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RECUEIL DE TEXTES EN COUNSELING DE CARRIÈRE
LOUIS COURNOYER, c.o.
Professeur
FÉVRIER 2013, V.2.
© Louis Cournoyer
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Sommaire
Grands courants de psychothérapie et de counseling … .................................. 4
Humanisme et relation d’aide ............................................................................. 11
Cognitivisme et émotions selon Beck ................................................................. 15
Quelques modèles d’intervention en orientation ................................................. 26
Enjeux et problématiques en développement de l’employabilité … ................. 37
Enjeux et problématiques d’orientation au collégial ............................................ 52
Schémas et solutions : opposées ou complémentaires ? ................................... 83
Pratiques d’orientation au collégial …conduite du processus ............................. 91
Pratiques d’orientation au collégial … identité .................................................. 117
Pratique d’orientation et TDA/H … .................................................................. 153
Pratiques d’orientation et évaluation de potentiel … ........................................ 188
Conception sociorelationnelle du counseling de carrière .................................. 201
Approche du counseling centrée sur les schémas ........................................... 207
Tant de croyances, tant d’énergies diffuses … ................................................. 212
Counseling et intégration de l’analyse de projets ............................................. 216
Counseling stratégique, éclectif et narratif ....................................................... 220
L’approche Masterson en counseling de carrière … ........................................ 224
Comprendre le concept d’identité en orientation .............................................. 242
Comprendre l’indécision vocationnelle … ........................................................ 281
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Comprendre l’épuisement professionnel .......................................................... 293
Acquis de counseling en maitrîse en carriérologie ........................................... 334
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Grands courants de psychothérapie et de counseling … Jean-François Maltais, c.o.1
Claire Simard, c.o.2
Cette sous-section propose un survol des quatre principaux courants d’intervention en psychologie, psychothérapie et counseling. Il
s’agit dans l’ordre des approches humanistes, systémiques, cognitives comportementales et psychodynamiques.
Approches humanistes
Les approches humanistes se regroupent généralement en trois écoles de pensées ayant des bases communes, mais qui diffèrent sur
certains points. Les approches centrées sur la personne (Carl Rogers), l’approche gestaltiste (Fritz Perls) et les approches
existentialistes (Frank Yalom). Au niveau des bases communes, chacune d’elles misent avant tout sur la valorisation de l’expérience
du sujet, tant consciente, qu’inconsciente. Elles accordent donc une grande place à l’expérience subjective de la personne, en
prétendant que chaque personne est unique et que chaque client est l’expert de sa propre expérience. Au niveau du processus, le
conseiller mise davantage sur sa croyance dans les capacités d’autodétermination et de liberté de choix du client plutôt que sur la
modification de comportements ou de cognitions qu’il pourrait interpréter comme inadéquate. Aussi, la plupart des approches du
courant humaniste accordent une place de choix à l’instauration d’une relation de confiance empreinte de compréhension et
d’acceptation pouvant faciliter la reconsidération des problèmes et des inquiétudes, ainsi qu’une mise en action subséquente plus
1 Locas, Valérie (2012). L’impact d’une formation axée sur la compréhension du fonctionnement psychologique (Approche Masterson) sur les pratiques de conseillères en
développement de l’employabilité au sein d’organismes du Montréal métropolitain. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil : carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/04/bonjour-vous-voici-une-premiere-mise-en.html
2 Simard, Claire (en cours). Les étapes guidant la conduite d’un processus d’orientation scolaire et professionnelle chez les conseillers d’orientation du réseau d’enseignement
collégial. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil : carriérologie.
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rationnelle (Lecomte et Drouin, 2007). Les approches humanistes sont actuellement très utilisées en contexte du développement de
l’employabilité. Elles sont toutefois très générales et ne conviennent pas pour tous les types de problématiques.
Centrés sur les ressources de la personne, les fondements de l’orientation humaniste font appel aux capacités de l’être humain à gérer
son existence ainsi qu’à la réalisation de soi. Les thérapeutes humanistes se concentrent sur le moment présent, ils croient que la
personne à tout le potentiel pour prendre conscience et comprendre ses difficultés puis d’apporter des modifications nécessaires en
conséquence. Il s’agit pour le thérapeute d’agir en tant que facilitateur pour améliorer la connaissance de soi et l’expérimentation de
nouvelles nouvelles façons d’être ou d’agir. La personne qui consulte n’est pas un patient, mais plutôt un client qui est sur le même
pied d’égalité que le thérapeute (Parent et Cloutier, 2009, p. 423). Pour mieux illustrer l’orientation humaniste, dans leur ouvrage les
auteurs nous présentent deux thérapies qui se retrouvent dans cette orientation, il s’agit de la thérapie rogérienne et de la thérapie
gestaltiste.
La thérapie rogérienne
L’actualisation de soi qui est au cœur de l’approche rogérienne, se réalise par l’approfondissement de la connaissance de soi et la
valorisation de l’expression personnelle. Pour sa part, le thérapeute doit faire tout ce qui est en son possible pour que la personne se
sente bien et en confiance afin qu’elle puisse puiser le meilleur en elle-même. Dans le savoir-être du thérapeute, trois points ont été
soulignés comme important, premièrement il doit accepter la personne qui le consulte tel qu’elle est sans condition. Deuxièmement, il
doit faire preuve d’empathie et troisièmement, il doit faire preuve d’authenticité. Dans ce contexte, la technique du reflet est
appropriée, car elle consiste à reformuler objectivement les paroles du client sans porter aucun jugement. Les auteurs Parent et
Cloutier mentionnent que Rogers insiste sur l’importance d’avoir une ambiance chaleureuse durant la thérapie.
La thérapie gestaltiste
Dans la thérapie gestaltiste, le tout est plus que la somme de ses parties, ce qui signifie que la personne doit être considérée comme un
tout et non comme l’ensemble de ses parties (Parent et Cloutier, 2009, p.10). Les gestaltistes préconisent de développement de
l’autonomie et pour atteindre cette autonomie, selon eux, la personne doit considérer les différentes perceptions qu’elle a d’elle-même
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(celle qu’elle a, celle que les autres ont d’elle et finalement celle qu’elle pense que les autres ont d’elle) afin d’en faire un ensemble.
La notion de conflit non résolu fait appel ici à des relations inappropriées entre certaines perceptions, ce qui retarde ou l imite
l’autonomie de la personne et lui engendre des difficultés d’ordre psychologique. Le thérapeute qui a cette approche va, par le biais de
différentes techniques, amener la personne à prendre conscience de ses perceptions discordantes qui sont le siège des conflits
intérieurs qu’elle vit. Pour qui doit établir un lien de confiance avec une personne, cette approche est tout à fait appropriée. Le lien de
confiance est un incontournable dans le processus d’orientation, ce qui fait de cette orientation, un choix tout à fait judicieux. Les
fondements humanistes basés sur la capacité de l’individu à gérer sa vie et à s’actualiser sont des visées qui s’apparentent très bien
avec les défis de l’intervention en orientation dans un contexte où l’intervenant est sur le même pied d’égalité que le client.
Approches systémiques
Ces approchent ont pour objet de comprendre l’individu en partant du fait que celui-ci est en interaction constante et circulaire avec
son ou ses systèmes de vie. Dans cette approche, le thérapeute participe à la coconstruction de la réalité du système, mais sans essayer
de comprendre la place du symptôme dans ce système et n’encouragera pas non plus l’expression des émotions. Il va plutôt s’attarder
à ce qui contribue à maintenir le problème ou le modifier (Bellemarre, 2000). L’approche systémique est principalement utilisée dans
la thérapie familiale. Elle met de l’avant l’importance de l’influence des contextes sociaux dans lequel évolue l’individu, le groupe ou
la famille. Il peut aussi être utile en contexte de thérapie individuelle. Cette approche utilise entre autres comme instruments : le récit
de vie, le génogramme ou la carte familiale et des techniques d’intervention comme : la prescription de tâches, l’utilisation du
recadrage et du paradoxe, le questionnement circulaire et les injonctions comportementales. Cette approche est toutefois plus difficile
à appliquer en contexte de relation d’aide individuelle. On la retrouve le plus souvent en contexte de groupe ou en thérapie familiale.
Les thérapeutes d’orientation interactionniste prônent que les problématiques personnelles sont issues de l’interaction de la personne
avec son environnement humain (famille, amis, collègues, etc.). Les auteurs Parent et Cloutier mentionnent que le but ultime de
l’intervention serait, selon cette approche, de prendre conscience de la problématique et d’apporter des changements sur les
interactions de la personne avec son environnement humain. Il peut parfois être nécessaire que le thérapeute rencontre les individus
appartenant au social de la personne qui consulte. L’importance est accordée aux liens que l’individu fait avec son entourage, il fait
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partie d’un système avec des interactions qui peuvent faire défaut. Pour illustrer cette orientation, on nous propose, entre autres,
l’approche thérapeutique de la thérapie familiale.
La thérapie familiale
La thérapie familiale est utilisée lorsque la personne éprouve des difficultés avec les membres de son environnement familial. Ici la
notion de « patient » fait plutôt référence à la famille qu’à l’individu et en ce sens, cette thérapie rejoint l’approche gestaltiste par ce
que sont « tout », au cœur de l’intervention gestaltiste, c’est la famille et non l’individu dans la thérapie familiale. L’intervenant va
tenter de modifier les interactions familiales, c’est-à-dire établir de nouvelles règles de communication, afin que les membres de la
famille, dont l’individu consultant, puissent avoir des relations plus harmonieuses et un meilleur fonctionnement. En intervention
d’orientation, on reconnaît toute l’importance à l’environnement humain du client (famille, amis, collègues, etc.) parce que ces
derniers peuvent avoir une influence ou un impact considérable chez le client. Apprendre à mieux connaître la relation que notre
client entretient avec son réseau social peut aider le conseiller d’orientation, entre autres, à mieux connaître et comprendre notre
client. En travaillant à améliorer les interactions qu’il entretient avec son entourage, cela ne peut qu’avoir un impact pos itif sur le
bien-être du client et sa capacité à faire un choix éclairé.
Approches cognitives comportementales
Parmi l’ensemble des écoles de pensées inscrites au sein de ces courants, trois d’entre elles se sont distinguées lors du vingtième
siècle, soit l’école comportementale de Skinner, l’école cognitive d’Ellis et l’école émotionnelle de Linehan e t les thérapies cognitives
comportementales (TCC) inspirés des travaux de Beck. Toutes convergent vers un travail centré sur la modification des
comportements et des cognitions, sur le développement d’habiletés et sur la résolution des problèmes de la vie des personnes. Cette
approche utilise des techniques d’intervention telles que l’analyse empirique, l’analyse logique et l’expérimentation, afin de modifier
des comportements ou des cognitions (Young, Klosko et Weishaar, 2005). Ce type d’approche est de plus en plus présent au Québec
au sein des cursus de formation universitaire en développement de carrière. Par contre, elle est souvent moins adaptée pour les
troubles de la personnalité, due à son cadre rigide, à la difficulté des personnes à avoir accès à leurs cognitions et leurs émotions et du
besoin de l’implication des clients pour la thérapie. De plus, elle s’intéresse peu aux difficultés rencontrées dans la relation, elle
présuppose que le client sera capable d’établir une relation avec le thérapeute ou le conseiller et finalement, elle exige des buts précis
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des clients qui peuvent s’avérer difficiles dans le cas de clients ayant un trouble de la personnalité ou de santé mentale au tre.
L’orientation cognitive-comportemental comprend deux approches soient l’approche cognitive et l’approche béhavioriste. Cette
combinaison d’approches amène le thérapeute à percevoir que les difficultés psychologiques proviennent de pensées ou de
comportements inadéquats qui ont été appris dans son milieu de vie et qui peuvent être remplacés par de nouvelles pensées ou de
nouveaux comportements plus appropriés. Les auteurs Parent et Cloutier, nous présentent les deux approches qui ont tendance à se
rapprocher de plus en plus avec les années.
L’approche béhavioriste ou comportementale
Basée sur les comportements appris, les béhavioristes ont une conception de la personnalité décrite comme étant la façon complexe
dont se suivent les comportements appris en réponse aux différents stimuli de l’environnement. Dans ce contexte, le problème
psychologique a pour origine un comportement inadéquat, donc le but de la thérapie est faire de disparaître ou de remplacer le
comportement inadéquat par un comportement acceptable. Parmi les techniques utilisées, on retrouve la désensibilisation
systématique, l’immersion, la rétroaction biologique, le conditionnement aversif et l’apprentissage par présentation de modèle.
L’approche cognitive
L’approche cognitive démontre une conception du cerveau comparable à celle d’un ordinateur qui traite de l’information. La
personnalité représentant la façon qu’a notre organisme de traiter les stimuli, le problème psychologique peut provenir d’un traitement
inadéquat des stimuli, alors le but de la thérapie cognitive est d’amener la personne qui consulte à modifier le traitement des stimuli
afin que les réactions soient mieux adaptées. Dans les méthodes utilisées pour l’intervention, les auteurs citent la thérapie émotivo-
rationnelle d’Ellis et la thérapie cognitive de Beck. Cette approche centrée sur la modification des comportements et des cognitions
afin de développer de nouvelles habiletés et d’aider la personne à surmonter ses difficultés personnelles représente un intérêt certain
pour l’intervention en orientation. Elle facilite, entre autres, le travail d’intervention pour modifier le discours intérieur de l’individu
qui ne croit pas en ses capacités et qui a une faible estime de lui-même. C’est une situation que l’on retrouve souvent en orientation.
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Approches psychodynamiques
Les approches psychodynamiques peuvent se regrouper sous plusieurs points communs tant au niveau de la théorie, que de la pratique.
Au niveau théorique, les approches psychodynamiques mettent toutes de l’avant l’importance des premières expériences de vie dans le
développement de la personnalité, l’importance de l’instinct et des pulsions (plus ou moins inconscient) sur le comportement, les
affects et la pensée. Finalement, l’importance des mécanismes de défense pour maîtriser l’influence des motivations inconscientes
(Bujold et Gingras, 2000). Comme elle s’intéresse à comprendre les mécanismes de défense comme modalités d’autorégulation et
d’autoprotection des individus, elle peut donc aider à l’analyse du fonctionnement psychologique des individus. Elle fournit aussi un
cadre d’analyse permettant d’identifier certains troubles de la personnalité et accorde beaucoup d’importance au jugement du
conseiller. Et finalement, l’intervenant, par la prise en compte de ses contre-transferts, peut arriver à s’améliorer comme intervenant,
et ainsi diminuer l’impact de ses propres réactions émotionnelles dans la relation avec l’autre.
L’approche psychodynamique est grandement influencée par la psychanalyse, théorie fondée par Freud qui a pour concept central
l’inconscient. Le but principal est d’établir des liens entre les difficultés personnelles et les expériences, les conflits refoulés et non
résolus de l’histoire personnelle. Le psychothérapeute, ayant une conception dynamique de l’appareil psychique, amène la personne
qui le consulte à prendre conscience et à comprendre ses conflits intérieurs pour qu’elle puisse s’en libérer. Pour ne nommer que
quelques fondements théoriques, en psychanalyse on reconnaît trois instances à la personnalité qui sont le ça, le moi et le surmoi. Le
ça étant l’instance motivée par le plaisir qui veut satisfaire ses pulsions fondamentales. Le moi, de son côté est motivé par le principe
de réalité, il se veut l’intermédiaire entre les pulsions du ça et les contraintes de l’extérieur. Finalement le surmoi, est une instance de
la personnalité motivée par la moralité. Ces trois instances évoluent au travers de cinq stades de développement psychosexuel qu’on
nomme le stade oral, le stade anal, le stade phallique, la période latence et le stade génital. Selon Parent et Cloutier, le travail d’une
intervention d’orientation psychodynamique consiste principalement à faire prendre conscience des conflits non-résolus qui ont été
refoulés puis à provoquer la libération de la charge affective qui leur est associée afin qu’ils deviennent résolus. Pour provoquer cette
libération, un transfert des sentiments intenses qui avaient été refoulés doit être effectué sur le thérapeute. Alors, le thérapeute
représentant la personne vers qui seraient dirigés ces refoulements de sentiments doit s’assurer que cette fois-ci les sentiments sont
vécus de façon adéquate. Pour le bon déroulement de cette intervention et aussi pour contourner la résistance inconsciente de la
personne consultante à aborder les sujets conflictuels, plusieurs techniques peuvent être utilisées, les auteurs nous en citent quelques-
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uns; la cure de la parole, l’hypnose, l’association libre, l’interprétation de phénomènes tels que les rêves, les oublis ou les actes
manqués, les lapsus et certains symptômes physiques. Bien que l’approche psychodynamique ne soit pas directement associée aux
théories du développement de carrière (Bujold et Gingras, 2000), cette approche peut s’avérer intéressante de par les conceptions
psychanalytiques qui y sont rattachées. En effet, la personne apprend à mieux se connaître et ainsi elle peut prendre conscience de ses
difficultés d’ordre psychologique qui peuvent limiter ses capacités à effectuer un choix de carrière éclairé. La clientèle en orientation
est variée et en ce sens, elle peut éprouver des problèmes de santé mentale ou d’autres pathologies qui ont une incidence directe sur sa
capacité à faire un choix. Pour l’intérêt du client, le conseiller d’orientation doit procéder à l’analyse de son fonctionnement
psychologique et à ce niveau, cette approche peut nous fournir un cadre d’analyse nécessaire.
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Humanisme et relation d’aide Louis Cournoyer, c.o., professeur (UQÀM)
La formation des conseillers d’orientation québécois au cours des 40 ou 50 dernières années est grandement teintée de l’apport de la
psychologie humaniste. La quasi-totalité de nos compétences relationnelles tirent leurs origines des travaux pionniers de Carl Rogers
et de quelques autres chercheurs praticiens soucieux d’approfondir les liens entre le changement individuel et la qualité de la relation
d’aide. Cet article vise à mieux faire connaître ou encore à rappeler quelques principes fondamentaux en psychologie humaniste
(Rogers, 1971; Lebourgeois, 1999; Collectif « Savoirs et rapport au savoir », 2003; Lecomte et Drouin, 2007), ainsi que de permettre
des liens historiques et pratiques avec les réalités des conseillers d’orientation au Québec (Mellouki et Beauchemin, 1994a, 1994b;
Cournoyer, à paraître).
ÉMERGENCE D’UNE TROISIÈME FORCE
« Troisième Force » en psychologie, l'humanisme est présent aux seins de courants et d'approches psychologiques, sociologiques et
philosophiques. En psychologie, le courant émerge tranquillement au cours des années 1940, bien qu'il connaisse son véritable essor à
l'échelle internationale qu'à l'entrée des années 1960 (Lebourgeois, 1999). Tel que le souligne ce dernier, l'humanisme est une réponse
à la vision mécaniste et déterministe du comportement de la personne qui avait cours jusque-là au sein des courants béhavioristes et
psychanalytiques. Si l'humaniste prend son véritable essor au cours des années 1960, ce n'est pas pour rien. Dans les sociétés
occidentales, cette décennie et la suivante s'associe à l'arrivée dans la vingtaine de ceux qui seront appelés les "babyboomers".
Comptant pour une proportion significative de la population de la plupart des sociétés occidentales, ce "pouvoir hormonal" veut à
l'image des jeunes changer le monde en se défaisant de l'Establisment (Lacoursière, Provencher et Vaugeois, 2001). Au Québec, la
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montée de l'humanisme se déroulera durant les années où se vivra le message du "Maître chez nous" de l'arrivée au pouvoir de Jean
Lesage, de la Révolution tranquille et le Rapport Parent qui allait suivre, des mouvements indépendantistes prônant l'émancipation de
l'identité nationale québécoise, puis jusqu'à à en arriver au fameux "OUI, c'est possible" du Référendum de 1980 (Lacoursière et coll.
2001). Au-travers de ces événements se trame ainsi une volonté collective à l'actualisation d'un soi individuel, à la recherche de
liberté, d'essence, etc. (Cournoyer, à paraître). Ce qu'il faut aussi noter, c'est que la montée de l'humanisme pouvait plus aisément se
faire dans des sociétés prospères portant les avantages économiques des Trente Glorieuses (1945-1975). Autrement dit, il est fort à
douter que cette libéralisation, cette actualisation du soi pouvait se dérouler au même moment en URSS, dans les pays sous-
développés, ou encore en Asie (Cournoyer, à paraître). D’ailleurs, le courant humaniste et ses sous-courants (approche centrée sur la
personne, Gestalt thérapie, psychologie existentialiste) vivront un déclin important au Québec à partir des récessions et des
restructurations des modèles de gestion organisationnelle des années 1980 (Lebourgeois, 1999). Les thérapies cognitivo-
comportementales brèves, plus rapides, moins coûteuses, plus mesurables et observables au plan des interventions et des résultats
prendront le relais. Comme quoi, rien ne peut être saisie hors son contexte !
LE CHANGEMENT AU SEIN DE LA RELATION
La psychologie humaniste pose l'expérience humaine au cœur du processus de développement de la personne. Elle se veut en quelque
sorte une libération de l'humain face à ses chaînes déterministes. Tel que le soulignent Lecomte et Drouin (2007), la psychologie
humaniste repose entre autre sur une perspective phénoménologique de la personne libre de ses choix (et de ses non choix). C’est
l’expérience de la personne elle-même qui prime. Tel que le soulignent ces auteurs, la relation d’aide misant mise davantage sur
l’exploration et la découverte de soi par l’individu que sur l’interprétation et l’éducation de son aidant. Les conseillers d’orientation
empruntant une posture humanisme vont plus souvent s’intéresser aux conceptions d’actualisation et de croissance de soi au-travers
d’un travail auprès du client centré à lui permettre d’approfondir ses intentionnalités, sa quête de sens, l’élargissement de sa
conscience, la symbolisation de l’expérience. Donc, si l’on conçoit l’individu comme étant autodéterminé, le conseiller aura pour
tâche de faciliter la rencontre par l’individu de ses blocages, de ses conflits, de l’ancrage de son passé au-travers de son expérience
présente (Lecomte et Drouin, 2007). Bien que Rogers sera celui qui initiera et maintiendra le plus une posture centrée sur la personne,
la plupart des approches du courant humaniste accorde une importance primordiale à la relation conseiller-client (relation de
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confiance) empreinte de compréhension et d’acceptation pouvant faciliter la reconsidération des problèmes et des inquiétudes, ainsi
qu’une mise en action subséquente plus rationnelle (Lecomte et Drouin, 2007).
QUELQUES MOTS SUR CARL ROGERS
La figure la plus souvent associée au courant humaniste est celle de Carl Rogers. Psychologue, thérapeute, chercheur, pédagogue,
formateur, mais longtemps reconnu comme un quasi-imposteur par ses pairs au sein de toutes ces disciplines (Collectif « Savoirs et
rapport au savoir », 2003; Cournoyer, 2011a) constitue l’un des grands penseurs de notre temps. Ses travaux ont entre autre permis de
développer des conceptions et des outils thérapeutiques s’appuyant sur l’idée d’un individu apte à apprendre de manière autonome et
d’évoluer par lui-même (Rogers, 1971). C’est sans aucun doute à Rogers que la plupart des conseillers d’orientation québécois doivent
leur capacité de créer une relation d’aide par l’appui de compétences relationnelles variées (Cournoyer, 2011b). C’est également à
Rogers que l’on doit plusieurs travaux sur l’étude des conditions requises pour l’établissement d’une véritablement relation de
confiance. Lecomte et Drouin (2007) rappelle entre autre à ce sujet les notions de congruence (conscience de la façon de vivre sa
relation avec le client); d’authenticité (vivre ses propres sentiments, sans fuite, ni déni, aptitude à les intégrer et, au besoin, de les
communiquer); de respect inconditionnel (accepter les facettes de l’expérience de son client comme partie prenante de son
individualité); de valorisation, d’acceptation et de confiance en autrui (valoriser les apprentissages, témoigner une attention
bienveillante non possessive; conviction intime de la dignité de la personne); de compréhension empathique.
LES APPROCHES HUMANISTES LES PLUS RECONNUES
Le courant de la psychologie humaniste s’associe comme les autres à une quantité innombrable d’approches. Toutefois, l’approche
centrée sur la personne de Carl Rogers, la Gestalt thérapie de Fritz Perls, ainsi que la psychologie existentialiste que l’on peut
notamment associée à Frank Yalom figurent parmi les plus reconnus mondialement. Les descriptions qui suivent ne sont bien sûr pas
exhaustives. L’approche centrée sur la personne pose comme principe que la compréhension passe non pas par l’interprétation (fait
forcer les choix), mais par l’écoute empathique, le mouvement pas à pas de la conscience du client à percevoir sa réalité interne. Tel
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que le soulignent Lecomte et Drouin (2007), l’intervention humaniste teindra compte de l’écoute empathique, de l’accompagnement
du client au-travers principalement de la relation d’échange, de la différenciation des critères internes de la personne (constructif, non
constructif) et de l’intégration de nouvelles significations. Pour les tenants d’une approche centrée sur la personne, l’expérience
« émotionnelle » au sein de la relation traduit un ressenti interne en mots cohérents et contribue grandement à faciliter la conduite
d’une démarche authentique et honnête avec soi-même. En ce qui concerne la Gestalt thérapie, Lecomte et Drouin (2007) souligne
la plus forte orientation de cette approche pour la découverte d’expérience plus approfondies, plus enfouies, inavouées, parfois
insoupçonnées. Souhaitant dépasser les références habituels du client, l’intervenant est plus actif que pour l’approche centrée sur la
personne au plan du partage de ses impressions ici et maintenant et d’interventions visant à permettre le maintien du contact par le
client de ses sensations, ses expressions non verbales, ses processus d’évitement, d’interruption ou d’évolution de la conscience
(Cournoyer, 2011b). Les notions de conflits, de blocages, de résistances, d’anxiété et d’angoisse y sont très présentes (Lecomte et
Drouin, 2007). Enfin, la psychologie existentialiste se démarque par son focal sur les choix et les buts de vie (existentiels) de la
personne. Selon cette approche, la compréhension de soi passe par l’expérience et la compréhension de l’anxiété et de l’angoisse
existentielle (Lecomte et Drouin, 2007). L’absurdité de la vie humaine, la fatalité de la finitude de la vie humaine, de la solitude
fondamentale de chacun de nous peut permettre à un conseiller d’orientation de pouvoir ainsi mobiliser son client quant à ce qu’il
souhaite faire du reste de sa vie personnelle et professionnelle (Cournoyer, 2011b). En relevant et en tentant de mieux comprendre ses
propres mécanismes de refoulements, déformations de sens et modes d’évitement, la personne peut ainsi s’affirmer davantage en tant
qu’être libre et responsable de sa vie, de ses choix et de ses potentialités.
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Cognitivisme et émotions selon Beck Louis Cournoyer, c.o., professeur (UQÀM)
Si l’orientation et le développement de carrière ne tenaient qu’à l’établissement d’une mise en adéquation de caractéristiques
personnelles et de possibilités professionnelles, alors notre travail serait d’une telle simplicité qu’il faudrait alors se reconnaître
davantage technicien que professionnel. Mais voilà, bien que les demandes de certains clients puissent ne pas déborder le cadre de la
transmission d’informations scolaires et professionnelles, plusieurs autres proviennent de personnes aux prises avec l’incapacité de
traiter adéquatement l’information. Parfois, il peut s’agir d’une question d’apprentissage, soit de disposer d’une grille, d’une procédure
ou d’une manière quelconque pour examiner les possibilités s’offrant à eux, parfois il s’agit plutôt d’une question d’organisation
cognitive. Dans ce dernier cas, les personnes manifestent des pensées automatiques, des croyances irrationnelles ou encore des
schémas d’adaptation qui les amènent à vivre des émotions et à adopter des attitudes et des comportements dysfonctionnels au plan de
la capacité à s’orienter.
Pour Aaron Beck, les problèmes individuels « découlent en grande partie de certaines distorsions de la réalité fondées sur des
hypothèses et des prémisses erronées. » (2010, p.9) Autrement dit, des problèmes tels que nous pouvons observer quotidiennement
chez nos clients témoignent de la manière dont ils évaluent différentes situations et qu’ils y réagissent lorsqu’il s’agit, par exemple, de
porter un jugement sur soi-même, de fonctionner avec les autres (notamment au sein de la relation d’accompagnement vécue avec
nous), de donner sens au monde qui les entoure et aux possibilités qui s’offrent à eux. À de mêmes situations, chacun procède par une
interprétation propre selon la réalité de vie construite au travers de son parcours de vie. Néanmoins, chacun « possède la clé pour
comprendre et résoudre la perturbation psychologique située dans le champ de sa propre conscience. » (Beck, 2000, p.8) Ce texte
traite du livre La thérapie cognitive et les troubles émotionnels d’Aaron Beck, une traduction française de 2010 d’un ouvrage de 1976
ayant marqué la discipline de la psychologie.
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Qui est Aaron T. Beck ?
Aaron T. Beck est un psychiatre américain aujourd’hui professeur émérite de l’Université de la Pennsylvanie. Au début des années
1960, il développe les fondements de la thérapie cognitive. Intervenant alors à titre de psychiatre auprès de personnes dépressives, il
constate rapidement chez ces derniers une propension particulière à l’entretien de pensées négatives récurrentes à propos d’eux-
mêmes, des autres, du monde ou à l’égard de leur avenir. C’est alors qu’il développe des principes et des techniques
d’accompagnement visant à faciliter l’identification et l’évaluation de pensées automatiques qui minent la qualité de vie des individus,
afin de les amener vers l’adoption d’attitudes plus réalistes et constructives. Il approfondit également les enjeux d’une relation
thérapeutique proactive où intervenant et client travaillent ensemble sur des objectifs communs. Les principes et les techniques de la
thérapie cognitive sont aujourd’hui reconnus et répandus à travers le monde, à travers plusieurs modèles de psychothérapie et de
counseling, ainsi qu’à travers plusieurs types de clientèles et de problématiques. Au travers de plus de 500 articles et de 22 ouvrages,
Beck a contribué à l’avancement de connaissances scientifiques en psychothérapie, en psychopathologie et en psychométrie qui
servent aujourd’hui de bases conceptuelles aux interventions quotidiennes d’un nombre important de professionnels des relations
humaines, de l’éducation et de la santé mentale.
Compte-rendu commenté de l’ouvrage de Beck (2010)
Beck, A. T. (2010). La thérapie cognitive et les troubles émotionnels. Traduction de B. Pascal de Cognitive therapy and
the emotional disorders (1976). Bruxelles : de Boeck.
Le chapitre 1 s’intitule Du « bon sens » et au-delà. Pour Beck, de grandes distorsions cognitives, tant chez le client que chez
l’intervenant, peuvent s’opérer au nom d’un gros bon sens populaire. Selon notre histoire personnelle, notre environnement de
développement, ainsi que les événements façonnant notre vie, l’être humain construit son propre système de pensées, d’émotions et de
comportements de manière à donner un (bon ?) sens à sa vie. Plusieurs problèmes d’orientation et de développement de carrière sont
intiment liées à cette manière d’entrevoir et de réagir à des situations réelles ou anticipées. Les choix et les décisions de nos clients
peuvent ainsi s’opérer par l’influence plus ou moins ajustée de croyances, d’interprétations, de généralisations de soi, des autres et du
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monde. Beck rappelle d’ailleurs que les intentions de suicide, le cheminement vers la dépression, les comportements obsessifs et
compulsifs ou encore les troubles anxieux de différentes natures relèvent tous de conséquences faisant plein de « bon sens » pour les
personnes qui les vivent – ce qui est tout le contraire pour celles vivant autour d’eux. À cet égard, il importe aux professionnels de
l’éducation, des relations humaines et de la santé mentale à aider les personnes à mieux discriminer leurs erreurs d’interpré tation
(pensées, émotions, comportements) en facilitant l’adoption de capacités discriminantes plus affinées et d’attitudes plus adaptées.
Le chapitre 2 s’intitule Vers l’exploitation du langage intérieur. Il y est question du phénomène d’idéation. La construction des idées
s’appuie sur une organisation cognitive intimement liée à des émotions et des comportements opérant sous certaines conditions et
certains contextes. De la même manière, l’anticipation de l’avenir repose sur des idées à l’égard de soi, des autres et du monde fondées
par notre histoire d’apprentissage de la vie où nous a été communiqué des normes, des règles et des valeurs : si je fais ceci/si je ressens
ceci …, alors je vais cela … Automatiquement, mais consciemment (distinction importante de la thérapie cognitive par rapport aux
approches psychanalytiques), un langage intérieur se développe et s’opère par l’adoption interactive de pensées, d’émotions e t de
comportements lorsque nous devons agir ou réagir à des situations internes ou externes (ex. : il faut …, donc « je ressens … et je fais
… »).
Le chapitre 3 s’intitule significations et émotions. Lorsqu’un événement se produit, quelle en est la signification qui lui est accordée ?
L’une des distinctions importantes à cet égard selon Beck porte sur la prise en compte de significations publiques et privées. La
signification publique est celle partagée par un groupe d’une même culture, organisation ou société et qui se conventionne par une
définition formelle. La signification privée est propre aux individus. Elle donne un sens, une connotation et une image unique à des
événements partagés ou non avec les autres. Selon Beck, le récit de vie constitue la porte d’accès aux significations privées des
personnes. En explorant les pensées, les sentiments, les envies conférées à des événements et les généralisations pouvant s’en dégager
à l’égard de soi-même, des autres ou du monde accède alors à des informations lui permettant tranquillement d’établir des liens afin
de mieux comprendre l’organisation cognitive de la personne. Par exemple, quelle est la signification privée d’une perte d’emploi ?
Quelle est la signification privée conférée à l’idée d’une carrière en informatique ou en travail social ? Quelle est la sign ification
conférée par le client au travail même de counseling de carrière que vous réalisez avec lui ? Également, ce troisième chapitre aborde la
question des transgressions que certains événements, certaines rencontres ou certaines situations engendrent (automatiquement) sur les
pensées, les émotions et les comportements. Beck y distingue le rôle et la forme des transgressions intentionnelles (volontaires,
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délibérées, dirigé contre ou vers quelqu’un ou quelque chose), non intentionnelles (indirectes, construites subjectivement, dont
l’impact procède par une série d’associations qui n’ont rien avoir avec l’action initiale) ou encore hypothétiques (qui se fondent sur
des règles, des mœurs ou normes implicites de droits et de bonne conduite). Plusieurs pensées automatiques peuvent se manifester par
l’expérience de telles transgressions et les intervenants peuvent, là aussi, y voir une occasion d’exploration et de compréhension
intéressante de la manière dont l’individu construit sa réalité et y mènent des actions concrètement dirigées sur la construc tion de
projets professionnels.
Le chapitre 4, intitulé Le contenu cognitif des troubles émotionnels traite du rôle perturbateur des émotions sur les contrôles portés
sur soi, sur les autres et sur le monde. Il aborde également le développement ou le maintien d’idées répétitives et de pensées
automatiques à partir de la manifestation de certaines émotions. Ces émotions ressenties face à des événements ou des situations
personnelle, interpersonnelle ou extra personnelles sont, selon une approche cognitive, simultanément la source et la résultante de
pensées, de perceptions, de représentations, d’évaluation quant aux risques, aux anomalies, aux auto-injonctions de l’individu. Tel que
le souligne Beck, il s’agit là de biais cognitifs pouvant influencer la direction de l’attention, la réduction de la conscience le traitement
sélectif d’informations. Les phénomènes de distorsion par personnalisation de la réalité, de pensée polarisée ou rigide, de
comportements évitant ou compensatoires en sont des exemples éloquents. Beck expose d’ailleurs des rapprochements entre ces biais
cognitifs et le développement de tendances dépressives, d’hypomanie, d’angoisse, de phobie, de paranoïa, d’obsession, de compulsion,
d’hystérie et de psychose.
Le chapitre 5 est le premier de quatre chapitres portant sur des applications possibles d’une approche cognitive de certains troubles de
santé mentale. Celui porte spécifiquement sur Les paradoxes de la dépression. Beck considère la dépression sous l’angle d’un trouble
émotionnel lié à un « sentiment de perte ». Tel semble, selon lui, le fil conducteur pouvant guider les intervenants œuvrant auprès de
personnes dépressives : qu’est-ce qui rend la personne triste, quelles idées répétitives l’habitent, quels éléments marquants lui
apparaissent les plus centraux et essentiels à son bonheur ? Comment cette personne s’évalue-t-elle? Comment évalue-t-elle le
monde autour d’elle ? Comment évalue-t-elle son avenir ? La dépression s’opère à la fois dans le temps (passé, présent, futur anticipé)
et dans l’espace (vie familiale, relationnelle, amoureuse, parentale, conjugale, scolaire, professionnelle, etc.). L’intervenant est invité à
s’intéresser aux impacts, aux répercussions et aux dommages associés au sentiment de perte de la personne au sein de différen tes
dimensions de l’existence. Beck propose de procéder tout d’abord à un examen minutieux de l’autocritique, de l’auto condamnation,
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de la sévérité du rejet portée sur soi, de la comparaison faite à l’égard des autres et du monde, et ce, tout en gardant le cap sur l’objet
associé au sentiment de perte, souvent quelque chose qui comptait beaucoup jadis pour la personne. Au fil des échanges et des
rencontres, l’intervenant et le client pourront ainsi élaborer une conception circulaire des événements et des impacts vécus, ce que
Beck qualifie de « réaction en chaîne ». Entre autres, il sera souvent question d’anticipation pessimiste chez la personne, ainsi que du
rôle d’entraînement de certaines émotions, même lorsqu’il s’agit d’expériences de joie ou de réussite. Dans le cas de comportements
suicidaires, Beck le qualifie d’ultime désir d’évitement de la souffrance pour soi, ainsi que pour les autres personnes autour, à qui l’on
croit faire subir celle-ci. Le travail auprès de personnes dépressives ne peut s’opérer qu’à partir d’un minimum de motivation exprimée
par la personne à l’égard d’une tâche ou d’une activité donnée, par une évaluation préalable de ses capacités afin de bien jauger le
niveau d’efforts, ainsi qu’un sens clair au plan de la valeur du but et des attentes de réussite. En somme, toute programmation
extérieure de l’aide offerte à la personne dépressive est vouée à l’échec et à la perpétuation du sentiment de perte chez la personne. Le
changement motivationnel trouve sa source dans l’intention et le sens.
Le chapitre 6 a pour titre Quand l’alarme est pire que le feu : la névrose d’angoisse. Il y est plus particulièrement question d’anxiété,
aussi bien flottante que chronique. Tel que le souligne le titre, l’anxiété consiste en la perception d’un événement effrayant appelé à se
produire dans le futur. Les personnes anxieuses sont enclines à attribuer des risques de conséquences surévalués aux événements et
aux personnes, de manière à ressentir des émotions et d’adopter des comportements tout aussi erronés. Bien qu’il y ait présence ou
non d’un agent stresseur dans l’environnement immédiat de la personne, la personne anxieuse tend à en surévaluer les risques et les
conséquences. Cela peut ainsi non seulement entraîner des émotions accrues de peur, mais aussi altérer ou paralyser son jugement, sa
capacité d’évaluation, sa mémoire, son raisonnement, puis ultimement sa capacité à faire face aux événements (ex. : préparation aux
examens; performance en entretien d’embauche; entrevoir une rencontre de négociation de salaire ou d’affirmation de ses besoins).
Le chapitre 7 porte sur La peur incompréhensible : les phobies et les obsessions. Souvent identifiées à titre de troubles anxieux
ciblés, les phobies s’associent à une idéation altérée des objets. Les types de phobies sont incalculables : peur des espaces vides
(agoraphobie); peur des endroits élevés (acrophobie); peur des ascenseurs; peur des tunnels; peur des voyages en avion, etc. En
matière d’orientation et de développement de carrière, celles les plus fréquentes sont les phobies sociales. Il n’y a ici qu’à penser à la
peur de l’échec qui peut engendrer des émotions intenses qui peuvent prendre contrôle de facultés intellectuelles (compréhens ion,
mémoire, pensée) ou motrices. La prise de parole en public constitue une autre manifestation des phobies sociales. Face à un groupe
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d’individus, parfois même des collègues de travail que l’on fréquente tous les jours, la situation constitue un agent stresseur tel qu’il
engendre un état de détresse et de tension chez la personne qui bloque ses capacités de concentration. Pour Beck, l’impact des phobies
sociales chez la personne relève de l’importance des réactions émotives relativement à la perte de contrôle et au jugement des autres
envers soi. Une des raisons pour lesquelles il peut s’avérer difficile de traiter les phobies est que dans une certaine mesure (réaliste), le
danger objectif n’est jamais dénué de risque réel (Beck, 2010).
Le chapitre 8 conclut quatre chapitres abordant des troubles spécifiques au plan cognitif et émotionnel. Celui-ci s’intitule L’esprit
plutôt que le corps : les troubles psychosomatiques et l’hystérie. Depuis toujours, les problèmes du corps et de l’esprit se croisent sur
la frontière de la médecine organique et de la psychologie. Prenant implicitement position, Beck constate que la notion de réel chez la
personne relève non seulement de constructions psychologiques, mais également de certaines prédispositions physiques. Beck définit
les troubles psychosomatiques en termes d’« anomalies démontrables dans le fonctionnement ou la structure d’un organe ou d’un
système physiologique du corps : la peau, le système gastro-intestinal, le système cardiovasculaire ou le système respiratoire » (p.154)
Au cœur des troubles psychosomatiques se trouve les émotions. Celles-ci témoignent de la pression exercée par un stresseur interne
(ex. : concevoir le bonheur comme résultante d’une réalisation de soi dans toutes les dimensions de sa vie, entretenir des exigences
élevées, envisager toutes les situations comme une question d’évaluation de sa valeur à l’égard des autres et socialement) entraînant un
état de tension continuelle, auto-imposé et exagéré. Il est ici possible de penser à un employé qui ressent un mal de tête à chaque fois
qu’il doit assumer des fonctions d’autorité ou d’un étudiant présentant des ulcères lorsqu’il doit rencontrer un client dans le cadre d’un
cours de counseling de carrière, alors que ces deux personnes n’ont jamais véritablement échoué ou vécu de difficultés notables par
rapport à ces activités. Tel que le mentionne Beck, le cycle psychophysiologique comprend un événement externe, qui entraîne une
expérience de stress important, l’adoption de croyances quant aux dangers associés à celle-ci, puis à des manifestations
physiologiques. Ce débordement psychologique se manifeste généralement par une souffrance disproportionnée et une anticipation
exagérée des conséquences. Toutefois, il arrive aussi que la souffrance psychologique soit tellement importante qu’elle entra îne
l’apparition de réels problèmes de santé physique. C’est pourquoi les approches cognitives préconisent l’accès conscient à cette double
souffrance par les personnes en difficulté. Beck fait entre autres référence aux techniques d’imagerie somatique telles que des
exercices de représentation du soi somatique et de son influence sur les émotions, puis sur les pensées qui orientent les
comportements; les procédures de stimulation visuelle où une expérience sur mode vidéo présente une gamme de situations
potentiellement porteuses de sensations physiques plus ou moins intenses chez la personne; les analyses de rêves centrées sur les
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sensations corporelles associées à certaines images, souvent répétitives lors des périodes de sommeil. En terminant, Beck distingue
les troubles psychosomatiques des troubles hystériques. Ces derniers présentent également une distorsion cognitive qui entraîne
l’expérience d’une sensation de dysfonctionnement physique, mais sans qu’il n’y ait pour autant de maladie ou d’anomalie apparente.
Les quatre derniers chapitres du livre (9, 10, 11 et 12) constituent une forme de retour synthétisée sur les approches cognitives. Le
chapitre 9 présente Les principes de la thérapie cognitive. Tout d’abord, Beck porte la souffrance psychologique au cœur des
approches cognitives. À cet égard, le travail d’intervention auprès des personnes en souffrance doit miser sur l’utilisation de
techniques efficaces afin d’identifier, d’évaluer et de corriger les conceptions et les autosignaux erronés qui maintiennent les
personnes en état de fragilité, de confusion, de déception à l’égard d’eux-mêmes, des autres, du monde et de la perspective d’un avenir
heureux. Toujours selon Beck, les réactions émotionnelles constituent la clé donnant accès aux souffrances de la personne. De son
coté, les cognitions révèlent la manière dont cette souffrance est construite et les zones d’intervention spécifiques afin d’en atténuer ou
d’en modifier les effets, que ce soit en termes d’attitudes ou de comportements. Trois types d’approches peuvent guider l’intervenant
de la thérapie cognitive. Tout d’abord, Beck nomme l’approche dite intellectuelle. Celle-ci porte sur l’identification d’erreurs de
conception chez la personne, puis d’une discussion visant à tester leur validité, afin de favoriser une compréhension de l’interaction
entre ses émotions, ses pensées et ses comportements lors de l’expérience de certains contextes, puis l’adoption d’attitudes plus
appropriées. Une autre approche est dite expérientielle. Celle-ci mise sur l’exposition de la personne à des situations d’expériences
suffisamment puissantes émotionnellement de manière à confronter les cognitions erronées de la personne et de soustraire les erreurs
de conceptions associées. Enfin, l’approche comportementale, de nature plutôt pédagogique, mise sur l’apprentissage de nouvelles
conceptions de soi et de la réalité environnante en parallèle à des essais comportementaux en conséquence. Pour être efficaces, les
personnes cibles visées par les approches cognitives doivent être minimalement aptes à l’introspection et à la réflexion sur ses pensées.
Conséquemment, l’intervenant faisant appel à une telle approche tiendra compte du niveau de développement intellectuel et de
formation du langage de la personne (dénomination d’objets et de situations; élaboration et vérification d’hypothèses). Sur le plan de
la relation de travail avec son client, l’intervenant s’assure d’une collaboration authentique, ce que Beck qualifie d’entente claire et
formelle entre l’aidant et l’aidé à propos d’un problème à régler, le but de la démarche, les moyens à utiliser, la nature et la durée de
l’intervention, la participation active essentielle du client pour alimenter le travail commun. L’intervenant devra également se montrer
souple face à l’émergence de nouvelles préoccupations soulevées par le client au fil des rencontres. L’alliance collaborative nécessaire
à l’efficacité de la démarche devra permettre au client d’exprimer ses pensées et ses sentiments, sans risque de honte, d’infériorité ou
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d’imperfection, notamment lors des rétroactions fréquentes et nécessaires de la part de l’aidant. En fait, l’intervention ne porte pas
tant sur la personne en problème que sur le problème de la personne. Une méthode de résolution de problème permet une distanciation
suffisante entre la personne et son problème, ce qui permet une meilleure conscience des impacts d’actions portées sur le
développement de nouvelles façons de pensées, de ressentir et de vivre … et transférables à d’autres dimensions de vie. La crédibilité
constitue également un enjeu important pour Beck. Pour ce dernier, l’intervenant doit afficher une position neutre, ni trop optimiste, ni
défiante, qui encourage l’expression de pensées automatiques et de croyances irrationnelles, qui porte une écoute attentive à la
capacité de s’ouvrir du client selon les méthodes employées. Celui-ci doit faire attention de tomber dans une dynamique d’intervenant-
surhomme (client attribuant au conseiller l’autorité et la responsabilité de la démarche, abandonnant du coup sa capacité
d’autocritique), ni celle d’intervenant-menace (qui affronte, plus que ne confronte les résistances du système de croyances du client).
De même, il doit éviter de devenir un intervenant trop optimiste tellement centré sur la dynamisation positive que la cliente peut y
percevoir un manque de considération à la gravité de ses difficultés. En terminant, Beck décrit les phases d’un travail de résolution de
problème par reconstruction d’une séquence causale. Ainsi, l’intervenant cherchera tout d’abord à identifier le dénominateur commun
aux multiples difficultés et symptômes du client. Ensuite, il tente d’élaborer une chaîne de symptômes relatifs aux problèmes vécus
par le passé et actuellement. Enfin, il articule un modèle conceptuel de l’expérience subjective de la personne en le partageant et le
corrigeant au travers d’un travail ensemble.
Le chapitre 10 aborde Les techniques de la thérapie cognitive. Plusieurs de ces techniques sont proposées par Beck et la plupart
peuvent être utilisées au sein de mêmes stratégies d’intervention. D’abord, il propose la méthode expérimentale où des hypothèses
sont identifiées, puis vérifiées par une expérience plus ou moins contrôlée. La technique de reconnaissance d’idéations inadaptées ou
de pensées automatiques vise de son côté à entraîner la personne à relever progressivement les manifestations de certaines cognitions
dysfonctionnelles à partir de l’émergence d’émotions récurrentes. Dans le cas de pensées automatiques moins facilement accessibles,
Beck propose la technique de remplissage des « blancs », laquelle implique un travail d’approfondissement et d’observation de la
succession de pensées, d’émotions et comportements par rapport à différents événements externes. La technique de distanciation et de
décentration relève davantage d’une attitude. La distanciation facilite la soustraction de la personne par rapport à une dynamique
situationnelle par l’essai d’une nouvelle perspective. La décentration porte plus particulièrement à éviter le piège de la
personnalisation des composantes d’un événement par rapport à d’autres possibilités dépassant sa seule expérience subjective. Parmi
les autres techniques nommées par Beck, il y a aussi celle d’authentification des conclusions où les conclusions automatiques et
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potentiellement erronées des personnes sont soumises à des épreuves d’argumentation logique. La technique du changement de règle
consiste quant à elle à explorer et identifier des situations de risque, d’insécurité, de souffrance où sont autosuggérées des obligations
(il faut que …! je n’ai pas le choix …; c’est la vie …) et des règles de fonctionnement (ex. : si (mon conjoint, mon père ou ma mère,
mon enfant) ne m’aime pas, je ne vaux rien; si un collègue n’est pas d’accord avec moi, c’est qu’il veut me rabaisser ; si je refuse une
demande de mon patron, je vais perdre de l’importance dans l’entreprise). De façon générale, les stratégies d’interventions proposées
par ce type d’approche cognitive ont pour objet d’aider la personne à corriger un problème par une démarche systématisée afin
d’éviter les essais-erreurs, l’errance parmi des méthodes disparates, la perte de direction.
Le chapitre 11 aborde La thérapie cognitive de la dépression. Ce type de problématique rejoint plus particulièrement les intérêts de
recherche d’Aaron Beck. Dans son ouvrage, il propose d’ailleurs un tableau (p.216-217) - très pertinent pour les praticiens - traitant
d’interventions spécifiques à certains types de problème ciblés avec la personne : inertie, évitement, fatigabilité, intentions suicidaires,
désespoir, manque de gratification, autocritique et haine de soi, douleurs émotionnelles, surévaluation des exigences, des problèmes et
des pressions externes. Bien que le symptôme d’un problème puisse apparaître sous la forme d’émotions ou de comportements,
l’efficacité de toutes interventions porte sur la modification de l’organisation cognitive de la personne. Pour ce faire, les stratégies
d’intervention sont multiples : activités de structuration des pensées du client; prescription de tâches avec niveau progressif de
difficulté ; relativisation consciente de situations de vie tout aussi plaisantes que déplaisantes; réévaluation cognitive séquentielle
(symptômes, cognitions, motivations, généralisations, inférences arbitraires, pensées dichotomiques, théories personnelles implicites,
tests de validation d’hypothèses et de prémisses). D’autres stratégies d’intervention porteront davantage sur l’essai de nouvelles
attitudes et de nouveaux comportements suivis d’un travail d’analyse rétrospective et de la mise en place de solutions d’alternative aux
problèmes psychologiques. De plus, les stratégies pourront également porter sur la visualisation et l’entraînement à l’imagination de
situations problématiques et de formulation d’alternatives éclairées (but, étapes de réalisation, obstacles et conflits potentiels,
ajustements possibles). De plus, ces tâches peuvent aussi bien se réaliser en contexte d’entretien avec l’intervenant que par
assignation de tâches à domicile décidé, puis revisité (retour sur l’expérience) lors de ces rencontres.
En guise de douzième et dernier chapitre, Beck aborde Le statut de la thérapie cognitive. Il énonce une posture personnelle à l’égard
de l’importance de l’exhaustivité, de la fiabilité et de la validité de modèles théoriques d’intervention auprès des personnes. Parmi les
critères permettant une juste évaluation de la qualité des approches et modèles théoriques d’intervention, Beck nomme d’abord
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l’importance de pouvoir s’appuyer sur une théorie ou un modèle théorique exhaustif sur le plan de la cohérence interne
(opérationnalisation des concepts), des principes logiques qui lient la théorie à la pratique, à l’explicitation de ses particularités, de ses
avantages et de ses limites par rapport à d’autres théories ou modèles, à la souplesse lui permettant le favoriser le développement de la
recherche et de nouvelles techniques, ainsi qu’à la vérification par la preuve empirique de ses hypothèses, de ses axiomes et de ses
postulats. Une autre dimension importante de la qualité d’une théorie ou d’un modèle théorique d’intervention est de décrire de
manière détaillée les différentes techniques permettant son utilisation en contexte pratique : définitions et descriptions claires,
exhaustives et applicables; argumentation empirique favorable, fiable; à leur efficacité en situation d’intervention similaire par des
essais conduits avec des mesures , des groupes témoins, des évaluations par juges indépendants et par un suivi à long terme. Par la
suite, Beck se livre à un examen comparatif des approches cognitives avec celles d’allégeances psychanalytiques ou
comportementales au plan de certaines variables telles le statut de la conscience, le rôle d’accompagnement, la nature du changement,
les mécanismes sur lesquels se réalisent l’intervention, le transfert de connaissances à des fins de formation et de recherche.
Pertinence pratique
L’ouvrage de Beck expose les fondements de la thérapie cognitive. Les professionnels de l’orientation et du développement de
carrière qui souhaiterait faire l’usage d’une telle approche devraient 1) prendre en compte la dimension du fonctionnement
psychologique de la personne lors de leurs interventions; 2) accorder une place prépondérante à l’organisation et l’opérationnalisation
des mécanismes cognitifs de la personne ; 3) considérer les émotions et les comportements de la personne à titre de symptômes
significatifs de l’expérience de certains événements, de certaines rencontres ou de certains contextes. En contexte d’intervention
individuelle ou de groupe, de formation ou d’enseignement, d’encadrement ou de gestion de personnel, une approche cognitive de
l’orientation et du développement de carrière peut enrichir la pratique de professionnels sensibles aux pensées automatiques, aux
croyances irrationnelles, aux idéations, aux généralisations ou encore aux interprétations des personnes par rapport à elles-mêmes, aux
autres, au monde, ainsi qu’à l’égard de leur vision de l’avenir.
Une intervention réalisée sous une approche cognitive peut ainsi bénéficier d’une entrée en relation de travail par l’analyse de récits de
vie. En se racontant, la personne est ainsi invitée par son conseiller à un travail d’approfondissement et d’exploration certains enjeux
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problématiques. Progressivement, une telle approche pourra faciliter l’identification de liens possibles entre différents événements
présentant des similitudes quant aux cognitions, émotions et comportements s’y associant. Après quelques rencontres, ces différents
liens établis pourront permettre une meilleure articulation d’ensemble du fonctionnement psychologique de la personne. Au travers de
toutes ces actions précédentes et à partir de ce moment, les interventions peuvent alors permettre l’identification de mécanismes
cognitifs spécifiques sur lesquels mettre en place des méthodes menant vers des attitudes et des comportements plus éclairés à l’égard
de leur orientation et de leur carrière.
Parmi les avantages d’une telle approche, notons 1) la considération de la dynamique d’interdépendance entre cognitions, émotions et
comportements; 2) la possibilité de mesurer et d’observer les effets de l’intervention; 3) l’accent sur le problème de la personne plutôt
que de la personne en tant que problème, ce qui évacue de possibles conséquences culpabilisantes pour le client; 4) sur une plus
grande responsabilisation du client en raison d’interventions centrées sur les mécanismes psychologiques accessibles à la conscience;
5) sur la possibilité du conseiller à jouer plus aisément un rôle actif au sein de la démarche et de faire valoir aisément au client la
participation active essentielle dont il doit faire preuve pour être aidé à s’aider.
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Quelques modèles d’intervention en orientation Stéphanie Gervais, c.o.3
Il existe diverses façons de concevoir et de pratiquer l’orientation professionnelle et il serait impossible de couvrir l’ensemble des
approches existantes en orientation dans le cadre de cette activité dirigée. Toutefois, il est possible de les regrouper selon trois types
d’approches en orientation. Ainsi, l’orientation éducative, l’orientation positive et l’orientation dite plus clinique seront présentées
dans cette section ainsi que leur modèle-type d’intervention.
Orientation éducative
Il est possible de situer le début du développement des méthodes d’éducation à l’orientation dans les années 1970 (Guichard et
Huteau, 2006). Les méthodes d’éducation à l’orientation visent entre autres, à enrichir le bagage des connaissances des jeunes sur le
monde professionnel en leur fournissant de l’information sur les études et les professions, bien qu’elles ne limitent pas à cela
(Pelletier, Bujold et coll., 1984). Elles ont également comme visée de permettre à l’individu de mieux se connaitre, de facil iter son
implication dans le processus d’orientation et de développer des habiletés et des attitudes le rendant apte à prendre des décisions
concernant son avenir (Pelletier, Bujold et coll., 1984; Guichard et Huteau, 2006).
Le plus souvent, les méthodes d’éducation à l’orientation se présentent sous forme d’activités et d’exercices papier-crayon. Le
processus est généralement bien structuré et programmé. Dès le début, des objectifs généraux sont clairement définis et des objectifs
3 Gervais, Stéphanie (2012). Les stratégies d’intervention mises en œuvre par des conseillers d’orientation du réseau d’enseignement collégial auprès de collégiens inscrits au
secteur régulier. Rapport d’activités dirigées présenté comme exigence partielle de la maîtrise en carriérologie. Sous la direction de Louis Cournoyer, professeur. Montréal :
Université du Québec à Montréal. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/09/essai-en-ligne-les-strategies.html
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spécifiques en lien avec les activités et les exercices sont également établis (Guichard et Huteau, 2006). Durant le processus
d’intervention, le conseiller s’attarde à l’exploration du passé de l’individu, l’évaluation des possibilités dans le présent et la projection
vers l’avenir. Comme le précisent Guichard et Huteau (2006), le rôle du conseiller selon cette approche est de transmettre des
connaissances à son client en vue qu’il développe des capacités mentales à réfléchir sur soi, ses expériences et sur le monde qui
l’entoure.
La méthode de l’ADVP sera présentée dans cette partie puisqu’il s’agit du modèle-type en orientation éducative. L’ADVP est inspiré
de la psychologie développementale de Super et notamment, de la psychologie cognitive de Guilford (Guichard et Huteau, 2006). En
effet, les auteurs (Pelletier, Noiseux et Bujold, 1974), ont déterminé des tâches développementales à réaliser dans le cadre d’un
processus de prise de décision vocationnelle, qu’ils ont associées aux habiletés cognitives de Guilford. Ainsi, cette méthode vise à
mettre en action les habiletés intellectuelles nécessaires à la réalisation de chacune des tâches développementales en vue d’atteindre la
maturité vocationnelle.
La méthode de l’ADVP est constituée de quatre étapes, correspondant à des tâches développementales ou évolutives en vue d’acquérir
une identité professionnelle qui se réalise tout au long de la carrière. La première tâche concerne l'Exploration, qui met l'accent sur la
connaissance de soi et sur le monde. Tel que le stipulent Super et Holland, la connaissance de soi est à la base d’une démarche de
choix de carrière, car elle permet d’effectuer un choix professionnel éclairé (Bujold et Gingras, 2000). Pour établir ce choix, les
conseillers qui travaillent selon une approche éducative amènent l’individu à explorer les diverses composantes de son identité
personnelle telles ses intérêts, ses aptitudes et ses valeurs, ses forces et ses limites, ses traits de personnalité, etc. Également, c’est
l’étape de l’exploration du monde du travail et des professions. À ce moment, l’individu considère une grande variété de possibilités
en lien avec lui-même et le monde du travail (Guichard et Huteau, 2006). Lors de l’exploration, l’individu fait des choix provisoires, il
découvre et s’informe. À la deuxième étape, la Cristallisation, il s’agit pour l’individu de comprendre et d'ordonner les informations
recueillies au cours de l’exploration pour qu’il s'y situe et se positionne. À partir de ce moment, «une image de soi centrale, cohérente
et stable commence à s’organiser» (Pelletier et coll., 2001). Effectivement, à cette étape les individus commencent à exprimer l’image
qu’ils ont d’eux-mêmes et de certaines professions afin de faire des choix, mais ces préférences peuvent tout de même demeurer assez
vagues (Bujold et Gingras, 2000). D’ailleurs, on dit de ces préférences qu’elles sont exploratoires puisqu’elles peuvent être très
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diversifiées et être abandonnées en cours de route par la personne. Ce n’est que graduellement que le lien s’effectue entre les
informations recueillies au cours de l’exploration (intérêts personnels) et le choix professionnel (Pelletier et coll., 2001).
Les deux dernières étapes du processus font partie d’un continuum. La troisième étape concerne la Spécification d’une préférence
vocationnelle. Au cours de cette phase, l’individu intègre dans sa réflexion les facteurs à considérer, ses motivations et les valeurs qui
lui serviront de critères d’évaluation (Pelletier et coll., 2001). Cela est fait en vue de la hiérarchisation des possibilités envisagées
précédemment afin d’en arriver à la formulation d’un projet professionnel relativement précis. Enfin, la dernière étape est la
Réalisation, c’est-à-dire l’actualisation d’une préférence vocationnelle. Elle vise la concrétisation et la mise en place d'un plan
d'action. Il s’agit pour l’individu d’identifier de quelle manière il actualisera sa préférence en faisant par exemple, une liste des
démarches à faire, des obstacles, des moyens à sa disposition, de ses ressources et du soutien disponible, etc. Cependant, certaines
personnes peuvent entamer l’étape de la réalisation sans avoir préalablement cristallisé et spécifié leur préférence, ce qui peut avoir
des conséquences sur la persévérance par rapport au choix établi (Bujold et Gingras, 2000).
Orientation positive
La psychologie positive se différencie des approches thérapeutiques traditionnelles ayant pour but d’étudier et résoudre les
«pathologies» du client en proposant pour sa part, une perspective positive de l’intervention. De la même manière, l’orientat ion
positive ainsi que le développement de carrière en général, vise à soutenir l’épanouissement de la personne en proposant des
interventions strictement préventives, et non curatives. (Desjardins, 2006). Les tenants de l’orientation positive soutiennent qu’il est
important de ne pas rester focalisé sur le problème, qu’il n’est donc pas nécessaire d’en savoir beaucoup sur le problème, ni d’en
connaître la nature pour aider le client à le résoudre (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). En effet, on adopte la perspective inverse,
c’est-à-dire que plutôt que de tenter de résoudre les problèmes du client, on cherche à élaborer des solutions avec celui-ci (Lamarre,
2005). Ces solutions se trouvent dans le présent et le passé du client, et non dans l’avenir. Entre autres, c’est par l’identification des
moments où son problème est absent, la question des exceptions, que le client peut distinguer des solutions qu’ils avaient sous les
yeux, c’est-à-dire des solutions ayant déjà fonctionnées dans le passé et qu’il avait oublié ou encore, des solutions qu’il n’avait tout
simplement pas remarquées (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995).
29
Desjardins (2006) mentionne que les objectifs poursuivis en orientation positive sont de : 1) reconnaître les ressources des individus;
2) travailler avec eux au développement de leur potentiel; 3) créer l’espoir de vivre heureux. Chaque individu possède des ressources
et des forces qui peuvent être exploitées pour effectuer les changements qu’il souhaite apporter dans sa vie. Toutefois, puisque les
individus utilisent naturellement leurs forces, ils ont souvent «tendance à les sous-estimer et à les considérer comme normales et sans
grand impact» (Desjardins, 2006, p.6). C’est précisément le rôle du conseiller de tenter d’accéder aux forces et aux ressources
disponibles de son client afin qu’il puisse les reconnaître et les utiliser en pleine conscience. En reconnaissant ses forces , cela
augmente la confiance du client et favorise l’utilisation de celles-ci vers l’atteinte de son projet de carrière ou de vie.
Avec ce type d’intervention dite positive, il est possible d’observer des changements rapides chez le client et même de résoudre
rapidement les problèmes. Les démarches en orientation positive sont brèves, elles se situent généralement entre quatre ou cinq
séances, et ne dépassent pas dix rencontres (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). La situation du client change continuellement, même
s’il ne s’en aperçoit pas ou qu’il n’en prend pas conscience. Le conseiller doit donc s’attarder à repérer ces éléments de changement
positif dans la vie du client et voir à les amplifier. Notamment, c’est grâce à des tâches intersessions, prescrites par le conseiller, que
les changements s’opèrent et se consolident.
Le modèle-type d’intervention en orientation positive est l’approche orientée vers les solutions (AOVS), qui sera présentée dans cette
section. Cette approche a été développée vers la fin des années 1970 par Steve de Shazer, Insoo Kim Berg et leurs collègues du Brief
Family Therapy Center (Lamarre, 2005). L’orientation vers les solutions s’effectue selon trois moyens d’intervention, soit par
l’établissement d’une relation de co-création de solutions entre le conseiller et le client, par la visualisation de l’avenir et l’utilisation
des forces et des ressources du client.
Dans un premier temps, il s’agit d’offrir un accueil inconditionnel au client, c’est-à-dire l’accepter tel qu’il est et là où il est rendu au
moment où il vient nous rencontrer, en reconnaissant ses propos, ses sentiments, ses points de vue et en validant son expérience
(O’Hanlon et Beadle, 1997). Ensuite, il s’agit de s’attarder à la façon qu’a le client de voir sa difficulté, la manière dont il interprète sa
réalité. L’objectif du conseiller est de changer la façon de voir du client par rapport à sa difficulté, en relativisant et en normalisant son
expérience, sans toutefois banaliser ou minimiser celle-ci. Cela permet au client d’en arriver à de nouvelles conclusions sur son passé
30
et d’entrevoir qu’un changement positif est possible pour le futur, ce qui ouvre la voie vers la création de nouvelles perspectives et de
nouvelles possibilités. En AOVS, une relation de co-création de solutions s’installe entre le client et son conseiller, où le client est
l’expert de sa situation problématique et où le conseiller agit à titre de partenaire et de mobilisateur.
Les intervenants de l’approche orientée vers les solutions, proposent à la personne de s’imaginer dans un avenir convenable, où la
problématique présente dans sa vie actuelle serait absente. Ils utilisent la «question miracle» pour aborder l’avenir, ses possibilités et
des hypothèses de solutions. La question miracle de base est : Imaginez qu’une nuit, alors que vous êtes endormi, il se produise un
miracle et que ce problème se trouve résolu. Comment le sauriez-vous? Qu’est-ce qui serait différent? (O’Hanlon et Weiner-Davis,
1995, p.26). Le client se projette ainsi dans un futur où sa difficulté liée à son orientation professionnelle n’existe plus et doit réfléchir
à ce qu’il doit faire pour atteindre cette situation de bien-être. Cette question permet d’identifier quels sont les résultats que le client
souhaite atteindre dans le cadre de la démarche et déterminer de quelles façons il pourra y parvenir en explorant des pistes de
solutions. À partir de ce moment, des objectifs de processus peuvent être établis avec le client, où celui-ci décide des résultats à
atteindre par la visualisation positive de son avenir. Le conseiller en AOVS tient à avoir une idée claire vers où diriger les efforts de
changement et savoir comment lui et son client sauront que la démarche est complétée. Ainsi, une question telle que «Comment
saurez-vous que vous pourrez continuer sans mon aide?» permet de prévoir la fin de l’intervention dès le début du processus
d’orientation.
Durant le processus, il s’agit toujours de mettre l’emphase sur les forces et les ressources du client et non sur ses difficultés et ses
faiblesses. Le rôle du conseiller est d’accéder aux forces et aux ressources du client qui lui seront utiles pour effectués les
changements souhaités, alors que le rôle du client est de mettre celles-ci en œuvre pour atteindre sa vision positive de l’avenir
(O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). La détermination des forces et des ressources du client permet de constater les moyens dont il
dispose actuellement pour entraîner le changement souhaité. Selon cette approche, il y a deux façons d’identifier les forces et
ressources du client, soit en s’intéressant aux moments d’exception de son problème et en identifiant des talents et des ressources
extérieures au problème.
Les moments d’exception correspondent aux moments durant lesquels la difficulté du client est vécue moins intensément. Le rôle de
l’intervenant ici est de mettre l’accent sur ces moments de répit, où le client maîtrise ce qui l’entoure, et dégager ce qu’il fait de
31
différent. En parlant des moments d’exception dans les détails, le client développe une vision plus claire des circonstances ayant rendu
possible ces moments. De cette façon, il peut identifier des solutions à partir d’actions qu’il a déjà mises en branle, ce qui favorise un
sentiment de compétence (Desjardins, 2006). L’objectif étant de reproduire au quotidien ces solutions faisant déjà parties de
l’inventaire du client.
Également, certains talents et ressources du client qui sont extérieurs au problème peuvent lui être utiles pour atteindre sa vision
positive de l’avenir. Le client étant plus souvent centré sur son problème que sur les aspects de sa vie qui vont bien, le rô le de
l’intervenant consiste à se préoccuper des réussites vécues dans le passé par son client, dans l’objectif de co-construire des solutions
efficaces. Pour ce faire, l’intervenant doit aider le client à identifier ses ressources et ses talents à travers ses succès, ses intérêts et ses
capacités afin qu’il apprenne à les utiliser dans les zones conflictuelles de sa vie et que puisse s’opérer le changement. D’une part, le
client obtient une image plus positive de lui-même en énumérant ses ressources et d’autre part, en faisant cet exercice, cela lui permet
d’envisager des solutions constructives à son problème grâce au transfert possible des ressources qu’il possède déjà.
Enfin, pour que le processus de changement s’opère, il faut que le client agisse différemment en vue de réaliser son projet, soit en
modifiant ses actions. Pour cela, le conseiller doit intervenir pour l’aider à se réapproprier le pouvoir qu’il a de modifier ses conditions
de vie et régler sa difficulté. La réappropriation du pouvoir, aussi appelé l’empowerment, est rendue possible grâce aux rétroactions
positives du conseiller par rapport aux ressources et aux forces que le client possèdent et en semant le doute quant à ses faiblesses
(Lamarre, 2005). Cela amène ainsi le client à entrevoir qu’il a la possibilité de se réapproprier son pouvoir d’améliorer sa situation de
vie et à retrouver la confiance nécessaire en ses capacités pour régler sa difficulté. Une série de petits objectifs, des actions concrètes à
réaliser, peuvent ainsi être établis et permettent à l’individu de vivre plusieurs petites réussites durant la démarche. Cela lui donne
confiance et le motive à poursuivre vers l’atteinte de son but professionnel ou de vie. En résumé, il s’agit d’un processus de prise en
charge de l’individu par lui-même par la construction d’une nouvelle vision par rapport à ses forces et par la co-construction de
solutions originales avec son conseiller en vue de produire le changement et ultimement, de vivre heureux.
32
Orientation plus clinique
Il est possible de situer les débuts de l’orientation plus clinique vers le début des années 2000. Elle se fait plus présente notamment,
depuis l’adoption de la Loi 21 qui octroie aux conseillers d’orientation le droit d’évaluer les personnes atteintes d’un trouble mental ou
neuropsychologique, d’évaluer les troubles mentaux et le retard mental ainsi qu’évaluer les élèves handicapés ou en difficulté
d’adaptation (OCCOQ, 2012). Étant donné l’arrivée de cette loi et la révision du champ d’exercice de la profession que cela a
entraîné, un Guide d’évaluation en orientation a été produit par l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec
(OCCOQ, 2010). Ce Guide d’évaluation est un cadre de référence général pour les pratiques des conseillers d’orientation. En
conséquence, tous les conseillers et conseillères d’orientation peuvent se l’approprier, peu importe qu’ils préfèrent une conception ou
une approche théorique en particulier. Toutefois, ce guide intègre la dimension clinique de l’évaluation, prescrite particulièrement par
l’adoption de la loi 21. Ainsi, ce guide servira de référence afin de présenter ce qu’est l’intervention en orientation dite plus clinique.
L’orientation et l’évaluation sont deux indissociables. En effet, l’évaluation en orientation est au cœur des pratiques des conseillers et
des conseillères d’orientation, peu importe leur secteur de pratique et celle-ci est vue comme étant continue en cours de processus
d’intervention (OCCOQ, 2010). L’Ordre y définit l’évaluation en orientation comme étant :
[…] un processus qui consiste à recueillir des informations à l’aide de différents moyens et outils, tous justifiés au regard
des objectifs de l’intervention. Également, l’évaluation implique de porter un jugement clinique permettant d’estimer et
d’apprécier la situation de la personne selon un cadre de travail rigoureux, exhaustif et systématique, de manière à pouvoir
en partager les résultats et à mettre en évidence ses enjeux (OCCOQ, 2010, p.6).
L’évaluation clinique est une activité rigoureuse, exhaustive et systématique, ainsi elle doit permettre ultimement au conseiller
d’orientation de justifier son évaluation et ses conclusions. Pour ce faire, l’évaluation des ressources personnelles, du fonctionnement
psychologique et des conditions du milieu se réalise à travers une investigation systématique de la singularité de l’identité et de la
situation de la personne. Ces trois dimensions sont intimement interreliées, puisqu’à l’intérieur d’un milieu donné, le fonctionnement
psychologique de la personne lui permet de mobiliser, plus ou moins efficacement, ses ressources personnelles (OCCOQ, 2010). Afin
33
de mieux saisir ce qu’impliquent ces dimensions de l’évaluation, une brève présentation en sera faite et des indicateurs pour chacune
des trois dimensions seront présentés dans le tableau 3.
Lorsque le conseiller d’orientation évalue les ressources personnelles d’une personne, il s’intéresse notamment, aux connaissances et
au niveau d’information de la personne relatif à la connaissance de soi, au marché du travail et de la formation, à la connaissance des
services et des opportunités disponibles dans un contexte donné. Il s’agit également d’explorer les acquis formels et informels
développés à travers les différentes expériences de vie, professionnelles, scolaires, de loisirs et de toute autre activité personnelle. À
cela peut s’ajouter l’investigation de variables sociodémographiques telles que l’âge, le sexe, l’ethnie, l’état civil, le statut judiciaire,
les capacités financières et le transport. En fait, les ressources personnelles de la personne seront mobilisées en contexte d’adaptation à
de nouvelles situations et conditions du milieu, où elles se manifesteront plus ou moins efficacement selon le fonctionnement
psychologique de la personne (Cournoyer, 2010; OCCOQ, 2010).
Quant à lui, le fonctionnement psychologique est continuellement influencé par l’interaction de facteurs d’ordre biologique,
psychologique et social. L’évaluation du fonctionnement psychologique de la personne implique pour le conseiller d’orientation de
tenir compte de ses caractéristiques (p.ex. : intérêts, valeurs, aptitudes, traits de personnalité), de l’organisation dynamique de celles-ci
(p.ex. : croyances, pensées, émotions, comportements) et de leurs impacts sur sa vie quotidienne (p.ex. : modalités d’autorégulation et
d’autoprotection, qualité de l’estime et confiance en soi, stratégies adaptatives) (Cournoyer, 2010; OCCOQ, 2010). Le fonctionnement
psychologique implique aussi d’évaluer la présence de troubles mentaux, d’un retard mental, de situations de handicap, de difficultés
d’adaptation scolaire ou professionnel et d’autres troubles reconnus en santé mentale.
En ce qui concerne les conditions du milieu, il s’agit pour le conseiller d’orientation d’identifier les possibilités et les contraintes
propres à la situation de la personne, ainsi que tenir compte des interactions entre la personne et son environnement. Les conditions du
milieu concernent les lieux immédiats où la personne entretient des relations avec des proches (p.ex. : amis, famille), des groupes de
pairs, des collègues de travail et d’études, des supérieurs, ce qui peut exercer des influences mutuelles entre la personne e t les
conditions de son milieu. Les conditions du milieu concernent également des déterminants structurels tels que le statut
socioéconomique de la personne, l’emploi exercé et le niveau de scolarité des parents, les représentations sociales des rôles sexuels et
autres stéréotypes sociaux, les attributs conférés à certaines professions. À plus grande échelle, les conditions du milieu peuvent aussi
34
se rattacher à la situation économique, aux lois et règlements, aux politiques sociales et d’emploi, à la culture et aux mœurs, à la
transformation du marché du travail, au développement technologique, à la mondialisation, au sens accordé par la société
d’appartenance (OCCOQ, 2010).
En résumé, l’évaluation du fonctionnement psychologique, des ressources personnelles et des conditions du milieu est une activité
clinique où le conseiller doit considérer la singularité de la personne devant lui. Cette évaluation peut se réaliser à différents moments
de l’intervention, soit avant, au début, au milieu, à la fin et même après le processus d’orientation. Comme il l’a été mentionné
auparavant, l’évaluation est une activité continue et non linéaire. Ainsi, il est important de tenir compte des nouvelles informations
fournies par la personne durant tout le processus d’intervention. Bien que le conseiller ne puisse comprendre l’intégralité de
l’expérience subjective et intersubjective de la personne, celui-ci s’assure de mener une évaluation la plus exhaustive possible en
considérant une pluralité de facteurs (p.ex. : urgence de la demande de service, besoins exprimés, historique des évènements
significatifs, ressources et limites personnelles et environnementales, fonctionnement psychologique, etc.) (OCCOQ, 2010). À cet
égard, les outils psychométriques peuvent jouer un rôle significatif dans la démarche en fournissant des informations qui ne seraient
pas accessibles autrement. Entre autres, ils peuvent permettre d’approfondir la compréhension de la situation de la personne. Enfin,
advenant une difficulté à bien mener à terme ses interventions, et plus spécifiquement celles liées à l’évaluation de la personne, le
conseiller ou la conseillère d’orientation doit s’assurer de diriger celle-ci vers les ressources en mesure de l’aider.
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Tableau 3
Indicateurs des trois dimensions de l’évaluation
Fonctionnement psychologique
Tempérament
Intérêts et valeurs
Croyances
Personnalité
Besoins fondamentaux
Estime et confiance en soi
Stratégie d’adaptation
Motivation
Lieu de contrôle
Initiative, autonomie et responsabilités, etc.
Ressources personnelles
Connaissance de soi
Expériences de vie, professionnelles et scolaires
Connaissances
Aptitudes, habiletés, capacités
Acquis formels et informels
Contacts, réseaux sociaux et soutien social
Santé physique et mentale
Sexe, âge, apparence, situation de handicap
Langues parlées
Connaissance du marché du travail, etc.
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Conditions
du milieu
Famille, groupes de pairs, collègues de travail et d’études, supérieurs,
enseignants : valeurs, normes, dynamique relationnelle, influences
diverses
Possibilités d’emploi et de formation
Conditions économiques
Contexte socioculturel, institutionnel et organisationnel
Politiques sociales, éducatives et du travail
Autres lois et réglementations du travail, etc.
Source : Guide d’évaluation en orientation, (OCCOQ, 2010)
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Enjeux et problématiques en développement de l’employabilité … Jean-François Maltais, c.o.4
Au Québec, la majorité des services d’aide en développement de l’employabilité offerts à la population sont rendus par des
professionnelles et professionnels formés au premier cycle universitaire en développement de carrière ou dans un domaine connexe lié
aux sciences sociales, sciences humaines et sciences de l’éducation. Au gré des transformations sociales, économiques, polit iques,
technologiques et autres ayant marqués les sociétés occidentales au cours des dernières décennies, les types de clientèles sollicitant, à
un moment ou l’autre de leur vie, des services d’aide en développement de carrière ont non seulement augmenté, mais se sont aussi
diversifié (Organisation de coopération et de développement économiques, 2004). Ainsi, les conseillers œuvrant en développement de
carrière aujourd’hui au Québec doivent mener des interventions tenant compte aussi bien des enjeux psychosociaux, culturels et
économiques de populations immigrantes, d’ex-contrevenants, de femmes monoparentales, de personnes sans emploi et bénéficiant de
la sécurité du revenu de l’État, de personnes présentant un handicap sur le plan physique ou psychologique, que de travailleurs aux
prises avec des pressions et des tensions liées à leur environnement de travail.
Problématiques émergentes en développement de l’employabilité
La section qui suit, présente, à travers différentes clientèles, les problématiques en émergences avec lesquels les intervenants
travaillant dans les services d’aide au développement de l’employabilité du Québec doivent composer.
4 Maltais, Jean-François (2012). L’impact d’une formation axée sur la compréhension du fonctionnement psychologique (Approche Masterson) sur les pratiques de conseillères en
développement de l’employabilité au sein d’organismes du Montréal métropolitain. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise
en orientation profil : carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/04/bonjour-vous-voici-une-premiere-mise-en.html
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La population des personnes immigrantes est l’une de ces clientèles émergentes depuis quelques années. Ces personnes nées à
l’extérieur du Canada, mais également celles de citoyens associés à un statut de minorités visibles, présentent de plus faibles revenus,
un taux de chômage plus élevé, malgré une scolarité souvent supérieure à la moyenne de la population québécoise (Emploi-Québec,
2007). Les enjeux de surqualification, d’absence de scolarisation québécoise, d’adaptation sociale, sans compter celles plus
particulièrement liées aux craintes de préjugés et de stigmatisation ne sont que quelques-uns des enjeux qui pèsent sur l’expérience
d’insertion socioprofessionnelle des immigrants (Bégin, 2009).
Un autre type de clientèle en émergence est celle des personnes ayant un dossier criminel. Celle-ci rencontre autant des difficultés
d’insertion que de réinsertion sociale et professionnelle. Elle représente actuellement près de 10% de la population québécoise et ce
chiffre ne cesse d’augmenter depuis 1996 (Bernheim, 2010). Cette personnes, comme plusieurs autres, voient leur situation
s’accompagner d’enjeux psychosociaux importants dont une faible estime de soi, un manque de motivation, des difficultés liées à la
consommation de drogues, d’alcool et de médicaments, des difficultés financières, ainsi que des problèmes de santé physique et
mentale. Tous ces enjeux, concomitants les uns avec les autres, ne sont pas sans avoir d’incidences négatives sur le développement et
le maintien de leur employabilité.
De leur côté, les femmes monoparentales représentent elles aussi un type de bénéficiaire présentant des problématiques complexes.
Celles-ci font entre autres face à des contraintes d’organisation du temps en raison de leurs responsabilités familiales, elles se
retrouvent souvent dans des emplois atypiques, caractérisés par la précarité, le travail moins bien rémunéré et sans sécurité d’emploi
(Cournoyer, 2009). Une recension de recherches menées par Bujold et Gingras (2000) sur le développement de carrière des femmes
démontre la panoplie d’enjeux auxquelles les femmes de manière générale, ainsi que les femmes en situation de monoparentalité en
particulier, doivent faire face : développement d’une identité personnelle, sociale, professionnelle et maternelle en simultanée ; gestion
de carrière et des barrières à l’emploi ; choix de vie et conciliation travail-famille, etc.
Les clientèles mentionnées jusqu’à présent, ainsi que plusieurs autres s’entremêlent également au sein de celles des prestataires de
l’aide sociale. Pour les conseillers en emploi qui accompagnent ces personnes en vue d’un développement de leur employabilité ,
celle-ci représente un défi passablement important. Ainsi, malgré que la clientèle adulte sans contrainte d’emploi, selon les normes du
Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS), ait diminué de 44,2 % entre 1998 et 2008, les dernières années ont vu
39
apparaître une modification du profil de cette clientèle. En fait, le nombre d’adultes sans contrainte d’emploi faisant toujours appel au
service d’aide sociale et bénéficiant de ce service depuis plus de 120 mois semblent avoir augmenté (Emploi-Québec, 2008). De sorte
que cette clientèle apparaît désormais comme étant de plus en plus éloignées du marché du travail. Les prestataires d’aide sociale
présentent entre autres des problématiques de faible niveau de scolarité, des difficultés à intégrer un emploi stable et à s’y maintenir,
ainsi que des difficultés comportementales et relationnelles lorsqu’en emploi (Cournoyer, 2009).
Pour les personnes en marge du marché du travail, tout comme pour celles qui sont intégrées depuis plusieurs années, certains
phénomènes prennent de plus en plus d’ampleur. C’est le cas du phénomène de vieillissement de la population. Au cours des dernières
années, il est possible d’en voir les premières répercussions sociales, dont sur le plan de problématiques avec lesquelles les conseillers
en développement de l’employabilité doivent, et devront de plus en plus, composer. Bussière et coll. (2009) mentionnent, dans une
étude de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) — Urbanisation, Culture et Société, qu’à moins de changements
démographiques majeurs, le Québec sera l’une des sociétés les plus vieilles en occident d’ici 2041. Face à cette problématique du
vieillissement de la population, une étude de Ressources humaines et développement des compétences du Canada (RHDCC, 2008),
mentionne les obstacles à l’emploi auxquels cette clientèle en émergence au Québec et au Canada doit faire face. Ils mentionnent entre
autres que certains employeurs risquent de nourrir des stéréotypes négatifs au sujet des travailleurs âgés et de s’accrocher aux mythes
au sujet de leur capacité ou de leur rendement. D’autres risquent de sous-évaluer la productivité des travailleurs âgés, d’appliquer des
pratiques surannées en matière de ressources humaines ou simplement de ne pas être conscients des compétences, des capacités et de
la valeur que les travailleurs âgés apportent à leur organisation. Il est aussi question d’un manque de connaissance en matière de
stratégies de recherche d’emploi, d’aspirations salariales élevées, de préjugés de la part des employeurs, d’une scolarité insuffisante,
de compétences en micro-informatiques insuffisantes et d’une faible mobilité de la main-d’œuvre.
Les personnes présentant un handicap figurent aussi parmi les clientèles à la fois plus nombreuses et plus à risque sur le plan de la
précarité de l’emploi. Les difficultés d’intégration au travail des personnes handicapées vont bien au-delà de leur qualification, car ces
personnes font face à des limitations aussi bien intellectuelles, psychiques, que physiques (Emploi-Québec, 2009). Les défis
d’intégration à l’emploi de ces personnes toucheraient par exemple, des problématiques telles que le manque de confiance en soi, le
manque d’estime de soi, l’isolement, des difficultés à s’adapter aux changements ou des attentes irréalistes face au marché du travail
40
(Emploi-Québec, 2004). Ce qui engendre des difficultés supplémentaires à prendre en compte dans le développement de
l’employabilité de ces clientèles.
Au fur et à mesure que se confrontent les lourdeurs des problématiques propres à chacune des clientèles mentionnées ci-dessus à un
environnement de travail de plus en plus exigeant, où la sécurité d’emploi est moindre, la qualité des conditions d’accès et de
développement au travail réservé à une élite, la marginalisation, la mise à l’écart du besoin fondamental de travailler ou de produire
quelque chose de sa vie peut entraîner des conséquences importantes sur la santé psychologique. Cournoyer (2010) indique que la
clientèle présentant des troubles de santé mentale est en augmentation dans les organismes en employabilité. Il mentionne par exemple
des problématiques de dépression, de troubles bipolaires et de troubles de personnalité limite, comme faisant partie des
problématiques auxquelles les spécialistes du domaine de l’employabilité doivent de plus en plus faire face. Il peut être ajouté à cela,
des problèmes de consommation de drogue, de lourde médication ou de la dépendance au jeu. Norcross et coll. (2002), mentionnaient
déjà il y près de dix ans les grands besoins en soins pour la santé mentale et l'augmentation de la mise à contribution des
professionnels en counseling de niveau maîtrise dans le traitement de ces problèmes. Toujours il y a dix ans, l'Organisation mondiale
de la santé (OMS, 2001) mentionnait que les besoins pour des soins de santé en lien avec la santé mentale étaient en augmentation et
représentait 12% de toutes les maladies répertoriées. Il est à noter qu’au Québec, 59 % des diagnostics médicaux des prestataires du
programme de solidarité sociale répertoriés en 2008 touchent la santé mentale, ainsi que les difficultés intellectuelles et
d’apprentissage (Emploi Québec, 2009). Plus récemment, une recherche menée par la Fédération étudiante collégiale du Québec
(FECQ, 2011), mentionne la fulgurante augmentation des cas de troubles d'apprentissage, de déficits de l'attention ou de problèmes de
santé mentale et mentionne que ces problématiques ont bondi de 1150 % de 2005 à 2009.
Au niveau de la prévalence des troubles de la personnalité dans la population générale, peu de données canadiennes semblent
disponibles. Toutefois, plusieurs études américaines récentes démontrent qu’environ 10 % de la population générale souffrirait d’un
trouble de la personnalité (Torgersen, 2001; Reich, Yates et Nduaguba, 2005; Lenzenweger, 2009). Une étude de Landry et coll.
(1996) mentionne aussi une prévalence élevée de troubles de la personnalité chez les personnes aux prises avec un problème de
toxicomanie. Les troubles de la personnalité seraient même une des plus importantes causes d’inadaptation psychosociale des
individus à long terme (Bessette, 2010). En se basant sur ces statistiques, on peut facilement croire que parmi les individus se
41
présentant dans les services d’aide à l’emploi du Québec, un certain pourcentage d’entre eux a un trouble de la personnalité ou de
santé mentale autre.
Parallèlement, des études récentes rapportent l’impact de la dégradation des conditions de travail, de la qualité de vie et de la santé
mentale chez les travailleurs et les personnes sans emploi. Tel que le souligne Soarès (2002), la prévalence élevée de la détresse
psychologique, de symptômes dépressifs et de troubles de stress post-traumatique est plus élevée chez de nombreuses personnes en
emploi ou qui perdent leur emploi. Une étude moins récente menée par Karasek, Gardell et Lindell (1987) mentionnait déjà dans les
années 80 des liens entre la surcharge de travail et la détresse psychologique des travailleurs. L’association internationale de la
sécurité sociale (2010), mentionne dans une étude concernant l’impact des crises économiques sur la santé mentale des travailleurs
que dans l’optique où les difficultés existant sur le marché de l’emploi et le niveau élevé du chômage se prolongent, l’on peut
s’attendre à ce que l’anxiété générée par la précarité des revenus et des emplois persiste. L’étude souligne entre autres que les
problèmes de santé mentale risquent par conséquent de devenir de plus en plus préoccupants pour les gouvernements et les travailleurs
et que la dernière crise économique a probablement eu des répercussions sur la santé mentale des travailleurs dans tous les pays. De
plus, on y mentionne que les bénéficiaires d’indemnités en lien avec des limitations dû à la santé mentale sont les personnes qui
rencontrent le plus de difficultés à retrouver un emploi à plein temps. Bemak et Hanna (1998), dans un article paru dans
l’International Journal for the Advancement of Counselling, mentionne que le 21e siècle amènera de nouveaux problèmes de société
qui auront un impact majeur sur la santé mentale des populations. Les auteurs disent entre autres que les conseillers en relation d’aide
prendront de plus en plus de place dans toutes les sphères la société quant à la prévention et l’intervention sur les problématiques de
santé mentale. Ils suggèrent donc que les formations des conseillers prennent en compte ces faits et ajustent leurs formations afin de
répondre plus efficacement à cette réalité. Au sujet de la place occupée par les conseillères et les conseillers en emploi sur le marché
du travail, Services Canada (2010) mentionne que vu les besoins grandissants des adultes en chômage ou en processus de réorientation
en matière de counseling d'emploi et d'orientation professionnelle, le nombre de conseillers en emploi devrait augmenter de façon
notable au cours des prochaines années.
Partout au Canada les associations professionnelles de conseillers en relations humaines se regroupent pour développer un cadre plus
rigoureux au plan de la déontologie et des normes de pratique (Association canadienne de counseling et de psychothérapie, 2009). Tel
42
qu’on le mentionne dans le comité responsable des travaux menés dans le cadre du mandat de modernisation de la pratique
professionnelle en santé mentale et en relations humaines (Comité d’experts, 2005):
Jamais sans doute n’aura-t-on accordé, autant qu’à notre époque, une telle attention à la santé, que ce soit sous
l’angle de la santé des individus, des politiques de santé publique, des services à la population, du financement qui
s’y rattache, des avancées technologiques et scientifiques, des perspectives d’avenir… Derrière cela, se profilent très
nettement l’évolution des sociétés, le vieillissement des populations, de nouvelles conceptions au plan des droits,
l’essor des découvertes, la mondialisation, et bien d’autres phénomènes, tant en contexte québécois, que canadien ou
étranger. (p.3)
Cet état des faits sur la complexification du marché du travail et des types de problématiques vécu par les clientèles, combinées à un
intérêt de plus en plus évident à travers le Canada pour développer un cadre plus rigoureux au plan de la déontologie et des normes de
pratique, envoie un message clair sur l’importance de la compréhension du fonctionnement psychologique des individus par les
conseillères et conseillers en relation d’aide, et ce, peu importe leur secteur d’activité. De tels constats peuvent soulever des
questionnements au niveau de l’employabilité quant à la compétence des conseillères et des conseillers en emploi à intervenir avec des
clientèles de plus en plus complexes et par le fait même, sur leur compétence à intervenir sur les multiples dimensions qui composent
les individus. Entre autres, les ressources personnelles (connaissance de soi, aptitudes, capacités, acquis formels et informels, sexe,
âge, etc.), les conditions du milieu (famille, groupe de pairs, contexte socioculturel, conditions économiques, etc.) et sur la dimension
du fonctionnement psychologique (intérêts, valeurs, croyances, personnalité, stratégies d’adaptation, motivation, lieu de con trôle,
affirmation de soi, autonomie, etc.) (Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ), 2010). Rivière (2008) a
abordé la question du sentiment de compétence des intervenants en décrivant le sentiment d’impuissance qui peut être ressentie en
relation d’aide. L’auteur mentionne que les clients, par leurs attentes irréalistes quant aux résultats de la thérapie, par leurs demandes
contradictoires, par leurs comportements mésadaptés face au cadre et aux règles du processus, fait en sorte que les intervenants en
arrivent à ressentir un sentiment d’impuissance dans leur capacité à aider leurs clients. Cela vient en quelque sorte renforcer l’idée
pour les conseillers et conseillères en emploi d’avoir des compétences au niveau de la compréhension des dimensions composants les
individus, dont celle du fonctionnement psychologique.
43
Bien qu'il soit difficile de convenir d'une définition générale du fonctionnement psychologique sans faire référence à une théorie, une
approche ou un modèle conceptuel spécifique, l'OCCOQ (2010) dans son guide d'évaluation en orientation donne la définition
suivante :
En référence au champ d'exercices, le fonctionnement psychologique implique la prise en compte des
caractéristiques de la personne (ex. : intérêts, valeurs, aptitudes, traits de personnalité), de l'organisation dynamique
de son expérience (ex. : croyances, pensées, émotions, comportements), ainsi que de leurs effets sur sa vie
quotidienne (ex. : modalités d'autorégulation et d'autoprotection, qualité de l'estime et de la confiance en soi,
stratégies adaptatives). Le fonctionnement psychologique est influencé par des facteurs d'ordre biologique,
psychologique et social. L'évaluation du fonctionnement psychologique implique également de prendre en compte la
présence de troubles mentaux ou neuropsychologiques, d'un retard mental, de situation de handicap, de difficultés
d'adaptation en contexte scolaire ou professionnel, ou d'autres troubles décelés par des référentiels reconnus en santé
mentale.5(p.6-7)
Il y a alors lieu de se demander si les conseillères et conseillers en emploi sont suffisamment formés pour intervenir efficacement à
l’intérieur de cette dimension de l’individu qu’est le fonctionnement psychologique. C’est ce que nous tenterons de répondre un peu
plus loin.
Rôle et tâches de conseillères et de conseillers en emploi
Dans le domaine de l’employabilité au Québec, ce sont les conseillères et les conseillers en emploi qui principalement s’occupent du
développement de l’employabilité. Le Ministère des Ressources Humaines et Développement des Compétences du Canada (RHDCC)
5 Dans le cadre de cette recherche, lorsqu’il sera question du fonctionnement psychologique, c’est à cette définition que le lecteur est invité à se référer.
44
via le site Internet6 de la classification nationale des professions (CNP, 2010), définit le métier de conseiller en emploi de la façon
suivante :
Les conseillers en emploi prodiguent des conseils et du counseling, et donnent des renseignements aux clients qui
travaillent sur tous les aspects de la recherche d'emploi et du choix de carrière. Ils conseillent également les
employeurs sur les problèmes liés aux ressources humaines et à l'emploi. Les conseillers en emploi travaillent
principalement pour les gouvernements fédéraux et provinciaux, mais travaillent également dans de grands
établissements et des services de placement privés. Les superviseurs des conseillers en emploi sont compris dans ce
groupe de base.
Pour ce qui est des tâches des conseillères et conseillers en emploi, ceux-ci font principalement les tâches suivantes :
6 http://www5.rhdcc.gc.ca/CNP/Francais/CNP/2006/Bienvenue.aspx
45
Tableau 1.1
Tâches relatives au travail de conseillères et de conseillers en emploi
faire une entrevue d’accueil et rencontrer les clients pour obtenir des
renseignements sur leurs antécédents professionnels et scolaires, ainsi
que leurs objectifs professionnels, en utilisant le counseling individuel.
identifier les obstacles à l'emploi et aider les clients dans des domaines
comme les aptitudes à l'emploi, les stratégies de recherche d'emploi, la
rédaction du curriculum vitae et la préparation avant une entrevue;
conception, planification et animation d'ateliers de groupe ayant pour
but la recherche d'emploi (bilan de carrière, méthodes et techniques de
recherche d'emploi: curriculum vitae, lettre de présentation, entrevue
d'emploi, contacts téléphoniques, etc.).
élaborer des plans d'action, faire l’encadrement et le suivi des
participants lors des stages d'exploration au marché du travail
donner des conseils aux employeurs sur les ressources humaines et
autres sujets liés à l'emploi;
administrer et interpréter des tests afin de cerner les intérêts, les
aptitudes et les habiletés d'un client;
déterminer les besoins tels que la réadaptation, l'aide financière ou la
formation professionnelle complémentaire et diriger les clients vers les
services appropriés;
fournir aux travailleurs en emploi de l'information sur le maintien en
emploi ou les mutations au sein d'un organisme, la façon de faire face à
46
l'insatisfaction professionnelle ou les changements d'orientation en
cours de carrière;
recueillir des renseignements sur le marché du travail et informer le
client des possibilités d'emploi, des conditions d'accès à la profession,
des compétences requises et autres renseignements sur les professions;
fournir des services de consultation aux groupes et organismes
communautaires, aux entreprises et à l'industrie ainsi qu'à d'autres
organisations qui s'occupent de fournir des ressources dans la
collectivité au niveau de la planification de carrières.
Possibilité de travailler auprès d'une clientèle présentant divers
handicaps physiques ou intellectuels
Référer vers diverses ressources selon les besoins.
Sources : Site internet de la CNP (2006) ; Relance des diplômées et des diplômées de l’université de Sherbrooke (2010)
Le développement de l’employabilité consiste à évaluer la situation de la personne selon différentes dimensions, dont les ressources et
les lacunes, à mobiliser son potentiel humain, ainsi qu’à intervenir sur certaines caractéristiques du fonctionnement personnel et social.
Si la répartition géographique des problématiques sociales, psychologiques, culturelles, économiques et autres propres aux clientèles
de conseillers en développement de carrière s’étend sans aucun doute à l’ensemble des régions du Québec, force est de constater que
c’est dans la région de Montréal qu’il est possible d’y retrouver la plus forte concentration et le plus grand nombre de personnes aux
prises avec une ou plusieurs de celles-ci.
Spécificité montréalaise en développement de l’employabilité
Dans la région de Montréal, la population présente certaines particularités faisant en sorte que cette région du Québec présente des
défis pour les intervenants en employabilité qui sont différents du reste de la province. Tout d’abord, la part des personnes titulaires
47
d’un diplôme universitaire (certificat, baccalauréat et diplômes d’études supérieures) correspond à près du tiers (31,8 %) de la
population montréalaise, ce qui est bien au-dessus de la moyenne québécoise (21,4 %) (Emploi-Québec, 2010). Il apparaît toutefois
que ce pourcentage de personnes possédant un diplôme universitaire sur l’île de Montréal varie beaucoup d’un secteur à l’autre de
l’île. En effet, ce pourcentage passe de 14 % pour le territoire du centre local d’emploi (CLE) de Pointe-aux-Trembles, à 48,3 % pour
le territoire du Plateau-Mont-Royal. Aussi, près du tiers des personnes de 15 ans et plus ne possèderaient aucun diplôme dans les
secteurs de Montréal-Nord et de Saint-Michel (Emploi-Québec, 2009). Des disparités apparaissent donc avec le reste du Québec, mais
aussi à travers les différents secteurs de l’île de Montréal. Selon cette même étude, la présence des personnes nées hors Canada et des
personnes issues des minorités visibles serait très marquée sur l’île de Montréal puisque ces deux groupes rassemblent respectivement
602 060 et 455 700 des personnes de l’île. À l’échelle du Québec, 66,1 % des personnes nées hors Canada et 69,7 % des personnes
issues des minorités visibles résideraient sur le territoire de l’île de Montréal. Aussi, en comparaison avec le reste de la province de
Québec, l’île de Montréal comporterait une plus grande part de jeunes adultes de 20 à 39 ans, tant chez les hommes que les femmes.
Sur l’aspect salarial, les personnes vivant sur l’île de Montréal auraient un salaire annuel inférieur au reste du Québec. Pour la
population des 25 à 44 ans cela représenterait un salaire d’environ 12 % de moins. La situation serait davantage préoccupante pour les
personnes nées à l’extérieur du Canada et vivant sur l’île de Montréal, puisque leur revenu médian serait inférieur à ceux des
personnes nées au Québec et vivant eux aussi sur l’île de Montréal (respectivement 18 183 $ et 25 561 $).
Portée des interventions des conseillères et des conseillers en emploi
Le répertoire en ligne « Itinéraire pour l’emploi » fournit une liste de sites Internet d’organismes du grand Montréal offrant des
services en développement de l’employabilité. L’analyse exhaustive des informations contenues sur les sites Internet d’une
quarantaine de ces organismes indique une prépondérance de services offerts plus particulièrement aux jeunes adultes et aux adultes
visant à insérer ou réinsérer, à s’adapter, sinon à se maintenir sur le marché du travail. L’analyse a également permis de mettre en
lumière la variété des problématiques – parfois imbriquées les unes aux autres - qui accompagnent ces services, que ce soit les enjeux
d’immigration, de toxicomanie, de judiciarisation, de santé mentale et d’adaptation psychosociale (Appendice A).
48
Les conseillères et les conseillers en emploi possèdent généralement une formation de 1er cycle universitaire en développement de
carrière ou dans une discipline connexe. Au Québec, trois universités offrent le programme de formation spécialisée en orientation et
en développement de carrière : Laval, Université du Québec à Montréal et Sherbrooke. Toutefois, la Classification nationale des
professions (CNP, 2010) apporte les précisions suivantes concernant la formation des conseillers et conseillères en
emploi actuellement sur le marché de travail :
Un baccalauréat ou un diplôme d'études collégiales dans un domaine connexe tel que la psychologie, les services
sociaux ou l'éducation est habituellement exigé. Un diplôme d'études secondaires, ainsi que plusieurs années
d'expérience dans les services liés au counseling ou dans une profession d'aide peuvent suppléer aux études
officielles.
Ainsi, la formation des conseillères et conseillers en emploi s’avère plus ou moins définie et rien ne semble garantir que toutes et tous
présentent les qualifications initiales couramment associées aux tenants d’un baccalauréat en orientation ou en développement de
carrière. Cette réalité est d’autant plus préoccupante que 40 % des conseillères et conseillers en emploi ne possèderaient pas de
formation universitaire et que près de 10% auraient un diplôme d’études secondaires 5 ou moins (Site internet de Services Canada,
2010). Le tableau qui suit présente la répartition de l’emploi selon le plus haut niveau de scolarité atteint par les conseillers et
conseillères en emploi au Québec :
49
Tableau 1.2
Scolarité des conseillères et des conseillers en emploi au Québec
Moins d’un diplôme d’études secondaire 1,4 %
Diplôme d’études secondaires complété (DES) 9,0 %
Diplôme postsecondaire non universitaire 29,6 %
Diplôme universitaire de baccalauréat et plus 60,0 %
Source : Service Canada (2010)
Les cursus de formation de premier cycle universitaire spécialisés en orientation et en développement de carrière permettent aux
étudiantes et aux étudiants d’acquérir les compétences théoriques et pratiques sur le plan du counseling de carrière, de la
psychométrie, du traitement de l’information, de la psychologie de la personnalité et de l’information scolaire et professionnelle.
Néanmoins, comme il est possible de le constater en analysant les cursus de formation de chacune des universités (Appendice B), les
compétences acquises suite à la formation demeurent lacunaires au plan de l’intervention clinique auprès de personnes présentant des
troubles de santé mentale et d’adaptation psychosociale. La formation de baccalauréat leur fournit beaucoup de notions théoriques et
pratiques comme des stages, mais la dimension du fonctionnement psychologique y semble très peu approfondie.
Les conseillères et conseillers en emploi ne sont pas seuls à intervenir dans le domaine de l’employabilité. Les conseillères et
conseillers d’orientation œuvrent aussi dans ce domaine. Le comité responsable des travaux menés dans le cadre du mandat de
modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines (Comité d'experts sur la modernisation de la
pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines, 2005) propose la définition suivante quant au rôle des conseillères
et des conseillers d’orientation :
50
L’exercice de l’orientation consiste à évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les
conditions du milieu, à intervenir sur l’identité, à développer et à maintenir des stratégies actives d’adaptation dans
le but de faire des choix personnels et professionnels tout au long de la vie, de rétablir l’autonomie
socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec son environnement.
L’information, la promotion de la santé, la prévention du suicide, de la maladie, des accidents et des problèmes
sociaux font également partie de l’exercice de la profession auprès des individus, des familles et des collectivités.
Ce même comité d’experts (2005) mentionne aussi que lorsqu’on prend en considération le rôle du travail dans la préservation de la
santé mentale et l’impact des problèmes liés au travail dans l’équilibre de la personne, le conseiller d’orientation pourra être mis à
contribution dans le cadre de la réalisation du Plan d’action en santé mentale du ministère de la Santé et des Services sociaux du
Québec. Cournoyer (2009), mentionne quant à lui :
Par leur travail d’évaluation, d’interventions et de suivi du développement de l’employabilité de leur clientèle, les
conseillers d’orientation sont en mesure, entre autres, de participer à la reconnaissance de compétences génériques et
techniques, de préparer les personnes aux réalités qui les attendent sur le marché du travail, à porter des actions
préventives en matière de décrochage scolaire et enfin, à donner un sens à la vie personnelle et professionnelle de
personnes plus ou moins éloignées du marché du travail. (p.29)
L’analyse des formations de niveau maîtrise (deuxième cycle universitaire) des conseillères et conseillers d’orientation permet de
remarquer que les notions enseignées sont plus approfondies quant au fonctionnement psychologique de la personne (Appendice C).
La formation semble mieux outiller ces dernières et ces dernières à intervenir auprès de clientèles présentant des problématiques plus
complexes. D’ailleurs, la profession de conseillères et conseillers d’orientation (Comité d’experts, 2005) est aujourd’hui appelée
légalement à voir ses interventions dirigées sur la prise en compte des multiples dimensions de l’individu et entre autres sur celle du
fonctionnement psychologique. Par exemple, les caractéristiques de la personne, l’organisation dynamique de son expérience et les
effets sur sa vie quotidienne. Ces professionnels doivent aussi prendre en compte la présence de troubles mentaux ou
neuropsychologiques, d'un retard mental, de situation de handicap, de difficultés d'adaptation en contexte scolaire ou professionnel, ou
d'autres troubles décelés par des référentiels reconnus en santé mentale (OCCOQ, 2010). Cela est d’autant plus vrai depuis l’apparition
51
du projet de loi 21, qui avait pour objectif de modifier le Code des professions afin de prévoir une redéfinition des champs d’exercices
professionnels dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines pour plusieurs métiers en relation d’aide, dont le métier
de conseiller d’orientation. Entre autres, ce projet de loi inclut des activités d’information, de promotion et de prévention communes à
l’exercice de certaines professions de la santé, tel que la prévention du suicide. Il établit pour les conseillers d’orientat ion une réserve
d’exercice pour des activités à risque de préjudice dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines et prévoit
l’encadrement de la pratique de la psychothérapie (gouvernement du Québec, 2009).
Ces différents aspects du métier de conseillère et de conseiller d’orientation témoignent d’une meilleure préparation à l’exercice
d’interventions portées sur des problématiques psychosociales toujours plus présentes sur le marché du travail. Néanmoins, il
demeure que les conseillères et conseillers en emploi, qu’elles et qu’ils le veuillent ou non, sont aussi confrontés quotidiennement à
ces problématiques difficiles et complexes. Ils n’auront toutefois pas nécessairement le bagage pour intervenir et se sentiront peut-être
dépassés au niveau de l’intervention.
À ce propos, il existe au niveau de l’intervention en général, une multitude de courants de pratique différents pouvant être utilisées par
les conseillers et conseillères en emploi dans le cadre de leur pratique. Parfois utilisées seules ou en combinaison, les choix ne
manquent pas. Suite à une étude sur l’identité professionnelle des conseillers canadiens, Gazzola et coll. (2010) ont démontré que
l'orientation théorique la plus utilisée par les conseillers canadiens ayant participé à l'étude, est l'approche humaniste centrée sur le
client, tandis que les approches psychodynamiques seraient le moins utilisées. 40% des répondants affirmeraient utiliser au moins trois
approches différentes dans leur pratique et 30 % en utiliseraient même six et plus.
52
Enjeux et problématiques d’orientation au collégial
Virginie Brodeur, c.o.7
Les cégeps
Créé en 1967, le réseau d’établissements d’enseignement supérieur comprend 48 collèges d’enseignement général et professionnel,
communément appelés CÉGEP. De ce nombre, trente-neuf offrent un enseignement francophone, cinq offrent un enseignement anglophone
et quatre cégeps proposent un enseignement à la fois francophone et anglophone. Les établissements d’enseignement collégial sont assez
accessibles géographiquement, puisqu’ils sont relativement bien répartis à travers la province. Effectivement, on retrouve des cégeps dans
16 régions administratives du Québec sur 17, seule la région du Nord du Québec n’en possède pas. Les cégeps sont :
Des établissements d’enseignement public où pour y avoir accès, un étudiant aura effectué préalablement onze ans d’études,
soit six années d’école primaire et cinq années d’école secondaire. Les cégeps offrent deux types d’enseignement :
L’enseignement pré-universitaire qui mène à l’université et l’enseignement technique qui prépare au marché du travail. Quel
que soit le programme de formation poursuivi, l’étudiant devra compléter des cours de formation générale, dont une partie est
commune à tous. Malgré que les cégeps ouvrent leurs portes à une population de tous les âges, ils reçoivent un nombre
croissant de jeunes de 16 ou 17 ans provenant directement du réseau d’enseignement secondaire. Ainsi, les cégeps ont
7 Brodeur, V. (2013). Les pratiques professionnelles de conseillers et de conseillère d’orientation du réseau d’enseignement collégial public au regard de
l’intervention sur l’identité de la personne. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil :
carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2013/02/essai-en-ligne-lintervention-sur.html
53
souvent comme mission d’orienter ces jeunes qui n’ont pas forcément arrêté leur choix de carrière et qui compte le faire au
cégep. En 1993, le programme Accueil et intégration a été créé afin d’aider ces jeunes à trouver leur voie. Les études
collégiales sont souvent considérées auprès des jeunes comme une étape importante de leur cheminement scolaire et comme
une préparation indispensable à l’université. Finalement, les cégeps sont aussi des milieux de vie où un bon nombre
d’activités socioculturelles, sportives et communautaires sont offertes, celles-ci contribuant à la formation des étudiants. Les
cégeps sont aussi un moteur au développement économique, puisqu’ils participent activement à la vie socioéconomique de
leur milieu, que ce soit par la formation aux entreprises ou encore par la recherche appliquée. (Fédération des cégeps du
Québec, s.d)
Le collégial est un ordre d’enseignement se situant entre l’éducation obligatoire (primaire, secondaire) et les études universitaires. Au sein
du système scolaire québécois, le cégep est le premier lieu de formation où les étudiants s’y inscrivent par choix et où ils décident d’eux-
mêmes dans quelle formation ils s’y inscriront. Les cégeps dispensent des programmes de formation préuniversitaire de 2 ans et des
programmes de formation technique de 3 ans, associés à l’enseignement ordinaire et conduisant à l’obtention d’un diplôme d’études
collégiales (DEC). Certains étudiants ont la possibilité de poursuivre des études techniques d’une plus courte durée, associées à la formation
continue et menant à l’obtention d’une attestation d’études collégiales (AEC).
La formation préuniversitaire permet aux étudiants d’acquérir les connaissances et les habiletés nécessaires à la poursuite d’études
universitaires. Ce parcours leur permet également de développer leur autonomie et une maturité qui leur sera grandement utile à l’université.
Neuf programmes de formation préuniversitaire sont offerts. Ils couvrent ces grands champs d’études : Sciences humaines; Sciences de la
nature; Histoire et civilisation; Arts plastiques; Sciences, lettres et arts; Musique; Danse; Arts et lettres ; Sciences informatiques et
mathématiques. Pour sa part, la formation technique permet d’acquérir des connaissances pratiques de haut niveau dans un domaine
particulier. Reconnue sur le marché du travail, cette formation permet de décrocher des emplois en tant que techniciens ou technologues,
mais permet également de poursuivre des études universitaires dans un secteur similaire. Cent trente-deux programmes de formation
technique sont offerts dans ces 5 grandes familles : Techniques biologiques et technologies agroalimentaires; Techniques biologiques et
54
technologies agroalimentaires; Techniques physiques; Techniques humaines; Techniques de l’administration; Techniques en arts et
communications graphiques. (https://sram.qc.ca/)
Peu importe le programme d’études choisi, les étudiants devront compléter un certain nombre d’activités d’apprentissage conduisant à
l’atteinte d’objectifs généraux et spécifiques. Ces activités sont réparties en nombre d’heures liées aux cours théoriques, aux travaux
pratiques effectués en classe et au travail personnel qu’ils devront réaliser en dehors des heures de cours. De plus, lorsqu’ils s’inscrivent
dans un programme les menant à l’obtention d’un DEC, les étudiants devront compléter, en plus des composantes de formation spécifique
au programme choisi, des composantes de formation générale qui sont soit communes à tous les programmes (langue d’enseignement,
langue seconde, philosophie et éducation physique) ou bien qui font parties de la formation générale complémentaire. (https://sram.qc.ca/)
Cette formation générale complémentaire permet à l’étudiant de choisir des cours parmi les domaines des sciences humaines, de la culture
scientifique et technologique, de la langue moderne, du langage mathématique et informatique, de l’art et esthétique ou bien des
problématiques contemporaines. Elle propose donc à l’étudiant une exploration de domaines autres que ceux définis dans son programme
d’études ou bien connexes à celui-ci.
Les cégépiens
Les cégeps accueillent chaque année près de 200 000 étudiants qui ont choisi de poursuivre des études postsecondaires. Pour l’année
scolaire 2009-2010, la Fédération des cégeps a dénombré 165 800 étudiants à l’enseignement ordinaire, dont 50% de ceux-ci étaient
inscrits au secteur préuniversitaire, 44% au secteur technique et 6% en session d’accueil et d’intégration. De plus, environ 25 700
étudiants étaient inscrits en formation continue à temps plein ou à temps partiel. (http://www.fedecegeps.qc.ca/salle-de-presse/quelques-
chiffres/)
55
En 2011, des données préliminaires aussi recueillies par la Fédération des cégeps dénotent une légère hausse du nombre d’étudiants au
cégep comparativement à l’année précédente, soit 174 861 étudiants inscrits à l’enseignement ordinaire, sans compter ceux en formation
continue. (http://www.fedecegeps.qc.ca/salle-de%20presse/communiques/2011/08/nouvelle-hausse-du-nombre-d%e2%80%99etudiants-au-
cegep-2/) De plus, la clientèle des cégeps est diversifiée sur plusieurs plans. En effet, les cégépiens proviennent de différents milieux socio-
économiques et de diverses communautés culturelles. Ils se distinguent aussi par la langue d’usage, mais aussi par la répartition selon le
sexe. En effet, les cégeps accueillent chaque année environ 58% de filles et 42% de garçons, chiffres qui varient peu d’une année à l’autre.
(Fédération des cégeps, 2010) Aussi, comme les cégeps offrent un bon nombre de programmes d’études différents, les cégépiens peuvent se
distinguer par leurs intérêts et leur choix de carrière. Également, les étudiants varient en âge, puisque les cégeps ouvrent leurs portes à des
personnes de toutes tranches d’âge, mais répondant bien sûr aux conditions d’admission générale et spécifique au programme d’études
convoité. Toutefois, la clientèle des cégeps compte un grand nombre d’individus qui arrivent du secteur jeune. La figure à la page suivante
démontre que 92% des nouveaux étudiants inscrits ont obtenu leur DES au secteur jeune.
56
Figure 1 : Provenance du secondaire, en pourcentage, des nouveaux inscrits au collégial, à l’enseignement ordinaire, dans
l’ensemble des programmes de DEC, à temps plein et partiel, au trimestre d’automne 2007, pour l’ensemble du réseau.
1 Dossier absent, sans sanction pré collégiale, autre sanction professionnelle Source : Conseil supérieur de l’Éducation (2010). Regards renouvelés sur la transition entre le secondaire et le collégial, p.32 (tirée de : MELS, Direction générale des affaires
universitaires et collégiales, Direction de l’enseignement collégial, Système CHESCO, version 2008 (Réf. : D090415-PROVENANCE-SEC-CHESCO V2008.xlsx)).
Parmi ce 92%, 86,2 % sont en continuité de formation, c’est à dire qu’à la suite de la réussite de leurs études secondaires au secteur jeune,
ils se sont inscrits immédiatement au cégep pour poursuivre des études collégiales, comparativement à 5,8% des étudiants qui ont, pour leur
part, interrompu à plus ou moins long terme leurs études avant de s’inscrire au cégep. Il est donc possible d’affirmer que la grande majorité
des nouveaux inscrits au collégial vient tout juste d’obtenir un DES et vient donc de quitter les bancs des écoles secondaires. (CSÉ, 2010)
Ainsi, considérant ce grand nombre de jeunes qui accèdent aux études collégiales tout de suite après l’obtention de leur DES, 17 ans est
l’âge considéré comme normal pour débuter des études postsecondaires. Toutefois, à cet âge, moins de la moitié des étudiants qui
fréquentent une institution scolaire sont inscrits au cégep. Certains resteront à l’école secondaire jusqu’à 18 ans, d’autres obtiendront leur
DES à la formation générale des adultes, certains décideront plutôt de prendre un temps d’arrêt entre le secondaire et le cégep et finalement,
certains choisiront la voie de la formation professionnelle. (CSÉ, 2010) Le tableau situé à la page suivante illustre le taux de fréquentation
scolaire (temps plein et temps partiel), selon l’âge pour l’année scolaire 2000-2001.
57
Tableau 1 : Taux de fréquentation scolaire, temps plein et temps partiel, selon l’âge, 2000-2001 (%) Primaire Secondaire Collégial Université Total
Â
G
E
Secondaire :
Formation
générale des
jeunes
Secondaire :
Formation générale des
adultes
Secondaire :
Formation
professionnelle
Collégial :
Formation pré-
universitaire
Collégial :
Formation technique
Université
Total
15 96,7 0,0 0,3 0,1 97,0
16 87,9 5,3 1,1 1,9 0,4 96,6
17 25 14,3 6,1 27,3 12,7 0,5 85,8
18 5,3 15,3 9,6 27,3 16,8 2,9 77,2
19 1,0 11,5 9,1 13,6 18,0 14,0 67,2
20 0,5 8,1 7,3 5,4 13,5 21,0 55,8
21 0,1 6,4 5,8 2,6 9,7 24,4 49,0
22 5,2 4,8 1,3 6,9 23,6 41,8
23 4,4 3,8 0,7 5,0 19,0 33,0
24 3,8 3,4 0,4 3,9 14,6 26,1
25
à
29
3,0 2,4 0,2 2,3 8,6 16,5
30 et +
1,0 0,7 0,0 0,5 1,5 3,8
Source : tableau adapté du MELS (2004a). Le cheminement des élèves, du secondaire à l’entrée à l’université, p.32 (tirée de DSRI, MEQ)
Or, en additionnant les données des colonnes Collégial (Formation préuniversitaire) et Collégial (Formation technique) du tableau ci-haut,
les résultats indiquent donc que 40% des étudiants avaient 17 ans à leur entrée au cégep, 44,1% avaient 18 ans, 31,6% avaient 19 ans, 18,9%
58
avaient 20 ans et 12,3% avaient 21 ans. Le premier constat est qu’il y a une diminution de la fréquentation scolaire au cégep plus l’âge
augmente de même qu’il y a davantage de cégépiens inscrits en formation technique. Le deuxième constat est bien que 17 ans est l’âge
normal d’entrée au cégep, 39,3% des jeunes de cet âge sont soit au secondaire secteur jeunes soit au secteur des adultes. C’est donc dire que
certains accumulent un retard pendant leur cheminement scolaire, ce qui repousse à la fois l’entrée au collégial et à l’université. En effet, 19
ans est considéré comme l’âge normal d’entrée à l’université alors que seulement 14% des élèves y étudient à cet âge, comparativement à
13,6% des étudiants qui sont inscrits au cégep en formation pré-universitaire.
Bref, la grande majorité de la population collégienne se situe entre 17 et 19 ans. Ces étudiants sont donc en fin d’adolescence et aux débuts
de l’âge adulte. Plusieurs de ces jeunes adultes se cherchent, explorent le monde et les possibilités qui s’offrent à eux et expérimentent de
nouvelles expériences. (Boucher, 2002b; CPJ8,1992) Ayant parfois fait un choix de programme d’études collégiales à la hâte ou bien à
tâtons, il n’est pas rare qu’ils se rendent compte qu’ils se sont trompés. Or, certains se découragent, se cherchent encore, recommencent dans
un nouveau programme qui les rejoint davantage et terminent leurs études, un peu plus tard que prévu. D’autres décrochent et se trouvent un
emploi sur le marché du travail. Ces constats seront discutés ultérieurement.
Les problèmes de réussite et de persévérance scolaire
Au printemps 2012, la Fédération des cégeps a publié les résultats d’une enquête menée auprès d’étudiantes et d’étudiants du collégial ayant
toutes et tous réussi l’ensemble de leurs cours de première session à l’automne 2010. Ce rapport, intitulé La voie de la réussite, la voix des
étudiants, avait donc pour objectif de soulever quels sont les facteurs de réussite selon les collégiens de façon à outiller les différents
intervenants des cégeps de manière à aider les étudiants en situation d’échec à prendre en charge leur réussite. Ce type d’étude axée sur la
8 CPJ est une abréviation pour Conseil permanent de la jeunesse
59
réussite est plutôt rare, car bien souvent, on s’intéresse davantage aux problèmes d’échecs et d’abandons scolaires.
(http://www.fedecegeps.qc.ca/wp-content/uploads/2012/04/Rapport_enquete_facteurs_reussite_2012.pdf)
Bien que la réussite scolaire des étudiants québécois est considérée comme satisfaisante et se compare à celle des autres provinces du
Canada selon le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) (2004a), il demeure tout de même qu’il est pertinent de se
préoccuper de ces étudiants qui échouent et qui en viennent à quitter les bancs des cégeps sans diplôme. Toutefois, il est important de noter
que parmi les étudiants qui abandonnent, certains rejoignent la formation professionnelle, plusieurs changent simplement de programmes
d’études collégiales alors que d’autres prennent un temps d’arrêt pour mieux reprendre leurs études par la suite. Néanmoins, certains
rejoignent le monde du travail et n’obtiendront pas de diplôme d’études postsecondaires, puisqu’ils ne feront jamais de retour aux études.
D’une année à l’autre, l’abandon des études collégiales concerne plusieurs milliers de jeunes adultes qui se retrouvent sur le marché du
travail avec un diplôme d’études secondaires en poche, mais sans spécialisation à leur curriculum vitae (CPJ, 1992; MELS, 2004b; Roy,
2008; Shaienks, Gluszynski et Bayard, 2008). Cette problématique de décrochage au niveau collégial donne l’illusion d’être moins
importante qu’au secondaire en termes de conséquences sur l’avenir professionnel du jeune. Nonobstant, sachant que la société actuelle est
de plus en plus axée sur l’acquisition de savoirs et de qualifications, il est recommandé sinon essentiel de pousser sa formation au-delà des
études secondaires et d’en ressortir avec un ou plusieurs diplômes d’études postsecondaires afin d’intégrer ce marché du travail exigeant et
d’y évoluer tout au long de sa vie. (Boucher, 2002a)
Pour l’année scolaire 2003-2004, les statistiques du MELS (2007) indiquent qu’une proportion de 72,7% des élèves qui ont amorcé une
formation collégiale préuniversitaire a obtenu leur diplôme. C’est le cas pour 62,6% des collégiens inscrits en formation technique. Ainsi, le
taux d’abandon des étudiants en formation préuniversitaire était de 27,3% et celui des étudiants en formation technique était de 37,4%. C’est
donc dire que près d’un élève sur trois n’atteint pas la diplomation lorsqu’il entreprend des études collégiales. Toujours selon le MELS
(2011), les étudiants de la formation préuniversitaire abandonneraient après environ 1,5 année d’études et pour ceux de la formation
60
technique, c’est après 2,2 années. Alors qu’ils ont accompli un bon bout de chemin, comment peut-on expliquer qu’ils choisissent
d’abandonner plutôt que de persévérer ?
Dans l’enquête intitulée L’abandon des études à la formation collégiale technique : Résultats d’une enquête (MELS, 2004b), différents
motifs d’abandon ont été dégagés, les principaux étant le manque d’intérêt pour le programme (25%), l’obtention d’un emploi (22%), des
problèmes personnels ou familiaux (16%), des difficultés financières (15%) et le niveau de difficulté du programme (11%). D’autres raisons
ont aussi été évoquées, telles que l’indécision vocationnelle et un conflit ou un manque de soutien de la part de membres du personnel de
l’établissement d’enseignement (11%). Ainsi, 36% des répondants à cette étude ont nommé un motif lié au programme d’études qu’ils ont
choisi, soit le niveau de difficulté trop élevé du programme ou encore le fait qu’ils ne l’aiment simplement pas. (MELS, 2010)
De plus, ces motifs d’abandon semblent liés à des catégories d’âge. En effet, « Les jeunes (davantage les 16-17 ans, mais aussi les 18-19
ans) abandonnent surtout parce qu’ils n’aiment pas le programme ou ne savent pas ce qu’ils veulent faire plus tard. Les groupes d’âges
intermédiaires (20-29 ans) sont les plus nombreux à cesser leurs études parce qu’ils ont trouvé un emploi. Les plus âgés (30 ans ou plus)
invoquent davantage des problèmes personnels financiers. » (MELS, 2004b, p.11) Ainsi, les jeunes de la tranche d’âge 16-19 ans laissent
souvent tomber le programme dans lequel ils avaient entamé leurs études pour des causes liées à l’indécision vocationnelle9, au manque
d’intérêts et/ou de motivation envers celles-ci. Dans un même ordre d’idées, une étude pancanadienne effectuée par Lambert et al. auprès de
121 000 décrocheurs a permis de recenser les motifs les plus soulevés par les décrocheurs : les problèmes d’adaptation scolaire et la volonté
de changer de programme d’études. Ainsi, près du tiers des étudiants ayant décroché ont déclaré qu’ils n’aimaient pas le programme qu’ils
avaient choisi et qu’il ne leur convenait pas. De plus, 9% ont abandonné dans le but de changer d’établissement et/ou de programme
d’études, ce qui peut présager un problème d’adaptation. 11% des décrocheurs ont plutôt mentionné le manque d’argent, 7% voulait
9 L’indécision vocationnelle « désigne l’incapacité à choisir ou à s’engager dans un cours d’action particulier quand on lui demande de le faire ou quand, l’ayant
sélectionné, elle éprouve un sentiment d’incertitude à propos du but visé. » (Dosnon, 1996, p.130)
61
rejoindre le marché du travail, 6% avaient plutôt une envie de se reposer ou de voyager. Seulement 4% des décrocheurs ont fait mention des
résultats scolaires trop faibles comme raison d’abandonner. (Diallo, Doray et Trottier, 2009) En somme, ces deux études laissent présager
que les problématiques de persévérance sont souvent dues à un problème d’orientation scolaire et professionnelle, sujet qui sera discuté
subséquemment.
Qui plus est, la réussite a des causes complexes. Selon le président-directeur général de la Fédération des cégeps Gaëtan Boucher (2002b), «
la moyenne générale au secondaire, le sexe, les habitudes et les méthodes de travail personnel, le niveau de maîtrise du français en sont les
principales. » (http://www.fedecegeps.qc.ca/salle-de-presse/textes-dopinion/2002/04/le-cegep-daujourdhui/) Il est aussi possible de
soulever des facteurs influençant la réussite comme les conditions socioéconomiques des étudiants, le niveau de scolarité des parents et le
soutien de ceux-ci envers leur enfant. Dans un dossier paru dans la revue Pédagogie collégiale, Robert Campeau, professeur de sociologie au
Collège Montmorency a soulevé ces propos cités à la page qui suit :
La réussite scolaire est un phénomène complexe qui peut être analysé à la lumière de l’héritage intellectuel des parents, de la
crise d’adolescence, du problème d’orientation scolaire des jeunes et des problèmes familiaux qui se prolongent dans la vie
adulte. Les élèves ne sont donc pas le seul produit des structures scolaires, mais des acteurs sociaux qui utilisent les
ressources de la famille, de l’école et de la collectivité où ils s’insèrent. Leur hésitation face à l’avenir, leurs difficultés avec
la famille ou des habitudes de vie parfois problématiques peuvent favoriser l’échec ou le décrochage scolaire. (2001, p.30)
D’ailleurs, à cet âge, l’importance du réseau social est indéniable. D’abord, il a un impact sur le développement de l’identité du jeune, mais
parait-il qu’il en a aussi un sur la persévérance scolaire. En effet, une recherche réalisée par Sylvain Bourdon et son équipe (2007) auprès
d’étudiants âgés en moyenne de 17 ans et provenant de trois cégeps différents a permis de soulever que la « persévérance scolaire reste liée
de très près à la qualité des relations et des réseaux dans lesquels leur parcours s’insère. » (MELS, 2009, p.1) Les réseaux sociaux du
cégépien moyen comptent bien entendu les membres de sa famille, mais aussi ses amis, son partenaire amoureux, ses enseignants, ses
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collègues de travail, etc. Or, les réseaux sociaux peuvent être fragiles, surtout au moment des études collégiales qui « correspondent [selon
ces chercheurs] à la période où les réseaux des individus sont soumis à des recompositions intensives susceptibles, à leur tour, d’influencer
le cheminement scolaire. » (MELS, 2009, p.2) On peut effectivement parler de recompositions intensives puisqu’ils ont remarqué qu’à tous
les sept mois, il y a un roulement de 25% des membres du réseau social des étudiants particulièrement au sein des amis et des relations
amoureuses. (Bourdon, Charbonneau, Cournoyer et Lapostolle, 2007)
De plus, le rôle de la famille est entre autre d’offrir au jeune un soutien moral, de l’écouter et de le soutenir dans ses projets, alors que le rôle
des amis est lié à son expérience scolaire (études, travaux, etc.). Bien entendu, la dynamique individuelle de l’étudiant (motivation,
importance de la réussite, facilité d’intégration, etc.) a un effet sur la poursuite ou non des études. Toutefois, il est aussi important que ce
jeune soit entouré d’exemples et d’influences positives au sein de son réseau d’amis afin d’augmenter les chances de persévérance.
(Bourdon, Charbonneau, Cournoyer et Lapostolle, 2007)
Le cégep : une période de vie
Le cégep peut être vécu comme un passage, une transition à laquelle certains s’y habituent sans problème. Toutefois, pour environ le
tiers des élèves, c’est une étape vécue plus difficilement. (CPJ, 1992) L’arrivée au cégep implique des changements au sein des
schèmes de référence des étudiants par rapport à l’environnement social et pédagogique auquel ils étaient familiers jusqu’à ce jour. Un
environnement dont l’encadrement des élèves était beaucoup plus serré au secondaire qu’au cégep où « [il n’y a] pas de cloche qui
signale le début et la fin des cours, pas de billet d’absence ni de contrôle des présences, un horaire personnalisé, des rapports plus
égaux avec les professeurs, etc. » (CPJ, 1992, p.7) Ainsi, l’élève doit faire preuve à la fois d’adaptation et de beaucoup plus
63
d’autonomie que lorsqu’il était au secondaire. Il doit aussi souvent faire davantage d’efforts pour réussir ses cours dont les charges de
travail et les exigences sont souvent plus élevées qu’auparavant.
De plus, ayant souvent passé cinq ans dans une même école, le fait de changer de lieu physique, d’être confronté à un nouvel environnement
social et de devoir s’y intégrer peut être un facteur de stress important pour les étudiants. C’est toutefois aussi un facteur bénéfique au
développement identitaire. En effet, selon Luc Bégin, ce qui fait qu’un individu construit son identité, c’est entre autre le fait de « faire
l’objet de pressions suffisamment fortes […] pour que le système psychologique n’ait pas d’autre choix de prendre une nouvelle
perspective…» (2001, p.218), pressions que le cégep génère chez de nombreux cégépiens et cégépiennes, compte tenu des éléments
soulevés précédemment. Bref, l’arrivée au cégep a un impact certain sur le développement du jeune, puisque comme le souligne Roy
(2011), elle « constitue un moment fort pour les adolescents, un moment de transition important dans leur vie, un moment qui n’est pas sans
interroger leur identité. » (p.7)
Tel qu’amené plus-haut, les établissements d’enseignement collégial sont fréquentés majoritairement par des jeunes âgés entre 17 et 20 ans.
D’après le Conseil permanent de la jeunesse (1992) : « Ce sont des personnes qui, au sortir de l’adolescence et en début de vie adulte,
poursuivent leur démarche de socialisation […] Ils ont un grand besoin d’explorer et d’expérimenter [….] de connaître des gens et de
fréquenter différents milieux. » (p.5) À cet âge, un objectif important des jeunes est de poursuivre la construction de leur identité
personnelle, ainsi que de cibler qu’elle place ils souhaitent prendre au sein du marché de l’emploi. Bref, ils souhaitent trouver leur place au
sein de la société. (MELS, 2010)
Le passage au cégep, spécialement la période de la première année d’études, est une étape reconnue comme étant significative sur leur
développement personnelle et social et donc sur la poursuite de la quête identitaire. (CSÉ, 2002) Cela est entre autre chose possible du fait
qu’ils interagissent avec de nouveaux individus et développent de nouveaux liens sociaux, explorent différentes valeurs et styles de vie,
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assument de nouvelles responsabilités d’étudiants ou d’employés à temps partiel, etc. Le cégep est donc une période d’adaptation,
d’expérimentation, de socialisation, de découverte, de quête de soi, d’autonomie et d’acquisition de responsabilités dans laquelle plusieurs
jeunes se développent, évoluent et gagnent en maturité. Cette période est aussi celle où, après avoir eu l’occasion de vivre de façon plus
concrète ce qu’est le cégep et la réalité du programme d’études choisi, plusieurs étudiants vivent de grandes remises en question au plan de
leur orientation scolaire et professionnelle. (CSÉ, 2002)
Pour ceux et celles qui se sont inscrits au cégep sans posséder d’objectif de carrière clair, c’est souvent lors de la première année d’études
collégiales que surgissent les problèmes de confusion envers l’avenir. (CSÉ, 2002) Un jeune inscrit en sciences de la nature ou en sciences
humaines par exemple pourra se questionner sur les possibilités d’études universitaires qui s’offrent à lui. Il pourra aussi se rendre compte
qu’il n’a pas envie d’entreprendre un minimum de 4 ans d’études supplémentaires avant d’accéder au marché du travail. Incessamment, cet
étudiant aura donc à faire un choix précis, peut-être pour la toute première fois. Cela peut aussi être le cas pour celui qui avait réussi à
arrêter précisément son choix de programme d’études, mais qui en cours de route, se rend compte qu’il ne lui convient pas pour différentes
raisons. Chez certains jeunes, ces avènements peuvent être vécus telle une crise d’orientation et du fait même d’identité. (CSÉ, 2002)
Une des vocations du cégep est de permettre aux étudiants ces remises en question par rapport à leur orientation scolaire et professionnelle
et d’accepter les essais-erreurs que certains expérimenteront. Le passage au collégial est une étape qui permet aux jeunes de se questionner à
l’égard de ce qu’ils sont et de ce qu’ils souhaitent réellement devenir. Les conseillers et conseillères d’orientation sont d’ailleurs présents
dans les cégeps pour les aider à traverser cette période de vie souvent parsemée de questionnement sur soi et sur leur avenir en tant que
futurs citoyens et citoyennes participant au marché du travail. (CPJ, 1992)
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Les problèmes d’orientation scolaire et professionnelle des cégépiens
La fin du secondaire marque l’accomplissement d’une grande étape dans la vie des adolescents. Leur diplôme d’études secondaires en voie
d’être obtenu, ils doivent alors se questionner sur leur avenir à savoir : Que souhaitent-ils devenir ? Plusieurs finissants ne se considèrent pas
disposés à arrêter leur choix d’orientation à ce moment précis de leur cheminement personnel et scolaire. En effet, le CSÉ (2002) a révélé
que seulement 20% des élèves se sentent prêts à formuler un choix vocationnel. De plus, dans une étude longitudinale effectuée par Guay et
al. (2006) il a été démontré que de 2000 à 2002, parmi un groupe de cégépiens qui avaient arrêté leur choix de carrière, seulement 48% de
ceux-ci avaient pris une décision d’orientation qui s’était finalement avérée stable dans le temps. (Doray, Groleau, Picard, et Trottier, 2009)
Cela confirme donc l’affirmation du CSÉ comme quoi « ces projets demeurent cependant fragiles. Ils nécessitent d’être clarifiés. » (2002,
p.29)
D’ailleurs, en 2001, le Service régional des admissions du Montréal métropolitain (SRAM) a effectué une enquête auprès de nouveaux
étudiants au cégep. Les résultats démontrent que parmi les cégépiens ayant participé à cette enquête, 85% déclaraient avoir été acceptés dans
leur premier choix de programme d’études, mais seulement 50% de ces derniers considéraient avoir réellement le goût d’étudier au sein de
ce programme. (CSÉ, 2002) Cela peut s’expliquer du fait que les jeunes font souvent un choix à la dernière minute, sans bénéficier de l’aide
dont ils auraient eu besoin et sans détenir l’ensemble de l’information requise afin d’effectuer un choix éclairé. Malheureusement, certains
qui ont choisi ne peuvent pas concrétiser leur objectif de carrière du fait qu’ils ont été refusés dans ce programme convoité, bien souvent à
cause de la faiblesse du dossier scolaire (préalables spécifiques, contingentement, etc.). (CSÉ, 2002) Ainsi, avoir à faire le deuil de son
premier choix ou reporter son projet initial à plus tard peut être vécu difficilement.
Dans un même ordre d’idées, les jeunes interrogés lors de l’enquête préalablement discutée ont d’ailleurs « reconnu choisir le type de
formation (préuniversitaire ou technique) bien plus que le programme et opter pour la formation préuniversitaire quand ils voulaient aller à
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l’université, mais aussi quand ils avaient besoin de temps pour réfléchir ou encore par peur de faire un mauvais choix. » (CSÉ, 2002, p.28)
Ainsi, plusieurs élèves désirent poursuivre leurs études à l’enseignement collégial et universitaire, mais ne savent dans quel programme ils
le feront et où cela les mèneront. Ils remettent donc à plus tard leur choix définitif de carrière et se fient à leur passage au cégep pour
poursuivre leur réflexion. Effectivement, selon Campeau (2001) et Boucher (2002b), la moitié des jeunes arrivent au cégep sans avoir trouvé
leur voie et sont donc en recherche d’orientation. Il est alors possible de s’intéresser aux facteurs liés à ces problèmes d’orientation scolaire
et professionnelle. Qu’est-ce qui fait en sorte que tous ces jeunes ne se sentent pas prêts à choisir un programme d’études et se retrouvent
face à l’indécision ou à l’incertitude ?
Tout d’abord, depuis les années 60, la société, plus spécifiquement le marché du travail s’est transformé. Tel que l’a soulevé Boucher
(2002b), « dans les années 60, les choix étaient moins complexes, les valeurs plus clairement définies, les chemins mieux tracés, l’avenir
plus prévisible. » (http://www.fedecegeps.qc.ca/salle-de-presse/textes-dopinion/2002/04/le-cegep-daujourdhui/) Les jeunes de ce temps
choisissaient parmi un nombre restreint de possibilités d’emploi et leurs études leur garantissaient un travail qui demeurait souvent le même
jusqu’à la retraite. (Boucher, 2002b) Les jeunes doivent aujourd’hui s’attendre à d’autres réalités ; celles de la précarité d’emploi, d’emplois
à temps partiel, des remplacements et des contrats à courts termes, d’emplois à la pige ou sur appel. (CPJ, 1992) Les parcours non-linéaires
seront chose commune et feront en sorte qu’ils auront à faire plusieurs choix tout au long de leur vie. Or, l’action d’arrêter son choix alors
qu’ils sont conscients de ce qui les attend sur le marché de l’emploi peut être une source d’inquiétude.
D’ailleurs, les transformations de ce marché au courant des dernières décennies ont eu comme conséquence la multiplication des choix de
programmes de formations postsecondaires, ce qui rend les options bien plus nombreuses. (Boucher, 2002b) Les jeunes ont souvent peur de
se tromper et considérant tous les choix possibles, il peut être difficile de se limiter à un seul. Cela peut favoriser l’indécision et les
problèmes d’orientation. Selon ces propos de Limoges recueillis par Laplante « l’orientation professionnelle apparaît aux jeunes comme un
défi particulièrement ardu parce qu’ils souhaitent faire le bon choix dès le départ […] dans bien des cas, les pressions supplémentaires
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exercées par leur entourage viennent compliquer les choses. » (2004, p.17) Ainsi, en plus de la pression que plusieurs s’affligent eux-
mêmes, certains doivent composer avec une pression supplémentaire provenant des parents. De plus, à la sortie du secondaire, ces jeunes à
peine âgés de 16-17 ans n’ont pas toujours la maturité vocationnelle nécessaire afin d’arrêter leur choix, d’autant plus que jusqu’à ce
moment de leur vie, plusieurs n’ont pas eu à prendre d’aussi importantes décisions. Sachant que « la maturité s’acquière à force de choix
[c’] est en prenant des décisions, en les assumant, en réfléchissant sur leurs choix, en corrigeant leurs erreurs et en interagissant avec les
gens que les jeunes deviennent de plus en plus mûrs ». (Limoges, cité par Laplante, 2004, p.20)
Parmi les facteurs des problèmes d’orientation scolaire et professionnelle les plus souvent mentionnés par les étudiants, il y a le manque de
soutien offert au secondaire afin d’effectuer un choix de carrière. En effet, plusieurs reprochent au secondaire de présenter de grandes
lacunes en matière d’information scolaire et professionnelle et d’aide à l’orientation. Selon une enquête réalisée par le Conseil permanent de
la jeunesse auprès de diplômés et non-diplômés du collégial : « 63,2% des répondants […] estiment avoir été peu renseignés au secondaire
sur les débouchés, dans le monde du travail, des différents programmes collégiaux […] De plus, 77,8% des répondants jugent que les divers
services d’orientation offerts au secondaire les ont peu ou pas du tout éclairés sur leur choix de carrière. » (1992, p.8) Il importe toutefois de
soulever l’hypothèse que « si les services offerts au secondaire paraissent moins appréciés que ceux du collégial, cela tient peut-être
davantage à la maturité des élèves qu’à la nature des services d’orientation. » (CSÉ, 2002, p.31) Le Conseil remet aussi en question la
connaissance des jeunes quant à la nature des services qu’ils doivent s’attendre à recevoir. Effectivement, plusieurs personnes croient qu’un
conseiller d’orientation leur dira dans quel métier ou profession se diriger sans avoir à effectuer eux-mêmes un effort d’introspection. Or,
ces professionnels de l’orientation n’ont pas de boule de cristal, mais plutôt des compétences et des moyens afin d’entamer un processus de
réflexion personnelle dans un but d’aider la personne à s’orienter.
Ainsi, « les problèmes d’orientation des jeunes du collégial ne résultent pas simplement de carences dans le soutien offert au secondaire,
mais davantage d’une dynamique qui leur est propre et qui tend à se complexifier. » (CSÉ, 2002, p.43) En effet, le fait qu’un élève n’arrive
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pas à arrêter son choix ne peut se résumer à un manque de ressources ou aux lacunes de celles-ci. Or, plusieurs professionnels de
l’orientation estiment que les problèmes d’orientation des jeunes peuvent bien souvent être expliqués par une identité insuffisamment
construite. Selon Luc Bégin, « l’orientation professionnelle des individus se réalise par la transposition de leur identité personnelle en termes
professionnels. » (1990, p.2) Ainsi, un jeune de 16-17 ans qui se voit détenir une identité qui n’est pas assez construite au moment
d’effectuer un choix aura certainement de la difficulté à se projeter dans l’avenir en tant qu’acteur du marché du travail. (Cournoyer, 2008 ;
CSÉ, 2002) D’ailleurs, dans un mémoire soumis à la Commission des États généraux sur l’éducation, l’OCCOQ, détenant à ce moment-là
l’appellation OPCCOQ, a fait mention du nombre important d’élèves qui, en fin de parcours d’études secondaires, n’ont pas « développé
une identité suffisamment claire pour avoir le sens de la continuité leur permettant d’entrevoir la direction de la prochaine étape. » (CSÉ,
2002, p.28) D’après des propos de Guichard repris par le CSÉ (2002), « le système scolaire joue de toute manière un rôle fondamental dans
la construction de l’identité des individus et, ultimement, dans l’élaboration de leurs choix vocationnels. » (p.24) L’école détient donc un
rôle important dans la construction identitaire des jeunes, mais n’est pas un facteur suffisant à sa pleine définition.
L’identité se développe entre autre à travers les différents contextes dans lesquels les jeunes évoluent (Roy, 2011) et par les influences
multiples de la société et de l’entourage. (Kaufmann, 2009) Tout d’abord, la télévision, la mode, la publicité, les jeux vidéo et Internet ont
un impact sur le développement identitaire des jeunes, par exemple sur le fait qu’ils sont aujourd’hui de grands consommateurs. (Limoges
cité par Laplante, 2004) D’après des propos de Limoges recueillis par Laplante (2004) :
les adolescents ont tendance à vouloir se forger une image d’eux-mêmes en se projetant dans le monde tel qu’il leur est
présenté par les diverses formes médiatiques. D’autre part, l’orientation professionnelle va de pair avec le développement
identitaire. […] Un jeune qui distingue mal les illusions de la réalité peut difficilement se bâtir une identité personnelle qui le
définisse adéquatement. (p.18)
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De plus, l’identité se développe par les interactions que la personne vit à l’intérieur des différents milieux dans lesquels elle évolue, soit le
milieu familial, social, scolaire et plus tard, au sein du milieu de travail. À l’école par exemple, selon des propos de Pascarella et Terenzini
(2005) repris par le CSÉ (2008) :
les interactions entre les pairs et les membres du personnel enseignant contribuent au développement intellectuel et personnel
de l’étudiant. Ils considèrent que les retombées des études collégiales pour les étudiants sont largement déterminées par les
efforts et le temps qu’ils consacrent aux études, mais également par leur participation aux activités liées aux études…(p.17)
Ainsi, l’école permet aux jeunes de rencontrer de nombreuses opportunités de développement de soi qu’engendrent les relations sociales et
la pratique de diverses activités sociales, sportives, culturelles et professionnelles qui auront pour objectif d’exercer une « pression
développementale sur le système identitaire de l’élève ». (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.57) Les différents évènements qui surviennent
tout au long de la vie ont aussi un impact sur l’identité. (Kaufmann, 2009) Bref, un jeune qui aura vécu un bon nombre d’expériences
nouvelles aura davantage eu l’occasion de construire son identité puisque celles-ci lui auront entre autre permis de se bâtir de nouvelles
représentations de ce qu’il est. Ainsi, tout parcours étant différent, chacun ne construit pas son identité de la même façon, ni au même
rythme. En effet, selon Doray, Groleau, Picard et Trottier (2009) :
L’orientation s’inscrit en outre dans un processus de construction de l’identité professionnelle qui ne se déroule pas
nécessairement au même rythme que les cycles d’études au cours desquels les élèves ou les étudiants ont à prendre des
décisions relatives à leur orientation et où le système doit les classer et les sélectionner. En d’autres termes, la construction de
l’identité (professionnelle) n’est pas toujours en phase avec l’échéancier des programmes de formation et elle n’est pas
forcément achevée en même temps que les études. (p.6)
Ainsi, il est possible de constater que la question de l’identité est au cœur de la pratique des conseillers et conseillères d’orientation. La
conception de l’identité sera d’ailleurs définie en profondeur à la section suivante. En somme, les problèmes d’orientation sont souvent
70
associés aux faiblesses des services d’orientation offerts dans les écoles secondaires. Cela peut s’expliquer entre autre par l’effectif peu
élevé de professionnels de l’orientation dans les écoles qui ne permet pas toujours de répondre à la demande des élèves en termes de
disponibilité et d’exhaustivité des démarches d’orientation entamées. Des spécialistes de l’orientation interrogés par le CSÉ (2002) ont
soulevé que, parmi les élèves faisant appel à leurs services, plusieurs ne démontraient pas un comportement favorable au succès d’une
démarche d’orientation. En effet, certains attendent d’être placés en situation d’urgence avant de consulter, alors qu’ils ont un choix pressant
à effectuer. Certains présentent une nonchalance quant à leur implication au sein du processus d’orientation, alors que certains sont envahis
par cette pensée comme quoi le choix leur apparaîtra comme par magie, sans avoir à y mettre d’efforts. D’autres ne connaissent simplement
pas suffisamment la nature des services d’orientation. (CSÉ, 2002) Par exemple, certains diront qu’ils ont rencontré le conseiller
d’orientation, alors qu’il s’agissait plutôt du conseiller en information scolaire et professionnelle dont le rôle n’est pas le même. (CSÉ, 2002)
Parmi les conséquences possibles des problèmes d’orientation, ont été soulevés précédemment les problèmes de réussite et de persévérance
fortement liés au fait que les cégépiens n’aiment pas le programme d’études dans lequel ils étudient et souhaitent en changer. Selon le
MELS (2010), en 2004, un peu moins de la moitié des collégiens nouvellement inscrits et en provenance du secondaire ont changé de
programme. Il s’agissait plus précisément de 40% des étudiants inscrits en formation préuniversitaire et 47,5% de ceux inscrits en formation
technique qui ont changé de voie en cours de route. (Falardeau, 2012) Or, lorsque les étudiants changent d’orientation pendant leur parcours
au cégep, nous avons affaire à un phénomène bien présent au sein de l’enseignement postsecondaire, soit l’allongement des études. Cela
signifie donc que plusieurs étudiants obtiennent bel et bien leur diplôme, mais en plus de temps que le prévoient les institutions scolaires. Le
graphique à la page suivante témoigne bien ce phénomène.
71
Figure 2 : Réussite scolaire, selon l’ordre d’enseignement collégial et la durée des études, 2000-2001
Source : Le cheminement des élèves, du secondaire à l’entrée à l’université (MELS, 2004a, p.31)
(Tirée de : DSRI, MEQ, fichier BCS, Indicateur de l’éducation)
Université
100
Baccalauréat Après 3 ans 34
(en 6 ans ou -) Après 4 ans 28
72 Après 5 ans 8
Après 6 ans 2
Collégial technique
100
DEC technique Après 3 ans 34
(en 5 ans ou -) Après 4 ans 16
56 Après 5 ans 6
Collégial
Préuniversitaire
100
DEC Après 2 ans 41
préuniversitaire Après 3 ans 20
( en 5 ans ou -) Après 4 ans 7
72 Après 5 ans 4
Secondaire
100
DES Après 5 ans 60
(en 7 ans ou -) Après 6 ans 8
71 Après 7 ans 3
72
Tel qu’il est possible de le constater, l’allongement des études est présent à tous les niveaux, du secondaire à l’université. Au secondaire, on
peut parler davantage de difficultés académiques, tandis qu’au collégial et à l’université, on parle plutôt des changements de programmes
d’études liés à une problématique d’orientation scolaire et professionnelle, sans toutefois dénier les autres motifs tels que les problèmes
d’échecs par exemple. (MELS, 2004a) Les statistiques démontrent donc que, parmi l’ensemble des étudiants nouvellement inscrits aux
études collégiales pour l’année scolaire 2000-2001, seulement 41% des collégiens qui étudient en formation préuniversitaire ont obtenu leur
diplôme d’études collégiales en respectant le délai prévu de deux ans, 20% en trois ans, 7% en 4 ans et 4% en 5 ans. Quant aux étudiants
inscrits en formation technique, 34% l’ont obtenu dans les trois années prévues, 16% en 4 ans et finalement 6% après 5 ans. (MELS, 2004a)
Des données plus récentes du MELS (2011) démontrent qu’en 2007-2008, c’est aussi moins de la moitié, soit une proportion de 44,8% des
collégiens, qui avaient complété leur études collégiales dans les temps prévus de 2 ans ou moins. Or, les étudiants inscrits en formation
préuniversitaire et en formation technique étudieraient respectivement 2,4 années et 3,9 années en moyenne avant d’obtenir leur diplôme
d’études collégiales.
Ainsi, ces statistiques liées plus ou moins directement aux problèmes d’orientation pourraient laisser croire qu’avant d’en arriver à
abandonner ses études ou de changer de programme, un cégépien ira chercher une aide auprès des services d’orientation de son
établissement d’enseignement. Toutefois, des données recueillies lors d’une enquête effectuée par le CSÉ (2002) indiquent que 54,4% des
étudiants interrogés ont affirmé ne jamais avoir eu recours à de tels services. Parmi ceux-ci, 43% avaient changé de programme, ce qui
permet de conclure qu’une bonne proportion des étudiants ne va pas chercher l’aide dont elle a ou pourrait avoir besoin afin de définir un
nouveau projet de carrière ou simplement pour discuter de sa remise en question du choix actuel.
73
Finalement, sans trop entrer dans les détails, il est toutefois important de soulever le fait que les problèmes d’orientation et les bifurcations
de parcours engendrent aussi des coûts monétaires et psychologiques. D’abord, il faut savoir que la subvention attribuable par élève aux
études collégiales est d’environ 6000 dollars pour deux trimestres et que deux trimestres, c’est en moyenne la durée de prolongement des
études des élèves qui changent de programmes en cours de formation. (Bégin, 2001) S’ils sont par exemple « au nombre de 56 000 (40%
des 140 000 cégépiens), les changements d’orientation coûteraient annuellement quelque 365 millions de dollars à l’État. » (Bégin, 2001,
p.205) Selon le MELS (2010), les cégeps sont financés par le gouvernement du Québec qui assume plus de 90% du financement total par
l’entremise des taxes et impôts que versent chaque année les citoyens et les citoyennes de la province. Outre les coûts à l’état, l’étudiant qui
choisira de changer d’orientation se verra assumer une certaine somme reliée à l’allongement de ses études et pourrait donc augmenter son
endettement étudiant tout en retardant son entrée sur le marché du travail qui engendre aussi une perte financière. De plus, certaines
conséquences psychologiques associées aux bifurcations, au prolongement des études ou à l’indécision peuvent se faire ressentir chez les
étudiants telles que du stress, de l’anxiété, une démotivation, une diminution de la confiance et de l’estime de soi, etc. (Bégin, 2001)
Les services en orientation professionnelle disponibles dans les cégeps
Suite à un recensement des activités d’orientation professionnelle offertes dans une trentaine de cégeps à travers le Québec, une
catégorisation de celles-ci a été effectuée afin de bien saisir la nature des services qui sont offerts et auxquels les étudiants ont droit
lorsqu’ils vivent des difficultés au plan scolaire ou vocationnel.
74
Consultations individuelles d’orientation
D’abord, les cégeps offrent, au sein de leur service d’orientation, des consultations individuelles d’orientation. Afin de bénéficier de ce
service, la prise de rendez-vous est souvent nécessaire. Certains cégeps offrent des périodes de consultation sans rendez-vous, mais la
plupart du temps, ces périodes ont comme objectif de répondre à de brèves questions d’information scolaire et professionnelle plutôt qu’à
l’amorce d’une démarche complète d’orientation. Ces consultations sont généralement d’une durée d’une heure et le nombre de rencontres
varient selon les besoins.
À la lumière des propos recueillis sur les différents sites Internet de nombreux cégeps (voir Annexe-A), le rôle des conseillers et des
conseillères d’orientation consiste en l’accompagnement des étudiants dans un but de favoriser la découverte et le développement de leur
identité personnelle et professionnelle et ce, entre autre grâce à l’exploration de leurs différentes caractéristiques personnelles (intérêts,
aptitudes, habiletés, valeurs, personnalité, forces, potentiel, compétences, préférences, etc.). Ils ont aussi comme mandat d’aider les
étudiants les consultant à clarifier leur situation, à identifier leurs objectifs et à établir leurs priorités en les accompagnants dans leur propre
démarche de réflexion personnelle. Ces professionnels de l’orientation veillent à développer le sens de l’autonomie des cégépiens en les
guidant dans leur recherche de solutions et en les conseillant dans leur prise de décision. Leur rôle est aussi d’aider les étudiants à explorer
et à découvrir les programmes de formation, les métiers et professions, mais aussi à vérifier leurs perceptions face au marché du travail.
De plus, les conseillers d’orientation doivent évaluer les possibilités de réussite au sein de la formation ou de la profession choisie dans le
but de s’assurer de la validité et du réalisme du choix effectué par l’élève et l’aider à consolider son projet de vie ou de carrière. Enfin, ils
ont aussi comme rôle d’aider l’étudiant à trouver et maintenir sa motivation face aux études et à retrouver ou donner un sens à son projet
d’études. Les conseillers et conseillères d’orientation peuvent avoir recours à différents outils lors de la démarche d’orientation, tels que des
tests psychométriques et des activités de connaissance de soi par exemple. Quant aux motifs pour lesquels les étudiants souhaitent
75
rencontrer la ou le conseiller d’orientation, ceux-ci sont nombreux : démotivation et désintérêt envers le programme d’études actuel, besoin
d’effectuer un bilan personnel (connaissance de soi), anxiété par rapport au choix de formation et de profession (difficulté à prendre une
décision, indécision, hésitation entre différentes options), difficultés à établir ses priorités personnelles et professionnelles (équilibre
études/travail), exploration des avenues scolaires et professionnelles, questionnements sur le marché du travail ou sur l’admission
universitaire (contingentement, critères de sélection, cote R, préalables, demande d’admission), etc.
Démarches d’orientation en groupe
Au sein des différents services d’orientation, des démarches d’orientation en groupe sont parfois offertes sous formes d’ateliers, notamment
de connaissances de soi et d’exploration des différentes possibilités en termes de programmes de formation et de professions. Au cégep
Lionel-Groulx par exemple, un étudiant doit d’abord effectuer une démarche en groupe et être référé par un professionnel afin de bénéficier
d’une consultation individuelle. Ces démarches d’orientation en groupe permettent aux étudiants de rencontrer des pairs qui sont dans la
même situation qu’eux et d’échanger sur ce qu’ils vivent, leurs expériences, leurs connaissances, etc.
Accueil et intégration et Transitions
Le programme Accueil et intégration et Transitions est un cheminement dit particulier s’adressant aux étudiants devant, soit s’inscrire dans
des cours de mise à niveau afin de répondre aux conditions d’admission particulières à un programme d’études, soit poursuivre leur
questionnement quant à leur orientation. Il s’adresse aussi à ceux qui présentent des risques d’échec ou d’abandon scolaire. En principe,
l’étudiant doit être inscrit dans ce programme qu’une seule session et ce, à temps plein. Il se voit aussi obligé de participer à au moins une
activité de la Session d’accueil et d’intégration. Ainsi, ces étudiants bénéficient d’un encadrement particulier sous formes de services
76
personnalisés d’aide pédagogique et d’orientation. Les conseillers d’orientation peuvent donc avoir un rôle à jouer auprès de ces étudiants
afin de les aider à optimiser leurs chances d’intégration dans un programme, mais aussi à maximiser leurs chances de réussite au sein de
leurs études collégiales.
Activités organisées par le service d’orientation
Plusieurs services d’orientation offrent diverses activités aux étudiants répondant à différents besoins. Afin d’explorer les possibilités de
formations et d’emplois, des Journées carrières, des conférences, des Soupers carrières, des visites de salons et des midi-carrières sont
organisés dans plusieurs cégeps. Dans l’objectif de répondre aux interrogations sur l’admission universitaire et les programmes de
formation, des rencontres d’information, des visites de campus et de facultés universitaires, des visites de représentants universitaires et des
programmes tels que Parrain/Marraine d’un jour où des étudiants du cégep sont jumelés avec des étudiants ou des diplômés universitaires
sont organisés dans plusieurs cégeps. Enfin, des stages d’un jour, aussi appelés Parrainage vocationnel et des visites en milieu de travail
permettent aux étudiants de confronter leur choix aux réalités du marché du travail et de discuter avec un professionnel exerçant la
profession convoitée.
Service d’information scolaire et professionnelle et centre de documentation
Dans la plupart des cégeps, les étudiants ont accès à un service d’information scolaire et professionnel leur permettant de répondre à leurs
questions sur les métiers et professions, sur les différents programmes de formation, sur les conditions d’admission, la situation de l’emploi
et les perspectives du marché du travail. Des rencontres individuelles avec ou sans rendez-vous sont offertes, soit par un conseiller en
information scolaire et professionnel (CISEP), soit par un conseiller d’orientation. Ce service met souvent à disposition un centre de
77
documentation offrant aux étudiants la possibilité d’effectuer de la recherche d’information scolaire et professionnelle (brochures et
dépliants d’établissements d’enseignement, guides des métiers et professions, etc.). De plus, des ordinateurs y sont souvent installés dans le
but de consulter des bases de données et d’effectuer des recherches sur Internet et ainsi de trouver réponses à ses questions de façon
autonome. Durant un processus d’orientation avec un conseiller d’orientation, l’étudiant peut aussi être encouragé à consulter le Centre de
documentation.
Définition de l’orientation et des activités professionnelles associées
Depuis quelques années, l’Ordre des conseillers et des conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ) s’est donné comme mandant de faire
reconnaître la pertinence sociale de cette profession afin de lui redonner l’importance qu’elle devrait occuper au sein de la société
québécoise. L’ordre a récemment adopté une nouvelle définition du champ d’exercice des conseillers et conseillers d’orientation :
L’exercice de l’orientation consiste à évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions
du milieu, à intervenir sur l’identité, à développer et à maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de faire des
choix personnels et professionnels tout au long de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des
projets de carrière chez l’être humain en interaction avec son environnement. (OCCOQ, 2012)
Ainsi, de manière plus spécifique, les activités professionnelles des titulaires du permis de conseillers d’orientation, telles qu’adoptées par le
gouvernement, sont les suivantes :
fournir des services d'orientation et de développement professionnel, en procédant notamment par l'évaluation du
fonctionnement psychologique de la personne et de ses ressources personnelles, en utilisant, au besoin, des tests
psychométriques, pour évaluer les intérêts, les aptitudes, la personnalité et les fonctions intellectuelles, cognitives et
78
affectives, en intervenant dans le but de clarifier l'identité de la personne afin de développer sa capacité de s'orienter et de
réaliser ses projets de carrière. (OCCOQ, 2012)
L’ordre a d’ailleurs pu, suite à une étude approfondie de la profession, définir l’utilité et la pertinence social de ces professionnels par cette
formulation : « Les c.o., par leur expertise de la relation individu-travail-formation, visent le mieux-être personnel et professionnel en
mobilisant le potentiel des personnes et en les aidant à prendre leur place dans la société tout au long de la vie. » (OCCOQ, 2012) Enfin,
pour porter le titre de conseiller ou conseillère d’orientation au Québec, une formation de deuxième cycle universitaire en orientation et
counselling doit être complétée. Cette formation comprend différents cours axés sur des domaines tels que la psychologie et la
psychopathologie, le développement de la personnalité et des fonctions intellectuelles, cognitives et affectives, le développement de
l’identité, la psychométrie et l’évaluation du fonctionnement psychologique des personnes, le counseling individuel et de groupe, les
théories du développement vocationnel, etc. De plus, un stage de fin d’études d’une durée de 400 heures permet de mettre en pratiques les
acquis et les compétences des étudiants et des étudiantes. (OCCOQ, 2012)
Les pratiques de l’orientation au collégial
Tel que constaté dans les lignes précédentes, les problèmes d’orientation sont présents au sein du réseau d’enseignement collégial. Ainsi, les
services d’orientation scolaire et professionnelle offerts y ont une pertinence certaine qui a d’ailleurs été soulevée dans un avis du Conseil
supérieur de l’éducation (2002) au ministre de l’éducation et qui est intitulé Au collégial : L’orientation au cœur de la réussite. Cet avis
souligne entre autre la grande responsabilité des collèges au regard de l’orientation scolaire et professionnelle des étudiants. Il a donc été
démontré que les étudiants ont des besoins en matière d’orientation au collégial. Toutefois, ces besoins ne sont pas tous les mêmes, ils sont
plutôt nombreux et variés. Afin de les répertorier et de les catégoriser, un modèle des besoins d’orientation a d’ailleurs été créé. Celui-ci
permet ainsi une meilleure compréhension des besoins dans un but d’interventions plus adéquates. Conçu par l’OCCOQ, ce modèle permet
79
de distinguer trois types de besoins qui dépendent à la fois du fonctionnement psychologique de l’élève, des ressources dont il dispose et des
conditions de l’environnement qui l’entoure, soit des besoins particuliers, des besoins distinctifs et des besoins généraux. Ces besoins,
représentés dans la figure à la page suivante, sont schématisées sous forme de pyramide.
Figure 3 : Modèle des besoins d’orientation
Source : Matte, L. (2010). L'orientation: répondre ou non aux besoins des élèves. Montréal : OCCOQ. p. 2
Tout d’abord, les besoins généraux sont présents et communs à l’ensemble des étudiants. Ce sont des besoins qui touchent
fondamentalement l’information scolaire et professionnelle et qui peuvent être répondus par l’étudiant qui a accès à des ressources qui
l’aideront à trouver réponses à ses propres questionnements. En effet, l’étudiant peut visiter le centre de documentation du cégep, assister
aux journées carrières organisées par le cégep ou par des ressources externes ou encore faire appel aux ressources Web par exemple. Ainsi,
80
certains étudiants se documenteront d’eux-mêmes alors que d’autres auront besoin de soutien afin d’obtenir l’information scolaire et
professionnelle. (Matte, 2010)
Pour leur part, les besoins distinctifs sont présents chez la plupart des étudiants à un moment ou à un autre de leur formation. Il s’agit d’un «
besoin d’accompagnement plus ou moins spécialisé, en raison de l’importance et de la portée du choix, de la préoccupation de ne pas se
tromper ou du désir de profiter de l’avis d’un spécialiste. » (Matte, 2010, p.3) Ainsi, ces besoins habituellement exprimés clairement par les
étudiants vont au-delà de la simple transmission d’information scolaire et professionnelle et nécessitent plutôt une intervention sous forme
de démarche plus structurée. L’étudiant peut donc présenter le besoin de valider son choix, d’être accompagné dans le but de clarifier son
identité, etc.
Finalement, les besoins particuliers sont au cœur de la pyramide puisqu’ils sont présents seulement chez certains étudiants qui sont qualifiés
comme étant plus vulnérables et présentant un plus grand risque d’échec et de décrochage scolaire. Ces besoins nécessitent alors une
intervention clinique, des évaluations particulières et/ou une démarche d’orientation adaptée. Ainsi, des problématiques telles qu’une
indécision chronique, une anxiété liée au choix, un problème d’identité, des problématiques liées à un handicap, une difficulté d’adaptation
ou d’apprentissage sont rarement exprimés ouvertement par l’étudiant, mais sollicitent plutôt un dépistage de la part de professionnels ou
d’enseignants. (Matte, 2010) En somme, ces besoins répertoriés n’étant pas spécifiques au secteur de l’enseignement collégial, il n’en
demeure pas moins qu’ils sont représentatifs de ceux que peuvent ressentir les cégépiens et auxquels seront confrontés les conseillers et
conseillères de ce milieu au sein de leurs pratiques professionnelles.
Jusqu’à ce jour, plusieurs études scientifiques ont été effectuées dans le champ de l’orientation scolaire et professionnelle. D’ailleurs, la
revue Orientation scolaire et professionnelle (O.S.P), revue de l’Inotep/CNAM10 se consacre à la recherche sur les différentes
problématiques de l’orientation. Toutefois, suite à une recension des écrits scientifiques au sein de la littérature francophone, entre autre par
10
Inotep est une abréviation pour Institut national d'étude du travail et d'orientation professionnelle et CNAM pour Conservatoire national des arts et métiers
81
l’entremise de cette revue, il est possible d’affirmer que peu d’études traitent spécifiquement des pratiques professionnelles des conseillers
et conseillères d’orientation. En voici quelques-unes qui s’intéressent de près ou de loin au sujet à l’étude.
D’abord, Cohen-Scali et Kokosowski (2003) se sont intéressés aux pratiques de professionnels de l’orientation intervenant auprès d’un
public de jeunes en difficulté, scolarisés ou non. Ils ont donc effectué une étude qui avait entre autre pour objectif de définir les pratiques et
démarches exercées, ainsi que les outils employés par des conseillers d’orientation psychologues des Centres d’information et d’orientation
de Paris auprès d’une clientèle de jeunes en difficulté d’insertion. Ils se sont aussi intéressés à leur représentation des caractéristiques de
cette clientèle et à la manière dont ils construisent leurs pratiques face aux nouvelles contraintes qui se présentent à eux en termes de
problématiques d’orientation.
Pour sa part, Cynthia Gagnon-Ouellet a déposé en 2006, alors qu’elle était étudiante à la maîtrise en intervention sociale à l’UQÀM, un
mémoire intitulé Intervenir auprès des jeunes de niveau collégial : que vivent-ils et quels genres d'intervenants et d'interventions veulent-
ils? Celle-ci s’est intéressée aux problèmes considérés comme étant fréquents chez des étudiants du cégep âgés entre 17 et 22 ans, qu’elle
classe en cinq catégories : problèmes liés à l’avenir, à l’environnement familial, aux ruptures affectives, au suicide et au décrochage
scolaire. Conséquemment, elle s’est aussi intéressée à dégager les types de services ou de ressources disponibles au collégia l
comparativement à ceux que les jeunes souhaiteraient obtenir ou consulter afin de les aider à surmonter leur(s) problématique(s) entre autre
au plan du choix de carrière qui selon elle, affectent le plus les cégépiens. Gaudet, Mujawamariya et Lapointe (2010) se sont quant à eux
intéressées aux perceptions de conseillers et de conseillères en orientation francophones du Nouveau-Brunswick face à leur rôle et leurs
pratiques d’intervention en milieu scolaire auprès des élèves, plus particulièrement auprès des élèves de sexe féminin.
82
Picard, Bourassa et Leclerc ont entamé en 2009, une étude longitudinale (2009-2012) de l'indécision vocationnelle vécue par des étudiantes
et des étudiants inscrits, à leur arrivée au collégial, à la session d’accueil et d’intégration (SAI) volet « orientation ». De manière plus
spécifique, cette recherche avait entre autre pour objectif l’analyse de l’effet et de l’efficacité des mesures et pratiques en orientation
d’intervenantes et d’intervenants de cégeps de différentes régions œuvrant auprès d’étudiants indécis et inscrits en SAI. Elle impliquait donc
la participation de ces intervenants afin de recueillir leurs réflexions par rapport à leurs propres pratiques. Ainsi, ces chercheurs s’intéressent
à répondre à ces interrogations à savoir comment et jusqu’à quel point les pratiques professionnelles en orientation permettent-elles de
pallier l’indécision vocationnelle des étudiants-es à leur arrivée au collégial et de les accompagner efficacement dans leur transition aux
études postsecondaires? Un répertoire de pratiques composé de cinq catégories de pratiques professionnelles, soit l’évaluation des besoins
d’OSP, l’information scolaire et professionnelle (ISEP), l’entretien de conseil, les bilans d’orientation, l’éducation à l’orientation et le
soutien des étudiants a déjà été composé.
83
Schémas et solutions : opposées ou complémentaires ?
Geneviève Plante
Étudiante à la maîtrise en carriérologie
Université du Québec à Montréal
Louis Cournoyer, c.o.
Professeur en counseling de carrière
Université du Québec à Montréal
La formation en counseling de carrière individuel de la maîtrise en carriérologie à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM)
propose l’intégration de deux approches qui, a priori, s’avèrent passablement différentes, voire même inconciliables. Cet article
propose une présentation distincte des deux approches, puis soulève pistes d’intégrations possibles.
L’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels
Les travaux de Jeffrey Young sur les schémas dysfonctionnels ont d’abord porté sur le traitement de personnes présentant des troubles
de personnalité. Rapidement toutefois, plusieurs champs disciplinaires de l’intervention psychosociale se sont intéressés à ses
applications pratiques (Young, Klosko et Weishaar, 2005). Ces derniers définissent le concept de schéma en tant que
Modèle ou thème important et envahissant, constitué de souvenirs, d’émotions, de pensées et de sensations corporelles,
concernant soi-même et ses relations aux autres, constitué au cours de l’enfance ou de l’adolescence, enrichi tout au long
de la vie par l’individu et dysfonctionnel de façon significative (Young et coll., 2005, p. 34).
Fondamentalement, les individus de toutes cultures cherchent dès leur naissance à répondre à des besoins affectifs tels que la sécurité,
l’autonomie, la liberté, l’autocontrôle et les relations personnelles. Les schémas se développent généralement tôt dans la vie de
l’individu. Ils sont en fait des façons de répondre à des expériences sociales et relationnelles nocives : frustration des besoins,
84
traumatismes ou victimisation, excès de satisfaction des besoins, internalisation ou identification sélective à une personne importante.
Si les schémas d’adaptation s’avèrent initialement sain et fonctionnels pour la personne, ils deviennent dysfonctionnels lorsqu’ils sont
maintenus à l’âge adulte dans des contextes qui pourtant ne nécessitent pas leur mise en place, voir peut même leur nuire.
Le choix de stratégies d’adaptation employés pour faire face aux situations nocives à l’origine des schémas variera selon les
caractéristiques du tempérament de la personne. Young et ses collègues (2005) considèrent que le tempérament de la personne va
déterminer la manière dont se fera l’adaptation situationnelle face aux types de besoins non répondus. À partir de multiples études
scientifiques cliniques, Young et ses collègues (2005) ont identifié 18 schémas reflétant autant de réactions cognitives, affectives et
comportementales de la personne à des stimulations d’apparence similaires à celles ayant menés plus jeunes à la mise en place de
stratégies d’adaptation. Young et coll. (2005) identifient ces stratégies en tant que styles d’adaptation. Ainsi, face à des situations
suscitant l’activation de mêmes schémas, le style d’adaptation de la personne pourra consister à en faire l’évitement, à s’y soumettre
ou encore à compenser celui-ci. Pour mieux démêler les concepts théoriques précédemment présentés, voici un tableau résumé :
85
Les schémas d’adaptation
Cinq types de besoins affectifs fondamentaux
Sécurité liée à
l’attachement aux
autres
L’autonomie, la
compétence et le
sens de l’identité
La liberté d’exprimer ses
besoins et ses émotions
La spontanéité et le jeu
Les limites et
l’autocontrôle
Schémas d’adaptation
Séparation et rejet
Manque
d’autonomie
et de
performance
Sur-vigilance et inhibition Orientation vers les autres Manque de limites
Abandon et instabilité
Méfiance et abus
Manque affectif
Imperfection et honte
Isolement social
Dépendance et incompétence
Peur du danger
ou de la
maladie
Fusionnement et personnalité
atrophiée
Échec
Négativité et pessimisme
Sur contrôle émotionnel
Idéaux exigeants et critique excessive
Punition
Assujettissement
Abnégation
Recherche d’approbation et de
reconnaissance
Droits personnels exagérés
Contrôle de soi et
autodiscipline
insuffisants
Motifs de développement des schémas
Frustration des besoins
Traumatismes ou
victimisation
Excès de satisfaction des besoins
Internalisation ou identification
sélective avec des
personnes
importantes
Frustration des besoins
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Fonctions d’influence au plan du tempérament
Émotif vs Aréactif
Dysthymique
vs Optimiste
Anxieux vs Calme Obsessionnel
vs Distractif
Passif
vs Agressif
Styles d’adaptation
Compensation
Évitement Capitulation
En counseling de carrière, l’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels propose au professionnel d’être attentif
aux schémas du client. En effet, dans cette approche, les conseillers d’orientation sont invités à essayer d’identifier, au travers des
comportements, pensées et sentiments du client, les schémas présents chez ce dernier. Naturellement, cette identification se fait
uniquement si des schémas apparaissent au cours du processus et si cela est pertinent à l’accompagnement du client dans sa demande.
Si c’est le cas, le travail avec les schémas peut amener le client à mieux se comprendre et ainsi, à mieux contourner les conséquences
négatives de ses schémas sur sa démarche d’orientation (difficulté à prendre une décision, conflit de valeurs, etc.) (Cournoyer, 2010).
Cette prise de conscience permet aussi aux clients d’effectuer des choix plus adaptés en prenant en compte la présence des schémas.
L’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels présente plusieurs avantages pour les conseillers d’orientation qui
l’utilisent. Tout d’abord, elle offre un cadre conceptuel permettant de former des hypothèses de travail. Ces hypothèses sont aidantes
lorsqu’il s’agit d’intervenir auprès d’un client présentant, par exemple, certaines distorsions cognitives ou une dynamique interne
unique. L’approche centrée sur les schémas permet justement de détecter et de travailler les distorsions présentes chez les clients,
offrant ainsi un cadre structurant l’exploration des cognitions des clients. C’est donc ce que l’approche sur les schémas apporte : un
cadre pour comprendre les dynamiques des clients, surtout si elles sont dysfonctionnelles. L’accès à ce cadre a un impact direct sur les
hypothèses de travail qui peuvent être formées entre les rencontres et donc, sur les interventions faites durant le processus. Il arrivera
que cela vous éclaire sur certains éléments qui accrochent dans la démarche d’orientation du client. Naturellement, ce cadre n’est pas
une panacée et il faudra toujours vérifier comment les interprétations faites à partir des schémas seront reçues par les clients.
Toutefois, ce cadre de référence s’avère précieux pour prendre du recul sur ce qui se passe dans la relation avec le client.
87
Ensuite, cette approche est intéressante parce qu’elle a été créée en s’inspirant de différents courants en psychologie (Young et coll.,
2005). De ce fait, le modèle présenté inclut des concepts psychologiques tels que l’attachement et l’importance des relations en début
de vie. Cela lui donne une teinte psychologique qui peut être complémentaire à d’autres approches, dont l’approche centrée sur les
solutions. Cette approche a aussi l’avantage d’offrir une flexibilité. En effet, elle ne suggère pas que tous les clients sont toujours en
situation d’activation de schémas dysfonctionnels. C’est plutôt le contraire. Les schémas sont parfois fonctionnels, parfois
dysfonctionnels. Ils sont activés dans certaines situations. Ils peuvent se manifester différemment selon le style d’adaptation dans
lequel ils se présentent (Young et coll., 2005). Ces exemples servent à illustrer toutes les nuances que comporte cette approche. Ces
nuances sont importantes parce qu’elles permettent de rendre compte de l’unicité des clients et d’éviter les généralisations qui peuvent
parfois être destructrices. Ces nuances permettent également au professionnel adhérant à l’approche centrée sur les schémas d’être
flexible dans ses interventions. Ces dernières peuvent donc être adaptées selon les clients, les problématiques, les schémas, etc.
L’approche orientée vers les solutions
L’approche orientée vers les solutions est une approche qui mise sur les ressources et les forces du client (O’Hanlon et Weiner-Davis,
1995). Dans le cadre d’un processus, ces dernières sont soulignées et renforcées par le professionnel. Elles sont également utilisées
lors de l’élaboration de solutions avec les clients. Cette élaboration se fait dans une optique de cocréation, c’est-à-dire que le
professionnel et le client collaborent à l’identification de ces solutions (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). Pour ce faire, plusieurs
techniques sont utilisées dans l’approche orientée vers les solutions. Parmi celles-ci, notons l’utilisation de la question miracle, qui sert
à projeter le client dans un avenir où le problème pour lequel il consulte a disparu et la recherche des moments d’exception, qui
correspondent à des contextes passés où le problème vécu est absent et où le client se sent mieux (Lamarre, 2005). Ces techniques
permettent de trouver des pistes de solutions à partir desquelles il est possible de construire.
De par ces méthodes, il est facile de constater que l’approche orientée vers les solutions accorde moins d’importance à la définition et
à la compréhension de l’origine du problème vécu par le client que d’autres approches (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995).
Naturellement, un temps est accordé pour accueillir la description de la problématique vécue par le client, mais un processus bref est
privilégié, sans être expéditif (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). Pour les tenants de cette approche, il n’est pas nécessaire d’en savoir
88
beaucoup sur un problème pour être capable de le résoudre. Ils vont plutôt favoriser la détermination des objectifs à atteindre par le
client et une recherche collaborative de solutions (Lamarre, 2005). En effet, selon l’approche orientée vers les solutions, comme il
existe plusieurs façons justes de voir une problématique, c’est au client à déterminer ce qu’il veut travailler et non au professionnel de
juger. C’est donc la vision subjective du client qui compte. Le professionnel a plutôt comme rôle de détecter les possibilités de
changements, d’utiliser un langage pour l’induire et d’accompagner le client dans sa mise en place (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995).
Il est aussi important de souligner que pour les tenants de cette approche, de petits changements peuvent être suffisants pour répondre
à la demande du client. En concentrant la mise en action du client sur de petits objectifs réalisables, les changements faits peuvent
avoir un impact significatif sur d’autres aspects de la vie du client et ainsi, induire un changement permanent. Cette approche vise
donc l’élaboration de solutions avec les clients plutôt que la résolution de leur problème (Lamarre, 2005).
L’approche orientée vers les solutions a plusieurs avantages. En premier lieu, elle permet d’aborder le counseling de carrière selon un
angle très positif. En effet, en mettant l’accent sur les forces et les ressources du client, cela fait en sorte que le processus change de
teinte. Au lieu d’essayer d’aider le client à travailler ses difficultés et à pallier ses défauts, il est possible de miser sur ce qui fonctionne
pour le client, sur ce qui le fait avancer au travers des aléas de la vie. Cette philosophie d’intervention peut rejoindre les conseillers
d’orientation étant de nature optimiste et qui croient au potentiel de l’être humain.
De par sa nature, cette approche véhicule aussi une notion de productivité dans le processus de counseling de carrière. En étant
tournée vers l’atteinte des objectifs et la recherche de solutions, elle permet la mise en place de conditions gagnantes pour répondre à
la demande d’un client. En effet, garder en tête l’objectif final du processus donne une direction aux rencontres et permet au client de
ne pas perdre de vue ce qu’il veut changer. Il arrive que certains clients tentent de faire leur choix tout en étant ayant des problèmes
dans d’autres sphères de leur vie. En ce sens, l’approche orientée vers les solutions est pertinente puisqu’elle permet au cl ient de se
concentrer sur les réponses à leur problème et sans ressasser toutes les émotions négatives autour. Aussi, travailler en collaboration
pour trouver des solutions qui s’appuient sur les ressources du client permet d’identifier des moyens de changement qui sont plus
susceptibles de fonctionner que s’ils étaient uniquement proposés par le professionnel. L’aspect positif de cette approche est aussi
pertinent dans cette optique puisqu’il va peut-être permettre au client d’effectuer un changement qui aura des conséquences favorables
sur les autres sphères de sa vie.
89
L’approche orientée vers les solutions accorde également de l’importance à l’impact des mots, des termes et des temps de verbe
employés lors d’échanges (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). Par exemple, les conseillers sont invités à utiliser dans certains
contextes le verbe « avoir » au lieu du verbe « être » puisque cela permet au client de se détacher de son état. Ainsi, il est possible de
refléter à un client se disant qu’il est un imbécile que ces derniers temps, il a l’impression d’avoir des comportements d’imbécile. Cela
diminue l’impact du terme utilisé par le client lui-même et le situe dans un contexte où il y a espoir que la situation change. De ce fait,
dans cette approche, il est possible pour les conseillers d’orientation d’utiliser leur connaissance de la langue française afin d’adhérer
par exemple, à certains principes de structuration de phrases orientant le dialogue avec le client.
CONCLUSION
Finalement, compte tenu des arguments précédents, l’approche orientée vers les solutions peut bien compléter l’approche
centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels. En effet, la première permet d’identifier des objectifs et des solutions tandis que
la seconde permet de comprendre des dynamiques personnelles plus complexes. Ayant des visées différentes, ces deux approches
peuvent donc s’intégrer dans un processus et permettre un travail plus global en fonction de la problématique vécue par la personne.
En fait, il semblerait que chacune de ses approches comble un espace laissé vacant par l’autre. L’approche centrée sur les solutions
vient guider les professionnels de l’orientation sur la façon de travailler les moyens, les solutions et les objectifs en regard de la
problématique vécue par le client. Quant à l’approche centrée sur les schémas, elle vient orienter une pratique auprès d’une clientèle
présentant des enjeux personnels divers.
Ainsi, il peut être intéressant de combiner les deux lors d’un processus. Par exemple, poser la question miracle de l’approche
centrée sur les solutions amènera le client à se projeter à la fin du processus et à verbaliser ses attentes. Cela aidera à ce que l’objectif
global du processus soit fixé. Ensuite, par les questions qui seront posées lors de l’exploration de la problématique, des intérêts,
aptitudes ou valeurs pourront être identifiés. Au travers de ces éléments, des pistes de solutions pourraient également ressortir. En
effet, si le client raconte une histoire de réussite du passé, les moyens utilisés à ce moment peuvent être soulignés afin de les appliquer
à la situation présente. Ce type d’intervention se base sur l’approche orientée vers les solutions.
90
L’approche centrée sur les schémas a aussi une application concrète dans un processus d’orientation. Il faut d’abord rappeler
que cette approche nous dit que les schémas ne sont pas tout le temps dysfonctionnels (Young et coll. 2005). Alors, il faudra faire
attention à ne pas attribuer un schéma au client sans le vérifier. Ce sont des hypothèses qui seront formulées et qui serviront de point
de départ pour aider le client à mieux se comprendre. Pour ce faire, Young et ses collaborateurs (2005) suggèrent d’utiliser la relation
avec le client. Par exemple, si le conseiller remarque qu’il se passe quelque chose dans cette dernière qui est de l’ordre de l’activation
d’un schéma d’adaptation dysfonctionnel, il doit en faire part au client. Cela pourrait lui faire prendre conscience de sa façon d’entrer
en contact avec les autres. Conséquemment, cela l’aidera à faire des choix plus en accord avec ce qu’il est. Il peut donc être utile de
détecter et valider des schémas auprès du client. Si le client est en accord avec la présence d’un schéma, il peut également s’avérer
intéressant de voir comment cela l’affecte positivement ou négativement. Ainsi, ces impacts pourront être pris en considération dans la
mise en place d’un plan d’action.
D’ailleurs, à ce stade, les interventions peuvent s’inspirer de la philosophie à laquelle se rattache l’approche orientée vers les
solutions. Cette dernière stipule qu’il est important de faire de petits pas, de choisir des cibles réalisables et de croire au changement .
Des moyens pourront être suggérés, mais c’est surtout en se basant sur les forces et les ressources du client ainsi que les moyens ayant
fonctionné par le passé que le plan d’action sera formé. Le professionnel adhérant à cette approche tentera également d’inspirer au
client le changement voulu en utilisant des tournures de phrases lui laissant espérer qu’il va se produire. Et c’est ainsi que les deux
approches pourront nous aider à aider le client.
91
Pratiques d’orientation au collégial …conduite du processus
Stéphanie Gervais, c.o.11
Les conseillers d’orientation interviewés ont identifié différentes stratégies d’intervention qu’ils utilisent dans le cadre de leur pratique
professionnelle afin de réaliser un processus d’orientation avec le client. Pour faciliter la présentation des différentes stratégies
d’intervention utilisées, cette section sera subdivisée en six sous-sections, soit les stratégies visant à instaurer une alliance de travail
favorable au changement; encourager l’autodétermination et la responsabilisation; favoriser une meilleure connaissance et
compréhension de soi; stimuler la découverte du monde des activités humaines; considérer l’environnement social et; accompagner
dans la prise de décision.
Instaurer une alliance de travail favorable au changement
L’analyse des propos des conseillers d’orientation a permis de faire ressortir particulièrement les trois thèmes présentés dans le tableau
suivant comme étant liés à la stratégie consistant à instaurer une alliance de travail favorable au changement :
11 Gervais, Stéphanie (2012). Les stratégies d’intervention mises en œuvre par des conseillers d’orientation du réseau d’enseignement collégial auprès de collégiens inscrits au
secteur régulier. Rapport d’activités dirigées présenté comme exigence partielle de la maîtrise en carriérologie. Sous la direction de Louis Cournoyer, professeur. Montréal :
Université du Québec à Montréal. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/09/essai-en-ligne-les-strategies.html
92
Tableau 4
Thèmes émergeants et définitions opératoires de la stratégie d’intervention consistant à
Instaurer une alliance de travail favorable au changement
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Rendre explicite l’objectif de consultation Clarifier les besoins et les attentes vis-à-vis la démarche afin
d’établir un objectif commun d’intervention
Afficher sa couleur Exprimer son offre de service, c’est-à-dire ses intentions quant
à la manière de réaliser la démarche d’orientation
Favoriser l’établissement d’un lien de confiance
mutuel S’assurer de créer, maintenir et rétablir au besoin un lien émotif
soutenant
Rendre explicite l’objectif de consultation
Rendre explicite l’objectif de consultation fait référence, dans le cadre de cette analyse, à clarifier les besoins et les attentes vis-à-vis la
démarche afin d’établir un objectif commun d’intervention. Pour le c.o.14, rendre explicite l’objectif de consultation s’avère le
premier élément à considérer à l’intérieur d’une démarche d’orientation :
Dans la première rencontre, une des premières choses que je veux travailler, c’est le besoin réel, le besoin réel de
consultation de l’étudiant […] mes interventions vont tourner toujours au tour de : je veux que l’étudiant, à la fin de sa
première rencontre, ça soit plus clair pour lui les raisons, parce qu’il y a toujours des raisons qui sont explicites ou qui sont
superficielles…Je suis pas sûr de pouvoir rentrer en enseignement, ça fait que c’est pour ça que dans le fond je viens
consulter parce que j’ai plein de choix qui m’intéressent aussi… Au fond, ce qu’il faut nommer, c’est est-ce que je me
connais réellement. Est-ce que dans le fond ça m’angoisse d’être devant un paquet de choix possibles… Je ne me fais pas
confiance et je n’assume pas encore mes décisions. Moi, ce que je veux faire, c’est nommer ça. (c.o.14)
93
En d’autres termes, la stratégie du conseiller d’orientation est de s’assurer de bien déterminer la demande en clarifiant le besoin et en
cernant les obstacles d’orientation évoqués par le client. Le c.o.4 ajoute la notion de confort et d’inconfort lié à la problématique de
s’orienter :
Après ça, c’est sûr que je vais essayer de regarder, ben, c’est quoi le degré de confort, puis pourquoi il y a un degré
d’inconfort pour que ça t’amène à consulter? Ok, et là, je vais essayer d’aller vraiment en profondeur pour aller voir,
beaucoup plus concrètement à nommer, à mettre des mots, à établir dans le fond un profil de c’est quoi vraiment la zone
d’inconfort et à partir de quoi on doit travailler (c.o.4)
L’importance d’identifier le besoin réel de consultation est également partagée par le c.o.6 qui ajoute la notion de clarification d’état
personnel espéré suite à la démarche afin d’établir un objectif commun d’intervention :
Ben, moi, quand l’étudiant arrive, c’est sûr qu’on explore dans un premier temps les besoins… pourquoi elle vient… les
besoins, en fait, les besoins dits et non-dits. Donc, on explore un peu sa réalité, pourquoi il en arrive à se poser là,
précisément, des questions par rapport à son orientation. Donc, il y a vraiment une entrevue complète qui est accordée à
ça. Par la suite, on va explorer un peu où il en est, faire le point, qu’est-ce qui a été fait jusqu’à maintenant [...] qu’est-ce
qu’il désire trouver suite à la démarche».
Le c.o.1 nomme également l’importance de toujours avoir un objectif clair pour arriver au changement souhaité en précisant qu’il est
essentiel de réévaluer l’objectif tout au long du processus puisqu’il peut s’avérer nécessaire d’en déterminer un nouveau en fonction
des changements qui surviennent au cours de la démarche. Il indique :
[...] dans le counseling individuel, essentiellement, c’est de répondre aux besoins de la clientèle étudiante par,
essentiellement, l’écoute, d’abord, mais, ensuite, d’essayer de par nos interventions de définir le besoin, le plus clairement
possible [...] donc, généralement, la première rencontre, dans le processus, c’est vraiment définir le besoin, essayer d’aller
94
voir qu’est-ce qu’il en est [...] Pis j’essaye plus souvent, le plus souvent possible, de préciser si c’est vraiment dans cette
direction-là qu’ils veulent aller.
Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, il est central de cerner dès le début du processus le besoin réel et l’état espéré suite à la démarche
afin de s’entendre explicitement sur un objectif commun d’intervention, et que cet objectif se doit d’être évalué de façon continue afin de parvenir
au changement souhaité.
Afficher sa couleur
Afficher sa couleur fait référence, dans le cadre de cette analyse, à exprimer son offre de service, c’est-à-dire ses intentions quant à la
manière de réaliser la démarche d’orientation. Pour le c.o.9, il s’agit de vérifier les attentes liées à l’orientation et d’expliquer les
modalités de déroulement de la démarche proposée afin de convenir d’un contrat d’engagement éclairé. Il mentionne :
[…] la façon que je procède, ben, c’est d’expliquer, un peu moi comment je procède et de vérifier avec lui si ça lui
convient. Moi, ma façon, c’est que je lui présente le processus dynamique d’une démarche d’orientation qui est comme un
entonnoir avec les différentes étapes […] je lui demande aussi : c’est quoi pour toi une démarche d’orientation? As-tu déjà
consulté? J’essaie vraiment d’aller chercher eux autres, leurs perceptions, leurs croyances, puis on travaille ensemble,
comme ça. (c.o.9)
Les propos du c.o.5 vont dans le même sens lorsqu’il affirme : «moi, souvent, je commence avec le consentement libre et éclairé parce
que je trouve que ça situe un petit peu ma vision de l’orientation. Puis je vérifie un petit peu avec eux s’ils ont des expériences, s’ils
ont déjà rencontré des conseillers. En ce sens-là, c’est quoi leurs attentes? ». Dans le même ordre d’idée, le c.o.4 indique « […] je vais
présenter mon modèle, c’est-à-dire, moi, qu’est-ce que je pense que je peux faire comme type d’accompagnement, la façon dont je
voudrais travailler. Puis, je vais aller chercher le consentement là-dessus […] et je vais essayer d’aller recadrer donc dans la façon
dont on pourrait travailler». L’importance d’afficher sa couleur est également partagée par le c.o.1 qui ajoute « […] le premier temps,
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il est important, où j’explique un peu ce à quoi le client peut s’attendre…je dirais mes forces, mes limites, mais aussi comment on peut
procéder dans le cadre». Il affirme ainsi l’importance de mentionner ses limites en tant qu’intervenant afin de repousser des attentes
irréalistes par rapport à la démarche d’orientation. L’importance de repousser des attentes irréalistes est également mentionnée par le
c.o.4 qui affirme :
Sauf quand on est à minuit moins cinq, là, c’est sûr, bien entendu, on va expliquer, on va recadrer beaucoup sur comment
il aurait fallu travailler. Comment d’habitude on essaie de faire un processus pour que la personne puisse repartir avec une
décision qui est confortable. Puis c’est quoi les conditions pour avoir une décision qu’on considère confortable […] et
comment on pourrait travailler à la limite, à rebours, c’est-à-dire essayer de prendre une décision au meilleur de notre
connaissance avec quelques variables et essayer d’établir un processus qui va essayer de valider ou d’infirmer la décision
qui a été prise. Parce que ça, il ne faut pas se le cacher, la personne qui arrive le 27 février et qui a un formulaire à cocher
au 1er mars, il faut se trouver une autre façon de travailler (c.o.4)
Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, afficher sa couleur d’intervenant favorise l’implantation d’une alliance de travail
favorable au changement étant donné que cette stratégie contribue à la mise en place d’un contrat d’engagement éclairé.
Favoriser l’établissement d’un lien de confiance mutuel
Favoriser l’établissement d’un lien de confiance mutuel fait référence, dans le cadre de cette analyse, à s’assurer de créer, maintenir et
rétablir au besoin un lien émotif soutenant afin d’obtenir un engagement durable. Pour le c.o.3, la création du lien de confiance doit se
faire dès la première rencontre : « […] quand ils viennent me voir c’est beaucoup de cibler le besoin, puis travailler également la
relation de confiance au départ». De plus, le c.o.1 souligne l’importance de l’immédiateté en counseling de carrière, notamment pour
nommer, au moment présent, ce qui se passe dans la relation et pour revisiter le lien émotif :
Je vais avoir tendance à aller dans l’ici et maintenant et de voir qu’est-ce qui se passe au moment de notre relation.
Ensuite, peut-être, c’est d’élargir : est-ce que ça, ce qu’on vit là, ben, ça un impact ailleurs, est-ce que ça ressemble à toi
96
ailleurs aussi? Ou bien, c’est notre relation qui est comme ça. Évidemment, aller valider d’une certaine façon le lien de
confiance et ainsi de suite […] (c.o.1)
Le c.o.1 précise qu’il s’avère nécessaire pour créer, maintenir et rétablir au besoin le lien émotif, d’être en mesure de nommer son
intentionnalité pour justifier chacune de ses interventions et son plan d’intervention :
[…] constamment, je lui reflète ou je la rassure d’une certaine façon dans pourquoi je fais telle chose. Parce que des fois, il
y a des questionnements qui peuvent ne pas paraître orientant dans ce sens-là, puis les étudiants vont se questionner, vont
se demander : « ouin, mais, c’est quoi le rapport » Moi, je leur dis souvent, en posant cette question-là, ce que je cherche à
savoir, c’est ça pour que… pour qu’ils sentent que vraiment, que je fais de l’accompagnement avec eux-autres et qu’ils
s’imaginent pas que je vais faire une équation et que je vais arriver à un résultats XY ou… à la fin. (c.o.1)
Ainsi, selon ces deux conseillers d’orientation, le lien de confiance se construit au fur et à mesure de la relation et de la démarche
d’orientation et permet de maintenir une alliance de travail favorable au changement.
Encourager l’autodétermination et la responsabilisation
L’importance d’accroître chez le client le sens des responsabilités liée à sa démarche d’orientation et d’encourager la détermination de
son avenir professionnel par lui-même a été soulignée par plusieurs des conseillers d’orientation interviewés. L’analyse des entretiens
a permis de faire ressortir particulièrement les deux thèmes présentés dans le tableau suivant comme étant liés à la stratégie qui
consiste à encourager l’autodétermination et la responsabilisation :
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Tableau 5
Thèmes émergeants et définitions opératoires de la stratégie d’intervention consistant à Encourager l’autodétermination et la
responsabilisation
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Utiliser des stratégies d’autonomisation
Offrir une certaine autonomie d’action en vue d’accroître la prise en charge de
l'individu par lui-même, de sa destinée professionnelle et sociale
Inciter une implication sur le long terme
Favoriser un étalement dans le temps du processus pour permettre des actions
d’orientation et soutenir l’intégration de ces expériences en vue de faciliter le
choix de carrière
Utiliser des stratégies d’autonomisation
Utiliser des stratégies d’autonomisation fait référence, dans le cadre de cette analyse, à offrir une certaine autonomie d’ac tion en vue
d’accroître la prise en charge de l'individu par lui-même, de sa destinée professionnelle et sociale. D’abord, le c.o.4 spécifie qu’il est
utile d’entrevoir avec le client qu’il a le pouvoir de changer sa situation et de rétablir son autonomie socioprofessionnelle : « […] on
va essayer d’aider la personne à voir «elle-même» les avantages de changer, qu’elle puisse par elle-même être capable de voir ce que
ça va lui donner de pouvoir changer». L’importance d’amener le client à tenter ses propres actions dans le but de lui permettre
d’arriver à faire des choix personnels et professionnels est mentionnée par le c.o.5 :
Souvent, j’essaie que les étudiants font eux-mêmes leurs propres démarches, mais quand je me rends compte qu’ils ont
besoin d’un coup de main, j’essaie de faire du mieux que je peux aussi là. Pour vraiment, qu’ils aient le plus d’outils, puis
d’éléments possibles, pour qu’ils en viennent à faire leur propre choix. Puis, c’est beaucoup ça que je mentionne dans mon
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consentement libre et éclairé. J’aime ça parce que c’est mentionné que je suis là pour les accompagner, les guider, les
outiller, mais en aucun cas, faire leur choix à leur place. (c.o.5)
Le c.o.9 souligne également la nécessité d’encourager une implication active du client dans sa démarche et de le responsabiliser par
rapport à ses choix : «L’entonnoir se ferme un petit peu plus et là, je mets davantage l’étudiant dans l’action, dans les devoirs. Pas que
dans mon bureau il n’est pas en action, au contraire! Je le ramène à lui parce que moi, ce que je leur dis c’est que j’ai pas de boule de
cristal! Et jamais je dis à l’étudiant dans quoi il va s’en aller, je l’oriente, je le guide, je l’accompagne». Le c.o. 7 partage le même
point de vue lorsqu’il affirme : «J’implique les étudiants dans le sens que je les fais travailler aussi. On le fait pas juste durant la
rencontre, je leur réfère des exercices de réflexion […] je les fais travailler de leur côté, puis ça pour moi, c’est important. Parce que ça
les implique plus, je pense, puis ça les amène aussi plus loin dans leur démarche». Quant à lui, le c.o.11 parle de faire sortir le client de
sa zone de confort en expérimentant la nouveauté pour permettre l’acquisition d’une plus grande indépendance :
J’essaie aussi de voir qu’il va essayer aussi avec moi des choses qu’il n’arrive pas… qu’il ne fait pas avec d’autres, ou
qu’il a essayé et qui n’ont pas marché. Alors, j’essaie de voir comment qu’il développe une nouvelle habileté […] je
compte sur le temps, sur le fait qu’il n’a rien débuté, et je compte sur l’expérimentation de quelque chose de nouveau, puis
qu’il va le faire […] il va l’essayer en dehors du bureau, dans sa situation à lui. (c.o.11)
Ainsi, selon ces cinq conseillers d’orientation, l’utilisation de stratégies d’autonomisation stimule l’indépendance, permet d’accroître
le sens des responsabilités liés au choix d’orientation, favorise une implication active dans le processus et permet d’acquérir
ultimement le pouvoir de décider de son destin professionnel.
Inciter une implication sur le long terme
Inciter une implication sur le long terme fait référence, dans le cadre de cette analyse, à favoriser un étalement dans le temps du
processus pour permettre des actions d’orientation et soutenir l’intégration de ces expériences en vue de faciliter le choix de carrière.
Pour plusieurs des conseillers d’orientation rencontrés, leurs expériences auprès de la clientèle cégépienne les amènent à observer
qu’il est préférable d’espacer les temps de rencontres. Notamment, puisque l’identité professionnelle est à construire et en ce sens,
favoriser l’engagement dans des activités à caractère orientant afin d’arriver à la prise de décision professionnelle. Pour le c.o.8,
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l’application d’une approche orientante dans son organisation contribue à forger l’identité professionnelle des étudiants en raison de la
diversité des moyens qui lui sont offerts pour se découvrir :
Quand il arrive en activité d’intégration, en dernière session, quand j’arrive pour l’admission universitaire, ben le
professeur a questionné ça, le professeur de français a questionné son orientation et le prof de sciences humaines. On a
installé ça avec les années, ça fait 8 ans que je travaille à développer une approche orientante avec les profs! Ça fait que
c’est pour ça que le processus, il y en a beaucoup d’élèves qui vivent là-dedans. Ils vont devoir participer aux ateliers, faire
les portes ouvertes, aller à la conférence du prof. Avec tout ça, on est en train de monter un peu leur bilan. (c.o.8)
Le c.o.5 croit également que de clarifier son identité permettra à l’étudiant de spécifier un choix professionnel. Pour sa part, il
encourage une exploration «terrain» des préférences vocationnelles afin de permettre la validation ou l’invalidation d’une option:
[…] comme là, il y en a un, je le voyais, il est en deuxième session. Il voudrait déjà spécifier pour l’université, mais il nous
manque des outils. Ça fait que là, on a dit : à court terme, qu’est-ce qu’on peut faire? Finalement, il a dit qu’en septembre
il allait s’impliquer parce qu’il avait un intérêt, mais qu’il n’était pas sûr. Donc, il allait s’impliquer dans une activité qui se
rapportait à cet intérêt-là. Puis, cet été, il allait essayer de se trouver un emploi, alors qu’il n’a jamais travaillé. À partir de
septembre prochain, on s’est entendu qu’on poursuivrait en fonction de ce qu’il aurait cumulé de plus sur lui-même. (c.o.5)
Enfin, le c.o.12 suggère aussi de réaliser les processus d’orientation sur le long terme avec les collégiens, puisque cela est possible
avec cette clientèle et favorise le développement identitaire :
Ce que j’aime d’être dans un Cégep, c’est que des fois le temps peut compter. Donc, il y a des étudiants qui viennent me
voir puis là, je leur dis veux-tu tout suite continuer ou ben non, prends le temps un peu de t’intégrer, tout ça. Puis, on
pourra se voir à la prochaine session ou à l’autre d’après, mais d’ici là, fais ça, sois attentif à ça. Des fois, comme là, ces
temps-ci, j’utilise la période de l’été pour dire là c’est l’été, soit actif, soit là dans ce que tu fais, observe, pose des
questions. J’essaie de le solliciter à être en constante réflexion. (c.o.12)
100
Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, l’implication dans une démarche à long terme permet à l’étudiant de participer à
diverses activités d’orientation durant son passage au collégial, ce qui favorise la construction de son identité professionnelle et lui
permet ultimement de se définir professionnellement.
Favoriser une meilleure connaissance et compréhension de soi
L’analyse des propos des conseillers d’orientation a permis de faire ressortir particulièrement les trois thèmes présentés dans le tableau
suivant comme étant liés à la stratégie qui consiste à favoriser une meilleure connaissance et compréhension de soi :
Tableau 6
Thèmes émergeants et définitions opératoires de la stratégie d’intervention consistant à favoriser une meilleure connaissance et
compréhension de soi
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Recourir à l’évaluation psychométrique
Utiliser des tests psychométriques afin de mesurer les attributs psychiques (différentes
facettes de la personnalité) des personnes
Stimuler la conscience réflexive sur soi
Il s’agit pour la personne de s’observer individuellement, afin d’augmenter sa
connaissance de soi, en ayant recours à l’introspection
Utiliser le récit autobiographique
Explorer et intégrer son expérience pluridimensionnelle afin de clarifier sa
problématique
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Recourir à l’évaluation psychométrique
Recourir à l’évaluation psychométrique fait référence, dans le cadre de cette analyse, à utiliser des tests psychométriques afin de
mesurer les attributs psychiques des personnes. Cette stratégie est utilisée par la majorité des conseillers d’orientation interviewés.
Plusieurs d’entre eux ont mentionné privilégier le recours à l’évaluation psychométrique avec des personnes qui se dévoilent moins
facilement et qui possèdent une faible connaissance de soi. Le c.o.15 souligne l’apport des tests psychométriques dans une démarche
d’orientation auprès d’une clientèle ayant une faible connaissance de soi : «Pour les étudiants pour qui c’est difficile de s’exprimer,
qui ne se connaissent pas, ben là, on travaille beaucoup avec le GROP […] Donc, pour un étudiant qui est pas, qui a beaucoup
beaucoup de difficultés à identifier des caractéristiques qu’il a, qui ne se connaît pas beaucoup, ben souvent, ça va être mon outil pour
m’aider à l’aider». Le c.o.9 partage le même point de vue en précisant que les tests psychométriques permettent un échange qu i
stimule la réflexion sur soi : «Ce que j’aime des outils psychométriques, c’est que souvent quand l’étudiant a de la difficulté à
s’exprimer ou qu’il n’y a pas beaucoup de chair autour de qu’est-ce qu’il me dit, ben je trouve que les résultats d’analyse d’un outil
psychométrique permettent un échange, d’avoir plus de rétro de la part de l’étudiant, de mettre un miroir aussi». Le c.o.14 ajoute que
l’utilisation de tests psychométriques peut également contrer des résistances chez le client :
Il y a beaucoup d’étudiants qui, tout ce qu’on voit c’est des points d’interrogation. Qui suis-je? Je vois un gros point
d’interrogation. Quand on va dans l’introspection pour aller voir, c’est comme si ça existait pas ou ce réflexe-là n’est pas
encore créé. Alors, de peser dessus encore, c’est encore plus angoissant. Donc, on sort ça, on enlève la pression. Et c’est là
que je peux utiliser différents outils : tests psychométriques, banques de mots…Des fois, juste des mots ou des inventaires
d’intérêts ou de traits de personnalité […]. (c.o.14)
Certains conseillers d’orientation ont également soulevé l’importance de faire bon usage des tests psychométriques. L’évaluation
psychométrique permet d’obtenir des informations qui, souvent, ne seraient pas accessibles autrement, d’où l’importance de ne pas se
limiter à interpréter des données psychométriques et s’assurer de valider son interprétation auprès du client. À cet égard le c.o.2
souligne : «Puis après, je fais l’explication, puis on discute pour savoir si ça lui ressemble, il ou elle, puis qu’est-ce qui changerait par
102
rapport à ça». Le c.o.6 croit également qu’il est important d’obtenir des rétroactions de la part des clients, grâce au counseling
vocationnel, ce qui permet de clarifier sa compréhension de soi :
[…] Moi, avec l’étudiant, jamais je ne fais de l’appariement, c’est-à-dire ton résultat donne ça, on explore ça, ça, ça. Très
peu. Qu’est-ce qu’on va faire c’est qu’avec les résultats du test, on va se poser des questions ensemble. On va essayer de
voir qu’est-ce qui pourrait être intéressant, pourquoi si un choix qui ressort pas intéressant, ben, pourquoi qu’il n’apparaît
pas intéressant. On peut aller chercher certaines informations comme ça. (c.o.6)
Ainsi, selon ces cinq conseillers d’orientation, recourir à l’évaluation psychométrique permet dans un premier temps d’approfondir la
connaissance de soi et dans un deuxième temps, elle rend les personnes capables de définir leurs besoins et structurer leur vie grâce à
une meilleure compréhension de soi.
Stimuler la conscience réflexive sur soi
Stimuler la conscience réflexive sur soi fait référence, dans le cadre de cette analyse, à s’observer individuellement, afin d’augmenter
sa connaissance de soi, en ayant recours à l’introspection. Pour le c.o.14, il est central d’observer la représentation de so i du client : «
[…] c’est plutôt d’essayer de regarder avec l’étudiant comment il se décrirait, quelles sont ses ressources à lui, ses intérêts, ses
besoins, ses valeurs, je regarde globalement sa vision qu’il a de lui-même». Le c.o.8 mentionne également utiliser cette forme
d’intervention avec les collégiens : «Je vais voir, oui, je construis tranquillement pas vite sa représentation qu’il a de lui. Moi, ça me
permet d’apprendre à le connaître».
Le c.o.9 mentionne l’importance d’accorder du temps dans la démarche à l’exploration et la compréhension de soi : «Moi, je ne crois
pas que juste des activités pour faire des activités, ça peut amener l’étudiant à s’arrêter sur un choix. Il a besoin de verbaliser, il a
besoin de rattacher cette expérience-là à lui-même, à qui il est. Et voir, est-ce que ça correspond à qui je suis?».
Il termine en ajoutant qu’il peut être soutenant pour le client de lui demander de représenter par l’image et l’écriture sa représentation
de soi :
103
Des fois, j’utilise même un squelette. La vraie image de squelette sur papier et ils doivent l’habiller concrètement, même
aller découper, dessiner, puis mettre leurs intérêts, leurs aptitudes, leurs valeurs, suite aux résultats de tests. Vraiment, pour
qu’ils présentent ce squelette-là, et que finalement, il ne soit plus un squelette, mais que ça soit eux pas juste
physiquement, mais au niveau de leur personnalité, qu’ils soient capables de me décrire qui ils sont. (c.o.9)
Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, stimuler la conscience réflexive sur soi est un moyen efficace de favoriser une
meilleure connaissance et compréhension de soi, ce qui augmente la capacité à choisir les meilleures options possibles pour soi.
Utiliser le récit autobiographique
Utiliser le récit autobiographique fait référence, dans le cadre de cette analyse, à explorer et intégrer son expérience
pluridimensionnelle afin de clarifier sa problématique. Le c.o.1 mentionne : «Je vais chercher à connaître comment elle vit sa vie de
tous les jours, un peu, qui l’entoure, comment elle vit les choses». Pour le c.o.10, la rétrospective du parcours de vie est importante :
Au début, je dirais que mes deux premières rencontres, c’est beaucoup au niveau de la connaissance. Apprendre à mieux
connaître la personne, connaître son histoire, lui faire revivre, d’une certaine façon, son histoire aussi. Finalement, faire
ressortir tous les indices sur son vécu personnel, son vécu scolaire antérieur, puis faire les liens. Commencer à faire des
liens au niveau du monde du travail. Ensuite, voir avec la personne quelle formation…comment elle a fait son choix
collégial. Puis, qu’est-ce qu’elle a rejeté, pourquoi elle l’a rejeté ? Voir les acquis aussi que les personnes ont. (c.o.10)
Le c.o.8 utilise la même stratégie d’intervention : «On fait un peu le bilan de son secondaire. Comment que ça va? Qui il est? Qu’est-
ce qui fait? Donc, on est beaucoup dans le récit de vie. Il va me parler de lui, des choix qu’il a faits, comment il les a faits, des impacts
que ça l’a. Puis en même temps, il me parle aussi de ce qu’il vit dans ses cours, les disciplines qu’il voit».
104
Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, pour faciliter la clarification de la problématique du client, il est pertinent d’explorer le
vécu pluridimensionnel pour mieux comprendre l’évolution de sa situation, cerner la façon de prendre des décisions et obtenir une
meilleure compréhension de soi.
Stimuler la découverte du monde des activités humaines
L’analyse des propos des conseillers d’orientation a permis de faire ressortir particulièrement les deux thèmes présentés dans le
tableau suivant comme étant liés à la stratégie qui consiste à stimuler la découverte du monde des activités humaines:
Tableau 7
Thèmes émergeants et définitions opératoires de la stratégie d’intervention consistant à stimuler la découverte du monde des activités
humaines
Thèmes émergeants
Définitions opératoires
Guider l’exploration de l’information
scolaire et professionnelle
Éduquer et accompagner dans la recherche d’informations concernant le marché du
travail et de la formation
Inciter les expériences de contacts
Encourager la découverte du monde des activités humaines par l’interaction directe
avec des professionnels du marché du travail et de la formation
105
Guider l’exploration de l’information scolaire et professionnelle
Guider l’exploration de l’information scolaire et professionnelle fait référence, dans le cadre de cette analyse, à éduquer et
accompagner dans la recherche d’informations concernant le marché du travail et de la formation. Le c.o.4 mentionne utiliser cette
stratégie d’intervention :
[…] je vais essayer de leur donner une méthodologie de travail : donc, comment on s’y prend quand on veut comparer des
formations ou des professions, sur quelles variables... Donc, je vais essayer de les outiller dans ce sens-là. Après ça, ils
vont revenir avec leurs constatations, puis là, après ça, je vais essayer de passer ça dans le filtre un petit peu de la réalité.
C’est-à-dire que : est-ce que c’est vrai que telle profession, c’est ça que ça fait? Sur quelle base tu arrives à cette
constatation-là? (c.o.4)
Pour sa part, le c.o.11 mentionne avoir conçu un outil servant précisément à accompagner le client dans l’exploration de l’information
liée au monde du travail et de la formation :
Alors, j’ai pris un questionnaire comme ça qui … et je l’ai adapté avec le côté information scolaire pour que justement, au
fil de nos rencontres, s’il avait à explorer, à aller voir des gens, faire un stage, aller sur internet, qu’il aille pas n’importe
où, qu’il aille à un endroit qu’on sait que s’il va explorer, même s’il n’aime pas lire, ça risque à quelque part, de l’amener à
en lire plus, en savoir plus. (c.o.11)
De plus, comme le mentionne le c.o.2, il peut s’avérer utile que le conseiller guide plus spécifiquement la recherche d’informations :
[…] je lui montre le système Repères pour cibler un petit peu sa recherche. Puis, on se revoit. Des fois, ça arrive que je
vais sortir des listes de professions ou que je vais lui montrer un livre comme le guide des études collégiales ou
universitaires fait par le SRAM. Puis, de sélectionner des professions qui pourraient être susceptibles de l’intéresser ou
celles qu’il ne sait pas c’est quoi et qu’il voudrait en savoir plus, puis après ça, on regarde ça ensemble. (c.o.2)
106
Enfin, le c.o.9 souligne également l’importance d’accompagner le client dans sa recherche d’informations et de suggérer des outils
attrayants à consulter: «Et une fois qu’on est plus avancé dans le processus, là, il doit aller travailler pour chercher sur les sites :
Repères, les volumes, les volumes pas de description de programmes, mais il y a des volumes intéressants que les gens parlent de leur
travail. Souvent, je les oriente vers ce genre de volume-là».
Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, il revêt d’une grande importance de guider les clients dans l’exploration de
l’information scolaire et professionnelle afin qu’ils découvrent le monde des activités humaines de façon intéressante et qu’ ils
cumulent des informations actuelles, véridiques et pertinentes pour les aider à résoudre leur problématique d’orientation.
Inciter les expériences de contacts
Inciter les expériences de contacts fait référence, dans le cadre de cette analyse, à encourager la découverte du monde des activités
humaines par l’interaction directe avec des professionnels du marché du travail et de la formation. Le c.o.10 mentionne : «souvent, je
vais demander l’action, je vais demander d’aller faire des Portes ouvertes, aller rencontrer des professionnels qui exercent les
professions». Le c.o.14 recommande également l’utilisation de cette stratégie car, selon lui, les professionnels du milieu sont les
mieux qualifiés pour faire découvrir leur profession :
Puis dans les recherches d’information, moi, je les invite beaucoup à faire ça, aller rencontrer, aller faire des rencontres
d’information, aller valider. Je leur dis souvent : moi, je peux t’en parler pendant à peu près 5 minutes de la
psychoéducatrice, mais je pense qu’une psychoéducatrice ferait beaucoup plus honneur à son travail pour te rendre l’âme
de sa profession et je t’inviterais à en rencontrer une […] on établit ensemble un plan d’action pour en rencontrer une, on
cible ensemble des milieux, et même on fait des appels ensemble. (c.o.14)
Plusieurs conseillers d’orientation interviewés partagent l’avis que l’interaction avec différents professionnels du monde scolaire et
professionnel encourage la confirmation de choix de carrière. À cet égard, le c.o.8 mentionne :
107
Puis, en allant visiter l’université, il va aussi se confronter à son choix, il va rencontrer des gens, ça fait que c’est comme
un peu une phase de consultation. C’est sûr que ça va se cristalliser. Des fois, pour spécifier son choix, je lui demande de
s’engager un peu plus : aller voir, aller fouiller, aller rencontrer des gens (qui exercent la profession). (c.o.8)
Le c.o.3 partage la même opinion : «Et après ça, on va plus arriver à la partie Spécificité. Mettons qu’ils ont identifié trois professions.
Moi, souvent, je les envoie voir les coordonnateurs, si c’est pas ici, c’est ailleurs. Souvent, j’aime bien qu’ils rencontrent un
professionnel du domaine […] Puis, des fois, ça peut être des gens qui évoluent, bien, qui donnent le programme». Enfin, le c .o.9
ajoute que la validation du choix de carrière peut se faire grâce à un stage en milieu de travail: «Je les invite à échanger avec des gens
aussi. Des gens qui connaissent, puis qui pratiquent aussi le travail ou la profession dans le domaine qui les intéresse […] puis après
ça, on échange puis des fois à la fin, ils vont aller valider avec un stage d’observation, puis ils reviennent me voir par la suite pour le
plan d’action».
Donc, selon ces cinq conseillers d’orientation, les expériences de contacts peuvent permettre la cristallisation de préférences
vocationnelles et même, la spécification d’un programme de formation ou d’une profession précise, ce qui les amène à privilégier ce
type d’intervention auprès de la clientèle collégienne.
Considérer l’environnement social
L’importance de considérer l’environnement social de la personne a été soulignée par plusieurs des conseillers d’orientation
interviewés. L’analyse des entrevues a permis de faire ressortir particulièrement le thème suivant :
108
Tableau 8
Thème émergeant et définition opératoire de la stratégie d’intervention consistant à Considérer l’environnement social
Thème émergeant Définition opératoire
Évaluer le soutien fourni par l’environnement social Importance de déterminer les sources et les formes de soutien dont bénéficie
la personne
Évaluer le soutien fourni par l’environnement social
Évaluer le soutien fourni par l’environnement social fait référence, dans le cadre de cette analyse, à l’importance de déterm iner les
sources et les formes de soutien dont bénéficie la personne. Le c.o.6 mentionne qu’il s’assure d’identifier les sources de soutien
disponibles dans l’environnement social de l’étudiant : «C’est sûr que nous, dans notre démarche d’orientation, les réseaux sociaux
sont, comme moi, personnellement, c’est quelque chose qu’on discute beaucoup par rapport à si l’étudiant : est-ce qu’il a du soutien,
c’est qui ses amis, c’est quoi son environnement, sa famille, dans quoi qu’il évolue?». Il précise aussi l’importance d’évaluer de quelle
façon le réseau peut soutenir la personne lorsqu’elle fait face à une difficulté : «Réseau de soutien : qui peut l’aider? Comment tu
penses t’y prendre pour travailler sur tel, tel [problématique], travailler pour rester motivé». Le c.o.7 souligne également qu’il est
important de déterminer les formes de soutien, notamment d’évaluer la présence et la nature des conseils fournis par l’environnement
social : «Des fois, je vais regarder […] un peu la place des parents dans tout ça. Des fois, ils sont très très présents, mais des fois, ils
vont laisser quand même l’élève plus aller. Des fois, on le sent qu’il y a une direction qui est proposée. Ça fait que je tiens compte de
ça aussi».
Quant à lui, le c.o.8 encourage les étudiants à obtenir des rétroactions de la part de leurs amis: «Puis en même temps, comment il vit
les programmes quand il va les visiter. Donc, son expérience : qu’est-ce qu’il a ressenti, qu’est-ce qu’il a trouvé. Puis, quand qu’il en
parle aussi, je lui demande de confronter, de parler de son choix avec ses amis. C’est quoi les rétroactions qu’il reçoit». En effet, les
109
rétroactions peuvent être déterminantes dans la confirmation des choix professionnels tout dépendamment de la crédibilité accordée à
la source du soutien. Le c.o.12 abonde dans le même sens, c’est-à-dire qu’il encourage l’individu à recourir à son environnement
social pour obtenir des rétroactions. Notamment, pour lui, la rétroaction d’une personne de l’environnement de l’individu pourrait
avoir un impact sur l’image de soi : «Quand je sens que […] qu’il a de la misère à parler de lui, ou qu’il aurait avantage à…qu’il se
dévalorise beaucoup. Je vais lui dire : va chercher auprès des personnes. Je lui donne un espèce de questionnaire pour qu’il aille
chercher auprès des personnes, auprès d’autres personnes, un feed back sur qui il est, ses qualités, puis tout ça».
En résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, il est important de considérer l’environnement social de l’individu en prenant
soin d’identifier le soutien social disponible, déterminer la nature du soutien offert par ce réseau et encourager l’implication des
personnes de l’environnement pour favoriser l’atteinte de l’objectif de la personne.
Accompagner dans la prise de décision
L’analyse des propos des conseillers d’orientation a permis de faire ressortir particulièrement les trois thèmes présentés dans le tableau
suivant comme étant liés à la stratégie qui consiste à accompagner dans la prise de décision:
110
Tableau 9
Thèmes émergeants et définitions opératoires de la stratégie d’intervention qui consiste à Accompagner dans la prise de décision
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Encourager l’expression de différents
scénarios de vie
Examiner les possibilités qui sont offertes à l’individu
Cerner la façon de prendre des décisions
Identifier la manière qu’a l’individu d’organiser et de traiter l’information dont il
dispose pour prendre des décisions
Établir des choix motivants et réalisables
Clarifier les critères du choix afin de parvenir à une prise de décision réaliste et stimuler
le passage à l’action
Encourager l’expression de différents scénarios de vie
Encourager l’expression de différents scénarios de vie fait référence, dans le cadre de cette analyse, à examiner les possibilités qui sont
offertes à l’individu. Le c.o.15 affirme qu’afin d’identifier ses possibilités de choix de carrière, l’individu doit préalablement
approfondir sa connaissance de soi :
C’est sûr que moi, dès le début, j’explique un peu la démarche et je leur dis : il va falloir qu’on établisse des scénarios.
Donc, déjà, à partir du début, on parle de scénarios. On tasse ça un petit peu parce qu’on a un exercice quand même de
connaissance de soi à faire, mais après ça, par contre, c’est de rattacher ça à des scénarios possibles. Puis c’est de jamais
les perdre de vue. (c.o.15)
Le c.o.13 partage un avis similaire lorsqu’il mentionne qu’il cherche à établir avec son client toutes les avenues possibles pour lui
compte tenu de ce qui a été amassé le concernant durant le processus : « […] j’ai des feuilles déjà toutes bien classées, par rapport à
s’il est en sciences de la nature, ses intérêts, s’il est social. Les programmes d’études, les professions, on fait plus la liste des
possibilités. Ce que je dis, j’appelle ça l’éventail de scénarios possibles». Le c.o.14 affirme même qu’il peut s’avérer préférable
111
d’encourager l’expression d’une préférence générale et non spécifique pour un domaine d’étude ou un secteur d’activités
professionnelles compte tenu d’où est rendu l’individu dans son exploration vocationnelle, ce qui laisse place à différents scénarios de
vie :
Puis, une fois que ça, c’est pris en conscience, en considération (connaissance de soi), on nomme les corridors. Moi, je
travaille beaucoup avec eux… le choix en fait est plus travaillé en corridor. Quand ils sortent de mon bureau
habituellement, le corridor est plus clair. Maintenant, quelles options dans ce corridor-là, ça ce n’est pas toujours nommé
puis, ce n’est pas toujours obligé en soi. Puis, je pense que ce n’est pas toujours aidant de spécifier tout de suite. (c.o.14)
Pour le c.o.7, il est favorable d’établir différents scénarios de vie car il peut s’avérer que le choix envisagé au cours de la démarche
soit irréalisable lorsque l’individu tente de le mettre en action : «On va explorer, on va analyser des possibilités pour qu’ils en arrivent
à un ou des choix parce que des fois, il y a des choix qu’on n’est pas certain que ça va marcher. On essaie toujours d’avoir des options
de rechange au cours de la démarche». Ainsi, le client possède des alternatives intéressantes à son premier choix, dans le cas où sa
première option ne peut se réaliser ou qu’elle ne lui convient pas, ce qui, par le fait même, lui évitera d’entreprendre à nouveau une
démarche d’orientation. Le c.o.13 partage ce même point de vue et précise qu’il cherche à conscientiser l’individu concernant le fait
que plusieurs possibilités sont offertes à lui et ainsi, qu’il n’est pas limité à une seule option de carrière pour le reste de sa vie.
Effectivement, un scénario de vie différent de celui choisi au cours de la présente démarche d’orientation pourrait être envisagé
ultérieurement :
Moi, je force toujours plusieurs plusieurs (possibilités), tout le temps! Je leur dis : Non, non, on ne va pas choisir une, on
va en choisir dix […] il faut ouvrir l’éventail, il ne faut pas en échapper. Je force vraiment d’ouvrir toutes les possibilités.
Puis je dis : après, on va les éliminer […] C’est leur montrer toutes les possibilités qu’ils ont devant eux, puis que ce n’est
pas un choix qui les enferme, qui les emprisonne dans une petite case pour le restant de leur vie. (c.o.13)
Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, une meilleure connaissance de soi favorise l’émergence de différents scénarios de vie
et encourage l’expression de préférences vocationnelles, permettant ainsi à l’individu de constater qu’il a un champ de possibilités lié
à sa carrière plutôt qu’une seule avenue possible.
112
Cerner la façon de prendre des décisions
Cerner la façon de prendre des décisions fait référence, dans le cadre de cette analyse, à identifier la manière qu’a l’individu
d’organiser et de traiter l’information dont il dispose pour prendre des décisions. Le c.o.14 affirme qu’il cherche à identifier le style
décisionnel qu’utilise l’individu en fonction des différentes situations: «À chaque fois qu’il y a eu des prises de décision dans sa vie,
qu’elle soit minime ou grande, je donne des exemples concrets : tu es au restaurant, tu es au bal des finissants, peu importe, des
expériences marquantes pour lui. Comment est-ce que tu t’y es pris? Quelle est, dans le fond, ta manière de prendre une décision?». Il
précise qu’afin de déterminer le style décisionnel de la personne quant à sa manière de s’orienter professionnellement, il questionne
l’individu sur ses choix lors de l’évaluation psychométrique :
Mais je le fais dans la mesure où je l’accompagne (passation de l’outil Cursus) et je veux qu’il me dise explicitement
quand il choisit tel item pour telle raison, je veux qu’il me dise pourquoi, à quoi il pense, qu’est-ce qui fait référence. Je ne
l’interromps pas, je prends beaucoup de notes. Donc, j’ai accès à son traitement d’information, j’ai accès à sa manière de
raisonner, à s’orienter. (c.o.14)
Le c.o.4 mentionne également s’attarder au style décisionnel de la personne et affirme qu’il analyse particulièrement les éléments qui
ont semblé importants et pertinents à considérer dans le choix d’une carrière :
Comment elle a tenté jusqu’à maintenant de faire un bout de chemin là-dedans [pour résoudre sa problématique
d’orientation]. Parce qu’à travers ça, moi, je vais avoir accès à quelles sont les variables qu’elle a considéré jusqu’à
maintenant. Comment elle a tendance donc à prendre des décisions. Je veux essayer de me faire une grille d’analyse de qui
est la personne en face de moi, comment qu’elle a fonctionné, puis ç’a l’air à être quoi les types de stratégies qu’elle a l’air
à utiliser en règle générale quand elle fait face à des difficultés comme celles qu’elle me décrit. (c.o.4)
Pour sa part, le c.o.6 mentionne qu’il peut également s’avérer nécessaire d’intervenir pour amener la personne à acquérir des habiletés
pour qu’elle soit en mesure de prendre la meilleure décision possible pour elle :
113
Puis à identifier en fait, en cours de route […] toute une clarification par rapport à ses choix antérieurs, que ça dépasse le
« prendre en note », que ses choix antérieurs qui n’ont pas fonctionné, qu’est-ce qui sont… Puis là, on essaie de les mettre
en lien pour dénouer des choses. C’est sûr que si la personne a toujours le même pattern de fonctionnement et que ça ne
semble pas fonctionner justement, on va essayer de briser ça et d’aller plus loin […] mais sans faire de la thérapie, on va
essayer de dénouer ça. Aller voir, mais pourquoi la personne fait toujours des choix qui ne correspondent pas à elle ou qui
ne correspondent pas à… ou qui font toujours en sorte qu’en cours de route, elle abandonne après la session, ou quoi que
ce soit. (c.o.6)
Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, il revêt d’une grande importance de cerner le style décisionnel de l’individu dans le
choix d’une carrière en l’aidant à identifier les éléments pertinents et importants dans son processus d’élimination et en l’amenant, au
besoin, à développer des habiletés nécessaires à une prise de décision confortable et satisfaisante.
Établir des choix motivants et réalisables
Établir des choix motivants et réalisables fait référence, dans le cadre de cette analyse, à clarifier les critères du choix afin de parvenir
à une prise de décision réaliste et qui stimule le passage à l’action. Le c.o.1 affirme qu’à cette étape, il faut revenir sur la démarche
réalisée et clarifier les exigences qui se dégagent par rapport à un programme de formation ou à un emploi : «On continue à avancer en
mettant en relief les priorités des étudiants en fonction des critères qu’ils ont eux-mêmes établi dans leur recherche, dans leur
exploration. Ça fait que, c’est vraiment de rendre, d’éclairer le choix le plus possible». Le c.o.9 mentionne également qu’il cherche à
formuler clairement les critères du choix : « […] Qu’est-ce qui est important pour lui dans un travail? Pour lui, est-ce que c’est
important d’avoir un horaire du lundi au vendredi avec un horaire fixe? Est-ce qu’il gère bien les imprévus? Est-ce qu’il a besoin de
travailler dans un bureau? Est-ce qu’il a besoin de travailler avec les gens?». Le c.o.4 partage le même avis et précise l’importance de
mettre en relation les exigences du client avec ses facteurs de réalité :
[…] mais là on va essayer de discriminer nos différentes choses (exigences) avec nos variables, nos facteurs de réalité. On
va rentrer la réussite, c’est-à-dire le dossier académique là-dedans, les différents facteurs, le contingentement, es-tu prêt à
114
déménager pour ça, qu’est-ce que ça implique. Puis, on va essayer d’établir notre plan d’action. Premier choix, choix de
cœur, choix alternatif, choix… Bon, court terme, moyen terme s’il le faut, qu’est-ce que ça implique? Pour finaliser notre
décision. (c.o.4)
Enfin, le c.o.1 mentionne l’importance de vérifier la cohérence de la décision du client par rapport à ses caractéristiques personnelles :
[…] j’aime les faire travailler dans les structures, puis leur donner : Donc, ce plan A, mais ce plan est basé sur quoi? Définir des
critères, ce que j’appelle les «forts». C’est quoi tes forts, c’est quoi qui te permet d’allumer, c’est quoi l’intérêt que tu portes à ça,
quelles aptitudes que tu penses que tu as qui te permet de faire ça, quels traits de personnalité?».
Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, il est important de clarifier les exigences relatives à un emploi afin qu’elles soient
réalistes et qu’elles soient cohérentes avec les facteurs de réalité de la personne dans un but ultime d’effectuer un choix professionnel
mobilisateur et réalisable.
En guise de conclusion pour cette section, voici un résumé, présenté sous forme de tableau synthèse, des stratégies d’intervention
mises en œuvre par les conseillers d’orientation œuvrant au sein du réseau d’enseignement collégial et intervenant auprès de la
clientèle du secteur régulier.
115
Tableau 10
Résumé des stratégies d’intervention mises de l’avant par les conseillers d’orientation œuvrant en milieu collégial
Stratégies d’interventions
utilisées par les c.o. du
collégial
Sous-stratégies rattachées
1. Instaurer une alliance de travail
favorable au changement
1.1 Rendre explicite l’objectif de consultation
1.2 Afficher sa couleur
1.3 Favoriser l’établissement d’un lien de confiance mutuel
2. Encourager
l’autodétermination et la
responsabilisation
2.1 Utiliser des stratégies d’autonomisation
2.2 Inciter une implication sur le long terme
3. Favoriser une meilleure
connaissance et compréhension
de soi
3.1 Recourir à l’évaluation psychométrique
3.2 Stimuler la conscience réflexive sur soi
116
3.3 Utiliser le récit autobiographique
4. Stimuler la découverte du
monde des activités humaines
4.1 Guider l’exploration de l’information scolaire et professionnelle
4.2 Inciter les expériences de contacts
5. Considérer l’environnement
social
5.1 Évaluer le soutien fourni par l’environnement social
6. Accompagner dans la prise de
décision
6.1 Encourager l’expression de différents scénarios de vie
6.2 Cerner la façon de prendre des décisions
6.3 Établir des choix motivants et réalisables
117
Pratiques d’orientation au collégial … identité
Virginie Brodeur, c.o.12
Les conseillers et conseillères d’orientation interviewés ont identifié quelques stratégies d’intervention qu’ils utilisent au sein de leur
pratique professionnelle et qui selon eux, touchent l’identité de la personne. Cette section contient donc trois sous-sections, lesquelles étant
chacune associée à une stratégie d’intervention : accompagner l’exploration du soi, soutenir le développement identitaire et provoquer la
compréhension de soi. Ces sous-sections seront aussi accompagnées de sous-thèmes sous-jacents, lesquels sont présentés dans le tableau
situé à la page suivante, afin de permettre une plus grande compréhension des thèmes abordés.
12 Brodeur, V. (2013). Les pratiques professionnelles de conseillers et de conseillère d’orientation du réseau d’enseignement collégial public au regard de
l’intervention sur l’identité de la personne. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil :
carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2013/02/essai-en-ligne-lintervention-sur.html
118
Tableau 11 : Résumé des stratégies d’intervention sur l’identité de la personne de conseillers et conseillères d’orientation du réseau
d’enseignement collégial
Thèmes Sous-thèmes
Accompagner l’exploration du soi
Explorer les différentes dimensions du soi
Soutenir le développement identitaire
Encourager le vécu d’expériences nouvelles
Employer la représentation de soi renvoyée par l’entourage
Favoriser la mise en place de l’approche orientante
Accompagner dans le processus de choix en accord à soi
Provoquer la compréhension de soi Aider l’étudiant à clarifier son identité
Cibler les « nœuds » et les dénouer
Accompagner l’exploration du soi
Le fait de susciter la réflexion personnelle des étudiantes et des étudiants sur leur situation en processus d’orientation est selon certains c.o.,
une intervention sur l’identité de la personne. Le tableau suivant présente un thème qui permet de saisir davantage le sens de cette stratégie
d’intervention.
119
Tableau 12 : Thème émergeant et définition opératoire associés à la stratégie d’intervention sur l’identité de la personne consistant à
accompagner l’exploration de soi
Thème émergeant Définition opératoire
Explorer les différentes dimensions du soi
Réfère à l’exploration des ressources personnelles, du fonctionnement
psychologique et des conditions du milieu de l’étudiant.
Explorer les différentes dimensions du soi
Cette stratégie d’intervention réfère à l’exploration des ressources personnelles, du fonctionnement psychologique et des conditions du
milieu des collégiennes et collégiens en démarche d’orientation. Cette étape du processus permet à la fois d’aider le spécialiste de
l’orientation à connaître son client et à obtenir son portrait global et dynamique et au client d’explorer qui il est. D’après certains c.o., elle
permettrait d’ailleurs d’effectuer un travail sur l’identité du client.
Je trouve qu’on est beaucoup dans l’identité quand on parle de qui t’es toi […] (c.o.-05)
Ben, je dirais, intervenir sur l’identité de la personne, oui, on le fait… heee… sur comment elle se sent, qui elle est…[…]
(c.o.-06)
Ça, plus, parce que, si je travaille avec les intérêts, les aptitudes, ben, c’est plus l’identité de la personne…[…] (c.o.-02)
C’est… c’est sûr que la personne qui se… toi, apprendre qui qu’elle est, tu vas identifier ces forces, ces faiblesses, elle va
identifier d’où qu’elle vient… C’est quoi qu’elle aime… […] (c.o.-03)
De plus, le c.o.14 met l’accent sur les relations entre les différentes dimensions de la personne afin d’obtenir un portrait d’ensemble de celle-
ci et ainsi d’intervenir sur l’identité.
CO-14 : […] Donc, que ce soit dans ta sphère amoureuse, ta sphère scolaire, familiale, personnelle, peu importe, on s’en
fiche, c’est le même individu… qui est dans toutes ces sphères-là. Dans mes premières rencontres, j’essaie d’avoir un regard
sur tout ça. […] Alors quand on travaille sur l’identité, c’est justement toutes ces relations-là… Souvent, je vais leur
120
demander de me parler comment ça se passe leurs amours, comment ça se passe au travail, comment ça se passe dans le
fond… peu importe…[…] (c.o.-14)
Cette stratégie d’intervention est aussi partagée par le c.o.13, qui pour sa part, fait mention d’outils qu’il utilise lors de cette démarche
d’exploration, soit le RIASEC de John Holland (hexagone de dimensions de la personnalité) et le test GROP (Guide de Recherche d’une
Orientation Professionnelle), permettant à ce spécialiste de l’orientation d’obtenir le profil de personnalité de ses clients.
[…] Y’a une bonne part de mon travail que c’est de travailler sur l’identité du jeune avec ses compétences, ses intérêts, ses
valeurs… […] la première rencontre, c’est vraiment établir le profil de cet étudiant-là… Moi, je travaille avec le RIASEC…
[…] J’établis leur profil RIASEC. Et je fais placer toute la famille… Ton père, ta mère, ton frère, ta sœur… ton chum…
[rires] Alors pour qu’y intègrent vraiment bien ça… He, puis là, je leur résume… Tsé, toi, si je comprends bien t’as un côté
social, c’est important que… Donc, je m’approprie… un petit peu, dans mes mots, je valide vraiment avec lui, son profil…
[…] pour un étudiant qui ne se connait pas beaucoup, qui par mes questions n’y arrive pas… On va passer des fois le
GROP… Là, une fois, qu’on a fait ça, là, je fais… Je vais chercher… Je vais tout le temps demander ses intérêts au niveau
des loisirs… Les compétences qu’y a développées… Ses valeurs aussi… Alors pendant une entrevue d’une heure, je vais
vraiment fouiller plus l’identité, puis tout ça… du jeune…(c.o.-13)
Quant à lui, le c.o.15 utilisera aussi un test afin de procéder à l’exploration du client, seulement si celui-ci a de la difficulté à parler
ouvertement de lui. Ainsi, les résultats aux tests permettront d’obtenir de l’information qui facilitera les échanges et la discussion sur soi.
Mon dou, ça revient pas mal toute dans les rencontres individuelles… Ou encore à travers le testing… Quand on réussit pas à
aller chercher du contenu par les rencontres… quelqu’un qui a plus de difficulté à s’exprimer… Bon, ben, là, les tests
valides… Ce n’est pas des vérités absolues les tests n’ont plus… Faut vérifier si y sont fidèles, valides et que… les indices
sont corrects… à partir de ça, on valide avec les étudiants… Et déjà, cette validation-là, he… nous donne… nous donne de
l’information sur l… sur la personnne… He… Si y’é pas d’accord avec les tests… ben, c’est déjà quelque chose! Y se voit
pas là-dedans! ... [tape sur la table mollement, comme en signe de dépit] (c.o.-15)
121
Pour leur part, les trois c.o. suivants vont un peu dans le même sens que les c.o. précédents, mais ceux-ci semblent davantage référer au récit
de soi lors de l’exploration du soi du client. En effet, le c.o.01 fait mention de ceci : « Je vais chercher à connaître comment elle vit sa vie de
tous les jours, un peu, qui l’entoure, comment elle vit les choses. » Le c.o.08 aborde dans le même sens : « On fait un peu le bilan de son
secondaire. Comment que ça va? Qui il est Qu’est-ce qui fait? Donc, on est beaucoup dans le récit de vie. Il va me parler de lui, des choix
qu’il a faits, comment il les a faits, des impacts que ça l’a. Puis en même temps, il me parle aussi de ce qu’il vit dans ses cours, des
disciplines qu’il voit. » Ainsi, ces deux c.o. s’attardent à la façon dont la personne raconte son passé et son présent. Par ces récits de soi, les
c.o. explorent de nombreuses dimensions du soi qui dépassent les caractéristiques individuelles. Enfin, les propos du c.o.10 rejoignent
beaucoup ceux du c.o.01 du c.o.08, à savoir qu’il entrevoit le passé du client telle une histoire qui lui offre des indices sur celui-ci :
Apprendre à mieux connaître la personne, connaître son histoire, lui faire revivre, d’une certaine façon, son histoire aussi.
Finalement, faire ressortir tous les indices sur son vécu personnel, son vécu scolaire antérieur […] Ensuite, voir avec la
personne quelle formation…comment elle a fait son choix collégial. Puis, qu’est-ce qu’elle a rejeté, pourquoi elle l’a rejeté ?
Voir les acquis aussi que les personnes ont. (c.o.-10)
Bref, selon ces professionnels de l’orientation, explorer les différentes dimensions de leurs clients, à l’aide de questions exploratoires, de
tests psychométriques et même du récit de soi renvoie à intervenir sur l’identité.
122
Soutenir le développement identitaire
Plusieurs c.o. ont fait mention de moyens utilisés leur permettant, selon eux, d’aider les cégépiennes et les cégépiens à développer leur
identité personnelle et professionnelle. Ainsi, encourager le vécu d’expériences nouvelles, employer la représentation de soi renvoyée par
l’entourage, favoriser la mise en place de l’approche orientante et accompagner dans le processus de choix en accord avec soi sont des
façons qui ont été soulevées par certains c.o. qui permettraient de soutenir la quête de soi des étudiants avec lesquels ils travaillent. Ces
stratégies d’intervention sont exposées à l’intérieur du tableau suivant sous forme de thèmes émergeants accompagnés d’une définition
opératoire.
Tableau 13 : Thèmes émergeants et définitions opératoires de la stratégie d’intervention sur l’identité consistant à soutenir le
développement identitaire
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Encourager le vécu d’expériences nouvelles
Le fait d’inciter l’étudiant à se mettre en action en participant à des activités
encore jamais pratiquées afin qu’il puisse expérimenter et se découvrir au plan
identitaire.
Employer la représentation de soi renvoyée par
l’entourage
Le reflet de soi renvoyé par l’environnement social peut permettre à l’étudiant de
se positionner par rapport à cette image perçue et parfois la remettre en question
suscitant la réflexion personnelle.
Favoriser la mise en place de l’approche orientante
Réfère à impliquer et guider le personnel (en particulier les professeurs) afin que
les étudiants évoluent dans un milieu où l’orientation est omniprésente et
devienne une responsabilité partagée
Accompagner dans le processus de choix en accord à
soi
Le fait de permettre à la personne de mieux se connaître afin qu’elle soit en
mesure de transposer son identité personnelle en identité professionnelle et
d’effectuer un choix juste et éclairée par rapport à ce qu’elle est.
123
Encourager le vécu d’expériences nouvelles
Tel qu’il a été reconnu précédemment par certains c.o., plusieurs collégiennes et collégiens n’ont pas suffisamment vécu d’expériences
exploratoires leur permettant de se découvrir au plan identitaire. Ainsi, plusieurs de ces professionnels de l’orientation reconnaissent les
effets bénéfiques d’inciter les jeunes à se mettre en action en participant à des activités encore jamais pratiquées afin qu’ ils puissent
expérimenter et développer leur identité.
[…] permettre à ces élèves-là de vivre des expériences pour qu’ils puissent créer leur identité personnelle et professionnelle,
donc, tout ce qui est intérêt, les valeurs, les aptitudes…[…] (c.o.-09)
[…] on a beaucoup d’installation sportives, culturelles, artistiques, pour vraiment apprendre à se développer et aussi
consolider leur personnalité… Puis développer des compétences… […] Si on occupe les jeunes, on leur propose des activités,
ils vont choisir ces activité-là […] c’est important de s’investir, de s’engager… dans les activités, aussi… en plus d’être dans
les cours… […] Faque oui, je pense que si on jeune participe à l’impro le mercredi soi, ça peut l’aider dans son orientation.
[…] Justement le fait que l’on dit au jeune, puis au gars de l’activité, r’garde… y’est en train d’essayer ça dans sa
personnalité, de prendre des risques ou il voulait faire telle chose… Y’a fait Cégep en spectacle… Y’a osé… Ça l’a un impact
dans son processus d’orientation… (c.o.-08)
D’ailleurs, les propos du c.o.08 ci-haut cités font mention des actions suivantes : prendre des risques et oser, actions qu’il considère comme
ayant un impact sur l’orientation du jeune. Le c.o.14 vient aussi appuyer les propos du c.o.08 en proposant aussi que risquer et oser permet
d’apprendre sur soi.
[…] On est à l’ère où je pense qu’il faut explorer, il faut juste découvrir… […] et c’est toujours ce que je dis aux étudiants…
mais… profitez de vos périodes, puis oui… les études, c’est important! Mais vivre les projets à l’entour : des projets qui
soient scolaires ou pas… On s’en fiche… Découvrez, explorez… ayez pas peur… risquez… osez… C’est là qu’on se
découvre. C’est souvent dans ces zones-là qu’on en apprend sur soi. […] (c.o.-14)
124
Dans un même ordre d’idées, le c.o.11 met l’accent sur le fait qu’expérimenter quelque chose de nouveau permet aux jeunes de sortir de leur
zone de confort et donc facilite le développement de soi.
J’ai des fois des parents qui débarquent avec un jeune… Y fait rien de sa vie, cet été, y veut rien faire… Je veux qu’il
travaille durant l’été… Ça arrive une situation comme ça… J’ai des gens qui… c’est un peu de comment leur donner un petit
power… sortir un peu du confort pour aller rechercher un réseau extérieur à la famille, aller travailler, ça va être extérieur à la
famille… Et beaucoup là, c’est tellement remarquable que simplement de se pratiquer avec quelqu’un… y vont aller le faire
après ça très rapidement… Alors y’a un côté comme ça… Le temps expérimenté, puis développer l’habileté relationnelle…
Moi, je compte beaucoup sur ces aspects-là…(c.o.-11)
D’ailleurs, le c.o.07 souligne l’impact positif sur l’identité de se retrouver en contextes nouveaux, parfois bien loin de ce que peut avoir vécu
le jeune jusqu’à ce jour.
[…] Ben, je pense que l’identité, elle peut se travailler dans toutes les implications qu’ils peuvent faire… les activités
auxquelles ils participent… Tsé, je pense à nos élèves-là qui s’en vont en Afrique prochainement… pour moi, c’est des
choses qui vont travailler leur identité… Y’apprennent à se connaître et ils découvrent des choses dans des contextes… Dans
ce cas-là, un contexte assez extrême… dans un contexte de pauvreté dans un autre univers complètement… Donc, je pense à
travers toutes les activités… (c.o.-07)
Pour sa part, le c.o.12 encourage les jeunes à accompagner l’expérimentation d’introspection en s’observant aller dans ces nouvelles
situations : « […] Tsé, tu va aller faire un stage, là, au Guatemala… là. Ben, tsé, observe-toi… comment t’agis avec les autres… Je pense
que ce serait plus ça… […] » (c.o.-12) Quant à lui, le c.o.05 peut, lorsque l’occasion se présente, mettre un terme de façon temporaire au
processus d’orientation afin d’attendre que le jeune ait vécu des expériences nouvelles tel qu’un emploi d’été, considérant qu’à ce jour, il lui
manque des outils pour faire un choix juste et éclairé.
125
[…] comme là, y’en a un, je le voyais, y’é en deuxième session. Il voudrait déjà spécifier pour l’université, mais tsé, y nous
manque d’outils… Faque là, on a dit : ben, à court terme, qu’est-ce qu’on peut faire? Ben, finalement, y’a dit qu’en
septembre y’allait s’impliquer parce qu’y avait un intérêt, mais y’était pas sûr. Donc, y’allait s’impliquer dans une activité qui
se rapportait à cet intérêt là. Puis, cet été, y’allait essayer de se trouver un emploi, alors qu’y a jamais travaillé. À partir de
septembre prochain, on s’est entendu que on poursuivrait, là. En fonction de ce qu’y aurait…cumulé de plus sur lui-même.
Faque c’est ça…(c.o.-15)
Enfin, le c.o.15 fait davantage référence à la participation à des activités exploratoires en lien avec la carrière : « Ben, beaucoup des visites
d’exploration, on les encourage beaucoup…[…] d’aller visiter les universités, d’aller rencontrer des gens qui font des emplois qui les
intéressent… des professions qui les intéressent…» (c.o.-15)
Donc, ces huit conseillers et conseillères d’orientation ont reconnu qu’il est important d’encourager les jeunes à pratiquer différentes
activités exploratoires afin que ceux-ci acquièrent davantage d’expériences de vie à l’intérieur desquelles ils se seront découverts au plan
identitaire.
Employer la représentation de soi renvoyée par l’entourage
Le reflet de soi renvoyée par l’environnement social peut permettre aux étudiantes et étudiants de se positionner par rapport à cette image
perçue par les autres et parfois la remettre en question suscitant ainsi la réflexion personnelle. Pour le c.o.06, intervenir sur l’identité réfère
entre autre à explorer chez la personne « […] Comment les gens la perçoivent, comme elle, elle se sent perçue…». Le c.o.08 semble aussi
de cet avis entre autre en mentionnant l’exploration de la perception de soi par rapport aux autres : « Donc, c’est ça… aller voir qui ils sont
dans leurs références à eux autres, leurs seuils, comment il se différencie de leur groupe de pairs, de leur entourage… Eux autres aussi ce qui
est important pour eux par rapport à eux-mêmes…». Pour leur part, le c.o.10 et le c.o.12 encouragent les jeunes à demander à leurs parents
comment ils les perçoivent afin d’obtenir des indices de ce qu’ils sont.
126
[…] Souvent aussi, les élèves vont me demander dans des démarches d’orientation, est-ce que je peux en parler avec mes
parents ? Ah, ben moi, c’est sûr que j’encourage là, fortement, parce que… c’est des indicateurs pour trouver les intérêts, les
aptitudes, pour questionner, pour avoir un regard sur soi… Hum… […] (c.o.-10)
[…] Ça fait partie de mon rôle d’essayer de faire, de leur faire communiquer plus clairement possible avec leurs parents… Ou
d’utiliser, quand la relation avec les parents est super bonne, d’utiliser ça… Tsé, comment y te perçoivent tes parents… Pis
des fois, ça peut être bien intéressant comme outil… […] (c.o.-12)
Tout comme les c.o. précédents, le c.o.15 incite les jeunes à discuter avec les membres de leur famille ainsi que les personnes qui les
connaissent bien tels que leurs amis afin d’obtenir de l’information sur ce qu’ils sont. D’ailleurs, celui-ci mentionne qu’il peut être
intéressant pour le jeune de poser des questions quant à l’historique des choix d’orientation de ses parents.
[…] C’est sûr, moi, quand je… je les encourage beaucoup de… jase avec tes amis, jase avec ta famille… heee… où est-ce
qu’ils te perçoivent ? L’histoire familiale, aussi. Qu’est-ce qui a influencé leur choix ? les valeurs : qu’est-ce qu’on
véhicule ?... Donc, de faire… Les jeunes se sentent… qu’il leur manque de l’information pour trancher… Moi, je les
encourage beaucoup à aller… les gens qui les connaissent bien… qui apportent un reflet, là à ces jeunes-là…[…] (c.o.-15)
De plus, le c.o.15 soulève aussi l’importance qu’il porte à sensibiliser les professeurs au dépistage des étudiantes et des étudiants qui
pourraient ne pas être dans le bon programme selon leur perception de ce qu’ils sont.
[…] On travaille aussi avec les nouveaux profs… Pour les sensibiliser au profil de leurs étudiants, versus leur propre profil…
C’est un peu au niveau de la pédagogie, là… Donc, on utilise ça, mais en même temps, ils sont capables de refléter ça aux
étudiants. Je dirais que, à titre d’exemple, on a des étudiants en soins… on travail beaucoup avec les profs de soins
infirmiers… he… C’est pas… Y’en a qui sont pas nécessairement à leur place, pis c’est souvent… ça va arriver que c’est des
profs tsé, qui ont été conscientisés à ça et qui vont refléter ça aux étudiants… Après ça les étudiants viennent nous voir,
puis… Ils confirment, effectivement, qu’ils n’étaient pas nécessairement au bon endroit… Puis, je dirais que ça fait partie
des… On travaille beaucoup, les profs… heee… Les dirigent beaucoup vers nous […] (c.o.-15)
Le c.o.15 poursuit dans ce même ordre d’idées en mentionnant qu’il faut aider les jeunes à prendre conscience au fait qu’ils reçoivent
souvent des rétroactions de ce qu’ils sont de façon non officielle, dans des contextes tels qu’un travail d’équipe avec des pairs.
127
[…] Les confrères de travail… quand y’ont des travaux d’équipe à faire, ils peuvent se refléter la contribution de chacun… en
disant, tsé, ah ! r’garde : t’as un bon leadership… Tsé, tu fais un bon meneur… Ou un autre qui est une petite abeille… qui
travaille beaucoup ! qui est beaucoup dans l’application des tâches… Faque je pense que quand les gens sont conscients de
ça, qu’on les éveille à ça… Mais, ça peut les aider beaucoup beaucoup ! […] (c.o.-15)
Ainsi, force est de constater d’après les propos de ces cinq conseillers et conseillères d’orientation, que de faire prendre conscience aux
jeunes des reflets de soi renvoyés par l’entourage (pairs, professionnels, enseignants, etc.) et de les encourager à aller chercher cette
perception que les proches (amis, famille, etc.) ont d’eux sont des interventions sur l’identité de la personne favorisant le développement
identitaire. Il va sans dire que les membres de la famille du jeune, plus spécialement ses parents, sont bien placés pour l’aider à se définir
puisqu’ils l’ont vu se développer et évoluer de sa naissance jusqu’à ce jour.
Favoriser la mise en place de l’approche orientante
Certains conseillers et conseillères d’orientation interviewés considèrent que l’approche orientante dans les cégeps permet d’impliquer et de
guider le personnel, particulièrement les professeurs, afin que les jeunes évoluent dans un milieu où l’orientation est omniprésente et
devienne une responsabilité partagée.
D’abord, plusieurs c.o. confirment qu’il y a bel et bien, au sein de certains établissements d’enseignement collégial, un travail qui est fait
afin de mettre en place et maintenir l’approche orientante.
[…] ça fait 8 ans que je travaille, là, à développer une approche orientante avec les profs! […] (c.o.-08)
[…] J’ai un de mes collègues ici qui a ce dossier-là… Qui pilote l’approche orientante au collège… Qui est très bien
implantée ici […] Y’a une très bonne collaboration. […] (c.o.-14)
128
Toutefois, selon le c.o.15, peu de cégeps auraient développé l’approche orientante au sein de leur milieu, c’est pourquoi il se trouve choyé
que celle-ci soit si bien supportée par la direction générale du cégep où il travaille : « […] On est très peu de Cégeps à développer l’école
orientante… Nous on a une conseillère attitrée… On est supporté par la direction générale là-dedans… […] ».
Pour sa part, le c.o.10 reconnaît l’importance et la nécessité d’implanter l’approche orientante au sein du cégep dans lequel il travaille, mais
considère qu’il n’a pas encore eu l’occasion de le faire dues à certaines circonstances. Il convient d’ailleurs qu’il serait pertinent de
conscientiser et d’impliquer non seulement les enseignants, mais aussi l’ensemble de la communauté quant à l’orientation des jeunes.
[…] Y’aurait à développer l’école orientante, mais moi, j’y ai pas beaucoup touché… J’avais pas… pas par manque
nécessairement d’intérêt, mais moi, quand je suis arrivée au Cégep, je suis arrivée comme remplaçante, alors j’ai… de façon
régulière, j’ai changé de programme… Alors j’ai pas installé, là, heee… d’orientation… De démarche d’orientation versus
l’école orientante, mais selon moi, ça doit se faire… Absolument… Parce que… on en est là… On peut pas dire que
l’orientation, ce n’est qu’une histoire qui concerne le conseiller d’orientation. L’orientation, ça concerne l’ensemble de la
communauté, là… Parce que c’est par ça que le jeune peut se connaître… Alors on ne peut pas réserver ces actes-là… C’est
sûr que les actes professionnels, c’est avec le conseiller d’orientation, mais de connaissance de soi, de questionnement, de
regard sur soi, de… Ça doit passer par l’ensemble de la communauté, particulièrement aussi les professeurs. Hum. […] (c.o.-
10)
Le c.o.13 est responsable de l’approche orientante au sein de son collège. Il mentionne travailler en étroite collaboration avec les professeurs
afin de les outiller dans un objectif de rendre leur pédagogie davantage orientante et ainsi de susciter leurs élèves à réfléchir sur ce qu’ils
sont et souhaitent devenir. Il explique d’ailleurs comment il s’y prend pour initier les enseignants à cette approche.
[…] je suis responsable de l’approche orientante, ici, au collège… Donc, les deux jours par semaine, je travaille avec les
profs… Je rencontre les enseignants… Comme après-midi, je rencontre une prof en technique administrative. Et on parle
ensemble de ce qu’elle fait dans un cours où elle fait venir des conférenciers et comment elle pourrait faire pousser dans le
travail qu’elle donne aux étudiants après… pousser la réflexion plus personnelle… Pour que l’étudiant saisisse bien
129
l’occasion des 4 conférenciers qui sont devant lui, puis est-ce que moi, qu’est-ce je… je préfère telle tâche de conférencier et
pourquoi… Est-ce que ça va avec mes habiletés? Donc, j’aide les profs à devenir plus orientant… […] (c.o.13)
Sur la pédagogie orientante, ce que je fais aussi : ben, on organise des fois des conférences, on organise… à chaque session,
y’a dix nouveaux profs qui sont initiés, intégrés… Alors je vais rencontrer ces profs-là, puis pendant deux heures, je leur
parle d’orientation, je leur fais passer un test… le GROP… en ligne. Alors, là, je leur explique, là… heee… Qu’est-ce que
c’est que l’orientation…[…] (c.o.-13)
Quant à eux, les c.o.01 et c.o.15 énumèrent certaines activités implantées dans leur milieu, activités qu’ils considèrent comme étant
orientantes pour ceux et celles qui y participent.
Oui, c’est sûr, par exemple y’a des gens, ici entre autres au collège, on a des activités de type «orientantes», du style : on
rencontre des professionnels dans des soupers, on fait une forme de… de speed dating professionnel… Quelque chose comme
ça, tant au niveau des sciences nature que des sciences humaines, dans différents milieux, avec différents professionnels…
Y’a plus de 150 étudiants par année qui s’inscrivent à ces activités-là. (c.o.-01)
[…] on a aussi une entreprise qu’on appelle le Réseau boulot, ici. Réseau boulot, c’est une entreprise où y’a quelqu’un qui
gère la Coop. Ce sont les gens de l’extérieur qui viennent demander… donner des contrats à des étudiants. Ça peut être en
design d’intérieur, en graphisme, en informatique, puis à travers ces expériences-là, le jeune apprend aussi à mieux se
connaître au niveau professionnel. Donc, qu’est-ce qui me plaît le plus ? Programmer des bases de données, programmer des
sites web, alors… On apprend… le jeune apprend à se connaître et nous aussi… Alors effectivement, ça, c’est très orientant !
(c.o.-10)
Nous, on a différents projets terrain de mentorat avec des étudiants du secondaire et du collégial… […] Mais c’est ça, faque,
qu’on encourage ce genre de chimie-là… Tsé, moi, quand je me vois en train de travailler, développer des outils pour les
profs…[…] (c.o.-15)
Pour sa part, le c.o.09 travaille en collaboration avec différentes écoles secondaires de sa région afin d’intégrer des activités et projets
orientants et donc d’intervenir en amont pour aider les jeunes à se découvrir davantage lors de leur passage au secondaire.
[…] Parce que je coordonne tout ce que qui est approche orientante avec les écoles secondaires… On collabore beaucoup
avec les écoles secondaires, comme je le disais tout à l’heure… Mais j’ai donné un atelier au colloque de l’approche
orientante pour le projet Infusion, qu’on a ici en collaboration avec l’école secondaire […] (c.o.-09)
130
En somme, ces c.o. reconnaissent l’importance d’implanter et de développer l’approche orientante au sein des établissements
d’enseignement collégial. Malgré qu’ils n’aient pas directement déterminé qu’il s’agit d’une façon d’intervenir sur l’identité des étudiantes
et des étudiants, les assises de cette approche sont toutefois basées sur la construction identitaire des jeunes qui évoluent au sein d’une telle
pédagogie. Ainsi, il est possible d’affirmer que la mise en place de l’approche orientante par ces c.o. leur permet d’intervenir sur l’identité
de la personne par la bande.
Accompagner dans le processus de choix en accord à soi
Certains c.o. considèrent comme étant une stratégie d’intervention sur l’identité le fait de permettre à la personne de mieux se connaître afin
qu’elle soit en mesure de transposer son identité personnelle en identité professionnelle, cela dans le but qu’elle effectue un choix juste et
éclairé par rapport à ce qu’elle est.
[…] comme conseillère d’orientation, il faut vraiment les accompagner pour que la décision qu’ils vont prendre soit en lien
avec ce qu’ils sont, avec ce qu’ils aiment, avec leurs compétences, etc. (c.o.-13)
Toujours dans l’optique d’accompagner le client dans le processus de choix en accord à ce qu’il est, le c.o.13 emploie la typologie de
Holland, le RIASEC, afin d’établir un profil, qu’il considère comme l’identité de la personne et compare par la suite ce profil à ceux des
métiers et professions, donc au monde du travail.
Moi, je travaille avec le modèle RIASEC…Donc, c’est sûr qu’on part de l’identité, puis je fais la transposition…suivant le
monde du travail…Je travaille beaucoup avec Septembre éditeur…On est en train d’élaborer là, c’est une version
expérimentale, la transposition de l’identité personnelle dans le monde du travail…[…] (c.o.-13)
Dans un même ordre d’idées, le c.o.04 affirme de façon plus ou moins claire qu’il intervient sur l’identité en permettant au client d’effectuer
des liens entre ce qu’il est et les professions explorées, donc d’effectuer une adéquation entre l’individu et le monde du travail.
131
Intervenir sur l’identité, pour moi, c’est permettre à la personne de justement consolider, puis de voir à partir des décisions
que j’ai à prendre, du sens que je vais donner à ce que je fais en ce moment… dans quelle mesure je suis capable de le relier à
des variables personnelles que je possède ? Donc, c’est quoi le recul que je suis capable de prendre par rapport à moi-même, à
mes faits saillants, à… tsé… à ce qui est le plus marquant chez moi. Donc, encore là, dans mon quotidien, c’est que je vais
essayer d’avoir cette prise-là le plus souvent possible dans le fond pour être capable de cheminer, de pas faire un arrêt sur
image par rapport à un vidéo, par rapport à une profession, qu’on est en train d’explorer et de définir pour être capable de
permettre à la personne de voir… Ben, y’a-tu une connotation par rapport à ton identité ? Donc, est-ce que t’es capable de
reconnaître, toi, que tu… heee… quelles sont les variables prépondérantes ? Puis qu’est-ce qu’on a mis en lumière jusqu’à
maintenant ? Est-ce que t’es capable dans voir une adéquation là-dedans ? Donc, heee…(c.o.-04)
Pour sa part, le c.o.01 considère que meilleure est la connaissance de soi (concept qui semble associé à celui d’identité), meilleurs seront les
choix que la personne prendra : « […] En quoi l’identité de la personne, en quoi, elle, a va…la meilleure connaissance d’elle-même va la
rendre plus forte. Puis, donc, en mesure de prendre des décisions plus éclairées, à ce moment-là ». Ainsi, la connaissance de soi étant
l’assise d’un projet de carrière solide, il s’avère important pour ce c.o. d’accompagner le jeune vers cet objectif. Finalement, le c.o.15
semble faire référence à un certain processus d’entonnoir lorsqu’il affirme qu’il part d’un profil plus grand afin d’en arriver à un plus petit et
ainsi d’établir des scénarios possibles de carrières.
[…] Donc, c’est sûr que quand on a quelqu’un qui est éparpillé… Tsé, pour la connaissance de soi… qui tourne en rond…
qui se perd… c’est sûr qu’on essaie de faire son profil, puis qu’il se retrouve dedans… Puis il va peut-être être plus petit que
prévu parce que quand on va trop large, il s’éparpille… Puis à partir de ce plus petit profil-là, ben… on va faire des
scénarios… C’tu clair? [rire] (c.o.-15)
Ainsi, ces quatre conseillers et conseillères d’orientation admettent intervenir sur l’identité de la personne en aidant celle-ci à mieux se
connaître et se définir dans le but qu’elle soit en mesure de transposer ce qu’elle est en identité professionnelle et ainsi, arrêter un choix qui
soit en accord avec elle-même.
Les quatre stratégies d’intervention sur l’identité préalablement soulevées sous-tendent que les c.o. les emploient afin de soutenir les jeunes
dans leur développement identitaire. Or, il n’est que rarement affirmé spécifiquement qu’elles sont utilisées à cette fin précise, puisque les
132
c.o. font plutôt mention d’essayer ça dans sa personnalité, il faut explorer, il faut juste découvrir, apprend sur soi, y’apprennent à se
connaître et ils découvrent des choses, apprend à mieux se connaître. Lorsqu’il est plus directement question de développement de soi,
certains c.o. mentionnent des expressions telles que créer leur identité, apprendre à se développer, consolider leur personnalité, développer
l’habileté relationnelle, travailler leur identité. Force est de constater que toutes ces expressions font référence à l’identité et à son
développement à la lumière des propos des c.o. Qui plus est, d’après la littérature scientifique, ces interventions permettent effectivement à
une personne de se construire au plan de l’identité personnelle et professionnelle.
Provoquer la compréhension de soi
Cette stratégie d’intervention soulevée par quelques conseillers et conseillères d’orientation interviewés renvoie à saisir la dynamique
subjective de la personne afin de l’aider à posséder une compréhension claire et ajustée d’elle-même et à susciter une mobilisation de sens
qui lui permettra de se reconnaître.
[…] Faque travailler sur l’identité, c’est intervenir là-dedans aussi… […] oui, je pense que c’est l’aboutissement du choix
scolaire, c’est comme une finalité qui n’est pas nécessaire non plus… c’est que tout le processus qui est là-dedans, ma
pensée, qui je suis en amour, comment je gère mes relations interpersonnelles, tout ça, ça l’a un impact dans ma manière de
prendre mes décisions par rapport à mon orientation… Faque dans ma manière d’intervenir, je vais utiliser dans le fond le
contenu de la personne son discours pour mettre en lumière, confronter pour recadrer dans le fond…(c.o.-14)
[…] Tsé, ffff… [soupir] veut, veut pas… je vois beaucoup mon rôle beaucoup comme quelqu’un qui va essayer de permettre
de faire du sens ou permettre à la personne de le voir ce sens-là pour qu’elle le voit elle-même… Dans ce sens, là, je dirais
oui. On travaille souvent sur l’identité. (c.o.-04)
133
Ainsi, les propos de ces deux c.o. illustrent bien qu’il y a un travail effectué dans un objectif d’aider la personne à mieux se comprendre et à
entrevoir une perspective nouvelle et davantage ajustée par rapport à soi. Or, le tableau présenté à la page qui suit permet d’approfondir cette
stratégie préalablement soulevée, par l’entremise d’un thème émergeant et de sa définition opératoire qui y sont dévoilés.
Tableau 14 : Thème émergeant et définition opératoire associée à la stratégie d’intervention sur l’identité constituant de
provoquer la compréhension de soi
Thème émergeant Définition opératoire
Aider l’étudiant à clarifier son identité
Permettre à la personne de reconnaître qui elle est et donc à mieux se connaître
afin qu’elle soit en mesure de se comprendre et de se définir.
Cibler les « nœuds » et les dénouer
Réfère au fait de relever et d’intervenir sur les blocages (tensions, croyances,
distorsions, etc.) afin de provoquer des prises de conscience et d’entrevoir de
nouvelles perspectives de soi et de la situation.
Aider l’étudiant à clarifier son identité
Aider la personne dans la clarification de son identité permet à celle-ci, selon certains c.o interviewés, de reconnaître qui elle est, ce qui a
pour effet une meilleure connaissance et compréhension de soi qui engendrera à son tour la capacité de celle-ci à se définir. Ainsi, selon ces
c.o., certaines personnes ont plus de difficultés que d’autre à discerner leur identité. Le rôle du c.o. revient donc à les aider à clarifier ce qui
compose leur identité et obtenir une meilleure conscience de ce qu’ils sont.
Heee… D’intervenir sur l’identité? Ben, je suis à peu près dans le même genre de réponse que j’ai dit tantôt quand on parlait
de fonctionnement psychologique, je trouve qu’à quelque part ça fait un peu partie de leur identité quand je disais que… ben,
c’est ça, qu’ils sont… Puis des fois, ils se définissent pas si souvent que ça et faut les aider! Faut outiller, faut questionner,
y’en a que ça vient tout seul, puis à queck’part, faut quasiment plus mettre un cadre!...(c.o.-05)
134
[…]… ouais, ou un peu celui qui coordonne toute cette information-là pour essayer d’éclairer l’étudiant… là… Tsé, donner
des… [claquements de doigts] des input… tsé, l’étudiant, des fois, tout ça a servi, mais y’en a juste comme pas pris
conscience, là ! Donc, c’est à partir des entrevues sûrement que ça aide beaucoup…(c.o.-15)
Ainsi, certaines personnes présentent des difficultés à prendre conscience des caractéristiques qui les définissent et donc, le travail
d’intervention des c.o. serait d’aider à éclaircir ce qui les détermine, entre autre à l’aide de questions exploratoires ou alors au moyen de
cette activité de représentation de soi soulevée par le c.o.09.
Des fois, j’utilise même un squelette. La vraie image de squelette sur papier et ils doivent l’habiller concrètement, même aller
découper, dessiner, puis mettre leurs intérêts, leurs aptitudes, leurs valeurs, suite aux résultats de tests. Vraiment, pour qu’ils
présentent ce squelette-là, et que finalement, il ne soit plus un squelette, mais que ça soit eux pas juste physiquement, mais au
niveau de leur personnalité, qu’ils soient capables de me décrire qui ils sont. (c.o.9)
Toujours dans une optique de clarifier l’identité, les c.o. suivants font référence spécifiquement au travail sur la connaissance de soi comme
étant une intervention sur l’identité.
Alors ça réfère à clarifier son identité personnelle. Le jeune qui nous arrive, y ne connaît pas beaucoup de choses de lui.
Certains ne connaissent pas beaucoup, alors c’est de clarifier qu’est-ce qu’il aime, qu’est-ce qu’il est capable de faire… dans
la vie, qu’est-ce qui compte, qu’est-ce qu’y ait prêt à faire aussi pour arriver à ses choix ? Ça réfère à ça… [léger rire] (c.o.-
10)
Ça aussi, je pense, ça fait partie beaucoup de notre travail, en tout cas, du mien certainement… Mais, c’est ça, du travail des
conseillers d’orientation… On est là pour les aider à mieux se connaître, à savoir un peu qui ils sont et tout ça… […] (c.o.-07)
[…] Faque, quand je dis que je fais un gros travail sur la connaissance de soi, c’est l’identité de la personne! […] (c.o.-09)
[…] Ben, y’a avec nous, je pense que c’est au niveau de ceux qui se connaissent moins bien qu’on peut les épauler…[…]
(c.o.-15)
135
De la sorte, aider les jeunes dans la clarification de ce qu’ils sont est une intervention utilisée par certains conseillers et conseillères
d’orientation afin de leur permettre d’obtenir une meilleure compréhension de leur identité et ainsi d’être davantage en mesure de se définir
au plan identitaire en termes de caractéristiques individuelles.
Cibler les « nœuds » et les dénouer
Cette stratégie d’intervention sur l’identité de la personne réfère pour certains c.o., au fait de relever et d’intervenir sur les blocages
(tensions, croyances irrationnelles, distorsions, etc.) afin de provoquer des prises de conscience et ainsi d’entrevoir des perspectives
nouvelles de soi et de la situation.
Le c.o.01 semble affirmer qu’intervenir sur l’identité réfère à confronter la personne afin qu’elle ait une meilleure conscience de ce qu’elle
est et ainsi qu’elle fasse des choix qui soient davantage réalistes. Ceci peut alors créer certaines tensions dû au fait que la personne avait une
image d’elle-même qui ne s’avère pas tout à fait ajustée.
C’est ça… Donc, intervenir sur l’identité, c’est ça… C’est d’essayer de comprendre la dynamique pour voir qu’est-ce qui est
le plus prenant entre ce que je voudrais dans un monde absolu et ce que je suis capable de faire au moment où je rencontre la
personne. Donc, c’est toute cette tension-là qui m’aide d’une certaine façon à refléter ou à émettre certaines hypothèses pour
que la personne, ultimement, aie une meilleure conscience de son fonctionnement, tsé. […] C’est comme ça que je vais
essayer de valider, de voir hem… Les tensions… entre ce que… j’allais dire «l’idéal du moi» et ce qu’y sont, leur aspiration
professionnelle et ce qu’y sont, et c’est où que ça l’achoppe, du point de vue des attitudes des professionnelles, est-ce que ça
l’achoppe d’un point de vue des valeurs, des traits de personnalité. Donc, c’est un peu ça que j’essaie de voir là-dedans, de
voir comment la personne pourrait. Justement, qu’est-ce qu’elle a comme aptitudes qui peuvent l’aider à avancer là-dedans
malgré les limites qu’elle a. C’t’un peu ça. (c.o.-01)
136
Pour sa part, le c.o.05 aborde dans le même sens, mais fait toutefois davantage référence au fait de soulever les croyances irrationnelles de la
personne afin que ses choix ne soient pas fondés sur celles-ci ou encore teintés par celles-ci. Il ajoute à cela le fait d’aider le client à changer
sa perception qu’il a de lui-même ou d’une situation pour qu’elle soit davantage ajustée à la réalité. De plus, le c.o.05 affirme qu’un
problème d’orientation peut cacher un problème sous-jacent qu’il est important de discerner.
[…] Mais heee, puis, ben, des fois aussi, dans certains cas, tsé, je questionne des croyances. Tsé, je trouve que ça fait partie
d’intervenir sur l’identité que ce soit des croyances relatives au salaire, que ce soit des croyances relatives à l’estime de soi, là
y’en une actuellement qui se questionne beaucoup sur ses choix, puis finalement, on se rend compte qu’elle ne s’aime pas,
qu’elle se trouve grosse, que ci, que ça…[…] comment la personne fonctionne? C’est quoi ses croyances, c’est quoi… Puis
sur quoi ça se bâtit tout ça? He, j’ai une étudiante que je suis actuellement qui, elle, sa mère est décédée y’a deux ans du
cancer, puis je me rends compte que c’est relié à peu près à tout ce qu’à pense, puis à ce vers quoi elle veut s’en aller. Puis,
d’essayer de lui refléter ça […] (c.o.05)
Enfin, le c.o.06 soulève qu’il est du travail du spécialiste de l’orientation d’explorer les choix passés qui se sont avérés des échecs afin
d’amener celle-ci à comprendre pourquoi des situations semblables se reproduisent et ainsi d’éviter de pareils scénarios dans le futur.
[…] faire réfléchir l’étudiant, qu’il en vienne même à prendre une décision… puis à identifier en fait, en cours de route, ça se
situe pas à la fin, ça se situe entre le test ou après le test, de toute une clarification par rapport à ses choix antérieurs… tsé que
ça dépasse le « prendre en note », que ses choix antérieurs y’ont pas fonctionné… qu’est-ce qui sont… Puis là, on essaie de
les mettre en lien pour dénouer des choses, là, tsé… C’est sûr que si la personne a toujours le même pattern de
fonctionnement et ça semble pas fonctionner justement, on va essayer de briser ça et d’aller plus loin sans faire
« d’intervention »… C’est parce que… j’essaie de… C’est sûr qu’y’a des psychologues ici qui font la thérapie, mais sans
faire de la thérapie, on va essayer de dénouer ça… aller voir, mais pourquoi la personne fait toujours des choix qui
correspondent pas à elle… ou qui correspondent pas à… ou qui font toujours en sorte qu’en cours de route, elle abandonne
après la session, ou quoi que ce soi…[…] (c.o.-06)
Il est aussi à noter que le c.o.06 fait référence à la thérapie, comme quoi il peut être du ressort des psychologues d’intervenir sur l’identité.
D’ailleurs, il ajoute aussi ces propos au cours de l’interview :
137
On travaille sur l’identité, c’est sûr que dans un contexte de… c’est un peu différent quand en pratique privée… Tsé, c’est sûr
que dans un contexte collégial, où on peut pas nécessairement s’attarder sur… heee… On fait des processus plus long comme
je disais, beaucoup plus long qu’auparavant, mais on ne peut pas faire la thérapie… Oui, on fait… l’ident… toutes les choses
reliées… Ben, tsé, l’ident… on le fait, là… Mais moi, je… j’aimerais encore plus le faire… Mais, y’a quelque chose de
contextuel qui est pas si évident que ça non plus quand on travaille en milieu scolaire… (c.o.06)
Ainsi, d’après ce conseiller d’orientation, intervenir sur l’identité peut parfois faire référence à « faire de la thérapie », affirmant du fait
même que le contexte dans lequel il travaille ne lui permet pas d’entrer dans cette zone d’intervention. En somme, provoquer la
compréhension du soi entre autre en relevant et intervenant sur les différents blocages qu’une personne possède permet ainsi au client
d’effectuer des prises de conscience, d’entrevoir sa situation et qui il est de façon réaliste et ajustée. De ce fait, il s’agit selon ces spécialistes
de l’orientation, d’une intervention sur l’identité de la personne.
À la lumière des stratégies qui ont été soulevées ci-haut, force est de constater que les c.o. comparent souvent le fait d’intervenir sur
l’identité de la personne à explorer qui elle est, à travailler la connaissance de soi de celle-ci et à l’aider à mieux se définir en clarifiant qui
elle est. De plus, malgré que plusieurs affirment intervenir sur l’identité du client, une constatation peut toutefois être faite à l’égard des
interventions qui semblent parfois plutôt indirectes : mise en place de l’approche orientante, employer la représentation de soi renvoyée par
l’entourage et encourager le vécu d’expériences. En effet, ces stratégies pourraient davantage ressembler à la mise en place de dispositions
qui permettraient à la personne de développer son identité par la suite. Toutefois, la stratégie d’intervention sur l’identité abordée par
quelques c.o. étant de provoquer la compréhension de soi semble être une façon d’intervenir directement sur l’identité de la personne,
puisque des changements au sein de l’organisation cognitive de celle-ci semblent être provoqués. Enfin, il est possible de remarquer que
lorsque certains professionnels de l’orientation font référence à intervenir sur l’identité, ils semblent à la fois faire référence à intervenir sur
la personnalité de la personne et sur son concept de soi. Ainsi, ces concepts semblent bien souvent être associés et donc intervenir sur
l’identité renvoie à intervenir sur la personnalité et le soi du jeune.
138
***
Essentiellement, les thèmes qui ont jaillis de l’analyse du verbatim des entretiens représentent, en premier lieu, la façon dont les conseillers
et conseillères d’orientation interviewés abordent et circonscrivent le concept d’identité d’abord en termes de conception personnelle où
plusieurs définitions distinctes ont été proposées, dénotant différentes façons de percevoir et de comprendre ce qu’est l’identité. Ensuite, la
notion d’identité a été circonscrite en termes d’obstacles à l’orientation d’adultes « émergents » ayant comme sous-thèmes des clientèles en
mal d’identité construite, la faible connaissance de soi, les pratiques passées d’activités exploratoires limitées et l’absence de réflexivité et
d’introspection liée à l’expérience vécue. Ces réalités associées aux collégiennes et collégiens en quête d’identité sont perçues par les
spécialistes de l’orientation comme pouvant être sous-jacentes et souvent explicatives des problèmes d’orientation de ces jeunes tels que
l’indécision vocationnelle par exemple.
De plus, ces c.o. ont abordé l’identité en termes de découverte de soi au collégial considérant que le cégep est une période de vie et un lieu
propice à l’exploration et à la consolidation de soi, puisqu’il offre d’abord la possibilité de s’engager dans diverses activités permettant aux
jeunes de découvrir des faces cachées d’eux-mêmes. Aussi, le passage au collégial est souvent associé au vécu d’expériences nouvelles
telles qu’un premier emploi étudiant. D’ailleurs, l’entrée au cégep engendre généralement un changement dans les relations sociales (pairs,
amis, enseignants, etc.) qui peut favoriser la découverte de soi, ce pourquoi le concept de l’identité est aussi abordé par les c.o. en termes de
reflet de soi à travers les relations sociales des cégépiennes et des cégépiens. En effet, force est de constater d’après ces c.o. que l’entourage
des jeunes a une influence sur ce qu’ils sont puisqu’il leur reflète constamment une image d’eux-mêmes.
En second lieu, l’analyse du verbatim des entretiens a permis de soulever des thèmes et sous-thèmes qui représentent pour leur part,
différentes stratégies employées par les conseillers et conseillères d’orientation interviewés au regard de l’intervention sur l’identité de la
personne. Une première stratégie soulevée par certain c.o. est le fait d’accompagner le client dans l’exploration de soi à travers ses
139
différentes dimensions (ressources personnelles, fonctionnement psychologique, conditions du milieu) afin de susciter une réflexion
personnelle sur soi et sur sa situation. Ensuite, les spécialistes de l’orientation font mention d’une stratégie d’intervention qui est de soutenir
le développement identitaire par différents moyens qui ont émanés des propos des c.o., soit le fait d’encourager le vécu d’expériences
nouvelles en incitant le jeune à s’engager dans diverses activités (socioculturelle, professionnelle…) et à s’observer en action afin
d’apprendre sur soi. De plus, d’autres moyens ont été nommés, soit le fait d’employer la représentation de soi renvoyée par l’entourage
permettant au jeune de prendre position par rapport à une image qui lui est renvoyée par les autres. A également été soulevé par les c.o. le
fait de favoriser la mise en place de l’approche orientante, afin de permettre aux étudiantes et étudiants d’évoluer au sein d’un milieu où la
responsabilité de l’orientation est partagée.
Un dernier moyen dégagé, celui d’accompagner la personne dans le processus de choix en accord à soi, permet selon les c.o. d’intervenir sur
l’identité du client en l’aidant à mieux définir de ce qu’il est afin qu’il soit capable de transposer son identité personnelle en identité
professionnelle et donc arriver à un choix de carrière qui soit ajusté. Enfin, les professionnels de l’orientation ont fait émaner de leur
discours un troisième et dernier thème mettant en lumière cette stratégie étant de provoquer la compréhension de soi d’abord en aidant le
client à clarifier son identité pour qu’il ait une meilleure connaissance de qui il est comme individu et ensuite en ciblant les « nœuds »
observés chez celui-ci afin de les dénouer, ce qui lui permet de prendre conscience de certaines subjectivités qui l’habitent, de leur octroyer
un sens, de les comprendre, tout cela dans un objectif d’aider le client à se percevoir et/ou percevoir une situation de façon ajustée à la
réalité.
À la lumière de tous ces thèmes et sous-thèmes, force est de constater que l’identité fait partie du langage commun des conseillers et
conseillères d’orientation interviewés. Ce concept semble toutefois employé à tort et à travers, c'est-à-dire sans trop de distinction précise
par rapport à d’autres concepts telle que la personnalité, la connaissance de soi, le soi, etc. De ce fait, tous affirment intervenir sur l’identité
de la personne au sein de leur pratique d’orientation, alors qu’il est possible de se questionner à savoir à quel point interviennent-ils
140
particulièrement et directement sur ce concept ? En effet, il appert que ce qu’ils considèrent comme une intervention sur l’identité semble
parfois référer davantage à une intervention sur ce qu’ils conçoivent être l’identité, tels que les intérêts et les aptitudes du client par exemple.
Enfin, certaines stratégies soulevées semblent plutôt être associées à des interventions indirectes sur l’identité, c'est-à-dire que les c.o.
mettraient en place certaines dispositions qui pourraient engendrer par la suite un impact sur l’identité, telle que la mise en place de
l’approche orientante au sein du milieu collégial par exemple.
DISCUSSION
Dans un premier temps, les professionnels de l’orientation interrogés ont abordé le concept d’identité ou y ont fait référence de différentes
manières, illustrant la façon qu’ils ont de circonscrire cette notion au sein de leurs propos. En effet, il a été possible de dégager de leur
discours, différents thèmes et sous-thèmes dénotant la façon dont ces conseillers et conseillères d’orientation parlent de l’identité lorsqu’ils
le font. Ainsi, les thèmes principaux qui ont été soulevés sont la conception personnelle de l’identité, les obstacles à l’orientation d’adultes «
émergeants », la découverte de soi au collégial et le reflet de soi à travers les relations sociales. Dans un deuxième temps, trois stratégies et
sept sous-stratégies considérées comme étant des interventions sur l’identité utilisées au sein de leurs pratiques ont été dégagées. Les trois
thèmes principaux sont les suivants : Accompagner l’exploration du soi, soutenir le développement identitaire et provoquer la
compréhension de soi. Dans un objectif de continuité et de fluidité, seront discutés l’ensemble des thèmes et sous-thèmes simultanément.
D’abord, quelques c.o. ont partagé leur propre perception de ce qu’est l’identité à travers une définition personnelle de ce concept. Force a
été de constater qu’il n’y a pas qu’une façon de définir ce concept chez ces c.o., mais bien une multitude et que d’ailleurs, ces définitions ne
sont pas toujours claires et exhaustives. Ainsi, un parallèle peut être fait par rapport à la communauté scientifique qui démontre elle aussi
une certaine difficulté à s’entendre quant à la définition de ce concept complexe. Tout comme ces auteurs qui ont défini le concept
d’identité, soit Tap (1979, 2009), Erikson (1950, 1968, 1972), Grotevant et Cooper (1986), Mucchielli (1986), Dubar (1991, 1998, 2000),
141
les c.o. interviewés ont offerts des définitions différentes les unes les autres. Qui plus est, la notion d’identité définie par les théoriciens n’est
pas aisée à s’approprier, ce qui peut avoir un impact sur la compréhension des professionnels qui travaillent avec celle-ci. D’ailleurs, il est
important de soulever que pour certains c.o., l’identité est associée au concept de soi et à la personnalité comme s’ils étaient des synonymes,
ce qui n’est pas complètement faux, puisque ce sont des concepts très rapprochés, parfois imbriqués les uns aux autres. De plus, la plupart
des définitions proposées par les c.o. semblent faire davantage références à l’identité dite objective soulevée par Marc (2009) et qui a trait à
la nature perceptible de l’identité, c'est-à-dire les traits de personnalité, les traits de caractères et les attitudes qu’une personne possède.
D’ailleurs, tel que Bégin, Bleau et Landry (2000) le soulignent, l’identité peut être comprise comme une structure ou comme un contenu.
Or, la grande majorité des théoriciens qui se sont intéressés au développement de l’identité et qui ont été soulevés au chapitre 2 présentent
l’identité sous formes de structure identitaire et de sentiments internes d’identité au sens de Mucchielli (1986) alors que plusieurs c.o.
interrogés la perçoivent davantage comme un contenu (traits de personnalité, intérêts, valeurs, etc.). Autrement, deux c.o. font mention de
l’identité en termes de structure; un se rapporte à la définition de l’identité d’Erikson, l’autre soulève l’idée d’une « structure molle » faisant
référence à l’identité insuffisamment développée. Ensuite, selon les conseillers et conseillères d’orientation interviewés, un constat semble
faire quasi l’unanimité : les cégépiennes et les cégépiens sont aux prises avec certaines réalités et obstacles qui expliquent les
problématiques d’orientation vécues. Or, ces réalités sont les suivantes : lacunes au plan du développement identitaire (identité floue,
structure molle, identité mal définie, construction de l’identité non terminée, immaturité vocationnelle, etc.), une faible connaissance de soi
et un bagage d’expériences limité. Ce constat est aussi affirmé par le CSÉ (2002) et le CPJ (1992) qui distinguent les différents obstacles
possibles à l’orientation survenant à cette période de la vie des jeunes. En effet, ils relèvent que plusieurs jeunes arrivent aux cégeps
présentant une identité personnelle, une connaissance de soi et un curriculum d’expériences qui ne leur ont pas permis d’arrêter un choix
juste et éclairé et qui sont alors contraints, rendus au cégep, par des difficultés d’orientation pouvant engendrer le décrochage ou des
changements de programme de formation. Finalement, les c.o. ont reconnu chez certains étudiants cet obstacle non recensé par la littérature
précédemment abordée et qui concerne une absence de réflexivité et d’introspection liée à l’expérience vécue. En effet, certains c.o. ont
constaté que, parmi les étudiants qui ont vécu un nombre plus ou moins grand d’expériences de toutes sortes, plusieurs n’effectuent pas
142
systématiquement un retour personnel et réflexif qui leur permettrait une meilleure prise de conscience sur soi par une réorganisation de la
structure cognitive (le noyau identitaire individuelle) au regard de Mucchielli (1986) ou une activité catégorielle du système cognitif au
regard de Bégin et Ross (2007). Or, l’expérimentation en soi a un impact sur la construction identitaire comme il en a déjà été question et il
en sera à nouveau question subséquemment. Toutefois, il est préférable comme l’ont suggéré Bégin, Bleau et Landry (2000), que
l’expérimentation soit à la fois accompagnée d’un adulte qui saura intervenir dans un objectif de favoriser des prises de conscience en lien
avec ses attitudes et comportements en action par exemple. Toujours dans un objectif de circonscrire le concept d’identité, plusieurs c.o.
considèrent que le milieu collégial est propice à la poursuite de la découverte de soi. En effet, ils sont d’avis que le passage au cégep permet
aux jeunes de distinguer davantage qui ils sont entre autre grâce aux nouvelles rencontres qu’ils y font et à la participation aux diverses
activités auxquelles ils peuvent prendre part (activités parascolaires, socioculturelles, sportives, etc.). D’ailleurs, certains jeunes n’ayant
jamais travaillé jusqu’à ce jour, obtiennent leur premier emploi ou effectuent des stages, ce qui ajoute au bagage d’expériences. Ainsi, à la
sortie du collégial, les c.o. remarquent une meilleure connaissance de soi et une plus grande maturité. Cela corrobore effectivement avec ce
que mentionnent le CSÉ (2002), le CPJ (1992), le MELS (2010), Boucher (2002), Fédération des cégeps (2012), Pascarella et Terenzini
(cités par le CSÉ, 2008) et Roy (2011). Tel que soulevé ci-haut, les c.o. interviewés reconnaissent le vécu limité d’expériences de plusieurs
étudiants à leur arrivée au collégial. Ainsi, ils constatent les effets bénéfiques sur l’identité d’expérimenter de nouvelles activités dans cette
période de quête de soi. Le cégep étant un milieu tout à propos pour ajouter des morceaux à son baluchon d’expériences de vie, plusieurs
conseillers et conseillères d’orientation ont mentionné encourager le vécu d’expériences nouvelles chez leurs clients, telles que la pratique
d’une activité sportive, prendre part à un évènement comme cégep en spectacle, se trouver un emploi d’été, effectuer du bénévolat, etc. Or,
il s’agit d’une intervention sur l’identité ayant pour objectif de soutenir le développement identitaire. D’ailleurs, un des c.o. interrogés a
mentionné faire un arrêt temporaire à la démarche d’orientation lorsqu’il se rend compte que les jeunes qui le consultent détiennent peu
d’expériences, en les encourageant à s’impliquer dans différentes activités. D’après ce c.o., cela leur permettra d’acquérir davantage
d’information sur eux-mêmes avant la poursuite du processus vers un choix de carrière. Plusieurs auteurs soulevés au cours de ce présent
essai soulèvent d’ailleurs la nécessité et les conséquences positives de l’expérimentation sur la construction de l’identité, soit Marcia (cité
143
dans Cohen-Scali et Guichard, 2008; Barbot, 2008; Gohier, Anadón et Chevrier, 2008; Dumora et Bariaud, 2006; Kunnen et Bosma, 2006),
Grotevant (cité dans Cohen-Scali et Guichard, 2008; Kunnen et Bosma, 2006; Barbot, 2008), Luyck et ses collègues (cité dans Cohen-Scali
et Guichard, 2008), Waterman (cité dans Cohen-Scali et Guichard, 2008), Breakwell; Bégin (1990, 1998, 2001; cité dans Ross et Bégin,
2007; Bégin, Bleau et Landry, 2000) Plusieurs ont aussi fait mention d’une pression que doit subir la personne pour que les changements et
donc le développement de son identité survienne. Bégin (2001) parle de pression psychologique, Erikson (1968) fait mention de crises
psychosociales, Breakwell (cité dans Kunnen et Bosma, 2006; Dumora et Bariaud, 2006) l’exprime sous forme de conflits provoquant des
émotions, alors que certains c.o. font plutôt mention de prise de risques, de sortir d’une zone de confort et d’oser, terminologies différentes
ayant un sens bien semblable à celles des théoriciens. Dans un même ordre d’idées, lorsque les c.o. circonscrivent l’identité, ils font souvent
mention du reflet de soi à travers les relations sociales significatives (parents, amis, pairs, professeurs, etc.), celui-ci permettant à la
personne d’obtenir un regard sur soi et donc engendre un impact sur son identité. C’est d’ailleurs pourquoi une des stratégies d’intervention
sur l’identité que plusieurs c.o. interviewés utilisent au sein de leurs pratiques et qui permet de soutenir le développement identitaire du
client est d’employer la représentation de soi renvoyée par l’entourage. Ainsi, certains c.o. explorent chez leurs clients la façon dont ils se
sentent perçus par les autres et comment ils se différencient des autres. De plus, certains les encouragent à aller chercher intentionnellement
cette perception entre autre auprès de leurs parents qui habituellement les connaissent assez bien. Ils obtiennent ainsi des indices de ce qu’ils
sont. Force est donc de constater que les c.o. sont d’avis qu’il est important que les jeunes prennent conscience des reflets de soi renvoyés
par leur entourage, puisqu’il s’agit là d’une stratégie bénéfique au développement identitaire et donc au développement vocationnel. Bref, la
plupart des c.o. interviewés ont reconnu le rôle et l’importance de l’environnement social des étudiants et l’impact qu’il a sur l’identité. À la
lumière des théories sur l’identité et des modèles du développement de l’identité soulevés précédemment, tous les auteurs s’entendent pour
dire que l’identité se construit à travers les relations et les interactions du sujet avec l’autre, à travers les références aux autres dans
différents contextes, soit Artaud (1985), Bégin (1990, 1998 et cité dans Ross et Bégin, 2007 ; Bégin , Bleau et Landry, 2000), Marc (2009) ;
Samson, 2001 ; Marcia (cité dans Cohen-Scali et Guichard, 2008 ; Barbot, 2008 ; Dumora et Bariaud, 2006 ; Gohier, Anadón et Chevrier,
2008 ; Kunnen et Bosma, 2006), Erikson (1968, 1972 et cité dans Cohen-Scali et Guichard, 2008), Grotevant (cité dans Cohen-Scali et
144
Guichard, 2008 ; Kunnen et Bosma, 2006 ; Lannegrand-Willems, 2008 et Barbot, 2008), Luyck et ses collègues (cités dans Cohen-Scali et
Guichard, 2008), Waterman (cité dans Cohen-Scali et Guichard, 2008), Breakwell (cité dans Kunnen et Bosma, 2006 et Dumora et Bariaud,
2006), Dubar (1998 et cité dans Dumora et al., 2008 ; Laing, 1971 ; Doray, 1992) D’après les professionnels de l’orientation interrogés, un
autre moyen employé afin d’intervenir sur l’identité est d’accompagner le client dans l’exploration de soi et donc de ses différentes
dimensions, telles que ses ressources personnelles, son fonctionnement psychologique et les conditions de son milieu. Ainsi, lorsque ces c.o.
explorent qui sont leurs clients en termes d’intérêts, d’aptitudes, de forces, de faiblesses, d’émotions, etc., ils travaillent plutôt avec le
contenu de l’identité du client. Cette étape de la démarche d’orientation est essentielle puisqu’elle permet d’évaluer la situation de la
personne et d’obtenir son portrait global dans un but d’intervention ultérieure adaptée. Quelques c.o. ont affirmé que lorsque leurs clients ne
se connaissent pas beaucoup et présentent une difficulté à parler d’eux-mêmes, ils leur administrent un test nommé le GROP pour aider
l’exploration. Or, il est possible de se questionner à savoir en quoi accompagner l’exploration de soi est une intervention sur l’identité. Force
est de constater qu’il s’agit là d’explorer dans le but d’évaluer le contenu de l’identité. En effet, dans sa définition du champ d’exercice des
conseillers et conseillères d’orientation, l’OCCOQ (2012) sépare ces deux fonctions : « L’exercice de l’orientation consiste à évaluer
le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu, à intervenir sur l’identité…» Toutefois, si le
counseling employé lors de cette exploration permet une production de sens chez le client par exemple par des prises de conscience qui
pourraient provoquer des modifications au plan identitaire, alors il pourra bel et bien s’agir d’intervention sur l’identité. Or, l’exploration
des ressources personnelles, du fonctionnement psychologique et des conditions du milieu de la personne sont des étapes préalables et
essentielles à l’intervention sur l’identité puisqu’elles permettent d’obtenir de précieuses informations (par ses expériences passées, son
soutien, l’expression de soi, la connaissance de soi, l’évaluation de sa personnalité, etc.) qui pourront aider le c.o. à évaluer l’identité de son
client. De plus, dans sa conception de l’identité, Dubar (cité par Dumora et al., 2008) préconise de laisser le client se raconter sous formes
de récits de soi puisque d’après lui, une simple introspection de l’individu sur ses caractéristiques personnelles ne suffit pas en contexte
d’entretien de conseil tel qu’en orientation. Or, trois c.o. ont rapporté de manière plus ou moins directe, qu’ils emploient au sein de leur
pratique cette stratégie d’intervention qu’est le récit de soi qui octroie à la fois de l’information précieuse au conseiller par rapport à
145
comment il se construit sa propre réalité et qui permet au client d’explorer son passé et son présent de manière à leur attribuer un sens.
Chose surprenante, aucun c.o. n’a mentionné employer au sein de sa pratique actuelle, l’Épreuve Groupement de Bégin, explicitée
précédemment et ayant entre autre pour objectif d’établir un diagnostic servant « à identifier les mécanismes ou les lacunes structurales » de
l’identité de la personne. (http://irfcpo.org/home/) Or, il s’agit d’un outil intéressant afin de diagnostiquer différentes difficultés identitaires
présentes chez certains étudiants et qui nécessitent des interventions ciblées, telles que l’indécision vocationnelle ou le manque de confiance
en soi par exemple. Celui-ci permet aussi de distinguer où en est rendu le développement en termes d’organisation et de complexité au
regard de la théorie psychogénétique de l’identité de Bégin. (Bégin, 1990 ; cité dans Bégin et Ross, 2007) Les c.o. interviewés
reconnaissent que les jeunes présentent une identité qui n’est pas suffisamment développée, mais n’utilisent pas cet instrument qui
permettrait certainement de révéler des aspects importants afin d’intervenir en fonction de ceux-ci, interventions qui s’avèreraient sûrement
davantage précises par rapport à l’identité propre de la personne. Or, il est important de supposer que ce n’est pas parce que cet instrument
n’a pas été nommé par les c.o. lors de l’entretien qu’il n’est jamais utilisé. Or, un seul c.o. a invoqué avoir employé cet instrument dans le
passé, mais ne plus l’utiliser aujourd’hui, puisqu’il ne s’avère selon lui pas utile dans son contexte actuel. Il aurait été pertinent de savoir
pourquoi il ne s’avère pas approprié puisqu’à prime abord, tout laisse croire qu’il s’agirait d’un outil tout à fait adéquat à employer avec des
étudiants en quête de soi. En effet, dans un dossier publié dans le Magazine Jobboom, Bérubé a mentionné ceci :
Luc Bégin a fait subir une épreuve d’équilibre identitaire à des jeunes qui se préparaient à entrer au cégep. […] En analysant
les données, lui et son équipe ont essayé de déterminer quels élèves allaient changer de programme dans les huit mois qui
suivaient. Résultat : 83 % des élèves identifiés comme étant susceptibles de changer de programme l’ont fait […] ‘Le test
identitaire ne ment pas….’» (http://carriere.jobboom.com/marche-travail/dossiers-chauds/2006/10/17/2051519.html)
Selon les conseillers et conseillères d’orientation interviewés, une autre stratégie mentionnée et utilisée afin d’intervenir sur l’identité est de
soutenir le développement identitaire en favorisant la mise en place de l’approche orientante au sein des établissements dans lesquels ils
travaillent. En effet, certains c.o. ont affirmé reconnaître l’importance de faire en sorte que les étudiantes et les étudiants évoluent dans un
146
environnement orientant au quotidien. En effet, ils sont d’avis que l’orientation n’est pas que de leur ressort, mais celui de tous,
particulièrement des enseignants, qui sont souvent proches de leurs étudiants et sont couramment perçus comme des modèles pour l’identité.
Ainsi, les professionnels de l’orientation responsables de l’approche orientante travaillent en collaboration majoritairement avec les
professeurs afin de les sensibiliser et de les outiller dans un objectif qu’ils adoptent une pédagogie à la fois éducative et formative. De plus,
certains c.o. admettent avoir mis sur pied différentes activités dites orientantes permettant aux étudiants qui y participent d’obtenir un regard
nouveau sur soi. Cela corrobore effectivement avec ces auteurs ou organisations qui se sont intéressés à l’approche orientante et qui ont été
soulevés précédemment, soit Bégin, Bleau et Landry (2000), Bégin (2001) ainsi que le CSÉ (2002). Or, il serait intéressant de savoir
qu’elles sont les actions réellement entreprises par les professeurs au sein de leur pédagogie à la suite de cette sensibilisation par les c.o.,
puisque pour qu’il y ait intervention sur l’identité, il faut à la fois présence de réalisations concrètes de la part de ces derniers. Ainsi, les c.o.
sont responsables de transmettre des connaissances et des outils à leurs collègues enseignants, mais s’ils ne sont pas intégrés en classe, il n’y
a pas d’intervention sur l’identité des jeunes qui soit possible. Il serait aussi pertinent d’obtenir davantage d’information sur le
fonctionnement des activités dites orientantes mises en place par certains c.o. interrogés comme le speed dating professionnel, le mentorat,
etc. Tel que mentionné par Bégin, Bleau et Landry (2000), pour favoriser un impact constructif sur l’identité, une activité devrait être
encadrée par un adulte qui interviendra de façon à permettre une réflexion et à engendrer une ou plusieurs prises de conscience chez les
jeunes qui y participent. Qui plus est, comme certains c.o. interviewés ont reconnu que les jeunes présentent souvent une absence de
réflexivité et d’introspection liée à l’expérience vécue, il est d’autant plus important d’accompagner ces jeunes lorsqu’ils participent à ce
type d’activités, afin qu’il y ait bel et bien un impact sur leur identité personnelle et professionnelle. Toutefois, ces jeunes étant en quête
d’autonomie qui caractérise entre autre le passage de l’adolescence à l’âge adulte, il serait peut-être difficile d’octroyer chez ces derniers un
tel encadrement. Dans un même ordre d’idées, plusieurs c.o. interrogés ont affirmé qu’une façon qu’ils ont d’intervenir sur l’identité de
leurs clients est de les accompagner dans le processus de choix en accord à soi. En d’autres mots, cela revient à dire qu’ils les aident à
obtenir une meilleure connaissance de ce qu’ils sont afin qu’ils soient en mesure de transposer cette identité personnelle en identité
professionnelle. Il s’agit donc d’accompagner le développement vocationnel de la personne qui s’est avéré incomplet à son arrivée au cégep.
147
Ainsi, pour qu’une profession ou un domaine de formation fasse du sens pour le client, celui-ci doit avoir construit une structure identitaire
qui lui permettra de se reconnaître au gré du temps dans une identité professionnelle qui sera juste par rapport à son identité personnelle. Or,
ce qui importe de retenir, c’est que cela ne garantit point que la personne qui fera un choix par transposition de son identité en termes
vocationnels ne changera jamais de carrière dans sa vie, entre autre puisque l’identité n’est jamais complètement achevée. Par contre, ce
processus améliorera ses capacités à effectuer des choix qui lui ressemblent dans ce marché du travail aux réalités plutôt difficiles (précarité
d’emploi, remplacements/contrats à courts termes, emplois sur appel, etc., performance, etc.). (Boucher, 2002b; CPJ, 1992) Comme la
majorité des jeunes auront un parcours professionnel non-linéaire, ils devront apprendre à faire des choix personnels et professionnels
éclairés tout au long de leur vie et c’est entre autre le rôle du conseiller d’orientation d’amener les jeunes à développer et maintenir des
stratégies actives d’adaptation qui leur permettront d’effectuer ces choix en accord à soi tout au long de leur carrière et même après leur
retraite. (OCCOQ, 2012) Certains c.o. interrogés ont fait mention de cette intervention sur l’identité qu’est de provoquer la compréhension
claire et ajustée de soi en aidant le client à clarifier son identité et en ciblant les « nœuds » présents chez celui-ci dans un objectif de les
dénouer. Tout d’abord, plusieurs c.o. reconnaissent que les jeunes démontrent une identité mal définie, par exemple parce qu’ils ont un
bagage limité d’expériences de vie, tel que soulevé précédemment. Or, pour pouvoir clarifier l’identité d’une personne, il est préalablement
nécessaire qu’elle ait eu la chance de la construire suffisamment. Sinon, tel que le soulève Bégin (2000), cela revient à dire « [qu’] on fait
comme si tout le monde avait un ‘soi’ ou une identité qu’il suffirait de découvrir [ou de clarifier] pour que ça marche. » (p.209) Ainsi, aider
la personne à clarifier son identité est effectivement une intervention sur l’identité, mais n’est pas l’intervention unique et idéale chez ceux
et celles qui n’ont pas une identité assez solide. Qui plus est, lorsque la personne présente une identité suffisamment structurée, clarifier son
contenu s’avère une intervention qui lui permettra d’obtenir une meilleure connaissance et compréhension d’elle-même dans un objectif de
mobiliser ses ressources vers un objectif professionnel stable et cohérent. Selon Bégin, « la clarification de l’identité […] amène à la
conscience quelques éléments de l’identité, quelques caractéristiques personnelles, la plus grande partie demeurant plutôt non consciente,
mais « agissante » en ce sens qu’elle guide les choix des individus en leur fournissant une direction et un sens. » (http://irfcpo.org/home/)
148
Toujours dans une visée de provoquer la compréhension de soi, certains c.o. ont reconnu qu’aider la personne en ciblant les « nœuds » qui
l’habitent dans un objectif de les dénouer est un moyen employé afin d’intervenir sur l’identité. Force est de constater que les interventions
pouvant permettre un changement dans les schèmes de pensée de la personne par rapport à un élément jusqu’alors fondamentalement ancré
(croyance irrationnelle, faible estime de soi, généralisations, distorsions cognitives, etc.) et pouvant être perçu comme un « nœud » qui
engendre certains blocages touchent effectivement l’identité de celle-ci. Par exemple, d’après des propos de Limoges repris par Laplante
(2004), les différents médias peuvent avoir un impact sur les jeunes et leur développement et peuvent donner l’illusion d’une réalité qui
n’est pourtant pas réelle. Il est donc primordial pour les c.o. d’intervenir sur l’identité du client de façon à ce que celui-ci n’effectue pas un
choix qui soit teinté par ces « nœuds ». En guise d’exemple, un jeune pourra vouloir s’engager dans un programme de formation en
techniques policières, convaincu qu’il pourra exercer les tâches qu’accomplissent les acteurs de CSI (Crime, Scene, Investigation), série
télévisée où des enquêtes policières sont effectuées sur des scènes de crime ainsi que dans des laboratoires scientifiques de New York et Las
Vegas. Or, ces émissions sont loin de représenter la juste réalité d’un enquêteur moyen travaillant au sein des services de police du Québec.
Il s’agit donc de démystifier avec le client les écarts entre la fiction et la réalité. Un second exemple pourrait être d’intervenir sur l’identité
d’une personne en fonction de l’amener à changer la perception négative envers sa capacité de réussite qu’elle entretient conséquemment à
des parents qui lui ont toujours fait sentir qu’elle n’était pas assez performante. Ainsi, alors qu’elle obtient des résultats qui s’avèrent
souvent meilleurs que la moyenne générale de la classe, celle-ci pourra croire dur comme fer qu’elle ne possède pas les capacités pour
réussir à l’université, alors que ce n’est pas le cas. Il s’agit donc de l’aider à obtenir une perception de soi juste et représentative de la réalité.
Or, tant et aussi longtemps que ces blocages n’auront été travaillés dans un objectif de les réduire ou de les éliminer, le processus
d’orientation ne pourra être totalement efficient, car il en sera affecté. À cette étape du processus, la personne doit effectuer des prises de
conscience, réaliser certaines choses qui jusqu’à maintenant étaient considérées comme « normales » aux yeux de celle-ci alors qu’elles
étaient plutôt incommodantes. Le rôle du c.o. est de trouver le filon, les sources possibles de confrontations empathiques qui engendreront
cette prise de conscience chez le client qui lui permettra un nouveau départ.En définitive, les textes scientifiques sur l’identité font référence
à l’identité comme une structure, un fondement, une organisation ou une base solide qui permet à la personne de se reconnaître et de se faire
149
reconnaître comme un être unique et distinct des autres. Lorsque cette structure n’est pas suffisamment solide, il est beaucoup plus difficile
d’entamer une exploration vocationnelle qui s’avèrera immuable et cohérente dans le temps, puisque l’individu présentera des difficultés à
se projeter dans l’avenir. En effet, la personne pourra avoir une connaissance incontestable de l’information scolaire et professionnelle, mais
le fait de posséder une image floue de soi ne lui permettra point de cibler un objectif stable et en accord à soi. Cela peut entre autre expliquer
le taux relativement élevé de décrochage et tous ces changements de programmes dénombrés au sein des établissements d’enseignement
collégial. Or, plusieurs conseillers et conseillères d’orientation interrogés reconnaissent chez leurs clients cette identité plutôt diffuse qu’ils
associent entre autre au manque de vécu expérientiels et ayant pour impact une difficulté à se définir. À la lumière des stratégies
d’intervention sur l’identité ci-haut soulevées ayant pour objectif de soutenir le développement identitaire des jeunes, force est de constater
que rares sont les fois où les c.o. interrogés font précisément mention des expressions développement de l’identité et construction de
l’identité. Il est possible d’interpréter les expressions plutôt employées telles que découverte de soi et exploration de soi par exemple comme
dénotant l’action de se développer et de se construire au plan identitaire. En effet, plusieurs c.o. ne semblent pas percevoir de différence
entre le fait de se découvrir ou celui de se construire (se découvrir renvoie à reconnaître, clarifier, amener à la conscience des composantes
déjà construites et se construire renvoie plutôt à développer de nouvelles composantes ou à modifier celles déjà acquises). Or, il est vrai que
ces stratégies d’intervention sur l’identité permettent à la fois aux collégiennes et aux collégiens de se développer et de se découvrir.
Nonobstant, pour se découvrir, il faut d’abord s’être construit selon certains théoriciens tels que Bégin (2001) et Bégin, Bleau et Landry
(2000). D’après ces auteurs, certaines conceptions classiques de l’orientation sont plutôt d’avis que « développer son identité, c’est la
clarifier. Et vice versa » (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.70) Cette prémisse a toutefois été contredite par d’autres conceptions selon ces
auteurs. Or, il est possible d’émettre l’hypothèse que certains c.o. soient en accord avec cette proposition, cela demeure toutefois à valider.
De plus, contrairement aux écrits scientifiques qui abordent l’identité en termes de structure, la majorité des c.o. interviewés la perçoivent et
la décrivent plutôt comme un contenu qu’il s’agit d’explorer et de clarifier. Par contenu, il est question de caractéristiques/composantes de
l’identité en termes de personnalité, d’intérêts, d’aptitudes, de valeurs, etc. Ce qui importe de comprendre, c’est que lorsque l’identité
semble insuffisamment développée, le travail sur le contenu n’est pas complètement approprié puisque la structure intérieure ne permet pas
150
à la personne de répondre à cette question : Qui suis-je ? Incontestablement, la personne aura de la difficulté à se définir en termes de
caractéristiques liées à l’identité. Ainsi, avant de plonger dans un travail ayant pour objectif de clarifier qui elle est, il s’avère essentiel de lui
permettre de poursuivre la construction de son identité. Différentes stratégies pertinentes ont d’ailleurs été soulevées par les c.o. à ce sujet,
telles qu’encourager le vécu de nouvelles expériences par exemple, pour autant que cette expérience lui permette de sortir de sa zone de
confort et lui procure une certaine pression psychologique qui la mènera à changer. En effet, inciter un jeune à effectuer du bénévolat auprès
de personnes âgées alors que sa dimension de l’autre (au sens d’Holland) est déjà très développée, ne lui procurera peut-être aucune pression
et donc, n’aura aucun effet sur son identité, contrairement à un jeune qui présente une faible empathie envers les autres par exemple. En
conséquence aux propos susmentionnés en ce qui a trait à l’organisation identitaire et au choix de carrière, cela ne revient pas à affirmer que
tant et aussi longtemps que l’identité d’un individu n’est pas suffisamment solide, celui-ci ne doit effectuer de choix liés à la carrière. En
effet, prendre des décisions aussi importantes par rapport à soi et son avenir est perçu comme une expérience en soi permettant une
évolution de la maturité vocationnelle selon le CPJ (1992) et le CSÉ (2002) et par le fait même permet le développement de l’identité. Or,
les jeunes doivent être conscients qu’il y a place à l’erreur et que c’est entre autre par ces erreurs qu’il y a développement, un peu comme
cette populaire expression : Qui ne risque rien n’a rien, il faut prendre des risques pour se construire. Or, la mentalité des gens devra peut-
être changer en fonction de rendre moins dramatiques les changements de programmes au collégial par exemple. En effet, il est possible
d’affirmer que le processus préalable à ce changement de cap (exploration, questionnement sur soi, arrêt d’un choix, études entreprises,
rencontres effectuées, etc.) aura eu un impact bénéfique sur la construction de l’identité de la personne. Toutefois, comme les conséquences
monétaires et psychologiques de ces changements peuvent s’avérer importantes, il est évidemment aussi possible d’intervenir en amont afin
de réduire ces bifurcations, par exemple, en permettant aux jeunes de développer leur identité très tôt dans leur cheminement personnel et
scolaire. L’approche orientante porte d’ailleurs ce flambeau, du parcours primaire au parcours collégial, pour autant qu’elle soit mise en
pratique par le plus grand nombre possible (équipe-école, communauté, parents, etc.) et ce, de façon à permettre cette construction
identitaire chez les élèves. Qui plus est, il est nécessaire de se questionner à savoir quelles pourraient être les conséquences possibles au fait
que la plupart des conseillers et conseillères d’orientation interrogés pensent l’identité en termes de contenu à clarifier et à découvrir plutôt
151
qu’en termes de structure à construire. Il est au préalable de mise de mentionner qu’il n’est pas surprenant que les c.o. puissent concevoir
ainsi l’identité, puisque comme l’ont exprimé Bégin, Bleau et Landry (2000), plusieurs théoriciens et chercheurs du domaine de l’orientation
ont présenté des « postulats qui sous-entendent que toute personne construit son identité et que, s’il y a un problème, celui-ci se réglera en
clarifiant l’identité […] ils se sont surtout intéressés au développement, au processus normal d’orientation et à ses étapes ainsi qu’aux
différentes tâches développementales, se préoccupant peu des difficultés d’orientation […] [et des] troubles identitaires. » (p.36) Ainsi, les
c.o. ont étudié ces théories dans le cadre de leur cheminement universitaire, expliquant donc que certains aient pu garder en tête des aspects
de ces postulats. D’abord, il est possible d’émettre l’hypothèse que lorsqu’un client possède une identité réalisée au sens de Marcia et ses
successeurs, celui-ci pourrait davantage consulter pour des besoins généraux d’orientation (Matte, 2010), à savoir un besoin d’obtenir de
l’information scolaire et professionnelle par exemple. Ce client à l’identité claire et solide recevra cette information, sera en mesure
d’effectuer des liens et percevoir une cohérence entre celle-ci et son identité. Dans ce cas, concevoir l’identité en termes de contenu semble
s’avérer approprié, puisque le c.o. pourrait évaluer les intérêts, les valeurs, les aptitudes, etc. du client pour s’assurer que le choix qu’il
arrêtera sera effectivement cohérent avec ce qu’il est. Lorsque le client consulte pour des besoins distinctifs d’orientation (Matte, 2010),
c’est qu’il a entre autre besoin d’un accompagnement pour l’aider à clarifier ce qu’il est en termes de connaissance de soi. Dans ce cas,
percevoir l’identité en termes de contenu s’avère toujours de mises, tant et aussi longtemps que celui-ci présente une identité suffisamment
construite. Toutefois, si l’évaluation de la situation du client par le c.o. révèle certaines lacunes dans la construction identitaire de ce dernier,
force est d’admettre que concevoir l’identité en termes de contenu pourrait ne pas être adapté à ses besoins fondamentaux de se développer
dans une éventualité d’être capable de répondre à la question Qui suis-je ? Dans ce cas, un travail sur le contenu n’aura pas l’effet recherché
de construction de soi. En effet, alors qu’une personne ne ressent pas ce sentiment de cohérence interne, ce sentiment d’être soi-même, il lui
sera difficile d’émettre ce qu’elle est en termes de caractéristiques personnelles. Elle ne se connaîtra pas puisqu’elle n’aura pas eu la chance
de se construire suffisamment une identité qui lui est propre. Cette demande de la part d’un professionnel pourrait engendrer de l’anxiété
chez cette personne qui ne comprendra pas pourquoi elle n’est pas en mesure de se définir et d’arrêter un choix. Effectivement, ces propos
de Lafond rapportés par Roy (2010) démontrent que les jeunes sont souvent persuadés qu’ils possèdent une identité : « Le problème
152
identitaire se trouve exacerbé par le fait que l’intéressé croit que son identité existe déjà et qu’il ne s’agit pour lui que de l’affirmer, au lieu
de prendre en compte qu’il s’agit d’un processus en continuelle transformation…» (2010, p.8) Or, ce travail sur le contenu pourrait venir
renforcer cette idée que les jeunes ont par rapport à leur identité qu’ils croient achevée sans réellement l’être. D’ailleurs, si les jeunes sont
dans cet état d’esprit lorsqu’ils effectuent un choix, il est plutôt normal qu’ils ressentent par exemple de l’anxiété et/ou qu’ils soient
démotivés lorsqu’ils se rendent compte qu’ils n’aiment finalement pas le programme d’études qu’ils ont choisi et par ailleurs, ils pourraient
plus facilement attribuer cette « erreur de choix » à des causes qui soient extérieures à eux-mêmes. De plus, il est possible de supposer que
la personne présentant une identité peu solide pourra avoir tendance à être davantage influencée par l’opinion et les suggestions des autres
sans être capable d’effectuer un lien avec son soi intérieur. Par exemple, elle pourra décider de s’engager dans un programme de formation
parce que certains lui auront dit qu’il le mènerait à exercer un métier considéré comme payant plutôt que parce qu’elle considère qu’il s’agit
d’un métier répondant à ce qu’elle est en termes d’intérêts, de personnalité, etc. Ainsi, si le client est en état de confusion identitaire, arrêter
un choix lié à la carrière sera difficile voire inapproprié. Comme il a été discuté à maintes reprises au sein de cet essai, l’identité se fabrique
entre autre en faisant des choix et en s’engageant dans différentes expériences qui mèneront l’individu à se bâtir peu à peu une cohésion
interne. Dans cette optique, il serait pertinent d’amener le jeune à faire des choix d’activités qu’il souhaite expérimenter, plutôt que de le
contraindre à arrêter un choix vocationnel dans l’immédiat. Enfin, lorsqu’un client sollicite l’aide d’un conseiller d’orientation
conséquemment à un problème d’orientation qui s’avère plutôt un besoin particulier demandant une intervention clinique tel qu’un problème
d’identité (Matte, 2010), si un c.o. considère l’identité en termes de contenu, il passera certainement à côté de cette problématique
identitaire, puisque celle-ci touche plutôt la structure, l’organisation cognitive de celui-ci. Tel que l’ont mentionné Bégin, Bleau et Landry
(2000), dans ce cas, l’individu pourra avoir besoin d’une aide thérapeutique, plutôt qu’une aide dirigée sur la clarification de son identité. Ce
type de problématiques doit rapidement être dépisté, sans quoi un travail axé sur l’orientation sera vain ou pourrait faire vivre une grande
anxiété chez le client qui n’arrivera pas à arrêter un choix vocationnel qui fasse du sens pour lui.
153
Pratique d’orientation et TDA/H … Myriam Fauvel, c.o.13
Dans cette section, les résultats de l’analyse des propos recueillis auprès des 8 conseillers d’orientation qui ont participé aux entretiens
de la recherche qualitative ci-haut mentionnés seront présentés. Les propos de chaque conseiller seront présentés de façon à garder le
caractère confidentiel et anonyme. La forme suivante a été retenue pour identifier les propos des participants suivants : m.01, m.02,
m.03, m.04, m.05, v.01, v.02, v.03.
L’analyse des résultats sera présentée en cinq points rapportant le point de vue des conseillers d’orientation sur :
1. Une clientèle avec ses particularités
2. Impact du TDAH sur la réussite scolaire
3. Impact du TDAH sur le projet de carrière
4. Le processus d’orientation auprès des jeunes TDAH
5. Les suggestions et recommandations des c.o.
Chacun des points ci-haut mentionnés a pour objectif de répondre à la question posée par la recherche soit : Quelles sont les pratiques
professionnelles des c.o. œuvrant à l’ordre d’enseignement secondaire régulier auprès d’élèves présentant un TDAH? Afin de pouvoir
répondre à cette question, les quatre sous-objectifs ayant pour but d’explorer les représentations de conseillers d’orientation sur la
13 Fauvel, Myriam (2012). Les pratiques professionnelles de conseillers d’orientation œuvrant à l’ordre d’enseignement secondaire régulier auprès d’élèves présentant un trouble
du déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil :
carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/09/essai-en-ligne-lorientation-aupres-des.html
154
nature du syndrome TDAH, d’établir un portrait type de la clientèle TDAH qui consulte des conseillers d’orientation pour des
questions d’orientation scolaire et professionnelle, d’analyser les stratégies d’intervention privilégiées par des conseillers d’orientation
et de mieux comprendre les perceptions des conseillers d’orientation quant à leur rôle dans l’accompagnement des élèves souffrant du
TDAH ont été formulés.
Une clientèle avec ses particularités
En général, les conseillers d’orientation interviewés semblent reconnaître les symptômes les plus évidents tels qu’un déficit
d’attention, de l’hyperactivité et de l’impulsivité comme faisant partie des manifestations les plus souvent mentionnées.
Les manifestations du TDAH
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Déficit d’attention Avoir de la difficulté à maintenir son attention pour un sujet ou une tâche, de
sélectionner et retenir ce qui est important, de pouvoir faire plus d’une chose à la fois
Hyperactivité Avoir de la difficulté à contrôler son agitation, le besoin d’être toujours en mouvement
Impulsivité Avoir de la difficulté à contrôler ses impulsions tant au niveau de la pensée, des paroles
ou des gestes; rechercher une gratification immédiate
Déficit d’attention
Le déficit d’attention est le symptôme qui semble à la source des autres symptômes vécus par les jeunes TDA/H. La difficulté à
maintenir son attention sur une période de temps en dessous de la moyenne du groupe classe semble avoir un impact sur les résultats
scolaires. Le c.o. (m.01) mentionne :
155
Ils sont plus dans la lune, qui ont plus de difficultés à se concentrer, ils sont souvent dans une classe qui vont être
plusieurs minutes à ne pas écouter, à ne pas suivre[...]difficulté de se concentrer, fait qu’au niveau des études, c’est plus
difficile, donc, moi je remarque que les résultats scolaires sont moins élevés que d’autres, surtout dans les matières où
ils ont plus de difficultés.(m.02)
Parfois, ces jeunes qui éprouvent de la difficulté à se concentrer, ils seront qualifiés de rêveurs, d’être dans la lune, d’être ailleurs dans
leurs pensées. Comme le mentionne aussi le c.o. (v.02) «il y arrive quelque chose, son attention est portée ailleurs.» Il semble que
quelle que soit la situation d’apprentissage ou toute forme d’intervention, la difficulté de maintenir son attention sur une période de
temps qui dépasse une dizaine de minutes, l’élève risque de démontrer de la lassitude et du désintéressement. Le c.o. (m.03) dira que
c’est une «personne qui va peut-être avoir de la difficulté à suivre sur une longue période, soit un cours ou n’importe quelle
intervention[…]d’avoir à «focusser» sur un objectif quand y’a plein d’autre chose qui gravitent autour de lui.» . Le c.o. (v.01)
mentionne que les élèves qui souffriraient d’un déficit d’attention sembleraient «comme plus passif, comme dans leur bulle. Ce qui
fait qu’au niveau des apprentissages scolaires, c’est beaucoup plus long pis, concernant leur démarche d’orientation, par le fait même,
leur maturité vocationnelle est beaucoup plus lente.»
Le déficit d’attention est le symptôme qui passe le plus inaperçu. Le c.o. (m.05) mentionne que «des fois, c’est l’enfant qui est plus
invisible aussi. C’est celui qui tombe entre les craques, pis là, on les voit en sec. 3 et ils deviennent décrocheurs.» En conclusion, selon
ces cinq conseillers d’orientation, le déficit d’attention semble affecter les jeunes dans leur capacité à écouter, à mainten ir leur
attention et leur concentration, à démontrer de l’intérêt passé un laps de temps qui tourne autour de 10 minutes. Ce déficit entraîne des
manques importants dans la formation de base puisque les jeunes n’ont pas la capacité de maintenir longtemps leur attention ce qui
aurait pour conséquence des faibles rendements scolaires. Ce déficit se manifeste aussi lors d’interventions hors de la classe telle
qu’en rencontre de counseling d’orientation en individuel par exemple.
156
L’Hyperactivité
En ce qui concerne l’hyperactivité, elle fait référence au fait d’éprouver de la difficulté à contrôler son agitation, de ressentir le besoin
d’être toujours en mouvement. C’est le symptôme qui est le plus remarqué en milieu scolaire et qui permet parfois d’entamer les
démarches auprès du corps médical pour trouver la source du problème. Le c.o. (m.01) mentionne que :
C’est souvent des élèves qui ont besoin de bouger, on le remarque souvent dans une classe, ceux avec hyperactivité
[…] ils vont se lever tout le temps.(m.01)
L’hyperactivité semble avoir des conséquences sur les relations avec les enseignants et la perception de la direction de l’école envers
les hyperactifs puisque dans plusieurs des cas, ces jeunes semblent avoir des difficultés au niveau comportemental. Selon le c.o.
(v.01) :
Ils vont souvent décrocher de l’école, donc, il vont faire les clowns en classe, ils vont déranger, attirer l’attention, c’est
celui que le prof doit ramener le plus souvent[…]d’autres jeunes, au contraire, qui vont être rejetés parce qu’ils ont plus
une attitude un peu désagréable, donc, ils peuvent être isolés ou au contraire être leader négatif[…]C’est des jeunes qui
demandent de la part du milieu, du prof, beaucoup d’énergie.(v.01)
Comme le mentionne le c.o. (m.04), « Y’a des difficultés comportementales également, bien entendu, il va bouger, il va parler , son
attention est pas toujours là. Il a tendance à se disperser.» Selon la vision du c.o. (m.04), « c’est peut-être les personnes qui ont de la
misère à les intégrer parce qu’ils sont plus tannants, sont plus grouillants et ils sont plus actifs. Y rentrent pas dans le moule. Y’a
certains enseignants qui vont les prendre à rebrousse-poil dès le départ.» Le c.o. (m.05) dira : «ils savent que c’est pas aussi facile pour
eux. C’est plus difficile, sont plus souvent en conflit avec les enseignantes. Sont plus souvent à l’oasis, retirés de la classe parce qu’ils
sont dérangeants.» En résumé, la plupart des c.o. ont constaté que l’hyperactivité entraîne des conséquences sur le plan du
comportement acceptable en classe. En effet, ce besoin d’être tout le temps en mouvement rend les longues heures en position assise
157
insupportables. Cette situation affecte leur rendement scolaire puisqu’ils sont souvent sortis de classe et que les relations
interpersonnelles deviennent tendues entre eux et les enseignants. Il devient facile de mal interpréter un geste, une parole ou une
intervention inadéquate de la part du jeune et celui-ci risque de se retrouver souvent au bureau de la direction.
L’impulsivité
En ce qui concerne l’impulsivité, elle fait référence au fait d’éprouver de la difficulté à contrôler ses impulsions tant au niveau de la
pensée, des paroles ou des gestes. Elle se traduit aussi dans la recherche d’une gratification immédiate. Pour le c.o. (v.02),
l’impulsivité se manifeste de la façon suivante :
Parfois, ils peuvent se faire rejeter parce que c’est des jeunes impulsifs, qui peuvent être portés vers la violence, qui ont
de la difficulté à se contrôler[…]si le geste est facilement parti…difficultés relationnelles, difficultés sur le marché du
travail et académique, c’est tout relié[…]c’est un jeune qui réfléchira pas avant de passer à l’acte et qui va être tout de
suite dans l’action; le délai dans sa tête, y est pas long.(v.02)
En d’autres mots, le manque de délai entre la réflexion et l’action occasionne des prises de décisions qui semblent placer le jeune dans
des situations négatives tant au niveau relationnel qu’au niveau académique. Comme le mentionne le c.o. (m.02) :
Les jeunes TDAH ont beaucoup de difficultés à se cerner et à respecter leurs objectifs. Comme on a beaucoup
d’élèves qui travaillent après l’école, ils sont plus intéressés par ce genre de travail que par leur stage. Alors, si on
trouve un stage comme aide-coiffeuse, par exemple, ils se disent : «J’veux plus faire ça, la madame est pas
gentille!»(m.02)
Ce sont des élèves qui n’aiment pas la routine, mais néanmoins, ils sont dans des métiers non spécialisés, même pas semi-spécialisés,
alors ils ont beaucoup d’étapes à surmonter.» Il semble que l’impulsivité ait aussi un impact sur sa capacité à maintenir de bonnes
relations de travail et à démontrer de la stabilité dans son travail lorsque l’intérêt n’est plus présent ou lorsqu’il vit un conflit ou bute
devant ses propres limites. Selon le c.o. (m.03), les décisions du jeune TDA/H risquent d’être facilement remises en question : «[…]il
158
arrive dans mon bureau; y’a un projet en tête, y était parti avec l’idée de s’en aller du côté «A», y revient à mon bureau, y ressort de
mon bureau, pis-là, c’est le bord «B». Il me le dit clairement : «j’arrivais avec une idée, pis je repars encore plus mêlé que quand je
suis rentré!» Cela semble confirmer la difficulté accrue des jeunes TDAH à se projeter dans l’avenir et à ne pas réagir
immédiatement, deux manifestations en lien avec l’impulsivité. L’impulsivité affecterait aussi la gestion des émotions. Selon le c.o.
(m.05), «Souvent quand il prend pas leur médication, c’est-là qu’il a des difficultés à l’école. Y’est expulsé de la classe, a pris une
bataille avec telle personne, y’a pas pu gérer ses émotions, c’est juste trop fort, c’est plus fort que lui. C’est le commentaire qu’ils
disent aussi, c’est comme une impulsion.» En résumé, selon les commentaires des c.o. mentionnés, l’impulsivité semble avoir un
impact considérable sur la réussite scolaire et le maintien en classe dans des conditions harmonieuses. L’impulsivité semble perturber
la stabilité et l’intégration en milieu de stage ou en emploi. Elle provoque une difficulté à prendre des décisions et porter un jugement
éclairé et réfléchi lorsqu’il est question de faire un choix.
Impact du TDAH sur la réussite scolaire
Les conseillers d’orientation interviewés ont identifié plusieurs impacts sur la réussite scolaire des jeunes TDAH. Ils ont observé que
ces jeunes ont plus de retard académique que la moyenne des jeunes. Ils ont mentionné aussi que les jeunes qui souffrent d’un TDAH
sont plus susceptibles de décrocher du secondaire. De plus, il semble que le TDAH soit à la source d’une baisse du rendement
scolaire, c’est-à dire que les notes ne sont pas représentatives de leur capacité et que cette situation à un impact sur leur désire de
poursuivre leur formation académique après leurs études au secondaire.
159
Impact du TDAH sur la réussite scolaire
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Retard scolaire Jeune qui devrait être au niveau scolaire correspondant à son âge, mais qui est
incapable de réussir le passage au prochain cycle du secondaire.
Rendement scolaire en dessous des
capacités
Rendement académique (résultats scolaires) inférieur à la capacité réelle du jeune;
situation ayant un impact sur la poursuite des études après le secondaire
Décrochage scolaire Avoir le désir d’abandonner ou avoir abandonné en cours d’année son année scolaire
ou tout simplement ses études avant d’avoir atteint une diplomation
Retard scolaire
D’après les conseillers d’orientation qui ont participé à la recherche, le retard scolaire semble particulièrement constaté chez les jeunes
qui souffrent d’un TDA/H. La réussite scolaire est compromise pour ces jeunes puisque ces jeunes semblent stagner au premier cycle
du secondaire (secondaire 1 et 2) et lorsqu’ils réussissent de peine et de misère à débuter un secondaire 3, ils ont énormément de
difficultés à le réussir. Ces jeunes sont souvent redirigés vers des programmes comme le FMS ou FPT où des stages en entreprises
leur sont offerts, mais il semble que ces programmes auprès des jeunes soient peu appréciés. Pour le c.o. (v.01) le TDAH :
Il influence la réussite scolaire dans la mesure qu’ils ont de retards pédagogiques. Moi, ceux que j’ai ici sont tous en
retard académique […] oui, s’ils veulent réussir, il faut qu’ils étudient plus : plus d’ouvrage, plus d’énergie, plus
d’études. C’est leurs lots, ça fait partie de leur réalité et puis, à un moment donné, ils décrochent.(v.01)
On peut constater ici que la réussite scolaire est étroitement liée au retard scolaire. Lorsque le retard scolaire touche la motivation de
l’élève, celui-ci tend à décrocher. Comme le mentionne le c.o. (m.02), les jeunes qui n’arrivent pas à réussir leur année scolaire auront
tendance à se dévaluer et à se démotiver. Ils diront «Je vaux rien», «Je plane depuis 3-4 ans dans les mêmes matières» Le c.o.
constate que «y en a qui plafonnent aussi dans la lecture, les mathématiques, ils n’avancent pas plus que le secondaire 1 ou secondaire
160
2; quoi faire avec? Y’en a qui persévère pour obtenir leur 3ième
secondaire de FPT et leur certification et d’autres décrochent. (m.02)»
Le c.o. (m.05) constate des conséquences similaires en ce qui concerne les difficultés académiques : «ils peuvent voir que l’école est
difficile, y aiment pas trop l’école, y ne réussissent pas bien, alors y ont hâte de sortir de l’école le plus vite possible.» Malgré un vif
désir de réussir un DES, les jeunes qui souffrent d’un TDAH sont souvent confrontés à une dure réalité, celle de ne pas avoir réussi le
premier cycle du secondaire. Comme le mentionne le c.o. (v.01) : «En fait, ils veulent tous avoir un DES, pis certains veulent aller à
l’université, mais les jeunes ont beaucoup de sentiments mêlés; ils ont honte et vont dire : Mes amis sont en quatrième ou cinquième
secondaire, moi, j’suis en deux.» Le retard scolaire semble présent dans la vie des jeunes TDAH depuis le primaire. Cette réalité a des
conséquences sur la réussite scolaire au niveau du secondaire. En effet, ces jeunes arrivent au secondaire avec un historique
académique où ils ont vécu beaucoup de difficultés. Le c.o. (v.02) mentionne :
La persévérance pis le sens de l’effort qui sont affectés par le découragement […]ils (les jeunes TDAH) ont essayé
longtemps. Quand ils arrivent au secondaire, tout le primaire a été difficile, pis là, c’est le découragement. Le
secondaire 1, ça va bien parce que, de toute façon ils passent directement au secondaire 2[…] C’est en secondaire 2 que
la réalité frappe. Après, ils font une année de transition, reprennent leur secondaire 2, ouf, là, ils sont plus vieux que les
autres, ils voient que les amis continuent, mais eux autres ils restent-là. Ils semblent qu’ils y arrivent plus. (V.02)
En résumé, selon les commentaires des conseillers d’orientation mentionnés, les jeunes qui souffrent d’un TDAH seraient plus sujets
à vivre des retards scolaires. Ces retards peuvent être présents au primaire et se poursuivre au niveau du secondaire. La motivation est
durement éprouvée et ils peuvent ressentir du découragement face à leurs échecs répétés. Dans l’éventualité d’un retard irrécupérable,
il est question de décrochage dans plusieurs cas.
Rendement scolaire en dessous des capacités
D’après les conseillers d’orientation interviewés, les jeunes TDAH sont pénalisés par leur trouble en ce qui concerne la poursuite des
études suite à un abandon. Ce n’est pas une question d’un manque d’intelligence, d’où la frustration de voir ces jeunes arrêter leurs
études si tôt et à des niveaux si faibles. Comme le mentionne le c.o. (m.04) : «si on laisse aller, si on n’intervient pas, si y a pas de
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moyens de pris auprès de cet élève-là, il va avoir beaucoup de difficulté à réussir, il va se ramasser dans des cheminements
particuliers. C’est un peu décourageant parce que c’est pas un manque d’intelligence.»
Le c.o. (v.02) met l’accent sur la difficulté pour un jeune TDAH d’atteindre un diplôme quelconque.
Un jeune qui va avoir des problèmes académiques, donc, c’est clair, difficultés scolaires, d’apprentissage, retard
scolaire, ça implique en même temps une difficulté à aller chercher un premier diplôme, ne serait-ce qu’un DEP
d’un niveau secondaire 3, ça peut être difficile. (v.02)
Le c.o. (m.01)mentionne aussi que les élèves TDAH, «c’est des élèves qui souvent ont 1 ou 2 ans de retard[…]ce sont des élèves qui
peuvent arrêter l’école en secondaire 3,pis au niveau de métiers, des professions, d’aller chercher un diplôme, c’est plus compliqué.»
Le faible rendement scolaire empêcherait certains jeunes TDAH qui n’arrivent pas à faire des études au niveau secondaire. Le c.o.
(m.02) mentionne que : «le gouvernement du ministère de l’Éducation a mis en place des solutions, des métiers semi-spécialisés par
exemple, mais ça c’est quand ils réussissent à aller au secondaire. Sinon, c’est une formation préparatoire au marché du travail.» Le
désir de décrocher un DES est toutefois présent chez la plupart des jeunes TDAH. La réalité est souvent confrontante, comme le
mentionne le c.o. (v.02) :
C’est des jeunes qui ont de la difficulté à aller chercher un DES, un secondaire 4 ou 3 pour faire un DEP[…]ça dépend
où ils sont rendus et quel âge ils ont, parce que l’adolescence est caractérisée par des idées un peu irréalistes parce
qu’ils n’ont pas encore été confrontés au marché du travail. (v.02)
La manifestation de l’hyperactivité semble avoir aussi des conséquences sur le faible rendement scolaire. En effet, selon le c.o.
(m.05) :
Les élèves avec hyperactivité, c’est plus la gestion des émotions. Le travail est plus à ce niveau-là. C’est plus d’essayer
de les garder en classe, ils manquent beaucoup, ils se trouvent toujours à l’Oasis, ils manquent une grande partie de
162
l’année et ils sont souvent en échec. Ils vont souvent aller par la suite soit dans les classes FMS ou dans les classes
FPT.(m.05)
Le c.o. (v.03) mentionne, quant à lui, que «des fois, à cause aussi de l’estime qu’ils ont envers leurs résultats scolaires, ça fait en sorte
que eux-mêmes, pensent pas à des études supérieures.» En résumé, selon les commentaires des c.o. ci-haut mentionné, le TDAH
semble avoir un impact sur la réussite scolaire en ayant des répercussions sur le rendement à la baisse des capacités académiques de
ces jeunes. Ils se retrouvent souvent dans les classes adaptées conduisant à des métiers non spécialisés ou semi-spécialisés dans le
meilleur des cas. Ils sont souvent dans des niveaux scolaires qui ne correspondent pas à leurs capacités intellectuelles et les
conséquences peuvent aller jusqu’au décrochage scolaire.
Décrochage scolaire
Le décrochage scolaire fait référence au fait que le jeune TDAH puisse avoir le désir d’abandonner ou qu’il ait abandonné en cours
d’année son année scolaire ou tout simplement ses études avant d’avoir atteint une diplomation. En ce qui concerne la diplomation, il
n’est pas question ici d’obtenir uniquement un diplôme de secondaire, mais tout autre diplomation possible d’atteindre en FMS ou en
FPT aussi. Le TDAH semble être à la source du décrochage pour les jeunes qui en souffrent. Leurs échecs et retards scolaires auraient
comme impact d’affaiblir leur estime d’eux-mêmes. Comme le mentionne le c.o. (m.02) :
Si l’élève vit une difficulté d’apprentissage, un retard académique, des échecs scolaires, un échec social, c’est sûr que
l’estime de soi est très affaiblie. Ils sont pas à leur place à l’école. Ils nous disent d’ailleurs que : «je vais quitter à mes
18 ans, ça c’est clair», «je sais que je perds mon temps». Alors, nous comme c.o., on doit vraiment lutter contre
beaucoup de perceptions et de croyances.(m.02)
Le TDAH aurait aussi comme conséquence d’augmenter le taux d’échecs scolaires de façon significative. Ces échecs qui se répè tent
parfois pendant deux à trois ans de suite jouent sur le désir de poursuivre les études. Selon le c.o. (m.03) : «d’avoir à reprendre un
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cours une fois, deux fois, ça peut aller. Quand c’est rendu à la troisième fois, je pense que ça fait un élève qui peut être démotivé, ça
peut être un élève qui abandonne aussi; qu’on traîne le plus qu’on peut à l’école, mais qui, à un moment donné, risque de décrocher.»
En ce qui concerne de désir d’abandonner l’école, le c.o. (m.05) mentionne que les jeunes TDAH qui ne réussissent pas bien au
secteur des jeunes : «y ont hâte de sortir de l’école le plus vite possible[…]l’élève, faut qu’il vive des réussites parce que s’il vit pas
des réussites, ils ont envie d’abandonner.» Pour ces jeunes TDAH qui éprouvent beaucoup de difficultés à l’école, le secteur des
adultes semble leur porte de sortie; ils ont tendance à penser que cela va régler toutes leurs difficultés d’apprentissage. Le c.o. (m.01)
mentionne que le décrochage au niveau secondaire se prolonge dans la poursuite des études lorsque le jeune a plusieurs années
scolaires à rattraper et qu’il s’inscrit au secteur des adultes dans l’espoir de terminer ses études.
c’est sûr aux adultes, quand on se retrouve en secondaire 3 à 17 ans, qui va pas encore bien, qui a encore des échecs,
même pour les pré-DEP, c’est possible, mais ils veulent pas beaucoup. Souvent, ce qui reste, c’est l’éducation des
adultes et ils ont hâte d’y aller, sauf, on essaie pas trop de les pousser parce qu’ils sont laissés à eux-mêmes […]
travaillent plus par eux-mêmes, plus d’autonomie, ce qu’ils n’ont pas encore [..] souvent, ils finissent par lâcher, et
donc, c’est le marché du travail avec des emplois précaires.(m.01)
Donc, en résumé, les conséquences du décrochage scolaire que peuvent vivre les jeunes TDAH semblent avoir un impact à long
terme autant sur l’atteinte des préalables de base pour pouvoir s’inscrire dans des formations professionnelles que sur les choix de
milieux de travail qui offrent un peu plus de stabilité. La difficulté pour ces jeunes TDAH de pouvoir vivre des réussites scolaires
semble à la base de la démotivation qui va éventuellement conduire à une aversion profonde de l’école. Ces jeunes semblent cultiver
des espoirs non fondés sur un éventuel succès au secteur des adultes sans réaliser que celui-ci demande de l’organisation, de
l’autonomie et de la maturité, aptitudes qui tardent à venir particulièrement chez les jeunes qui souffrent d’un TDAH. Les échecs et
l’abandon scolaire semblent présents tant au secondaire qu’au secteur des adultes.
164
Impact du TDAH sur le projet de carrière
Thèmes émergeants
Définitions opératoires
Estime de soi Difficulté à croire en ses capacités de pouvoir réussir. Se sentir incompétent et ne pas
faire confiance à ses propres idées. Croire qu’il n’a pas ce qu’il faut pour atteindre les
objectifs qu’il s’est fixés.
Encadrement adapté
Besoins particuliers de méthodes de travail, d’apprentissage, d’organisation. Besoin de
soutien, développer des trucs pour réussir.
Retard de l’entrée dans un programme de
formation menant au marché du travail
L’entrée dans une formation professionnelle, technique ou de niveau universitaire est
retardée de plusieurs années à cause des retards académiques
Perception déformée de la réalité
Les jeunes TDAH ont tendance à déformer la réalité. Cette réalité touche leurs
symptômes du TDAH, leurs limitations académiques, le marché du travail, la notion
des préalables nécessaires pour rentrer dans certaines formations,
Limitation du choix de carrière Avoir tendance à choisir des formations ou métiers en dessous de leurs aptitudes.
Les échecs à répétition et qui perdurent depuis plusieurs années durant leur passage au secondaire ont des conséquences négatives sur
leur estime de soi. Étant donné un retard scolaire, qui souvent tourne autour de deux à trois ans de retard, les jeunes TDAH semblent
abandonner l’école secondaire au tour de l’âge de 15-16 ans. Ces jeunes ayant abandonné l’école se retrouvent sur le marché du travail
dans des professions souvent non spécialisées et à statut précaires. Il semble que ces jeunes prennent conscience de la dure réalité du
marché du travail qui exige souvent un minimum de formation et idéalement un DES avec une formation professionnelle. Après
quelques années en emploi, il est constaté que ces jeunes essaient de faire un retour au secteur des adultes. Étant donné que le secteur
des adultes n’offre pas beaucoup d’encadrement, ces élèves sont confrontés à la réalité de ce secteur d’enseignement et que les études
ne sont pas plus faciles à réussir.
Concernant le besoin d’encadrement, il est constaté à maintes reprises par les c.o. que les jeunes qui souffrent du TDAH ont un besoin
plus grand d’encadrement causé par une difficulté de s’organiser. Les c.o. ont tendance à ne pas recommander le secteur des adultes
165
aux jeunes TDAH connaissant leurs difficultés à s’organiser. Il est constaté chez la clientèle TDAH qu’ils vont choisir des formations
à court terme parce que, bien souvent, leurs souvenirs de leur passage en milieu scolaire ont été très négatifs, donc ils cherchent à en
sortir le plus vite possible. Cela n’empêche pas ces jeunes de rêver à des carrières professionnelles. Par contre, il semble que ces
jeunes aient tendance à être irréalistes par rapport à leurs limites et leurs difficultés. Par conséquent, leur projet de carrière sera
grandement affecté et risque d’être limité à cause des expériences scolaires négatives qui laissent inévitablement des traces sur
l’estime de soi.
Estime de soi
D’après les conseillers d’orientation interviewés, l’estime de soi serait grandement ébranlée par le TDAH. Pour pouvoir faire un
choix de carrière qui correspond à l’individu, celui-ci aura besoin d’avoir un minimum de confiance en soi et de croire qu’il a les
ressources nécessaires pour faire face aux exigences de l’emploi. Comme le c.o. (m.02) le mentionne, «Si l’élève vit une difficulté,
d’apprentissage, un retard académique, l’échec scolaire, l’échec social, c’est sûr que l’estime de soi est très affaiblie […]» Il semble
que les échecs à répétitions, les conséquences des comportements négatifs vécus avec les enseignants et les retards académiques qui
s’accumulent au fil des ans, les jeunes TDAH développent un sentiment d’incompétence. Il va jusqu’à développer le sentiment d’être
dans l’incapacité d’atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même fixés. Le c.o. décrit la situation de la façon suivante :
Absolument, ça, c’est clair que faible estime de soi égale difficulté à rêver[…] avec un jeune TDAH, avec une faible
estime de soi peut rêver, peut s’imaginer toutes sortes d’histoires, mais dans le fin fond de lui, il voit bien qu’il n’y
arrive pas à l’école, pis qu’il n’arrive même pas à passer son premier cycle de secondaire. Ça affecte leurs projets, ils se
posent la question : «qu’est-ce que je vais faire?» (v.02)
Le c.o. (m.03) mentionne que parfois les jeunes qui souffrent d’un TDAH ont tendance à se dévaloriser parce qu’il a un diagnostic ou
qu’il doit prendre une médication, que : «L’Élève va parler un petit peu plus au niveau du fait qu’il trouve pas ça facile ou qu’il est
démotivé; ça le démotive d’avoir ce problème-là, d’avoir l’impression que toute sa vie, il va avoir à se battre contre ça finalement. J’ai
des élèves des fois qui se dénigrent personnellement.» Un autre c.o. (v.01) dira : «c’est clair que ça les affecte négativement, c’est
lourd, tout est lourd. Ils vivent beaucoup d’isolement et plus ils vieillissent, plus le décalage est apparent. (v.01)» Il semble que pour le
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c.o. suivant, la possibilité de poursuivre des études à un niveau supérieur soit influencée par l’estime de soi lorsque celle-ci est affectée
par les échecs académiques. Il dira : «Des fois, à cause aussi de l’estime qui ont d’eux envers leurs résultats scolaires fait en sorte
qu’eux-mêmes pensent pas à des études supérieures. (v.03)» En conclusion, il semble que l’estime de soi du jeune qui souffre d’un
TDAH joue un rôle important en ce qui concerne la perception que les jeunes ont d’eux-mêmes; en fin de compte le projet de carrière
sera influencé par un manque d’estime de soi.
Encadrement adapté
En général, les conseillers d’orientation interviewés ont souligné les besoins particuliers des jeunes qui souffrent du TDAH d’un
encadrement adapté à leurs symptômes. En effet, il mentionne le besoin de développer des méthodes de travail, des stratégies
d’apprentissage et d’organisation. Ils mentionnent le besoin de soutien et de développer des trucs pour réussir. Comme le mentionne
le c.o. (m.05), le fait de ne pas cibler les jeunes rapidement lors de leur entrée au niveau secondaire augmente le risque de voir ces
jeunes quitter l’école et d’avoir un impact sur leur projet de carrière en décrochant. Il dira :
Pour nous, au niveau scolaire, c’est important de les cibler, de les identifier pour être en mesure de leur donner le
soutien; ils viennent pas nécessairement chercher de l’aide. Des fois, ils sont en problématique, pis c’est là que ça
amène tout le monde dans le dossier […]souvent, ils peuvent être des potentiels décrocheurs […]donc, ils peuvent avoir
des notes plus faibles que les autres, ce qui peut être décourageant. Quand l’estime de soi est pas forte, des fois, ils
s’accrochent avec d’autres genres d’élèves et ça peut entrainer toutes sortes de choses et dans des situations encore
pires, on peut aller dans la drogue, on peut se trouver dans une sphère qu’on n’aurait pas souhaité commencer.(m.05)
Éviter que les jeunes TDAH tombent dans la délinquance ou dans la drogue à cause de leur faible estime de soi et des échecs scolaires
qui s’accumulent est une des préoccupations des c.o. En ce qui concerne les projets de vie, incluant le domaine du travail, les jeunes
qui restent à l’école secondaire dans les programmes qui forment aussi à l’emploi et au milieu de travail permettent de fourn ir un
encadrement bien nécessaire à ces jeunes en particulier. Selon le c.o.(v.02) :
167
Sinon, c’est une formation préparatoire au marché du travail, donc quand ça se limite à ça, c’est sûr qu’ils sont
encadrés académiquement. C’est pas facile de les maintenir sur le marché du travail avec les exigences des employeurs,
avec des jeunes en pleine adolescence[…]c’est extrêmement difficile, donc oui, ça affecte ses projets de vie, c’est
clair.(v.02)
Un autre aspect à l’encadrement adapté se situe lors du passage du primaire au niveau secondaire des jeunes qui souffrent du TDAH.
Le secondaire exige beaucoup plus d’autonomie que le primaire, les jeunes ont de la difficulté à s’y adapter. Le c.o. (v.02) mentionne
que : «le jeune oublie tout, oublie de faire ses devoirs, de s’organiser […]il faut vraiment qu’il est développé des stratégies
d’organisation parce qu’il se perd dans tout ça.» Le c.o.(m.01) a observé la même difficulté à s’organiser chez les jeunes TDAH qui ne
sont pas diagnostiqués ou qui ne prennent pas de médication. Il dira: «au niveau de l’organisation, souvent c’est à recommencer dans
le passage primaire/secondaire, il faut qu’ils se réadaptent à plein de choses, le casier, l’horaire; c’est s’organiser avec huit matières,
c’est plus difficile, on le voit plus.(m.01)» Ce besoin d’encadrement est étroitement relié à leur déficit organisationnel et lorsque le
jeune n’a pas développé des stratégies pour compenser ce déficit, il risque d’éprouver de grandes difficultés à s’organiser à l’âge
adulte et dans sa vie de tous les jours, comme le mentionne le c.o. (v.02) : «il faut payer l’appartement, c’est d’autres genres de
problématiques qui arrivent, aussi les relations de couple, le désir de quitter le nid familial, de faire sa propre vie; ça demande aussi de
l’organisation tout cela.»
En conclusion, l’encadrement adapté aura des répercussions sur le projet de carrière et sur les croyances profondément ancrées des
jeunes concernant leur capacité de pouvoir développer des stratégies adaptatives qui leur permettra d’avoir un métier satisfa isant et
d’avoir les ressources personnelles pour acquérir une formation qui leur donnera la possibilité d’atteindre leur objectif professionnel.
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Retard de l’entrée dans un programme de formation menant au marché du travail
D’après les conseillers d’orientation interviewés, les jeunes qui souffrent d’un TDAH seraient plus susceptibles de retarder leur entrée
dans un programme de formation professionnelle, technique ou de niveau universitaire, et ce, de plusieurs années à cause des retards
académiques qu’ils ont accumulés au fil de leur passage au niveau secondaire. Ces jeunes auront tendance à aller travailler très jeune,
vers l’âge de quinze ou seize ans pour sortir le plus rapidement de l’école. Ils se retrouvent souvent dans des emplois précaires avec
peu d’avantages et avec un salaire minimum. Il semble qu’ils répondent ainsi à leur impulsivité et leur besoin de gratification
immédiate. La réalité les rejoint lorsqu’ils désirent avoir leur autonomie et quitter le nid familial. C’est à cette étape de leur vie qu’il
semble qu’un retour aux études est observable. Là, ils sont confrontés encore une fois aux échecs du passé et devant l’ampleur de la
tâche, beaucoup abandonnent de nouveau. Dans le meilleur des cas, ils réussissent à acquérir les préalables de base pour débuter un
DEP. Le cégep reste un rêve difficile à atteindre à cause des préalables spécifiques et le niveau qu’ils devront compléter pour y avoir
accès. Le C.o (v.02) mentionne qu’«on leur a tellement dit d’aller chercher un premier diplôme, c’est ça qui est important, il faut qu’il
ait au moins un DEP sur le marché du travail. Là, il réalise des choses, pis à l’âge adulte, ils retournent et puis les problèmes ne sont
pas partis pour autant.» Le manque de maturation chez les jeunes à un impact sur leur poursuite de leurs études après le niveau
secondaire. Comme en fait état le c.o. (m.02) :
Oui. Si tu as 18 ans et tu tournes encore autour du secondaire 1, c’est difficile. Alors, il y en a beaucoup qui vont aller
soit décrocher un travail suite à leur stage ou avoir monté un peu leur CV en se basant sur leurs expériences à l’école et
tout ce qui est travail et d’autres vont aller vers les adultes. Mais, ça change pas du jour au lendemain l’attitude de
l’élève évidement et la persévérance. Et d’autres vont peut-être faire un arrêt complètement pour ensuite avoir cet effet
de maturation pour ensuite réaliser «oups, je ferais mieux de me prendre en main!»(m.02)
Pour les jeunes TDAH, le secteur des adultes ne semble pas la meilleure option bien que l’enseignement y soit dispensé de façon
individuelle et qu’au moins le rythme d’apprentissage respecte un peu plus le besoin de ces jeunes en particulier, le c.o. (m.01)
mentionne que le besoin d’encadrement, qui est si important pour cette clientèle, n’est pas présent au secteur des adultes, i l y des
risques d’échouer à nouveau. En effet, il dira :
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C’est des élèves qu’il faut diriger vers d’autres cheminements scolaires […]c’est de vérifier au niveau des adultes. Mais
au niveau des adultes, c’est pas plus simple non plus parce qu’ils ont pas le soutien dont ils ont besoin […] Souvent ce
qui reste, c’est l’éducation des adultes et ils ont hâtent d’y aller. Sauf qu’on n’essaie pas trop de les pousser parce qu’ils
sont laissés à eux-mêmes, donc plus d’autonomie, ce qu’ils n’ont pas encore. Des fois, ils vont l’acquérir plus tard,
mais pas à 15/16 ans. Souvent, ils finissent par lâcher parce que quand il y a trop d’absences, les adultes sont pas
obligés de les garder; donc, c’est le marché du travail avec des emplois précaires.(m.01)
Le TDAH semble avoir des conséquences sur la poursuite au niveau cégep. Bien qu’il y ait des jeunes qui s’y rendent, plusieurs jeunes
abandonnent le milieu scolaire et se retrouvent sur le marché du travail. Le c.o. (m.03) a observé que :
Après ça, tu te retrouves sur le marché du travail avec n’importe quel petit métier[…]pis il travaille parce qu’il n’a pas
le choix de gagner sa vie parce qu’il est rendu un peu plus vieux. Je trouve que cela a beaucoup d’impact
malheureusement dans la vie[…]Je trouve ça toujours le fun de voir un élève qui a un trouble d’apprentissage qui finit
par avoir son diplôme pis qui réussit à poursuivre au cégep. On entend parler des fois de ces succès-là, mais y’en a
d’autres que tu sais que t’as perdus dans le système pis malheureusement, t’as beau avoir fait des efforts, les
enseignants ou n’importe qui, les problèmes étaient plus grands que les bénéfices qu’il réussissait à avoir quand il
faisait tous les efforts.(m.03)
Les jeunes semblent aussi préoccupés concernant la difficulté d’accéder à la formation en vue d’avoir un métier à cause de leur
TDAH. Le c.o. (v.03) rapporte les propos suivants :
Au niveau professionnel, ceux qui m’ont mentionné qu’ils avaient un TDAH avaient une certaine crainte au niveau
professionnel que ça vienne jouer au niveau de la profession, mais surtout de la façon de s’y rendre et non au niveau du
travail[…]ils ont toujours peur que quand ils vont accéder à des études supérieures, qu’ils aient pas les mêmes
adaptations qu’ils ont ici.(v.03)
170
En résumé, selon les propos des c.o mentionnés, le TDAH semble avoir un impact sur le projet de carrière en ce sens qu’un nombre
important de jeunes atteint par un TDAH éprouvent des retards scolaires de plusieurs années. Cette situation implique qu’ils vont
souvent travailler pendant un certain nombre d’années pour éventuellement faire un retour aux études aux secteurs des adultes. Reste
que les difficultés et symptômes causés par le TDAH sont encore présents puisqu’ils sont persistants à l’âge adulte. L’espoir subsiste
chez les c.o. rencontrés que ces jeunes auront atteint un niveau de maturation qui leur permettront d’atteindre un premier niveau de
diplomation, mais la partie n’est pas gagnée.
Perception déformée de la réalité
La perception déformée de la réalité fait référence au fait que les jeunes TDAH ont tendance à altérer la réalité. Cette réalité touche
leurs symptômes du TDAH, leurs limitations académiques, les exigences du marché du travail et la notion des préalables nécessaires
pour rentrer dans certaines formations. Selon le c.o. (m.01), les jeunes TDAH ont tendance à adopter une idée et d’avoir de la
difficulté à voir les autres possibilités et d’être réaliste concernant leurs limites. Il mentionne que :
Moi, en les questionnant, on sort des choses, mais des fois c’est difficile d’eux-mêmes; les sports, on essaie de trouver
autre chose ou qu’est-ce qu’il y a dans les sports qu’ils aiment; le sport d’équipe? […]ça peut être quand ils ont des
rêves pas assez réalistes; de revenir à quelque chose de plus réaliste. Des fois, ils restent juste sur une chose; ça devient
plus difficile de trouver autre chose.(m.01)
La réalité est parfois difficile à admettre pour ces jeunes et le c.o. (m.03) mentionne qu’il est parfois en situation où c’est à lui que
revient la douloureuse tâche de remettre les pendules à l’heure. Il dira :
On fait souvent du pétage de balloune ici malheureusement […] T’essaies d’aller voir les intérêts, justement les rêves,
c’est triste, c’est le néant. Sinon, il y en a qui ont quand même malgré tous des rêves qui sont irréalistes, que cela
viennent d’eux ou de leurs parents, de la famille ou autres, donc faut essayer de voir c’est quoi un plan B.(m.03)
171
Bien que cela soit une clientèle qui éprouve plusieurs difficultés, ces jeunes ont tendance à faire de l’évitement et de faire comme s’il
n’y avait pas de problèmes. Le c.o. (m.04) mentionne que :
Y’ont des rêves, pis c’est médecin, pis là, on sait que c’est des grosses études et que ça va demander de
l’attention[…]souvent les résultats scolaires seront pas assez pour médecine, mais y’a pleins d’autres métiers qui
demandent une attention particulière[…]les stages d’un jour, ça peut leur permettre de se rendre compte, mais y’a un
déni qui se fait à l’adolescence pis, c’est pas quelque chose de l’fun à annoncer aux gens que : moi, j’suis TDAH, en
passant» C’est jamais arrivé qu’un élève me dise ça d’emblée, jamais; je l’ai su par la bande.(m.041)
Le c.o. (m.05) mentionne lui aussi que ces jeunes semblent irréalistes et que le TDAH à un impact sur leurs projets professionnels. Il
dira :
Ça a un impact quand on les amène à réfléchir sur le portrait global de leur dossier académique et où on peut aller avec
ces notes-là, mais les élèves sont très irréalistes. Tout le monde veut être médecin ou, avocat, peu importe les résultats
[…]il faut les ramener un peu, regarder les choses connexes. Quand on regarde les aptitudes, les forces qu’ils ont puis
ensuite, les matières scolaires, ça commence à mettre les choses plus terre-à-terre.(m.05)
Selon le c.o. (v.01), il est préférable de conseiller au jeune d’aller chercher un premier diplôme qui est le plus accessible selon les
limites des jeunes. Il dira : «quand t’as 17/18 ans, pis que tu as encore de la misère à finir un secondaire 3, je vais miser beaucoup sur
les DEP. Vas te chercher un DEP, on reparlera du cégep après[…]il faut démystifier le fait d’aller à l’université.» Le déni des
symptômes et des limitations semble présent lorsque les jeunes débutent dans un cégep, plusieurs ne vont pas le dire qu’ils sont TDAH
et préfèrent prendre le risque de ne pas recevoir des services adaptés que d’être étiquetés TDAH. Le c.o. (v.03) mentionne : «encore
là, quand je parlais tantôt d’être identifié, d’être jugé par les autres, ça rentrait en ligne de compte aussi. Lui, y veut pas avoir ces
services-là parce qu’il veut pas que les enseignants soient au courant de sa problématique.» En contexte d’orientation, le c.o.
mentionne qu’il est important de ramener les jeunes TDAH dans la réalité. Il mentionne que:
172
Oui, ils sont plus irréalistes. Je pense qu’il y en a qui estime qu’ils ont toutes les capacités de rentrer dans un hôtel,
travailler à la réception, être journaliste, être homme d’affaires de passer tous les tests, tout est plausible. Je pense qu’ils
se donnent plus de pouvoir qu’ils en ont pour de vrai.(v.03)
En conclusion, la difficulté de s’approprier la réalité pour les jeunes qui souffrent du TDAH risque d’avoir un impact sur leur projet
professionnel puisque leur jugement est altéré devant leurs limitations académiques et personnelles.
Limitation du choix de carrière
Les conseillers d’orientation interviewés ont observé que les jeunes TDAH auront tendance à choisir des formations ou métiers en
dessous de leurs aptitudes et capacités intellectuelles. Ces jeunes vont souvent se limiter à des métiers manuels, concrets et qui ne
requièrent pas beaucoup d’années d’études. Le c.o. (v.02) mentionne qu’ils éprouvent de l’attirance pour le marché du travail sans
savoir ce que cela prend comme formation pour y arriver. Il dira :
Souvent, ils veulent un travail où c’est plus physique, un travail extérieur, policier, gendarmerie royale, groupe tactique
d’interventions. C’est des métiers très physiques, très masculins […]ils ne visent pas l’université. Quand ils parlent de
métiers, ils parlent davantage de quelque chose de très concret, soit une technique ou soit un DEP pour quitter le milieu
scolaire le plus tôt possible parce que le milieu scolaire est difficile pour eux, donc c’est des formations de courte
durée.(v.02)
En d’autres termes, les jeunes TDAH ont tendance à se limiter à des métiers qui requièrent des études de courte durée et ils envisagent
à peine les études universitaires et s’ils le font, c’est sans prendre en considération les années d’études et les conditions d’admission
auxquelles ils devront faire face le moment venu. Comme le mentionne le c.o. (m.03) :
173
C’est des élèves qui se voient au cégep et qui ont le potentiel, mais à l’université, c’est trois ans de plus, c’est plus de
travaux, plus de lecture dans les livres, fait que ça, eux, ils vont dire, Ah… Des fois, je leur en parle quand même, parce
que je m’empêcherai pas de leur en parler de ce qu’ils veulent, même si je vois que cela peut être difficile.(m.03)
Dans l’éventualité que les jeunes qui souffrent du TDAH ont été bien encadrés, ont été diagnostiqué et prennent la médication
appropriée, les c.o. semblent dire qu’ils peuvent réussir comme tous les jeunes. La médication aidant, le c.o. (m.04) mentionne
«[…]qu’une fois qu’on peut palier à ça, y’a pas de raison pourquoi cet enfant-là réussirait pas dans la vie.» L’impact sur la réussite et
sur l’estime est majeur lorsque les moyens pour aider les jeunes ne sont mis en place. Le c.o. (m.04) poursuit en disant que :
C’est des élèves souvent qui sont en échec parce que mal accompagné dans le sens où on leur a pas donné les outils
assez tôt ou y sont pas médicamentés pour x raisons […]tu te retrouves dans un groupe qui est particulier ou qui a des
retards. Toi, tu sais que t’as pas de retards d’apprentissage donc, l’estime de soi vient de tomber de beaucoup. C’est
malheureux pour certains élèves, probablement plusieurs d’entre eux.(m.04)
En termes d’accompagnement, il est question du cursus scolaire qui n’offre plus le cours sur l’éducation au choix de carrière (ECC) et
les conséquences se ressentent sur l’information manquante concernant les programmes scolaires et cela n’aide pas les jeunes à se
fixer un objectif de formation ni de carrière. Le c.o. (m.04) dira : « Souvent, à l’adolescence, ils vivent dans le rêve. Y sont encore en
exploration, pis des fois, sont encore en exploration en secondaire 5. Malheureusement, actuellement y’a plus d’ECC. Y nous arrivent
en secondaire 4 et 5 et y savent même pas c’est quoi une technique, un DEP, c’est terrible.» Un autre c.o. (m.03) mentionne que le
système d’éducation au secteur secondaire offre peu ou pas d’alternative de type d’enseignement et le type d’enseignement magistral
est peu indiqué pour les jeunes TDAH. Il dira :«C’est pas qu’ils plafonnent, mais avec notre système d’éducation du secondaire
régulier, d’écouter le prof pis, d’écrire et tout ça, eux ça correspond pas nécessairement à leurs capacités[…]aller faire une formation
professionnelle ou une technique où est-ce que là ils peuvent plus manipuler, plus bouger ou apprendre d’une autre façon, peut-être
que c’est plus adéquat pour eux.» L’espoir étant qu’à travers les succès vécus en formation professionnelle, ces jeunes décident de
faire l’effort d’aller chercher une formation au cégep. En conclusion, ces jeunes semblent faire un grand détour pour atteindre leur
objectif de carrière. Ils passent souvent par le marché du travail, puis ils font un retour aux études au secteur des adultes, ensuite, ils
174
poursuivent dans une formation professionnelle et éventuellement ils vont aller au cégep. Il n’est même pas question d’études
universitaires.
Processus d’orientation auprès des jeunes TDAH
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Évaluation du parcours scolaire Porter une attention particulière sur l’historique scolaire depuis le primaire, être au
courant du dossier académique du jeune concernant ses échecs, ses retards scolaires,
ses difficultés d’apprentissage et connaître le potentiel réel de ses capacités
d’apprentissage ainsi que les stratégies mises en place par l’école.
Processus d’orientation
Évaluation des intérêts, aptitudes, valeurs et besoins
Adaptation de la pratique d’orientation Adapter sa pratique d’orientation durant un processus d’orientation auprès des jeunes
TDAH en fonction de leurs limitations personnelles
Évaluation du parcours scolaire
Les conseillers d’orientation interviewés ont mentionné qu’une attention particulière devait être portée sur l’historique scolaire depuis
le primaire afin d’identifier le plus rapidement possible les élèves qui souffrent d’un TDAH pour leur donner le soutien et
l’encadrement dont ils ont particulièrement besoin. Selon ces c.o., pouvoir intervenir dans le dossier de l’élève en tant que
professionnel et de pouvoir mettre en place un plan d’intervention incluant l’orientation serait porteur de motivation pour ces jeunes
qui ont souvent accumulé plusieurs expériences négatives durant leur parcours scolaire. Le c.o. (m.03) dira à ce sujet : «on travaille
beaucoup entre nous à nous référer des élèves. Un élève qui est démotivé ou qui est sur le bord de décrocher, moi, je dis souvent aux
autres professionnels : appelez-moi avant que l’élève ait déjà un pied et demi sorti de l’école.» Comme le c.o. (m.05) mentionne aussi
concernant ce sujet que :
175
Si on peut les cibler plus tôt, quand dès qu’ils arrivent au secondaire[…]Des fois, ils sont déjà identifiés au primaire,
mais pas toujours. Des fois, c’est l’enfant qui est plus invisible aussi[…]pis là, on les voit en sec. 3, pis ils deviennent
décrocheurs […]Ils ont besoin d’être entendus, ils ont besoin d’un suivi au niveau scolaire.(m.05)
Le c.o. (v.01) a souvent travaillé avec des élèves qui n’ont jamais été identifiés comme ayant un trouble depuis le primaire. Il dit à ce
sujet :
Je comprends pas que les enseignants, les directions d’école…qu’un enfant puisse passer tout son primaire sans que
personne n’ait rien vu[…]quand t’as 14 ans et que tu es en sixième année, c’est que tu as un trouble[…]Moi, je trouve
ça extraordinaire que le c.o. puisse faire des évaluations parce que, comme ce matin, mon directeur adjoint me montrait
une pile de dossiers d’ados maintenant qui ont passé à travers le système scolaire et qui n’ont jamais eu de
diagnostic.(v.01)
Pour le c.o. (v.02), travaillant en milieu scolaire : «prendre connaissance de leur dossier scolaire, passer à travers et en prendre
connaissance. Aussi le dossier d’aide à l’élève, qu’est-ce qui a été mis en place pour ce jeune-là. Donc, décortiquer son dossier
scolaire, pis voir avec lui qu’est-ce qui avait été mis en place, qu’est-ce qui n’a pas marché.» Être au courant du dossier académique
du jeune concernant ses échecs, ses retards scolaires, ses difficultés d’apprentissage et connaître le potentiel réel de ses capacités
d’apprentissage ainsi que les stratégies mises en place par l’école permettent de mieux cibler les formations qui respectent le mieux
ses limitations en vue d’atteindre son objectif de carrière. En effet, comme le mentionne le c.o. (m.04) : «Donc, si c’est un élève FPT,
mon problème associé c’est qu’il n’a pas les acquis de primaire, donc ça sera pas les mêmes types d’emplois que je vais regarder du
tout. Si je vais dans la classe FMS, y’a les acquis seulement du premier cycle d secondaire donc on va aller voir aussi un type
d’emploi particulier.»
176
Processus d’orientation
Le processus d’orientation comme on l’entend ne semble pas différent dans l’ensemble. Les c.o. vont passer par les phases
d’exploration, qui vise l’évaluation des intérêts, aptitudes, valeurs et besoins, la cristallisation, la clarification et la réalisation. Par
contre, en contexte scolaire, il semble très difficile d’avoir le temps nécessaire pour pouvoir faire des processus complets. Auprès de
la clientèle adolescente, c’est plutôt l’étape de l’exploration qui est abordée. Le c.o. (m.04) l’exprime de façon suivante : «y va passer
par les mêmes phases que les autres. Il va faire du rêve comme les autres, y va falloir qu’on l’amène à la cristallisation comme les
autres. C’est les mêmes phases, c’est la façon dont on s’adresse à lui qui est différente.» Le c.o. (m.04) mentionne aussi que :
«l’introspection, c’est plus difficile, donc, c’est à moi de poser plus de questions, donner des exemples. Ils ne donnent pas une grosse
liste de points forts et points faibles, je travaille avec ce qu’ils me donnent.» Le c.o.(m.03) exprime sensiblement les mêmes
préoccupations : «mais ces élèves-là ont des besoins qui faudrait peut-être travailler un peu plus c’est quoi les choses dans lesquelles y
sont bons, y sont moins bons; apprendre à se connaître, développer leurs intérêts, mieux les connaître, pis après ça, faire des liens avec
qu’est-ce qui existe comme métiers sur le marché du travail.» Le c.o.( m.02), mentionne qu’il est question de partir des besoins du
jeune. Il dira :
C’est plus une approche de développement de carrière qui est adaptée selon leurs besoins, à partir de la connaissance de
soi, du marché du travail, mes forces, mes aptitudes. Je travaille beaucoup sur les qualités pour ensuite les aider à
trouver un stage ou bien différents choix de carrières. (m.02)
Pour les c.o. interviewés, l’estime de soi semble l’aspect primordial à travailler en processus d’orientation. Comme le mentionne le
c.o. (v.01) :
C’est toujours la perception de soi, l’estime de soi. Ils prennent pas les bons moyens, ils sentent au fond d’eux qu’ils
ont une valeur, ce qui est tout à fait vrai, mais ils ne la mettent pas à la bonne place. Donc, il y a des affaires qu’il faut
débâtir pour leur permettre d’être dans un chemin qui leur est accessible, qui va leur donner une valeur réelle.(v.01)
177
Le c.o. (v.02) a observé des conséquences similaires dans sa pratique, il mentionne que : «c’est difficile d’avoir une bonne perception
de soi positive. Quand on a une faible estime de soi, c’est difficile de rester motivé et quand on ne réussit pas parce qu’on a de la
misère à rester concentré, c’est difficile de réussir.» En résumé, il semble que les jeunes TDAH ont besoin de passer par l’étape de
l’exploration lors du processus d’orientation tout comme les autres jeunes par contre, il semble impératif de travailler l’estime de soi
en identifiant non seulement les faiblesses, mais leurs forces et capacités à leur juste valeur. De plus, le manque d’introspection
semble avoir un impact significatif sur la connaissance de soi. Il est donc nécessaire d’identifier les intérêts, aptitudes, valeurs
personnelles ainsi que leurs besoins particuliers en fonction de leur trouble pour éventuellement atteindre une certaine satisfaction
dans leur milieu de travail.
Adaptation de la pratique d’orientation
L’adaptation de la pratique d’orientation durant un processus d’orientation auprès des jeunes TDAH renvoie au besoin d’adapter son
approche et d’utiliser des moyens de communication différents en fonction des difficultés des jeunes. Par conséquent, les c.o. doivent
prendre connaissance de leurs propres limites et de leur fonctionnement personnel étant donné que cette clientèle est plus exigeante.
Comme le mentionne le c.o. (v.01) :
Ça prend beaucoup de gratuité, de don de soi de la part des adultes, une patience multipliée par cinq pour ces jeunes-là
au niveau des apprentissages et de la démarche d’orientation[…]le jeune peut venir te voir 10 fois; il va venir ben plus
souvent qu’un jeune dit «régulier»[…] Je ne sais pas si on finit par aboutir à une décision.(v.01)
Il semble parfois qu’il soit nécessaire de rencontrer les parents, démarche qui permet de cerner le problème et de travailler de concert
avec les gens les plus significatifs pour le jeune. Le c.o. (m.05) : «c’est souvent une clientèle avec qui je vais rencontrer les parents
d’habitude. On fait un plan d’avenir ensemble pour l’enfant parce que souvent le dossier y’est pas fort, y’est faible et voir qu’est-ce
qui est réaliste aussi pour ce jeune-là.» Pour ces jeunes qui souffrent du TDAH, il serait préférable d’être ouvert à toutes les options
possibles qui s’offrent aux jeunes et de rester à coller à la réalité du dossier scolaire. En ce sens, le c.o. (v.01) mentionne que : «mes
178
jeunes en difficultés d’apprentissage et en retards pédagogiques, j’insiste beaucoup sur les formations d’ordre professionnelles au
secondaire[…]De toute façon, je peux très bien avoir un DES en passant par un DEP, pis ça, je le valorise beaucoup auprès de la
clientèle en difficulté.» Cette réalité demande au c.o. (m.02) d’amener les jeunes TDAH à faire des compromis dans leur choix de
carrière, et mentionne à ce sujet : «de cerner leur choix de façon réaliste, de persévérer dans cette lignée, d’avoir un plan B, de
vraiment se connaître pour valider des choix qui sont très réalistes et je dirais d’accepter un changement pour s’adapter à ses
capacités.»
En ce qui concerne la façon de communiquer l’information, le c.o. (v.02) mentionne qu’il serait préférable de travailler la relation
interpersonnelle et d’utiliser des moyens visuels pour aborder l’information scolaire et professionnelle. Il dira : «plus relationnel, leur
montrer des vidéos, plutôt que de la lecture. Étrangement, ces jeunes-là vont être très fort au niveau des jeux électroniques; fait que
tout ce qui est visuel, vidéos, ça marche.» Plus spécifiquement, concernant la relation de confiance entre le c.o. et le jeune TDAH, le
c.o. (m.02) ajoute qu’il : «faut vraiment miser beaucoup sur leurs forces, le positif et les encourager tout le temps, tout le temps. Et
l’affectif, avoir une bonne relation de confiance parce que c’est des élèves qui ne se dévoilent pas à tout le monde, y sont craintifs, ils
ont beaucoup de problèmes personnels.» Le c.o. (v.02) apporte le point concernant la difficulté pour ces jeunes de s’organiser et de ne
pas oublier leur rendez-vous : «c’est des jeunes qui vont oublier leurs rendez-vous, donc, les appeler et les rappeler qu’ils ont un
rendez-vous parce qu’on pourrait croire qu’ils sont pas intéressés […] mais ne pas s’imaginer que c’est de la mauvaise volonté.»
Il arrive parfois que le jeune TDAH ait besoin d’accompagnement plus individualisé et de manière spécifique. Le c.o.(v.03) spécifie
ceci :«je me souviens d’avoir accompagné un élève jusqu’à l’école de la formation professionnelle. On a été rencontré les enseignants
là-bas, on a passé une journée. Y’avait besoin d’un accompagnement jusque-là, pis je l’ai fait.» Dans le contexte de la pratique
adaptée à la clientèle TDAH, le c.o. (v.02) mentionne que cette clientèle éprouve une charge émotive assez importante du fait qu’ils
éprouvent beaucoup de difficultés à l’école. À cet effet :
Le processus d’accompagnement, je dirais, les émotions, passer là-dessus parce qu’ils en ont des charges émotives
importantes […]je l’écoute surtout parce qu’y en a du stock à dire; y en a des difficultés, émotivement, il y a une
charge et il faut qu’elle soit libérée avant le retour à l’école, après ça, on est prêt à parler et à mettre des choses en place
pour l’aider. Oui, l’approche est différente.(v.02)
179
Enfin, concernant l’utilisation d’outils psychométrique, selon le c.o. (v.03), ce n’est tous les tests qui sont utilisables et appropriés; les
résultats risquent d’être biaisés par leurs symptômes reliés au TDAH. Il mentionne que parfois les outils psychométriques ne sont pas
toujours adaptés à cette clientèle. Il dira que : «c’est vraiment de capter, de garder son attention pendant tout le test. Quand j’arrive
avec un trop gros test, c’est là que je les perds complètement. Je ne sais pas la validité finalement du test rendu à la fin.»
En conclusion, selon les commentaires des conseillers d’orientation interviewés, il semble que la clientèle demande aux c.o. d’adapter
leur pratique professionnelle. Que les besoins d’encadrement spécifiques demandent aux c.o. de poser des gestes qui sortent des
pratiques usuelles et enfin, il est possible que cette clientèle demande plus d’efforts et d’énergie personnelle parce qu’il semble que
les processus d’orientation seront plus longs et que les jeunes TDAH soient très tergiversant face à leur choix professionnel.
Les suggestions et recommandations des c.o.
Thèmes émergeants Définitions opératoires
L’importance d’actualiser la formation Sentiment de ne pas avoir reçu la formation pour travailler auprès de la clientèle
TDAH. La Loi 21 apporte son lot de besoin de formation pour poser les gestes
appropriés en terme d’évaluation des capacités
Manque d’intégration des c.o. au sein des
équipes de professionnels
Il y a un manque d’intégration des c.o au sein de l’équipe multidisciplinaire avec les
professionnels et les directions d’école
Le manque de temps Les c.o. manque de temps afin de s’investir auprès des jeunes avec des besoins
particuliers.
Aborder l’orientation autrement Les c.o. suggèrent des idées pouvant aider à rendre le processus d’orientation encore
plus efficace pour les jeunes TDAH.
180
L’importance d’actualiser la formation
Bien que certaines commissions scolaires ont décidé d’offrir de la formation à ces conseillers d’orientation, toutes les commissions
scolaires n’ont pas le même souci d’offrir de la formation à ces employés. Pour ceux qui ont bénéficié de ces mises à niveau, les
bénéfices sont identifiables et reconnus. Comme le mentionne le c.o. (m.04) : «nous les conseillers d’orientation, on se forme sur la
clientèle EHDAA depuis deux ans. Donc, oui on a reçu plusieurs formations là-dessus […]donc, on a des connaissances.» Par contre
plusieurs conseillers d’orientation interviewés ont exprimé leurs sentiments de ne pas avoir reçu la formation pour travailler auprès de
la clientèle TDAH. Il semble que les clientèles ayant des difficultés telles que souffrant d’un trouble envahissant du développement,
TDAH, troubles de santé mentale soient en plus grand nombre à l’école publique au Québec. Pour travailler auprès des jeunes TDAH,
le c.o. (v.02) mentionne: «une formation d’appoint, ça pourrait être pertinent […]parler des médicaments, des effets secondaires, on
comprendrait mieux nos clients. On les accompagnerait mieux, c’est sûr.» Certains c.o. se sentent démunis face à la diversité de la
clientèle ayant des troubles. Comme le mentionne le c.o.(v.03) :
Quand je vais être formé pour ça, là je pourrais me prononcer. Mais, je trouve ça difficile […]moi, c’est sûr que j’ai
besoin d’être formé[..]Je trouve qu’au secondaire, c’est vaste maintenant la clientèle qu’on voit, on couvre beaucoup
ici. On a de la dysphasie, du TC, on a de la dyslexie, on a de la dyscalculie, vraiment de tout, et je trouve ça vraiment
difficile d’adapter un processus d’orientation envers une clientèle quand t’as pas la formation sur la clientèle[…] Quand
y a des formations qui s’ouvrent, je trouve que ça reste de base. On va pas en profondeur.(v.03)
Avec le temps, les c.o. en milieu scolaire ont développé des compétences pour exercer leur travail auprès des clientèles particulières
par contre, avoir une formation universitaire qui ciblerait les difficultés de ces jeunes en milieu scolaire serait d’une grande utilité et
les c.o. se sentiraient mieux préparés. Le c.o. (v.01) l’exprime de la façon suivante : «l’université nous forme pour une clientèle
régulière[…]mais on est pas beaucoup équipé pour faire face à cette clientèle-là.» Le c.o.(m.03) mentionne qu’il serait préférable
d’aller chercher des notions pour se sentir mieux équiper pour travailler avec les jeunes TDAH. Il dira : «soit aller suivre une
formation justement sur cette clientèle-là ou aller chercher des livres, pis vraiment être autodidacte. Pis, aller découvrir un petit plus
les côtés cachés de cette clientèle-là.» Il semble que le peu de formation sur le sujet lors de la formation initiale pousse les c.o. à aller
chercher des informations de façon autodidacte.
181
Concernant la Loi 21, elle apporte son lot de besoin de formation afin que les c.o. se sentent prêts pour l’évaluation des capacités. Bien
que les c.o. interviewés soient conscients de l’utilité de ces nouvelles fonctions, ils expriment aussi leurs craintes de se sentir
incompétents et sans ressource devant l’ampleur de la tâche. Le c.o. (v.02) dira : «Ben, il faudrait être formé pour faire ça. Moi là,
présentement, je ne me verrais pas faire cela.» Il semble y avoir une certaine confusion entre l’acte d’évaluer et l’acte de
diagnostiquer. Le c.o.(m.04) apporte cette clarification : «On n’évaluera pas nécessairement le retard mental, soit dit en passant, ça va
prendre un cours.» Pour plusieurs c.o., il existe une crainte de ne pas être performant et d’avoir perdu une certaine expertise pour
pouvoir analyser adéquatement les résultats. Le c.o.(m.01) propose : «de se garder au courant et à jour, parce qu’on oublie. Avoir de
la formation par des psychologues ou par des psychoéducateurs qui travaillent beaucoup avec cette clientèle-là.» Le c.o. (m.02) dira :
«je pense qu’on a besoin de formation, je pense qu’on a besoin de mieux cerner notre rôle dans le diagnostic et l’évaluation.» Les c.o.
mentionnent que de pouvoir échanger et partager des connaissances entre professionnels de l’orientation favoriserait le sentiment
d’être compétent lorsqu’ils doivent travailler auprès des jeunes TDAH. Le c.o. (v.01) mentionne : «de permettre que les c.o. qui ont
une expertise là-dedans, de mettre en commun leur expérience[…]favoriser l’échange.»
En résumé, les c.o. interviewés s’entendent pour dire que la formation est essentielle. Ceux qui ont reçu une formation concernant les
clientèles éprouvant des difficultés sont très contents de se sentir mieux équipés afin de travailler auprès de ces jeunes. En ce qui
concerne l’application de la Loi 21, plusieurs sont retissants devant l’ampleur de la tâche et ce qui risque d’être exigé comme travai l
supplémentaire de la part des directions d’écoles dans leurs journées déjà bien remplies.
Manque d’intégration des c.o. au sein des équipes de professionnels
Les conseillers d’orientation interviewés ont exprimé leurs désirs de faire partie de l’équipe multidisciplinaire de leur milieu de travail.
Il semble que pour eux, il serait primordial d’agir dès que les jeunes arrivent du primaire. En ce sens, ils voient l’urgence d’agir le plus
rapidement possible. Ce n’est pas toujours le cas en ce moment. Dans l’équipe-école, le c.o est parfois laissé pour compte. Étant donné
que l’objectif de carrière du jeune est un concept plutôt abstrait, les questions touchant le comportement sont souvent celles qui sont
abordées en premier. Le c.o. (m.04) dira : «Si on est sur le plan d’intervention, automatiquement, on va le savoir. Mais c’est nous ou le
182
psychoéducateur. Il y a le choix entre les deux.» Cette situation aura des conséquences sur la rapidité de réaction devant un problème
de comportement. Le c.o. (m.04) mentionne que :
Souvent, je sais pas pourquoi, l’enseignant va aller le dire au psychologue, va aller le dire à d’autres professionnels,
mais en orientation, il ne vient pas nous le dire. C’est comme si c’était oublié que c’était pas important, que ça aurait
pas un impact dans sa vie. Je sais pas pourquoi ils vont aller voir le psychoéducateur, y vont y dire : « y’est
TDAH»[…]nous, on est supposé le deviner[…] Les parents n’ont pas le réflexe de penser aller voir le c.o. C’est pas un
réflexe de venir voir les c.o. malheureusement. Ils vont aller avoir le psy, le T.S., le psychoéducateur parce qu’il a des
troubles associés. Pour eux, nous, c’est pas quelque chose qui est visible «ici et maintenant» ce qu’on fait[…]faut tout
le temps qu’on s’annonce, qu’on le dise.(m.04)
Il semble exister un manque de consultation et de communication entre la direction, les autres professionnels qui sont impliqués dans
l’environnement du jeune TDAH et les c.o. Il serait plus satisfaisant pour les c.o. de pouvoir être au courant quand un jeune est en
situation d’échec et est démotivé pour même déjà décroché des études. Le c.o. (m.03) exprime pour sa part que :
Moi, je dis souvent aux autres professionnels «appelez-moi avant que l’élève ait déjà un pied et demi sorti de
l’école[…]De quelle façon les PAI sont faits[…]on n’est même pas invité. C’est toujours aller dire à la direction : On
existe si y a des besoins, oui on peut vous aider. Et même si on veut pas avoir à tous les faire tout seul.(m.03)
Par contre, le c.o.(m.05) mentionne que lorsque la direction implique les c.o., l’impact est positif et c’est les jeunes qui en bénéficient
particulièrement. Il dira : «ça l’aide beaucoup. Dans notre école, on a aussi des équipes multi, on se rencontre une fois par mois pour
discuter des cas d’élèves, pis les suivis qu’on faits, ça aide beaucoup aussi.»
En conclusion, plusieurs c.o. aspirent à une plus grande intégration de leur rôle-conseil au sein des équipes multidisciplinaires dans le
milieu scolaire. Ils aspirent à pouvoir agir en amont des difficultés qui peuvent avoir des conséquences sur le rendement et la
183
motivation des jeunes éprouvant un TDAH. Il semble y avoir un besoin de reconnaissance de leurs capacités à aider les jeunes dans
des sphères différentes, mais, qui pourraient avoir un impact sur le choix de carrière.
Le manque de temps
Selon les conseillers d’orientation interviewés, une des grandes frustrations dans leur travail est le manque de temps afin de s’investir
davantage auprès des jeunes avec des besoins particuliers. Il semble qu’ils sont déchirés entre les demandes des directions d’école qui
exigent que les c.o. se concentrent sur les élèves du régulier qui fréquentent les quatrième et cinquième secondaires versus le désir de
pouvoir accorder plus de temps aux jeunes dans les programmes du genre FMS et FPT dans lesquels se retrouvent une grande
proportion de jeunes ayant des troubles d’adaptation et d’apprentissage. Le c.o. (m.04) voudrait pouvoir accorder plus de temps et
dira :
On devrait aller voir toujours les plans d’intervention de tous les élèves, on n’a pas le temps de faire ça[…]Mais, si tu
donnes beaucoup de temps à une clientèle particulière, ça va crier ailleurs, parce que les écoles secondaires vont
beaucoup insister pour que tu voies leur secondaire 5, pis les parents également.(m.04)
Un autre c.o.(m.03) exprime sa réalité dans son milieu de travail et mentionne que les directions peuvent mettre une certaine pression
sur les c.o. Il (m.03)dira : «je veux pas avoir à dire non à la direction trop souvent[…]ça paraît mal[…]peut-être que je serais pas
contente avec les priorisations que la direction ferait.» Il semble y avoir un sentiment d’impuissance face aux besoins dans le milieu.
Les c.o. ont très peu de temps pour rencontrer un élève à plusieurs reprises et faire un processus d’orientation. Les processus se
limitent souvent à l’étape de l’exploration.
Il semble y avoir une résistance concernant la mise en œuvre des gestes se rapportant à la Loi 21. Cela ne semble pas un
désintéressement, mais la crainte de ne pas avoir le temps pour pouvoir faire l’évaluation, la correction et la communication des
résultats aux jeunes et aux parents et intervenants. Le c.o.(v.02) mentionne : «il faudrait qu’on considère cela dans nos fonctions de
travail, qu’on nous l’inclue dans notre fonction parce que le temps, on nous donne beaucoup de fonctions dans les écoles.» De
184
nouveau, il est possible de ressentir les mêmes préoccupations de la part du c.o.(m.05) qui dira : «moi, je n’aurais pas le temps de faire
ça et je voudrais pas le faire non plus parce que j’ai pas nécessairement l’endroit et ça prend une demie journée pour faire ça.» Encore
une fois, la valorisation de la profession au même titre que les autres professionnels au sein de l’école se fait sentir puisque le c.o.
(m.01) fait remarquer que : «le problème, ça va être le manque de temps et de ressources[…]Faudrait faire comme les psychologues
qui se bloquent des journées pour faire les évaluations et corrections.»
En conclusion, il semble que les c.o. qui travaillent en milieu scolaire au niveau secondaire sont déchirés entre le désir de pouvoir
accorder plus de temps aux élèves éprouvant des difficultés et le manque de temps. La crainte de voir sa charge de travail augmenter
avec l’application de la Loi 21 vient ajouter à la frustration déjà présente de ne pas avoir le temps de faire des processus d’orientation
qui exigent plus de temps sachant que cette clientèle profiterait de pouvoir faire des processus étendus sur une plus longue période de
temps.
Aborder l’orientation autrement
Selon les c.o. interviewés, il ressort que les c.o. usent de leur créativité et mettent à profit les ressources qui sont disponibles en
périphérie du milieu scolaire. Il existe un souci tangible de trouver des moyens pour encadrer et offrir du soutien aux jeunes TDAH.
Afin de mieux saisir les lacunes et difficultés qu’éprouvent les jeunes TDAH, le c.o. (m.03) suggère les moyens suivants :
Donc, j’ai l’impression qui va falloir aller faire de l’observation peut-être même des sondages, jaser avec les profs,
jaser avec les élèves; vraiment être patient, mais aller faire beaucoup de terrain avant de remettre nos activités et notre
façon de faire[…]Je pense que quelqu’un qui veut travailler avec cette clientèle, faut retourner à la source finalement.
Soit quelqu’un qui est très créatif, capable d’imaginer des nouvelles activités, développer soit des nouveaux tests ou des
nouvelles façons de travailler avec ces jeunes-là du côté orientation.(m.03)
Il semble que le besoin d’adapter les pratiques professionnelles soit aussi une nécessité pour mieux interagir avec cette clientèle
comme le mentionne le c.o. (m.03) :« Jjimagine que les tests qu’on nous présente depuis quelque temps pourraient être utilisés pour
185
ces élèves-là aussi, mais je présume qui va falloir adapter aussi notre matériel, revoir nos pratiques. Ça, c’est clair, encore plus.»
Plusieurs c.o. suggèrent des idées pouvant aider à rendre le processus d’orientation encore plus efficace pour les jeunes TDAH. Le c.o.
(m.01) suggère que : «peut-être qu’on pourrait même faire des choses qu’on fait pas, que je fais pas, mais peut-être que des fois il y
aurait lieu de faire des groupes de soutien au niveau des TDAH, de pouvoir en voir plusieurs en même temps qui ont la même
problématique, qui se comportent à peu près de la même façon.» Une autre suggestion serait de pouvoir mieux préparer ces jeunes au
marché du travail. Le c.o. (m.02) propose de :
Avoir plus de plateaux de travail, avoir plus de liens avec les partenaires du marché du travail, Emploi-Québec, de créer
des passerelles qui sont pliables […]les secondaires 2,peut-être commencer en secondaire 1, mais avoir le secondaire
très, très ancrer vers la formation professionnelle et[…]ouvrir le répertoire des métiers semi-spécialisés vers d’autres
domaines.(m.02)
Le c.o. (m.02) mentionne que de travailler en équipe avec les autres professionnels permet d’agir sur plusieurs problématiques telles
que la toxicomanie, les troubles de comportement et autres difficultés. Il dira :
On travaille ensemble. Je travaille avec la psychoéducatrice et l’intervenante en toxicomanie […]le Carrefour jeunesse
et la persévérance scolaire[…]On s’implique avec le TEVA qui est le plan de transition école-vie active du
CAMO[…]Peut-être travailler en concert avec les organismes emploi-été, les CAMO, les SEMO[…]il y a un grand
trou entre où ils en sont, leurs portes de sortie et leurs cartes de compétence.(m.02)
Une autre suggestion faite par le c.o.(v.03) serait d’avoir une formation pour mieux comprendre les clientèles qui éprouvent des
difficultés comme les TDAH ou les dysphasiques et ceux qui souffrent du syndrome de Gilles de Latourette. Il mentionne :
J’ai l’impression qui faudrait que j’aie une formation sur tous les types de clientèles ou qu’il y ait un conseiller
d’orientation spécialisé pour ça, comme on en retrouve à l’extérieur des systèmes scolaires. Avant, je travaillais au
186
SEMO pour les personnes handicapées, donc on avait une spécialisation juste pour eux. Donc, probablement que les
processus d’orientation seraient peut-être plus adaptés.(v.03)
Le c.o.(v.01) aurais aimé pouvoir compter sur la communauté élargie des c.o. qui auraient une expérience professionnelle acquise au
fil des ans ayant déjà travaillé auprès des clientèles différentes. Il dira : «t’as beau lire, aller à des colloques, mais si y aurait un comité
à l’Ordre des c.o. du TDAH ou jeunes en difficultés, comme une ressource style AQETA, mais des c.o., ça serait génial parce que
c’est tellement vaste les difficultés d’apprentissage […]Je te dirais que c’est ce qui m’aura manqué.»
Concernant l’application de la Loi 21, il semble que la plupart des c.o. interviewés sont contents de la reconnaissance des capacités
professionnelles des c.o. en lien avec l’évaluation du retard mental et l’évaluation des difficultés d’apprentissage. Toutefo is, la crainte
de ne pas avoir plus de temps ou de ressources humaines pour pouvoir appliquer ces nouvelles fonctions reste une préoccupation. Le
c.o. (m.05) fait la suggestion suivante : «moi, je pense que la commission scolaire pourrait engager 2 personnes qui pourraient flotter
autour de la commission scolaire pour faire les évaluations; là, t’aurais une expertise.» Le c.o. (v.02) pense pour sa part que :
Il faudrait être formé pour pouvoir faire ça. Moi, là, présentement, je ne me verrais pas aller faire ça. Quoique, à mon
école cela serait super pertinent. Ensuite, il faudrait qu’on considère cela dans nos fonctions de travail, qu’on nous
l’inclue dans notre fonction […]Il y a toute une vision sur le rôle des c.o. faire de la place pour ça aussi dans nos rôles
et fonctions.(v.02)
En résumé, il semble que l’actualisation de la formation initiale qui inclurait un cours optionnel ayant pour sujet les troubles qui sont
les plus sujets à se retrouver en milieu scolaire serait un moyen de s’assurer que les c.o. qui visent le secteur de l’éducat ion comme
milieu de travail auraient l’information de base concernant ces clientèles à risque de décrochage. De plus, les c.o. ont exprimé leur
désir d’être impliqués au sein des équipes multidisciplinaires le plus rapidement possible et d’être mis au courant des dossiers des
élèves qui présentent dès leur arrivée au secteur secondaire des difficultés d’adaptation. Il reste que le manque de temps est
probablement le facteur qui dérange le plus les c.o. en milieu scolaire. En effet, ils semblent déchirés entre les besoins des jeunes
187
TDAH, la direction d’école qui désire les voir s’impliquer davantage auprès des élèves de quatrième et cinquième secondaire e t leurs
tâches en tant que professionnels de l’orientation. Il est présentement difficile à cause du manque de temps d’offrir aux élèves TDAH
un processus d’orientation complet (exploration, cristallisation, clarification et réalisation).
Donc, les c.o. aspirent ardemment à pouvoir rencontrer tous les jeunes qui le désirent ainsi que leurs parents, de pouvoir faire des
évaluations de potentiel qui inclut la passation des tests, l’interprétation et la transmission des résultats. Enfin, les c.o. ont ment ionné
leur désir de voir la profession évoluée afin de pouvoir mieux répondre aux besoins particuliers de cette clientèle qui peut être
exigeante par moment. Leur désir d’être encore plus efficace est évident.
188
Pratiques d’orientation et évaluation de potentiel … Valérie Locas, c.o.14
L’objectif de cet essai était de faire un portrait, le plus précis possible, de ces praticiens qui œuvrent en évaluation de potentiel afin de
faire la lumière sur leur pratique, mais aussi sur les enjeux auxquels ils font face. Les conseillers rencontrés ont permis de mettre en
évidence des éléments importants sur cette pratique. L’unanimité des réponses à l’égard du manque de formation concernant le volet
entrepreneurial est un facteur à considérer. Cependant, ce type de constat permettra peut-être de mettre en place un programme
d’étude pour les conseillers d’orientation organisationnel. Cette recherche n’aurait pu être effectuée sans l’apport important des
conseillers et conseillères qui ont été rencontrés. Cependant, l’évaluation de potentiel étant effectuée principalement dans des firmes
concurrentes, une des limites de cette recherche s’avère être la confidentialité des informations reçues. Au fil du temps, les ressources
humaines se développent et la psychologie du travail prend tout son sens. Ceci afin de maximiser le développement professionnel des
ressources dans les entreprises québécoises. Cette recherche aura permis de faire un constat sur l’un des six champs de pratiques de la
psychologie du travail dans lequel les conseillers d’orientation sont des acteurs. En regard du peu de littérature liant la pratique des
conseillers et conseillères d’orientation et la psychologie du travail, il s’avère pertinent de penser que le présent essai permettra de
mieux informer les futurs conseillers ou conseillères désireux de faire carrière dans ce domaine. Aussi, les résultats de cette recherche
14 Locas, Valérie (2012). La pratique des conseillers et conseillères en orientation œuvrant dans des mandats d’évaluation de potentiel. Rapport d’activité dirigée présenté à la
faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil : carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/07/essai-en-
ligne-les-pratiques.html
189
offriront une documentation sur le processus d’évaluation de potentiel dans lequel le conseiller doit intervenir. En conclusion, les
éléments nommés permettront une meilleure visibilité et compréhension de ce domaine et de cette pratique.
Faits saillants de leurs conceptions en regard du contexte actuel
Transformation de la dotation dans certains secteurs
Le départ massif de la génération des baby-boomers a été confirmé par les conseillers interviewés quant aux conséquences qu’il
engendre sur le marché du travail ce qui corrobore le constat de l’auteur Karpicek (2008). Selon lui, nous assistons depuis quelques
années à un vieillissement de la population : « le fait le plus inquiétant est le dépassement, prévu en 2019, du nombre important de
personnes de plus de 65 ans par rapport à celui des moins de 19 ans » (p.12).
Ajouté à cette dimension, un autre aspect important a été nommé comme un enjeu pour la sélection du personnel suite au contexte
actuel de pénurie de main-d’œuvre. En effet, selon les conseillers rencontrés, l’embauche des candidats prend une autre forme en
regard des enjeux actuels. Il s’avère que pour certains secteurs, les entreprises n’ont plus autant le choix qu’avant et se montre plus
ouvert à développer les candidats au sein même de leur organisation plutôt que d’attendre que ceux-ci possèdent tous les critères
nécessaires. Ainsi, la rencontre avec les conseillers a pu démontrer la restriction de critères à laquelle sont confrontées les
organisations face à l’embauche de leurs ressources dû au manque de main-d’œuvre. L’initiative de recherche sur les compétences
(2008) allait dans ce sens en expliquant que; Le vieillissement de la main-d’œuvre aura pour effet d’en accroître la rareté de la main-
d’œuvre dans certains domaines et ainsi modifier les critères de sélection.
190
Contexte nécessitant de favoriser l’engagement
Dans cette même lignée, les conseillers ont apporté un point important en lien avec les transformations actuelles du marché du travail.
Outre la pénurie de main-d’œuvre, les organisations sont maintenant confrontées à un concept important; l’engagement. La génération
précédente était plutôt sédentaire en regard de leur emploi tandis que les nouvelles générations sont plus flexibles quant à leur plate-
forme professionnelle. Ainsi, les dirigeants ont un enjeu important avec lequel ils doivent composer, celui de pouvoir maintenir ou
favoriser l’engagement de leur personnel dans l’optique qu’ils perdurent dans l’organisation.
Cet aspect actuel dans la sélection a été mentionné au préalable dans la problématique comme étant un enjeu important par l’auteur
Verquerre. Cet auteur illustrait la transformation actuelle des ressources humaines en comparaison avec le XXe siècle. Avec le
taylorisme au début du XXe siècle, les travailleurs étaient considérés davantage comme un « sujet » qui effectue le travail de manière
répétitive. Aujourd’hui, le travailleur est davantage pris en cause dans son processus intellectuel ou sa réaction affective souligne
Verquerre (2008). Les départements des ressources humaines sont confrontés à de nouvelles pratiques dans l’optique de favoriser une
rétention ou plutôt une fidélisation du personnel. Ainsi, certains conseillers ont relevé un des paramètres cruciaux avec lequel les
entreprises doivent composer.
De plus, soulignons qu’un des conseillers en orientation interrogé a mentionné que le concept de rétention n’était plus « à la mode »
faisant plutôt référence à une « cage dorée » alors qu’il s’avère selon lui, plus actuel de parler d’engagement.
191
Intentions multiples pour l’utilisation de l’évaluation de potentiel
En dehors des objectifs des organisations tels qu’une aide en sélection ou une objectivité, certains des conseillers rencontrés ont
mentionné des besoins à fins internes importants. Les visées externes ont été élaborées en première partie de cet essai tel que
mentionne Petterson (2000) lorsqu’il indique que « la mesure des différences individuelles permet d’avoir une approche beaucoup
plus rigoureuse en gestion des ressources humaines, particulièrement en ce qui concerne l’évaluation des compétences et la prédiction
du rendement au travail » (p.298). Au début du XXe siècle, il était beaucoup plus rare d’entendre parler d’évaluation de candidats
alors qu’aujourd’hui il est suggéré aux entreprises de procéder à une évaluation plus approfondie de leur personnel.
Ce qui apparaît intéressant ce sont les autres demandes des organisations, relevées par les experts du milieu, qui font référence à
d’autres utilisations de l’évaluation du potentiel. En effet, en dehors de la sélection, cette pratique s’avère utile pour une connaissance
plus arrondie du candidat de ses forces et de ses pistes de développement. Ceci contribue à aider le gestionnaire à l’intégra tion de son
nouvel employé. En plus de favoriser sa mobilisation à l’interne, le gestionnaire peut mieux cerner les points de vigilances de ses
ressources et s’assurer de leurs développements.
Toujours dans une optique de mieux connaître leurs candidats, les gestionnaires font aussi appel à l’évaluation de potentiel dans le but
de faire une gestion des talents à l’interne. Selon certains conseillers d’orientation interrogés, il est pertinent pour un gestionnaire de
favoriser la promotion ou l’attribution de poste de plus haut niveau à certains employés à l’interne ce qui contribue à leur
émancipation professionnelle au sein de l’entreprise. De cette façon, ils conservent l’affiliation avec leur personnel et mettent l’accent
sur leurs employés clés. Ces différentes raisons sont en lien avec ce qui a été nommé sur les raisons de l’utilisation d’évaluations de
potentiel soulevées par les organisations de la SQPTO (2011, p.4).
192
Faits saillants de leur pratique en évaluation de potentiel
Ce qu’est l’évaluation de potentiel
Il a été déterminé que l’évaluation de potentiel devait aider ou alimenter le professionnel sur son analyse de manière à approfondir la
dynamique de l’individu le plus près possible de la réalité. Ce qui a été présenté comme étant une définition de l’évaluation de
potentiel se rapproche de l’explication donnée par les professionnels interrogés. Les conseillers ont renchéri les définitions présentées
ci-haut, mais somme toute ils ont su parfaire les définitions déjà connues. Il est intéressant de regrouper les différentes définitions pour
faire un portrait global sur ce que les conseillers interrogés ont pu ressortir comme étant une définition plus holistique de l’évaluation
de potentiel. Ils ont identifié l'évaluation de potentiel comme un instrument pour mettre la bonne personne à la bonne place ou encore
une adéquation entre un candidat et un poste. De plus, ils ont suggéré une analogie de l’évaluation de potentiel comme étant une photo
temporelle d’un candidat ainsi qu’une confirmation sur l’embauche de celui-ci. Somme toute, les conseillers ont expliqué une façon
plus « terrain » d’expliquer les rouages de l’évaluation de potentiel ce qui donne une explication complète de cette pratique.
Difficultés relatives au milieu et à la profession
Dans la section de la problématique, il n’a pas été question d’une recherche effectuée sur les difficultés relevées par des conseillers
d’orientation qui œuvrent en évaluation de potentiel. Ainsi, il fut intéressant de porter un regard sur les éléments énoncés par ceux-ci
lors cette partie. En effet, des réponses, dans l’ensemble, plutôt différentes ont été soulevées. En premier lieu, certains s’entendaient
pour mentionner que le milieu en soi était stressant et qu’il y avait une pression de résultat. En outre, ils étaient plusieurs à être
d’accord pour dire que la méconnaissance des systèmes organisationnels était une difficulté en soi ainsi que le caractère politique de la
profession.
193
Cependant, plusieurs autres difficultés relevées ont été nommées tels que certaines des lacunes en psychométrie qui consistaient un
obstacle à la pratique. De plus, un des conseillers a soulevé la difficulté du retour sur les tests à l’organisation qui implique une partie
de la profession qui s’avère "challengeante". Puis d’autres ont nommé la limite de l’information que procurent les outils, les impacts
importants sur la carrière d’un individu ainsi que l’entreprise ou l’approfondissement des propos de la personne entrevue.
Finalement, il a été relevé par un conseiller que la crédibilité est encore à parfaire. Ainsi, il semble pertinent de croire que plusieurs
difficultés relatives à ce milieu sont à considérer dépendamment du professionnel. Ces, rejoignent un autre point amené par les
conseillers, le métier n’est pas fait pour tous les types de personnes.
Un profil « type » de conseiller d’orientation
Il a été soulevé que le métier de conseiller d’orientation n’était pas pour tout le monde. En effet, les conseillers interrogés ont
mentionné le côté organisationnel que comportait la profession qui engendre un type de relation différente à la relation d'aide dans ces
types de mandat. Selon eux, un profil plus « entrepreneur » est susceptible de se plaire davantage dans ce métier de même que des
personnes privilégiant une relation de type « rôle-conseil ».
Augmentation du nombre de conseillers dans ce milieu
Aspect intéressant à noter, il a été démontré lors de la section théorique qu’« il est bien connu que la majorité des conseillers
d’orientation œuvre dans le milieu scolaire, employabilité, etc. (Site internet de l’OCCOQ). Selon Froment (2010), de nombreuses
sociétés emploient maintenant des conseillers d’orientation dans le secteur organisationnel tel que chez; « Bell Canada, Desjardins,
Loto-Québec, Raymond Chabot Grant Thornton, Telus, CGI, Premier tech, Sun Life du Canada, etc. » (Froment, 2010, p.1). (…)Une
194
recherche effectuée en 2007 par le comité de pratique des conseillers d’orientation dans les organisations a démontré que 41 % des
conseillers d’orientation en milieu organisationnel œuvrent dans ce milieu depuis moins de 5 ans et la moitié des conseillers exerçant
en milieu organisationnel sont à titre de consultant externes. »
Ce qui a été appuyé par les conseillers rencontrés. En effet, ceux-ci ont noté avoir de plus en plus de conseillers dans la pratique et que
le métier est en expansion par rapport aux dernières années. En revanche, le peu de conseillers dans ce milieu actuellement
s’expliquerait par le profil spécifique du conseiller d’orientation organisationnel, les perceptions des conseillers d'orientations de la
pratique ainsi que la promotion ou la connaissance de la profession ou du milieu.
Psychologie, psychométrie et counseling, triangle de connaissances les plus utilisées dans cette pratique
Les conseillers d’orientation rencontrés ont noté les trois dimensions de leurs formations les plus utiles qui sont; les cours de
psychologie pour comprendre la dynamique humaine, les cours de counseling ce qui renchérit leur rôle-conseil ainsi que leur
connaissance de la psychométrie. Somme toute, il s’avère que le conseiller place l’humain au cœur de ses préoccupations ce qui fait
ajoute un paramètre au travail du conseiller. Celui-ci étant un acteur pertinent pour s’assurer qu’une personne fait un choix de carrière
bien réfléchi en regard de son environnement, de ses intérêts et de sa personnalité. C’est avec tout ce bagage que le conseiller
d’orientation organisationnel procède à l’évaluation d’un candidat ce qui bonifie son travail. Son analyse est teintée de sa formation à
percevoir l’individu en regard d’un choix de carrière et lui amène une autre dimension. Les conseillers d’orientation sont des
spécialistes dans l’évaluation du fonctionnement psychologique de la dynamique individu-travail ceci s’avère bénéfique pour une
organisation. « La ressource humaine s’humanise (...) Nous sommes les spécialistes pour attirer, fidéliser, mobiliser et développer les
individus en entreprises » (Proulx et Bussières, 2009, p.15).
195
Le processus et ses étapes
Cette partie était particulièrement importante. Les conseillers ont précisé les différentes tâches ou interventions auxquelles ils
prenaient part lors du processus de l’évaluation de potentiel. Les informations obtenues ont été comparées au cadre théorique proposé
dans la section deux; les étapes du modèle de Laberon (2011);
En premier lieu, les conseillers ont entamé l’explication de leur processus en faisant référence à l’étape de l’analyse de besoin qui
suggère de prendre la réalité du poste, de l’entreprise et des compétences recherchées afin de bien faire le portrait de ce qu’ils
196
recherchent et ce qui est à considérer lors de l’évaluation. En comparant au modèle de Laberon (2011), il est perceptible de constater
un lien pertinent avec la première étape du modèle; l’analyse et la phase de l’analyse de la demande du besoin qui consiste à; Selon les
auteurs Laberon et Bernaud (2011), l’analyse du besoin est en fait le questionnement du recruteur en lien avec l’objectif de recruter.
C’est le recruteur ou le consultant qui fait le pont entre le besoin et la demande (Laberon et Bernaud, 2011). Cette étape nommée par
les conseillers d’orientation fait aussi référence à la phase du choix des prédicateurs (profil du candidat idéal) qui vise à créer un profil
du candidat désiré. Il s’agit donc de « traduire » ce que l’emploi exige en terme de qualifications, caractéristiques personnelles et
sociales (Peretti, 2009). Ainsi, cette étape nommée par les conseillers fait référence à cette première étape ainsi que les deux phases
élaborées au préalable.
Par la suite, les conseillers ont fait référence au choix des outils qui comprend l’élaboration de la batterie de test qui sera utilisé pour
l’évaluation, et ce, en fonction du poste et de la demande de l’entreprise. Cette partie, qui vise à définir le protocole, s’arrime à la
phase de la stratégie d’une manière implicite puisque pour certains cas cette étape n’est pas complétée par l’évaluateur externe ou le
professionnel concerne davantage l’entreprise dans le cadre du recrutement avec son département des ressources humaines.
Cependant, alors que l’entreprise élabore sa stratégie pour trouver des candidats, le professionnel élabore la sienne de son côté pour
effectuer son travail. De cette façon, d’un point de vue plus macro du modèle, il est possible d’établir un lien entre la stratégie utilisée
par les conseillers d’orientation pour leur protocole d'évaluation et celle que l’entreprise fait de son côté. Pour adapter le modèle à la
pratique des conseillers le plus réaliste possible, l’étape du choix des outils serait donc l’étape de la stratégie dans le cas de pratique
par des conseillers d’orientation.
Puis, il est question, selon les conseillers d’orientation interrogés, de la passation des tests ainsi que la réalisation d’une entrevue, qui
rappelons-le, se fait d’une manière chronologique différente selon les consultants. Cette partie du processus fait référence à l’étape de
l’évaluation du modèle de Laberon (2011) et plus précisément à la phase de l’examen approfondi. Cette étape nommée par les au teurs
197
du modèle conceptuel était plutôt épurée puisque les personnes effectuant un processus de sélection ont rarement les qualifications
pour effectuer cette étape eux-mêmes. Ce qui s’avère intéressant pour cette partie de la sélection, c’est que les conseillers d’orientation
sont habiletés à effectuer cette étape sans problème puisqu’ils possèdent une formation en psychométrie.
Ensuite, les données sont mises ensemble et il y a un agencement des données de fait. Cet agencement se produit par une analyse, mais
aussi par une mise par écrit du constat établi par le professionnel dans son analyse. C’est à cette étape du processus que le
professionnel doit se prononcer ou avoir un jugement professionnel à apporter sur la candidature du candidat. Il fait l’état des forces et
faiblesses du candidat en lien avec le poste à combler. Un des conseillers interrogés expliquait « on fait une recommandation par
rapport au poste » C.O.5. Ils doivent donc se prononcer sur l’évaluation du candidat. Dans le cas de plusieurs candidatures, il y a un
choix des meilleures candidatures qui est effectué par le professionnel. Cette sélection n’est pas finale puisqu’il revient à l’entreprise
de faire le choix de l’embauche ou non du candidat. Cette étape constitue l’étape de la sélection puisqu’elle implique un regard
critique et un positionnement face à l’adéquation du poste et du candidat. Cette prise de position n’implique pas toujours un choix
arrêté dépendant des conseillers, mais elle réfère tout de même à une compétence soulevée de l’Ordre des conseillers en orientation
qui explique que « le jugement professionnel implique une prise de décision fondée sur la collecte d’informations à l’aide de différents
moyens, une justification du choix des moyens utilisés en lien avec les visées ou intentions » (OCCOQ, 2010, p.5). Une explication
des résultats est divulguée au client lors de l’étape du retour sur les tests à l’entreprise expliqués par les conseillers. C’est à ce moment
que le professionnel doit donner les résultats verbalement sur les forces et les zones de vigilances du candidat.
Finalement, il parait important de mentionner la dernière étape du processus qui a été relevée par certains conseillers et qui fait
référence au retour au candidat sur les résultats de son évaluation. Cette étape qui n’est pas faite par tous les conseillers rencontrés,
s’avère tout de même une partie intégrante des interventions produites lors d’évaluation de potentiel. Cette étape peut faire référence à
198
la concrétisation puisqu’elle implique une façon de boucler la boucle avec le candidat évalué. Les phases élaborées du modèle de
Laberon (2011) font davantage référence à des pratiques faites par l’organisation. Toutefois, cette intervention du conseiller fait
référence au fait de parfaire l’évaluation avec le candidat, et ce, peu importe la décision d’embauche de l’entreprise. Ainsi, les
conseillers d’orientation exerçant cette étape dans leur pratique agissent dans l’optique de pouvoir accompagner le candidat lors d'une
entrevue de restitution.
Finalement, pour faire une synthèse d’un modèle ajusté basé sur le modèle de Laberon (2011) pour la pratique des conseillers
d’orientation, ce processus pourrait être adapté comme ceci;
199
Tableau 14
Modèle de la procédure de recrutement adapté à la pratique des conseillers d’orientation
Faits saillants des pistes de développement professionnel
Contexte favorisant la profession
Il va sans dire que le contexte de pénurie de main-d’œuvre est un facteur favorisant l’essor qu’ont mentionné les conseillers au cours
des entretiens. Pour reprendre ce qui a été mis de l’avant dans la problématique; « Les conseillers d’orientation sont des acteurs
200
pertinents pour travailler avec l’individu dans son milieu de travail et favoriser une adéquation pertinente entre l’individu et un emploi
ou un poste. Celui-ci intervient sur l’identité personnelle, mais aussi professionnelle afin de favoriser des stratégies d’adaptation
actives. Selon le Guide d’évaluation en orientation (OCCOQ, 2010 les conseillers d’orientation sont des agents très bien placés pour
faire des évaluations d’un individu face à un perfectionnement, une situation problématique ou autre. »
Ainsi, lorsque les conseillers d’orientation rencontrés ont soulevés le fait que le métier est en demande. Il s’avère tout à fait pertinent
de faire des liens avec le contexte actuel qui dénote une situation favorable à la mise en évidence des compétences des conseillers
d’orientation dans les organisations. De plus, les conseillers d’orientation assurent une visibilité de plus en plus pertinente
quoiqu’encore trop faible, mais qui prend de l’ampleur au fil du temps.
Aspect de la formation manquante
Presque tous les conseillers rencontrés se sont entendus pour dire que le volet entrepreneurial est un aspect qui manque à la formation
des C.O. dans les organisations. La compréhension active de la dynamique d’une entreprise est un aspect qui bonifierait les
compétences pour le conseiller désireux de travailler dans ce milieu.
201
Conception sociorelationnelle du counseling de carrière Marie-Soleil Poiré
Étudiante à la maîtrise en carriérologie, Université du Québec à Montréal
Louis Cournoyer
Professeur en counseling de carrière, Université du Québec à Montréal
Cet article comporte deux parties. De façon non exhaustive, la première expose des sources d’inspirations pour moi à l’égard de
différentes approches en counseling de carrière. Chacune admet l’importance du rôle de l’environnement social de la personne comme
un facteur d’influence significatif sur les démarches de prise de décision relative à la carrière. La deuxième expose la conception
séquentielle et générale que j’ai d’une démarche de counseling de carrière au regard de ces approches.
L’INTERINFLUENCE EN COUNSELING DE CARRIÈRE
Les approches constructivistes permettent de bien saisir les constructions de sens de la personne au travers d’interactions avec son
environnement. À cet égard, les travaux de Piaget (1970) sur l’action du jeu chez les enfants circonscrivent la construction de la
pensée logique au travers d’interactions avec autrui. Tout au long de son parcours de vie, la personne est façonnée par sa manière
d’assimiler et d’organiser les informations du monde qui l’entoure et l’habite. Ces informations sont mises en relation de manière à
alimenter des opérations visant à construire du sens, par rapport à soi, aux autres, au monde. Tel que le soulignent Young et Collin
(2003), les émotions sont également construites par interaction individu-environnement au sein de temporalités du passé, du présent et
du futur.
202
L’environnement social joue un rôle d’influence tout aussi important au sein des travaux sur l’apprentissage social et le sentiment
d’efficacité personnelle (SEP) de Bandura (1977). Les réussites passées, les expériences d’apprentissage vicariantes, les états internes
et les capacités de persuasion verbale participent à la construction des croyances d’efficacité de la personne. Cela influence le choix, la
performance et la persévérance de cette dernière. De la même manière, les travaux de Krumboltz (1996) relativement à l’apprentissage
social en contexte de prise de décision et de counseling de carrière reconnaissent l’importance des contextes sociaux au sein desquels
la personne évolue tout au long de sa vie. Ainsi, le counseling de carrière vise à augmenter la satisfaction de vie au travail des
personnes au travers d’une aide facilitant l’apprentissage d’habiletés, d’intérêts, de croyances, de valeurs, d’habitudes de travail et de
qualités personnelles (Mitchell et Krumboltz, 1996).
Les travaux de Krumboltz et ses collègues (1999) sur la planification de l’imprévu (planned happenstance) permettent de relativiser la
notion d’indécision et d’incertitude à l’égard de l’avenir professionnel comme passage obligatoire pour l’acquisition de capacités à
gérer les transitions de carrière avec sagesse et ouverture d’esprit. Par conséquent, le conseiller d’orientation doit favoriser le
développement de capacités d’adaptation aux changements au sein d’un environnement et d’un marché du travail perçus comme
espaces d’opportunités et d’imprévus inévitables, voire souhaitables.
Enfin, la thérapie des schémas de Young et Klosko (2005) considère que les stratégies d’adaptation dysfonctionnelles des personnes
s’expliqueraient par la qualité des réponses relatives à la satisfaction de besoins affectifs fondamentaux durant l’enfance et
l’adolescence. Notamment, la mise en place de mécanismes d’adaptation lors des expériences précoces d’interaction avec la mère et le
père ou encore d’autres personnes proches et significatives est à la base des stratégies cognitives, affectives et comportementales
adoptée dans la vie en général. À des fins d’orientation, l’identification des schémas et des styles d’adaptation du client peut permettre
de conceptualiser la situation de la personne, ainsi que de mieux comprendre les causes, les manifestations et les effets possibles du
fonctionnement psychologique de la personne. Également, cela procure l’occasion au professionnel d’observer l’interaction
dynamique de ses propres schémas lorsque mis en relation avec ceux de son client.
Les trois approches présentées considèrent la personne en tant que produit de l’interaction dynamique individu-environnement. Elles
permettent de retrouver les causes d’expériences subjectives et intersubjectives dysfonctionnelles, ainsi que de comprendre les
203
processus cognitifs et comportementaux participant à la formation de généralisations, de croyances ou d’anticipation de la personne à
l’égard de sa carrière.
Figure 1. Articulation d’une démarche de counseling de carrière
Fonctionnement psychologique – Ressources personnelles – Contexte Via
Émotions – Cognitions – Comportements (Bandura et Young)
FUTUR (Krumboltz)
PRÉSENT
Système de constructions personnelles propre à l’individu
PASSÉ
204
La figure 1 est une synthèse non exhaustive de ma conception interactionniste et dynamique d’un processus de prise de décision
carriérologique. Ainsi, l’interaction entre le soi (le client et moi-même) et l’environnement (le contexte auquel nous sommes liés)
exerce une influence continue et réciproque sur les apprentissages de la personne, ce qui produit un système unique de constructions
personnelles à la fois multidimensionnelle (fonctionnement psychologique, ressources personnelles, conditions du milieu) que
pluritemporel (passé-présent-futur).
L’INTER-INFLUENCE AU SEIN D’UNE DÉMARCHE DE COUNSELING DE CARRIÈRE
Avant même de rencontrer un client, il est nécessaire de s’assurer d’être dans un état d’esprit de tolérance et d’écoute active. Si des
tâches me préoccupent, je les note et de les rangent au tiroir, tout comme les dossiers suivants. Également, je prépare l’espace
d’interaction; mouchoirs à disposition, téléphone éteint et feuilles et crayons dans l’éventualité où j’amènerais le client à dessiner ou
écrire. Ensuite, je rejoins le client en salle pour l’accueillir et amorcer la relation. Il s’agit de m’approcher de la personne avec un ton
doux et jovial, personnalisé et souriant. Cette authenticité contribue selon moi à une première impression respectueuse auprès du
client. Puis, je lui serre la main (me donnant une première idée de son confort) et me présente, l’invitant à me suivre.
Une fois installés, je m’informe de comment il va. En cherchant à déterminer ses motifs de consultation, je lui demande ce qui
explique sa présence. En fonction du contexte professionnel, cela me donne une première évaluation de la nature du besoin du client.
Je l’amène subséquemment à me faire part des causes, des conséquences ou des manifestations problématiques pour lui. Cela donne
un aperçu de son expérience subjective et intersubjective face à son problème sur le plan du fonctionnement psychologique, des
ressources personnelles et des conditions du milieu.
Une fois que j’ai bien cerné ce qui, à ce moment du processus, pourrait être l’énoncé subjectif de cette personne, je lui en fais part tout
en cherchant à m'adapter à son mode de fonctionnement. Je m’assure de spécifier au client de me préciser s’il s’agit bien là de sa
difficulté. Lorsqu’établie, l’alliance de travail avec ce dernier se bonifie. Cela me permet de lui demander ce qu’il souhaite retirer de
nos rencontres. En tenant compte de sa réponse, je lui précise la nature de mon rôle, la manière dont notre interaction se déroulera et
lui explique qu’il y aura possiblement des exercices à faire entre les rencontres. Nos rôles respectifs étant établis d’un commun accord,
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je reviens à son énoncé subjectif. Nous déterminons ensemble un objectif et la manière dont nous allons travailler. Avant de signer le
consentement éclairé, je m’assure qu’il ait bien saisi la nature de la démarche, soit globalement de l’amener à faire une exploration à
propos de son présent, lié à son passé et à son futur.
Suite à cela, nous amorçons l’exploration plus approfondie ses conditions du milieu, ses ressources personnelles et son
fonctionnement psychologique. Des questions exploratoires, des reflets empathiques et des résumés faciliteront l’établissement d’une
relation de confiance. Mon cadre de référence tient compte de Young et de Bandura. Tout au long du processus, je suis attentive aux
comportements, aux cognitions et aux émotions qu’il démontre et à celles qu’il me provoque, ainsi qu’à l’interaction qui en découle.
Nous examinons les différentes expériences de vie qui apparaissent significatives pour le client. Ces explorations bonifient ainsi la
compréhension du client de sa situation et ultimement, sa mobilisation dans l’action. Je m’ajuste au rythme et je veille à guider le
processus de changement. Chaque rencontre implique une réévaluation de la situation de la personne.
Au fil de l’exploration, mon évaluation m’amène à comprendre ce qui freine la mobilisation du client. Saisir le fonctionnement
psychologique du client au regard d’un cadre de référence conceptuel rigoureux me permet de fournir une rétroaction constructive de
la compréhension de la situation. Il est primordial de laisser au client suffisamment d’espace de réflexion pour établir de nouveaux
liens. La confrontation empathique, l’interprétation, l’immédiateté et/ou l’autodévoilement contribuent à aider le client à y parvenir.
Finalement, le client en arrive à une compréhension nouvelle de sa situation. Il est alors possible d’opérer un changement et en
conséquence, le mettre en action. Je l’accompagne dans sa prise de décision et fournis des informations utiles d’un point de vue
professionnel. Cette décision prise, l’élaboration du plan d’action débute. J’accompagne le client dans une démarche éclairée tenant
compte aussi bien de ses forces que de ses limites personnelles et environnementales. Tout au long du processus, Krumboltz m’est
utile pour développer la capacité du client à s’ajuster aux imprévus. Ainsi, au-delà de ce processus, le client peut développe une
capacité transférable à d’autres contextes. Je fais alors appel à plusieurs stratégies d’interventions. Su le client démontre un sentiment
d’efficacité personnelle faible, je fais appel à ses réussites passées et à ses ressources personnelles pour lui permettre de les actualiser
au présent et d’ainsi pouvoir se projeter positivement dans l’avenir (Bandura, 1977). Qu’il se perçoive de manière ajustée ou non à
l’égard de ses capacités, qu’il soit en surévaluation ou en sous-évaluation de ces dernières (Poulin, 2010), cela permet de m’assurer
que la décision se base une évaluation juste de ce qu’il peut entreprendre. Une autre stratégie incontournable d’intervention de type
206
développemental et préventif est celle de l’apprentissage expérientiel selon Krumboltz. Ainsi, des exercices dans le milieu pour lequel
le client se projette m’apparaissent essentiels. Cela la perception du client et peut augmenter sa motivation. Lors d’interventions
ciblées de nature curative, celles qui me rejoignent davantage sont d’approches cognitivo comportementales. La restructuration et la
répétition cognitive, puis les jeux de rôles sont utiles pour modifier les cognitions du client (Bujold et Gingras, 2000). Cela permet de
revoir ses croyances à l’égard de sa problématique et d’accompagner vers un changement porteur.
Concernant la thérapie des schémas, je l’utilise pour mieux saisir le fonctionnement psychologique de la personne, pour toucher les
émotions et mettre en place une prise de conscience mobilisatrice. Également, des interventions comportementales permettent de
confronter les perceptions du client à l’environnement réel (Cournoyer, 2010) et d’évaluer l’apprentissage expérientiel selon
Krumboltz.
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Approche du counseling centrée sur les schémas Geneviève Plante, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM
Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière, UQÀM
L’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels est issue de la thérapie des schémas développée par Young et
ses collègues (Young, Klosko et Weishaar, 2005). Le concept de schéma est défini comme suit :
« Modèle ou thème important et envahissant, constitué de souvenirs, d’émotions, de pensées et de sensations corporelles,
concernant soi-même et ses relations aux autres, constitué au cours de l’enfance ou de l’adolescence, enrichi tout au long
de la vie par l’individu et dysfonctionnel de façon significative » (Young et coll., 2005, p. 34).
Un schéma trouve son origine au sein d’expériences nocives répétées dans l’enfance ou l’adolescence où certains besoins
affectifs fondamentaux (sécurité, autonomie, liberté, autocontrôle et relations interpersonnelles) n’ont pu être répondus de manière
satisfaisante pour la personne. En fin d’adolescence ou à l’âge adulte, soit lorsque nous rencontrons nos clients, ces derniers peuvent
vivre des situations qui activent la manifestation de certains schémas d’adaptation au travers de modalités cognitives, affectives ou
comportementales. Il est à noter que certaines conditions biologiques de la personne peuvent agir comme facteur d’influence (ex.
tempérament) sur la manière dont la personne réagit aux situations de vie (Young et ses collègues, 2005). Il y a lieu de considérer la
présence manifeste de schémas d’adaptation dysfonctionnels lorsque des stratégies ayant servi initialement pour assurer une certaine
survie émotive chez la personne en jeune âge sont gardées et répétées plus tard dans la vie alors que le contexte n’est quant à lui plus
du tout le même. Par exemple, il peut avoir été nécessaire plus jeune de s’isoler des autres, notamment de ses parents, afin d’éviter des
punitions sévères aux plans psychologiques et physiques. Toutefois, si la personne maintient des comportements issus de la peur
d’entrer et de maintenir des contacts avec autrui une fois rendue adulte, cela peut avoir des conséquences importantes sur la santé
psychologique de la personne.
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Chaque personne étant unique, Young et coll. (2005) identifient trois styles d’adaptation adoptés par les clients en contexte
d’activation de certains de leurs schémas : reproduire, éviter, compenser. Cela rend certes le travail sur les schémas encore plus
difficile puisqu’il peut être complexe de les détecter au travers de l’expérience subjective du client (Cournoyer, 2010). Pour mieux
démêler les concepts théoriques nécessaires à une meilleure compréhension de cette approche, les figures 1 et 2 sont à examiner.
gure 1. Les schémas d’adaptation selon le type de besoin et le style d’adaptation.
Cinq types de besoins affectifs fondamentaux
Sécurité liée à
l’attachement aux autres
L’autonomie, la compétence et
le sens de l’identité
La liberté d’exprimer ses
besoins et ses émotions
La spontanéité et le jeu
Les limites et l’autocontrôle
Schémas d’adaptation
Séparation et rejet
Manque d’autonomie et de
performance
Sur-vigilance et inhibition Orientation vers les autres Manque de limites
Abandon et instabilité
Méfiance et abus
Manque affectif
Imperfection et honte
Isolement social
Dépendance et incompétence
Peur du danger ou de la maladie
Fusionnement et personnalité
atrophiée
Échec
Négativité et pessimisme
Sur contrôle émotionnel
Idéaux exigeants et critique
excessive
Punition
Assujettissement
Abnégation
Recherche d’approbation et de
reconnaissance
Droits personnels exagérés
Contrôle de soi et
autodiscipline insuffisants
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Figure 2. Les schémas d’adaptation selon les motifs de développement, les fonctions d’influence au plan du tempérament,
ainsi que les styles d’adaptation.
Motifs de développement des schémas
Frustration des besoins
Traumatismes ou victimisation
Excès de satisfaction des besoins Internalisation ou identification sélective
avec des personnes importantes
Fonctions d’influence au plan du tempérament
Émotif vs Aréactif
Dysthymique
vs Optimiste
Anxieux vs Calme Obsessionnel
vs Distractif
Passif
vs Agressif
Irritable
vs Jovial
Timide
vs Social
Styles d’adaptation
Compensation Évitement Capitulation
En counseling de carrière, l’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels propose au professionnel d’être attentif
aux schémas du client. En effet, dans cette approche, les conseillers d’orientation sont invités à essayer d’identifier, au travers des
comportements, pensées et sentiments du client, les schémas présents chez ce dernier. Naturellement, cette identification se fait
uniquement si des schémas apparaissent au cours du processus et si cela est pertinent à l’accompagnement du client dans sa demande .
Si c’est le cas, le travail avec les schémas peut amener le client à mieux se comprendre et ainsi, à mieux contourner les conséquences
négatives de ses schémas sur sa démarche d’orientation (difficulté à prendre une décision, conflit de valeurs, etc.) (Cournoyer, 2010).
Cette prise de conscience permet aussi aux clients d’effectuer des choix plus adaptés en prenant en compte la présence des schémas.
L’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels présente plusieurs avantages pour les conseillers d’orientation qui
l’utilisent. Tout d’abord, elle offre un cadre conceptuel permettant de former des hypothèses de travail. Ces hypothèses sont aidantes
lorsqu’il s’agit d’intervenir auprès d’un client présentant, par exemple, certaines distorsions cognitives ou une dynamique interne
unique. L’approche centrée sur les schémas permet justement de détecter et de travailler les distorsions présentes chez les clients,
offrant ainsi un cadre structurant l’exploration de leurs cognitions. C’est donc ce que l’approche sur les schémas apporte : un cadre
pour comprendre les dynamiques des clients, surtout si elles sont dysfonctionnelles. L’accès à ce cadre a un impact direct sur les
hypothèses de travail qui peuvent être formées entre les rencontres et donc, sur les interventions faites durant le processus. Il arrivera
que cela vous éclaire sur certains éléments qui accrochent dans la démarche d’orientation du client. Naturellement, ce cadre n’est pas
une panacée et il faudra toujours vérifier comment les interprétations faites à partir des schémas seront reçues par les clients.
Toutefois, ce cadre de référence s’avère précieux pour prendre du recul sur ce qui se passe dans la relation avec le client.
Ensuite, cette approche est intéressante parce qu’elle a été créée en s’inspirant de différents courants en psychologie (Young et
coll., 2005). De ce fait, le modèle présenté inclut des concepts psychologiques tels que l’attachement et l’importance des relations en
début de vie. Cela lui donne une teinte psychologique qui peut être complémentaire à d’autres approches, dont l’approche centrée sur
les solutions. L’approche centrée sur les schémas a aussi l’avantage d’offrir une flexibilité. En effet, elle ne suggère pas que tous les
clients sont toujours en situation d’activation de schémas dysfonctionnels. C’est plutôt le contraire. Les schémas sont parfo is
fonctionnels, parfois dysfonctionnels. Ils sont activés dans certaines situations. Ils peuvent se manifester différemment selon le style
d’adaptation dans lequel ils se présentent (Young et coll., 2005). Ces exemples servent à illustrer toutes les nuances que comporte
cette approche. Ces nuances sont importantes parce qu’elles permettent de rendre compte de l’unicité des clients et d’éviter les
généralisations qui peuvent parfois être destructrices. Ces nuances permettent également au professionnel adhérant à l’approche
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centrée sur les schémas d’être flexible dans ses interventions. Ces dernières peuvent donc être adaptées selon les clients, les
problématiques, les schémas, etc.
Il est possible de compléter un cadre de référence de l’intervention basé sur les schémas d’adaptation par l’appel de stratégies
d’intervention cognitives, affectives et comportementales de l’approche centrée sur les solutions de O’Hanlon et Weiner-Davis (1995).
D’une part, cette approche permet d’identifier des objectifs et des solutions. D’autre part, l’approche centrée sur les schémas permet
d’approfondir la compréhension du fonctionnement psychologique de la personne et donc, d’orienter une pratique auprès d’une
clientèle présentant des enjeux personnels divers.
La combinaison de ces deux approches au sein d’un processus de counseling de carrière peut, par exemple, s’amorcer par une
question miracle amenant le client à se projeter à la fin du processus et à verbaliser ses attentes. Cela aidera à ce que l’objectif global
du processus soit fixé. Ensuite, par les questions qui seront posées lors de l’exploration de la problématique, des intérêts, aptitudes ou
valeurs pourront être identifiés. Au travers de ces éléments, des pistes de solutions pourraient également ressortir. En effet, si le client
raconte une histoire de réussite du passé, les moyens utilisés à ce moment peuvent être soulignés afin de les appliquer à la situation
présente. Ce type d’intervention se base sur l’approche orientée vers les solutions. Dans un second temps, l’approche centrée sur les
schémas tiendra davantage compte de la relation conseiller-client. Par exemple, si le conseiller remarque qu’il se passe quelque chose
dans cette dernière qui est de l’ordre de l’activation d’un schéma d’adaptation dysfonctionnel, il doit en faire part au client. Cela
pourrait lui faire prendre conscience de sa façon d’entrer en contact avec les autres. Conséquemment, cela l’aidera à faire des choix
plus en accord avec ce qu’il est. Il peut donc être utile de détecter et valider des schémas auprès du client. Si le client est en accord
avec la présence d’un schéma, il peut également s’avérer intéressant de voir comment cela l’affecte positivement ou négativement.
Ainsi, ces impacts pourront être pris en considération dans la mise en place d’un plan d’action. Des moyens pourront ensuite être
suggérés, mais c’est surtout en se basant sur les forces et les ressources du client ainsi que les moyens ayant fonctionné par le passé
que le plan d’action sera formé. Le professionnel adhérant à l’approche centrée sur les solutions tentera également d’inspirer au client
le changement voulu en utilisant des tournures de phrases lui laissant espérer qu’il va se produire. Et c’est ainsi que les deux
approches pourront nous aider à aider le client.
212
Tant de croyances, tant d’énergies diffuses … Féedra Maheux, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM
Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière, UQÀM
Ce texte prend appuie sur l’article de Nevo (1987) intitulé Irrational Expectations in Career Counseling and their confronting
arguments. Il rappelle les croyances relevées par l’auteure au niveau des clients de processus de counseling de carrière. À cela, nous
avons bonifié le contenu de nos propres analyses.
Il n’y a qu’un seul métier au monde qui est bon pour moi
Plusieurs clients aimeraient n’avoir qu’à passer un test psychométrique pour apprendre ensuite le bon métier ou la bonne profession
leur convenant. C’est là l’idée romantique à l’effet que quelque chose de parfait pour nous est là quelque part à attendre qu’on en fasse
la trouvaille. Pour Nevo (1987), les professionnels de l’orientation doivent faire tout pour éviter d’être complice avec cette croyance
irrationnelle, notamment lorsqu’ils interviennent par l’administration d’une série de tests visant à dresser un profil de la personnalité
du client ou encore lorsqu’ils maintiennent des approches de type "traits-facteurs" visant un quelconque match parfait d’attributs
individu-environnement (Patton et McMahon, 1999). À chaque instant, selon les circonstances, puis tout au long des expériences de la
vie, peut être pourrions-nous être heureux dans plusieurs types de carrières ?
Je ne serai satisfait jusqu’à ce que je trouve le métier parfait
Un métier pouvant apporter le bonheur de la personne. Pour Ellis (1962), le désir de perfection et de solutions parfaites, soit la quête
d’une vérité et d’une sécurité affective absolue peut non seulement engendrer des croyances irrationnelles à l’égard du rôle salvateur
d’objets de l’environnement (ici une profession, un métier), mais également entretenir un état chronique d’indécision et d’anxiété. Les
conseillers doivent remarquer ces attentes de perfectionnisme au sein des différentes dimensions de vie de la personne dans le but de
les aider à les atténuer par des pensées plus réalistes. Plus rationnelle, la personne pourra alors faire le choix de ce qui est le plus
approprié et pratique en fonction des gains et des pertes possibles lors de telles impasses décisionnelles.
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Quelqu’un d’autre peut découvrir le métier qui me convient
Une grande reconnaissance du client à l’égard des compétences du conseiller, jumelé à de grandes attentes sur l’issue du processus
peut s’avérer un piège important. Le client remet alors tout le pouvoir du résultat de la démarche à son conseiller, au point même de ne
pas vouloir trop parler de ses propres réflexions de craintes de pouvoir influencer le travail du professionnel. De plus, le client accorde
beaucoup d’importance à la portée des outils psychométriques du conseiller, comme s’ils pouvaient – à l’image de rayons X – pouvoir
traverser la psyché de la personne pour en dégager le véritable moi (caché). Si le conseiller n’arrive pas à se défaire de cette entente
implicite, à faire valoir rapidement la portée et les limites de son interventions, les conditions requises pour assurer un
accompagnement efficace, alors il ne pourra que décevoir les attentes de surprises, de découvertes originales, voire de transcendance
de soi de son client. Puis, face à cette déception pour lui-même, il n’en pensera pas moins que son conseiller était inapte à pouvoir
l’aider, le sauver, plutôt que de réellement saisir la valeur de son propre pouvoir.
Les tests d’intelligence me diront ce que je vaux
Réaliser une démarche de counseling peut consister en une quête de validation externe de sa valeur, de son estime de soi. Plusieurs
clients surestiment les résultats de tests d’intelligence ou d’habiletés cognitives. Entre autre parce qu’ils ont de la difficulté à
comprendre ce que ces tests mesurent et comment les interpréter, ils leur accordent un pouvoir dépassant celui de leur propre
personne. Ainsi, de faibles résultats laissent croire qu’une personne n’est bonne à rien alors qu’elle présente plutôt des similitudes
différenciées avec différents métiers. Le conseiller n’a donc pas seulement la responsabilité de choisir les bons outils pour les bonnes
mesures, mais également de pouvoir communiquer le fonctionnement et la portée réelle – et limitée – de ces derniers.
Je dois être un expert ou être très prospère dans mon champ professionnel
La quête de l’excellence, de la réussite, ainsi que l’actualisation de son potentiel est en soi une démarche constructive pour la
personne. Toutefois, il arrive que celle-ci soit dirigée vers des standards sociaux introjectés. En se comparant constamment aux autres
et à ces standards, la personne échappe qui elle est vraiment. Le fait de se sentir constamment à côté de ce qui doit être, de vivre du
stress et des tensions importantes à l’idée d’échouer (de rater les standards) s’accompagne de l’édification de croyances irrationnelles
bien ancrées. Par son travail, le conseiller aider le client à maintenir ou sinon activer cette quête de réalisation de soi, tout en
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confrontant emphatiquement les croyances du client de manière à le guider vers des évaluations de soi et des professions davantage
centrées sur le développement d’aptitudes, d’expertises et de prospérité pour soi.
Je peux tout faire si j’essaie fort ou je ne peux rien faire qui ne correspond pas à mes talents
Il subsiste dans la pensée populaire l’idée que lorsque l’on veut, on peut ! D’autres, à l’inverse, renoncent à leurs objectifs dès la
rencontre des premiers obstacles. Dans les deux cas, il revient au conseiller de pouvoir insuffler une dose de réalisme par rapport à soi
chez le client. Ce réalisme ne nie pas la motivation ou encore les résistances de personnes, mais il permet de confronter l’i rrationalité
contenue derrière certaines croyances. Si l’effort participe grandement à la réalisation de certains objectifs, il importe toutefois que
celles-ci soient bien dirigées. De la même manière, les doutes et les craintes quant à ses capacités à surmonter les obstacles se fondent
souvent sur des anticipations et non des faits. En questionnant les rationalités des clients, le conseiller peut les amener à distinguer ce
qui est et ce qui n’est qu’apparence pour ainsi permettre une réévaluation plus réaliste du plan de développement et d’action de la
personne.
Mon choix professionnel devrait satisfaire les personnes significatives dans ma vie
L’étude doctorale de Cournoyer (2008) souligne que certains phénomènes relationnels entretenus par les individus et les personnes
avec qui ils entretiennent des relations sociales significatives peuvent influencer la construction du projet professionnel de ces
derniers. Qu’il s’agisse des injonctions de certains projets parentaux, de la quête d’autonomie par l’affiliation aux pairs, sinon de la
transmission de valeurs ou de modelage d’expériences par des enseignants ou autres adultes significatifs, l’influence des autres peut
s’avérer directe ou indirecte selon les relations et les contextes (Cournoyer, 2008). De la même manière, un individu peut ressentir de
la pression à satisfaire les attentes de son entourage. Tout en reconnaissant la valeur du soutien des proches, il importe pour le
conseiller d’amener le client à prioriser ses propres besoins sur ceux de d’autres personnes à qui il cherche plaire ou à ne pas
décevoir.
Débuter dans une profession résoudra tous mes problèmes
Une profession peut-elle résoudre des problèmes personnels ? En tant qu’environnement social, une profession peut certes atténuer la
manifestation de certaines difficultés, mais en raison de sa nature externe, elle ne peut résoudre un problème d’être (manque de
confiance en soi, difficulté à établir des relations sociales, etc.). Conséquemment, le travail d’un conseiller portant sur la stricte
215
dimension du choix scolaire ou professionnel à réaliser ne pourra permettre à la personne de traiter des enjeux pouvant contaminer son
fonctionnement personnel et interpersonnel en matière de choix ou d’adaptation aux études ou en emploi. Le conseiller doit pouvoir
clairement dissocier les enjeux pouvant contaminer la capacité de choix du client.
Je dois sentir que je suis à la bonne place
Le « feeling » d’être à la bonne place … en explorant les possibilités sur l’attente d’un contact magique, que ça clique, que lorsque
sera identifié la bonne profession, tout se mettra alors en place. Entretemps, elles se disent inquiètes, déçues, insatisfaites de ne pas
pouvoir ressentir ce « feeling » existentiel. Cependant, plusieurs facteurs – autres qu’affectifs - influencent la relation entretenue lors
du contact entre l’individu qui cherche et la profession (décrite, racontée, présentée, observée, etc.). C’est pourquoi cette sensation
recherchée doit faire suite à une démarche cognitive et comportementale pouvant procurer l’expérience-même.
Choisir une profession ne se fait qu’une fois
Jadis, les humains croyaient que la Terre était plate et qu’au bout de l’océan, il n’y avait que vide. En développement de carrière,
plusieurs anticipent de la même manière la remise en question d’un choix, la remise à plus tard d’une décision, l’entrée sur le marché
du travail un ou deux ans plus tard que prévu constitue : le risque de tomber dans le vide, de manquer sa vie … pour toujours ! Très
anxiogène, cette conception nie l’évolution de sa propre personne et de ses environnements de vie en fonction de temps et d’espaces
perpétuellement changeants (Patton et McMahon, 1999). Le conseiller doit permettre à son client d’être sa perspective temporelle de
manière à lui faire voir l’inévitable suite de changements et des avantages de pouvoir réviser et progresser par de nouveaux choix tout
au long de la vie.
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Counseling et intégration de l’analyse de projets Emmanuelle Desrosiers, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM
Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière, UQÀM
Ce texte propose une approche du counseling de carrière prenant appui sur les travaux de Little et Chambers (2000) sur l’analyse de
projets personnels. Dans un premier temps, une recension de leur article Analyse des projets personnels : un cadre intégratif pour la
psychologie clinique et le counselling est proposé. Dans un deuxième temps, une application pratique est proposée aux conseillers en
développement de carrière et en orientation professionnelle.
1. L’analyse des projets personnels (APP)
Cette approche vise à favoriser l’actualisation du client et son bien-être par le biais de projets de vie personnels. Ces projets incluent
bien certainement les projets idiosyncrasiques, être une bonne mère de famille par exemple, mais ils peuvent aussi inclurent les actions
normatives, comme finir ses études secondaires. Chacun de nos projets est une partie intégrante de notre vie. Lorsque les choses se
passent bien et que ces projets sont une réussite, ils sont source d’estime de soi et d’épanouissement. À l’inverse, lorsque les choses
sont difficiles, ces projets peuvent être source de stress, voir même mener à la pathologie. De ce fait, Little et Chambers indiquent que
« l’actualisation de l’homme est directement reliée à la poursuite soutenue de projets importants. » (Chambers et Little, 2000, p. 155)
Cette hypothèse est au cœur de l’approche d’analyse des projets personnels. Les projets professionnels sont liés au bien-être de la
personne et aussi à ces difficultés. À titre d’exemple, une étude réalisée auprès de 30 sujets souffrant d’épuisement professionnel et
âgés entre 33 et 59 ans porte d’ailleurs sur l’évaluation des projets personnels en cours de psychothérapie. Cette étude suggère que
« l’évaluation positive de la progression des projets liés au travail semble diminuer les symptômes d’épuisement professionnel des
sujets. » (Salmela-Aro, Näätänen, et Nurmi, 2000, p. 214)
217
Les projets personnels sont le miroir de l’individu qui reflète ce qui compte pour cette personne et ses préoccupations quotidiennes. En
effet, les projets reflètent les efforts d’une personne pour atteindre des objectifs importants qui mènent à une vie épanouie. De plus, les
contraintes et les possibilités de l’environnement influencent les projets professionnels que ce soit au niveau social, temporel,
économique, politique et historique. Aussi, l’APP a une forme d’unités conatives d’analyse. Il est à noter que chaque structure
d’évaluation systémique correspond à une matrice fournie en annexe de l’article. L’APP permet à l’intervenant d’utiliser les
explorations cliniques spontanées et cela se fait à l’intérieur d’une structure d’évaluation systématique.
Les méthodes d’évaluation psychologique de l’APP permettent de distinguer trois types d’intégration. Premièrement, selon la méthode
d’évaluation, les données peuvent être analysées au niveau individuel ainsi qu’au niveau normatif ou collectif. De plus, la
méthodologie permet d’incorporer plusieurs aspects de la conduite humaine comme les données affectives, cognitives et
comportementales, dans un seul instrument. Finalement, la convergence entre les applications cliniques et les méthodes de recherche
est permise par l’APP (Chambers et Little, 2000). Les clients s’investissent souvent dans plusieurs projets en même temps, ce qui
forme un système d’influences mutuelles. Les intervenants de l’APP prennent en considération dans leur analyse, le niveau de
facilitation ou de conflit entre les projets. De plus, les intervenants s’attardent aux activités quotidiennes puisque ces activités sont le
reflet des valeurs existentielles et des comportements significatifs au cœur de la vie quotidienne du client. Il faut également savoir que
l’APP permet à l’intervenant une flexibilité dans sa méthodologie d’intervention. Bien que chaque projet soit évalué selon des critères
préétablis, l’intervenant peut en ajouter ou en retirer afin de s’ajuster aux besoins du client.
La première étape de cette approche est bien certainement de connaître les différents projets du client. Cela dit, il faut savoir que tous
les projets n’ont pas la même portée. Certains projets prennent plus de temps que d’autres, demandent davantage d’énergie et ont des
répercussions plus grandes. Ces projets se regroupent fréquemment sous 6 catégories c'est-à-dire scolaire/occupationnel, santé/corps,
intrapersonnel, interpersonnel, loisir et administration de la vie courante. La manière que les clients formulent leurs projets est aussi
importante. L’intervenant doit donc être attentif à la manière dont est exprimé le projet c’est-à-dire comme une activité, un état ou
encore un accomplissement instantané ou prolongé. L’intervenant doit également amener le client à reformuler ce qu’il voudrait faire
dans une forme positive plutôt que négative. À titre d’exemple, « tenter de ne plus perdre de dossier au bureau » deviendrait
« conserver mes dossiers de bureau en ordre ». Afin de mieux évaluer les projets personnels, l’intervenant peut aussi demander au
client de choisir entre 7 et 10 projets et de les noter sur une échelle de 0 à 10 selon des dimensions qui ont été définies comme
significatives pour le client. Traditionnellement, il existe 17 dimensions pouvant être regroupées sous 5 facteurs; stress, structure,
efficacité, communauté et signification. Plus tard, de nouvelles dimensions affectives s’ajoutèrent au lot et firent apparaître deux
218
nouveaux facteurs soit l’affect positif et l’affect négatif. De plus, les dimensions structure et efficacité ont tendance à se croiser.
Maintenant, il reste cinq facteurs, dont trois cognitifs; signification, structure/efficacité et communauté ainsi que deux facteurs
affectifs c'est-à-dire l’affect positif et négatif. L’affect négatif étant relié à la dimension du stress. Cela dit, comme mentionné plus
haut, l’intervenant peut faire preuve de flexibilité dans l’utilisation des dimensions, selon les besoins spécifiques du client.
2. Application pratique de l’APP pour les conseillers
Dans le cadre d’un travail en orientation scolaire et professionnelle, cette approche peut s’avérer très utile.
Étude de cas 1 : étudiante en quête d’un programme d’études universitaire
Cette étudiante cherche à faire un choix de programme universitaire et qui a de la difficulté à identifier ce qui l’intéresse vraiment.
Dans cette optique, il est possible de lui demander de dresser une liste de ses projets en les décrivant dans ses propres mots. Cela prend
environ 10 minutes dans le cadre de la rencontre ou 30 minutes lorsque c’est fait à la maison. Les projets personnels des ind ividus se
placent dans un contexte temporel. Par cette énumération, l’intervenant est capable de voir si l’étudiante a une ligne directrice dans ses
projets, si elle a une surcharge de projets, ou si la cliente est incapable de prioriser une action. Par la suite, il est possible de discuter
avec la cliente afin de savoir quels sont ses projets importants, ses préoccupations. Ainsi, cela permet d’avoir une bonne idée du
système de projets de la personne et de ce qui l’intéresse davantage. Dans l’optique d’amener la cliente à mieux se connaître, une autre
méthode de l’APP est l’enchevêtrement des projets. Cela fournit une vue systématique de l’interrelation entre les projets de haut
niveau (important) et les projets de bas niveau (secondaire ou superficiel). Ainsi, les projets importants sont sélectionnés par la cliente
afin qu’elle puisse les explorer en profondeur avec l’intervenant, puis c’est le tour des projets moins importants et ainsi de suite. Dans
le cadre d’un processus d’orientation, l’APP peut servir de base d’exploration et de connaissance de soi pour une personne qui cherche
à faire un choix de programme ou de profession.
Étude de cas 2 : homme en quête de satisfaction au travail
Dans cette optique, il est possible de vérifier l’équilibre qu’il y a entre les dimensions signification et efficacité. Si le système est en
déséquilibre, l’intervenant peut encourager le client à faire davantage d’activité dans la dimension moins développée. Les dimensions
219
de structure/efficacité sont souvent des déterminants centraux du bien-être. Plus le client se trouve compétent dans ce qu’il fait, plus il
a l’impression de vivre du succès et donc d’être bien dans sa peau. Ainsi, l’intervenant peut évaluer avec le client s’il se sent ef ficace
et l’aider à identifier les obstacles qui empêchent son sentiment de contrôle personnel. De plus, dans cet exemple monsieur parle en
terme affectif en indiquant ne pas se sentir heureux. Il est aussi intéressant de s’attarder aux dimensions affectives de l’APP qui
peuvent faire ressortir plusieurs émotions des projets. D’ailleurs, tous les mots liés aux émotions peuvent être u tilisés comme
dimension. L’intervenant peut fournir une liste normative des émotions au client pour que celui-ci puisse noter chaque projet à partir
de cette liste. L’intervenant peut aussi demander au client de faire sa propre liste d’émotions reliées à la poursuite de ses projets et
ainsi en dégager des pistes à explorer.
Étude de cas 3 : adulte en quête de conciliation travail-famille
Dans cette optique, il est possible de s’attarder aux dimensions communautaires, qui font référence au réseau de soutien entourant les
projets personnels. L’intervenant peut d’ailleurs demander au client, pour chaque projet, de faire une liste de personnes impliquées.
Cela donne une bonne idée de la grandeur du réseau social du client et également de son réseau de soutien dans les différentes tâches
qu’il doit accomplir. Si l’intervenant se rend compte qu’il y a des notations basses à cette dimension, cela devrait inciter l’intervenant
à en chercher la cause et ainsi aider le client dans ses relations interpersonnelles. Ce qui, dans cet exemple, pourrait permettre de
mieux comprendre le réseau social du client dans sa vie familiale et professionnelle.
220
Counseling stratégique, éclectif et narratif Mirela Mocka, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM
Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière, UQÀM
Au cours des dernières années, les modèles de counseling appliqués en santé mentale se prolifèrent tout autant que les problématiques
se diversifient. Déjà au cours des années 1980 et début de 1990, Held (1984, 1991) formulait l’importance de tirer profit de
l’utilisation pratique de différentes théories et leurs techniques correspondantes efficaces et reconnues au plan du processus de
changement lié à divers modèles, c’est-à-dire d’une forme d’éclectisme stratégique. Cet article propose un résumé de l’article
Narrative approach to Strategic eclecticism de Jeffrey T. Guterman et James Rudes (2005), puis une intégration pratique des notions
proposées au contexte de counseling de carrière.
Éclectisme stratégique et approche narrative
L’éclectisme stratégique consiste en la sélection systématique de théories et de techniques les plus pertinentes et les plus adaptées pour
alimenter un processus efficace de changement chez la personne (Guterman et Ruds, 2005). De son côté, l’approche narrative s’inscrit
dans une perspective postmoderniste de l’évolution humaine qui questionne la capacité de connaître une vérité ultime et suggère le
recours de plusieurs modes d’appréhension de cette dernière. C’est pourquoi elle est souvent associée à la perspective du
constructionniste social où l’expérience humaine est décrite comme une construction de connaissances et de notions de réalités
subjectives à partir du langage partagée en interaction avec les autres. C’est par le récit que l’approche narrative va extirper cette
réalité subjective d’une personne construite et déterminée par sa culture et ses propres patterns de résolutions de problème. Selon
Guterman et Ruds (2005), l’intégration de l’approche narrative à l’éclectisme stratégique nécessite la convergence de perspectives
modernistes et post modernismes de l’intervention. Le terme stratégique est utilisé en référence « … d’un effort de la part du
conseiller d’adapter sur mesure les conceptualisations et les interventions, pour qu’ils tiennent en compte l’unicité de chaque client et
problème, et de là, de faciliter le processus du changement en une manière effective » (Guterman et Ruds 2005). Cette approche se
base entre le processus et du contenu de l’intervention.
221
Pour cette approche c’est très important de distinguer le processus (apports de changements par des interventions, des méthodes et des
techniques diversifiées) du contenu (l’objet du changement selon diverses théories). Les auteurs distinguent également les notions de
contenu formel, composé par les hypothèses du clinicien concernant les causes du problème et le contenu informel, ’composé par les
hypothèses subjectives du client concernant les causes de son problème. Le contenu informel du client est utilisé comme métaphore
principale du processus mené par le client et son conseiller. Le contenu dit de niveau informel est appelé à se transformer en niveau
formel suite au recadrement réalisé durant le processus de changement de l’approche narrative. En résumé, le contenu formel dans
l’approche narrative se compose d’histoires dominantes ou de patterns de construction de situations ou de problèmes, soit des
narrations influencées par la culture des personnes. Puisque le contenu formel demeure passablement général, il requiert la
conceptualisation des autres théories comme contenu informel, ’c’est à dire, plutôt comme métaphores que comme des représentations
objectives de la formation du problème ou du changement désiré.
Application pratique
L’approche narrative est composée de ces quatre phases. Premièrement, la phase de mapping consiste à cartographier les influences du
problème à travers une série de questions aidant le client à extérioriser son problème et en comprendre les influences possibles sur sa
vie. Ces questions permettent de dégager des résultats uniques qui constituent la prochaine phase. Les résultats uniques sont les
exceptions. Selon l’approche narrative, les résultats sont en fait des comportements, pensées et sentiments qui contredisent l’histoire
dominante, soit le problème. Cette phase vise donc à reconnaitre des exceptions pouvant être considérée au sein d’un processus de
création de sens et de pouvoir propre. Troisièmement, le restorying, ou la réécriture de son histoire amènent le conseiller à proposer
différentes séries de questions visant à aider le client à multiplier les exceptions (résultats uniques) afin d’en attribuer du sens ici et
maintenant, notamment par une activation de l’empowerment du client et conséquemment, de son sentiment d’efficacité personnelle.
Quatrièmement, le conseiller choisit des interventions et des tâches d’exercices narratifs ou d’écriture de lettres dans le but d’identifier
les résultats uniques et de bonifier le processus de restorying. Ce type d’activités peut aider le travail des clients vers les objectifs du
traitement.
En guise d’étude de cas fictive, prenons Ginette, une femme de 42 ans, maintenant divorcé depuis 5 mois. Celle-ci se dit vivre un état
dépressif depuis la lecture du divorce. Au-delà de toutes capacités rationnelles à l’égard de la situation, Ginette ne peut concevoir être
heureuse à son âge sans être mariée et avoir un mari à ses côtés. L’ensemble de sa vie est alors perçu comme un échec. À partir d’une
222
évaluation initiale de la situation de Ginette, la conseillère va alors déterminer quels types d’approches pourraient le mieux l’outiller
afin d’accompagner la cliente sur la voie d’un changement constructif.
Elle retient tout d’abord l’approche émotivo-rationnelle d’Ellis (1995), car cette dernière mise sur l’examen d’influences réciproques
entre les pensées et les émotions de la personne, de même que le sens conféré aux événements qui les activent. À cela, elle intègre
également la stratégie de récit de vie de l’approche narrative afin de faciliter l’expression des pensées automatiques, de croyances
erronées ou encore d’émotions envahissantes de Ginette à l’égard d’elle-même, des autres, des événements et du monde en général. À
partir du matériel discursif présent dans le récit de Ginette, le processus de changement proposé par l’approche rationnelle-émotive
consiste en l’emploi de stratégies diverses dont la contestation cognitive des croyances irrationnelles, des exercices d’imagerie ou bien
des prescriptions comportementales. La conseillère choisit quant à elle d’inviter Ginette à la lecture d’une livre d’auto-développement
d’ici leur prochaine rencontre afin de pouvoir échanger à ce moment des perceptions, des émotions ou des réactions l’ayant habité.
Dès la deuxième rencontre, la conseillère entreprend la phase de mapping où elles chercheront ensemble à faciliter l’expression des
pensées et des émotions de Ginette à la suite de sa lecture, afin d’établir des liens possibles avec sa situation problématiques et enfin,
dégager les influences les plus manifestes. Ensuite, elles vont tenter de dégager des résultats uniques, c’est-à-dire des moments
d’exception où Ginette n’est pas sous l’emprise de ces influences, mais plutôt apte à faire appel à des ressources, à son pouvoir de
création de sens, pour contredire son histoire dominante. À partir de ce moment, un travail de reconceptualisation est entrepris par la
conseillère. À cet effet, le restorying, ou la réécriture permettra à Ginette d’entrevoir comment elle pourrait réécrire son histoire en
prenant appui sur son pouvoir créateur de (nouveau) sens à partir d’une multiplication de résultats uniques, d’exceptions, le tout dans
un but de mobilisation des ressources. Par la suite, la conseillère va chercher à amener d’autres stratégies émo tivo-rationnelles et
narratives permettant à Ginette de poursuivre la réécriture d’une histoire composée de résultats uniques favorables au changement,
puis de plus en plus distants des conditions initiales d’envahissement qui sont de nature émotive et rationnelle. À certains moments où
Ginette retombera dans son histoire dominante initiale, la conseillère veillera alors à l’amener à pouvoir identifier et contester par elle-
même ses croyances irrationnelles.
Conclusion
Le but de la thérapie émotive relationnelle est de remplacer les croyances erronées du client et en arriver à de nouvelles croyances
fondamentales ce qui est un très grand changement. C’est évident que cela n’est pas possible d’être réalisé par l’application ponctuelle
223
de telles techniques dans l’approche narrative, mais selon les auteurs cela n’est pas toujours nécessaire, et ce, du point de vue du client
ainsi que du conseiller. Cela signifie que l’approche narrative utilise la thérapie émotivo-relationnelle mais pour atteindre des buts
différents. Ce qui distingue donc l’approche narrative des autres modèles, c’est le fait que les autres tendent de maintenir une certaine
exclusivité théorique et se présentent comme mutuellement exclusives. Mais les approches postmodernistes ne prétendent pas de
posséder la vérité concernant les causes du problème et le changement donc elles sont capables d’intégrer des théories compétitives de
counseling à l’intérieur de leur processus de changement. C’est à souligner qu’on se concentre sur le processus de changement et non
pas sur le changement du contenu formel (ce qui est initialement amené comme matériel). L’approche présentée dans cet article offre
au conseiller la possibilité d’utiliser beaucoup de théories et techniques qui autrement n'auraient pas été considérés dans un modèle
narratif. En plus, l’approche narrative guide le processus de changement.
224
L’approche Masterson en counseling de carrière … Jean-François Maltais, c.o.15
Au sein du courant psychodynamique, une approche se révèle de plus en plus présente en matière de formation initiale et continue
chez les professionnelles et les professionnels de la relation d’aide, soit l’Approche Masterson. L’auteur de cette approche, le docteur
James F. Masterson, a créé une approche qui, à l’intérieur d’une psychologie du soi, intègre plusieurs théories différentes : la théorie
de l’attachement, la théorie développementale, la théorie des relations d’objets précoces et les nouvelles avancées sur la neurobiologie
du cerveau. Inspiré des concepts fondamentaux de la théorie freudienne des pulsions : transfert, compulsion de répétition, résistance,
conflit psychique, existence de l'inconscient et perlaboration, l'Approche Masterson est une approche psychothérapeutique des
troubles de personnalité qui oriente son accent thérapeutique sur la période préoedipienne (avant l’âge de trois ans), plutôt que sur le
conflit oedipien lui-même (Orcutt, 1997). L’approche s’inscrit dans les courants de la psychologie du Soi (Kohut 1971; 1977) et de
l’école américaine de la théorie des relations objectales (Mahler, 1968; Kernberg, 1967). Elle intègre les recherches touchant la
théorie de l’attachement (Bowlby, 1969; Ainsworth et coll., 1978) et le développement psychologique de l’enfant (Mahler, 1968).
L’approche utilise aussi les nouvelles avancées dans le domaine de la neurobiologie du développement affectif et social (Schore,
1994).
Origine et développement
L’AM découle tout d’abord d’études empiriques menées auprès d'adolescents état limite internés dans un hôpital de New York
(Masterson, 1967, 1972, 1980), ainsi que d’intervention auprès de centaines d'adolescents et d'adultes en consultation et en traitement
en pratique privée (Masterson, 1976; 1981). Ces recherches cliniques, combinées aux travaux de Margaret Mahler (1968) sur le
développement de l’enfant dans la période préoedipienne emmenèrent Masterson à penser que le trouble de la personnalité état limite
15 Locas, Valérie (2012). L’impact d’une formation axée sur la compréhension du fonctionnement psychologique (Approche Masterson) sur les pratiques de conseillères en
développement de l’employabilité au sein d’organismes du Montréal métropolitain. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise
en orientation profil : carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/04/bonjour-vous-voici-une-premiere-mise-en.html
225
était avant tout un problème développemental. S’ajouta ensuite les théories des relations d’objet, afin d’expliquer l’existence d’un lien
possible entre l’indisponibilité de la mère et l’arrêt du développement du soi et de la structure intrapsychique. Durant les années 80, le
docteur Masterson décida d’élargir la portée de son approche en appliquant celle-ci à la compréhension des troubles de la personnalité
narcissique. Il s’intéressa aussi davantage à la théorie du Soi en intégrant celle-ci à son approche et en ajoutant des concepts qu’il
utilisait lui-même dans ses thérapies : le vrai Soi ou Soi-Réel et le Soi défensif. De 1988 à aujourd'hui, l’AM s’est enrichie de
nouvelles notions importantes, entre autres grâce au travail de Ralph Klein et Candace Orcutt qui ont intégré les travaux de Guntrip et
Fairbairn sur les troubles schizoïdes à la théorie de Masterson. Ensuite, les récentes études sur la théorie de l’attachement qui sont
venues confirmer l’influence de la mère dans le développement du soi et les nouvelles avancées en recherches neurobiologiques sur le
cerveau, qui elles, sont venues ouvrir la porte à la compréhension des connexions neurobiologiques qui sous-tendent le développement
du soi.
Influences théoriques et articulation conceptuelle de l’AM
Masterson (2004), distingue quatre structures de personnalités pathologiques (état limite, narcissique, schizoïde et antisocial) et
propose pour chacune de ces structures des stratégies de communication adaptées. Parmi les concepts clés utilisés par Masterson,
notons le développement de l’alliance thérapeutique, l’analyse des résistances, des mécanismes de défense et des passages à l’acte qui
font obstacle à l’alliance thérapeutique, ainsi que le cycle de l’individu appelé « Triade dynamique du trouble du soi ». Le tableau ci-
dessous présente les différentes inspirations théoriques de l’Approche Masterson :
Tableau 2.1
Influences théoriques de l’AM
Théorie de
l’attachement de
Bowlby (1969)
De l’enfance, puis de façon répétitive tout au long de leur vie, les individus tendent à adapter leurs comportements
personnels et interpersonnels en fonction de la satisfaction de besoins instinctifs d’attachement. Entre autres, l’histoire
développementale de la personne au plan de la satisfaction ou de la non-satisfaction de ces besoins affectifs pourra
témoigner de l’adoption de comportements fondée sur une dynamique de sécurité ou d’insécurité personnelle ressentie
selon les individus dans leur vie adulte (Ainsworth et coll., 1978), de même que leur capacité à autoréguler leurs actions
personnelles, et ce, dès le l’enfance (Siegel, 1999; Fonagy, 2001). Sroufe et coll. (1999) sont venus corroborer ces faits
en démontrant la persistance du style d’attachement de l’enfant dans l’âge adulte et l’implication du style d’attachement
226
du parent dans la détermination de celui de l’enfant. Tout cela amenant le développement d’un faux soi défensif chez
l’enfant, résultant de l’accommodation de celui-ci aux besoins émotionnels de son parent et brimant du même coup
l’expression de son « soi réel », tel qu’utilisé par Masterson (Orcutt, 1997, p. 74).
Théorie
développementale
(Mahler, 1968)
À travers le développement d’un enfant normal, il vient un moment où celui-ci doit développer une identité (sens de
soi), qui soit séparé de celle de sa mère. Cela se produit à travers le stade de séparation/individuation selon Mahler.
Entre autres, la disponibilité ou l’indisponibilité de la mère à répondre au besoin affectif de l’enfant entre 5 et 30 mois
aurait une incidence majeure sur le développement d’un soi sain chez celui-ci. L’arrêt du développement normal à la
phase de séparation-individuation, provoqué par une réponse parentale insuffisante à soutenir le soi émergent de
l’enfant serait à l’origine des troubles de la personnalité. Cet arrêt du développement viendrait limiter les capacités
d’autorégulation de l’enfant (Masterson utilise les expressions activation autonomes ou activation du soi réel).
Conséquemment, les personnes présentant une faible capacité d’autorégulation se verraient donc porter à l’adolescence
et à l’âge adulte à utiliser des mécanismes de défense primitifs tels que le clivage, le déni, la projection et l’évitement,
ainsi qu’à utiliser des objets externes pour se réguler (Masterson, 1972).
Théorie des relations
d’objet
S’insérant dans le courant américain des relations objectales (Mahler, Kernberg) et le courant britannique (Fairbairn,
Guntrip), Masterson (2004, p.24) définit la notion de relation d’objet comme étant les représentations internes qu’ont
les individus d’eux-mêmes et des autres. Ces représentations internes sont reliées à des affects parfois négatif, parfois
positif et influence la relation que les individus entretiennent avec eux-mêmes et avec les autres. Dans le cas des
personnes présentant un trouble de la personnalité, celles-ci auraient seulement des relations d’objet partielles.
Conséquemment, elles ont une vision extrême et irréaliste d’elles-mêmes et des autres qu’on pourrait concevoir comme
étant tout bon ou tout mauvais et qui fait en sorte que leurs relations d’objet ne sont pas entières.
Théorie du Soi Stern (1985) dans sa théorie développementale du soi, stipule que l’enfant développe des « sens du soi » qui évoluent à
travers ses interactions sociales. Ces interactions sociales sont elles-mêmes régulées et organisées par le filtre subjectif
du soi de l’enfant. La transformation psychique des individus se fait donc à travers les interactions sociales qu’ils ont et
par leur capacité à s’actualiser par celles-ci (Orkutt, 1997).
227
Neurobiologie de
l’attachement
(Schore, 1994;
2003)
Le développement du soi serait grandement influencé par le style d’attachement du parent nourricier, selon qu’il soit
sécure ou insécure. Conséquemment, un style d’attachement insécure chez le parent peut entraîner une incapacité de se
synchroniser avec les besoins affectifs de l’enfant. L’incapacité à répondre aux besoins affectifs de l’enfant qui ferait en
sorte que les connections neuronales nécessaires au développement d’un soi sain ne se ferait pas, ce qui entrainerait le
développement d’un trouble de la personnalité ou trouble du soi, tel que décrit par Masterson. De plus, ces
traumatismes d’attachement seraient incorporés dans la mémoire autobiographique à long terme, ce qui appuierait
l’hypothèse des relations d’objet pathologiques. Notons aussi l’hyperexcitation de la branche sympathique du système
nerveux autonome décrite par Schore comme caractéristique des pathologies préoedipiennes du Soi et qui
correspondrait à la dépression d’abandon décrite par Masterson (Bessette, 2010).
Ce qu’il faut retenir, c’est que James Masterson s’est inspiré de plusieurs théories provenant de divers horizons, afin de mettre des
bases théoriques et cliniques à son approche psychothérapeutique. Tout d’abord influencé par la théorie de l’attachement, d’une
théorie développementale et de la théorie des relations objectales, l’AM a évolué et s’est ensuite enrichie des concepts d’une théorie
du soi pour expliqué la transformation psychique des individus à travers leurs relations, mais aussi de notions plus modernes en
neurobiologie, afin de solidifier ce qu’elle avançait sur l’influence des relations d’attachement sur le développement des enfants. Il
apparaît donc que l’AM s’est construite au fur et à mesure d’expériences cliniques, de recherches personnelles par Masterson, mais
aussi de collaboration avec d’autres chercheurs. Cette construction de l’AM a aussi donné naissance à plusieurs concepts centraux
dont il faut prendre connaissance si on veut bien comprendre l’application pratique de cette approche.
228
Enjeux et concepts clés de l’AM
Masterson utilise plusieurs termes, propres à son approche et qui méritent d’être expliqués plus en détail. Dans le but de faciliter la
compréhension du lecteur et de faire l’inventaire des concepts importants devant se retrouver dans une formation portant sur cette
approche, le tableau ci-dessous rassemble et explique les concepts clés de l’Approche Masterson.
Tableau 2.2
Articulation conceptuelle de l’AM
Triade dynamique du
trouble du soi (de la
personnalité)
Réfère au cycle où l’individu tente d’activer son « Soi réel » ou activation autonome, ce qui entraine chez lui
l’apparition d’affects négatifs appelés « Dépression d’abandon ». Pour s’en protéger, l’individu doit alors
mobiliser des mécanismes de défense primitive. Ce cycle permet entre autres à la conseillère ou au conseiller
qui l’utilise de former des hypothèses cliniques sur les clients et sur eux-mêmes, dont la validité pourra ensuite
être vérifiée à travers les rencontres.
Activation autonome
Tel de décrit par Bessette (2007), l’activation autonome ou activation du Soi réel correspond à « toute
situation qui requiert la mobilisation et l’utilisation des capacités d’adaptation et d’autorégulation de
l’individu ». L’activation des capacités de l’individu déclenche donc l’émergence des d’affects négatifs que
Masterson appelle la «dépression d’abandon ».
Dépression
d’abandon
Le terme dépression d’abandon est en fait le terme que Masterson utilise pour décrire les réactions
émotionnelles intolérables de l'enfant face à un désajustement d'avec sa mère. Il fait référence au sentiment
subjectif qu’éprouve l’individu d’être abandonné ou à une menace ressentie par l’individu concernant sa
survie, ainsi que ce qui compose cet état. Lorsque les besoins affectifs de l’enfant ne trouvent pas de réponse
appropriée, ou se butent à une réponse hostile de la part des figures d’attachement, l’enfant se trouve laissé à
lui-même pour gérer des situations qui le dépassent, et il est envahi à répétition par les affects de dépression,
de colère, de peur, de culpabilité de passivité, d’impuissance, de solitude, de vide et de nullité (Masterson,
1976 : 38; 2004; Bessette, 2007).
229
Mécanismes de
défense
Corresponds aux moyens utilisés par n’importe quel individu pour éviter d’avoir à vivre la dépression
d’abandon et ses affects ressentis comme intolérables. La réactivation de la dépression d’abandon entraînerait
la mobilisation de défenses primitives, efficaces pour ne pas avoir à vivre les affects intolérables, mais
destructeurs pour l’adaptation et le fonctionnement psychosocial. Les principaux mécanismes de défense
utilisés chez les personnes ayant un trouble de la personnalité sont : le clivage, le déni, la projection,
l’identification projective, l’évitement, la fuite dans les fantaisies et le passage à l’acte. Dans la vie de la
personne, ces passages à l’acte se traduiraient par des gestes suicidaires et parasuicidaires, de l’abus de
substance, des explosions colériques et de la violence verbale ou physique. Tandis que dans le processus
thérapeutique, en plus des passages à l’acte, on pourrait les constater par des retards et des absences fréquents,
un non-respect du cadre d’intervention, parler de sujet secondaire ou changer continuellement de sujet
(Bessette, 2007).
Vrai Soi ou Soi réel Tel que décrit par Klein (Masterson et Klein, 1989), le « vrai soi » de Masterson représente une personnalité
qui s’est développée de façon saine, mais aussi une structure de personnalité saine. Cela se traduit par la
capacité à vivre la séparation, la capacité à pouvoir s’attacher, la capacité d’individuation et à faire preuve
d’autonomie. On peut aussi penser au fait d’être capable de vivre avec et sans les autres, ainsi qu’être capable
d’intégrer ces différentes capacités à travers les structures de sa personnalité. Ce «Vrai Soi», serait ressenti par
les individus comme un sentiment de continuité, de stabilité et de réciprocité dans l’expérience à soi, avec et
sans les autres. Tandis qu’un individu ayant de la difficulté à exprimer son «Vrai Soi» se plaindra
généralement de problèmes reliés à sa capacité à vivre l’intimité, à avoir de l’empathie et à partager. Des
difficultés dans l’expression du « Vrai Soi » emmèneraient aussi l’individu à avoir de la difficulté à admettre
ou à partager ses pensées, ses sentiments et ses désirs.
Structure
intrapsychique
Masterson (2004) définit la structure intrapsychique comme étant le résultat de la somme des expériences en
bas âge avec le donneur de soins principal et de nos représentations objectales, ainsi que des affects qui y sont
reliés. La structure intrapsychique organise donc la façon dont nous nous percevons en relation avec les autres,
ce qui se répercute par la suite dans la vie adulte. Tel qu’expliqué par Bessette (2007), cette structure
intrapsychique est pathologique chez les personnes ayant un trouble de la personnalité, faisant en sorte qu’ils
vont être clivés dans leurs perceptions. Le côté positif du clivage, correspondant au système d’attachement
pathologique de la personne qui focalise sur les besoins de l’objet et le côté négatif du clivage, correspondant
230
à un état d’abandon où les personnes perdent le sentiment d’être connectées à l’objet et aux relations.
Acting-out
transférentiel
Par l'acting-out transférentiel, l’enfant tente par ses comportements d'éviter d'avoir à évoquer la
désapprobation parentale ou la négligence durant les premières années de son développement. Ce qui devient
par la suite chez la personne atteint d’un trouble du soi, une partie intégrante de sa réponse fondamentale aux
relations. Le concept d’acting-out transférentiel prend une importance particulière dans la relation
thérapeutique, où l’individu, au lieu de présenter une attitude nuancée des relations humaines (distorsion de la
réalité, combinée à une vision réaliste et raisonnable), présente plutôt une vision clivée, constituée
essentiellement de sentiments et d’émotions distorsionné3s envers le ou la thérapeute. Par exemple, le client
pourrait se sentir choqué, désappointé ou à l’écart lorsque le thérapeute n’agit pas comme il le désire (Orkutt,
1997 : 74 ; Masterson, 2004). Lorsqu’une personne fait de l’acting-out transférentiel dans sa vie adulte, elle
tente par ce comportement ou compromis psychique d’éviter d’avoir à vivre la dépression d’abandon (Orkutt,
1997 : 74).
Neutralité analytique Ce concept clé dans l’Approche Masterson est directement lié à l’acting-out transférentiel, car il implique la
création par la conseillère ou le conseiller, d’un climat thérapeutique qui donne toute la place au client.
L’approche accorde une grande attention à ce que la conseillère ou le conseiller, face aux problèmes du client,
n’introduisent pas de matériel personnel, tel que leurs réactions émotionnelles dans la relation. Comme il est
inévitable pour un intervenant d’avoir des réactions émotionnelles dans une rencontre, il doit donc éviter de
faire lui-même des acting-out contretransférentiels, soit de réagir aux acting-out des clients par un autre
« acting-out », ce qui laisserait le patient et l’intervenant pris dans une dynamique malsaine (Masterson,
2004).
Distance
thérapeutique
Masterson (2004) considère que le thérapeute doit garder une neutralité avec son client. Cette neutralité n’a
toutefois rien à voir avec une attitude froide, détachée ou indifférente de la part du thérapeute, mais elle
permet plutôt d’éviter d’être en collusion avec les transferts du client. Et ce, afin qu’il puisse se permettre de
relever les comportements défensif, régressif ou autodestructeur de celui-ci (Roberts, tirés de Masterson,
2005).
Cadre thérapeutique Consiste à l’établissement de règles claires et constantes, sans toutefois être rigides, afin de définir dès le
départ la façon de travailler et ce qui est attendu du client. Par exemple, justification des absences, retards
fréquents et moment du paiement (Masterson, 2004).
Technique de la La technique de la confrontation sert à confronter de façon empathique les défenses mises en place par le
231
confrontation client et lui servant à préserver son faux soi. Comme les personnes ayant un trouble de la personnalité ont la
plupart du temps des perceptions de la réalité qui sont clivées ou partielles, la technique de la confrontation est
utilisée ici pour fournir au client une perception de la réalité qui soit plus juste et plus complète (Masterson,
1998 : 131).
Capacités du Soi réel
Masterson (2004) ;
Bessette (2007)
Les capacités du soi réel (capacités d’adaptation) sont :
La régulation de l’humeur et de l’estime de soi ;
La capacité de vivre les émotions profondément, avec vivacité, joie, vigueur, excitation et spontanéité ;
La capacité d’identifier ses intérêts et ses objectifs personnels, de s’activer et de faire preuve d’initiative, de
s’affirmer et de se défendre ;
La capacité d’apaiser les affects douloureux (émotions douloureuses), de contrôler ses impulsions et de tolérer
la frustration;
La capacité d’engagement face à un objectif ou à une relation, et de persévérance pour atteindre ses buts
malgré les obstacles;
La créativité;
Capacité d’intimité : la capacité d’exprimer qui on est réellement dans une relation intime, sans craindre de
façon démesurée d’être abandonné ou d’être englouti;
L’autonomie.
Ces concepts mettent tout d’abord l’emphase sur la compréhension de l’individu au niveau de son ressenti et des comportements et
attitudes qui l’accompagnent. Ainsi, l’utilisation de la triade dynamique, les notions de vrai soi ou soi défensif, la notion d’acting-out
transférentiel, celle des capacités du soi réel et le concept de structure intrapsychique servent ici d’outils pour la conceptualisation des
clients que les conseillères ou les conseillers rencontrent. Les autres concepts tels que la neutralité analytique, la distance
thérapeutique, le cadre thérapeutique et la technique de la confrontation représentent davantage des aspects techniques liés à
l’utilisation de l’AM. Il est important de retenir que les concepts au cœur de l’AM ont été construits au regard de clientèles présentant
des troubles de la personnalité. Il est donc important de bien comprendre l’étiologie de ces troubles selon Masterson, afin de saisir
l’origine et l’utilité des concepts proposés pour des clientèles présentant un trouble de personnalité ou présentant des traits de
personnalité marqués, nuisant à leur fonctionnement.
232
Notion de trouble de personnalité, au cœur de l’AM
Selon Masterson (Masterson et Lieberman, 2004), les troubles de la personnalité résulteraient d’un arrêt dans le développement du Soi
et d’un syndrome angiodépressif particulier, appelé la « dépression d’abandon » (Bessette, 2007 : 11.04). Ils seraient principalement
causés par un problème lors de la phase de séparation-individuation dans l’enfance, où l’enfant introjecte la gratification et le retrait de
la mère comme étant les deux seules réponses possibles à ses besoins (clivage) (Poirier, 1997). Les troubles de personnalité pourraient
aussi être causés par des facteurs qui n’ont rien à voir avec le développement en bas âge. Par exemple, des facteurs tels que le
tempérament, les caractéristiques de l’enfant et les évènements stresseurs du hasard de la vie , peuvent être reliés au développement
d’un trouble de la personnalité et sont généralement pris en considération dans l’étiologie du trouble. (Masterson et Klein, 1989, p.11).
L’individu présentant un trouble de la personnalité, tout comme les personnes ne présentant pas de tels troubles, tente de satisfaire ses
besoins psychologiques (« activation du Soi réel ») par la mobilisation et l’utilisation de ses capacités d’adaptation et d’autorégulation .
Toutefois, au lieu de ressentir des émotions tempérées pouvant être positives et négatives comme la plupart des gens, il ressent plutôt
des affects négatifs que Masterson appelle la « dépression d’abandon ». La personne peut alors ressentir des émotions telles que la
dépression, la rage, de l’anxiété, de la honte, du désespoir ou un sentiment de vide. Afin de contrer ces sentiments négatifs et ainsi ne
pas avoir à les supporter, l’individu développera un faux soi défensif, en mettant en place des mécanismes de défense primitifs tels que
le déni, le clivage, la projection, l’identification, la fuite ou l’évitement. La dynamique qui s’exerce entre l’activation des capacités du
soi réel de la personne, les affects négatifs qui en résultent et les mécanismes de défense mis en place, est appelé pas Masterson la
triade dynamique du trouble du soi et constitue la pierre angulaire de son approche. (Masterson et Klein, 1989; 1995).
Structures de personnalité selon l’AM
Les troubles de la personnalité peuvent être regroupés dans l’Approche Masterson selon quatre grandes catégories : état limite,
narcissique, schizoïde et antisocial. Cette dernière serait semble-t-il non-traitable et correspondrait au type psychopathe du DSM-IV
(Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders). Masterson a aussi ajouté des sous-catégories à celles d’état limite, de
narcissique et de schizoïde. L’auteur différencie son approche de celle du DSM-IV (1994), par le fait que ce dernier fournit plus un
portrait des comportements et attitudes dysfonctionnelles observables associés aux psychopathologies, tandis que sont approche irait
plus en profondeur en analysant la structure intrapsychique des personnes c’est-à-dire des représentations internalisées du soi et de
l’objet. Pour Masterson, les critères diagnostiques du DSM-IV constitueraient en quelque sorte des défenses qui sont partagées par
tous les troubles de la personnalité et qui se traduiraient différemment selon la structure interne des personnes.
233
Personnalité limite
Au niveau de la correspondance avec le DSM-IV (2004), on retrouve à l’intérieur de ce type de personnalité de l’Approche Masterson,
les types de personnalité histrionique, dépendante, passive agressive et compulsive. Dans la formulation de James Masterson du
trouble limite du soi, l’individu tente, par des comportements mésadaptés, d’éviter à tout prix de ressentir la dépression d’abandon.
Concrètement, cela se traduit de deux façons dans le processus thérapeutique. Du côté positif du clivage, le client va s’en reme ttre au
thérapeute, de façon à ce que celui-ci lui donne des solutions, le prenne en charge, le réconforte et le rassure dans ce qu’il croit ou ce
qu’il fait. Il va donc se soumettre à l’objet (thérapeute). Lorsque le thérapeute ne répond pas positivement à ces demandes de prises en
charge, le client se retrouvera du côté négatif du clivage. Le client verra alors le thérapeute comme rejetant et abandonnant et se
sentira alors comme étant indigne de recevoir de l’amour ou sans valeur. Le thérapeute devra alors faire attention à ne pas ê tre
contaminé par les projections du client et ainsi, éviter de se sentir responsable du client et de le prendre en charge (Bessette, 2007).
Personnalité narcissique
Au niveau de la correspondance avec le DSM-IV, le type narcissique tiré de ce même manuel ne correspond qu’au sous-type
exhibitionniste de Masterson. L’auteur a ajouté les types à grandiosité inhibée « closet narcissistic » et dévaluant dans son approche.
Dans la personnalité narcissique décrite par Masterson, les représentations du soi et de l’objet sont fusionnées. Lorsque ça se passe
bien, la personne voit l’objet comme étant parfait et tout puissant, donc parfaitement capable de répondre au besoin narcissique du
Soi : fournir le regard admirateur qui confirme la grandiosité du Soi. Donc lorsque le narcissique obtient ce sentiment d’être supérieur,
merveilleux ou spécial, il s’en sert pour réguler son humeur et s’accorder la valeur qu’il mérite. Lorsqu’il ne l’obtient pas, le
narcissique aura tendance à voir le thérapeute comme étant dévaluant ou attaquant et à se sentir fragmenté, pas à la hauteur, minable
ou dévaluée. Le type exhibitionniste est celui qui correspond en grande partie au type narcissique du DSM-IV, car sa grandiosité est
exprimée au maximum afin qu’il puisse se réguler. Toutefois, les clients ayant une grandiosité plus discrète ne semblent pas ressortir
si on se fit au critère du DSM-IV. C’est pourquoi Masterson a ajouté deux autres types de narcissiques. Le type narcissique à
grandiosité inhibée se distingue, car il utilise davantage l’idéalisation de l’objet pour se réguler, en maintenant ses projections de la
fusion grandiose. Il voit alors les autres comme supérieurs, performants, spéciaux ou puissants. Ce maintien de la personne dans le
côté positif de son clivage fait en sorte qu’il arrive à ressentir qu’il peut répondre aux besoins et aux attentes des autres et à se sentir
234
adoré. Il évite ainsi d’avoir à vivre la dépression d’abandon et de passer du côté négatif du clivage, où il se sentira inadéquat et
fragmenté par rapport à l’objet. Le type dévaluant se distingue quant à lui dans le fait qu’il se situe uniquement du côté négatif du
clivage. Il y a deux scénarios possibles du côté négatif du clivage : sois je suis le dévaluant et tu es le minable; sois je suis le minable
et tu es le dévaluant. Le type dévaluant peut donc adopter deux attitudes ou jouer deux rôles dans la relation. D’un côté, s’il prend le
rôle du dévaluant, il fera sentir au conseiller qu’il est minable, inférieur et inadéquat. La dévaluation est ici une défense pour le client
et lui permet de projeter sur l’autre le rôle du minable. De l’autre côté, quand la dévaluation ne fonctionne plus (la défense de la
dévaluation n’est plus assez forte), le client est alors coincé à reprendre le rôle du minable, de l’inadéquat. Il n’arrive p lus à « se
remonter en écrasant l’autre». Le contre-transfert se répercutera alors chez les intervenants de façon différente que chez le client état
limite. Comme le client projette ses idéalisations sur le conseiller, celui-ci peut alors sentir qu’il doit performer de façon
exceptionnelle, certains parlent d’un sentiment de marcher sur des œufs dans la relation avec le client.
Personnalité schizoïde
Contrairement aux deux autres structures de personnalité, la structure schizoïde ne croit pas qu’il est possible pour lui de créer de
véritables relations avec les autres et ainsi obtenir un apport affectif. Par conséquent, on ne retrouve pas dans cette structure un côté
positif dans le clivage, comme dans les deux autres structures de personnalité. La personne schizoïde voit d’un côté du clivage l’objet
comme étant le maître qui manipule, qui exploite, qui impose ses volontés et qui ne veut pas entrer en relation. Elle se voit donc
comme étant l’esclave qui exécute les désirs du maître, un robot, une victime. Celui-ci trouve alors une forme de sécurité dans la
relation maître-esclave, jusqu’à ce que les sentiments associés à cette dynamique soit trop insupportables et que la personne passe de
l’autre côté du clivage, appeler pôle exil. La personne schizoïde voit alors l’objet comme sadique, dangereux et abandonnant. La
personne se sent alors isolée, étrangère aux humains, aliénée. Le fait de ne pouvoir être ni trop près, ni trop loin de l’objet est appelé le
dilemme schizoïde. Tandis que le compromis schizoïde correspond au fait de trouver une distance sécuritaire entre l’objet et le
schizoïde. La réponse contre-transférentielle à laquelle il faut faire attention dans l’intervention avec les schizoïdes est de ne pas
répondre à la projection de maître faite par le client sur le thérapeute (objet) et de se mettre à diriger le client comme un robot ou un
esclave. Ou de l’autre côté du clivage, de se détacher du client et de s’isoler comme lui-même le fait.
235
Personnalité antisociale
Selon Masterson (2004), les symptômes de la personnalité antisociale dans l’AM demeurent les mêmes que ceux décrient dans le
DSM-IV. Toutefois, la façon de faire le diagnostic diffère, car elle est plutôt basée sur la nature détachée des émotions en lien avec les
relations d’objet internalisées du client, plutôt qu’être uniquement basé sur les symptômes de celui-ci, comme c’est le cas avec le
DSM-IV. La structure de personnalité antisociale ne répondrait toutefois pas aux traitements psychodynamiques en général. En se
basant sur une vision intrapsychique des relations d’objet, il n’y aurait, chez les personnes atteintes de ce trouble, aucune connexion
affective entre le soi et l’objet. Ces connexions affectives seraient essentielles pour intervenir avec une psychothérapie de type
psychodynamique, ce qui explique pourquoi il ne serait pas traitable selon Masterson.
Recension des écrits sur l’AM
L’approche Masterson (Masterson et Klein, 1989; Masterson et Lieberman, 2004) a fait l’objet de plusieurs études tant au niveau
théorique, qu’empirique. Suite à une recension des écrits en lien avec cette approche, il appert que l’approche a été utilisée avec
diverses problématiques de santé mentale et aussi qu’elle a été utilisée pour aider une multitude de clientèles différentes.
Les premières recherches de Masterson (1967, 1972, 1976; 1980; 1981) furent menées auprès d'adolescents ayant un trouble de
personnalité limite d’une clinique psychiatrique de New York et auprès de centaines d’adolescentes et d’adolescents rencontrés en
contexte de pratique privée par Masterson lui-même. Ces recherches ont en fait permis de soutenir et de critiquer les principes de base
de l’Approche Masterson. D’autres auteurs (Poirier, 1997; Orkutt, 1997) se sont aussi attardés à décrire les modalités de traitement de
personnes présentant un diagnostic de troubles état limite à partir des principes de l’approche Masterson en décortiquant les concepts
clés reliés à celle-ci. Le docteur Masterson décida ensuite, dans les années 80, d’élargir la portée de son approche en appliquant celle-
ci à la compréhension des troubles de la personnalité narcissique. Klein (1993) et Orcutt (1995) ont par la suite intégré les travaux de
Guntrip (1969) et Fairbairn (1984) sur les troubles schizoïdes à la théorie de Masterson. Morrison (2008) a quant à lui mené une
recherche afin de mieux comprendre les particularités des personnes présentant un trouble de la personnalité limite, combiné à un
historique de traumatismes dans l’enfance. L’auteure questionne le fait que pour ce type de trouble de la personnalité particulier, les
traitements actuels ne seraient pas adaptés. Elle suggère donc un traitement qui est spécifique à cette problématique, en intégrant des
éléments de deux perspectives sur le sujet. Celle de Masterson sur les troubles de la personnalité et celle de Van der Kolk sur le
236
syndrome de stress post-traumatique. L’auteur conclut en suggérant que d’autres études soient menées afin de valider empiriquement
ce qu’elles avancent. Roberts (2000), propose quant à lui, une adaptation de l’Approche Masterson pour les traitements de
psychothérapie courte durée sur les personnes état limite. L’auteur propose des buts limités au traitement, dus à la contrainte de temps
engendré par le processus court-terme. Les buts évoqués étant, l’augmentation du contrôle des défenses nuisibles, l’apprentissage par
le client de sa dynamique comportementale et l’augmentation de l’adaptation du patient. Les conclusions de l’étude démontrent que la
thérapie court-terme à opéré un changement chez la personne en ce qui à trait à la gestion des défenses nuisibles par une
compréhension de sa dynamique et démontrent aussi une augmentation de l’adaptation du patient. En ce sens, l’étude aura aidé à
maximiser les bénéfices des traitements pour les clients état limite suivis en thérapie de courte durée. De son coté, Katz (2010) s’est
intéressée à mieux comprendre la pertinence d’une telle approche fondée à partir de principes de psychanalyse relationnelle sur le
traitement de personnes présentant un trouble état limite où leur thérapeute partage avec eux ce qu’ils pensent de leur situa tion, ainsi
que l’utilisation explicite de l’intersubjectivité est la meilleure façon de travailler en psychanalyse. Pour Katz (2010), la neutralité
thérapeutique entre le thérapeute et son client telle que défendue par l’Approche Masterson s’avère une dimension des plus
importantes en raison de l’emphase mise sur les capacités du soi réel du client (souvent niées) et la démonstration de sa rét icence à
accepter ou à agir selon les projections du faux soi défensif de celui-ci.
D’autres recherches sur l’Approche Masterson et traitant des applications possibles de l’approche ont aussi été menées. Mulherin
(2001) présente une analyse de cas traitant de l’utilisation de l’Approche Masterson à l’intérieur d’une thérapie par le jeu, pour le
traitement d’un enfant possédant un trouble de la personnalité en émergence. L’approche est ici utilisée essentiellement pour son cadre
théorique et ses outils servant à diagnostiquer et à traiter l’enfant pendant le jeu. Sachs (2003), dans un article traitant de l’alcoolisme
en tant que trouble du soi, a émis l’hypothèse que la propension pour l’alcoolisme pourrait être due à un problème dans la relation
d’attachement de l’enfant avec ses parents. L’auteur a donc combiné l’Approche Masterson avec des rencontres d’alcooliques
anonymes (AA), afin de comparer cette combinaison avec les rencontres aux AA seules. Sachs mentionne que la combinaison des AA
et de l’Approche Masterson apparaît comme étant un traitement de choix. Selon lui les rencontres AA n’étant pas suffisantes à elles
seules pour créer un changement dans la structure de la personnalité. Avec ce type de traitement, la personne serait plus en mesure
d’identifier ce qui le rend vulnérable et les modes de défenses qu’il utilise pour s’en préserver. Une autre étude est ressortie en lien
avec le développement de l’employabilité (Affsprung 1998) et suggère le fait que beaucoup d’étudiants recherchant de l’aide dans les
centres de counseling des collèges américains souffriraient du trouble de la personnalité narcissique à grandiosité inhibée de
Masterson (closet narcissistic), ce qui nuirait à leur performance à l’école et dans leurs relations interpersonnelles. Affsprung souligne
que les pressions induites pour se développer sont très fortes au collège et que cela peut favoriser l’apparition de troubles du soi. Si ces
237
troubles ne sont pas relevés par le conseiller, alors le développement vocationnel et personnel de la personne pourrait être entravé.
Bien que cette étude ne concerne pas directement les conseillers en emploi, l’auteur souligne clairement un lien avec l’employabilité et
renforce l’idée de cette recherche quant au fait que l’utilisation d’une approche qui s’intéresse davantage au fonctionnement
psychologique trouverait son utilité dans un contexte d’employabilité.
Interventions de l’AM adaptées pour chacun des types de personnalité
Une des particularités de l’Approche Masterson est qu’elle fournit aux intervenants des interventions différentes dépendamment du
type de personnalité dominant chez les clients. Le type de personnalité dominant chez une personne apparaît généralement plus
évident à la suite de l’application de la triade dynamique des troubles du soi sur l’expérience des clients. Ces interventions adaptées
aident ainsi la conseillère ou le conseiller à augmenter l’efficacité de ses interventions et lui permet surtout d’éviter de tomber dans
des contre-transferts avec son client. Ces interventions sont décrites dans le tableau qui suit. Notons que le trouble de personnalité
antisocial ne fait pas partie de ce tableau, car il serait jugé comme étant non traitable (Masterson, 2004).
Tableau 2.3
Interventions adaptées à chacun des types de personnalité
Types de
personnalité
Interventions
État limite de
Masterson
Le conseiller, de par ses interventions, doit confronter de façon empathique les défenses clivées du client état limite. L’objectif
étant de favoriser la création d’une alliance thérapeutique avec le Soi réel du client.
Angles de confrontation possibles :
projections partielles vs réalité;
comportement défensif vs conséquences destructrices;
l’ampleur d’une réaction émotionnelle négative vs le caractère bénin ou positif d’une situation;
la perception subjective du client vs la réalité.
Positionnement contre-transférentiel :
238
Le conseiller doit s’efforcer de voir et de s’adresser au Soi réel compétent du client état limite, plutôt qu’au faux Soi défensif de
celui-ci.
Narcissique
de Masterson
Le conseiller, de par ses interventions, doit mettre l’emphase sur l’interprétation empathique de la vulnérabilité du client
narcissique. Il devra donc porter une attention particulière au vécu subjectif interne du client. L’objectif général étant de
diminuer les défenses et l’intensité des projections clivées du client.
Exemples de buts visés :
clarifier l’hypersensibilité à la réponse de l’environnement et faire le lien avec l’état affectif du client;
clarifie le passage de l’état grandiose à l’état de fragmentation du client;
clarifie les projections de l’objet, du Soi et des affects;
Positionnement contre-transférentiel :
Le conseiller doit s’efforcer de voir au-delà de la façade égocentrique, agressive et arrogante du client, pour s’adresser au Soi
réel du client narcissique.
Schizoïde de
Masterson
Le conseiller, de par ses interventions, doit mettre l’emphase sur : l’interprétation du dilemme schizoïde
les anxiétés d’une intrusion du conseiller ou des autres;
les mouvements de retrait du client;
les anxiétés de l’exil et d’un retour au mode possible au mode maître-esclave.
Ainsi que sur : l’interprétation du compromis schizoïde
distance sécuritaire aménagée par le schizoïde comme solution à son dilemme;
partage d’opinion sur la valeur du compromis en lien avec les objectifs du client.
Positionnement contre-transférentiel :
Le conseiller doit s’assurer que le client sache qu’il a droit à sa propre subjectivité et sa propre liberté. Donc de clarifier les
projections maître-esclave et la position du thérapeute dans le processus.
Malgré la grande quantité de recherches menées à ce jour sur l’AM, ainsi que malgré les pistes d’intervention psychothérapiques
validées au sein de celles-ci, peu d’études semblent s’être attardées à examiner le rôle possible de l’Approche Masterson en contexte
de développement de l’employabilité. Suite aux constatations faites jusqu’à présent concernant le rôle des conseillers et conseillères en
239
emploi, de la complexification des problématiques auxquelles ils font face, de la faiblesse de leur formation de baccalauréat quant à la
compréhension du fonctionnement psychologique et des approches d’influence psychodynamique, le questionnement suivant
s’impose : quels pourraient être les apports possibles pour les conseillères et les conseillers en emploi de se former à l’utilisation de
l’Approche Masterson afin d’accroître leurs compétences cliniques au niveau du fonctionnement psychologique?
Intégration possible de l’AM en développement de carrière
À la lumière des informations présentées, l’utilité de l’approche semble de plus en plus claire quant à l’aide qu’elle peut fournir aux
conseillères et aux conseillers pour les aider à mieux comprendre le fonctionnement psychologique de leurs clients. Entre autres,
l’utilisation de la triade dynamique du trouble du soi comme outil de travail fournit aux intervenants une sorte de grille d’analyse leur
permettant en quelque sorte de cartographier le fonctionnement de leurs clients. Et ce, qu’ils aient ou non un trouble de santé mentale
diagnostiqué. Plus spécifiquement, cette façon d’analyser les individus permet aux intervenants, à partir des évènements qui activent
les clients, de faire ressortir les affects négatifs reliés à ces événements et par la suite d’identifier les mécanismes de protection
nuisibles mis en place par la personne pour se protéger de ces affects. Les événements activateurs dont il est question, représentent ici
toutes situations qui requièrent la mobilisation et l’utilisation des capacités d’adaptation et d’autorégulation des clients. Ces capacités
faisant partie de la dimension du fonctionnement psychologique. Au niveau du développement de l’employabilité, les événements
activateurs de l’autonomie pourrait entre autres se traduire par une transition de vie comme le passage à l’adolescence, un départ du
foyer familial, le début d’un nouvel emploi, un événement stressant dans la vie des clients, tels qu’une séparation ou la naissance d’un
enfant ou par des problèmes dans la vie de couple.
L’AM offre un cadre théorique décrivant les principes, les concepts et les modalités d’intervention clinique auprès de personnes
manifestant entre autres des difficultés d’adaptation au plan du stress et de l’anxiété, sur le plan de l'autonomie, sur le plan de la
connaissance de soi (identité), sur le plan des relations interpersonnelles et sur le plan de la régulation émotionnelle. Pour le champ
disciplinaire du développement de carrière et de l’employabilité, celle-ci permet un travail approfondi au niveau des résistances, des
passages à l’acte, de la mise en place de mécanismes de défense pouvant faire entrave au processus de relation d’aide et de stratégies
personnelles d’insertion professionnelle. En suivant la logique de l’Approche Masterson, les clients aux prises avec des difficultés
d’adaptation auraient des capacités du Soi réel réduites par rapport aux clients ne présentant pas de telles difficultés. Lorsque ça se
240
passe bien, l’individu est capable d’activer son Soi réel16, c’est-à-dire d’identifier ses intérêts et ses besoins, de les exprimer dans la
réalité et de les défendre lorsqu’ils sont attaqués sans être envahi pas des émotions négatives. L’individu réagit donc de façon adaptée
aux situations de la vie qui se présentent à lui. Le Soi réel a deux fonctions, il est le véhicule émotionnel pour l’expression de soi et il
maintient l’estime de soi à travers l’apprentissage et la maîtrise des tâches de la vie. Par contre, lorsque ça se passe moins bien, on dit
que les capacités du Soi réel sont réduites. Cela fait surgir des réactions émotionnelles excessives, vécues comme difficilement
gérables, engendrant chez l’individu la mise en place d’un Soi défensif17 et de mécanismes de défense (mécanismes de protection
nuisible). Ces mécanismes de défense sont efficaces pour bloquer les affects douloureux, mais nuisent souvent à l’adaptation de la
personne. Au niveau du questionnaire de recherche, l’emphase a davantage été mise sur les capacités réduites du soi réel, qui se
traduisent dans la vie des individus par des difficultés d’adaptation. Les questions ont donc été posées en termes de difficu ltés
d’adaptation plutôt qu’en termes de capacités d’adaptation. Les capacités d’autorégulation et d’adaptation sont à la base de l’identité et
de l’autonomie (Bessette, 2010) et s’insèrent à l’intérieur de la dimension du fonctionnement psychologique décrit précédemment et
qui compose les individus avec les dimensions des ressources personnelles et des conditions du milieu.
Même si le secteur du développement de l’employabilité fournit des services quotidiens auprès des différentes clientèles présentées
plus haut, tels que la clientèle étudiante, les clients aux prises avec des problèmes d’alcoolisme, d’autres souffrant de stress post-
traumatique ainsi qu’auprès d’une population pouvant présenter des symptômes de santé mentale divers, peu d’études semblent s’être
intéressées directement à l’utilisation de l’Approche Masterson dans le contexte du développement de l’employabilité. Néanmoins,
Bessette (2007) mentionne des utilisations de l’approche avec lesquelles il est aisé de faire des parallèles avec le domaine de
l’employabilité. Elle mentionne que bien que l’Approche Masterson a été développé principalement pour les traitements de
psychothérapie à moyen et long terme, celle-ci éclaire et enrichit les types d’interventions à l’intérieur de processus court-terme dans
des contextes non psychothérapeutiques, en emmenant aux intervenants une compréhension du monde intérieur et de la dynamique
relationnelle propre à chacune des structures de personnalité. L’auteure nous informe entre autres que l’Approche Masterson pourrait
être utile dans certains contextes, tels que l’éducation en diététique pour les personnes diabétiques, le maintien à domicile et les
groupes d’entrainement aux habiletés parentales. Elle pourrait aussi être utile pour contourner les difficultés relationnelles et contrer
16
Le terme « soi réel » fait référence à un Soi sain et en santé, composé principalement d’aspects conscients de la réalité et, dans une moindre mesure, d’aspects
inconscients et de l’ordre de l’imaginaire. (Masterson et Lieberman, 2004) 17
Contrairement au Soi réel, le Soi défensif maintien l’estime de soi non pas par des efforts pour maîtriser la réalité, mais en se défendant contre des affects
douloureux. Le Soi défensif fait référence à une façon d’être, de se percevoir et de percevoir les autres qui est étrangère au Soi réel, qui est principalement « en
réaction » aux autres et qui manque de spontanéité. (Masterson et Lieberman, 2004)
241
les comportements faisant obstacles aux interventions ne visant pas spécifiquement le trouble de la personnalité. Malgré que le
domaine de l’employabilité n’y soit pas mentionné, on comprend aisément que l’Approche Masterson pourrait sûrement être utilisée
dans le domaine non psychothérapeutique du développement de l’employabilité et y être d’une grande utilité. En particulier
concernant tout ce qui concerne les difficultés relationnelles et les comportements faisant obstacles aux interventions, qui sont souvent
présents dans le contexte des interventions en employabilité. Bessette précise de plus pour appuyer ces dires, que lorsqu’un individu
présentant un trouble de la personnalité utilise un mécanisme de défense tel que le passage à l’acte à l’intérieur d’une relation d’aide, il
est facile de s’en apercevoir dans la relation. Par exemple, cela pourrait se manifester sous forme de retards et d’absences fréquentes
du client aux rencontres, par une attitude passive et impuissante face au processus, par le non-respect du cadre d’intervention, par des
demandes irréalistes dépassant le cadre de l’intervention, par la dévaluation ou l’idéalisation de la conseillère ou du conse iller ou
encore lorsqu’un client ne cesse de parler de sujets secondaires pendant les rencontres. L’auteur mentionne que c’est par ces types de
comportements que le client exprime ses affects. Or, ce genre de comportements est assez fréquent et peut s’observer aisément dans
un contexte de relation d’aide en développement de l’employabilité. Il n’est pas exclusif au seul monde de la psychothérapie. Cela
pourrait donc s’avérer fort utile en contexte de développement de l’employabilité.
À la lumière de ces informations, plusieurs interrogations apparaissent : est-ce que les conseillers en emploi sont suffisamment outillés
pour travailler avec des gens présentant ces problématiques? Sont-ils suffisamment outillés pour arriver à modifier leurs interventions
de façon à rejoindre ces clients dans leur dynamique personnelle? S’ils ne sont pas suffisamment outillés pour déceler ces
problématiques, comment pourront-ils référer ces clients vers des ressources mieux adaptées à leur situation?
242
Comprendre le concept d’identité en orientation
Virginie Brodeur, c.o.18
Le thème de l’identité a fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques à travers les années. Celles-ci ont été menées par bien des
auteurs et les champs d’études sur ce thème abondent tout autant (psychologie, sociologie, carriérologie, culture, religion, sexualité,
philosophie, psychiatrie, histoire, etc.). D’ailleurs, la nature de ce concept est tout aussi variée puisqu’il existe plusieurs types d’identités:
identité personnelle (à laquelle nous nous attarderons davantage dans le cadre de cet essai), sociale, groupale, ethnique, professionnelle,
sexuelle, générationnelle, nationale, et plus encore.
S’il y a aujourd’hui autant de définitions et de reformulations de ce concept qu’il y a de personnes qui s’y sont intéressé, c’est sûrement car
les théoriciens ont du mal à s’entendre quant aux processus de base impliqués dans le développement identitaire. Malgré tous ces efforts
pour définir ce concept, celui-ci demeure pour plusieurs encore bien flou et complexe, malgré sa grande popularité depuis les dernières
décennies. D’ailleurs, tel que le souligne Kaufmann (2009) : « Le mot identité se retrouve partout, c’est une espèce de mot valise dans
lequel chacun met son propre contenu. Il est important de définir ce que l’on comprend derrière ce terme, ce qui nous amène à cette
interrogation : l’identité, qu’est-ce que c’est ? » (p.55) D’abord, Pierre Tap (1979), professeur en psychologie sociale et reconnu comme un
spécialiste de la concision, a défini ce concept comme étant :
18 Brodeur, V. (2013). Les pratiques professionnelles de conseillers et de conseillère d’orientation du réseau d’enseignement collégial public au regard de
l’intervention sur l’identité de la personne. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil :
carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2013/02/essai-en-ligne-lintervention-sur.html
243
un système de sentiments et de représentations de soi, c'est-à-dire à l’ensemble des caractéristiques physiques,
psychologiques, morales, juridiques, sociales et culturelles à partir desquelles la personne peut se définir, se présenter, se
connaître et se faire connaître, ou à partir desquelles autrui peut la définir, la situer ou la reconnaître. (p.8)
L’identité est ce qui permet de se définir et de se distinguer des autres par notre unicité et par nos attributs caractéristiques propres à travers
le temps. C’est le sentiment d’être le même, malgré les changements auxquels nous faisons face. En effet, Erikson (1968) décrit l’identité
personnelle comme « le sentiment de similitude avec soi-même et de continuité existentielle (se sentir « le même » dans différents contextes
et dans le temps). » (Erikson, cité par Barbot, 2008, p.1) Ainsi, l’individu souhaite parvenir à une identité claire pour lui-même et aux yeux
des autres qui soit immuable dans le temps et qui reste la même dans les différentes sphères de sa vie. De plus, l’identité personnelle peut
être définie comme « l’ensemble des buts, des valeurs et des croyances que l’individu donne à voir (par exemple, ses projets professionnels),
ainsi que de tout ce qui constitue sa particularité individuelle par rapport aux autres. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.4) En d’autres
mots, l’identité, c’est ce qui permet de se reconnaître et de se faire reconnaître. C’est donc le fait qu’une personne conserve une perception
identique à elle-même, malgré des contextes changeants et son développement à travers les années. L’identité personnelle découle donc
d’un besoin de se distinguer des autres tout en restant reconnu par les autres. (Barbot, 2008)
Il est primordial de s’attarder ainsi aux définitions d’Erikson, puisqu’il est considéré par la communauté scientifique comme le précurseur
d’une théorie du concept de l’identité liée à la psychologie du développement. Plusieurs auteurs lui ont succédé et se sont appuyés sur sa
théorie afin de poursuivre les recherches sur ce concept. Erikson a soulevé bien des aspects importants dans sa théorie de l’identité, toutefois
le concept d’identité personnelle a reçu une attention particulière. Tel que mentionné précédemment, ce concept sera retenu ici puisqu’il est
tout à fait à propos lorsque l’on parle d’intervention sur l’identité de la personne en contexte d’orientation.
D’après des propos rapportés par Barbot (2008), les auteurs Grotevant et Cooper se sont intéressés à l’identité personnelle et l’ont décrite
comme étant un « équilibre entre l’individualité et la relation. » (p.2) En effet, l’identité est souvent articulée comme un système dynamique
244
et dialectique entre le sentiment d’être une personne unique et distincte et le sentiment d’être reconnu par les autres. (Barbot, 2008) Ainsi,
sans les autres, on ne peut se définir, puisque l’identité est souvent abordée comme étant fondamentalement relationnelle.
Il est donc possible de percevoir des éléments qui reviennent au sein de ces différentes définitions. Or, à la lumière des nombreuses lectures
effectuées sur le sujet de l’identité, certaines caractéristiques fondamentales et quasi communes à l’ensemble des définitions sur la
conception identitaire seront soulevées subséquemment. Ainsi, cette section a pour objectif de définir diverses composantes de l’identité afin
d’en saisir l’essence même et de permettre une meilleure compréhension du concept. Par la suite, certains rapprochements et distinctions
seront effectués au regard de trois concepts souvent associés, soit l’identité, le soi et la personnalité. Trois phases de la vie (enfance,
adolescence, âge adulte) seront ensuite abordées dans le but de saisir que le développement de l’identité est présent tout au long de
l’existence. Différentes modélisations seront ensuite exposées afin d’obtenir les points de vue de certains auteurs quant au développement
identitaire. Enfin, des liens entre l’identité et l’orientation seront effectués.
Les composantes de l’identité personnelle en termes de sentiments d’identité
Tout d’abord, l’identité personnelle possède deux significations, d’une part objective et d’autre part subjective. L’identité objective peut être
considérée comme la plus évidente puisqu’il s’agit de celle qui acquiesce la différence de chacun par son patrimoine génétique, c’est donc le
caractère héréditaire et l’historique de la personne. (Marc, 2009) C’est aussi celle que l’on remarque le plus entre autre par le biais des traits
de personnalité, de caractères, d’attitudes, etc. D’ordre plus complexe, l’identité subjective serait plutôt associée à l’expérience de soi et
renvoie à cette définition de Mucchielli (1986) qui précise que l’identité est caractérisée par « un ensemble de critères de définition d’un
sujet et un sentiment interne [nommé sentiment d’identité] composé de différents sentiments : sentiment d’unité, de cohérence,
d’appartenance, de valeur, d’autonomie et de confiance autour d’une volonté d’exister ». (p.5) Cette définition englobe des caractéristiques
de l’identité non seulement soulevées par Mucchielli, mais qui sont également communes à différentes définitions de l’identité personnelle.
245
En effet, ce sont des points d’ancrage présents dans chacune d’elles, seules les terminologies peuvent toutefois différées d’un auteur à
l’autre.
Sentiments d’unité, de cohérence, d’unicité et de différence
Tout d’abord, les sentiments d’unité et de cohérence reposent sur la structure cognitive de la personne, considérée par Mucchielli (1986)
comme le noyau identitaire individuel. Cette structure cognitive est consécutive aux différentes expériences vécues par le sujet. Ces
expériences affectives, relationnelles et intellectuelles engendrent des activités cognitives chez l’individu lui permettant d’organiser
l’ensemble de l’information reçue sous formes de sensations, de sentiments, d’émotions, de pensées, de réflexions, etc. qui sont transformés
en savoirs se rapportant à son système cognitif qui est source du sentiment d’identité personnelle. (Mucchielli, 1986) Tap (2009) définit ces
sentiments comme « la représentation plus ou moins structurée, plus ou moins stable que j’ai de moi-même et que les autres se font de moi.
Je me comporte selon un certain style, ce qui renvoie à l’idée d’unité, de cohérence du moi. » (p.55) En simple, c’est ce qui permet à une
personne de dire « Je suis moi ». Ensuite, les sentiments de différence et d’unicité renvoient à l’idée qu’un sujet se veut et se perçoit comme
un être unique et distinct d’autrui. C’est donc un sentiment de singularité permettant à un individu d’affirmer qu’il est différent des autres.
Mucchielli (1986) a d’ailleurs fait mention que « Le sentiment de différence est essentiel à la prise de conscience de son identité. » (p.54)
Sentiments d’appartenance, d’autonomie et de confiance
Comme toute personne grandit et évolue dans un environnement social donné, celle-ci développe un sentiment d’appartenance qui résulte de
l’intégration des normes, valeurs et modèles sociaux présents dans ce milieu. C’est entre autre ce qui permet à cette personne de parler au «
nous ». D’ailleurs, le sentiment d’appartenir à un groupe est lié étroitement au sentiment d’autonomie, puisque selon Mucchielli (1986), une
personne affirmera son identité personnelle seulement si elle se sent membre d’un groupe tout en étant autonome par rapport à celui-ci en
246
termes de pensées et de décisions par exemple. Quant au sentiment de confiance, il s'acquière dans la relation à l'autre. (Mucchielli, 1986)
D’après Tap (2009), « lorsqu’une personne se sent en sécurité au sein d’un groupe, elle a plutôt tendance à s’affirmer dans sa singularité.
Inversement, en situations de conflit, elle accentue le besoin de ressembler aux autres, de fusionner, de se référer au groupe. » (p.57) Le
sentiment de confiance renforce celui d’appartenance puisqu’il permet au sujet de participer à la vie commune et donc de se développer à
travers cette participation.
Sentiments de continuité, de valeur et d’existence
Comme il le sera démontré ultérieurement, l’identité se modifie tout au long de l’existence. Malgré cela, le sentiment de continuité est
ressenti chez le sujet comme le sentiment profond d’être toujours le même, dans l’espace et dans le temps. En effet, malgré les différentes
expériences vécues et les nombreux changements qui surviennent au fil du temps, le sentiment de continuité qu’éprouve une personne lui
permet de demeurer semblable à elle-même, de se reconnaître et de se faire reconnaître par autrui. C’est donc ce qui permet à un individu de
dire « Je suis toujours la même personne » et ce qui permet à son entourage de mentionner « Je te reconnais bien ». Chauvier, professeur de
philosophie à l’Université de Caen, a soulevé ces propos permettant de saisir davantage le concept de continuité :
Si toutes les cellules qui constituent un être vivant se régénèrent au cours de sa vie, comment peut-on dire que l’être vivant
qui figure au terme de ce processus est le même que celui du départ ? Résoudre ce problème général de l’identité «
transtemporelle » des choses changeantes, c’est déterminer ce qui constitue l’essence individuelle de la chose, ce qu’elle ne
peut pas cesser d’être sans cesser d’être la chose singulière qu’elle est. C’est cette essence individuelle ou haecceité que l’on
vise quand on est en quête de son « identité » : notre identité en ce sens, c’est notre haecceité, ce que nous sommes
essentiellement et singulièrement et qui, pour cette raison, doit rester identique au travers des changements que nous
subissons pour que nous restions la même personne. (2009, p.20)
Quant à lui, le sentiment de valeur engendre le désir d’identité et prend sa source dans le regard d’autrui. Cette caractéristique « est associée
à la nécessaire vision positive de soi (estime de soi). » (Tap, 2009, p.56) En conséquence, le sujet cherche à se faire valoir aux yeux des
247
personnes qu’il considère importantes pour lui, ce qui provoque le sentiment d’existence, par lequel une personne donne du sens à sa vie, à
travers ses différentes intentions et projets d’avenir. (Mucchielli, 1986) D’ailleurs, « l’identité renvoie alors à l’idée de la réalisation de soi
par l’action, « du devenir soi-même » à travers des activités (faire et, en faisant, « se faire »). » (Tap, 2009, p.56) En effet, celui-ci a soulevé
le fait qu’une personne est définie par ce qu’elle fait.
Identité, soi et personnalité : quelques distinctions, quelques concordances
Les concepts d’identité, de soi et de personnalité sont souvent associés et avec raison. Effectivement, ce sont des notions très proches les
unes les autres, elles sont ardues à définir et sont souvent employées comme synonymes d’après Bégin, Bleau et Landry (2000) :
Le concept d’identité, que certains appellent parfois le soi (self) ou le moi (ego), que d’autres appellent personnalité,
caractère ou concept de soi, n’est pas un concept facile à définir. Erikson (1968) reconnaît lui-même qu’il désigne plusieurs
choses. Même si le concept recouvre plusieurs notions, on peut définir l’identité ainsi : le caractère de ce qui demeure
identique à soi-même, le sentiment que ressent la personne d’être la même, la conscience de son individualité. On peut aussi
définir l’identité de la personne en disant que c’est le sentiment de se sentir unifié et non compartimenté. » (p.28)
Force est de constater qu’il y a plus qu’une définition du concept de l’identité, mais ce qui revient toujours, c’est le sentiment d’être soi-
même, d’être unique et donc différent des autres. Il n’y a pas deux personnes qui soient pareilles au plan identitaire tout comme c’est le cas
au plan de la personnalité. Il est donc possible d’affirmer que la personnalité d’une personne la rend aussi unique et lui permet de se
distinguer des autres. La personnalité peut être définie comme « une structure organisée, stable dans le temps et cohérente du rapport au
monde d’un individu » (Alexandre-Bailly et al., 2009, p.8) ou encore comme « l’ensemble organisé, et non simplement aggloméré, des
caractéristiques psychiques de chaque être humain, perçu comme une totalité. » (Bouchard et Gingras, 2007, p.1) Ainsi, malgré qu’elle ne
soit jamais achevée, la personnalité tout comme l’identité, s’avère un concept constant dans le temps, c'est-à-dire qu’à travers les
changements qui surviennent chez l’individu, celui-ci sera toujours en mesure de se reconnaître et de se faire reconnaître par les autres.
D’ailleurs, l’identité tout comme la personnalité a une part d’inné et d’acquis génétique et se construit à travers l’environnement social et les
diverses expériences vécues.
248
Or, selon Alexandre-Bailly et al. (2009), « L’identité est un concept distinct de celui de la personnalité dans la mesure où il n’est pas utilisé
dans les mêmes circonstances. » (p. 8) Selon eux, la personnalité permettrait aux autres de reconnaître les caractéristiques de l’individu alors
que l’identité, pour sa part, est ce qui permet à l’individu lui-même de se définir et de se reconnaître. (Alexandre-Bailly et al., 2009) En
d’autres mots, cela revient à dire que la personne se définit et de se reconnait une identité et que les autres reconnaissent pour leur part la
personnalité de cette personne. Ils ont un regard extérieur à la personne contrairement à cette dernière qui a un regard intérieur à elle-même.
Pour cette personne, son identité est le « rapport [qu’elle] entretient […] avec elle-même au cours de son existence. » (Keucheyan, 2002,
p.263)
La définition suivante de la personnalité de Salvador Maddi et reprise par Alexandre-Bailly et al. (2009) s’avère davantage explicite : « vue
de l’extérieur, la personnalité est un ensemble de caractéristiques et de tendances qui détermine les points communs et les différences du
comportement psychologique – pensées, sentiments et actions – des gens…» (p.11) Pour sa part, l’identité est constituée d’un ensemble
d’éléments, tels que des éléments corporels, biologiques et physiologiques, des éléments culturels historiques (ex. : origines, motivation,
valeurs, intérêts) et des éléments cognitifs multiples (ex. : compétences, aptitudes, connaissance). (Alexandre-Bailly et al., 2009) Enfin,
Bégin, Bleau et Landry (2009) ont affirmé que « L’identité [est] définie comme le concept stable de ses buts, intérêts et aptitudes. » (p.28)
Quant au soi par rapport à l’identité, il est possible de rapprocher ces deux concepts par cette affirmation du Laboratoire de recherche sur le
soi et l’identité de l’Université du Québec à Montréal (2012) :
Le soi est une structure cognitive multidimensionnelle qui englobe différentes dimensions inter-reliées contenant chacune des
renseignements sur qui nous sommes. Concrètement, le soi réfère à notre réponse à la question : ‘Qui suis-je ?’. Les identités
sont des parties plus spécifiques du soi, qui peuvent référer à ce qui nous caractérise personnellement (identité personnelle),
mais qui découlent aussi de notre appartenance à des groupes sociaux (identités
sociales).(http://www.lrsi.uqam.ca/fr/recherche/themes-generaux-etudies.html)
Ainsi, ces deux notions ne sont pas séparées l’une de l’autre, mais sont plutôt conjointes. En effet, les différentes identités d’une personne
(identité personnelle, identité sociale, identité culturelle, etc.) sont considérées comme des morceaux de casse-tête constituant le soi.
249
L’identité : tout au long de l’existence
Les recherches sur l’identité font souvent mention d’une période charnière où son développement est à son apogée, c'est-à-dire celle de
l’adolescence. D’après Christine Cannard (2010), le mot adolescence vient du mot latin adolescentia signifiant « grandir vers » et « croître
». Selon L’Écuyer (1978), l’adolescence se situe approximativement entre 10 et 18 ans et est une période dite de reformulation et de
différenciation du soi. (St-Louis et Vigneault, 1984) D’ailleurs, « À la puberté, la conscience de soi s’approfondit. L’adolescent « se cherche
» et fait l’essai de ses potentialités ». (Mucchielli, 1986, p.37) Ainsi, il est possible d’observer chez les adolescents, plusieurs variations
entre autre dans leurs perceptions de soi.
Certains auteurs font de l’identité la grande affaire de l’adolescence, puisqu’il s’agit d’une étape de vie marquée par une multitude de
changements et par la quête d’une identité propre à soi. Les changements physiques et physiologiques liés à la puberté par exemple, sont
généralement mis de l’avant puisqu’ils sont les premiers signes biologiques de l’entrée dans l’adolescence. Toutefois, les changements liés
au développement de soi passent souvent un peu plus inaperçus ou bien sont définis par l’expression « crise d’adolescence » qui revêt
souvent une connotation négative. Cette crise est néanmoins nécessaire à la redéfinition des rôles de l’adolescent ainsi qu’à sa quête
d’indépendance et d’autonomie. En effet,
C’est ainsi que le jeune adolescent qui, au cours de son enfance, avait construit son image de lui-même en se référant aux
standards de son milieu culturel et qui, dans le contexte traditionnel, pouvait poursuivre son développement en continuant de
s’y conformer, s’est vu confronté à une tâche nouvelle et difficile : celle de se redéfinir à partir des aspects nouveaux de sa
personnalité mis en lumière par la poussée pubertaire […] il a tâtonné à la recherche de nouveaux modèles plus conformes à
ses aspirations. […] Il a connu un état de crise parce qu’il a dû quitter une identité empruntée…(Artaud, 1985, p.9-10)
Malgré que le développement de l’identité soit souvent associé à l’adolescence, il a été reconnu par plusieurs comme étant présent tout au
long de la vie. Luc Bégin a d’ailleurs fait mention que « l’identité commence à se façonner très tôt dans la vie, voire avant l’entrée au
primaire » (Bégin, 2001, p.210), tout comme Erikson reconnaît que l’identité est en développement toute la vie durant. En effet, l’identité
250
n’apparaît pas du jour au lendemain à l’adolescence comme les premiers signes de la puberté par exemple. Elle résulte plutôt d’une «
construction progressive dont les fondements se situent dans les toutes premières années de la vie. » (Marc, 2009, p.29)
Dans ses premiers mois d’existence, l’enfant n’est pas conscient de son identité, puisqu’il n’a pas encore la conscience de soi. Avant l’âge
d’un ou deux ans, l’enfant qui se regarde dans un miroir ne reconnaîtra pas l’image de lui-même qui lui sera projetée. Il se reconnaîtra
seulement lorsqu’il se percevra comme objet dans l’espace et qu’il sera en mesure d’incorporer ce reflet en le faisant correspondre aux
ressentis intérieurs à lui-même. C’est lors de cette reconnaissance que l’enfant commencera à employer le « je » dans son discours. Cela est
donc un signe que celui-ci ressent un sentiment d’identité. (Marc, 2009) D’ailleurs, la prise de conscience des sensations chez l’enfant âgé
entre six mois et deux ans lui permet aussi d’assimiler la conception de permanence de l’objet. Ainsi, ce phénomène serait le fondement de
l’identité, car l’enfant comprend par exemple que même s’il ne voit pas sa mère parce qu’elle est partie faire des courses ou parce qu’elle est
dans la pièce adjacente, elle existe tout de même.
À l’âge de trois ans, l’enfant commence à prendre conscience et à se reconnaître comme une personne distincte des autres. On ne peut renier
le rôle des interactions d’abord avec son milieu familial et ensuite avec un entourage plus élargi dans la constitution de l’identité. En effet,
le développement identitaire n’est pas qu’un processus interne au sujet. Dès les premiers temps de la vie, le nourrisson prend conscience
graduellement de son corps et construit une conscience stable de lui-même surtout grâce à la relation affective avec sa mère et toute
l’attention qu’il recevra. Les sourires sont d’ailleurs une façon pour le bébé de répondre aux stimulations de son entourage. Une seconde
manière bien connue est la phase du « non » qui débute lorsque l’enfant est âgé d’environ deux ans, phase agaçante pour les parents, mais
essentielle puisque l’opposition est une façon de s’affirmer, de se différencier des parents et de se percevoir comme être autonome. (Marc,
2009)
Dans le processus de développement de l’identité chez l’enfant, l’identification détient aussi un rôle important. Effectivement, elle est « l’un
des mécanismes fondamentaux de la dynamique identitaire : identification aux images des parents, des frères et sœurs, des camarades; aux
idéaux et aux modèles de la famille et de la culture. » (Marc, 2009, p.32) Il n’est pas rare d’entendre un enfant dire qu’il exercera le même
251
métier que son père ou encore de voir un enfant imiter les gestes de ses parents. L’identification passe aussi par les normes et les modèles
d’abord transmis par les parents, mais par la suite par l’école sans oublier par les médias tels que la télévision et Internet. D’ailleurs, l’école
et les relations qu’il y développe permettent à l’enfant d’apprendre à reconnaître ses différents rôles, les différences sociales et
conséquemment celui-ci prend peu à peu conscience qu’il fait partie de divers groupes d’appartenance. Dès lors, tel que le « je » est apparu,
le « nous » surgira, d’où l’importance des interactions sociales dans la construction de l’identité car « autrui est, aux différentes étapes de la
vie, un miroir dont chacun a besoin pour se reconnaître lui-même ». (Marc, 2009, p.33) De plus, les relations parent-enfant ainsi que les
relations maître-élève permettent aux jeunes de se développer au plan personnel, puisqu’il s’agit souvent de relations dites formatives. En
effet, la relation parent-enfant permet que « l’enfant se développe, [qu’il] commence à développer son intelligence, à construire son identité
ainsi que divers autres éléments de sa personnalité. » (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.39) Par exemple, lorsqu’un parent demande à son
enfant de partager son jouet avec un ami en lui soulignant l’importance du partage, il forme alors son enfant. Qui plus est, la relation maître-
enfant (enseignant, instructeur, entraîneur, animateur, etc.) est formative lorsqu’elle concerne par exemple « la façon dont l’élève apprend,
de l’effort que ce dernier fournit, de son engagement, de sa conception de la matière, cela sans pour autant mettre de côté le contenu, les
connaissances à transmettre. » (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.40)
Dans un même ordre d’idées, la construction de l’identité présente à l’enfance et à l’adolescence se poursuit aussi à l’âge adulte. Il est
toutefois nécessaire de préciser qu’autrefois, il était plus facile de délimiter cette période de vie par des évènements tels que la fin des études
et l’entrée sur le marché du travail, le mariage et le départ du nid familial.
À partir du moment où l’adolescence a cessé d’être un moment rapide d’initiation à un mode d’existence adulte aux contours
bien définis par une culture, à partir du moment où, en raison de l’évolution des structures sociales, on a vu le temps se
déployer entre la fin de l’enfance à l’insertion dans la société adulte, un certain nombre de comportements nouveaux sont
apparus chez les jeunes…(Artaud, 1985, p.9)
Les rites de passage vers l’âge adulte d’autrefois ne tiennent plus et dire que l’adolescence s’étire jusqu’à ce qu’un de ces évènements
surviennent ne peut être simplement considéré. En effet, les jeunes demeurent de plus en plus longtemps chez leurs parents, ils étudient
252
souvent plusieurs années après leur majorité, ils quittent le nid familial et y reviennent quelques années plus tard, etc. Ainsi, ces jeunes âgés
entre 18 et 25 ans qui étaient auparavant, peut-on dire, classés dans la catégorie adulte dus aux référents institutionnels précédemment
nommés, font de nos jours parties de la catégorie qu’Arnett (2000) nomme Âge adulte émergeant. Cette catégorie « se distingue à la fois de
l’adolescence et de l’âge adulte par cinq caractéristiques spécifiques : l’exploration identitaire, l’instabilité, l’entre-deux, les possibilités et
l’égocentrisme. » (Moulin, 2012, p.2) Ainsi, l’accession à l’âge adulte est aujourd’hui difficilement repérable dans le temps. Nonobstant, ce
qui importe ici n’est pas d’obtenir une définition de l’âge adulte, mais bien de savoir que l’identité d’un adulte n’est pas contrainte à la
stabilité. Comme l’identité est sujette à travers le temps à toutes sortes de changements pouvant survenir dans la vie de chacun et que ceux-
ci peuvent engendrer des modifications au sein de la conscience de soi, il serait donc faux de dire qu’un adulte a une identité achevée.
(Marc, p.34)
Plusieurs facteurs sociaux peuvent produire des changements de rôle ou de statut pouvant entraîner ces modifications de la conscience de
soi : un changement de carrière, une perte d’emploi, un ou une nouvelle conjointe, le mariage, la naissance d’un enfant, un divorce, le décès
d’un proche, un retour aux études, la maladie, un échec, une réussite, etc. Selon Marc (2009), ces facteurs peuvent « [provoquer]
quelquefois une véritable crise de l’identité, jusqu’à bouleverser totalement la perception de soi du sujet. Ainsi, la construction identitaire
apparaît bien comme un processus dynamique, marqué par des ruptures et des crises, inachevé et toujours repris. » (p.35) D’ailleurs, bien
associée à la période de l’adolescence, la notion de crise peut aussi être liée à l’âge adulte puisque dans le langage commun, on parle aussi
de crises de la trentaine, de la quarantaine ou de la cinquantaine par exemple, pouvant entre autre être associées chez la femme à la
ménopause et chez l’homme à l’andropause, dus aux changements physiques et physiologiques qui en suivent. (Marc, 2009)
Enfin, « dans les sociétés occidentales, le travail – au sens large – est un facteur déterminant dans le développement, […] car il contribue à
la socialisation et au sentiment de participer activement au fonctionnement de la société. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.7) Or, une
phase importante dans la vie d’un individu est sans doute le départ à la retraite. En effet, la transition du travail à la retraite peut engendrer
des remaniements de l’identité. La personne se retirant du marché du travail, corps social important qui lui a permis de se forger une identité
professionnelle (Pointenaud et al., 1987), son image de soi se verra touchée par cette perte d’identité associée à la carrière. Traversée sans
253
préparation, cette transition vers la retraite peut être vécue difficilement et peut provoquer une crise identitaire, puisque la perte d’un statut
social peut agir sur le sentiment que la personne a d’elle-même, mais aussi sur la perception que les autres s’en feront par la suite. (Marc,
2009)
En somme, l’identité est un processus en marche tout au long de l’existence. Chacune des périodes comportent des réalités différentes
permettant à la personne de construire son identité. Malgré que la conscience de soi puisse se stabiliser à une certaine période de la vie, le
sentiment d’identité n’en est pas moins figé dans le temps et dans l’espace, puisqu’ « il évolue selon les âges, en fonction des évènements de
la vie et des traumatismes […] en fonction des sociétaux. » (Roucoules, 2009, p.12) Ces propos de Samson (2011) permettent d’ailleurs
d’effectuer une synthèse de ce qui a été soulevé précédemment :
De l’enfance à l’âge adulte, en passant par l’adolescence, le sujet se forge en tant qu’individu, en tant que sujet individué
intégré dans son monde. Cette identité, appelée à se modeler pendant toute une vie, commence à s’établir à l’adolescence.
L’adolescent est l’artisan de son être. Ainsi, un être bien identifié sera constant dans ses pensées, ses actions et ses passions, il
acquerra une temporalité qui lui permettra de s’analyser et de porter un jugement sur lui-même, et finalement de bien
s’intégrer dans la société. (p.27)
Modélisations du développement identitaire
Tel que mentionné antérieurement, le concept d’identité, depuis des décennies, a fait l’objet de plusieurs études où travaux empiriques,
approches et théories en ont jaillis. En effet, bon nombre de théoriciens se sont intéressés à ce concept et ont développé des modèles qui
expliquent leur vision de comment se construit l’identité chez un individu. Les deux premiers modèles, issus de la perspective
développementale19 de l’identité, ne peuvent être laissés de côté de par leur impact sur les travaux qui en ont découlés par la suite. Erikson,
malgré qu’il n’ait été le premier à parler d’identité, demeure toutefois un pionnier quant aux apports théoriques sur l’identité en psychologie
individuelle. (Cohen-Scali et Guichard, 2008b) Quant à James Marcia, il a entre autre voulu vérifier de façon empirique les travaux
19
« Les perspectives développementales associent la découverte de soi à l’identité personnelle. Les théories évoquées sont attachées aux aspects intégratifs de
l’identité et sont focalisées sur la manière dont l’individu parvient plus ou moins facilement à construire une représentation cohérente de lui-même, à partir de
son histoire personnelle, et en envisageant ce qu’il souhaite devenir. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008a, p.4)
254
d’Erikson et a donc poursuivi ses recherches dans un but d’opérationnalisation des concepts théoriques de son prédécesseur. Le modèle de
Marcia ayant suscité l’intérêt de bien des théoriciens, les modèles de trois de ses successeurs seront abordés, soit celui de Grotevant, Luycks
et ses collègues, ainsi que celui de Waterman. Ensuite, la modélisation relationnelle des systèmes dynamiques de Breakwell sera expliquée.
Ce théoricien désirant que son modèle ait sa place au sein de la perspective développementale, cette association demeure toutefois à être
confirmée. (Kunnen et Bosma, 2006) Par la suite, les travaux de Dubar, issus de la perspective contextuelle20, seront brièvement expliqués.
Enfin, la théorie psychogénétique de l’identité de Bégin issue de la perspective cognitive21 sera soulevée. Ainsi, sans prétention
d’exhaustivité, la présente section a pour objectif de décrire différentes modélisations afin de permettre une meilleure compréhension de la
façon dont une personne se développe au plan identitaire.
Le modèle des stades psychosociaux de l’identité d’Erik Erikson
Précédemment, la notion d’identité personnelle d’Erikson a été soulevée comme étant importante au sein de sa théorie. Un second concept
de l’identité qui a tout autant attiré l’attention de la communauté scientifique est de concevoir le développement épigénétique comme un
processus étant à la fois continu, dialectique et dynamique. En effet, selon cet auteur, c’est en franchissant huit stades22 dichotomiques qu’un
individu développe son identité tout au long de sa vie, puisqu’il y traverse des crises23 psychosociales provoquées par les interactions qu’il
vit entre son Moi et son environnement social à chacun de ces stades. Donc, ce principe atteste que « Tout être qui grandit le fait en vertu
20
D’après Cohen-Scali et Guichard (2008a), « les perspectives contextuelles attribuent une place centrale aux identités sociales (issues de la découverte de soi ou
de la construction de soi) et au rôle des contextes sociaux. Ces théories s’intéressent globalement aux déterminants sociaux des représentations de soi et leur
changement. » (p.4) 21
L’approche cognitive « s’intéresse au développement de la personnalité à travers l’évolution des processus psychologiques donnant lieu à l’émergence du Soi
[…] au traitement de l’information dans des contextes sociaux et dont l’objectif est de rendre compte de la tendance que manifestent les individus à répondre de
façon constante aux stimulations du milieu » (Essopos, 2007, notes de cours) 22
« Le moment où une capacité donnée apparaît pour la première fois (ou apparaît sous forme testable), ou comme cette période où un certain nombre d’éléments
corrélatifs sont si bien établis et intégrés que le degré suivant du développement peut être amorcé avec assurance ». (Erikson, 1968, p.103) 23
La notion de crise peut être conçue comme « un synonyme de tournant nécessaire, de moment crucial dans le développement lorsque l’individu doit choisir
entre des voies parmi lesquelles se répartissent toutes les ressources de croissance, de rétablissement et de différenciation ultérieure […] une période cruciale de
vulnérabilité accrue et de potentialité accentuée. » (Erikson, 1968, p.11, 98)
255
d’un plan fondamental dont émergent, chacune à son moment spécifique, les diverses parties, jusqu’à ce qu’elles soient capables de
fonctionner comme un tout. » (Erikson, 1972, pp. 94-95) Ainsi, la manière dont il franchira ces diverses étapes données d’avance aura un
impact sur le façonnement de son identité.
Le tableau présenté à la page suivante illustre les stades du développement psychosocial selon Erikson, mais tout d’abord, il est pertinent
d’expliquer comment lire et comprendre ce tableau. Selon cet auteur :
La diagonale analyse le déploiement ontologique des composantes principales de la vitalité psychosociale. […] À la verticale
allant de l’enfance jusqu’à l’identité, il s’agit des contributions spécifiques que les stades antérieurs ont apportées directement
au développement de l’identité. […] Sur l’horizontal de la carte, […] les divers symptômes partiels de la confusion d’identité
(en lien avec le stade où se produit la régression). (Erikson, 1968, pp.188-190)
256
Tableau 2 : Les stades du développement psychosocial d’Erik Erikson
Intégrité
versus
Désespoir
Générativité
versus
Stagnation
Intimité
versus
Isolement
Perspective
temporelle versus confusion
du temps
Certitude de soi
versus conscience de
soi
Expérimentation
des rôles versus fixation des
rôles
Apprentissage
versus inhibition au travail
IDENTITÉ
VERSUS
CONFUSION
Polarisation
sexuelle versus confusion bisexuelle
Direction et
compagnonnage versus confusion
d’autorité
Engagement
idéologique versus confusion
des valeurs
Industrie
versus
Infériorité
Identification à
la tâche versus sentiment de
futilité
Initiative
versus
Culpabilité
Anticipation des
rôles versus inhibition des
rôles
Autonomie
versus
Honte/doute
Volonté d’être
soi versus doute de soi
Confiance
versus
Méfiance
Acceptation réciproque
versus Isolement
autistique
Source : Adolescence et crise (Erikson, 1972, p.97)
257
Fortement teintés des conceptions de Freud, les quatre premiers stades correspondent aux stades de l’organisation de la libido de ce
théoricien (oral, anal, phallique, latence) et sont donc traversés durant l’enfance. Selon Cohen-Scali et Guichard (2008b), « Erikson met
l’accent, [pour chaque période] d’une part, sur les interactions qui s’y déroulent et, d’autre part, sur les sentiments identitaires que l’enfant y
élabore. » (p.5)
À l’adolescence, un individu devrait déjà avoir traversé quatre stades qui lui auront permis de cristalliser et d’intégrer divers éléments
identitaires jouant un rôle dans la formation de son identité. En effet :
En conséquence du premier stade (confiance versus méfiance), l’adolescent cherche des personnes à qui donner sa confiance,
recherche des idéaux nobles; il redoute les engagements à la légère. (Erikson, 1972)
Conséquemment au deuxième stade (autonomie versus honte/doute), « L’adolescent recherchera l’occasion favorable pour décider
en plein accord, avec soi, sur laquelle des avenues disponibles et indispensables il s’engagera. » (Erikson, 1972, p.134)
En résultante du troisième stade (initiative versus culpabilité), l’adolescent « a une imagination illimitée quant à ce qu’il pourrait
devenir ». (Erikson, 1972, p.134)
Finalement, en conséquence du quatrième stade (industrie versus infériorité), l’adolescent cherchera avant tout à accomplir, à faire
fonctionner quelque chose d’une façon qui lui est unique. Aussi, dans le choix d’une profession, c’est ce qui sera prépondérant et,
non pas le statut ou la rémunération. (Erikson, 1972)
Ainsi, selon Cohen-Scali et Guichard (2008b), les quatre premiers stades permettent l’intégration d’éléments identitaires qui seront
cristallisés à l’adolescence et qui formeront chez l’individu une cohérence interne qui lui est propre. Ces auteurs ont d’ailleurs mentionné
que « La confiance acquise au cours des stades précédents en son identité, en sa valeur sociale et en sa continuité, conditionne l’accès à une
identité assumée du moi et permet l’accomplissement de la promesse tangible d’une carrière. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.6) Cela
est le résultat d’une résolution positive des stades qui précèdent le cinquième stade Identité versus Confusion et menant à une identité
258
réalisée. L’envers de la médaille est plutôt la confusion identitaire signifiant une « incapacité à développer un tel ensemble cohérent
d’idéaux sur lequel construire son identité d’adulte. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.3)
Bref, ces explications du modèle du développement psychosocial d’Erikson particulièrement en ce qui a trait à la définition des stades ne se
veulent pas exhaustives puisque l’idée principale était plutôt de comprendre les fondements de sa théorie. Ce qui importe de retenir est donc
que selon Erikson, l’identité d’une personne est façonnée grâce aux relations sociales qu’elle entretient, que le développement de l’identité
est un continuum tout au long de la vie et que l’identité est conséquente à la réponse d’une personne face aux crises, réponse qui lui
permettra de traverser chacun des huit stades hiérarchiques de développement et qui lui permettra ainsi de se développer. Enfin, il est
important de souligner à nouveau qu’Erikson a donné le point d’ancrage aux approches de ses successeurs quant au développement de
l’identité et que celles-ci
permettent de comprendre la manière dont l’individu parvient plus ou moins facilement à construire une représentation
cohérente de lui-même, à partir de son histoire et en envisageant ce qu’il souhaite devenir. Cette question est d’une
importance majeure pour les conseillers d’orientation psychologues24 qui s’adressent à un public majoritairement composé
d’adolescent ou « d’adultes émergents. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.2)
Le modèle des quatre statuts d’identité de James E. Marcia (et les apports théoriques de trois successeurs)
James Marcia, au milieu des années 1960, a proposé deux dimensions comportementales contribuant au développement identitaire
particulièrement à l’adolescence, soit l’exploration (aussi appelée questionnement et période de crise) et l’engagement de soi. Marcia définit
l’exploration comme un « comportement de résolution de problème visant à mettre à jour de l’information à propos de soi ou de son
environnement de façon à prendre une décision concernant des choix de vie importants », (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.7) tel qu’un
choix de carrière par exemple. C’est donc une période où la personne remettra en question ses choix antérieurs ainsi que ses valeurs. Le
résultat du processus d’exploration consistera en une forme d’engagement, qui renvoie pour sa part, « aux choix, décisions, attitudes,
24
Appellation employée en Europe pour la profession de conseiller d’orientation
259
oppositions de l’adolescent dans les différents domaines de vie significatifs. » (Barbot, 2008, p.2) De ces deux dimensions ont émané par
entrecroisement quatre statuts d’identité que Marcia définit comme les façons dont l’individu, en fin de période d’adolescence, gèrera la
question de l’identité. Ainsi, la présence ou l’absence de ces dimensions chez une personne a comme impact un de ces statuts aussi appelés
États identitaires25, représentés dans le tableau suivant.
Tableau 3 : États identitaires, exploration et engagement
États
identitaires
Caractéristiques
Exploration
Engagement
Diffus Identité faible et
changeante.
Confusion
Absente
Absent
Forclos Identité forte allo-
attribuée
Absente
Présent
Moratoires En transition,
ambivalence
Présente
Absent
Accomplis Identité forte et
souple
Présente
Présent
Source : La dynamique de l’engagement chez des étudiantes en formation des maîtres analysée sous l’angle des états identitaires (Gohier, Anadón et Chevrier,
2008, p.819)
25
Les états identitaires sont « des moments d’un processus de développement dynamique qui fonctionne sur le mode déséquilibre/rééquilibration […] Aucun état
n’est définitif ni fermé sur lui-même ou encore exclu du processus de construction identitaire. » (Gohier, Anadón et Chevrier, 2008, p.817)
260
Il est donc possible de percevoir que ces quatre statuts se distinguent par leur degré faible ou élevé d’exploration et d’engagement chez
l’individu. En effet, une personne ayant une identité diffuse n’aura traversé aucune phase d’exploration ni d’engagement. Ainsi, « les
comportements sont peu adaptés, voire à risques. Il s’agit d’une sorte d’absence de structure identitaire de base. » (Cohen-Scali et Guichard,
2008b, p.7) Celle qui aura une identité forclose aura pris des engagements sans exploration au préalable. Ce peut être le cas par exemple
d’un adolescent qui s’est engagé dans une formation sans pour autant avoir remis en question ses choix antérieurs simplement en adoptant
les valeurs de ses parents. Pour sa part, l’individu qui aura une identité en moratoire explorera activement sans toutefois prendre
d’engagement. Il sera donc capable de « définir plusieurs alternatives possibles lors de choix importants. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b,
p.7) Finalement, la personne ayant une identité accomplie ou réalisée aura pris des engagements à la suite d’une exploration. Cela voudra
donc dire qu’elle n’est plus en quête identitaire, mais en accomplissement de soi. (Cohen-Scali et Guichard, 2008b) Toutefois, « Marcia
insiste cependant sur le fait qu’il ne faut pas voir la résultante de ces tensions en termes dichotomiques, avec une dominance exclusive de
l’un ou l’autre pôle de l’opposition, mais comme une dialectique, sur un mode de résolution personnelle, se manifestant par un équilibre. »
(Gohier, Anadón et Chevrier, 2008, p.816) Il est donc possible de s’imaginer un axe où l’identité y trouve sa place par exemple à mi-chemin
entre ces deux pôles, c’est donc dire par métaphore qu’elle n’est pas nécessairement blanche ou noire, mais peut être grise.
La notion d’engagement s’avère importante dans la théorie de Marcia, ainsi que dans le travail des conseillers d’orientation, puisque c’est
par ces engagements qu’il est possible de dégager les différents domaines auxquels l’individu accorde de l’importance et dans lesquels il se
définit. En effet, cette notion « signifie que l’individu, dans un secteur de la vie, choisit sa route, s’implique personnellement dans des
décisions qui correspondent à ses désirs, ses buts, ses valeurs. » (Dumora et Bariaud, 2006, p.4) C’est ainsi qu’une personne se reconnait et
se fait reconnaître par les autres, renvoyant au caractère relationnel de l’identité reconnu par Marcia. Il faut savoir que les engagements
changent souvent avec le temps, ils peuvent devenir plus forts, plus faibles, plus rigides, plus flexibles, ils peuvent complètement changer de
nature, mais peuvent aussi demeurer stables. Ainsi, Kunnen et Bosma (2006) ont soulevé que « Le développement de l’identité, en général,
peut être considéré comme l’ensemble des changements qui se produisent dans la force et la nature des engagements. » (p.6)
261
Enfin, « L’évaluation de la structuration de l’identité se fait [entre autre] au moyen d’une entrevue semi-structurée explorant trois domaines
d’engagement : idéologique, professionnel et sexuel. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.7) De ce fait, elle pourrait donc être utilisée au
sein d’un processus d’orientation, puisqu’elle amènera le conseiller à obtenir des indices sur le niveau d’exploration et d’engagement de
l’adolescent ou de l’adulte et pourra intervenir en conséquence. En guise d’exemple, afin d’assurer une meilleure compréhension et
transposition des concepts dans la pratique, quatre adolescents présentant chacun une configuration identitaire au sens de Marcia pourraient
être décrits de cette façon :
[La] réalisation identitaire caractérise les adolescents solides et sûrs d’eux-mêmes, capables d’articuler les raisons de leurs
choix. […] Les adolescents en diffusion identitaire semblent marqués par un profond désintérêt et avoir des difficultés à se
positionner. […] Le moratoire identitaire caractérise les adolescents comme étant en « crise identitaire ». Dans leur discours,
ces adolescents ont beaucoup de dilemmes actuels. […] Les adolescents en forclusion identitaire ont des discours très
tranchés (stéréotypes), peu de logique de choix. (Barbot, 2008, p.3)
Dans la lignée des approches néo-ériksonniennes, le théoricien Harold D. Grotevant s’est intéressé au développement de l’identité, tout
particulièrement au travail fait par Marcia. D’abord, Grotevant acquiesce la base de la conception de Marcia comme quoi l’exploration est
bien l’assise du processus de construction de l’identité. (Cohen-Scali et Guichard, 2008b) De l’analyse du processus d’exploration,
Grotevant a dégagé ces deux composantes : les habiletés et les orientations.
Les habiletés (pensée critique, résolution de problèmes, prise de distance, etc.) seraient des compétences particulières
facilitant l’évaluation objective et critique des identités alternatives potentielles. Les orientations réfèrent à la volonté ou non
d’engager ses ressources psychologiques et émotionnelles dans le processus de sortie d’exploration, à travers le choix d’une
alternative, d’un engagement. (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.13)
Ainsi, l’addition d’une bonne orientation et d’une ou plusieurs habiletés encouragerait le processus d’exploration selon Grotevant. Toujours
selon cet auteur, cinq facteurs ont aussi le potentiel de faciliter l’exploration ou encore de la freiner, soit la tendance à la recherche
d’informations, la présence ou l’absence de forces en compétition, la satisfaction de son identité, les attentes liées à l’exploration et la
volonté d’explorer. (Cohen-Scali et Guichard, 2008b) Or, « la probabilité qu’une personne s’engage dans un travail identitaire est
262
déterminée par l’interaction entre des caractéristiques individuelles, des facteurs contextuels, et les processus de formation de l’identité
actuels dans d’autres domaines. » (Kunnen et Bosma, 2006, p.7) Des caractéristiques telles qu’une estime de soi élevée, une grande
ouverture à l’expérience ou encore la présence de capacités cognitives peuvent avoir un impact positif sur l’exploration et donc sur le
développement de l’identité. De plus, la notion de facteurs contextuels pour Grotevant admet le rôle de la famille, des pairs, de l’école, de
l’environnement de travail ou des attentes et croyances culturelles face au choix dans le développement de l’identité. (Kunnen et Bosma,
2006) Tel que soulevé par Lannegrand-Willems (2008), « des caractéristiques de chaque contexte facilitent ou handicapent la construction
identitaire. » (p.4) En définitive, l’exploration étant l’assise de la formation identitaire selon Grotevant, la stimulation du processus
d’exploration en contexte d’orientation scolaire et professionnelle pourrait s’avérer une stratégie d’intervention pertinente. (Barbot, 2008)
Luyckx et ses collègues se sont également intéressés au modèle de l’exploration et de l’engagement de Marcia. Ils s’en sont inspiré afin de
proposer leur propre modèle du statut identitaire. Or donc, leur modèle ne comprend pas deux processus comme celui de Marcia, mais bien
quatre, car l’exploration et l’engagement ont été scindés en deux dimensions. Ainsi, le concept d’exploration de Marcia a été conservé, mais
a toutefois été renommé exploration de surface. L’exploration en profondeur a aussi été ajoutée et peut être définie comme « l’analyse des
engagements déjà pris. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.14) Quant au concept d’engagement, de la définition qu’en a faite Marcia, a été
joint le concept d’identification à l’engagement « renvoyant une forte allégeance aux engagements déjà effectués. » (Cohen-Scali et
Guichard, 2008b, p.14)
Selon Luyckx et ses collaborateurs, l’ensemble des quatre processus précédemment nommés seraient mis en œuvre dans la formation de
l’identité. (Cohen-Scali et Guichard, 2008b) Par exemple, face à l’obligation d’effectuer un choix de programme d’études, une personne
pourra en tout premier lieu considérer plusieurs options de domaines d’études (exploration en surface). Comme elle doit arrêter son choix,
elle s’engage dans une des options considérées au préalable, soit une technique du secteur des arts par exemple (engagement). Son
engagement lui permet de poursuivre l’évaluation de l’option choisie, c'est-à-dire qu’elle pourrait débuter ses études collégiales dans le
programme choisi (exploration en profondeur) et dès lors, elle pourra s’identifier ou non à ce choix (identification à l’engagement). Ainsi,
263
les réalités actuelles de changements de programme au sein du milieu collégial soulevées à la section précédente dénotent bien la notion
d’exploration en profondeur de ces théoriciens.
Parti du concept d’exploration et d’engagement de Marcia, Alan S. Waterman a pour sa part constaté ceci : deux individus peuvent être
classés à l’intérieur du même statut (ex. : identité prescrite) sans toutefois percevoir l’exploration et l’engagement dans une même activité
de façon identique. De plus, Waterman aborde la notion d’expressivité personnelle dans sa théorie. Il s’agit du sens « qui se retrouve
essentiellement chez les individus à l’identité réalisée et qui correspond au sentiment de vivre une vie en accord avec celui qu’on est
vraiment. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.15) De façon plus philosophique, l’expressivité personnelle serait ce qui permet à une
personne d’effectuer la découverte de ce qui lui apporte une satisfaction profonde et qui lui procure un sentiment de pur bonheur. La
pratique d’une activité professionnelle chez l’adolescent tel qu’un emploi d’été comme animateur de camp de jour pourrait engendrer un
sentiment de satisfaction et de bonheur qui favorisera l’actualisation et le développement de soi. Donc, ce sentiment d’expressivité
personnelle ressenti pourrait aider l’adolescent à clarifier ses motivations (animer, travailler avec les enfants), à explorer les possibilités
d’emploi et à s’engager dans certaines voies (s’inscrire en techniques d’interventions en loisir au cégep par exemple). (Cohen-Scali et
Guichard, 2008b)
En somme, tous ces travaux, de ceux d’Erikson à ceux de Waterman, soulèvent des notions essentielles qui permettent aux conseillers
d’orientation de guider leurs interventions lorsqu’ils sont en processus de counseling d’orientation avec leurs clients. En effet, Cohen-Scali
et Guichard (2008b) soulèvent ceci :
D’abord, ces analyses soulignent toutes que l’enjeu majeur de l’adolescence (et de l’âge adulte émergeant; cf.arnett, 2000) est
la construction identitaire. Elle s’ancre dans des sentiments identitaires élaborés précédemment à l’occasion d’interactions
avec des personnes significatives dans des contextes variés. Cette construction identitaire en constitue une synthèse et un
dépassement par lesquels l’individu inscrit son présent (et son passé ainsi repris) dans la perspective de certaines anticipations
de son futur personnel au sein de groupes et de contextes significatifs pour lui. (p.17)
264
Glynis M. Breakwell : Un modèle des systèmes dynamiques appliqué au développement de l’identité
La base du modèle de Breakwell est l’interaction entre une personne et un contexte. Par interaction, il dénote chacune des situations,
évènements et expériences pouvant avoir un impact sur les engagements de cette personne. Il soulève aussi, par le concept d’interaction, la
notion de perspective transactionnelle du développement et sa nature essentiellement relationnelle et dynamique puisqu’il « suppose que la
personne est affectée par le contexte et que le changement dans la personne affecte en retour le contexte […] Le contexte changé agit sur la
personne à nouveau et ainsi de suite. » (Kunnen et Bosma, 2006, p.8) C’est pourquoi Breakwell décrit le développement à long terme tel
qu’une succession d’interactions et de transactions entre la personne et le contexte.
Comme le souligne Kunnen et Bosma (2006), « Ce modèle a des implications pour la théorie, la recherche et les interventions : il appelle
une approche centrée sur les émotions, les interactions et les trajectoires individuelles. » (p.1) De plus, le modèle de Breakwell est qualifié
de réactif, c'est-à-dire qu’il s’intéresse au résultat d’une menace à l’endroit de l’identité d’un individu et donc à sa façon de réagir lorsqu’il
ressent une certaine tension. En effet, « La personne donne sens aux évènements du contexte (demandes, buts, défis) qui ne deviennent
importants que si elle les perçoit comme tels, et c’est ce sens donné qui détermine ses choix, ses « engagements » affectant en retour son
contexte d’expériences. » (Dumora et Bariaud, 2006, p.4) Ainsi, ce modèle permet entre autre d’expliquer pourquoi, lorsque vient le temps
de choisir un programme de formation collégiale à la fin du secondaire ou un programme de formation universitaire à la fin des études
collégiales, certains étudiants se mobilisent afin d’arrêter leur choix alors que d’autres ne le font pas. En effet, selon ce modèle, lorsque
survient cette période de choix, certains ressentent une pression élevée de la part de leur environnement social provoquant un conflit interne,
alors que d’autres pas. Ainsi, Dumora et Bariaud (2006) soulèvent
[qu’] il ne suffit donc pas de l’insistance de la demande extérieure, ni des incitations raisonnables des C.O.P.26 Il faut qu’une
discordance soit vécue, de façon suffisamment consistante et durable dans l’émotion qui l’accompagne, entre ce à quoi la
personne tient fortement (une idée de soi, des valeurs majeures) et les données de la réalité, pour que la stabilité du soi soit
menacée; alors, face à cette menace, des individus différents mettront en place des modalités de réponses différentes
26
C.O.P est une abréviation pour Conseillers d’orientation psychologues
265
(assimilation, accommodation, évitement). Le conflit, expérience cognitive et surtout émotionnelle, est posé comme le
moteur du changement. C’est une invitation à repenser la notion même de « choix ». (p.5-6)
Ainsi, ces propos résument bien un des concepts centraux du modèle étant que « Sans émotions il n’y a pas conflit [et conséquemment] Sans
émotions, l’identité ne changerait pas. Cela signifie que les émotions peuvent être utilisées [p.ex. en contexte d’orientation] comme un
indicateur de conflit et de changement identitaire. » (Kunnen et Bosma, 2006, p.11) Dans un autre ordre d’idées, tel qu’abordé dans la
citation de Dumora et Bariaud, Breakwell joint aussi à son modèle les notions d’assimilation et d’accommodation dans son modèle du
développement identitaire, qu’il décrit comme étant un processus. D’abord, « L’assimilation consiste à interpréter les nouveaux événements
à la lumière des schèmes de pensée déjà existants. [Ensuite,] L’accommodation est le processus inverse, c’est-à-dire changer sa structure
cognitive pour intégrer un nouvel objet ou un nouveau phénomène. »
(http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_09/i_09_p/i_09_p_dev/i_09_p_dev.html) Le choix d’une ou de l’autre permet de percevoir de quelle
façon l’individu s’adapte à une situation ou un évènement. Or, considérant entre autre les « différences dans des facteurs personnels et
contextuels [qui] causeront de la variabilité intra-individuelle et des différences interindividuelles dans les trajectoires développementales »,
(Kunnen et Bosma, 2006, p.9) il va de soi que chacun réagira de manière distincte à un évènement pouvant être qualifié de menace à
l’identité. En effet, la préférence d’une personne pour l’assimilation ou l’accommodation aura un impact sur la façon de traverser une
situation conflictuelle. Un individu pourra par exemple attribuer ce qui lui arrive à des facteurs extérieurs à lui-même (p.ex. : c’est la faute
du conseiller d’orientation si j’ai fait le mauvais choix) et un autre l’attribuera pour sa part à des facteurs intérieurs à soi (p.ex : j’ai fait le
mauvais choix de carrière parce que je n’ai pas fait tous les exercices d’introspection et d’exploration que le conseiller d’orientation m’a
proposés).
Tout comme d’autres auteurs s’étant intéressés au construit de l’identité, Breakwell joint à son modèle l’idée de conflit, qu’il décrit comme
étant l’élément déclencheur permettant une modification de l’identité. Ainsi, « Un conflit se produit si des intérêts spécifiques sont menacés
dans la transaction. Les émotions […] jouent un rôle central parce c’est seulement par les émotions, suscitées par la menace à l’égard d’une
préoccupation personnelle, qu’un individu devient motivé à agir, que ce soit pour assimiler ou accommoder. » (Kunnen et Bosma, 2006,
266
p.10) La teneur et le nombre de conflits vécus chez une personne dépend à la fois de facteurs externes à soi, les plus souvent nommés
étant les autres, la société et le phénomène du hasard, mais cela dépend aussi des caractéristiques internes à soi. En effet, selon Kunnen et
Bosma (2006) :
Les adolescents qui sont ouverts à l’expérience, qui entrent dans les situations nouvelles sans parti pris, qui essaient
différentes manières d’être et d’agir, peuvent rencontrer plus de conflits que d’autres […] Certains individus sont trop «
ouverts ». Nous voulons dire par là qu’il y a peu de stabilité dans leurs engagements, qu’ils changent avec chaque
modification de l’environnement, et que le conflit alors débouche très facilement sur un changement dans les engagements.
(p.12)
En résumé, la personne dite ouverte à l’expérience vivra certainement plusieurs conflits, mais cela lui permettra de s’engager dans des
explorations et des engagements (au sens de Marcia) enclins à permettre le développement d’une identité accomplie, c'est-à-dire une identité
qui est forte et souple. Au contraire, une personne qui n’est pas du tout ouverte à l’expérience vivra très peu de conflits, ce qui engendrera
peu de changements au plan de l’identité. Finalement, une personne dite trop ouverte à l’expérience n’aura pas la possibilité ni d’explorer
(en profondeur), ni de s’engager, ce qui revient au développement d’une identité diffuse selon Marcia. La figure se retrouvant à la page qui
suit présente le modèle de Breakwell de façon schématique et représente une transaction entre un individu et un contexte donné.
267
Figure 4 : Modèle conceptuel du développement de l’identité
Source : Le développement de l’identité : un processus relationnel et dynamique (Kunnen et Bosma, 2006, p.10)
L’exemple suivant permettra de bien saisir ce modèle : Un adolescent de 16 ans a depuis très longtemps l’engagement de faire carrière dans
le domaine des sciences. Convaincu qu’il s’agit de sa vocation, il a travaillé très fort au secondaire afin de réussir ses cours de chimie, de
physique et de mathématiques. Intéressé par ces matières, l’adolescent présente toutefois aucune facilité et doit souvent assister à des cours
de récupération, contrairement aux cours de français, d’histoire et de géographie dans lesquels il réussit avec brio et ce, sans effort. Lorsque
vient la période d’admission au collégial, cet adolescent pose sa candidature dans le programme d’études Sciences de la nature. La réponse
étant positive, l’adolescent est heureux, ce qui vient renforcer son engagement. Lors de sa première session au cégep, ce dernier récolte des
échecs à ses premiers examens théoriques malgré tous les efforts alloués à ses études qui pourtant au secondaire portaient fruits. Il y a donc
un conflit entre son engagement et la situation. L’adolescent peut par exemple résoudre cette problématique en redoublant d’ardeur aux
prochains examens. Si cette fois il réussit, la résolution de ce conflit aura été possible grâce à l’assimilation. Ainsi, son engagement sera
268
confirmé et aucun changement au sein de l’identité n’aura été produit. S’il échoue à nouveau, cette assimilation ne fonctionnera pas et les
émotions négatives envers cette situation risquent fortement de s’amplifier. En conséquence, les échecs répétés à assimiler peuvent donc
affaiblir l’engagement de cet adolescent à devenir un scientifique. L’adolescent pourra donc décider de quitter le cégep afin de se retirer
complètement de la situation, ce qui aura comme impact de faire disparaître ses engagements envers ce type d’études. Il pourra aussi utiliser
l’accommodation afin de changer ses engagements et ajuster son identité, par exemple en choisissant de bifurquer vers des études de niveau
moins élevé touchant tout de même à la science, tel que le programme d’études en conduite de procédés de traitement de l’eau menant à un
diplôme d’études professionnelles (DEP). (Kunnen et Bosma, 2006)
Il est toutefois important de mentionner que pour faire disparaître un engagement, celui-ci doit souvent être confronté à plus d’une situation
conflictuelle. Tel que mentionné dans l’exemple ci-haut, l’adolescent a dû faire face à plus d’un échec avant que son engagement
s’affaiblisse, ce qui a alors laissé place au changement et à l’accommodation. (Kunnen et Bosma, 2006) En terminant, ce modèle propose
donc d’entrevoir la pratique de conseil en orientation de cette façon :
Plutôt que de se fonder sur des auto-évaluations de caractéristiques personnelles stables et décontextualisées comme on les
recueille traditionnellement (par exemple des traits de personnalité, des intérêts, des préférences…mais tout cela n’est sans
doute par à jeter !), le praticien devrait se focaliser directement sur les interactions qu’entretiennent, à ce moment donné de
son existence, l’individu et les contextes significatifs dans lesquels il vit : les perceptions qu’il a des évènements de ces
contextes (comme l’injonction à l’orientation, ses évaluations scolaires), l’importance qu’il leur accorde comparativement à
celle qu’il accorde à d’autres évènements de sa vie, la façon dont il se sent perçu et « attendu » par les autres qui comptent
pour lui, ce qu’il est prêt à faire pour trouver un équilibre entre ses attentes personnelles et celles des contextes, les ressources
qu’il se sent aptes à mobiliser pour cela, et, si ce n’est pas le cas, pourquoi, etc. (Dumora et Bariaud, 2006, p.6)
En somme, ce qui importe de retenir de ce modèle est que le développement de l’identité est de nature relationnelle et dynamique, que sans
conflits et émotions, il n’y a pas de changement au plan de l’identité et que les engagements évoluent dans l’interaction et les transactions
entre le sujet et son contexte.
269
Les concepts de l’identité de Claude Dubar
Dubar, un sociologue français, présente l’identité comme étant le résultat de socialisations successives entre un sujet et les différentes
instances sociales dans lesquelles il évolue (famille, école, amis, groupes sportifs, travail, etc.). (Dumora et al., 2008) La socialisation dite
primaire est celle qui se vit avec la famille d’origine alors que celle dite secondaire est plutôt rendue possible par la participation à différents
groupes sociaux, les plus importants étant souvent l’école et le travail. (Laing, 1971) Selon Laing (1971), les groupes auxquels prend part un
individu peuvent se voir exposer des règles entrant en contradictions les unes les autres. Ainsi, lorsqu’il y a désaccord, cela engendre des
reconstructions au sein de l’individu, par la mise en œuvre de stratégies identitaires et ce, dans le but de réduire l’écart entre les différentes
contradictions. (Doray, 1992)
D’ailleurs, celui-ci a soulevé au sein de ses recherches ces deux concepts : celui de formes identitaires et celui de transaction. Par formes
identitaires, Dubar distingue l’idée de formes symboliques et construites par les sujets à l’intérieur desquelles ils « se racontent, argumentent
et s’expliquent. » (Dumora et al., 2008, p.7) C’est ainsi qu’une personne se définit d’une façon satisfaisante pour soi tout en cherchant la
validation de l’environnement social dans lequel elle évolue. Selon Dubar, la construction de l’identité est possible grâce à la socialisation et
par « le récit de soi dans des « formes identitaires ». » (Dumora, et al., 2008, p.7) Le second concept, celui de transaction, est expliqué du
fait que l’identité est une « transaction entre une identité pour soi et une identité pour autrui. » (Dumora et al., 2008, p.7) En effet, tout sujet
s’engageant dans une action collective se voit allouer une identité par et pour autrui, signifiant ainsi la façon dont les autres perçoivent le
sujet. Or,
« l’identité pour soi » est un processus biographique de mise en relation des identités héritées et des identités visées par le
récit de soi, l’histoire que le sujet se raconte ou raconte à autrui de sa propre vie (Dubar, 1998). Quant à « l’identité pour
autrui», c’est un processus de mise en relation des identités attribuées par autrui et des identités incorporées par des
identifications à des types d’Autrui saillants dans une société ou un entourage. (Dumora et al., 2008, p.8)
En d’autres mots, l’identité pour soi est l’ensemble de traits identitaires ancrés par le passé, par la transmission de l’héritage et par la
reproduction de l’identité d’une génération à l’autre. Pour sa part, l’identité pour autrui est une construction possible grâce à la relation à
270
l’autre. Il s’agit d’une production du social et non d’une reproduction du social tel qu’est le cas pour l’identité pour soi. De plus, ce modèle
permet de prendre en compte dans quels contextes évoluent l’individu, puisque ce sont ces contextes qui lui ont permis de se former une
identité.
En contexte d’entretien de conseil tel qu’en orientation par exemple, ce théoricien préconise de laisser le client se raconter sous formes de
récits de soi. Selon lui, une simple introspection de l’individu sur ses caractéristiques personnelles, telles que ses préférences ne suffit pas.
Selon les propos de Dubar, cités par Dumora et al., il s’agit davantage d’un « vrai travail de production de soi par le récit de ses pratiques, de
ses expériences, même douloureuses, de ses contraintes et de ses projets, et du sens (à la fois la direction et la justification) que l’on décide
de leur donner. » (2008, p.8) Cette mise en récit par l’individu laisse donc entrevoir la manière dont il se construit sa propre réalité. (Dumora
et al., 2008)
La théorie psychogénétique de l’identité de Luc Bégin
Au Québec, le docteur en counseling et professeur retraité de l’Université du Québec à Montréal Luc Bégin s’est intéressé depuis une
vingtaine d’années à la problématique identitaire et plus spécifiquement à l’identité en contexte d’orientation. On lui doit plusieurs écrits sur
le sujet dont les livres Identité du moi (1990) et Reconstruire le sens de sa vie (1998).
Les recherches de Bégin l’ont mené à formuler la théorie psychogénétique de l’identité, ayant comme précepte « qu’il est possible de
comprendre comment les individus construisent leur monde. » (Bégin, 1998, p.69) Ainsi, selon Bégin, l’identité correspond à l’action
d’organiser ses expériences et cette organisation est celle qui lui fournira un sentiment de continuité, de cohérence et d’unité,
caractéristiques de l’identité personnelle telles que soulevées ultérieurement. En d’autres mots, « l'identité [est] essentiellement considérée
comme étant constituée de catégories d'expériences personnelles qui doivent se construire pour que la personne puisse donner un sens à ce
qui survient dans sa vie. » (http://irfcpo.org/home/)
271
Un concept défini par Bégin dans sa théorie est la catégorisation. Selon lui, la catégorisation est « l’activité dirigée de l’esprit qui lui permet
de réduire la diversité expérientielle à des dimensions manipulables par l’esprit, d’une part, et d’autre part, de l’intégrer à un corpus
expérientiel en voie constante d’organisation. » (1998, p.81-87) En d’autres mots, la catégorisation permet d’organiser nos construits ou
représentations afin de donner du sens à des expériences qui surviennent au cours de notre vie. Selon Bégin et Ross (2007), « cette
catégorisation se réalisera […] en autant que les stimulations appropriées l’amènent à le faire. Il faut comprendre la stimulation ici comme
une pression à laquelle l’individu est confronté, sans pouvoir y échapper, et qui l’oblige à modifier sa perception. » (p.8-9) Ainsi, un
évènement déclencheur vécu en tant que pression tel qu’un refus dans un programme de formation par exemple, pourra engendrer des
changements au sein de la perception de la personne vivant ce refus.
Pour sa part, le concept d’activité catégorielle permet de « relier entre elles un ensemble d’expériences passées qui ont une signification
communes. » (Ross et Bégin, 2007, p.7) L’activité catégorielle donne donc naissance à l’identité et le sentiment d’être soi qui sera engendré
pourra être vécu comme étant positif ou négatif, ce qui tire des ressemblances du modèle d’Erikson où l’identité dépend entre autre des
résolutions positives ou négatives à chacun des stades (sans la notion de stades dans la conception de Bégin). Selon Bégin, l’identité est :
le résultat de l’activité ininterrompue du système cognitif qui la construit à chaque instant. Si l’identité personnelle acquiert
cette apparence de constance que l’on a surtout fait ressortir jusqu’ici en psychologie, c’est que la base des expériences
préservées en mémoire, sur laquelle opère le système cognitif en même temps qu’il traite l’information résultant de
l’interaction avec le milieu qui se traduit à son tour en expérience, comprend l’ensemble de l’histoire individuelle.
(http://irfcpo.org/home/)
De plus, dans son livre Reconstruire le sens de sa vie, Bégin (1998) a émis trois hypothèses en lien avec sa conception de l’identité et
pouvant aussi s’appliquer en contexte de choix de carrière. Celles-ci sont présentées à la page suivante.
1. « Les individus recherchent des milieux d’activités (travail, relations interpersonnelles significatives) d’un niveau de complexité
correspondant à celui des schèmes dont ils disposent.
2. Les milieux ont, en retour, des exigences de complexité que l’individu doit satisfaire pour s’y adapter et pour s’y sentir adapté.
272
3. La capacité adaptative de l’individu sera en fonction du degré d’organisation des schèmes catégoriels dont son système
psychologique dispose. » (p.88-89)
Or, Bégin a élaboré un instrument nommé Épreuve Groupements. Il s’agit d’un instrument diagnostic permettant d’analyser la manière dont
est organisée l’expérience par un individu. Il s’agit donc de reproduire à plus petite échelle, l’activité de catégorisation précédemment
soulevée afin d’évaluer le niveau de structuration ou d’organisation de l’identité des individus dans le but de comprendre leur
fonctionnement global au regard de l’identité. Ainsi, les réponses à cette épreuve renvoient aux stratégies employées par une personne pour
« construire les significations qui guident sa vie. […] [Les résultats] traduisent l’être qui s’y soumet. » (Bégin et Ross, 2007, p.v-vi)
Sommairement, l’Épreuve Groupements comprend trente-sept cartons numérotés sur lesquels y est inscrite une phrase courte décrivant une
activité, telle que Isoler un plafond, Transporter des blessés, Étudier les coutumes d’un peuple primitif, Conseiller des personnes qui ont des
problèmes d’orientation ou encore Soigner un blessé. La procédure de passation de cet instrument est simple. En effet, le sujet reçoit les
trente-sept cartons et il doit associer ceux qu’il croit aller ensemble. Il n’y a pas de limites en ce qui a trait aux associations. Ainsi, plusieurs
cartes peuvent être assemblées alors que d’autres peuvent être laissées seules. Pour chacun des groupements effectués, le sujet doit donner la
raison pour laquelle ces cartons vont ensemble. Les cartons laissés seuls n’ont pas à être justifiés. Il est important de souligner à la personne
soumise à cette épreuve qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. (Ross et Bégin, 2007)
Les résultats qui sont obtenus (groupements et justifications) sont ensuite analysés afin de produire un diagnostic identitaire défini comme
étant « l’identification des zones d’organisation personnelle susceptibles de faciliter ou d’entraver l’adaptation aux différentes situations de
la vie, que ce soit à l’école, au travail ou dans la vie personnelle. » (http://irfcpo.org/home/) Seule une personne ayant suivi une formation
peut effectuer le travail d’interprétation. L’Épreuve Groupements s’avère un instrument utile en contexte d’orientation scolaire et
professionnelle. En effet, l’interprétation d’une production à cette épreuve permet au conseiller d’orientation d’obtenir de l’information sur
son client, à savoir « la stabilité de son orientation professionnelle, voire de sa capacité de s’orienter, du niveau de ses aspirations
273
professionnelles et de la direction générale de son orientation, à savoir les familles professionnelles qui s’avèreront les plus immédiatement
attrayantes pour lui. » (Bégin, 1990, p.41)
D’ailleurs, la théorie psychogénétique de l’identité soutenant cet instrument a été développée en tout premier lieu à partir de problématiques
liées à l’orientation. Bégin conçoit l’orientation telle qu’une discipline allant au-delà de l’adéquation individu-travail comme elle est souvent
représentée, mais plutôt comme « une discipline qui s’attarde à intervenir sur les diverses difficultés identitaires des individus afin de leur
permettre de transposer une identité « suffisamment construite » en termes professionnels. » (Ross et Bégin, 2007, p.4) De ce fait, l’Épreuve
Groupements permet de cibler ce qui fait en sorte qu’une personne possède des difficultés à s’orienter d’elle-même et donc de pouvoir
intervenir en conséquence à ce diagnostic.
Bégin a donc voulu, par ses recherches sur la formation de catégories, saisir de quoi est formée l’identité, mais aussi comprendre comment
elle se forme. Partant de cette prémisse selon laquelle l’identité « se forme au fur et à mesure que la personne vit des expériences, celles-ci
faisant l’objet de catégorisation par le système cognitif » (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.48), Bégin est d’avis qu’une personne doit
catégoriser les informations envoyées par les différentes activités et expériences afin de leur donner un sens. (Ross et Bégin, 2007)
***
À la lumière de cette recension de quelques modèles liés au développement de l’identité, il est possible de dégager des éléments clés
permettant de comprendre comment l’identité se construit. Plusieurs éléments sont en commun à travers les différentes modélisations
soulevées, quelques points sont plutôt uniques à certains théoriciens. En tout premier lieu, force est de constater que l’identité se développe
à travers les relations du sujet avec l’autre, l’autre pouvant être considéré comme la société, l’environnement social, la famille, les pairs, etc.
En effet, tous les auteurs ont soulevé au sein de leur modèle, le caractère social de l’identité, qu’il s’agisse de notions de relation à l’autre,
274
d’interactions, de transactions, de socialisation, de facteurs contextuels, de contextes sociaux, tous ces termes démontrent la nature
relationnelle de l’identité. Donc, l’identité dépend d’autrui, car « Sans référence aux autres, l’identité ne saurait exister! » (Roy, 2011, p.3)
Parmi les modèles abordés ci-haut, seuls Waterman et Breakwell ont dégagé la notion d’émotions au sein de leur conception. Effectivement,
du côté de Waterman, celle-ci a été soulevée par le concept d’expressivité personnelle référant au sentiment ressenti par une personne
lorsque sa vie reflète exactement ce qu’elle est, ce qui renvoie à la réalisation identitaire. Pour sa part, Breakwell se réfère aux émotions
vécues par une personne et qui l’amènent à changer au plan de son identité. Ces émotions sont conséquentes à une certaine menace à l’égard
d’un engagement et permettent le changement de l’identité. D’ailleurs, d’autres modèles adhèrent à l’idée que pour qu’il y ait changement
au sein de l’identité d’un individu, celui-ci doit faire face à une menace. Toutefois, cette notion de menace est aussi désignée sous les termes
suivants : crise, exploration, conflit, tension, stimulation et pression. Ceux-ci surviennent à travers les relations à autrui, les différents
contextes, les évènements, mais aussi à travers les expériences et situations nouvelles qui permettent à une personne d’être en contact avec
de nouvelles réalités. Cela provoque donc certaines réinterprétations au plan identitaire et une nouvelle compréhension de soi.
Enfin, tel qu’il est possible de le distinguer, seul Erikson aborde le développement de l’identité à travers des stades, qui sont d’ailleurs des
étapes données d’avance qui seront toutes traversées par un individu un jour ou l’autre dans son existence. Or, ce concept de stades a fait
l’objet de plusieurs débats à travers les années, en réaction à sa nature pouvant être considérée comme étant linéaire, séquentielle et plutôt
figée. En effet, il est possible de se questionner à savoir si ces huit stades se voient toujours traversés dans cet ordre précis par exemple.
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Stades_du_d%C3%A9veloppement_psychosocial)
275
L’organisation identitaire et l’orientation
Contrairement à un courant plus traditionnel de l’orientation qui veut que s’orienter relève davantage de la connaissance de soi et de la
connaissance du marché du travail, Bégin (1990) est d’avis que la capacité d’une personne de s’orienter dépend d’une identité bien formée.
D’ailleurs, tel que mentionné antérieurement, cet auteur considère que « L’orientation professionnelle des individus se réalise par la
transposition de leur identité personnelle en termes professionnels. » (Bégin, 1990, p.2) Cette étape est toutefois possible seulement si une
personne a préalablement eu l’occasion de construire son identité et ensuite l’occasion ou l’aide pour la clarifier. (Bégin, Bleau et Landry,
2000) Pour leur part, certaines conceptions classiques ne considèrent pas nécessairement que la construction de l’identité soit préalable à la
connaissance de soi, mais plutôt comme étant deux concepts interreliés :
clarifier l’identité aide celle-ci, d’une certaine façon, à se développer, à se construire, si elle ne l’est suffisamment. Il y a une
certaine équivalence : développer son identité, c’est la clarifier. Et vice versa. L’identité est alors vue comme un contenu qu’il
s’agit de connaître et de clarifier. (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.29)
Contrairement à ces conceptions classiques de l’orientation, d’autres conceptions sont plutôt en accord avec l’idée que l’identité « ne
consiste pas en un contenu à connaître et à clarifier, mais plutôt en une base, une structure, une organisation, un fondement qui doit se
construire et dont la construction ne peut être tenue pour acquise. » (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.30)
Considérant les statistiques soulevées à la section précédente en ce qui a trait aux difficultés d’orientation qui sont entre autre liées à des
difficultés de construction identitaire, il va de soi, tel que le souligne Lannegrand-Willems (2008) que les professionnels de l’orientation
ont un rôle à jouer afin d’aider les jeunes dans leur quête d’identité. En effet, « Accompagner les personnes dans leur
orientation, c’est donc les aider à se former une représentation de soi pour soi, mais également à prendre en compte […] les représentations
de soi que les autres renvoient. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008, p.3) Ainsi, l’orientation est alors conçue comme un processus
développemental, plus spécifiquement comme « un cheminement continu au cours duquel la personne, partant de ses ressources
276
individuelles, construit sa propre identité et la transpose au plan professionnel. » (CSÉ, 2002, p.13) Selon Bégin, Bleau et Landry (2000),
les conseillers et conseillères d’orientation détiennent au sein de leurs pratiques :
un rôle d’aide auprès des élèves ayant une problématique identitaire particulière, sans oublier l’aide individuelle nécessaire à
beaucoup de jeunes pour faire le point sur leur orientation et les assister en fonction de leur problématique spécifique afin
qu’ils réussissent à s’orienter. [Leurs] interventions peuvent alors porter tant sur la structure de l’identité pour aider l’élève
dans ses difficultés à cet égard, que sur son contenu pour aider l’élève à clarifier son identité, ou sur le contexte pour l’aider à
la transposer en termes professionnels. (p.93)
Toutefois, toujours selon Bégin, Bleau et Landry (2000), malgré que les précédentes fonctions puissent aider plusieurs clients à cheminer au
plan personnel et vocationnel, certains spécialistes de l’orientation considèrent :
[qu’] un certain nombre de personnes qui consultent pour des difficultés d’orientation ne sont pas aidées par les techniques et
les interventions traditionnelles d’orientation et de clarification de l’identité : le counseling d’orientation, la psychométrie, les
techniques de prise de décision, l’information scolaire et professionnelle, etc. L’aide auprès de ces personnes relativement à
la clarification du concept de soi, de l’identité et de sa transposition en termes vocationnels ne semble pas donner les résultats
souhaités […] une intervention à caractère thérapeutique peut parfois s’avérer nécessaire…(p.29-30)
Dans cette lignée, il peut donc être inadéquat d’entreprendre un processus d’orientation avec une personne présentant un problème
d’orientation sous-tendant un problème d’identité. En effet, cette métaphore de Condamin (1996) reprise par Bégin, Bleau et Landry (2000)
rappelle que « Le développement de l’individu se construit comme une seule et même maison, avec ses bases, ses murs et son toit, et il est
inutile d’essayer de faire un toit lorsqu’il n’y a ni murs solides ni bases établies. » (p.32) C’est donc dire qu’il est nécessaire de résoudre ses
problématiques d’identité avant même d’aborder la question de l’orientation…
Dans un même ordre d’idées, il a été soulevé précédemment que l’identité se développe entre autre à travers les diverses influences issues
d’abord du milieu familial et ensuite du milieu scolaire et des différents milieux sociaux auxquels le jeune prend part. Sachant qu’un jeune
passe plusieurs heures par jour à l’école, les diverses interactions qu’il y vit devraient lui permettre de développer son identité. En effet, le
277
CSÉ (2002) a repris les propos de l’OCCOQ (1995) étant que l’identité se développe « à travers des activités intellectuelles, scientifiques,
sociales, physiques, artistiques et culturelles, et ce, en interaction avec des adultes. » (CSÉ, 2002, p.14)
Or, afin d’aider les jeunes à se construire une identité claire à travers les activités d’apprentissage effectuées à l’école, l’approche orientante,
créée au début des années 2000 par le Ministère de l’éducation du Québec (2002), est une stratégie pédagogique qui suggère un
accompagnement de l’élève dans sa construction identitaire, ainsi que dans son cheminement vocationnel. Cette approche a pour objectif de
faciliter la démarche d’orientation en proposant différentes activités dans le but de permettre à l’élève de construire et de structurer son
identité. Elle a aussi comme mandat d’aider l’élève à effectuer des liens entre les apprentissages qu’il acquière à l’école et le monde du
travail.
Plusieurs sont les acteurs pouvant intervenir au sein de l’école orientante. Or, le conseiller d’orientation détient un rôle important dans la
mise en place et le bon fonctionnement de l’approche orientante au sein du milieu scolaire. En effet, il est considéré comme la personne-
ressource puisqu’il est entre autre celui qui « maîtrise le mieux les fondements de l’orientation, celui qui possède une base solide quant au
concept de l’identité…» (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.92) Il est donc celui qui chapeaute le projet à l’intérieur de l’école et qui apporte
son soutien et son expertise aux membres de l’équipe-école qui intègrent à leurs pratiques éducatives, des ressources formatives permettant
d’aider les jeunes à se construire au plan identitaire dans le quotidien scolaire. En effet, les pratiques éducatives permettent un apprentissage
qui réfère à un acquis de savoirs, de contenus, alors que les pratiques formatives consistent plutôt « dans l’élaboration de substrats qui
permettent l’acquisition de contenus. » (Bégin, 2001) En d’autres mots, les activités éducatives ciblent un acquis de savoirs, de notions, de
techniques quelconques, de comportements, de connaissances etc. (Bégin, Bleau et Landry, 2000) tandis que les activités formatives
permettent plutôt, par l’entremise de la relation avec l’autre,
la formation, la construction, la croissance, le développement de la façon de penser, de la conception de différents aspects de
la réalité, de l’organisation psychologiques de la personne, de sa structure psychologique, des mécanismes psychologiques
internes. (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.39)
278
Brièvement, les assises de l’approche orientante sont celles de la théorie psychogénétique de l’identité de Bégin qui a été discutée
précédemment et celles de la théorie de John Holland qui pour sa part, « propose que la personnalité des gens peut être décrite à l’aide de six
dimensions […] elles touchent entre autres aux aptitudes, aux attitudes, aux intérêts, aux valeurs, aux mécanismes d’adaptation, aux traits de
personnalité, aux aspirations. » (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.44) Or, les six dimensions sont chacune associée à un univers : Réalisme
(l’univers de la réalité), Investigatif (l’univers de la science), Artistique (l’univers de la créativité), Social (l’univers de la communication et
des relations interpersonnelles), Entreprenant (l’univers du leadership) et Conventionnel (l’univers du quotidien). (Bégin, Bleau et Landry,
2000)
Ainsi, chaque dimension a une signification en ce qui concerne l’identité et sa construction peut être favorisée de différentes façons. Le
tableau à la page suivante offre une définition des dix dimensions de la personnalité, des exemples de difficultés pouvant être perçues chez
les personnes pour qui la dimension est peu ou pas construite, ainsi que quelques interventions possibles afin de favoriser leur construction.
279
Tableau 4 : Six dimensions de la personnalité d’Holland
Sens de la réalité Sens de la
rigueur
Sens de
l’initiative
Sens de l’autre Sens de
l’influence
Sens de l’ordre
et du devoir
Déf
init
ion
Implique le contact avec la
réalité, la préoccupation ou le
besoin d’éléments factuels.
Elle touche la prise de décision, la possibilité
d’arrêter des décisions, car
c’est en faisant appel aux
éléments de la réalité que plusieurs décisions
personnelles sont prises.
Cette dimension renvoie à
l’idée de la logique, de
l’exactitude et de la
précision dans les façons de faire.
Cette dimension concerne
la créativité, l’innovation,
et le besoin d’initiative.
Réfère à l’ouverture, à
l’engagement et à
l’empathie envers les autres. Elle détermine également la
capacité d’une personne à
s’investir dans une relation,
dans un projet de vie ou tout autre rapport avec les gens.
Cette dimension
renvoie aux besoins d’influencer et d’avoir
du leadership.
Cette dimension
détermine comment la personne intègre son
quotidien dans la vie de
tous les jours, sa relation
avec les aspects répétitifs de la vie, avec la routine.
Dif
ficu
ltés
si
cett
e d
imen
sion
n’e
st p
as
con
stru
ite
- Difficulté à arrêter des
choix;
- Facilement influençable par
ses pairs ou les médias; - Adhésion à des croyances
magiques;
- Possibilité de vivre de
l’anxiété à l’égard du futur qui peut se manifester par de
la rigidité et de l’impulsivité.
- Réponses souvent
incomplètes; - Approximation dans ses
travaux;
- Ne voit pas la nécessité
de respecter un cadre.
- Évitement des situations
qui demandent de faire
preuve d’initiative;
- Malaise dans les situations ambigües;
- Besoin marqué
d’encadrement et de
directives claires; - Difficulté à prendre des
risques.
- Attitudes égocentriques;
- Difficulté à établir des
relations interpersonnelles
profondes;
- Difficulté à prendre soin ou à se préoccuper des
autres;
- Difficulté à s’engager dans
des projets d’ordre personnel ou autre.
- Évitement de
situations qui
demandent
d’influencer les autres
et de les guider; - Difficulté à exercer
le leadership et/ou
évitement des
situations demandant un leadership.
- Difficulté à supporter la
routine;
- Tendance à la
procrastination et au
désordre ou souci exagéré de l’ordre et du contrôle
dans ce qu’il fait;
- Difficulté à respecter les
obligations quotidiennes.
Inte
rven
tion
s
poss
ible
s
- Demander les raisons face à
un choix;
- Confronter les préjugés ou idées préconçues;
- Insister pour que les élèves
s’appuient sur des faits pour
agir ou s’exprimer.
- Fournir et maintenir un
cadre rigoureux;
- Être exigeant
intellectuellement; - Demander de préciser
leur pensée ou d’utiliser
un vocabulaire approprié;
- Demander le respect d’échéanciers très précis
et serrés.
- Amener les élèves à s’exprimer dans des
situations où il n’y a pas
de bonne réponse;
- Amener les élèves à faire preuve d’initiative;
- Faire vivre des situations
non structurées;
- Favoriser l’originalité et l’innovation.
- Travail d’équipe et de
coopération;
- Activités d’implication
communautaire; - Débats où les jeunes ont à
exprimer leurs différences;
- Interventions auprès
d’élèves manquant de respect.
- Amener les élèves à
faire preuve de leadership;
- Intervenir sur le type
d’influence que les
élèves exercent;
- Organiser des joutes
oratoires.
- Demander aux élèves de
réaliser des tâches répétitives, claires et bien
définies selon un ordre
préétabli;
- Établir des
responsabilités
quotidiennes.
Source : Tableau inspiré du livre L’école orientante : la formation de l’identité à l’école (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.79-80)
280
Ainsi, ces interventions permettront à un élève de construire son identité seulement si elles engendrent une situation d’inconfort et « subit une pression
[psychologique] à laquelle [il] ne peut échapper et qui force la modification de sa perception. » (Bégin, 2001, p.206) Donc, les différentes interventions
n’auront pas les mêmes impacts pour chacun, dépendamment de la pression qu’elles exerceront sur l’individu. D’ailleurs, pour favoriser les impacts des
interventions sur le jeune, il est important selon Bégin, Bleau et Landry (2000) « qu’un adulte significatif puisse intervenir à son égard et, entre autre,
lui faire remarquer [ses attitudes et comportements par exemple] […] c’est à travers des interactions avec d’autres personnes, et plus particulièrement
avec des adultes, que le jeune va construire son identité. » (p.56) Donc, les adultes tels que les enseignants qui accompagnent les élèves dans différentes
activités doivent intervenir auprès des étudiants afin de permettre certaines prises de conscience qui les amèneront à changer.
Plusieurs activités orientantes peuvent être expérimentées en classe, dans le cadre même des cours. Toutefois, d’autres milieux et pratiques peuvent
favoriser la construction de l’identité, que ce soit la participation à des activités parascolaires, l’implication dans une coopérative étudiante, la pratique
de bénévolat, l’organisation du spectacle de fin d’années, le vécu d’un stage en entreprise, etc., en autant que celles-ci soient supervisées par des adultes
qui possèdent des attitudes orientantes et qui interviennent de façon appropriée au développement. (Bégin, Bleau et Landry, 2000) En somme, la
mission de l’école (l’approche) orientante est de permettre à l’élève de parvenir, selon Bégin (2001) :
aux moments importants de son évolution scolaire avec les caractéristiques psychologiques qui lui permettront d’avoir le sentiment
d’être ‘identique à lui-même’ ou […] d’avoir une identité stable. […] Parce que l’identité, c’est le sens que l’on donne à sa vie, c’est le
sens que l’on attribue aux expériences que l’on vit. (p.210)
Or donc, lorsqu’une personne est en mesure d’octroyer un sens à ses apprentissages et à l’école en général, cela pourra avoir pour conséquences qu’elle
s’y intéresse davantage et qu’elle ait le désir de persister dans ses études jusqu’à l’atteinte de l’objectif convoité. (Bégin, 2000)
281
Comprendre l’indécision vocationnelle … Katherine Coté, c.o.27
L’analyse qualitative du verbatim de quinze entrevues enregistrées sur audio avec quinze conseillères et conseillers d’orientation de différents
cégeps de la province de Québec a permis de mettre en lumière leurs perceptions entretenues à l’égard de l’indécision vocationnelle vécue par les
collégiennes et collégiens dans le cadre de leur pratique professionnelle. Cette discussion vise principalement à allier les éléments théoriques
énoncés précédemment à propos de l’indécision vocationnelle avec les perceptions entretenues à cet égard par les conseillères et conseillers
d’orientation interviewés pour cette recherche.
Doutes quant au niveau de maturité vocationnelle
À ce sujet, les conseillères et conseillers en orientation interviewés ont effectivement illustré que le manque de maturité vocationnelle est
dû au jeune âge des collégiennes et collégiens en se basant sur les causes sous-jacentes suivantes : leur développement identitaire inachevé, et
leur connaissance de soi et expériences de vie étant limitées. Cela corrobore tout à fait avec ce que mentionnent le CSÉ (2002), Super (cité dans
Bujold et Gingras, 2000 et dans Poirier et Gagné, 1984), Holland et Holland (1977), Harren (1979), Guay, Ratelle, Senécal, Larose et Deschênes
(2006), Falardeau (2007), Donson (1996, 2003), et Forner (2001, 2007).
27
Coté, Katherine (2012). Les perceptions entretenues par des conseillères et des conseillers d’orientation du réseau d’enseignement collégial public, à l’égard de l’indécision vocationnelle
des collégiennes et des collégiens, dans le cadre de leur pratique professionnelle. Sixième chapitre – Discussion. Rapport d’activités dirigées présenté comme exigence partielle de la maîtrise en carriérologie. Sous la direction de Louis Cournoyer, professeur. Montréal : Université du Québec à Montréal. Document disponible en ligne :
http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/06/essai-en-ligne-les-perceptions-de-co-du.html
282
En effet, les perceptions des conseillères et conseillers d’orientation concernant leurs doutes quant au niveau de maturité vocationnelle des
jeunes collégiens sont fort probablement influencées par leur cadre d’analyse théorique initial issu de leur formation universitaire où les
approches développementales en orientation leur étaient enseignées. Par exemple, par ses nombreuses publications, Donald E. Super, théoricien,
praticien et chercheur d’une renommée internationale en psychologie développementale au niveau de l’orientation professionnelle, a su
influencer grandement la profession des conseillères et conseillers d’orientation à travers le monde. Ce théoricien a notamment expliqué les
notions de maturité vocationnelle, de concept de soi (image de soi), de rôles de vie, d’influences familiales et socioéconomiques, de stades
développementaux incluant des tâches développementales à réaliser selon des regroupements d’âges approximatifs en lien avec son
développement de carrière.
D’une part, la psychologie développementale comporte l’avantage principal de comprendre son client en orientation à travers ses stades
développementaux franchis au cours des étapes développementales importantes de sa vie personnelle et professionnelle. D’un autre côté, il est de
mise d’éviter de se limiter uniquement à l’approche développementale car les individus ne traversent pas toujours les mêmes stades en même
temps. À vrai dire, il y a sans doute des variations entre les personnes car la psychologie humaine est complexe. Dans ces conditions, l’éclectisme
au niveau des approches utilisées constitue en une alternative à privilégier pour ainsi bien compléter et enrichir ses interventions auprès d’une
clientèle en processus d’orientation.
Perceptions des réactions émotives et comportementales des jeunes indécis
Plusieurs conseillères et conseillers d’orientation ont discouru à propos de différentes réactions émotives et comportementales qu’ils
perçoivent chez les jeunes indécis en processus d’orientation. Entre autres, ils mentionnent différents types d’anxiété dont l’anxiété décisionnelle
qui est passagère et l’anxiété problématique qui empêche la décision de carrière parce qu’elle doit idéalement être traitée en thérapie avec un
283
psychologue. Ainsi, le facteur de l’anxiété comme réaction émotive face à l’indécision est documenté par Falardeau et Roy (1999), Falardeau
(2007), Forner (2001, 2007), Krumboltz (1992), Harren (1979), Gati, Krauss et Osipow (1996), Savikas (1995), Peterson, Sampson, Reardon et
Lenz (1996), le Guide d’évaluation en orientation, OCCOQ (2010) et Matte (2010). Enfin, avec l’appui des propos des spécialistes de
l’orientation interviewés pour cette présente recherche ainsi que des nombreux chercheurs corroborant le fait que l’anxiété constitue en un facteur
très souvent prédominant en matière d’indécision, il appert de constater que l’anxiété paralyse la décision relative à la carrière ou bien repousse le
délai décisionnel chez les clients indécis. Le rôle du conseiller d’orientation est alors d’évaluer le niveau d’anxiété du client pour voir s’il s’agit
d’une anxiété décisionnelle passagère qui requiert un soutien en counseling d’orientation (ex. : exercices d’introspection, psychométrie,
information scolaire et professionnelle, etc.) pour ainsi soulager graduellement l’ambiguïté reliée au choix professionnel ou bien s’il est question
d’une anxiété chronique et pathologique dans plusieurs sphères de vie qui nécessiterait une référence chez un psychologue.
De surcroît, quelques spécialistes de l’orientation interviewés ont perçu le manque de confiance en soi comme une source plausible
d’indécision qui amène diverses réactions émotives et comportementales telles que l’accumulation d’information de manière compulsive, le
sentiment de confusion face à l’avenir et le maintien de distorsions cognitives (croyances irréalistes) à propos de soi et de son environnement.
Conséquemment, plusieurs auteurs corroborent le fait qu’une lacune au niveau de la confiance en soi (estime personnelle), l’entretien de fausses
croyances et de généralisations à propos de soi et/ou de son environnement nuisent au processus décisionnel (Holland et Holland (1977); Harren
(1979); Peterson, Sampson, Reardon et Lenz (1996); Mitchell et Krumboltz (1996); Guide d’évaluation en orientation, OCCOQ (2010), Gati,
Krauss et Osipow (1996), Falardeau et Roy (1999), Falardeau (2007) et Matte (2010).
Encore au sujet de leurs perceptions, des conseillères et des conseillers d’orientation parlent de certains jeunes qui se déc ident à la
dernière minute à cause de la situation d’urgence, contrairement à d’autres qui prennent le temps de bien réfléchir sans attendre au dernier
moment. Pour ces personnes indécises, il s’agit donc de réactions diamétralement opposées qui les amènent à consulter en orientation. Tel que
l’ont documenté Falardeau et Roy (1999), certains jeunes veulent complètement éviter le sujet pour remettre à plus tard le moment de choisir par
284
peur de se commettre dans un choix. D’autres n’arrivent jamais à se décider car ils ne cessent d’accumuler de l’information sur plusieurs
professions sans toutefois aller en profondeur (Falardeau et Roy, 1999). Celles-ci constituent alors en des réactions émotives et
comportementales possibles dans une situation d’indécision qui sont très souvent reliées à un sentiment d’anxiété.
En effet, les conseillères et conseillers d’orientation ont reçu une solide formation en counseling pour pouvoir bien dépister les réactions
émotives et comportementales de leurs clients en orientation. Ces derniers sont alors compétents pour reconnaître les réactions comportementales
et émotives qui peuvent bloquer le processus du choix de carrière comme l’anxiété, la procrastination qui amène une décision dans une situation
d’urgence et d’inconfort, le manque de confiance en soi et en l’avenir, etc. En démarche d’orientation, ces spécialistes de l’orientation doivent
alors faire prendre conscience aux clients que certaines de leurs réactions comportementales et émotives peuvent nuire au dénouement du choix
vocationnel.
Pistes d’intervention pour contrer l’indécision vocationnelle
Quelques conseillères et conseillers d’orientation ont discuté à propos de mesures d’aide à l’orientation. Ils ont alors énuméré les mesures
d’aide suivantes pour contrer l’indécision vocationnelle, entre autres, le counseling individuel, les interventions groupales, l’introspection pour
approfondir la connaissance de soi, le testing psychométrique, la réflexion sur les méthodes de prise de décision à privilégier, les activités
d’approche orientante, les rencontres avec des professionnels du milieu, et la documentation sur le marché du travail et les formations reliées.
Effectivement, il appert de bien comprendre que les professionnels de l’orientation doivent varier leurs méthodes d’intervention pour ainsi bien
répondre à différents besoins chez des clientèles variées. Par exemple, une évaluation psychométrique mesurant les intérêts et la personnalité ne
serait pas appropriée pour une personne en dépression, car pendant cette maladie, les intérêts d’un individu sont atténués par l’humeur
dépressive. Dans un autre cas, un test psychométrique et des exercices d’introspection s’avèreraient bénéfiques pour un jeune collégien qui
manque de maturité vocationnelle et qui se connaît peu. Aussi, des ateliers d’approche orientante sont plus dédiés aux étudiants qu’aux adultes
285
ayant plus de dix années d’expérience sur le marché du travail. En terminant, il existe moult exemples pour démontrer que les conseillères et
conseillers d’orientation doivent se servir de leur jugement professionnel pour ainsi choisir la méthode d’intervention appropriée à la
problématique du client (ex. : santé physique et mentale, situation d’indécision passagère ou chronique, besoins, âge, imminence d’une décision à
prendre, etc.).
Ces spécialistes de l’orientation interviewés mentionnent également que les émotions doivent être prises en compte dans un processus
décisionnel pour que la personne se sente confortable avec son choix. Comme l’ont précisé Peterson, Sampson, Reardon et Lenz (1996) : « le fait
d’exposer une résolution de problème relative à la carrière en tenant compte d’une perspective du traitement cognitif de l’information implique
de reconnaître l’éventail des émotions humaines qui interagissent dans la prise de décision. » (p. 429-430, traduction libre)
De surcroît, les perceptions des conseillères et conseillers d’orientation vont dans le même sens que les auteurs Peterson, Sampson,
Reardon et Lenz (1996) lorsqu’ils stipulent que le client doit communiquer son besoin, analyser sa situation, synthétiser ses options plausibles,
évaluer ses différentes avenues et mettre à exécution son plan d’action tout en ayant considéré ses facteurs de réalité (cycle des habiletés
décisionnelles CASVE). Par la suite, très souvent avec l’aide du conseiller d’orientation, l’individu doit réfléchir sur l’ensemble de son processus
décisionnel. A-t-il mis en œuvre des stratégies gagnantes pour y arriver ? A-t-il vérifié s’il avait le potentiel (cote R, motivation, santé, etc.) pour
s’inscrire dans une telle formation ? (Sampson, Reardon et Lenz, 1996) En fait, les conseillères et conseillers d’orientation interviewés trouvent
important d’amener le jeune à effectuer de la métacognition sur l’ensemble de son processus décisionnel pour que sa démarche d’orientation
fasse du sens et le rende donc plus apte à prendre une décision de façon autonome et que celle-ci soit reliée avec ses propres aspirations.
Krumboltz (1992) mentionne que la société devrait mieux habiliter les gens aux méthodes de prise de décision. Selon Forner (2001), une
absence de méthode de prise de décision peut causer de l’indécision. En effet, Peterson, Sampson, Reardon et Lenz (1996) parlent beaucoup de la
connaissance de soi et de la recherche d’information scolaire et professionnelle comme étant deux étapes primordiales pour en arriver à la prise
286
de décision. De surcroît, Gati, Krauss et Osipow (1996) renchérissent que des manques d’informations à propos de soi-même (ses compétences,
valeurs, et intérêts), des professions, des domaines de formation, des méthodes de prise de décision ainsi que des façons d’obtenir des
renseignements pertinents à son plan de carrière constituent en d’autres causes d’indécision professionnelle. Par leur approche basée sur
l’apprentissage social, Mitchell et Krumboltz (1996) stipulent que les jeunes doivent aller découvrir sur le terrain les professions envisagées pour
qu’ils puissent enfin confronter leurs perceptions et possibles préjugés avec la réalité. Ces collégiennes et collégiens sont alors encouragés à aller
rencontrer des professionnels directement dans leur environnement de travail par l’entremise de rencontres d’informations ou bien de stages
d’observation. Puis, les styles décisionnels rationnels, intuitifs et dépendants sont représentés dans le modèle de Harren (1979). En effet, le
conseiller d’orientation doit alors être conscient du style décisionnel de son client pour l’outiller à travailler sa prise de décision en appuyant sur
ses forces et en corrigeant certaines limites associées à son style décisionnel. Par exemple, le style dépendant devra se détacher graduellement de
son attitude passive dans le but d’acquérir une attitude active tout en acceptant la responsabilité de ses choix sans s’en remettre aux autres. De ce
fait, les conseillères et conseillers d’orientation travaillent l’ensemble de ces méthodes d’intervention reliées au travail sur l’identité et aux outils
de prise de décision. De même, le Guide d’évaluation en orientation (2010) définit la pratique de l'orientation des conseillères et conseillers
d’orientation en mentionnant qu’il faut :
« Évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu, intervenir sur l’identité ainsi que
de développer et maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de permettre des choix personnels et professionnels tout au
long de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec
son environnement. » (p. 3)
Quant qu’à la vulgarisation des informations du monde du travail, Savard, Michaud, Bilodeau et Arseneau (2007) démontrent que
l’intervention d’un conseiller contribue de façon significative dans la prise de décision de carrière du client. « Le conseiller est en mesure de
considérer le profil psychologique particulier de l’individu, sa situation unique et son interaction avec l’environnement. » (Savard, Michaud,
Bilodeau et Arseneau, 2007, p. 161) De plus, suite à une étude sur des adolescents canadiens, Julien (1999) stipule que 59,7 % des jeunes ont du
287
mal à obtenir les renseignements nécessaires à leur planification de carrière. Julien (1999) ajoute que ces adolescents se sentent dépassés par la
surcharge d’informations sur le monde du travail. En effet, l’intervention d’un conseiller d’orientation s’avère très bénéfique pour contrer
l’indécision et l’anxiété reliées à un choix de carrière dans cette mer d’informations sur le marché du travail. Effectivement, les discours des
conseillères et conseillers d’orientation interviewés vont tout à fait dans le sens des recherches de Savard, Michaud, Bilodeau et Arseneau (2007)
et de Julien (1999). En fait, ces spécialistes de l’orientation interviewés voient l’importance de bien accompagner leurs clients tout au long de
leur processus décisionnel car ces derniers découvrent leur identité personnelle et professionnelle par l’entreprise du counseling d’orientation, de
la vulgarisation des informations sur le marché du travail et des programmes de formation, des animations groupales et de la passation d’outils
psychométriques.
Comme pistes d’intervention, les spécialistes de l’orientation ont entretenu des propos semblables à ceux qu’utilisaient le théoricien Super
(cité dans Bujold et Gingras, 2000 et dans Poirier et Gagné, 1984), soit les étapes développementales de l’exploration, de la cristallisation, de la
spécification ainsi que de la réalisation (actualisation) du choix vocationnel. En fait, ils en ont fait la mention de façon sous-entendue lorsqu’ils
discutaient de l’étape où l’individu explore les diverses facettes de son identité personnelle en lien avec des milieux professionnels différents
(exploration en sous-entendu). Ensuite, le jeune classifie et regroupe les différentes professions en fonction de ses champs d’intérêts qui
commencent à s’éclaircir davantage (cristallisation en sous-entendu). Après, la collégienne ou le collégien prévoit divers scénarios possibles en
fonction de ses préférences professionnelles dans le but de se diriger vers un secteur d’activités plus précis (spécification en sous-entendu). La
dernière étape de consiste alors à planifier les démarches pour ainsi mettre en action son plan de carrière en regardant les facteurs de réalité avec
son conseiller d’orientation tels que la cote R demandée, le soutien familial et financier, les choix de rechange, la distance géographique du choix
d’université, etc. (réalisation en sous-entendu)
Influence de l’environnement social sur la décision en orientation
288
Plusieurs conseillères et conseillers d’orientation interviewés ont expliqué que le choix de carrière se trouvait grandement influencé par le
réseau social du jeune dont la famille, les proches, les amis et ainsi que les environnements scolaires, professionnels, sportifs et communautaires.
Cependant, certaines influences peuvent être bénéfiques, mais d’autres peuvent nuire au processus décisionnel des collégiennes et collégiens.
Cela dépend des types d’interaction sociale que les jeunes entretiennent et de la façon dont ils gèrent les commentaires reçus. Par exemple,
certains étudiantes ont des parents de type contrôlant et se laissent envahir par leurs rétroactions tandis que d’autres s’affirment et agissent
conformément à leurs aspirations intrinsèques. Effectivement, beaucoup d’auteurs cités dans cet essai appuient les perceptions entretenues par les
spécialistes de l’orientation interviewés.
Tout d’abord, Harren (1979) explique l’influence de l’environnement familial et social (amis, enseignants, collègues, patrons, etc.) dans le
choix de carrière par l’entremise de leur encouragement, respect, reconnaissance, soutien psychologique et financier, de la mutualité du choix qui
est assumé par un couple ou une famille, etc. Bien que l’entourage immédiat soit important, Harren (1979) précise que le choix de carrière doit
être vécu par la collégienne ou le collégien avec un niveau ajusté d’autonomie, de maturité interpersonnelle et de conscience de ses buts. Ensuite,
Gati, Krauss et Osipow (1996) et Peterson, Sampson, Reardon et Lenz (1996) ont illustré parmi les sources reliées à l’indécision vocationnelle
que la pression du milieu ajoute un stress au sein du processus décisionnel. Quant à eux, Mitchell et Krumboltz (1996) discourent à propos des
facteurs environnementaux qui reposent sur des influences d’ordre social, économique, politique, culturel, etc. Ainsi, les conditions familiales,
socioéconomiques et communautaires auront un effet majeur sur l’accessibilité à différents contacts professionnels. Or, dans le Guide
d’évaluation en orientation (2010), la famille, les camarades, les collègues de travail et d’études, les patrons et les enseignants font partie
intégrante des conditions du milieu du client à évaluer en processus d’orientation pour ainsi mettre en lumière, entre autres, les possibilités
d’emploi, les valeurs, les échanges relationnels importants ainsi que les différentes influences possibles reliées au choix vocationnel. Aussi, les
conditions du milieu regroupent, entre autres, le contexte socioculturel, institutionnel, organisationnel et économique de la personne. Selon le
Guide d’évaluation en orientation (2010), il est également important de considérer que les contacts et réseaux sociaux font partis des ressources
personnelles de l’individu pouvant l’aider dans son choix. À tous ces égards, les propos des conseillères et conseillers d’orientation interviewés
289
vont sensiblement dans la même direction que ces écrits, sauf que les c.o. n’ont pas précisément spécifié les impacts des mil ieux
socioéconomiques des jeunes. Ils se sont davantage penchés sur les causes individuelles reliées à l’indécision plutôt qu’aux causes
socioéconomiques.
De surcroît, tel que l’explique Super (cité dans Bujold & Gingras, 2000; Poirier et Gagné, 1984), depuis l’enfance, les influences
familiales, économiques ainsi que les différents rôles de vie joués (étudiant, employé, membre d’une équipe, parent, etc.) façonnent le concept de
soi de la manière dont la personne se perçoit au plan de ses intérêts, compétences et valeurs. En fait, les propos des conseillères et conseillers
d’orientation corroborent tout à fait avec cette vision de Super lorsqu’ils mentionnent que la famille et les proches démontrent des modèles
personnels et professionnels tout en ayant pour fonction d’être des reflets identitaires importants.
D’ailleurs, les chercheurs Guay, Senécal, Gauthier et Fernet (2003) ont stipulé que les perceptions entretenues par une collégienne ou un
collégien sur sa propre autonomie et efficacité personnelle sont influencées par ses relations parentales et amicales. De ce fait, ces personnes
significatives ne doivent pas contrôler le jeune ni le surprotéger dans ses choix, mais bien l’encourager à prendre des actions qui l’inciteront à
développer son autonomie et son sentiment efficacité personnelle en regard à son développement de carrière. En somme, les propos entretenus
par les conseillères et conseillers d’orientation sont donc semblables car ils ont été sensibles au fait que l’entourage de la cégépienne ou du
cégépien puisse influencer la façon dont est perçue l’indécision ainsi que la prise de décision vocationnelle. Cependant, ils n’ont pas été jusqu’à
préciser que l’influence de l’environnement social pourrait jouer sur le sentiment d’efficacité personnelle et d’autonomie du jeune.
Constatations des mesures « actives » entreprises pour l’orientation
En outre, les conseillères et conseillers d’orientation interviewés ont clairement rapporté comme mesures actives entreprises pour
l’orientation : les stages d’observation, les rencontres d’information avec des professionnels, les conférences sur les métiers et les professions
290
ainsi que la sensibilisation des enseignants et des jeunes à l’approche orientante. Effectivement, cela aide énormément les jeunes à clarifier leur
identité personnelle et professionnelle en effectuant des liens entre la matière scolaire et le monde des professions. Ainsi, Pelletier (2004) croient
ardemment aux bénéfices de l’approche orientante et Mitchell et Krumboltz (1996), théoriciens de l’apprentissage social, appuient les visites
d’entreprises, les stages et rencontres d’informations avec les travailleurs du milieu pour aider les collégiennes et collégiens à s’orienter.
L’entrée au collégial : période charnière et transitionnelle
Quelques conseillères et conseillers d’orientation ont mentionné que l’entrée au cégep constituait une période de transition très importante
dans la vie des collégiennes et collégiens. Ces professionnels de l’orientation ont mis en lumière les mêmes propos qu’a avancés le CSÉ (2002),
c’est-à-dire que ces jeunes collégiennes et collégiens commencent leur entrée dans la vie d’adulte et doivent effectuer des choix importants pour
leur avenir personnel et professionnel. Ainsi, le choix vocationnel et le départ du domicile familial sont des tournants majeurs dans la vie de ces
cégépiennes et cégépiens car ils doivent apprendre à devenir autonomes et à vivre avec les conséquences de leurs choix de vie . Alors, s’ils se
trompent de choix de programme d’études, cela aura plusieurs répercussions sur leur vie telles que l’allongement de la durée des études, des
coûts financiers en surplus, et de la persévérance qu’ils devront maintenir plus longtemps pour enfin diplômer, etc. Falardeau et Roy (1999)
stipulent également que l’entrée au collégial est une étape de vie sérieuse qui génère très fréquemment de l’anxiété. De plus, ces auteurs avancent
qu’un jeune sur trois change de programme d’études postsecondaires et que cette indécision atteint parfois leur sentiment de compétence
décisionnelle.
Quelques pistes de réflexion
Bien que les conseillères et conseillers d’orientation interviewés aient mentionné que les jeunes devaient choisir leur carrière assez tôt dans
leur développement identitaire et qu’ils ne sont pas toujours matures au niveau vocationnel, ils n’ont pas amené l’aspect de la pression sociétaire
pour diplômer le plus rapidement possible comme l’ont stipulé Krumboltz (1992), le MELS (2010) et le CSÉ (2002). Cependant, la seule
291
pression sociale qui fut discutée par les conseillères et conseillers d’orientation interviewés a été celle imposée par certains parents. Si
l’échantillon des c.o. interviewés avait été plus grand et par le fait même plus représentatif, peut-être que la notion de pression de la société aurait
été mentionnée.
En outre, Krumboltz (1992) stipule qu’une situation d’indécision professionnelle génère souvent de l’anxiété ou du doute chez les
personnes étant incapables de prendre une décision dans les délais prescrits par les institutions scolaires. En effet, Krumboltz (1992) affirme que,
pour une période momentanée, l’indécision peut être bénéfique et constructive pour explorer des avenues avant de prendre une décision plus
définitive. Ainsi, les spécialistes de l’orientation interviewés pour cet essai ont exprimé de façon partielle que l’indécision vocationnelle pouvait
être un moment d’arrêt bénéfique pour se positionner sur son choix de carrière. En fait, ces professionnels de l’orientation ont expliqué que
certains jeunes avaient besoin d’aller travailler ou d’aller expérimenter d’autres choses car certains collégiens ne se sentent pas prêts à prendre
une décision. Aussi, à la lecture flottante du verbatim des c.o., l’indécision vocationnelle était davantage expliquée sous un angle problématique
tout en amenant des pistes de solutions, entre autres, l’introspection avec ou sans l’aide des tests psychométriques, l’acquisition d’expériences
nouvelles, l’influence positive de l’environnement, les stages d’observation, les activités orientantes, etc. Une intéressante piste de réflexion
serait : est-ce que l’indécision vocationnelle est une situation peu souhaitable ou bien nécessaire à l’étape de la découverte identitaire dès l’entrée
au collégial des jeunes collégiennes et collégiens ? La société n’influencerait-elle pas notre perception de l’indécision ?
De même, plusieurs auteurs mentionnent que les personnes doivent développer une bonne capacité d’adaptation pour faire face à ce
monde complexe et incertain du marché de l’emploi qui subit des changements multiples et constants (Donson, 2003; Forner 2001, 2007;
Krumboltz, 1992). Sur ce point, Forner (2007) précise que « chacun doit réajuster constamment son information et donc ses projets et, pour
s’adapter, ne prendre de décision que le plus tard possible. » (p. 227) À première vue, les conseillères et conseillers d’orientation ne semblent pas
avoir élaboré ces éléments, mais en fait, ils les sous-entendent partiellement lorsqu’ils expliquent qu’il faut tenir compte des conditions du
marché du travail pour effectuer une adéquation viable avec le profil personnel et professionnel du client. Toutefois, les spécialistes en
292
orientation ne mentionnent pas explicitement qu’il faille prendre une décision le plus tard possible comme le stipule Forner (2007). Or, le délai
décisionnel dépend de nombreux facteurs psychosociaux selon les conseillères et conseillers d’orientation interviewés tels que le soutien familial,
le niveau d’estime personnelle, les conditions de santé, les obligations personnelles et familiales, etc. Par ailleurs, il se rait intéressant
d’interviewer des conseillères et conseillers d’orientation dans le cadre d’une autre recherche à propos de leurs représentat ions sociales de
l’indécision. En fait, dans ce présent essai, ces derniers nous ont davantage fait état des causes individuelles et psychologiques reliées à
l’indécision vocationnelle dont l’anxiété passagère ou chronique, le manque de confiance en soi, les lacunes au niveau de la maturité
vocationnelle, le manque d’expériences de vie et de connaissance de soi des jeunes adultes, etc.
293
Comprendre l’épuisement professionnel Éric Péloquin, c.o.28
L’épuisement professionnel est un concept faisant l’objet d’une quantité très importante de recherches scientifiques. Donc, les descriptions
proposées n’ont pas la prétention d’être exhaustives. Toutefois, elles représentent tout de même un grand survol des approches conceptuelles et
des stratégies d’intervention développées par des chercheurs et des professionnels très reconnus dans leur domaine respectif.
Une notion souvent confondue
De récentes recherches démontrent que l’épuisement professionnel peut être différencié des autres troubles mentaux. Plus spéc ifiquement,
Schaufeli (2003) mentionne : « L’épuisement professionnel peut être considéré comme un trouble mental qui peut être différencié cliniquement
et empiriquement des autres troubles mentaux, plus particulièrement la dépression29
» (p. 5). Selon Freudenberger (1987), l’épuisement
professionnel est « […] généralement temporaire et orienté vers une situation précise dans la vie d’une personne […]. Une personne dépressive
risque de se sentir coupable de tout ce qui ne va pas, celle qui est en train de se brûler aura plutôt tendance à éprouver de la colère » (p. 73). De
plus, le fait que l’épuisement professionnel est relié au milieu du travail est un autre élément qui le distingue de la dépression, dont « l’état
dépressif est prolongé et s’étend à tous les aspects de la vie d’une personne » (Ibid.).
Versus la dépression
28 Péloquin, Éric (2012). Les pratiques des conseillers et des conseillères d’orientation auprès de personnes en situation d’épuisement professionnel Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté
d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil : carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/06/essai-en-ligne-eric-peloquin-
sur-les.html
294
Selon Schaufeli et Enzmann (1998), la forte corrélation entre l’épuisement professionnel et la dépression vient du fait que les deux partagent des
symptômes similaires, notamment la perte d’énergie, le manque de motivation au travail et une attitude négative envers la vie . Malgré quelques
similitudes, la distinction fut officiellement confirmée par les travaux de Bakker et associés (2000), et plus récemment par les travaux d’Ahola et
Hakanen (2007). Pour Schaufeli (2003), cette différence a des implications pratiques et politiques importantes puisque cela sous-entend que
l’épuisement professionnel devrait avoir un statut officiel et reconnu comme étant une raison légitime d’absence, de congés de maladie et
d’incapacités à travailler.
Versus la détresse psychologique
Pour ce qui est de la détresse psychologique, le point de vue de Marchand (2004) nous renseigne un peu plus. Selon lui, la « notion de détresse
psychologique se présente comme la plus générale dans sa définition et sa mesure, car elle chevauche à la fois les divers signes d’un déséquilibre
psychique décrits et mesurés par les notions de dépression et d’épuisement professionnel » (p. 12). Elle est plus particulièrement associée à la
phase prépathologique. Lorsqu’elle n’est pas traitée, la détresse psychologique peut entraîner des conséquences plus graves comme l’épuisement
professionnel ou même la dépression sévère et l’alcoolisme par exemple (Ibid.).
Versus le surmenage
Le surmenage, à la différence de l’épuisement professionnel, n’est pas nécessairement une conséquence directe du stress . Il est principalement
relié à la quantité de travail effectuée. En fait, le surmenage est défini comme étant un « ensemble de troubles résultant d’un exercice excessif,
d’un excès de travail » (Le Petit Robert, 2011). Travailler de façon excessive entraîne donc une très grande fatigue qui mène ainsi au surmenage.
Plus précisément, Ahola et al. (2007) soulignent que le surmenage prédispose à l’épuisement professionnel.
295
Une notion à circonscrire
Il existe plusieurs définitions, concepts et théories sur l’épuisement professionnel. Une des définitions les plus générales qu’il est possible de
trouver sur l’épuisement professionnel est la suivante : « L’épuisement professionnel est un syndrome psychologique en réponse à une exposition
chronique et prolongée au stress en milieu de travail30
» (Maslach et al., 2001, p. 399). Dans cette définition, la notion de stress est importante.
Selye, dont les concepts théoriques sont présentés par l’ouvrage de Sauvé (1997), précise que le stress « […] est un ensemble de perturbations
organiques, psychiques, provoquées par des agents stresseurs qui entraînent des perturbations dans l’organisme » (p. 13). Il existe plusieurs
formes de stress; Selye en identifie quatre catégories, soit les bons stress (eustress), les mauvais stress (détresse), les stress extrêmement plaisants
(hyperstress) et les stress extrêmement déplaisants (hypostress). Ainsi l’important sera donc de « […] trouver un équilibre entre les forces
destructrices qui sont les extrémités (hyperstress et hypostress) et de découvrir plus de bons stress que de mauvais stress » (Ibid., p. 18). Selye
précise qu’une personne soumise à plusieurs mauvais stress pendant une période prolongée va vivre un processus en trois phases, c’est-à-dire une
phase de réaction d’alarme, une phase de résistance et une dernière phase d’épuisement qui « […] par suite d’une exposition longue et continue
au même agent stressant auquel le corps s’[est] adapté, l’énergie d’adaptation est finalement épuisée » (Ibid., p. 10-11). Ce processus en trois
phases est ce qu’il nomme le syndrome général d’adaptation. Une personne sera donc stressée « […] quand l’intensité du stress accumulé
dépasse son seuil optimal d’adaptation » (Ibid., p. 11). Lazarus et Folkman (1984) abondent en ce sens en mentionnant que le stress
psychologique résulte d’un déséquilibre entre les demandes imposées par l’environnement et la capacité de l’individu à s’y adapter en fonction
de ses ressources personnelles. Toutefois, dans leur définition du stress, ils apportent une nuance importante. Le stress peut aussi apparaître
lorsqu’une personne perçoit que les ressources dont elle dispose sont insuffisantes pour faire face aux demandes. Ainsi, selon cette conception, la
perception du manque de ressources autant que le manque de ressources lui-même peuvent tous les deux provoquer une réaction de stress chez
un individu (Ibid.).
Quelques années plus tard, une nouvelle théorie sur le stress fut également proposée par Hobfoll (1989). Selon sa conception, le stress provient
d’une réaction à l’environnement particulièrement en lien avec les ressources. Sa théorie comporte deux aspects importants. D’une part, le stress
apparaît chez un individu lorsqu’il y a une menace de perdre des ressources ou une perte réelle. D’autre part, lorsqu’une personne perçoit que son
investissement en ressources (temps, énergie, etc.) ne lui rapportera pas beaucoup de gains également en ressources (reconnaissance, statut,
argent, etc.), cela provoque du stress (Ibid.). Par exemple, une personne pourrait faire preuve de dévouement pendant plusieurs années pour
30 Traduction libre
296
obtenir une promotion et apprendre un jour que le poste a été offert à un nouvel employé. L’iniquité que cela provoque et la frustration d’avoir
investi autant de ressources pour peu de récompenses pourraient engendrer une escalade de stress chez cette personne. Enfin, selon ce même
Hobfoll (1989), les individus recherchent activement le plaisir et le succès dans la vie et selon lui, ce courant psychologique fut ignoré dans les
théories du stress.
Le concept de stress et d’épuisement professionnel peut également être abordé sous l’angle de l’inhibition de l’action, théorie élaborée par
Laborit.
Celle-ci (l’inhibition de l’action) peut être considérée comme adaptative puisque résultant de l’impossibilité de la fuite et de
l’insuffisance de la lutte. Si cette dernière était poursuivie, elle aboutirait à la mort de l’individu soit par destruction par l’agresseur,
soit par épuisement. Mieux vaut alors l’inhibition et celle-ci, répétons-le, ne peut être que secondaire à l’apprentissage de
l’inefficacité de l’action (Laborit, 1986, p. 195).
L’inhibition de l’action est donc un moyen d’adaptation pour un individu qui fait face à des situations stressantes, et tout comme le syndrome
général d’adaptation de Selye, il peut, à la suite d’une longue exposition, entraîner des individus vers l’épuisement. Dans une situation où un
employé vit énormément de stress au travail et que ce stress dépasse un certain seuil critique, il peut arriver qu’il se sente coincé entre son
insécurité de quitter son travail (obligations financières, peu d’emplois dans le domaine, etc.) et son incapacité à modifier ses conditions de
travail (peu de pouvoir, peur de congédiement, etc.). Ainsi, comme le mentionne Laborit, quand la fuite et la lutte sont impossibles ou semblent
impossibles, l’employé acceptera de s’adapter à des niveaux de stress élevé souvent au péril de sa santé et parfois même jusqu’à l’épuisement.
Dans une optique plus biologique, une méta-analyse de 147 études sur le sujet démontrait récemment que le stress relié au travail et le stress de la
vie en général produisent une augmentation de cortisol dans l’organisme (Chida et Steptoe, 2008, p. 275). Le cortisol est une hormone qui,
produite sous l’effet du stress, modifie certains aspects biologiques (taux de sucre, pression sanguine, etc.) et qui permet à l’organisme de réagir
pour combattre le stress. Cette même recherche démontrait que les facteurs psychosociaux comme la fatigue et l’épuisement professionnel par
exemple, empêchent la production de cortisol. Ne produisant plus suffisamment de cortisol pour combattre le stress, les personnes deviennent
ainsi vulnérables aux effets du stress (Ibid.). Une autre étude, celle-ci effectuée par Mommersteeg et al. (2006), en arrive aux mêmes conclusions,
mais en spécifiant que les taux de cortisol sont particulièrement bas après le réveil matinal.
297
À ce jour, l’épuisement professionnel n’est pas cliniquement et officiellement reconnu comme une maladie parce qu’il ne figure toujours pas
dans le Diagnostic and Statistical Manual (DSM IV), le manuel médical des troubles mentaux conçu par l’American Psychiatric Association
(APA) aux États-Unis, ni dans la Classification internationale des maladies (CIM-10) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). C’est
pourquoi il est encore considéré comme étant un syndrome qui est défini comme suit : « Un ensemble de plusieurs symptômes ou signes en
rapport avec un état pathologique donné et permettant, par leur groupement, d’orienter le diagnostic » (Dictionnaire Larousse, 2011). Selon
Schaufeli (2003), les expériences cliniques en Europe démontrent que les employés souffrant d’épuisement professionnel qui ont reçu un
traitement psychothérapeutique, mentionnent avoir des symptômes qui se rapprochent particulièrement du diagnostic de neurasthénie du CIM-10
(p. 3). La neurasthénie est définie comme étant une « névrose caractérisée par une grande fatigabilité, des troubles psychiques et physiques » (Le
Petit Robert, 2011). Ce diagnostic se retrouve dans le cinquième chapitre du CIM-10 concernant les troubles mentaux et comportementaux et
précisément dans la catégorie des troubles neurologiques, somatiques et reliés au stress. L’Organisation mondiale de la Santé (2007) présente la
neurasthénie sous deux formes possibles. La première forme est associée à une augmentation de la fatigue après un effort mental et souvent
accompagnée d’une diminution de la performance au travail et de la capacité d’adaptation. L’autre forme met l’accent sur les sentiments de
faiblesses physiques, et ce, après un effort minimal seulement, en plus d’être accompagnée de douleurs musculaires et d’une incapacité à se
détendre.
Au Québec, comme le précise Lafleur (1999), les médecins vont opter pour « […] un congé pour trouble de l’adaptation avec humeur dépressive,
parce qu’on ne trouve pas encore le diagnostic d’épuisement professionnel dans les gros livres de psychiatrie; cette forme de souffrance n’a donc
pas encore de numéro de code dans les formulaires des compagnies d’assurances » (p. 15). Ce diagnostic se retrouve dans l’axe 1 du DSM IV
concernant les troubles psychiatriques. Selon le DSM IV, le trouble de l’adaptation s’associe au développement de symptômes dans les registres
émotionnels et comportementaux, en réaction à un ou plusieurs facteur(s) de stress identifiable(s), au cours des trois mois suivant la survenue de
celui-ci (ceux-ci). De plus, ces symptômes ou comportements sont cliniquement significatifs s’ils s’avèrent : 1) une souffrance marquée, plus
importante qu’il n’était attendu en réaction à ce facteur de stress; 2) une altération significative du fonctionnement social ou professionnel
(scolaire); une perturbation liée au stress ne répond pas aux critères d’un autre trouble spécifique de l’axe 1 et n’est pas simplement
l’exacerbation d’un trouble préexistant de l’axe 1 ou de l’axe 2; et 3) les symptômes doivent également s’associer à autre chose que l’expression
d’un deuil et ne pas persister plus de six mois. Concernant l’humeur dépressive, il est mentionné que « ce sous-type doit être utilisé lorsque les
manifestations prédominantes sont des symptômes tels qu’une humeur dépressive, des pleurs ou des sentiments de désespoir » (Mini DSM-IV-
TR, 2004, p. 282).
298
Une variété d’approches conceptuelles
L’émergence de l’épuisement professionnel et l’intérêt suscité pour la recherche ont incité plusieurs professionnels à élaborer des approches
conceptuelles pour mieux comprendre et illustrer le phénomène. Il semble toutefois qu’aucune approche ne puisse rendre compte à elle seule de
l’immense complexité de l’épuisement professionnel (Schaufeli et Enzmann, 1998). Malgré cette affirmation, les conceptualisat ions proposées
dans la littérature scientifique peuvent tout de même être regroupées en deux grandes catégories d’approches distinctes, soit les approches
individuelles et les approches interactionnelles et organisationnelles.
Tableau 3
Catégorisation des différentes approches conceptuelles du syndrome d’épuisement professionnel
Catégories d’approches Approches conceptuelles
Individuelles
Approche psychologique (idéalisme)
Approche existentialiste
Approche des traits de personnalité
Interactionnelles et
organisationnelles
Approche transactionnelle de Cherniss
Approche relationnelle de Maslach
Approche relationnelle de Leiter
Modèle organisationnel de Maslach et Leiter
Modèle de Karasek
Modèle de Siegrist
Modèle de Bakker et Demerouti
La première catégorie regroupe les approches individuelles aussi appelées approches cliniques, dont l’attention est portée principalement sur les
observations cliniques, l’analyse des traits de personnalité, des fonctionnements psychologiques, des comportements, des valeurs de l’individu et
autres qui entravent l’adaptation en milieu de travail. La deuxième catégorie regroupe les approches interactionnelles et organisationnelles, c’est-
299
à-dire qu’elles priorisent l’analyse de l’interaction entre les facteurs individuels d’une personne et le contexte de travail en particulier. Ces
approches sont considérées comme étant scientifiques parce qu’étant mieux supportées par les recherches empiriques (Schaufeli, 2003). Les
approches individuelles sont surtout basées sur des observations qualitatives et expérientielles qui manquent parfois de support empirique parce
que plus difficilement quantifiables (Ibid.). Le choix d’une approche ou d’une autre dépend majoritairement des croyances du chercheur et des
besoins d’utilisation. Un psychothérapeute priorisera sûrement le plan individuel tandis qu’un consultant en entreprise sera plus intéressé à
comprendre l’épuisement professionnel en contexte organisationnel (Ibid.).
Les approches individuelles
Freudenberger, par ses observations cliniques, est le premier à avoir inspiré cette catégorie d’approche. L’emphase est orientée vers le diagnostic,
la relation d’aide, l’accompagnement individuel et la réhabilitation (Schaufeli, 2003). L’analyse des symptômes et des facteurs individuels reliés
à l’épuisement professionnel est priorisée.
L’approche psychologique (idéalisme)
Freudenberger (1987) dit : « Tous ces gens avaient au départ de grandes espérances et des visions de réussite éclatante, […] pendant la plus
grande partie de leur vie, ils avaient été pleins d’enthousiasme, d’énergie et d’optimisme » (p. 14). Dans la même optique que Freudenberger,
pour Edelwich et Brodsky (1980), l’épuisement professionnel représente une perte progressive d’idéalisme, d’énergie et de sens au travail. Le
modèle en quatre phases qu’ils ont proposé (l’enthousiasme, la stagnation, la frustration et la démoralisation) a contribué à l’avancement des
recherches de l’épuisement professionnel, notamment en tant que processus graduel.
La phase d’enthousiasme représente l’idéalisme et l’ambition de la personne. Elle est caractérisée par un très haut degré d’investissement en
temps et en énergie pour l’organisation dont elle fait partie. La phase de stagnation apparaît lorsque la personne se rend compte que malgré ses
efforts constants, les résultats ne sont pas à la hauteur de ses attentes personnelles ou tout simplement non reconnus. La personne tentera d’y
remédier en redoublant d’efforts, le niveau de stress augmentant. La phase de frustration est caractérisée par des signes sérieux comme la fatigue
et la déception et beaucoup de difficultés à gérer les tensions (irritabilité, cynisme, colère, etc.). Enfin, la phase de démoralisation représente le
300
sentiment de vide intérieur, la personne perdant tout intérêt pour son travail. À cette étape, l’absentéisme et l’évitement des clients, des collègues
et des patrons sont plus présents. La personne n’offre plus aucune résistance (Edelwich et Brodsky, 1980).
L’objectif de cette approche vise donc une modification sur le plan des valeurs et des besoins des individus. Comme le mentionne
Freudenberger (1987), « la perception, l’image que l’on a de nous, nous empêche de percevoir que nos problèmes sont peut-être reliés à des
facteurs internes » (p. 25). L’idée principale sera donc de remplacer l’idéalisme problématique par un réalisme mieux adapté et ainsi éviter de
revivre chacune des phases qui mènent à l’épuisement professionnel.
301
L’approche existentialiste
Pour Pines, l’échec d’une personne dans sa quête pour donner un sens à son existence constitue l’essence de sa conception de l’épuisement
professionnel. Selon elle, « les gens idéalistes travaillent dur parce qu’ils s’attendent à ce que leur travail fasse partie d’un tout plus grand et que
cela donne un sens à leur existence31
» (Pines, 1996, p. 83). Sa conception est illustrée par la figure suivante :
Figure 1
Modèle de l’approche existentialiste de Pines
Source : Schaufeli et Enzmann (1998, p. 112)
Son modèle, inspiré de la psychologie existentialiste, distingue trois types de motivations au travail. Les motivations universelles (ex. : recherche
de succès et d’appréciation), les motivations spécifiques à la profession (ex. : impact sur les clients) et les motivations personnelles quant au type
31 Traduction libre
Buts et attentes Motivations universelles
Motivations spécifiques à la profession Motivations personnelles
Environnement de travail supportant
Environnement de travail stressant
Buts et attentes comblés
Succès
Buts et attentes non comblés
Échec
Sens existentiel Épuisement professionnel
302
de travail (ex. : le fait d’aimer le métier). Advenant qu’une personne ne réussisse pas à satisfaire ces motivations, elle vivra des sentiments
d’échec qui mèneront progressivement à l’épuisement professionnel.
L’approche des traits de personnalité
Au-delà de l’idéalisme et de la quête de sens, certaines approches conceptuelles ont mis l’accent sur certains traits de personnalité ou
fonctionnements psychologiques pouvant avoir une incidence sur les cognitions, les émotions et les comportements en milieu de travail. Selon
Alacorn et al. (2009), les traits de personnalité suivants, incluant les cinq traits du Big Five (névrosisme, extraversion, ouverture à l’expérience,
caractère consciencieux et agréabilité), doivent être considérés :
Tableau 4
Traits de personnalité et leur influence sur le développement de l’épuisement professionnel
Traits de personnalité favorisant l’épuisement professionnel Traits de personnalité ne favorisant pas l’épuisement professionnel
Faible estime de soi Bonne estime de soi
Sentiment d’efficacité personnelle faible Sentiment d’efficacité personnelle élevé
Instabilité émotionnelle Stabilité émotionnelle
Locus de contrôle externe Locus de contrôle interne
Introversion Extraversion
Caractère insouciant Caractère consciencieux
Désagréabilité Agréabilité
Affectivité négative Affectivité positive
Négativisme Optimisme
Personnalité inactive Personnalité proactive
Abdication Résistance
Source : Alacorn et al. (2009)
303
L’analyse de la personnalité permettra, selon cette approche conceptuelle, d’identifier des façons de penser (cognitions), des sentiments ou des
comportements qui favorisent l’apparition de l’épuisement professionnel. Par exemple, une personne dont le locus de contrôle est externe doublé
d’une personnalité inactive risque d’entretenir l’idée que l’employeur est responsable du problème et qu’il lui revient de procéder à des
changements dans sa façon de faire. Au contraire, une personne dont le locus de contrôle est interne et dotée d’une personnalité proactive prendra
probablement l’initiative de provoquer lui-même des changements pour retrouver une situation plus convenable. En terminant, comme le
mentionnent Alacorn et al. (2009), même si des interventions organisationnelles sont effectuées pour modifier l’environnement de travail, il
restera toujours quelques individus qui vivront de l’épuisement professionnel en raison de leurs traits de personnalité.
Les approches interactionnelles et organisationnelles
L’analyse de l’interaction entre l’individu et l’environnement constitue l’objectif de recherche et de conception de ces approches. Elles furent
grandement inspirées par de Maslach. Tel que mentionné plus tôt, elles sont influencées par un mélange des facteurs relationnels, sociaux et
organisationnels (Schaufeli, 2003).
L’approche relationnelle de Maslach
Maslach considère l’épuisement professionnel comme étant « une expérience individuelle négative incorporée dans un contexte de relations
interpersonnelles au travail qui implique la conception professionnelle de soi-même et des autres32
» (Schaufeli et Enzmann, 1998, p. 115). Cette
expérience individuelle négative, en réaction aux différents stresseurs en milieu de travail, comporte trois composantes, soit l’épuisement
émotionnel, la dépersonnalisation et la réduction du sentiment d’efficacité personnelle. Cette dernière composante n’était pas incluse dans la
conception de Cherniss (1980). Sa conception de l’épuisement professionnel représente un continuum qui peut être illustrée de la façon suivante :
32 Traduction libre
304
VS
VS
VS
Figure 3
Conception de l’approche relationnelle de Maslach
Source : Maslach, 2008, p. 498
L’épuisement émotionnel et physique est la composante reliée aux effets du stress sur l’énergie de la personne. Elle réfère à la réduction des
ressources personnelles physiques et émotionnelles (Maslach, 2008). La dépersonnalisation, quant à elle, fait référence à l’attitude et aux
relations interpersonnelles en milieu de travail. C’est une forme de réponse détachée et négative envers plusieurs aspects du travail (Ibid.). Enfin,
la réduction du sentiment d’efficacité personnelle représente la dimension évaluative de la personne; elle réfère aux sentiments d’incompétence,
au faible degré d’accomplissement et de productivité au travail (Ibid.).
Ainsi, selon Maslach, une personne soumise à de mauvais stress pendant une longue période de temps commencera par vivre un épuisement
physique et émotionnel. Dans le cas contraire, la personne sera pleine d’énergie. En conséquence à l’épuisement émotionnel et physique, des
comportements de dépersonnalisation commenceront à apparaître envers la clientèle, les collègues et la direction de l’entreprise. Dans le cas
contraire, la personne démontrera un bon niveau d’engagement pour l’entreprise. Finalement, après un certain temps, l’épuisement émotionnel et
la dépersonnalisation entraîneront une réduction du sentiment d’efficacité personnelle. En général, les recherches sur l’épuisement professionnel
ont établi la séquence entre l’épuisement émotionnel et physique et la dépersonnalisation. Toutefois, le lien avec la réduction du sentiment
d’efficacité personnelle est moins clair; les données actuelles soutiennent le développement simultané de la troisième dimension plutôt que sous
Épuisement émotionnel et physique
Énergie
Dépersonnalisation Engagement
Réduction du sentiment d’efficacité personnelle
Sentiment d’efficacité personnelle
Stresseurs
305
forme de séquence (Maslach et al., 2001). Les conclusions des travaux de Lee et Ashforth (1996) vont aussi en ce sens. Leurs résultats
démontrent que la réduction du sentiment d’efficacité personnelle se développe très indépendamment de l’épuisement émotionnel et de la
dépersonnalisation.
Cette conceptualisation de l’épuisement professionnel fut tout de même l’inspiration majeure dans la construction du Maslach Burnout
Inventory : Human Services Survey (MBI-HSS) et du Maslach Burnout Inventory : Educators Survey (MBI-ES). Étant donné la croyance de
départ voulant que l’épuisement professionnel soit relié aux professions aidantes, les outils étaient orientés en ce sens (Maslach, 2001). Toutefois,
depuis que certaines recherches ont démontré que l’épuisement professionnel n’était pas uniquement relié aux professions aidantes, le Maslach
Burnout Inventory : General Survey (MBI-GS) fut également créé. Il est adapté pour être utilisé dans l’ensemble des professions. La structure des
trois composantes est similaire à la version originale (Schaufeli, 2003). Il existe également une version française du premier inventaire qui fut
traduit et validé au Québec (Dion et Tessier, 1994).
306
Conception de Leiter
Toujours selon l’approche relationnelle et basée principalement sur les travaux de Maslach, la conception de l’épuisement professionnel de Leiter
rassemble différents concepts. Sa conception intègre de nouveaux éléments découverts par la recherche notamment la distinction entre les
demandes qualitatives et quantitatives et leur influence sur les composantes de l’épuisement professionnel. Voici une représentation graphique de
sa conception :
Figure 4
Conception de l’épuisement professionnel selon Leiter
Source : Schaufeli et Enzmann, 1998 p. 118
Selon cette conception, les demandes interpersonnelles (ex. : conflits avec un collègue) et les demandes sur la charge de travail (ex. : temps
supplémentaire) ont un impact sur l’épuisement émotionnel et physique. Le fait de manquer de ressources pour faire face aux demandes aurait
plutôt un impact sur la dépersonnalisation et sur la réduction du sentiment d’efficacité personnelle. Les conclusions de Lee et Ashforth (1996)
sont venues confirmer cette conceptualisation. Leur méta-analyse confirme deux choses en particulier. La première est que les individus sont plus
sensibles aux demandes imposées qu’aux ressources obtenues pour faire face à ces demandes (Ibid.). La deuxième est que les associations entre
les demandes et les ressources et les trois dimensions sont concordantes avec les explications de l’épuisement professionnel (Ibid.)
Demandes interpersonnelles (qualitatives)
Demandes sur charge de travail (quantitatives)
Épuisement émotionnel et physique
Dépersonnalisation
Réduction du sentiment d’efficacité personnelle
Manque de ressources
307
Modèle organisationnel de Maslach et Leiter
Toujours suivant l’idée que l’épuisement professionnel résulte de l’interaction entre les individus et leur environnement de travail, les recherches
ont conduit Maslach et Leiter à vouloir identifier, plus en profondeur, les facteurs organisationnels qui en seraient responsables. Les conclusions
des recherches ont permis l’identification de ces six facteurs organisationnels :
Tableau 5
Facteurs organisationnels en cause dans le développement de l’épuisement professionnel
Facteurs organisationnels Explications
Charge de travail Fait référence à la quantité élevée de travail exigée par l’entreprise.
Peu de contrôle sur son travail Fait référence à l’incapacité de modifier les conditions de travail.
Manque de reconnaissance Fait référence au manque d’appréciation pour le travail effectué.
Sentiment d’iniquité Fait référence aux injustices vécues en milieu de travail.
Faible soutien social Fait référence aux conflits relationnels non résolus en milieu de travail.
Conflits de valeurs Fait référence à l’incompatibilité des valeurs de l’entreprise et de l’individu.
Source : Maslach (2008)
La charge de travail, lorsqu’elle excède les limites personnelles d’un individu, contribue à l’épuisement physique et émotionnel. Une
augmentation de la charge de travail quantitative autant que qualitative diminue la capacité d’une personne pour y faire face. Lorsque la charge
de travail est trop élevée, qu’elle devient une condition chronique en entreprise et que les occasions de repos et de récupération se font plus rares,
les ressources d’un individu finiront par se consumer tranquillement pour entraîner éventuellement une fatigue extrême.
Le peu de contrôle sur son travail, aussi appelé le manque d’autonomie, contribue également à l’épuisement professionnel. Avoir l’occasion et un
certain pouvoir d’organiser son travail permet à un individu, en entreprise, de trouver un meilleur équilibre personnel, et ce, spécifiquement
lorsque des situations stressantes surgissent. Dans le cas contraire, l’incapacité de modifier certaines conditions de travail, d’avoir accès à des
308
ressources ou tout simplement de ne pas avoir l’autorité suffisante pour prendre des décisions rendent la personne impuissante et vulnérable aux
événements. C’est le cas notamment lorsque les pouvoirs décisionnels sont confus dans l’entreprise, ce qui donne lieu à des conflits de rôle.
Le manque de reconnaissance en milieu de travail est aussi lié à l’épuisement professionnel. Le fait de ne pas se sentir reconnu (financièrement,
socialement et institutionnellement) contribue particulièrement à la réduction du sentiment d’efficacité personnelle. Au contraire, une personne
qui reçoit suffisamment de reconnaissance pour le travail qu’elle accomplit ressentira une satisfaction intrinsèque plus grande, ce qui lui fournit
des ressources supplémentaires pour faire face à des périodes de stress importantes.
Le sentiment d’iniquité peut aussi être source d’épuisement professionnel. Lorsqu’une personne perçoit des injustices sur le plan des conditions
salariales, des charges de travail, des privilèges et promotions accordés ou même des évaluations, elle aura le sentiment de ne pas être respectée
et estimée à sa juste valeur. L’équité est essentielle pour favoriser un sentiment de collégialité entre les individus travai llant pour une même
entreprise. Dans le cas contraire, le sentiment d’iniquité provoque une colère et une frustration qui mènent à l’épuisement émotionnel et au
cynisme envers les collègues avantagés, la direction et en bout de ligne, envers les clients dans certains milieux.
Le faible soutien social est aussi un facteur à considérer en lien avec l’épuisement professionnel. Parfois, c’est l’organisation du travail comme
telle qui ne favorise pas les relations. Mais généralement, ce sont des conflits non résolus entre des personnes qui entraînent de l’épuisement
émotionnel. Le soutien social est une ressource importante pour faire face à des situations stressantes. En l’absence de sout ien social, une
personne se sentira isolée et beaucoup plus vulnérable aux effets psychologiques du stress.
Enfin, le dernier facteur organisationnel qui contribue à l’épuisement professionnel est le conflit de valeurs. Dans certains milieux, des gens
peuvent se sentir contraints d’effectuer des tâches qui ne sont pas en accord avec leurs valeurs ou leur niveau d’éthique personnel. Devoir mentir
pourrait être un exemple. Le conflit de valeur peut également émerger d’une différence entre les aspirations professionnelles d’une personne et la
mission de l’entreprise. Une personne qui demeure dans un environnement dont les valeurs sont différentes des siennes, ressentira de la
frustration, ce qui la rendra plus vulnérable aux effets du stress.
309
Le modèle de Karasek
Il est important de noter que certains facteurs furent en partie influencés par les modèles de Karasek et de Siegrist principalement utilisés en
gestion des ressources humaines. Le modèle de Karasek propose une relation directe entre la charge de travail et le degré de contrôle (autonomie)
comme prédicateur de satisfaction au travail. Une personne dont la charge de travail est élevée et qui possède peu de contrôle sur son travail est
plus à risque de souffrir de pression psychologique et de problèmes de santé. Contrairement à une personne qui jouit d’une bonne latitude au
travail, une charge de travail élevée engendrera plutôt chez elle une motivation d’apprentissage et de développement (Theorell et Karasek, 1996).
Demandes psychologiques
Faibles Élevées
Con
trôle
Fai
ble
É
levé
Peu de pression
Actif
Passif
Beaucoup de pression
Figure 5
Modèle de Karasek : demandes psychologiques versus contrôle
Source : Theorell et Karasek, 1996, p. 11.
310
Le modèle de Siegrist
Ce modèle met en relation les efforts fournis au travail et le niveau de reconnaissance obtenu. Selon sa conception, un débalancement entre les
coûts (temps, énergie, efforts, etc.) et les gains (argent, estime et statut) engendre une détresse émotionnelle chez les individus (Siegrist, 1996).
Les efforts fournis sont une combinaison des demandes extrinsèques (obligations de faire son travail) et des implications intrinsèques (besoins
d’accomplissement, d’adaptation, etc.). Son modèle se présente sous la forme suivante :
Figure 6
Modèle de Siegrist : efforts fournis versus la reconnaissance
Source : Siegrist, 1996, p. 30.
Les modèles de Karasek et de Siegrist font toutefois l’objet de certaines critiques. Premièrement, malgré leur simplicité, ils ne tiennent compte
que de quelques facteurs. Les plus récentes recherches, notamment celles de Maslach, ont démontré qu’il y avait d’autres facteurs pouvant
provoquer du stress en milieu de travail. Deuxièmement, comme le mentionne Bakker et Demerouti (2006), ils ne sont pas adaptés pour tous les
types d’emploi et d’entreprise. Dans certains milieux, des facteurs comme l’iniquité ou le manque de soutien social seront plus importants à
considérer. Ainsi, dans le but de développer une approche conceptuelle plus intégrative, ces derniers ont également développé leur propre
modèle.
Le modèle de Bakker et Demerouti
Ce modèle intègre différentes approches conceptuelles. Il inclut notamment le concept de demandes et de ressources en milieu de travail. Il fait
également un lien entre les six facteurs organisationnels de Maslach et Leiter présentés précédemment et leur catégorisation en tant que
demandes ou ressources. Il inclut aussi le modèle de l’approche relationnelle de Maslach. Ainsi, en combinant tous ces éléments, cela donne le
modèle suivant :
Beaucoup d’efforts Peu de reconnaissance Argent Estime Statut Extrinsèques Intrinsèques
311
BURNOUT
Figure 7
Conception de l’épuisement professionnel selon Bakker et Demerouti
Source : Bakker et al., 2003, p. 19
Plus précisément, la charge de travail élevée, les sentiments d’iniquité et les conflits de valeurs sont notamment des demandes en emploi qui ont
un impact sur les plans mental, émotionnel et physique. Le soutien social, l’autonomie et la reconnaissance sont quant à eux présentés davantage
comme des ressources pour faire face aux stress en milieu de travail. Ces facteurs viennent ensuite influencer la dynamique entre les demandes et
les ressources disponibles. Si les demandes sont trop élevées mais que les ressources sont suffisantes, c’est l’épuisement physique et émotionnel
qui sera influencé. Si les ressources sont insuffisantes pour faire face aux demandes, des attitudes cyniques et une réduction du sentiment
d’efficacité personnel apparaîtront.
Mental
Émotionnel
Physique
Etc.
Soutien
Autonomie
Reconnaissance
Etc.
Demandes
Ressources
Épuisement
Dépersonnalisation
Réduction du sentiment d’efficacité personnel
312
En conclusion, chacune des approches interactionnelles et organisationnelles présentées procurent un éclairage sur les différents facteurs et
processus qui contribuent à l’épuisement professionnel. Essentiellement, l’objectif est d’examiner attentivement le contexte de travail d’une
personne pour mieux comprendre les raisons qui ont contribué au développement de l’épuisement professionnel (Maslach, 2001).
Une variété d’interventions
Les interventions en matière d’épuisement professionnel peuvent aussi être regroupées selon les trois grandes catégories d’approches
conceptuelles : individuelles, interactionnelles et organisationnelles. Intervenir au plan individuel signifie que l’attention sera portée sur les
stratégies individuelles qu’un conseiller d’orientation et son client conviennent d’utiliser, et ce, indépendamment du contexte (Schaufeli et
Enzmann, 1998). Par exemple, un client pourrait choisir de démarrer un programme d’exercices physiques pour réduire les effets du stress ou se
renseigner davantage en achetant quelques livres pertinents. Ainsi, en modifiant certaines cognitions et quelques comportements personnels qui
augmentent ses résistances, la personne se donne des moyens pour être moins vulnérable aux effets psychologiques négatifs qu’occasionne le
stress en milieu de travail (Ibid.). De plus, ces stratégies peuvent être initiées en dehors du contexte du travail et dans un cadre de counseling
individuel entre le conseiller d’orientation et son client. Contrairement aux stratégies individuelles, les stratégies d’intervention au plan
interactionnel vont tenir compte du contexte, car elles sont orientées vers l’interaction entre les individus et leur environnement de travail. Ce
sont des stratégies qu’une personne peut entreprendre pour favoriser une meilleure interaction au plan des relations et de l’organisation du travail
en général. Par exemple, la gestion du temps en milieu de travail est une stratégie possible pour réduire la charge de travail psychologique, un des
facteurs qui mènent à l’épuisement professionnel. Encore une fois, ce sont des stratégies qui peuvent être développées en contexte de counseling
individuel entre le conseiller d’orientation et son client, mais adaptées pour la réalisation en milieu de travail. Enfin, les stratégies d’intervention
au plan organisationnel sont celles que les entreprises seules ont le pouvoir d’entreprendre. Parfois ces stratégies émanent de leur propre
initiative, parfois elles engageront des consultants organisationnels pour s’en occuper plus particulièrement. Le conseiller d’orientation pourrait
agir à titre de consultant pour aider à mettre en place des stratégies d’intervention adaptées afin de réduire les effets psychologiques négatifs et
l’épuisement professionnel. Contrairement aux deux autres, ce sont des stratégies qui ne peuvent pas être développées en contexte de counseling
individuel. Le client dans ce cas-ci, c’est l’entreprise.
En plus des approches d’intervention (individuelles, interactionnelles et organisationnelles), il est possible de distinguer deux grandes stratégies
d’intervention, soit les stratégies de prévention et les stratégies de traitement. Et comme le mentionnent Schaufeli et Enzmann (1998), « […] il
313
existe une distinction relativement claire entre prévenir parmi ceux qui sont à risque et traiter ceux qui sont déjà en épuisement professionnel.
Typiquement, les premiers sont au travail tandis que les autres sont en congé de maladie et souffrent d’un épuisement professionnel sévère33
»
(p. 144).
Le tableau suivant fait d’ailleurs le lien entre les catégories d’approches et les stratégies d’intervention en matière d’épuisement professionnel :
Tableau 6
Stratégies d’intervention en matière d’épuisement professionnel en fonction des différentes catégories d’approches
Stratégies d’intervention
Catégories
d’approches
Prévention
Traitement
Individuelles Auto-évaluation
Utilisation de matériels didactiques
Promotion d’une vie saine
Relaxation
Équilibre entre le travail et la vie privée
Planification de carrière
Pharmacothérapie
Traitements complémentaires
Réorientation de carrière
Interactionnelles Auto-observation en situation de travail
Gestion du temps
Entraînement des habiletés sociales
Intervention cognitive et comportementale
Psychothérapies cognitives et comportementales
Autres psychothérapies et processus de traitement
Approches
organisationnelles
Soutien individuel et de groupe
Mentorat
Utilisation de sondages et tests
Programme d’aide aux employés (PAE)
Procédures de retour au travail et réhabilitation
Transferts/réaffectations
33 Traduction libre
314
Planification de carrière des employés
Vérification psychosociale
Amélioration de la nature du travail
Amélioration de l’environnement physique
Gestion du temps/ressources
Embauche et formation de gestionnaires
efficaces
Socialisation anticipatoire
Programmes de bien-être
Les stratégies préventives seront abordées en premier pour ensuite terminer avec les stratégies de traitement qui, il est important de le préciser,
seront tous abordées en fonction de chacune des approches individuelles, interactionnelles et organisationnelles.
Les interventions de prévention
Ce sont des stratégies qui sont adaptées pour des personnes qui concrètement, sont encore présentes dans leur milieu de travail. Opter pour ces
stratégies se veut une façon de réduire ou d’éviter les effets négatifs du stress ainsi que l’épuisement professionnel dans son ensemble. Au plan
individuel, on retrouve l’auto-évaluation, l’utilisation de matériels didactiques, la promotion d’une vie saine, la relaxation, l’équilibre entre la vie
privée et le travail ainsi que la planification de carrière. Au plan interactionnel, on retrouve l’auto-observation, la gestion du temps,
l’entraînement des habiletés interpersonnelles et l’intervention cognitive-comportementale. Enfin, au plan organisationnel, on retrouve le soutien
individuel et de groupe, le mentorat, l’utilisation de sondages et de tests, la planification de carrière en entreprise, la vérification psychosociale,
l’amélioration de la nature du travail et de l’environnement physique, la gestion du temps, l’embauche et la formation de gestionnaires efficaces,
la socialisation anticipatoire et finalement, les programmes de bien-être.
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Les stratégies de prévention individuelles
L’auto-évaluation est un des moyens pour prévenir l’épuisement professionnel. L’utilisation d’un test comme le Maslach Burnout Inventory
(MBI) par exemple, peut permettre à des individus de vérifier dans quelle mesure ils peuvent souffrir d’épuisement professionnel. Ces outils
peuvent également permettre à une personne de se comparer avec d’autres groupes d’individus comparables. L’idée derrière cette méthode
repose sur la prise de conscience et la croyance que la connaissance de soi favorise la prévention.
La gestion du stress par l’utilisation de matériels didactiques est aussi une méthode de prévention de l’épuisement professionnel. Les livres, les
journaux, les articles de magazines, les dépliants, les émissions de télévision, les films, les lectures, et plus récemment, les sites Internet peuvent
tous servir (Schaufeli et Enzmann, 1998). Le fait pour une personne d’être plus informée sur le stress, sur ses causes et ses conséquences
augmente sa vigilance et sa capacité de prendre soin d’elle-même.
La promotion d’une vie saine est aussi reconnue comme un bon moyen de réduire les effets du stress (Schaufeli et Enzmann, 1998). L’expression
« un esprit sain dans un corps sain » reflète bien l’idée de base de cette méthode. Un style de vie sain inclut des exercices physiques réguliers,
une nutrition convenable, un contrôle de poids santé, ne pas fumer, avoir suffisamment de sommeil et prévoir des périodes de repos pour se
détendre et recharger les énergies pendant les journées de travail et après ces dernières (Ibid.). Plus particulièrement au plan de l’alimentation,
Chicoine (2008) mentionne que « la littérature cible de nombreux minéraux ainsi que des vitamines pouvant avoir un effet sur les symptômes
dépressifs, mais [que] les preuves scientifiques manquent » (p. 68). Pour ce qui est de l’exercice physique, une étude récente effectuée au
Danemark conclut que les employés qui sont actifs physiquement perçoivent moins de stress et plus d’énergie que les employés qui ne le sont pas
(Hansen et al., 2010). Les conclusions de l’étude effectuée par Rook et Zijlstra vont aussi en ce sens. Ainsi, plus le temps investi à faire une
activité physique est grand, plus la récupération sera efficace (Rook et Zijlstra, 2006). Également, cette même étude démontrait que
contrairement aux prédictions et aux récentes découvertes, les activités qui demandent peu d’efforts et les activités sociales n’étaient pas
nécessairement favorables à la récupération après le travail. En fait, les activités qui demandent peu d’efforts étaient même associées à une
augmentation de la fatigue émotionnelle. Ainsi, les activités qui demandent peu d’efforts peuvent être bénéfiques au recouvrement de la fatigue
physique, mais les activités physiques sont beaucoup plus bénéfiques pour surmonter la fatigue émotionnelle (Ibid.). De plus, les résultats d’une
recherche effectuée sur les effets de l’activité physique démontrent que les exercices physiques produisent une amélioration générale immédiate
dans l’humeur des gens, soit une amélioration de l’humeur positive ou dans l’autre sens, une réduction immédiate de l’humeur négative
(Steinberg et al., 1998).
316
La relaxation peut également être utile comme technique de prévention. Selon les résultats obtenus par Higgins (1986), son programme de
relaxation comprenant sept sessions s’avère d’une bonne efficacité dans la réduction des effets du stress. Fondamentalement , la relaxation
comprend quatre techniques spécifiques, soit la relaxation des muscles, la respiration profonde, la méditation (yoga, imagerie, autohypnose, etc.)
et la rétroaction biologique, qui consiste à visualiser les réactions biologiques internes (Schaufeli et Enzmann, 1998).
Également, comme le mentionnent Vallerand et al. (2010), un trop grand déséquilibre entre l’énergie investie au travail et dans la vie privée
s’avère néfaste pour la santé d’une personne. Ainsi, trouver l’équilibre entre le travail et la vie privée est un autre moyen préventif pour réduire
les effets de l’épuisement et du stress. Les gens qui travaillent dans des environnements stressants ont besoin de décompresser pour être ensuite
capables de s’adapter aux stress normaux de la vie privée. La décompression peut se faire par plusieurs moyens, par exemple : lire un livre, faire
du jardinage, rêvasser, prendre une marche ou se reposer tout simplement. De plus, la décompression est souvent une activité qui fait contraste à
la routine au travail (Maslach, 1982). Par exemple, une personne qui travaille majoritairement au plan intellectuel bénéficiera davantage des
effets positifs d’un exercice physique pour décompresser. En bout de ligne, l’idée derrière ces différents moyens de déconnexion psychologique
du milieu de travail est la conservation des énergies pour la vie privée (Schaufeli et Enzmann, 1998).
La planification de carrière constitue également un moyen préventif individuel pour éviter le sentiment d’être emprisonné dans une carrière et
d’accepter des conditions impossibles qui entraînent l’épuisement professionnel. Elle vise principalement deux objectifs : la connaissance de soi
(forces, faiblesses, intérêts, habiletés, bilan de compétences, etc.) et l’analyse des occasions sur le marché du travail (Schaufeli et Enzmann,
1998). Elle se veut une stratégie pour préparer des plans de rechange advenant des changements majeurs (réduction des effecti fs, changement
d’orientation, etc.) qui entraîneraient des augmentations importantes du stress vécu en milieu de travail. Elle se veut aussi une stratégie pour
quitter un milieu de travail dont les conditions sont nocives pour la personne.
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Les stratégies de prévention interactionnelles
L’auto-observation est un des moyens utilisés pour mieux comprendre les situations stressantes en milieu de travail qui provoquent des réactions
chez la personne. Elle consiste à noter, pendant la journée, les événements provoquant du stress et à identifier les symptômes ressentis, les
pensées, les émotions et les comportements que cela a provoqués. L’idée derrière cette méthode est que la compréhension de soi débute par
l’observation de soi. L’auto-observation peut servir de point de départ à des démarches subséquentes (Schaufeli et Enzmann, 1998).
Les employés à risque d’épuisement professionnel ressentent souvent une forte pression associée au manque de temps pour effectuer le travail
demandé, ce qui peut parfois dépasser la capacité de l’individu d’y répondre. Les techniques de gestion du temps peuvent aussi être un moyen de
prévention permettant à un individu de travailler plus efficacement pour se donner du temps de relaxation au travail. Selon Schaufeli et Enzmann
(1998), un entraînement en gestion du temps devrait considérer la clarification des tâches et des responsabilités associées à l’emploi, la
priorisation de celles-ci en fonction des demandes de l’entreprise et des aspirations professionnelles de la personne et enfin, l’identification des
capteurs de temps comme les réunions, les relations interpersonnelles, les appels téléphoniques, etc. La personne est encouragée à réduire
l’impact des capteurs de temps.
L’entraînement des habiletés sociales peut également être un moyen de prévention de l’épuisement professionnel. Lorsque les individus ont de
mauvaises relations en milieu de travail, cela augmente la charge de travail qualitative et réduit considérablement la possib ilité d’obtenir du
soutien social pour mieux s’adapter (Schaufeli et Enzmann, 1998). En aidant les gens à développer leurs habiletés interpersonnelles, ils seront
mieux outillés pour faire face à des situations potentiellement stressantes, comme devoir briser la glace, devoir s’affirmer face à un collègue ou
un supérieur ou même s’adapter aux gens selon leur personnalité, leur culture, leurs valeurs ou leurs attitudes. Parmi les habiletés sociales,
Maslach (1982) mentionne que l’humour est une technique d’adaptation qui s’avère intéressante lorsque bien utilisée.
Finalement, les techniques cognitives-comportementales peuvent également être un moyen de prévention de l’épuisement professionnel. Selon
cette philosophie d’intervention, les réponses émotives ne sont pas provoquées par les situations, mais plutôt par la conception cognitive des
situations selon chaque personne (Schaufeli et Enzmann, 1998). L’évaluation cognitive est une technique utilisée pour enseigner aux individus à
mieux analyser la gravité des stresseurs et à remettre les choses en perspective selon le contexte (Ibid.). Cette technique aide à prévenir un
débordement des cognitions, des émotions et des comportements qui pourraient aggraver encore plus la situation. L’anticipation de scénarios est
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une autre technique cognitive-comportementale pouvant être appliquée. Elle consiste à aider les individus à anticiper les stress avant même leur
apparition. Cette technique est souvent accompagnée d’un exercice de visualisation (Ibid.). En conclusion, ces deux techniques sont des
exemples d’exercices possibles pouvant être effectués avec les clients pour améliorer leur façon d’interagir avec leur environnement de travail
dans une optique de prévention.
Les stratégies de prévention organisationnelle
Le soutien individuel et les groupes de soutien en milieu de travail peuvent être de bons moyens pour prévenir l’épuisement professionnel. Selon
Schaufeli et Enzmann (1998), les réunions d’équipe, lorsque bien organisées, peuvent être un moment pour donner et recevoir du soutien des
autres collègues. Les groupes de soutien devraient engendrer cinq fonctions, soit la reconnaissance des autres, le confort, l’aide, les prises de
conscience et la camaraderie (Ibid.). Une étude récente effectuée par Peterson (2008) auprès de travailleurs dans le milieu de la santé, démontre
que les groupes du soutien utilisant une méthode basée sur la résolution de problèmes s’avèrent efficaces dans la réduction du stress et des
symptômes d’épuisement professionnel. Pour être plus précis, les groupes de soutien ont procuré aux participants la possibilité d’échanger avec
les autres sur des situations similaires, de nouvelles connaissances, un plus grand sentiment d’appartenance, une augmentation de la confiance en
soi, une meilleure structure de travail, un soulagement des symptômes et des changements comportementaux (Ibid.)
Le mentorat peut aussi être un moyen de prévention utilisé pour tenter de réduire les effets du stress chez les employés. À la différence du soutien
individuel, le mentorat implique la participation d’un employé plus expérimenté qui possède une expertise dans un domaine précis et qui offre du
soutien à une personne moins expérimentée (Schaufeli et Enzmann, 1998). Les rencontres de mentorat sont orientées davantage vers la résolution
de problèmes reliés aux tâches plutôt que vers les problèmes interpersonnels (Ibid.). La force du mentorat est qu’il permet de réduire le stress
relié aux charges de travail et de prévenir les conflits de rôles (Ibid.). Une étude de Biswas-Diener (2009), basée sur des expériences personnelles
de mentorat auprès de psychothérapeutes, conclut que le mentorat peut aider à protéger les cliniciens de l’épuisement professionnel. Il observe
que les séances de mentorat ont notamment contribué à remettre l’accent sur les forces des clients et sur la motivation à progresser en tant que
professionnels. Toutefois, comme le mentionne Biswas-Diener (2009), les recherches dans ce domaine sont relativement récentes; des preuves
empiriques restent encore à confirmer.
319
L’utilisation de sondages et de tests est aussi un moyen préventif pour évaluer les effets du stress en milieu de travail. C’est une façon pour les
entreprises d’obtenir des informations sur le climat de travail, le niveau de stress, les attitudes, les réactions et les opinions des employés. Ces
informations influenceront à leur tour le développement de stratégies pour améliorer le bien-être des employés et l’efficacité organisationnelle en
général (Schaufeli et Enzmann, 1998). Les travaux de recherche d’Amherdt (2005), au Québec, ont contribué au développement d’un outil (Bilan
InterQualia) qui répond à l’objectif de mesurer la santé émotionnelle des employés dans l’entreprise. Il existe toutefois plusieurs autres outils
développés par différentes équipes de travail œuvrant dans ce domaine.
La planification de carrière en entreprise est un moyen de prévention pour lequel certaines organisations optent afin de s’assurer que les
employés demeurent en bonne santé émotionnelle et physique. Cette initiative de prévention des entreprises a pour but de stimuler la
planification stratégique des employés pour qu’ils réalisent leurs projets de carrière au sein même de l’entreprise et par-dessus tout, qu’ils
maintiennent un équilibre de vie et une satisfaction au travail pour éviter les conséquences de l’épuisement professionnel. En d’autres mots, c’est
une façon de soutenir les employés dans leur projet de carrière en leur permettant de découvrir et d’analyser les différentes occasions de
développement ou rôles disponibles au sein de l’entreprise (Schaufeli et Enzmann, 1998). Certaines entreprises offriront des possibilités de
formation à leurs employés pour leur permettre d’accéder à de nouveaux postes, tandis que d’autres instaureront un système de promotion
interne.
La vérification psychosociale est un moyen de prévention qui fut également proposé. Tout comme les gens font une vérification de leur santé
physique chez le médecin, Maslach (1982) propose que les entreprises fournissent l’occasion aux employés de rencontrer un professionnel pour
vérifier leur santé psychologique suivant un intervalle d’environ six mois. Parmi les employés qui présentent des symptômes d’épuisement
professionnel, certains pourront être référés pour des traitements et d’autres pourront participer à des ateliers de prévention dans le but d’éviter
que les conséquences prennent une trop grande ampleur.
L’amélioration de la nature du travail est également un moyen pour réduire le stress en milieu de travail. Elle consiste à réagencer le travail lui-
même pour le rendre plus agréable et moins stressant. Ces changements peuvent notamment se faire en ajoutant ou en divisant les tâches, en
ajoutant des ressources (employés, formations, etc.), en réduisant les responsabilités, en effectuant des rotations ou même en modifiant la façon
de faire les tâches (Schaufeli et Enzmann, 1998).
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L’amélioration de l’environnement physique vise aussi à empêcher l’aggravation des symptômes de l’épuisement professionnel (Schaufeli et
Enzmann, 1998). Un bureau sans fenêtre, un manque de luminosité, une mauvaise aération des lieux, des équipements désuets, peuvent tous être
des éléments contribuant à l’aggravation des maux de tête, de l’irritabilité ou de la mauvaise humeur par exemple.
La gestion du temps peut aussi être un moyen utilisé par les entreprises pour prévenir l’épuisement professionnel chez ses employés (Maslach,
1982). Les entreprises possèdent le pouvoir de réorganiser la planification du temps de travail des employés. Des moyens comme les congés
sabbatiques, les journées de repos libres, la réduction du nombre d’heures de travail, l’augmentation des pauses et le travail à temps partiel
peuvent tous faire partie d’une stratégie organisationnelle de réduction du stress et de prévention de l’épuisement professionnel. Son objectif est
la réduction de la charge de travail physique et émotionnelle.
L’embauche et le perfectionnement de gestionnaires efficaces s’avèrent avoir une influence considérable dans le développement d’un
environnement de travail sain et moins stressant. Selon Quick (2007), les gestionnaires efficaces ont une influence positive sur la santé des
employés. Tous ces gens sont en interrelations en milieu de travail. Plusieurs recherches ont été effectuées pour mieux comprendre les styles de
gestion, les types de leadership, les caractéristiques des gestionnaires efficaces dans le but d’améliorer la santé des employés et la santé
organisationnelle de l’entreprise dans sa globalité. Selon Schaufeli et Enzmann (1998), un gestionnaire qui démontre une grande ouverture
d’esprit, une pensée systémique, de la créativité, une efficacité personnelle et une empathie envers ses employés peut lui-même prévenir
l’épuisement professionnel de ceux-ci. Le développement de programmes pour l’amélioration des compétences des gestionnaires est de plus en
plus fréquent sur le marché du travail.
La socialisation anticipatoire, selon Schaufeli et Enzmann (1998), serait un autre moyen de prévention possible pour les entreprises. Ce moyen
préventif consiste à présenter aux futurs employés potentiels une image réaliste de l’environnement de travail pendant les procédures de
recrutement (Ibid.). Cette façon de fonctionner a pour but d’éviter d’engager des employés qui seront malheureux et qui seront plus susceptibles
de souffrir d’épuisement professionnel une fois à l’intérieur de l’entreprise.
L’instauration de programmes de bien-être pour les employés est aussi utilisée par certaines entreprises dans un but de renforcement contre les
effets du stress et de l’épuisement professionnel. Certaines entreprises optent pour des abonnements à des centres de conditionnement physique
offerts aux employés. D’autres vont tout simplement aménager, directement sur les lieux du travail, un endroit qui contient l ’équipement
nécessaire pour le conditionnement physique, la relaxation et autres. Les programmes de bien-être ciblent habituellement un contrôle de la
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pression sanguine, l’arrêt de fumer, la perte de poids, l’augmentation de la forme physique, la réduction des maux de dos, l’éducation à la santé,
la réduction de la consommation d’alcool et la gestion du stress (Schaufeli et Enzmann, 1998).
En conclusion, toutes ces stratégies de prévention organisationnelle peuvent être utilisées. Elles peuvent également faire partie d’une stratégie
d’ensemble intégrée dans un programme organisationnel qui inclurait plusieurs de ces moyens de prévention.
Les interventions de traitement
Lorsque qu’un professionnel rencontre une personne souffrant d’épuisement professionnel sévère qui nécessite un arrêt de travail pour une
longue période de temps, les stratégies préventives ne seront plus suffisantes. Pour Van Schaik et al. (2004), il existe essentiellement deux
options de traitement de premiers soins en matière de dépression majeure et d’épuisement professionnel, qui ont prouvé chacune une efficacité
comparable, soit les psychothérapies et la pharmacothérapie. Toutefois, des études récentes en matière d’efficacité de traitement démontraient
que la combinaison de la psychothérapie et de la pharmacothérapie s’avère plus efficace (Cuijpers et al., 2009; Scott, 2001). Dans la pratique, les
personnes atteintes de dépression et d’épuisement professionnel préfèrent généralement la psychothérapie, alors que les médecins favorisent
plutôt les antidépresseurs (Van Schaik et al., 2004). Le traitement par les antidépresseurs est celui le plus offert parce que la psychothérapie est
souvent moins accessible (Ibid.). Comme le mentionnent Houle et al. (2009), « les psychothérapies n’étant pas couvertes par l’assurance maladie,
il est important de vérifier avec le patient sa capacité à en payer les coûts. Bien que les hôpitaux et les CLSC offrent gratuitement les services de
psychologues, les listes d’attente en entravent souvent l’accessibilité » (p. 29). Toutefois, les employés qui détiennent une assurance privée
peuvent bénéficier d’un remboursement partiel ou en totalité dans certains cas, dépendamment du régime d’assurance.
Les sections suivantes seront encore une fois divisées en trois catégories, soit les stratégies de traitement individuel, interactionnel et
organisationnel. La première catégorie (individuelle) concerne toutes les stratégies qui ne nécessitent pas de se pencher spécifiquement sur les
conditions du milieu de travail, notamment la pharmacothérapie et les traitements complémentaires comme les produits naturels , l’alimentation,
l’exercice physique, etc. La deuxième catégorie, quant à elle, tient compte de l’individu dans son contexte de travail et regroupe les diffé rents
types de psychothérapies. Le positionnement des psychothérapies dans les stratégies de traitement interactionnel vient du fait que selon Lowman
(1993), pour traiter l’épuisement professionnel, les psychothérapies doivent être ajustées en fonction des problèmes du contexte du travail. Enfin,
la dernière catégorie (organisationnelle) fait référence aux stratégies employées par les entreprises elles-mêmes pour traiter les employés en
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épuisement professionnel. Seules les stratégies provenant de la direction même, et dont elle seule a le pouvoir de les entreprendre, seront incluses
dans cette catégorie.
Les stratégies de traitement individuel
La pharmacothérapie, plus particulièrement la prescription d’antidépresseurs, est un moyen de traitement qui a prouvé son efficacité dans le
traitement de la dépression légère, modérée ou grave (Houle et al., 2009). L’avantage lié à cette forme de traitement est que les coûts sont
remboursés totalement ou partiellement par des assurances privées ou gouvernementales, contrairement aux psychothérapies qui nécessitent
majoritairement des assurances privées (Ibid.). Le traitement pharmacothérapeutique peut durer entre 6 et 9 mois et nécessite un suivi médical
régulier pour s’assurer que le traitement entraîne des résultats satisfaisants et peu d’effets secondaires comme les vertiges , les maux de tête,
l’insomnie, les nausées et le gain de poids (Ibid.). Il existe deux générations d’antidépresseurs, mais comme le précisent Qaseem et al. (2008), la
deuxième génération d’antidépresseurs est plus souvent utilisée parce qu’ayant une efficacité similaire et contenant moins de toxicité.
Également, le choix d’un antidépresseur en particulier dépend seulement des effets secondaires parce que les études démontrent que leur
efficacité dans le cas de dépressions sévères est comparable (Ibid.). Ainsi les médicaments comme le Zyban (bupropion), le Seropram
(citalopram), le Cymbalta (duloxetine), le Seroplex (escitalopram), le Prozac (fluoxétine), le Floxyfral (fluvoxamine), le Norset (mirtazapine), le
Nefazodone (serzone), Deroxat/Seroxat/Paxil (paroxetine), Zoloft (sertraline), Desyrel (trazadone) et Effexor (venlafaxine) peuvent tous être
prescrits par le médecin dans le traitement d’une dépression ou d’un épuisement professionnel sévère. Chicoine (2008) apporte toutefois une
précision quant à l’utilisation des antidépresseurs : « Évidemment les psychotropes demeurent utiles dans le traitement de l’anxiété et de la
dépression. Cependant, en ne faisant reposer notre intervention que sur ces agents, nous risquons de nuire au patient, de ne pas venir à bout de ses
symptômes et de lui laisser le message que la réponse à sa souffrance se trouve uniquement dans sa pilule » (p. 72).
Il existe donc plusieurs autres stratégies de traitements individuels complémentaires pouvant être utilisées pour le traitement de l’épuisement
professionnel. Chicoine (2008) précise : « […] pour éviter une augmentation du nombre de médicaments ou pour venir à bout de certains effets
indésirables, plusieurs approches complémentaires se révèlent être des options efficaces et dont les bienfaits sont durables » (p. 67). Les
stratégies complémentaires sont : l’alimentation, l’exercice physique, les habitudes de sommeil, l’utilisation de matériels didactiques, la
relaxation, la luminothérapie et l’utilisation de produits naturels (Ibid.). Comme mentionné précédemment, plusieurs de ces stratégies peuvent
aussi être utilisées de façon préventive. Dans l’optique d’un traitement, elles sont utilisées en complément lorsqu’une personne est déjà en
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épuisement professionnel et qu’elle tente de reprendre des forces tranquillement. Concernant plus particulièrement la luminothérapie, Golden et
al. (2005) ont effectué une méta-analyse de 173 études sur le sujet, dont 20 seulement rencontraient les bons critères d’inclusion. Ils en arrivent
tout de même à la conclusion que la luminothérapie contribue à la réduction de la sévérité des symptômes de la dépression (Ibid.). Pour ce qui est
de l’utilisation des produits naturels, « […] ils sont plus « doux », donc en général mieux tolérés, mais moins puissants, bien qu’on puisse en
augmenter l’efficacité en recherchant les produits contenant des extraits normalisés (extrait actif du produit) » (Chicoine, 2008, p. 69). Selon
Houle et al. (2009), le millepertuis est un produit naturel qui peut s’avérer une option intéressante : « En effet, il est d’une efficacité comparable
aux antidépresseurs, tout en ayant moins d’effets indésirables » (p. 30). Par contre, malgré le fait que les produits naturels entraînent moins
d’effets indésirables, le manque de contrôle de la qualité de ces produits demeure un de ses principaux désavantages (Chicoine, 2008).
Enfin, la réorientation de carrière peut également s’avérer une stratégie de traitement individuel de l’épuisement professionnel. Toutefois, comme
le mentionne Maslach (1982), changer d’emploi peut être coûteux financièrement et psychologiquement; la décision doit donc être prise
consciencieusement en évaluant bien les raisons qui motivent le changement. Si le changement est superficiel, le risque de re trouver le même
genre de situation de travail et de reproduire les mêmes comportements est toujours présent, ce qui ne réduit pas les chances de revivre de
l’épuisement professionnel (Ibid.).
Les stratégies de traitement interactionnel
Il existe plusieurs types d’interventions psychologiques pouvant être utilisées autant dans le traitement de l’épuisement professionnel que de la
dépression. Évidemment, le regard présenté ici demeure encore une fois non exhaustif si l’on prend en compte toutes les formes de traitement qui
pourraient exister. Au départ, il est reconnu que les thérapies cognitives-comportementales s’avèrent des traitements efficaces pour les personnes
en dépression ou souffrant d’un trouble de l’anxiété (Scott, 2001). Il est également considéré que l’efficacité de ces traitements est applicable au
traitement de l’épuisement professionnel et du stress lié au travail (Blonk et al., 2006). De plus, une méta-analyse effectuée par Van der Klink
(2001) démontre que les approches cognitives et comportementales sont plus efficaces sur le plan de l’intervention sur le stress comparativement
aux techniques de relaxation, aux approches multimodales et aux interventions organisationnelles. Parmi les thérapies cognitives et
comportementales qui seront détaillées, il y a la thérapie cognitive de Beck, la thérapie rationnelle-émotive d’Ellis et le programme néerlandais
de traitement de l’épuisement professionnel.
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La thérapie cognitive de Beck est une approche utilisée en matière de traitement de la dépression et de l’épuisement professionnel. Selon
Chambless et al. (1998), la thérapie cognitive est un traitement validé empiriquement qui répond aux critères d’efficacité particulièrement dans le
traitement de la dépression. Cette thérapie, développée dans les années 1960 par Aaron T. Beck, repose sur dix principes (Beck, 1995) : est basée
sur une formulation du problème en termes cognitifs; nécessite une bonne alliance thérapeutique; mise sur la collaboration et la participation
active; est orientée vers l’atteinte d’objectifs et la résolution de problèmes; porte surtout sur le présent de la personne; privilégie un cadre
d’intervention éducatif comportant des enseignements pour que les clients soient leur propre thérapeute (prévention); est limitée dans le temps;
fonctionne avec des sessions qui sont structurées; aide les clients à identifier, à évaluer et à réagir à leurs croyances irrationnelles, tout en
nécessitant l’utilisation d’une variété de techniques pour changer les pensées et les comportements. Plus spécifiquement, elle consiste à effectuer
des modifications de raisonnement chez le client afin de produire une amélioration des pensées, des émotions et des comportements (Beck,
1995). En lien avec l’épuisement professionnel, la thérapie cognitive postule que les individus en sont vulnérables à cause des croyances
irrationnelles et dysfonctionnelles qui résultent des expériences d’apprentissage (Scott, 2001).
L’approfondissement des croyances principales et intermédiaires et des pensées automatiques permettra au thérapeute et à son client de mieux
comprendre les liens avec les réactions émotives, comportementales et physiologiques. Toujours selon Beck (1995), une fois que les croyances
principales et intermédiaires sont identifiées, les pensées automatiques deviennent relativement assez prévisibles. Ainsi, l’évaluation de la
validité et de l’utilité des pensées automatiques et l’apprentissage de nouvelles techniques d’adaptation produisent donc un changemen t chez
l’individu en général. En terminant, il est important de mentionner que plusieurs techniques sont employées en lien avec la thérapie cognitive, par
exemple les devoirs entre les sessions, des techniques de questionnement, l’enseignement, la gradation des émotions ou même des
expérimentations pour tester les croyances, etc.
La thérapie rationnelle-émotive d’Ellis est une autre forme de thérapie cognitive et comportementale qui peut également servir en matière de
traitement de l’épuisement professionnel. L’étude de Malkinson (1997) auprès de femmes cols bleus en démontre notamment l’eff icacité.
Comparativement au groupe témoin, les femmes qui avaient eu droit aux séances affichaient des niveaux d’épuisement professionnel plus bas
immédiatement après les séances, mais également un an plus tard (Ibid.). La thérapie rationnelle-émotive, tout comme la thérapie cognitive de
Beck, partage la vision que les pensées et les croyances irrationnelles mènent au stress. La restructuration des cognitions permettra donc de
réduire le stress (Schaufeli et Enzmann, 1998). Toutefois, pour Ellis (1987), le développement des difficultés psychologiques n’est pas tant lié à
l’impact des événements de la vie sur la personne, mais plutôt à des tendances biologiques à penser de façon irrationnelle. Pour prouver son point
de vue, il apporte quelques arguments, par exemple : même les gens les plus brillants et compétents démontrent des irrationalités; plusieurs des
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comportements irrationnels vont à l’encontre des apprentissages de nos parents, de la société, etc.; les psychothérapeutes eux-mêmes,
supposément des modèles de rationalité, agissent de façon irrationnelle dans leur vie privée. Ainsi, selon sa conception, aucune personne n’est à
l’abri de pensées irrationnelles et dysfonctionnelles. Toutefois, chaque être humain possède une capacité à faire des choix e t à changer ses
pensées nocives (Ibid.). La thérapie rationnelle-émotive est décrite selon une structure A-B-C-D-E (Beck, 2005; Schaufeli et Enzmann, 1998):
A – Activating : ce sont des événements qui aident ou entravent l’atteinte d’objectifs personnels. Les individus chercheront à répondre à ces
événements activateurs.
B – Beliefs : les événements activateurs provoqueront donc un effet sur les croyances de l’individu.
C – Consequences : ces croyances entraîneront à leur tour des conséquences émotionnelles et comportementales chez l’individu. Les
croyances sont donc les médiateurs entre les événements activateurs et les conséquences émotionnelles et comportementales.
D – Disputing, Debating, Discriminating, Defining : l’utilisation de techniques permettra de remettre en question les croyances irrationnelles
qui ont mené aux conséquences.
E – Effect : les techniques utilisées auront des effets, à leur tour, sur la philosophie de la personne, dans le but de favoriser des réflexions plus
rationnelles et constructives.
Pour intervenir sur l’épuisement professionnel, le conseiller mettra l’accent sur les événements qui ont activé les croyances dysfonctionnelles. Il
tentera par la suite, grâce à certaines techniques cognitives, émotionnelles et comportementales, de modifier les croyances qui viennent entraver
l’atteinte des objectifs de la personne. Parmi les techniques utilisées, il y a notamment l’utilisation de l’humour, l’imager ie, les jeux de rôles, la
socialisation en groupe, le discours avec soi-même, l’acceptation inconditionnelle, l’entraînement des habiletés, etc. (Beck, 2005).
Selon l’étude de Jenkins et Palmer (2003), l’approche multimodale de Lazarus, combinée avec la thérapie rationnelle-émotive d’Ellis, peut
également être une approche psychothérapeutique qui s’avère efficace dans le traitement des difficultés liées au stress. L’approche multimodale
est basée sur la croyance que peu de ces problèmes sont causés par un seul facteur à la fois (Ibid.). Ainsi, selon cette conception, la détresse
psychologique doit être abordée de façon multidimensionnelle.
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L’approche multimodale fournit principalement un cadre d’exploration et de compréhension de la problématique liée au stress en fonction de
plusieurs dimensions (comportementale, affective, interpersonnelle, biologique, sensorielle, cognitive et imaginale). Cette approche est
considérée comme étant systémique par sa nature. L’ajout de la thérapie rationnelle et émotive d’Ellis dans le processus thérapeutique est
principalement lié à l’intervention avec les clients. Les différentes techniques cognitives, émotionnelles et comportementales viennent s’ajouter
en fonction des difficultés identifiées par l’approche multimodale.
Le programme néerlandais de traitement de l’épuisement professionnel est également basé sur les principes de la thérapie cognitive et
comportementale et repose fortement sur des procédures d’auto-observation et d’auto-évaluation. Le programme est composé de quatre étapes
distinctes : réduction des symptômes; compréhension de la personnalité; identification des problèmes liés au travail; anticipation du futur.
La première étape consiste à réduire immédiatement les symptômes ciblés par le client, notamment l’épuisement émotionnel et physique,
l’incapacité de relaxer, les problèmes de sommeil, l’irritabilité et autres symptômes physiques. Ces symptômes sont traités grâce à des techniques
cognitives et comportementales connues comme la relaxation ou l’activation graduelle par exemple. La deuxième étape consiste à bien
comprendre la personnalité distincte de la personne en consultation. En utilisant des techniques comme l’évaluation cognitive ou la thérapie
rationnelle-émotive de Ellis, les clients apprennent à mieux se connaître et à identifier les traits de personnalité qui peuvent causer des problèmes.
La troisième étape consiste à élaborer un plan détaillé de retour au travail avec les personnes responsables dans l’entreprise. Une fois dans
l’entreprise, le client est encouragé à effectuer des auto-observations en utilisant un carnet dans lequel il doit noter les problématiques
rencontrées, notamment les charges de travail, les conflits interpersonnels, les conflits de rôles ou même le manque de soutien social. Il est aussi
encouragé à discuter des difficultés directement avec son superviseur. La dernière étape, quant à elle, consiste à discuter de techniques de
prévention avec le client. L’anticipation des situations qui pourraient réactiver l’épuisement professionnel chez le client et l’élaboration d’un plan
pour une vie plus saine et équilibrée sont des sujets abordés. Les questions sur le rôle du travail et son importance sont soulevées selon une
perspective existentielle (Schaufeli et Enzmann, 1998).
327
Autres types d’intervention de traitement interactionnel
La thérapie interpersonnelle a aussi prouvé son efficacité en matière de traitement de la dépression (Weissman et al., 2000). Selon Blatt (2000),
les thérapies interpersonnelles sont aussi efficaces que les thérapies cognitives et comportementales après un suivi sur 18 mois. De plus, les
individus interrogés, après avoir expérimenté la thérapie interpersonnelle, mentionnent avoir ressenti davantage de satisfaction générale par
rapport au traitement que ceux ayant suivi une thérapie cognitive et comportementale (Ibid.). L’emphase de cette thérapie est axée sur le lien
entre les réactions et les relations interpersonnelles du client, tout en tenant compte du rôle des facteurs génétiques, biochimiques,
développementales et de la personnalité comme causes ou vulnérabilités à la dépression (Weissman et al., 2000). La thérapie interpersonnelle
comporte essentiellement trois phases (Ibid.).
La première phase (de 1 à 3 sessions) consiste à effectuer une évaluation diagnostique qui servira d’assise pour le traitemen t et les formalités
importantes, comme le droit de s’absenter du milieu de travail par exemple. Elle consiste également à examiner en détail les relations
interpersonnelles du client et son fonctionnement social en général. Elle inclut aussi un temps pour expliquer au client ce qu’est une dépression
ou un épuisement professionnel. Enfin, l’intervenant conclut avec une formulation du problème qui lie la dépression du client à une des quatre
situations de relations interpersonnelles problématiques suivantes : le deuil à la suite de la mort d’un proche; les disputes de rôles tels que les
conflits avec la conjointe, les collègues, les amis proches ou les autres connaissances; les rôles transitoires tels que le début d’une nouvelle
carrière, une promotion, la retraite ou même à la suite d’un diagnostic médical; enfin, les déficits interpersonnels tels que le manque d’habiletés
sociales occasionnant des difficultés à démarrer et à conserver des relations.
La deuxième phase consiste à développer des stratégies adaptées en fonction de la problématique selon les quatre situations de relations
interpersonnelles nommées ci-haut. Parmi les stratégies utilisées dans la thérapie interpersonnelle, il y a notamment l’exploration des sentiments
sans jugement, la reconstruction des relations, le développement de la vigilance, la facilitation de l’expression des affects, les stratégies de
communication, l’évaluation des anciens rôles et l’établissement de soutiens sociaux. La dernière phase, quant à elle, consis te à encourager le
client à reconnaître et à consolider les gains thérapeutiques obtenus lors des sessions préalables. Elle vise également le développement des
habiletés à prévoir, à identifier et à contrer les symptômes dépressifs qui pourraient survenir dans le futur.
Selon Pines (1993), l’épuisement professionnel réside dans la perte de sens d’une personne face à son existence. L’approche psychoanalytique-
existentielle qu’elle propose implique entre 12 et 24 sessions de 50 minutes qui incluent l’exploration de l’enfance, des expériences de jeunesse
328
traumatisantes, des métiers des parents, de la relation avec les parents et la famille, des rêves de métiers, de la relation entre le métier choisi et les
origines enfantines, de l’historique d’emploi, des buts professionnels et des liens entre l’enfance, l’emploi actuel et l’épuisement professionnel
vécu (Pines, 2002). Plus précisément, elle précise que les choix de carrière qui mènent certains individus à une perte de sens existentiel sont
influencés par des forces inconscientes qui sont liées à des difficultés remontant à l’enfance et qui ont un effet sur le présent. Son approche vise
donc principalement un retour dans les expériences traumatisantes de l’enfance pour mieux comprendre leurs influences au présent (Ibid.). Des
besoins d’admiration, de reconnaissance et de contrôle, par exemple, influencent grandement le développement de l’épuisement professionnel.
Elle cite notamment l’exemple de l’enseignante qui devant l’indiscipline et l’insouciance de ses élèves, souffre profondément du manque de
reconnaissance à son travail (Ibid.). Les trois étapes du traitement sont les suivantes (Pines, 2002) : 1) identifier les raisons conscientes et
inconscientes qui ont influencé le choix de carrière des individus et préciser ce que le choix de carrière était supposé leur procurer en termes de
signification existentielle; 2) identifier les raisons de l’échec des individus à donner un sens à leur existence et spécifier la relation avec
l’épuisement professionnel; finalement 3) identifier les changements possibles qui permettraient de retrouver un sens existentiel dans le travail.
En terminant, elle précise que son approche, qui est un croisement entre les théories psychanalytiques et existentialistes, devrait faire l’objet de
nouvelles études d’efficacité comparatives avec les autres approches.
À la suite d’une recherche qualitative auprès de 36 travailleurs québécois rencontrant les critères adéquats du trouble de l’adaptation du DSM IV,
Bernier (1998) propose un processus de traitement pour les gens souffrant d’épuisement professionnel sévère comportant six phases. Le
processus de recouvrement est long et peut durer de 1 à 3 ans. Il peut être illustré de la façon suivante :
329
Tableau 7
Processus de traitement de l’épuisement professionnel sévère de Bernier
Phases Stratégies d’adaptation
1 Admettre le problème
2 Se distancier du travail
3 Rétablir la santé
4 Questionner les valeurs
5 Explorer les possibilités d’emploi
6 Provoquer un changement
Source : Bernier (1998), p. 56, 57, 58 et 59.
La première phase consiste à aider le client à admettre le problème. Les personnes interviewées ont admis avoir eu de la difficulté à simplement
reconnaître qu’il y avait bel et bien un problème qui nécessitait un arrêt de travail. La reconnaissance du problème est graduelle et le déni peut
durer quelques semaines, voire quelques mois. La deuxième phase consiste à convaincre la personne de quitter la source de stress pendant un
moment pour reprendre des forces. La difficulté de prendre cette décision est souvent liée à la diminution du revenu pendant la période de
convalescence. Elle dépend de beaucoup de facteurs, comme les niveaux d’endettement, les programmes d’assurance, etc. Une fois que la
distanciation de la source de stress est effectuée, une troisième phase de recouvrement de la santé sera entreprise. Elle vise deux objectifs
distincts, soit la réduction des tensions (relaxation physique, émotionnelle et intellectuelle) et un regain de joie de vivre grâce à des activités
graduelles et surtout stimulantes pour la personne. La quatrième phase sera plutôt axée sur le questionnement des valeurs. C’est un temps pour
réfléchir et revoir en profondeur l’interaction entre le fonctionnement psychologique de la personne (cognitions, émotions, comportements) et
son environnement. Le conseiller tentera de comprendre les anciennes valeurs qui, pour certaines d’entre elles, seront remplacées par de
nouvelles valeurs. Selon Bernier (1998), le temps accordé à cette phase est le plus difficile à prévoir. Elle est souvent difficile et provoque des
incertitudes et des doutes chez la personne. La cinquième phase, quant à elle, visera l’exploration des nouvelles possibilités d’emploi en fonction
des nouvelles valeurs de la phase précédente. Dans certains cas, ce sera l’exploration des possibilités au sein de la même entreprise (modification
de tâches, de rôles, etc.), et pour d’autres, ce sera l’exploration de nouvelles possibilités de carrière dans une nouvelle entreprise. Finalement, la
sixième et dernière phase consiste à prendre une décision et à provoquer un changement. Pour les personnes qui décident de retourner à leur
ancien emploi, elles devront s’assurer de créer un changement à leur retour afin d’éviter de revivre les stress déjà vécus. Les personnes pourront
330
par exemple demander à travailler à temps partiel, à se faire enlever certaines tâches, demander de la formation supplémentaire, etc. Pour celles
qui décident de changer d’emploi, l’important sera de s’assurer d’éviter des conditions similaires à l’ancien emploi. Ceci étant dit, Bernier (1998)
observe que ceux dont les obligations financières sont plus importantes auront tendance à retourner pour leur employeur actuel et ceux qui ont
plus de flexibilité changeront majoritairement d’emploi.
Dans le même ordre d’idées, Lafleur (1999) propose également un processus de traitement pour les gens souffrant d’épuisement professionnel.
Toutefois, contrairement à Bernier (1998), Lafleur distingue deux formes de traitement, soit les convertis et les invertis. La première forme
(convertis) est axée sur la résolution objective des problèmes. Comme le mentionne Lafleur (1999), « les épuisés qui recherchent cette voie de
traitement sont habituellement des êtres très rationnels » (p. 184). Ce sont des gens qui accepteront beaucoup plus difficilement de creuser à
l’intérieur d’eux-mêmes et de prendre contact avec leurs émotions. Ils vont plutôt opter pour des changements logiques, de nouvelles règles de
conduite et se centreront essentiellement sur l’action (Ibid.). Comme le précise Lafleur, cette stratégie est efficace à court terme, mais elle
comporte le risque de ne pas être suffisante : « Le danger, c’est que les convertis continuent souvent d’être rigides. Même s’ils endossent un autre
mode, une autre culture, ils se basent encore sur des principes et adoptent de nouveaux stéréotypes. Jusqu’à un certain point, cela les limite
encore » (p. 185). C’est pourquoi il y a une deuxième forme de traitement (invertis) qui vise la recherche intérieure. Lafleur (1999) mentionne :
C’est une démarche plus personnelle et plus profonde que la précédente, mais elle est plus longue et, souvent aussi, plus
douloureuse, car elle est faite de remises en question et de contacts avec de vieilles blessures. Les gens qui acceptent de s’y engager
feront leurs nouveaux choix de vie non pas à partir de nouvelles normes extérieures, mais plutôt en se basant sur leur désir de
développement personnel, parfois aussi sur leur désir de développement spirituel; mais dans tous les cas, ils s’appuieront sur des
conclusions intérieures (p. 187).
Cette deuxième forme de traitement n’est toutefois pas convenable pour tout le monde, car certaines personnes se sentent « […] souvent
angoissées quand elles explorent leurs émotions et elles ne voient pas trop où ça pourrait les mener. Elles s’opposent donc assez rapidement à ce
traitement. » Ceci fait dire à Lafleur (1999) que les deux formes de traitement peuvent être efficaces. Toutefois, la combinaison des deux formes
de traitement s’avère plus optimale.
331
À la suite de la logique des deux formes de traitement (convertis et invertis), Lafleur propose une démarche de traitement des gens souffrant
d’épuisement professionnel qui comporte neuf étapes, dont un tronc commun au départ. Voici un tableau qui présente le processus de traitement
des gens souffrant d’épuisement professionnel :
Tableau 8
Processus de traitement de l’épuisement professionnel de Lafleur
Accepter la convalescence (1)
Accepter l’échec (2)
Accepter l’affront (3)
Convertis Invertis
Réprimer sa douleur (4) Exprimer sa douleur (4)
Comprendre (5) Comprendre (5)
Travailler ses dépendances (6) Travailler ses dépendances (6)
Se préparer à un retour au travail (7) Intégrer les différents morceaux
de sa vie (7)
Reprendre le travail (8) Reprendre le travail (8)
Maintenir ses résolutions (9) Poursuivre le développement
personnel (9)
Source : Lafleur (1999), p. 191 à 199.
La première étape consiste à lâcher prise par rapport au travail et à accepter de prendre du temps de repos. La deuxième étape vise l’acceptation
pour la personne de son incapacité à faire face aux tâches qui étaient demandées. La troisième étape fait plutôt référence aux sentiments de colère
envers la direction et les collègues qui émaneront dans le processus et à leur apaisement. Ensuite, c’est à ce moment que la direction du
traitement (convertis ou invertis) sera influencée en fonction des caractéristiques du client.
Si la forme de traitement converti est privilégiée, l’étape suivante sera de se servir de la douleur pour entrevoir de nouvelles résolutions afin
d’éviter que cela ne se reproduise. La compréhension logique des événements et des causes initiera ensuite le développement de nouvelles
332
stratégies d’adaptation en milieu de travail. Finalement, les dernières étapes seront axées sur la préparation, la mise à l’essai de ces nouvelles
stratégies d’adaptation en milieu de travail et leur maintien au quotidien pour éviter à nouveau les conséquences possibles. Par contre, si la forme
de traitement inverti est privilégiée, les étapes suivantes seront différentes. L’expression de la douleur sera encouragée à ce moment du
processus. La compréhension des souffrances du passé sera aussi explorée pour faciliter les liens avec les difficultés actuelles du client. Cette
compréhension va provoquer un changement immédiat dans la vie de la personne qui cherchera à modifier son contact avec la vie, avec les autres
et développera de nouvelles perspectives, notamment dans l’optique d’un éventuel retour au travail. Les dernières étapes concernent surtout le
retour au travail, le cas échéant, mais surtout le maintien des nouvelles valeurs dans le temps.
En conclusion, ce processus de traitement proposé par Lafleur pourrait également être un outil employé dans le traitement des gens souffrant
d’épuisement professionnel. Il a la particularité de faire la différence entre servir des gens qui acceptent l’introspection et des gens qui souhaitent
un processus plus rationnel et moins émotionnel.
Les stratégies d’intervention de traitement organisationnel
Au-delà des stratégies préventives, les entreprises ont également des moyens à leur disposition pour intervenir en matière de traitement d’une
personne qui souffre d’épuisement professionnel sévère et qui nécessite malencontreusement un arrêt de travail.
L’instauration d’un programme d’aide aux employés (PAE) est un de ces moyens. Il est défini comme étant :
[…] un programme systématique et planifié en vue d’assurer une assistance professionnelle aux employés qui éprouvent des
problèmes reliés à l’abus d’alcool ou de drogues, qui sont affectés par des troubles d’ordre émotif ou qui traversent une période de
crise (matrimoniale, familiale, financière ou légale) dont l’effet est de perturber leur rendement au travail (Savoie, 1989, p. 113).
À l’origine, les programmes d’aide aux employés avaient été conçus pour venir en aide aux gens avec des problèmes de consommation d’alcool
(Rhéaume, 1996). Toutefois, l’augmentation des problèmes liés à la santé mentale a provoqué des ajustements sur le plan des services offerts afin
d’inclure les difficultés psychologiques liées au travail et à la vie privée (Ibid.). Il existe essentiellement trois formes de programme d’aide aux
employés (Ibid.) :
333
a) Les P.A.E. internes/externes : reçoivent les demandes d’aide à l’interne au départ pour ensuite référer à des ressources contractuelles. C’est
la forme la plus répandue au Québec.
b) Les P.A.E. externes/externes : toutes les demandes sont traitées à l’externe par des ressources contractuelles.
c) Les P.A.E. internes/internes : toutes les demandes sont traitées à l’interne seulement. C’est la forme la moins utilisée présentement dans les
entreprises québécoises.
Ces programmes d’aide aux employés peuvent donc être des moyens pour les entreprises pour venir en aide à leurs employés et s’assurer de leur
rétablissement. Toutefois, ce ne sont pas toutes les entreprises qui se prémunissent d’un tel programme; ce sont majoritairement les grandes
entreprises (Ibid.).
Idéalement, une procédure de retour au travail d’un employé ayant souffert d’épuisement professionnel devrait faire partie intégrante de chaque
programme de traitement (Schaufeli et Enzmann, 1998). La réhabilitation est cruciale puisque, selon les résultats de certaines recherches, la
plupart des employés qui ont souffert d’épuisement professionnel ne retournent pas à leur ancien emploi ou ne restent que quelque temps pour
quitter par la suite (Ibid.). Tous les professionnels impliqués devraient s’entendre sur un plan de réhabilitation qui inclut une exposition graduelle
aux charges de travail, une réduction du nombre d’heures (temps partiel) et une adaptation de certaines tâches (Ibid.). Pour Blonk et al. (2006), le
retour à temps partiel devrait se faire assez rapidement puisque selon les résultats de son étude, il contribue davantage à un éventuel retour à
temps complet. Toutefois, ce retour doit être effectué en combinant des interventions individuelles et organisationnelles en même temps que le
retour à temps partiel (Ibid.).
Dans certains contextes de travail, les entreprises peuvent offrir aux employés qui reviennent au travail à la suite d’un épuisement professionnel,
de changer complètement de poste ou même d’organisation, ce qu’on appelle aussi des transferts et des réaffectations (Schaufeli et Enzmann,
1998). Un changement d’organisation signifie plus particulièrement un transfert vers une autre succursale affiliée à l’entreprise qui peut se
trouver dans une autre ville par exemple. Ces stratégies de transfert et de réaffectation sont habituellement offertes lorsque la réhabilitation
s’avère très difficile, voire impossible dans l’ancien poste de l’employé (Ibid.). Elles ont une visée curative puisque qu’elles visent l’éloignement
de la source du stress et le nouveau départ dans une autre organisation qui peut présenter des conditions parfois différentes (meilleures relations
de travail, avec le supérieur immédiat, etc.).
334
Acquis de counseling en maitrîse en carriérologie
Virginie Brodeur, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM
Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière, UQÀM
Au cours des études au baccalauréat en développement de carrière et de maîtrise en carriérologie, plusieurs approches du counseling sont
enseignées. Parmi celles-ci trois ont plus particulièrement retenues mon intérêt, soit l’approche orientée vers les solutions (O’Hanlon et Weiner-
Davis, 1995), l’approche d’analyse des projets personnels (Little et Chambers, 2000) et celle de la psychologie positive (Sel igman, 1993;
Mandeville, 2005). Cet article expose ces trois approches, sans prétention d’exhaustivité, puis présente la manière dont j’ai intégrée celles-ci au
sein d’une démarche-type de counseling de carrière.
L’approche orientée vers les solutions
Pour O’Hanlon et Weiner-Davis (1995), il vaut mieux s’attarder à rechercher des solutions aux problèmes que des problèmes aux solutions. C’est
ainsi que l’approche orientée vers les solutions propose des interventions axées sur la mobilisation d’objectifs, de solutions et de ressources
personnelles. Les conflits du passé sont rapidement explorés pour donner place aux perspectives présent-futur. Parmi ses stratégies
d’intervention, il est à noter la question miracle, les moments d’exception et la prescription de comportements tolérables. La question miracle
consiste à déplacer la situation problématique perçue par le client dans un lieu et un temps fictifs où serait résolue celle-ci. Lors d’une rencontre
où j’ai fait usage de la question miracle, j’ai pu constater que le fait que ma cliente s’imagine ne plus être aux prises avec ses difficultés et avoir
atteint son objectif permettait de mobiliser chez elle l’espoir du changement et le désir d’agir dans cette direction. Quant à la technique de
recherche de moments d’exception, il s’agit de trouver des expériences de vie où le problème relaté parle client n’est pas vécu de façon
problématique. Ensuite, le conseiller examine avec le client les ressources déployées et les conditions présentes à ces moments pour voir
comment les transférer au contexte actuel faisant problème. Les solutions peuvent être présentes sans que la personne s’en rende compte. Suite à
cette prise de conscience, une personne peut essayer de les reproduire lorsque la situation réapparaîtra. La prescription de comportements
tolérables s’appuie sur la notion de changements à petits pas où la personne est invité à faire l’essai de comportements minimalement à risque,
335
plus garant d’une hausse de l’estime et de la confiance en soi. Au cœur de l’approche centrée sur les solutions se retrouve une relation de
collaboration (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995) où le client y est considéré comme l’expert de sa situation puisque c’est lui qui définit ses
propres objectifs de changement et qui mène les actions de recherche de solutions à sa problématique.
L’approche d’analyse de projets personnels
Pour Little et Chambers (2000), tous nos projets témoignent de préoccupations à l’égard du présent et du futur, de même qu’intentions d’actions
et de sens propres à la personne. La réalisation de projets témoigne de la volonté d’actualisation de soi de l’individu. Ainsi, en examinant les
caractéristiques, les aspects positifs et négatifs, la faisabilité, les significations, ainsi que les dimensions des projets personnels entretenus par la
personne, le conseiller peut alors adapter ses interventions au fonctionnement psychologique et ressources de la personne. Là encore, la relation
conseiller-client porte sur l’engagement du client dans sa démarche et la mobilisation active de ses ressources personnelles. Elles laissent plutôt
la place aux possibilités, ce qui est davantage encourageant et positif pour la personne. Les projets personnels dévoilent beaucoup d’informations
sur le client puisqu’ils sont entre autre le reflet de ses constructions personnelles et de l’environnement dans lequel le cl ient évolue. Un avantage
important de l’approche est de faciliter l’implication de personnes plus réservées ou plus limitées au plan du vocabulaire. Je crois qu’un client
ayant de la difficulté à s’ouvrir au plan affectif sera plus à l’aise de discuter d’abord des projets personnels qu’il entretient et, de ce fait, sera plus
enclins par la suite à préciser ses pensées ou ses émotions à leurs égards.
La psychologie positive
Chacun possède en lui des forces souvent cachées par les difficultés vécues par l’individu. Lorsque nous vivons des moments de faiblesses, nous
avons tendances à oublier nos forces. La psychologie positive souhaite faire prendre conscience aux personnes de ces moments plus difficiles où
des ressources personnelles furent mises en action pour passer au travers. Il s’agit là d’une vision positive de nous-mêmes soulignant notre
capacité d’affronter et de surmonter nos difficultés. La psychologie positive se pose en opposition de certains courants plus traditionnels de la
psychologie qui focalisent leurs actions sur les maux, les difficultés et réparations requises chez la personne. À l’inverse, la psychologie positive
mise sur les forces humaines, sur l’attention portée aux émotions, ainsi que les expériences positives vécues pouvant être source d’espoir et
d’optimise pour l’avenir (Mandeville, 2005). Elle pose un regard sur les comportements et les traits de caractères associés au bonheur d’un
individu tels que le courage, la persévérance et la sagesse par exemple.
336
Concevoir le processus par ces trois approches
Ma conception du counseling de carrière porte sur une démarche-type de quatre à cinq rencontres où l’accent des interventions porte
essentiellement sur les ressources positives et l’individualité de la personne et sur la recherche constante d’un fil conducteur à l’expérience
subjective de la personne. Dès l’accueil du client et de sa demande, il est primordial de veiller à l’établissement d’une all iance de travail et d’un
climat de confiance sain entre le conseiller et son client. À cela s’ajoute l’importance de recenser les démarches réalisées, les obstacles
rencontrés, les impacts recherchés par rapport à un objectif de changement clairement identifié. À partir de là, une exploration du parcours de vie
de la personne sur les plans personnels, professionnels et scolaires est réalisée au regard des trois dimensions de la personne que sont les
ressources personnelles, le fonctionnement psychologique et les conditions du milieu (Cournoyer, 2010; OCCOQ, 2010).
À ce moment, le conseiller mise sur des compétences relationnelles telles que les reflets de vécu cognitif, affectif, comportemental et somatique,
des questions exploratoires visant à spécifier, de résumés, d’apports d’information ajustées au bon moment psychologique, sinon à étendre la
perspective d’un enjeu donné, de même que l’emploi de questionnaires, d’exercices de connaissance de soi et de l’environnement, ainsi que de
projets personnels (Cournoyer, 2010). De plus, il est préférable de focaliser sur le moment présent et sur l’avenir en termes de possibilités. À
mesure que progresse la collaboration conseiller-client, il devient possible de saisir ensemble la dynamique subjective et intersubjective de ce
dernier. Il est essentiel que le client se sente interpellé par le processus. Également, l’exploration de la dynamique globale du client pourra
permettre un passage vers des enjeux plus centraux chez ce dernier au-travers de prises de conscience à l’égard de ses ressources intérieures. Au
moment où une forte mobilisation de ces dernières est présente, il devient alors possible de mieux donner sens aux différentes options de choix,
de projets ou de changements d’études, de professions ou de secteurs d’emploi par le client. Également, le client alors plus conscient de ce qu’il
vit, ce qu’il traverse et surtout des moyens pour s’en affranchir pourra alors préciser un plan d’action éclairé et engagé. Enfin, plusieurs
compétences relationnelles peuvent être utilisées de façon à être en résonance avec le client dans une démarche d’orientation . En début de
processus, afin de créer une alliance thérapeutique et une relation de confiance avec le client, les compétences relationnelles de base sont
essentielles à employer. Il s’agit de la présence et de l’écoute, de l’empathie, de la spécificité, de l’authenticité et du respect (Egan, 2005)
Lorsque nous sentons, en tant qu’intervenant, que la relation est bien établie, la confrontation peut alors être utile pour travailler les
généralisations, les dissonances ou encore les ambiguïtés au sein des propos du client. À tout moment au cours du processus de counseling, mais
en particulier lors de la phase de l’exploration, il est nécessaire en tant que conseiller, de mobiliser des compétences rela tionnelles dites
spécifiques telles que les reflets empathiques, les questions ouvertes et les résumés (Egan, 2005). Le reflet empathique renvoie au client ce que
l’on a compris de son monde et ainsi valider notre compréhension. Il permet également de témoigner soulever le positif chez le client. Pour sa
337
part, la question ouverte permet de favoriser un discours libre et sans fermeture tout en permettant l’exploration. Les moments d’exception et la
question miracle sont de bons exemples de questions ouvertes. Enfin, le résumé permet une synthèse de notre compréhension du monde de notre
client. Il s’agit d’amasser l’information recueillie afin de dégager les éléments à retenir dans le discours de notre client, puisqu’en phase
d’exploration, une quantité importante d’information est habituellement dégagée. Enfin, les compétences relationnelles peuvent être additives ou
non additives. Au cœur de cette démarche d’aide au regard de la carrière, la relation de confiance demeure la fondation sur laquelle le conseiller
pourra employer des compétences relationnelles plus additives au plan du contenu avancé.
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