur donner encore plusde pouvoir ... à part citer Audiard 5, on reste sans voix.

Finalement, ce que nous avons vraiment gagné avec les référendumsen 2005, c’est la preuve formelle que nous ne sommes pas en démocratie.Plus personne ne peut faire semblant d’y croire.

TRIUMVIRAT

Le pouvoir réel actuel est tenu par le triumvirat oligarchique « banques– médias – politiciens » selon l’organisation suivante :

Les banques internationales sont propriétaires des médias tradition-nels centralisés – télévision et journaux imprimés – soit directement, soit àtravers des participations dans des conglomérats multinationaux. Ces pro-priétaires appliquent une ligne éditoriale qui fait que seuls les journalistesqui montrent une bienveillance envers leur idéologie sont embauchés etgrassement payés, les autres sont relégués comme pigistes ou reportersdans des zones dangereuses. Il n’y a pas de censure explicite, mais unesélection à l’entrée dans le système, comme l’a expliqué Noam Chomsky 6

4. Denis ROBERT et Ernest BACKES. Révélation$. Les Arènes, 2001.5. Michel AUDIARD et Gérard LAUTNER. Les tontons flingueurs. « Les cons ça ose

tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ». 1963.6. Noam CHOMSKY. La fabrique du consentement. 1988.

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Les médias centralisés invitent les personnes de leurs choix, et ce fai-sant font élire – par le simple matraquage de temps d’antenne – les politi-ciens qui sympathisent avec leurs idées (celles des propriétaires). Quelquestroublions sont régulièrement invités aussi pour prétendre à l’existenced’un débat, ils jouent alors le rôle d’idiots utiles. Aucune idée vraimentalternative ou dangereuse pour le système n’a le droit de citée, les per-sonnes défendant des vues néfastes aux banques et multinationales sontmoquées ou présentées comme “extrémistes”.

Les politiciens professionnels concoctent des réglementations sur me-sure aux banques et aux multinationales à base de libre–échange, tout enleur permettant d’éviter les taxes grâce aux paradis fiscaux qu’ils s’inter-disent de toucher. Ils les abreuvent aussi d’argent public soit à travers desprogrammes d’armement ou d’infrastructures pharaoniques, soit carrémenten les subventionnant en cas de coups durs comme lors du sauvetage dusystème financier fin 2008.

Et la boucle est bouclée. On peut admirer la subtilité du montage puis-qu’aucune corruption directe n’est décelable, le renvoi d’ascenseur n’estpas réciproque, et pourtant cette oligarchie ne représente que quelques mil-liers de personnes. Et qui, d’ailleurs, passent allègrement d’une groupe àl’autre : on ne compte plus les “journalistes” qui se sont lancés dans la po-litique, les “experts financiers” qui passent en boucle sur les antennes, oules politiciens qui continuent leur carrière aux conseils d’administration demultinationales.

Le problème ne vient pas de tel ou tel parti, de tel ou tel politicien, maisde l’élection elle-même. Tant que la “démocratie” consiste en un choixtous les 4-5 ans de “représentants” qui, ensuite, font ce qu’ils veulent, ycompris le contraire de ce qu’ils ont promis, en notre nom mais sans aucuncontrôle ni sanctions, le pouvoir du peuple est inexistant. Le mot mêmede “démocratie” est dévoyé, dénaturé, pire, désignant bien souvent sonexact contraire : les systèmes représentatifs actuels permettent avant toutde dessaisir la population de son pouvoir.

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2 | De la représentation

— driiiiiiing

— allo ?

— Monsieur Hubert ?

— oui, c’est moi.

— Bonjour, ici le secrétariat des ressources humaines du CNRS, vousavez 5 minutes ?

— oui, qu’est-ce qui se passe ?

— Alors voilà, vous avez été tiré au sort pour participer à la commis-sion administrative paritaire pour représenter votre catégorie depersonnel.

— heing ?

— Oui. Si vous acceptez cette mission d’un an, vous êtes convoqué ausiège central avec les autres personnes tirées au sort comme vous,et nous vous expliquerons tout. Tous les frais de déplacements sontpris en charge, bien-sûr.

— ah, d’accord

Et c’est ainsi que je fus tiré au sort pour participer à une commissionqui, d’habitude, est tenue par des élus. Mais là, ils avaient démissionnéen bloc pour de sombres histoires sans intérêt ici, et comme il ne restaitqu’un an de leur mandant, les statuts prévoyaient que, dans ce cas, lesreprésentants du personnels seraient tirés au sort parmi le personnel.

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16 Chap 2 : De la représentation

Je ne m’étais jamais présenté à aucune élection interne, je n’étais mêmepas au courant de l’existence de cette commission, et pourtant j’ai bel-et-bien été sélectionné par tirage au sort. Comme-quoi, ça existe et ça peutarriver.

En tant qu’ingénieur système, mon travail consiste à concevoir, fabri-quer et tester des instruments scientifiques, pour l’astronomie dans moncas. Ces systèmes comprennent des sous-ensembles variés en interaction(mécanique, électronique, optique, informatique...), et nécessitent la colla-boration de dizaines ou centaines de personnes, techniciens, scientifiques,secrétaires, transporteurs...

Une des choses que l’on apprend de ces systèmes complexes est quel’on ne peut contrôler que ce que l’on mesure. Par exemple, nous mesuronsles déformations du front d’onde optique dans nos téléscopes, mais lesanalyseurs de surface d’onde ne voient pas le mode “piston” et donc nepeuvent pas le corriger, ce qui est bien embêtant pour l’interférométrie,alors que les miroirs déformables permettraient de le faire.

Plus terre-à-terre, si vous ne mesurez pas la pression de vos pneus devoiture, vous pourrez toujours les gonfler avec une pompe, mais sans savoirs’ils sont trop gonflés ou pas assez ; et si les 4 pneus ne sont pas à la mêmepression, la voiture va tirer d’un côté et user les pneus asymétriquement.Vous pourrez gonfler un peu plus un pneu, ou dégonfler un autre, au feeling,mais tant que vous ne mesurerez pas la pression de chaque pneu, ce seraau petit-bonheur-la-chance. Avec comme résultat probable un pneu éclaté,et ses conséquences au mieux désagréables, et au pire catastrophiques.

Autre exemple, la mesure de la richesse par le PIB ou par le pouvoird’achat, qui encourage la fabrication de produits jetables au lieu de pro-duits réparables. Ou encore la mesure du chômage comme rapport entreceux qui cherchent du travail et la population active, au lieu de mesurer letaux d’activité comme rapport entre ceux qui travaillent et la populationtotale ; ce qui encourage de mettre un maximum de la population à l’écartde l’activité sous divers prétextes – pré-retraites, études à rallonge – au lieude vraiment créer les conditions pour le plein emploi.

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En d’autres termes, cela veut dire que le résultat d’une action est déjàen partie déterminée par les mesures que l’on fait de la situation, et cer-taines mesurent impliquent automatiquement certains résultats, indépen-damment des décisions qui seraient prises : du moment qu’on cherche àmaximiser le PIB, on favorise forcément la fabrication de produits jetablesplutôt que réparables, même avec un discours politique de ”développementdurable“ ; tandis que si on mesurait la ”réparabilité“ de chaque produit –comme pour la consommation énergétique – l’acheteur serait encouragé àchoisir des produits réparables ... mais au détriment du PIB !

Et cela s’applique aussi aux lois ...

DURA LEX, SED LEX

“Nul n’est censé ignorer la loi” : cela veut dire que personne ne peutéchapper à la loi en plaidant l’ignorance, en se justifiant qu’il n’était pasau courant de la loi en question.

Cependant, on peut connaître une loi sans la comprendre, ne pascomprendre son champ d’application, ses modalités et ses exceptions, touten connaissant le texte par cœur ! Qui vérifie que les lois – écrites par lespoliticiens professionnels qui ne font que ça toute la journée pendant desannées – sont compréhensibles par les citoyens lambda, qui, eux, n’ont nil’habitude ni le temps d’étudier les textes juridiques ?

Il faut se rappeler que ce sont les politiciens qui sont au service de lasociété et non le contraire, c’est donc à eux de faire correctement le travailpour lequel ils sont grassement payés. Mais si ceux qui écrivent des lois nevérifient jamais que celles-ci sont compréhensibles, ils finiront par écriredes textes qui s’appliquent à des gens qui ne peuvent pas les comprendre,et un autre dicton s’applique alors : “A l’impossible nul n’est tenu”

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18 Chap 2 : De la représentation

REPRÉSENTATION DU PEUPLE

Appliquons maintenant le principe de contrôle-commande vu plus hautaux décisions politiques. Pour que cette société humaine “fonctionne” ilfaut que ceux qui peuvent influencer cette société soient au courant de cequi se passe dans cette société. Or justement, en démocratie, si c’est lepeuple – demos – qui décide – cratos – alors tout va bien puisque le peupleest au courant de lui-même : il sait comment vont les choses, les quartier,les routes, les bâtiments, quels sont les besoins, les manques, les souhaits,et pourra donc prendre les décisions pour influencer la société et corrigerce qui doit l’être.

Malheureusement, ce n’est que la théorie.

D’abord, il ne suffit pas de demander l’avis au peuple, il faut aussi quecet avis soit respecté. Les citoyens Français et Hollandais avaient beau re-jeter le Traité Constitutionnel Européen (TCE) lors de 2 référendums en2005, le texte a quand-même été imposé à l’ensemble de l’Union Euro-péenne en 2008, simplement rebaptisé “Traité de Lisbonne”.

Mais surtout, ce que tout le monde appelle “démocratie” est en fait une“démocratie représentative”, et pour que ce système décisionnel puisseapporter les bonnes décisions à l’ensemble de la société, il faut que l’en-semble de la société soit représentée.

Or il y a là un premier problème fondamental de l’élection : être candi-dat côute cher (en déplacements, tracts, meetings) donc les personnes éluesdoivent leur élection – et les privilèges qui en découlent – à ceux qui ontaidé à leur accession à ce poste ; ces élus ne représentent donc pas réelle-ment leurs concitoyens-électeurs, mais plutôt ceux qui les ont aidés cettefois-ci, et pourront les faire ré-élire une prochaine fois.

Un deuxième problème est que que certaines classes sociales ont beau-coup plus d’élus que leur proportion dans la société, tandis que d’autresn’en ont aucun. Ainsi, selon le principe de contrôle-commande, les besoinsdes classes sociales et des groupes de personnes n’ayant pas de représen-tant politique ne seront pas pris en compte dans les décisions politiques !

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Chap 2 : De la représentation 19

Ceci est à la fois injuste, mais aussi dangereux : si les décisions poli-tiques sont prises sans tenir compte d’une grande partie de la population,alors la société civile va évoluer dans une direction et les règles de la vieen commun dans une autre, amenant inévitablement à des conflits dans lasociété. Ces conflits ne seront pas dus à des gentils et des méchants, maisà l’absence de dialogue. Et plus ces conflits durcissent, plus le dialoguedevient difficile, et plus la société s’enferme dans une spirale de méfianceet d’intolérance.

Regardons l’élection sous un autre angle : dans la plupart des sociétés“occidentales”, le taux de participation aux élections ne dépasse pas 50%de la population en âge de voter (environ 70% des personnes pouvant votersont inscrites sur les listes électorales, et le taux de participation aux élec-tions est au maximum de 70% pour les plus suivies, et moins de 30% pourcertaines). Ce qui fait que, la moitié environ des citoyens ne participant pasaux élections n’est pas représentée politiquement.

En regardant d’encore plus près, les partis “majoritaires” remportentenviron 30% de ces suffrages (exprimés, donc venant de la moitié de lapopulation), ce qui veut dire que les représentants de 15% des citoyensexercent le pouvoir. Le moins que l’on puisse dire est que nous observonsune sacré distorsion de la notion de démocratie.

Revenons à cette moitié — environ — de la population qui ne participepas aux élections. Certains diront que c’est de la faute à ces gens qui nevotent pas, que ce sont de mauvais citoyens, que des hommes sont mortspour la démocratie.

Nous allons ici exposer un autre point de vue, une autre explication,qui tient en 3 points.

1 - MAUVAIS INSTRUMENT DE MESURE

La première explication vient du principe de contrôle-commande énon-cée en début de ce chapitre : si l’objectif de la démocratie est que le peupledécide, alors il faut mettre en place les outils permettant cette décision,

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20 Chap 2 : De la représentation

et en premier lieu il faut savoir ce que le peuple veut (le vouloir-faire duchapitre 4).

Si l’élection exclut les avis de la moitié des citoyens, c’est que, toutsimplement, cet outil n’est pas adapté. Il en faut donc un autre, soit enremplacement, soit en complément. On ne peut quand-même pas dire quele problème de la démocratie est le peuple, ça serait absurde.

2 - LE VOTE BLANC

Et pourtant, un instrument de mesure potentiel existe bel-et-bien, maisn’est pas utilisé : le vote blanc. Lorsque l’on nous donne la possibilitéd’élire nos représentants, et qu’aucun des candidats ne nous convient, quepouvons nous faire : ne pas se déplacer aux urnes, et ainsi être comptabilisécomme “abstentionniste” ; ne pas s’inscrire sur les listes électorales, et êtrecomptabilisé comme “non inscrit” ; ou si l’on veut absolument faire valoirson droit de citoyen, voter blanc ... et ne pas être comptabilisé !

Oui, vous avez bien compris : si aucun des candidats à une électionne vous convient, vous ne pouvez pas le faire savoir. Le bulletin blanc,qui pourtant pourrait remplir ce rôle, est tout simplement ignoré. On peutfacilement imaginer pourquoi : les élus qui se drapent dans la volonté dupeuple ne pourraient plus faire illusion.

3 - DÉGOÛTER LES ÉLECTEURS

Mais il existe une explication plus vicieuse encore : pour un candidatà une élection, tout votant est une voix potentielle pour les adversaires,et qu’il faudra convaincre. Tandis qu’un non-votant est un problème enmoins.

Ainsi, il est plus “rentable” pour un candidat de dégoûter un citoyen del’élection que de le convaincre. En effet, pour convaincre, il faut à la foispasser du temps avec l’électeur potentiel pour comprendre ses souhaits, etensuite lui promettre ce qu’il espère ; mais à force de promettre à tout lemonde, les contradictions vont finir par être flagrantes. Tandis que dégoûterles citoyens de l’élection en général peut se faire “en bloc”, avec l’avantageque cela dure plusieurs élections.

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Chap 2 : De la représentation 21

SONDAGES

L’inadaptation des élections pour connaître la volonté du peuple estprobablement le mieux prouvé par les sondages dont on nous abreuventles médias pour nous expliquer ce que le peuple veut : pourquoi aurions-nous besoin de sondages réalisés par des entreprises privées si le systèmepolitique officiel public était réellement démocratique ?

Un sondage n’est rien d’autre qu’un prélèvement aléatoire d’un échan-tillon statistique sur un grand ensemble – du tirage-au-sort – mais réalisépar des entreprises privées. Il est à noter que les résultats bruts des so-nages ne sont jamais publiés, seulement les résultats corrigés, car les “al-gorithmes” – certains dirons “manipulations” – pour ajuster les réponsessont, soi-disant, des secrets commerciaux. Non, ce n’est pas une blague.Autrement-dit, la volonté du peuple (voir chapitre 4) est déterminée et an-noncée par des entreprises privées. Ces sondages sont ensuite utilisés parles politiciens pour justifier des décisions publiques : on en est arrivé à laprivatisation de la politique publique.

Il n’est nullement dans notre propos de vouloir interdire les sondages,mais au contraire d’en étendre l’utilisation, et d’en faire un outil public dela politique officielle.

En référence au début de ce chapitre, le tirage au sort en politiqueest un instrument de mesure scientifique de l’état de la société par pré-lèvement aléatoire d’un échantillon représentatif de citoyens. Il ne s’agitpas d’une utopie politique pour une société plus démocratique, mais d’unoutil de gouvernance réaliste, de “bon-sens paysan” pourrait-on dire. A lacondition que cela se fasse en public et dans la transparence.

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22 Chap 2 : De la représentation

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3 | De l’Europe

Que nous a-t-on reproché, à nous les opposants au Traité Constitution-nel Européen (TCE), d’être des “anti-européens”, des “euro-sceptiques”.Ha ! L’Europe est un continent (voir figure 3.1), comment pourrait-on être“pour” ou “contre” un continent ? C’est complètement idiot.

Par contre, c’est vrai que nous étions opposés à cette Europe-là.

De quelle “Europe” s’agit-il ? Essentiellement, des organisations euro-péennes qui soit confisquent le pouvoir des citoyens européens pour favo-riser les intérêts particuliers imposés par des lobbys puissants, soit serventde prétexte – “c’est l’Europe qui nous oblige” – aux politiciens locauxpour imposer des politiques locales contre l’avis de la population locale.Et toujours en nous assainant qu’il n’y a pas d’alternative.

Or, des alternatives, il y en a.

UN PEU D’HISTOIRE

Jusqu’au traité de Maastricht (1992), il y avait essentiellement 2 orga-nismes Européens : le Conseil de l’Europe et la Communauté EconomiqueEuropéenne (CEE). C’est le traité de Maastricht qui a renommé la Com-munauté Economique Européene en Union Européenne, et qui a instituél’euro dont certains pays n’ont pas voulu, créant ainsi l’Espace MonétaireEuropéen (EMU) aussi appelée “eurozone”.

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24 Chap 3 : De l’Europe

Comme on peut le voir sur les figures 3.2 et 3.1, il y a plusieurs or-ganismes Européens, avec des objectifs et des fonctionnements variés, re-groupant différents pays :

Union Européenne : siège à Bruxelles et Strasbourg, regroupe 27 pays.La politique est déterminée par la Commission, dont les membressont nommés par les gouvernements nationaux, avec un contrôlelimité par le parlement européen, dont les membres sont élus ausuffrage universel pour 4 ans, selon des procédures spécifiques àchaque pays.

eurozone : le siège de la banque centrale (BCE) est à Frankfort, re-groupe 17 pays de l’UE. La politique est déterminée par le direc-torat composé des directeurs des banques centrales nationales, quisont indépendants des gouvernements nationaux et prennent leursdécisions sans contrôle ni supervision aucune : c’est la fameuseindépendance de la Banque Centrale Européenne.

Espace Schengen : regroupe 25 pays dont 22 de l’UE. Les citoyens deces pays peuvent circuler librement dans cette zône sans contrôlede passeports aux frontières (sauf cas exceptionnels).

Conseil de l’Europe : siège à Genève, regroupe 47 pays. C’est l’ONUde l’Europe en quelque sorte.

FÉDÉRATION OU CONFÉDÉRATION ?

L’association de plusieurs pays sous un organisme commun peut avoirplusieurs formes :

Confédération : il s’agit de l’association volontaire et souple de plu-sieurs pays, où toutes les décisions politiques sont prises au niveaulocal, seules certains domaines économiques ou politiques sont dé-cidés au niveau supra-national. En particulier, les décisions de po-litique extérieure sont toujours locales, il n’y a pas de représenta-tion de la Confédération en dehors de sa zone géographique. De

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Chap 3 : De l’Europe 25

fait, la CEE était une confédération, et le Mercosur est une confé-dération aujourd’hui. Contrairement à son nom, la ConfédérationHelvétique – la Suisse – est un fédération.

Fédération : l’association est dans ce cas toujours volontaire, mais plusintégrée, et les décisions politiques sont partagés entre les nivauxlocaux et globaux avec une subsidiarité – en principe – bien définis.La différence majeur par rapport au cas précédents est que les dé-cisions de politique étrangère sont prises au niveau supra-national,les composantes locales n’ont pas de politque étrangère propre. LesUSA sont une fédération, et en principe mais pas vraiment dans lesfaits, l’UE est une fédération depuis le traité de Lisbonne, puisqu’ily a un président et un chargé des affaires étrangères.

Empire : dans ce cas, un pays impose la politique aux autres pays, pourson avantage. L’association n’est plus volontaire, la sortie du “club”n’est plus possible. La forme des organisations politiques natio-nales n’a pas d’importance, les règles sont imposés par le pays do-minant. L’URSS était un empire, et la zone euro commence à yressembler.

CONCLUSION

Depuis le traité de Rome en 1956, la C.E.E. était une association éco-nomique avant-tout, et politiquement une confédération. Avec le Traité deMaastricht en 1992, l’U.E. a été engagée vers une forme fédérale, qui a étéscellée juridiquement avec le traité de Lisbonne en 2008.

Depuis l’été 2012, le président de la B.C.E. a pris des décisions (“Wha-tever it takes”) qui lui étaient interdites par les traités Européens, contrel’avis de certains responsables nationaux, mais qui ne peuvent être contes-tées devant aucune juridiction de par son statut “indépendant” ; depuis2010, le traitement de la Grèce, de Chypre ou de l’Italie montre aussi quela sortie de la zone euro n’est pas tolérée, ce qui fait que la zone euro estdevenue un empire.

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26 Chap 3 : De l’Europe

FIGURE 3.1 – Carte de l’Europe (source : Wikipedia)

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Chap 3 : De l’Europe 27

FIGURE 3.2 – Imbrication des organismes Européens (Wikipedia)

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28 Chap 3 : De l’Europe

Pour preuve de cette dérive autoritaire des institutions Européennes, ilsuffit de remarquer que ces 20 dernières années, presque à chaque fois queles citoyens européens ont été consultés directement sur un traité Européenpar référendum, ils ont rejeté les textes. Parler de “démocratie Européenne”est donc un mensonge grossier.

Et pourtant, avec la présidence tournante tous les 6 mois, la C.E.E. étaitprobablement l’expérience anarchique – dans le sens an-archos, absencede chef – la plus organisée et la plus aboutie de tous les temps.

On peut se demander si nous ne sommes pas allés trop loin dans l’inté-gration européenne, si nous ne ferions pas mieux de faire marche-arrière,et de (re-)créer la Confédération Européenne. Encore mieux, en s’inspirantde la volonté manifeste de retrouver les racines regionales un peu partouten Europe, pourquoi ne pas créer l’Europe des régions, au lieu de l’Europedes nations ?

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4 | Des décisions politiques

Montesquieu avait énoncé dans L’Esprit des Lois la séparation des 3pouvoirs qu’il avait identifié à l’époque : législatif, exécutif, judiciaire.Mais il a oublié de citer d’autres pouvoirs existants, comme par exemplele pouvoir de propagande des médias ou le pouvoir de création monétairedes banques.

Depuis, les théories et expériences politiques ont progressé, et il estdevenu impératif de se reposer la question aujourd’hui des pouvoirs réelset de leur séparation, car s’accrocher à la seule notion énoncée par Mon-tesquieu n’est plus suffisant.

LE VRAI POUVOIR

Les mots “démocratie” et “aristocratie” contiennent la racine grecquecratos, le pouvoir. Mais c’est quoi le pouvoir ?

Dans “Le Petit Prince”, Antoine de Saint-Exupéry fait dire au Roi :« Ton coucher de soleil, tu l’auras. Je l’exigerai. Mais j’attendrai, dans mascience du gouvernement, que les conditions soient favorables. »

Le vrai pouvoir n’est pas la possibilité de décider de telle ou tellechoses, ou de donner des ordres, mais la capacité d’obtenir ce que l’ona décidé d’obtenir. Cela peut se faire directement ou de manière détour-née, mais celui qui peut obtenir ce qu’il souhaite est celui qui détient levrai pouvoir. Même si il n’est assis sur aucun trône.

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30 Chap 4 : Des décisions politiques

Pour qu’une décision débouche sur une action concrète correspondantà la décision, et ne reste pas lettre morte ou ne finisse pas avec autre-choseque ce qui a été voulu, il faut réunir 3 processus bien différents :

vouloir-faire : c’est bien-sûr le cœur de la décision. Pour qu’une chosese fasse, il faut le vouloir. Cela parait trivial de le dire, mais dansle cas d’un groupe de personnes un peu nombreux, cela signified’avoir une méthode pour que la multitude d’avis et d’opinionsdiverses et contradictoires puisse dégager un but.

savoir-faire : pour que la chose ainsi décidée puisse être exécutée avecsuccès, il faut aussi une certaine compétence dans le domaine, ilfaut être capable d’élaborer un plan d’action, anticiper les difficul-tés et prévoir les moyens nécessaires.

pouvoir-faire : et au final, il faut avoir la possibilité d’appliquer le planélaboré précédemment en vue du but décidé. Cela signifie d’avoir àla fois la possibilité de mobiliser les moyens matériels et humainssuggérés par le savoir-faire, mais aussi les moyens – éventuelle-ment coercitifs – de convaincre les personnes qui ne sont pas satis-faites par la décision du vouloir-faire.

Si nous appliquons ces principes à une société que nous souhaitons“démocratique”, il convient de donner le vouloir-faire au peuple, le savoir-faire à un conseil de sages choisis pour leurs compétences, et le pouvoir-faire à un exécutif crédible n’ayant pas d’autre autorité.

LES 3 TYPES DE DÉCISIONS

De plus, toute société, grande ou petite, doit prendre 3 types de déci-sions collectives, et doit donc avoir des institutions qui permettent ces 3types de décisions très différentes par nature :

— décisions à long-terme, sur les règles de la vie en commun. Parexemple : les lois

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Chap 4 : Des décisions politiques 31

— décisions récurrentes et obligatoires pour les fonctions vitales dela collectivité. Par exemple : le budget

— décisions urgentes et imprévisibles. Par exemple : catastrophe na-turelle ou guerre.

On peut voir que ces 3 types de décisions peuvent assez facilement sesuperposer avec les 3 pouvoirs précédents :

Les décisions à long terme concernent les règles de la vie en commun,et nécessitent une acceptation élevée de la part de la société. Tant qu’unetelle acceptation élevée n’est pas trouvée, la règle peut – et doit – être refor-mulée. Il n’y a pas de temps imparti pour la prise de décision, et bien-quele pouvoir associé à ces décisions soit très élevé, il est lent. Le référendumd’initiative populaire ou une assemblée de citoyens tirés au sort seraientparticulièrement bien adaptés à ce type de décision, représenteraient fidè-lement la volonté du peuple, et se superposent bien avec le vouloir-faire.

Les décisions récurrentes et obligatoires concernent les sujets plus tech-niques de l’organisation, comme le budget ou le fonctionnement des ad-ministrations. Les décisions doivent être prises avec un emploi du tempsconnu à l’avance. Il y a peu de pouvoir direct associé à ces décisions, parcontre le pouvoir de nuisance est élevé si il est mal tenu. Pour ce rôle,des comités de sages pris parmi les experts dans leur domaines pour despériodes courtes avec rotation des charges rempliraient bien ce rôle et cor-respondraient au savoir-faire.

Les décisions d’urgence doivent avant-tout être rapides, et ne donnentdonc pas de temps à des délibération publiques. Parfois, la rapidité de laréponse est aussi importante que la justesse de la réponse, et des décisionsextraordinaires peuvent se révéler vitales pour la société, ce qui confère unpouvoir énorme à ceux qui ont l’autorité de les prendre. Dans ce cas, il estimpératif de limiter et d’encadrer précisément ce pouvoir, et surtout de nepas autoriser la moindre passerelle avec les deux autres, afin de ne pas four-nir la tentation d’utiliser les événements d’urgence pour faire passer des

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32 Chap 4 : Des décisions politiques

décisions engageant le long-terme 1. Les personnes chargés du pouvoir-faire pourraient aussi se charger des décisions d’urgence, à la conditionimpérative que leur pouvoir décisionnel soit limité dans le temps. Il fautalors qu’il y ait une certaines confiance de la population vis-à-vis de cespersonnes ayant reçu de tels pouvoirs, et l’Histoire semble indiquer quepour cela l’élection est une méthode éprouvée et reconnue.

SÉPARATION DES POUVOIRS

Comme nous venons de la voir, toute société doit se doter d’organesdécisionnels qui répondent au – vouloir-faire // savoir-faire // pouvoir-faire– pour son fonctionnement, que l’on pense à une démocratie, une dictature,une oligarchie ou une anarchie.

Mais en distribuant en plus ces 3 pouvoirs à 3 méthodes de sélectionindépendants – tirage au sort // rotation des charges // élection – on assureen prime la séparation de ces pouvoirs à la source même de la légitimité deces pouvoirs, et on minimise ainsi la possibilité d’abuser de ces pouvoirs.

1. Naomi KLEIN. La Stratégie du Choc. http ://www.naomiklein.org/shock-doctrine/the-book/editions.

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5 | Des intérêts manquants

Nous avons découvert au cours des débats sur le forum du Plan-C unaspect peu connu de la société : la création monétaire. Les billets que l’onmanipule quotidiennement, tout le monde arrive à comprendre qu’une cer-taine entité – appelée Banque Centrale – les imprime, ou les fait impri-mer, avec des motifs qui les rend infalsifiables. Les tricheurs, les faux-monnayeurs, sont traqués sans pitié, et font le bonheur des auteurs de ro-mans policier. Mais qui décide combien de billets sont imprimés ?

Et si j’ai un lingot d’or, est-ce de l’argent ? Et si j’ai une pièce d’or de20 Francs (un “Napoléon”) combien vaut-elle ?

On peut se rappeler la fameuse phrase attribuée à un Rotschild : « Jeme moque de qui crée les lois tant que c’est moi qui crée la monnaie ».

CRÉATION MONÉTAIRE

Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les États qui créaientleur monnaie, mais ce sont presque exclusivement, pour environ 90%, lesbanques privées qui créent l’argent quand elles accordent des crédits. Lerestant est créé par les banques centrales quand elles accordent des créditsà des banques et autres institutions financières, sauf une toute petite part –environ 1% – qu’elles créent sans contre-partie.

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34 Chap 5 : Des intérêts manquants

Ce système de création monétaire est dit à réserve fractionnaire, et lemécanisme est le suivant (voir 1 2 3) : si vous déposez 1000e en espècedans une banque, vous recevez en échange un avoir – une reconnaissancede dette – de 1000e de la banque. Mais celle-ci ne doit garder que 10%(par exemple) du dépôt en réserve, soit 100e. Les 900e restants (1000 -100) sont “libres” de droit, et la banque peut en faire ce qu’elle veut, parexemple les prêter à une autre personne, qui va alors disposer de 900e enespèces dans sa poche ; 900e que cette personne peut à son tour déposerdans la même banque, qui doit encore en garder 10% soit 90e en réserve,et peut prêter 810e en espèces à quelqu’un d’autre ... et ainsi de suite.

Cela forme une série géométrique convergente, qui fait qu’avec le dé-pôt initial de 1000e en espèces, la banque a pu émettre 10 000e de recon-naissance de dettes. Elle a donc créée 9000e d’argent grâce à vos 1000ede dépôt initial.

L’argent créé par la Banque Centrale – les 1000 – est appelée “monnaiefiduciaire”, et l’argent créé par les banques commerciales – les 9 000 –est appelée “monnaie scripturale”. Les deux sont techniquement différents,mais légalement interchangeables : c’est de la fausse monnaie légale.

LES ORIGINES

Ils y a plusieurs siècles, en Europe, ce sont les Rois qui créaient lamonnaie, sous forme de pièces en or ou en argent. Les orfèvres stockaientcet argent pour le mettre en sécurité, et donnaient une reconnaissance dedette écrite en échange – un gage. Puis les gens commençaient à échan-ger les gages des orfèvres directement, car pratiques, sans les convertir enmonnaie du Roi. Les orfèvres devinrent progressivement des banquiers enémettant plus de leurs propres gages que d’argent du Roi qu’ils avaient

1. WIKIPEDIA. Création monétaire. http://fr.wikipedia.org/wiki/Creation_monetaire.

2. Federal Reserve Bank of CHICAGO. MODERN MONEY MECHANICS. Public In-formation Center P. O. Box 834 Chicago IL 60690-0834, 1992.

3. Deutsche BUNDESBANK. GELD UND GELDPOLITIK. Wilhelm-Epstein-Straße14, 60431 Frankfurt am Main, 2010. Chap. 3.5, p. 67–75.

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Chap 5 : Des intérêts manquants 35

dans les caisses, tout en promettant la convertibilité entre leurs gages etl’argent du Roi.

Pourquoi le Roi tolérait-il une telle chose ? Tant que l’écart restait rai-sonnable, tant que les orfèvres-banquiers ne créaient qu’un peu de monnaieen plus, ce système marchait bien car il assurait un très grand dynamisme àdes entrepreneurs audacieux, ce qui enrichissait le Roi à travers les impôts.Et puis, les gages des banquiers n’étaient pas vraiment de l’argent, pas aumême titre que les pièces frappées du sceau du Roi, alors...

Mais avec les comptes en banques et les payements en chèque, puisavec l’argent électronique et les payements par carte, comment encore fairela différence entre monnaie de l’État et gage de banquier ? De plus, à la findu XXieme siècle, cet écart est devenu dé-raisonnable, de 3 : 1 on est passéà 50 : 1 (et même 100 : 1 dans la zone euro depuis le 11 février 2012 ! 4),et le grand dynamisme est devenu instabilité.

LES INTÉRÊTS MANQUANTS

La bizarrerie de la création monétaire par la réserve fractionnaire de-vient un problème quand on introduit les intérêts : en effet, dans notre 1er

exemple, la personne à qui la banque prête 900e ne doit pas en rendre 900mais un peu plus, ce plus étant les intérêts.

D’un point de vue comptable, quand vous faites un emprunt de 10 000eà la banque pour acheter une voiture, vous signez un contrat que vous allezen rembourser 12 000e (en prenant 20% d’intérêts cumulés par exemple).Les 10 000e sont appelés “principal” et les 2000e supplémentaires “inté-rêt”. Les 10 000e correspondant au principal du prêt sont inscrits à l’ACTIFdu bilan de la banque, puisque c’est de l’argent en plus pour elle. Les10 000e qu’elle a inscrit sur votre compte sont à son PASSIF , puisque

4. ECB Monthly Bulletin February 2012. IMPLEMENTATION OF NEW COLLATE-RAL RULES AND RESERVE REQUIREMENTS. “In order to reduce the banking system’sneed for liquidity (...) the Governing Council decided to temporarily reduce the positiveminimum reserve ratio from 2% to 1%”.

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36 Chap 5 : Des intérêts manquants

c’est de l’argent qu’elle vous doit. Les 2000e correspondants aux intérêtssont hors-bilan pour le moment.

Au moment même où le banquier appuie sur la touche CONFIRMER deson ordinateur, 10 000e apparaissent en même temps sur votre compte àvous, et à l’ACTIF ainsi qu’au PASSIF de la banque. La seconde d’avant,ces 10 000e n’existaient pas, la seconde d’après ils existent. Ils ont étécréés par la banque, ex-nihilo, devant vos yeux !

Notez bien que 10 000e ont été créés et pas 12 000e. Votre avoir estde 10 000e, mais vos dettes sont de 12 000e. Les 10 000e sont couvertspar la valeur de la voiture que vous achetez : ainsi, si vous ne remboursezpas le crédit, la banque récupère la voiture d’une valeur de 10 000e. Votredette s’élève donc à 12 000e, mais les avoirs de la banque ne sont quede 10 000e, tordant le cou à cette erreur fréquente : « Les dettes des unssont les avoirs des autres ». NON, C’EST FAUX : quand on fait un crédit,on crée mathématiquement plus de dettes que d’avoirs. Contrairement àl’économie, la comptabilité est une science exacte.

Quand vous payez votre dette de 12 000e, 10 000e sont effacés devotre compte (au PASSIF de la banque), et le contrat du crédit étant arrivéà terme est aussi effacé (de l’ACTIF de la banque), et les 10 000e crééslors du crédits sont détruits : 10 000e avaient été créés quand vous avezpris le crédit, et 10 000e sont détruits quand vous le remboursez ... maisles 2000e supplémentaires vont dans la trésorerie de la banque, et formentle bénéfice réalisé lors de cette opération. Si l’emprunt en question n’estpas remboursé, la banque récupère la garantie (la voiture que vous avezacheté), et aura peut-être une perte ou pas, suivant que l’avoir en garantieet les intérêts que vous aurez déjà versés couvrent le principal encore dû,ou pas.

Mais comment trouver ces 2000e supplémentaires ?

Un premier malentendu doit être dissipé tout d’abord : cet intérêt n’estpas la richesse créée par l’investissement qu’a permis le prêt, puisqu’onparle ici de monnaie – une quantité comptable – et pas de richesse –une grandeur physique. Pour comprendre ce malentendu fréquent, pre-nons l’exemple d’un emprunt pour faire pousser des tomates : les tomates

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Chap 5 : Des intérêts manquants 37

qui ont poussé sont de la richesse créée, mais on ne peut pas rembour-ser la banque avec elles. Pour rembourser le prêt, il faudra échanger larichesse physique que sont les tomates contre de l’argent comptable, qui,lui, pourra servir à rembourser la banque. Mais l’argent – grandeur comp-table – ainsi récupéré avait déjà été créée auparavant, indépendamment destomates qu’on a fait pousser. D’ailleurs, si une sécheresse empêche les to-mates de pousser il faudra quand-même payer les intérêts à la banque. Etsi des conditions parfaites font pousser plus de tomates, il ne faudra paspayer plus d’intérêts. La quantité de monnaie réclamée par la banque n’aaucun rapport avec les tomates, n’a pas été créé en même temps que lestomates.

Et donc, l’argent de l’intérêt, quand est-il crée, et comment ?

Comme presque la totalité (environ 99%) de la monnaie est créé parcrédit dans le système monétaire “occidental”, l’argent de l’intérêt est aussiforcément créé par un crédit. Mais en même temps, l’argent créé par uncrédit sert déjà à rembourser le principal de ce crédit, et ne peut donc rem-bourser en plus les intérêts d’un autre crédit.

C’est ce que certains appellent les intérêts manquants : l’argent pourpayer les intérêts Y d’un prêt X n’existe pas au moment où l’on contractele prêt X .

LE SCHÉMA PYRAMIDAL

Le principe d’une fraude pyramidale est le suivant : un “investisseur”prétend avoir trouvé un moyen nouveau de faire fructifier l’épargne, etpromet des rendements mirobolants à ceux qui déposent leur argent dansson fonds d’investissement. Mais en fait, il paye ces intérêts incroyablesavec l’argent des dépôts, qui est donc dilapidé au fur et à mesure. Pourpouvoir continuer l’escroquerie, il faut attirer d’autres déposants, et quandun épargnant veut retirer son dépôt, cela est aussi payé par les dépôts desautres. Et bien-sûr, l’escroc dépense une partie des dépôts pour lui-même.Il faut toujours plus de nouveaux entrants dans le schéma pour le fairefonctionner, et il ne faut pas que tous les déposants retirent leurs dépôts

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38 Chap 5 : Des intérêts manquants

en même temps. Quand l’escroquerie est découverte, les déposants restentavec des promesses vides.

Revenons à notre système monétaire à réserve fractionnaire : pour créerl’argent de l’intérêt Yn d’un prêt Xn, il est nécessaire de faire un autre prêtXn+1 dont une partie servira à rembourser l’intérêt Yn du prêt Xn. Maissi on utilise une partie de l’argent du crédit Xn+1 pour rembourser lesintérêts Yn, il va en manquer pour rembourser le principal Xn+1, en plus del’intérêt Yn+1 qu’il faudra déjà payer ! Il faudra faire un autre crédit Xn+2

plus important pour rembourser les intérêts Yn+1 mais aussi la partie duprincipal Xn+1 qu’on a ponctionné pour rembourser les intérêts Yn ; avecdes intérêts Yn+2 supérieurs encore ... et ainsi de suite.

A chaque fois, le principal Xn est créé puis détruit, mais les intérêtsYn forment le bénéfice de la banque. Bénéfice qui profite en partie auxdéposants et en partie aux actionnaires.

C’est un schéma pyramidal exemplaire : les bénéfices payés par lesbanques à leurs clients viennent des emprunts réalisés par les clients sui-vants, et les actionnaires en ponctionnent une partie au passage. Et commetout système pyramidal, il ne peut fonctionner que si la quantité d’argenten circulation est en croissance exponentielle.

Ceci sonne-t-il trop énorme ? N’y-a-t’il pas une erreur dans le raison-nement ? Si, il y en a une : si l’intégralité des intérêts est ré-injecté dans lacirculation monétaire, c.à.d. si aucune richesse monétaire n’est accumulée– autrement dit, si toutes les banques sont des organismes sans but lucratif– et si l’argent ne fuit pas dans d’autres systèmes monétaires – autrementdit, si la zone monétaire a une balance des paiements à l’équilibre – alorsle système peut fonctionner. Dans ce cas, les intérêts dus sont récupérés etaussitôt ré-injectés dans la masse monétaire en circulation, dont une grossepartie doit être créée sans crédit. Au lecteur de juger si ces conditions sontsatisfaites aujourd’hui.

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Chap 5 : Des intérêts manquants 39

LA FIN DE LA CROISSANCE

Depuis plus de 150 ans, la croissance économique obtenue grâce à larévolution industrielle et aux énergies fossiles accompagne la croissancede la masse monétaire du système financier. Pendant toute cette période,les intérêts manquants pouvaient effectivement être récupérés dans l’ave-nir. La dette qui crée l’argent était roulée, une nouvelle dette remplaçantl’ancienne, en quantité toujours plus importante, mais mesurée en ratiocontre le PIB la dette apparaissait stable, puisque le PIB croissait aussi.Tant que durait la fête, la croissance de la masse monétaire accompagnaitla croissance économique, passait inaperçue, était considérée comme “nor-male”.

Mais, en ce début de XXIieme siècle, 2 phénomènes nouveaux et in-connus jusqu’alors arrivent au même moment :

papy-boom : la génération du baby-boom née après la IIieme guerre mon-diale (entre 1945 et 1960) arrive à l’âge de la retraite (environ 60ans) à partir de 2005, et commence donc à retirer l’argent placédans les fonds de pension et assurances-vie. A cause du vieillis-sement de la population Européenne (et “occidentale” en général),l’épargne des jeunes générations ne suffit pas à remplacer la quan-tité d’argent ainsi retirée. Le système financier a donc moins dedépôts à disposition pour la réserve fractionnaire, et doit soit ré-duire les crédits émis et la masse monétaire, soit réduire le ratio deréserve fractionnaire et rendre le système plus fragile au bank-run.

peak-oil : selon l’Agence Internationale de l’Énergie, le maximum d’ex-traction du pétrole brut léger a été atteint en 2006 5, donc à partirde cette date la production d’énergie deviendra plus difficile, pluschère, moins rentable, et plafonnera puis déclinera. La productionéconomique qui est presque exclusivement basée sur les énergiesfossiles va stagner puis baisser, et donc la masse monétaire devraitdiminuer pour accompagner la baisse de l’activité économique.

5. Agence Internationale de l’Energie (AIE). World Energy Outlook 2010.http ://www.worldenergyoutlook.org/media/weo2010.pdf. 2010, p. 48.

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40 Chap 5 : Des intérêts manquants

Les 2 phénomènes impliqueraient une réduction de la masse monétaire,mais dans le système actuel il faudrait rouler les dettes avec des intérêtsnégatifs ; or dans ce cas les déposants préféreraient garder leurs économiesen espèces – “sous le matelas” – et retireraient leurs dépôts des banques enmasse : c’est le bank-run tant redouté des banquiers.

Mais cette montagne de dettes ne peut pas non-plus être rembourséepuisqu’il manque l’argent des intérêts. Tout l’argent en circulation – soustoutes ses formes – correspond au principal de tous les crédits en cours,mais les dettes, elles, comptabilisent aussi les intérêts sur ces crédits : ily a plus de dettes dus que d’argent en circulation. Si nous décidions tous,dans un élan de solidarité inexplicable, de mettre tout notre argent sur latable pour rembourser toutes nos dettes, il en manquerait et certaines dettesne pourraient pas être honorées.

Contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, ce genre de situationest récurrente dans l’histoire, et il n’y a que 3 issues possibles (et leurscombinaisons !) :

— les banques centrales peuvent créer l’argent des intérêts manquantssans contreparties économiques (“monétiser la dette”) ce qui histo-riquement mène à l’hyperinflation.

— la société peut reconnaître l’impasse de la situation et préférer vi-danger le système monétaire d’un coup en faisant défaut sur sesdettes jugées odieuses pour repartir sainement.

— ne prendre aucune décision désagréable dans l’espoir que le pro-blème partira de lui-même, ce qui pourrit la situation jusqu’au pointde rupture et amène la violence : révolution, dictature ou guerre.

Mais dans tous les cas, beaucoup de personnes trouveront beaucoupmois d’argent dans leurs comptes en banque que ce qu’on leur avait pro-mis.

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6 | De l’histoire

Hérodote d’Hallicarnasse (-484 à -425 av. J.-C.) était un historien, géo-graphe et prosateur grec. Ses écrits sont les premiers écrits politiques quinous soient parvenus. Dans Enquêtes III 80-83, il décrit le discours entretrois prétendants au trône. Chacun défend le moyen de gouverner qu’ilpréfère : Otanès défend la démocratie. Mégabyse plaide en faveur de l’oli-garchie. Darius se fait l’avocat de la monarchie.

Ce qu’Hérodote nous enseigne ici, c’est qu’il existe trois moyens degouverner[ 1]. Avant de se demander lequel est le meilleur, révisons en-semble leurs significations. Utilisons-nous les bonnes définitions ? D’aprèsle dictionnaire Larousse :

Oligarchie : Système politique dans lequel le pouvoir appartient à unpetit nombre d’individus constituant soit l’élite intellectuelle (aristocratie),soit la minorité possédante (ploutocratie), ces deux aspects étant fréquem-ment confondus.

Monarchie : Système politique dans lequel l’autorité politique est exer-cée par un individu et par ses délégués. Pouvoir d’un seul.

Démocratie : Système politique, forme de gouvernement dans lequella souveraineté émane du peuple.

Serait-ce une erreur de langage que de désigner comme démocratie unsystème qui met un petit groupe au pouvoir ? L’élection est un système

1. Rémi MATHIEU. Pour un idéal Démocratique. extrait dehttp ://www.comprendrelargent.net.

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42 Chap 6 : De l’histoire

aristocratique, le pouvoir aux meilleurs (aristos = les meilleurs en grec).C’est un système défendable, cependant, ne nous trompons pas de mots.

En -507 av. J.-C., la démocratie athénienne vit le jour. Ses inventeursen avaient une vision bien différente de la nôtre. Pour eux, la démocratiece n’était pas l’élection. . .

LA DÉMOCRATIE ÉTAIT ASSURÉE PAR LE TIRAGE AU SORT

Dans l’excellent livre de Mongens H. Hansen, « La démocratie athé-nienne à l’époque de Démosthène », d’innombrables sources de l’époqueprésente le tirage au sort comme caractéristique inhérente de la démocratie.Ceci est un fait, une définition , et ne devrait pas faire lieu de débat. Imagi-nez comment réagiraient les inventeurs de la démocratie s’ils apprenaientcomment le nom de leur invention était utilisé de nos jours !

Mais les athéniens n’étaient pas les seuls à voir la démocratie de cettemanière : jusqu’à la fin du 18ieme siècle, tous les intellectuels en étaientconscients aussi. Les débats étaient endiablés entre défenseurs de l’aristo-cratie et les démocrates.

« Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie ; le suffragepar choix est de celle de l’aristocratie »

Montesquieudans “Esprit des lois”

Le régime de l’élection s’est malgré tout imposé vers la fin du 18ieme

siècle dans la quasi-totalité de nos sociétés occidentales. L’abbé Sieyès,un grand acteur de la révolution française était un fervent défendeur dece système. L’auteur de "Qu’est-ce que le Tiers état ?" savait lui aussi quele gouvernement représentatif n’était pas un régime démocratique, maisaristocratique :

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Chap 6 : De l’histoire 43

« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doiventrenoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière àimposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État re-présentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dansun pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), lepeuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »

Abbé SieyèsDiscours du 7 septembre 1789

“Dire sur le véto royal”

Cette citation de Sieyès est on ne peut plus claire sur la nature du gou-vernement représentatif : il ne saurait être une démocratie. Point.

Cependant, au fil du temps, la véritable signification du mot démo-cratie a été perdue. Nos régimes actuels sont qualifiés “démocratiques” partous, et ce, dans les livres d’histoire, aux informations et dans les repas defamille. Mais nous oublions l’oligarchie, comme si ce mot n’existait plus.C’est pourtant le mot le plus à même de décrire nos sociétés actuelles :« Système politique dans lequel le pouvoir appartient à un petit nombred’individus ». D’ailleurs, les aristocrates, eux, le savent depuis longtemps.Dès le début du XIXieme siècle, Alexis de Tocqueville avouait déjà :

« Je ne crains pas le suffrage universel : les gens voteront comme onleur dira. »

Alexis de Tocqueville

Nos régimes sont dits à “gouvernements représentatifs” : les citoyensne participent pas directement aux décisions politiques, ils délèguent cepouvoir à des resprésentants. À chaque élection, nous élisons ces respré-sentants politiques pour plusieurs années, parfois plus de 5 ans. Entre temps,il n’existe aucun réel moyen pour nous d’agir sur leurs décisions. Nos élusne sont pas révocables, même s’ils nous trahissent ! Pendant leurs mandats,les élus n’ont aucun compte à rendre. Ni après, d’ailleurs.

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44 Chap 6 : De l’histoire

DE NOTRE INITIATIVE, NOUS NE POUVONS RIEN DÉCIDER !

Aucun référendum d’iniciative ctoyenne, pas de véto populaire (saufquelques rares exceptions comme en Suisse ou au Venezuela), nous nepouvons choisir nos candidats parmi un large panel. Et cela finit toujoursau deuxième tour avec les deux plus grands partis du pays (PS et UMP enFrance par exemple...). Notre seul pouvoir est de ne pas réélire la mêmepersonne qui nous a déçus. Mais si celui ou celle qui le remplace nous trahità son tour, que pouvons- nous faire ? Attendre les prochaines élections pourle punir semble être la seule option possible. Et 5 ans, c’est long ... pourn’avoir comme – faux – choix que le traître ayant précédé celui qu’il fautchasser aujourd’hui.

Vouloir déléguer le pouvoir aux meilleurs peut-être compréhensible,c’est une vision de voir les choses, une manière de gouverner... Mais cen’est pas pour elle nous nous combattons... Une aristocratie (pouvoir auxmeilleurs) non corrompue et contrôlée en permanence serait sans doute unbon régime. Mais il faut bien se rendre à l’évidence qu’actuellement, ce nesont ni les meilleurs, ni les plus compétents qui sont aux commandes, etpresque toutes leurs décisions sont prises au profit des plus riches, car ilsachètent l’élection. L’argent reste privatisé, les dettes explosent, les mar-chés financiers ne sont pas régulés et le chômage est en constante augmen-tation, tout comme le montant de vos impôts. . .

Le gouvernement représentatif est plus démocratique qu’une dictature,mais il ne saurait être une démocratie directe telle que l’ont connue les ci-toyens athéniens. Vous pouvez défendre l’élection, mais vous ne serez ja-mais démocrate. L’important est de désigner les choses par leur vrai nom !

Vous devez peut-être vous dire : « L’auteur joue sur les mots ici ! ». Iln’en est rien ! Cette erreur de langage quasi-universelle est très importantecar nous utilisons le même mot pour décrire le problème et la solution.

IDÉE N°6 :« La démocratie réelle, c’est le tirage au sort et la rotation des charges.Le gouvernement représentatif n’est pas la démocratie ! Prétendre lecontraire reviendrait à désigner comme bleu ce qui est rouge »

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Chap 6 : De l’histoire 45

Il est normal que vous vous disiez peut-être actuellement : « Le tirageau sort ? N’importe quoi ! Cela a peut-être bien fonctionné dans l’antiquité,mais c’était pour une toute petite cité. Les problèmes actuels sont bienplus complexes et variés ! On ne peut laisser l’individu lambda prendre lesdécisions ! ».

Ce sont des objections inhérentes au débat et légitimes. Les Athéniensy ont aussi pensé lorsqu’ils écrivaient ces règles. On ne répète que la citéathénienne a très bien fonctionné et ce pendant 200 ans. Il semble logiquede se poser des questions sur les raisons qui ont poussé les athéniens àchoisir ce type de régime politique. Nous espérons donc que vous lirezla suite de ce manuel dans l’esprit du « Pourquoi pas ! » plutôt que danscelui du « Pourquoi donc ? ». Les objections seront bien sûr traitées dansles parties suivantes.

ET AUJOURD’HUI ?

Ce qui précède peut vous laisser perplexe. Cependant, derrière sonapparente simplicité, le tirage au sort en politique permet de limiter lesconflits d’intérêts au maximum. Que vous soyez ouvert ou non à ce pointde vue, il est primordial de ne pas rejeter cette idée sans vraiment la consi-dérer. N’imaginez pas que ce système reviendrait à seulement remplacervos élus par des tirés au sort, la démocratie réelle, c’est bien plus que ça !Pour mieux le comprendre, étudions quelques utilisations de tirage au sortpour désigner des responsables politiques au cours de l’Histoire.

Par exemple, en 2003 au Canada (en Colombie-Britannique), une as-semblée de citoyens a été tirée au sort pour décider des règles électorales,car les partis politique “habituels” n’arrivaient pas à se mettre d’accord surles réformes jugées nécéssaires.

Encore aujourd’hui, dans beaucoup de pays, les jurés aux procès d’as-sises – qui apartiennent au pouvoir judiciaire, un des 3 pouvoirs politiques– sont tirés au sort parmi les citoyens sur liste électorale, car le hasard estla seule méthodologie de choix qui est jugée robuste et insesnsible auxconflits d’intérêt potentiels.

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46 Chap 6 : De l’histoire

Les lecteurs intéressés par le sujets sont invités à consulter les ouvragessuivants :

— Gil Delannoi : Le retour du tirage au sort en politique

— Yves Sintomer : Petite histoire de l’expérimentation démocratique

— Moses I. Finley : Démocratie antique et démocratie moderne

— Oliver Dowlen : The Political Potential of Sortition

— Anthony Barnett & Peter Carty : The Athenian Option

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7 | Des propositions

« La démocratie est le pire système de gouvernement, à l’exception detous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’Histoire »

Winston ChurchillDiscours du 11 novembre 1947

Ce que Sieur Churchill oubliait de dire dans cette fameuse citation,c’est que ce qu’il appelait “démocratie” était une forme particulière dedémocratie – la “démocratie parlementaire” – et que tous les systèmes po-litiques imaginables n’ont pas encore été expérimentés dans l’Histoire. Enparticulier, Internet permet la communication de masse décentralisée etsymétrique entre citoyens, contrairement aux médias traditionnels centra-lisés.

Si les chapitres précédents et votre expérience personnelle vous ontconvaincu que la démocratie parlementaire – où les décisions politiquessont prises par des représentants professionnels élus tous les 4/5 ans – ades défauts rédhibitoires et que ce n’est pas réellement une démocratie,et que vous vous demandez quelles autres formes de systèmes politiquespourraient exister, ce chapitre est pour vous.

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48 Chap 7 : Des propositions

RÉFÉRENDUM D’INITIATIVE CITOYENNE

L’alternative la plus simple à la démocratie représentative est la démo-cratie directe, quand le peuple décide de lui-même pour lui-même.

Le principe du Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) est que si unnombre suffisant de citoyens demande la tenue d’un référendum sur unequestion politique, le gouvernement est obligé d’organiser ce référendumet de suivre la décision populaire. Pour que le RIC soit réellement uneforme de démocratie directe, aucun restriction sur la nature de la question,ni aucun filtre de sélection parlementaire ne peut exister.

Le RIC est bien plus qu’un système référendaire où les politiciensconsultent le peuple sur les questions qu’ils choisissent, car le RIC per-met au peuple lui-même de déclencher des questions.

A notre connaissance, seules la Suisse et le Venezuela implémententle RIC réellement, bien que beaucoup de pays en aient une forme édentéesans réel pouvoir.

Le seul inconvénient du RIC est sa lenteur et sa lourdeur de mise enœuvre, ce qui réserve son utilisation à des questions particulières.

DÉMOCRATIE LIQUIDE

Pour combler les difficultés de la démocratie directe par RIC, certainsgroupes proposent d’utiliser la puissance distribuée d’Internet pour per-mettre aux citoyens de participer au débat public et de prendre les décisionspolitiques.

Plusieurs plate-formes et ensembles logiciels sont en développements,qui sont appelés “démocratie liquide” ou “démocratie participative”.

Le grand défaut de l’utilisation d’Internet dans un système politiqueest que ceux dont l’activité quotidienne permet la connexion permanentemonopoliseront le débat, tandis que ceux qui accèdent à Internet par inter-mittence en seront exclus de fait.

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Chap 7 : Des propositions 49

FORUM DES CITOYENS

Dans tous les pays Européens et dans (presque ?) toutes les démocra-ties représentatives, il y a 2 chambres législatives élues. Une propositionserait de remplacer la chambre haute – le Sénat – par une assemblée decitoyens tirés au sort – le Forum des Citoyens – avec le même pouvoir quel’assemblée qu’elle remplace.

L’idée de base ici est de prévenir la concentration des pouvoirs à lasource même de la légitimité du pouvoir. Les élus auraient la légitimitédu choix du peuple, les citoyens tirés au sort auraient la légitimité de lareprésentativité.

En effet, si on remplaçait seulement l’élection par le tirage au sort,on ne ferait que déplacer le pouvoir vers les mains de ceux qui contrôlentl’accès au tirage au sort qui ne tarderaient pas de trouver des moyens pourbiaiser la sélection, et après une période de transition, une nouvelle oli-garchie se mettrait en place. Tandis que mélanger la sélection par électionavec la sélection par tirage au sort est un moyen pour le peuple de diviserl’accès au pouvoir pour mieux régner sur ceux qui sont au pouvoir, au lieudu contraire.

Si on se rappelle les principes généraux énoncés au chapitre 4, l’as-semblée de citoyens tirés au sort représenterait la volonté du peuple, levouloir-faire, et l’assemblée élue représenterait la compétence, le savoir-faire.

Un grand avantage d’un Forum des Citoyens remplaçant le Sénat seraitla transparence législative, puisqu’on pourrait garder toutes les procéduresintactes et simplement remplacer la méthode de sélection.

Un inconvénient serait que la méthodologie de sélection par tirage ausort n’est pas rodée, même si le tirage au sort est déjà pratiqué pour lesjurés d’assises dans de nombreux pays. Il y a par exemple plusieurs écolesde pensée concernant les candidats au tirage au sort : certains proposentque tous les citoyens soient candidats par défaut, d’autres qu’il faut êtrevolontaire, d’autres encore qu’il faut utiliser les listes électorales, ou alors

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50 Chap 7 : Des propositions

que le tirage au sort se fait par procuration, et d’autres encore proposentque pour être candidat il faut avoir effectué un service civil pour prouversa volonté civique.

LE VOTE BLANC

Une variante de l’idée précédente est de garder le système parlemen-taires et les élections en l’état, mais de comptabiliser les votes blancs etde choisir dans l’assemblée nouvellement élue une proportion de citoyenstirés au sort en rapport avec la proportion de votes blanc. Si par exempleles votes blancs représentent 40% des votes, 40% des représentants dansl’assemblée seront tirés au sort. Dans ce cas, le vote devrait être obligatoirepour bien représenter le peuple (voir chapitre 2)

L’avantage de cette variante est que le changement institutionnel estquasi-nul, seule le choix des représentants est complété : les citoyens conti-nuent de pouvoir élire leurs représentants comme aujourd’hui, tout en per-mettant aux citoyens qui ne se retrouvent dans aucun candidat d’exprimerleur non-choix.

L’inconvénient est que dans la même assemblée se retrouveraient desélus et des tirés-au-sort, et que certains pourraient avoir la tentation de sesentir plus représentatifs et/ou légitimes que d’autres.

JURY CITOYEN POUR ÉVALUER LES ÉLUS

Lors de nos débats sur le forum du Plan-C, il est apparu que beaucoupde personnes étaient attachées aux élections et opposés à l’idée de confierdes responsabilités législatives à des citoyens ordinaires, soit pour les dé-bats politiques qu’il engendrait et qui disparaîtrait selon eux dans le casdu tirage au sort, soit pour pouvoir choisir leurs représentants comme lestipule la déclaration des droits de l’Homme. Mais ces mêmes opposantsau tirage au sort intégral convenaient que le système électif actuel encou-rageait la corruption et le copinage politique.

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Chap 7 : Des propositions 51

Une idée a émergé alors, proposée aussi par Ségolène Royal lors de lacampagne à l’élection présidentielle française en 2007 : un jury de citoyenstirés au sort sans pouvoir législatif mais avec le pouvoir d’évaluer et desanctionner les élus pendant leur mandat.

Ainsi, le pouvoir législatif (et exécutif bien-sûr) réside toujours avecdes élus du peuple, mais si un élu en venait à oublier qu’il est au servicedes citoyens et pas de ses amis – voire de lui-même – alors ce jury pourraitlui retirer son mandat.

Le grand avantage de ce système politique est la similitude avec beau-coup de systèmes juridiques où le jury est déjà composé de citoyens ti-rés au sort. Le changement intellectuel et institutionnel serait faible, maisle changement comportemental serait important et immédiat. Le systèmepolitique actuel pourrait continuer à l’identique, tout-en permettant de sedébarrasser des élus corrompus (à la condition que le jury de citoyens aitun pouvoir de sanction réel et rapide !).

ASSEMBLÉE CONSTITUANTE TIRÉE AU SORT

Alors bien-sûr, tout cela est bien joli, mais si le pouvoir est réellementdétenu par les propriétaires des médias et bloqué grâce à l’élection, commenous le prétendons, il n’y a aucune chance qu’ils lâchent le morceau et pro-posent un système réellement démocratique simplement parce-que nousles avons démasqués.

Ainsi, pour que le peuple puisse s’accaparer le pouvoir politique, il nefaut surtout pas que les règles du pouvoir – la Constitution – soient écritespar ceux qui sont déjà au pouvoir, à savoir les élus. Pour éviter cela, nousproposons de réunir une assemblée constituante chargée de rédiger unenouvelle constitution, et qui serait composée de citoyens tirés au sort.

La Constitution ainsi écrite devrait être approuvée par référendum, quireste à nos yeux la seule méthode d’approbation irréprochable.

Un des défauts d’une telle assemblée constituante composée de tirésau sort est l’incertitude sur la compétence des citoyens pour rédiger une

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52 Chap 7 : Des propositions

constitution cohérente et robuste. En se référant au chapitre 4, il manqueraitla dimension “savoir faire” qu’il faudrait apporter par d’autres méthodesde sélection.

Un autre défaut est le temps nécessaire pour écrire une constitution,pendant lequel la société doit quand-même s’organiser : il faudrait unesorte de régence intérimaire, mais il n’est pas dit comment un tel pouvoirtemporaire serait choisi.

ASSEMBLÉE PRÉ-CONSTITUANTE

Pour combler ces 2 problèmes potentiels d’une assemblée constituantetirée au sort, on pourrait préalablement tirer au sort une assemblée de ci-toyens dont le rôle serait seulement de déterminer les règles d’accessionau pouvoir, sans écrire les détails de la constitution. Cette assemblée déci-derait comment seraient choisis les représentants du peuple, les ministres,les préfets, le président – ou le Roi, pourquoi-pas – mais ne décideraientpas des interactions multiples entre tous les étages de tous les pouvoirs.

Ainsi, la durée des travaux pourrait être réduite à quelques semaines,et cette assemblée pourrait aussi décider de la régence intérimaire en atten-dant la constitution définitive.

Cette assemblée représenterait le vouloir-faire du chapitre 4, et déci-derait aussi de la méthode de sélection des spécialistes qui rédigeraientensuite les détails techniques de la constitution complète, et qui représen-teraient alors le “savoir-faire”.

La Constitution définitive ainsi écrite devrait bien-entendu être approu-vée par référendum, ce qui scellerait le “pouvoir-faire”.

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Chap 7 : Des propositions 53

CRÉATION MONÉTAIRE

Bien que le pouvoir de création monétaire ne soit pas vu comme unpouvoir politique aujourd’hui, nous sommes arrivés à la conclusion qu’ilreprésente bien un pouvoir politique à part entière. On pourrait même dire,au vu du sauvetage du système financier en 2008, et de la prise de pouvoirpar le BCE en juillet 2012 (“Whatever it takes”) que le pouvoir réel desbanques centrales “indépendantes” est supérieur au pouvoir politique desgouvernements “démocratiques”.

Comme nous l’avons vu au chapitre 5, créer de la monnaie scripturaleet réclamer des intérêts dessus n’est mathématiquement pas viable. Il fautdonc au minimum séparer les 2 fonctions, et soit avoir une monnaie avecréserve pleine – basée sur l’étalon-or ou pas – et on peut alors demanderdes intérêts, soit on veut créer de la monnaie ex nihilo mais alors il faut lefaire sans intérêts, comme un service public. Pas seulement pour les États,comme le proposent certains mouvements alternatifs, mais pour tous lescitoyens.

On peut aussi être adepte de l’école Autrichienne libertaire et ne pasvouloir imposer une monnaie unique par la force d’une banque centrale,et laisser la société créer des monnaies pour le commerce et utiliser cellesqui fonctionnent le mieux : euro, or, BitCoin... BitCoin, justement, prouvequ’un axiome majeure de l’école Autrichienne est vrai : les utilisateurscréent la monnaie qui leur sert et qui leur est utile, sans qu’un organismecentral en soit à l’origine et l’impose par son monopole.

Ou alors, on peut aussi se rappeler que les anciens avaient déjà remar-qué les méfaits de l’usure – du prêt d’argent contre intérêts – et interdireaujourd’hui à nouveau les intérêts sur tout prêt financier : si on veut fairefructifier son argent, il faut l’investir en partageant les risques avec l’entre-preneur : pas de risque, pas d’intérêt.

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Dans ces conditions, ce qu’on déteste avec le plus de raison, c’est lapratique du prêt à intérêt parce que le gain qu’on en retire provient de lamonnaie elle-même et ne répond plus à la fin qui a présidé la création.Car la monnaie a été inventée en vue de l’échange, tandis que l’intérêtmultiplie la quantité de monnaie elle-même.

AristotePolitique, Livre I, 10

Ceux qui pratiquent l’intérêt usuraire se tiennent au jour du Jugementdernier comme celui que le toucher de Satan a bouleversé. Cela, parcequ’ils disent : “Le commerce est tout à fait comme l’intérêt” alors qu’Allaha rendu licite le commerce, et illicite l’intérêt.

CoranSourate 2 :275

Parce que tu révères ton Dieu, tu ne recevra de sa part ni intérêt, niprofit, pour que ton prochain puisse vivre à côté de toi. Si tu lui prêtesde l’argent, tu n’en exigeras pas d’intérêt.

Ancien TestamentLévitique 25 :35-37

Comme on l’a vu au chapitre 5, l’intérêt n’est qu’un contrat signé lorsd’un emprunt, il est donc trivial de l’interdire par une loi. Et sans intérêts,la monnaie devient un simple outil du commerce et alors n’importe quelsystème monétaire ferait l’affaire.

Il n’existe pas nécessairement un système monétaire idéal, mais le sys-tème “occidental” actuel – basé sur la création monétaire par réserve frac-tionnaire avec intérêts et contrôlé par des banques centrales “indépendan-tes” – est probablement un des pires possibles.

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Chap 7 : Des propositions 55

ENTREPRISES PRIVÉS

Aujourd’hui, en Europe et dans beaucoup de pays “occidentaux”, lesentreprises privés ont exactement le même statut juridique – sur le planéconomique – que les êtres humains :

Les sociétés constituées en conformité de la législation d’un Étatmembre et ayant leur siège (...) à l’intérieur de l’Union sont assimilées,pour l’application des dispositions du présent chapitre, aux personnesphysiques ressortissantes des États membres.

Traité de LisbonneArticle 54

Une des conséquences facheuses de cette clause est la perte d’informa-tion sur la propriété réelle des entreprises, qui peuvent s’entre-appartenir,de holding en conglomérat et corporations, qui fait qu’au final on ne saitplus à qui appartient telle-ou-telle société 1.

Et alors que des entreprises et sociétés peuvent être liquidées, les êtrehumains ne peuvent pas l’être (si on s’abstient de pratiques criminelles) :ainsi, un citoyen sera indéfiniment responsable de ses actes, tandis qu’uneentreprise peut simplement disparaître, et ses responsabilités avec.

Sans parler que certains pays Européens sont bien moins regardantsque d’autres sur les origines des capitaux utilisés.

Curieusement, par un tour d’ironie dont l’Histoire est friande, le ré-sultat est le même qu’avec le communisme : on ne sait plus pour qui ontravaille, les employés récompensés ne sont pas ceux qui apportent le plusà l’entreprise mais ceux qui naviguent le mieux dans ses méandres so-ciaux, ceux qui participent le plus aux réunions pour se montrer, voires’approprier les résultats des collègues absents. Finalement, par le biaisde regroupements et de rachats se créent des entreprises hypertrophiés où

1. S. VITALI, J.B. GLATTFELDER et S. BATTISTON. “The network of global corporatecontrol”. In : http://arxiv.org/PS_cache/arxiv/pdf/1107/1107.5728v2.pdf ().

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56 Chap 7 : Des propositions

règnent les managers ayant la réunionnite aiguë, qui doivent vendre leurcame superflue en inondant les consommateurs de marketing et de publi-cité ... exactement comme le communisme fabriquait des produits dépassésen entretenant l’illusion grâce à la propagande.

Une des priorités pour tout changement de système politique vers unesociété plus humaine sera de rétablir la hiérarchie, et affirmer clairementque justement, non, les sociétés ne sont pas assimilables aux personnesphysiques, n’ont pas les mêmes droits et prérogatives.

On pourra se souvenir d’une proposition du défunt Général de Gaulle :l’actionnariat salarié, où l’entreprise appartient à ses employés. Ce n’estni du communisme – où les entreprises appartiennent à l’état – ni du ca-pitalisme – où les entreprises appartiennent à ceux qui ont l’argent – maisautre-chose, pour lequel il faudra encore inventer un nom en -isme.

ET VOUS, MOI, NOUS, QUE POUVONS NOUS FAIRE ?

Le lecteur averti que vous êtes a déjà remarqué que les propositionsprécédentes s’adressent à des hommes (et femmes) qui auraient un certainpouvoir de décision politique, et donc font plus-ou-moins partie du sys-tème. Ils ne voudront pas renverser le pouvoir politique pour le rendre auxcitoyens, mais pour se l’accaparer pour eux-mêmes (“devenir Calife à laplace du Calife”).

Nous, simples citoyens qui vaquons à nos occupations quotidiennes,pouvons bien déclarer haut et fort qu’il faut une assemblée constituantetirée au sort ou nationaliser les banques, cela n’aura pas plus d’effet quede pisser dans le Danube. Alors sommes-nous condamnés à l’impuissancepolitique ? Sommes-nous condamnés à attendre un héros ou un miracle ?Devons-nous faire la révolution avec son cortège de morts et de destruc-tions (et qui a de fortes chances d’amener au pouvoir d’autres crapulesavides de pouvoir) ?

Eh-bien non, rassurez-vous, nous pouvons agir au quotidien. Il y a deuxtâches à accomplir :

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Chap 7 : Des propositions 57

faire tomber le système : le système politico-économique actuel est basésur le crédit, la consommation et les énergies fossiles. Pour le fairetomber, il suffit d’arrêter de le nourrir : ne prenez plus de dette, neconsommez plus inutilement, et ne gaspillez plus l’énergie.

Concrètement, cela veut dire de continuer à vivre votre vie, mais enfaisant attention de payer en espèces autant que possible, de réparer leschoses au lieu de les jeter, de ne pas se ruer sur le dernier gadget à la mode,de consommer des produits locaux et de saison, de se déplacer en vélo ouen transports en communs, d’acheter et vendre les produits en occasion...

Et bien-sûr, pas la peine d’aller voter.

Le système actuel tombera, quoique-vous fassiez. Cela peut être violentou calme, mais il tombera. Contribuez à ce que cette chute finale ne dé-bouche sur la IIIieme guerre mondiale, et que cette chute arrive le plus vitepossible, avant que la planète ne soit complètement épuisée.

préparer un nouveau système : après la chute finale, et à supposer quecela se fasse sans armes nucléaires – car là, nos conseils ne vau-dront rien – la société se reconstruira, et le système politique qui enémergera sera puisé dans les idées qui circuleront à ce moment del’histoire dans le subconscient collectif. Si tout le monde parle dela restitution de la monarchie, un moyen sera trouvé pour le faire.Donc, si les idées de cet ouvrage vous inspirent, parlez-en autourde vous : au café, au barbecue, chez la coiffeuse, chez le boulanger,au travail, à la salle de sport, dans le metro...

Et vous découvrirez que beaucoup de vos concitoyens partagent lesmêmes analyses et se sentent prisonnier du même système, mais ne saventni vraiment nommer le problème à part asséner un “tous pourris” facile, nin’ont d’alternatives à proposer à part voter pour des partis “extrémistes”. Sivous arrivez à installer le doute, à allumer une étincelle d’idée alternative,à susciter la réflexion, nos idées auront plus de chances d’être considéréesdans l’avenir.