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Remerciements :

Je tiens à remercier tout particulièrement Monsieur Nestor- Joseph KUAGBENU, directeur

de l’association LUPAJOTE pour son accueil au sein de son association, ainsi que Mr Kofa

Moteste et Mlle Alice Deka pour leur aide et leur disponibilité durant toute cette mission.

Je remercie également Mr Elisé, le pasteur du village, sa femme ainsi que Mr Antoine (le

chef du village d' Adjako) sans qui cette mission n'aurait jamais été envisageable. Je salue leur

extrême gentillesse et leur accueil très chaleureux qui ont nettement facilité l'adaptation au

quotidien villageois.

Enfin, je tiens à témoigner ma reconnaissance à Madame de Sède-Marceau qui m'a guidé

lors de ma recherche du stage et tout au long de l'élaboration de ce rapport de stage.

RAPPORT DE STAGE

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Sommaire :

Remerciements

Table des sigles

Introduction

I ) Un enjeu éducatif complexe dans les pays du Sud =

A) Une préoccupation placée au rang des priorités des politiques de développement :

B) Des besoins qui restent considérables :

C) Une gestion encore très précaire :

II ) La thématique scolaire au Togo =

A) État des lieux général : quelle politique éducative au Togo ?

B) Un pays marqué par de profondes disparités :

C) La question contemporaine des EDIL : essor des initiatives scolaires rurales :

III ) Projet de développement : la mission de gestion éducative effective =

A) Cadre général d'accomplissement du stage :

B) Description des missions :

IV) Bilan tiré après les diverses missions =

A) Difficultés récurrentes rencontrées :

B) Bénéfices tirés de cette expérience :

Conclusion

Bibliographie

Annexes

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Table des sigles =

– CFPD : Centre Français sur la Population et le Développement

– EDIL : École d' Initiative Locale

– EPT : Éducation Pour Tous

– F CFA : Franc Communauté Financière Africaine

– FMI : Fond Monétaire International

– LUPAJOTE : Lutte pour la Paix et la Joie sur Terre

– OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économique

– ONG : Organisation Non – Gouvernementale

– PNUD : Programme Nations Unies pour le Développement

– UNESCO : United Nations Educational Scientific and Cultural Organization

– UNICEF : United Nations International Children's Emergency Fund

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Introduction :

J'ai effectué mon stage de fin d'études qui achève officiellement ce Master 2 au sein de

l'organisme humanitaire togolais Lupajote, basé à Lomé. Un stage de 4 mois qui a donc eu lieu du

20 avril au 11 août 2012.

L'objectif de ce stage était double : sur le plan professionnel d'abord, il s'agissait de s'insérer au plus

près du processus de « gestion de projet » afin d'être confronté aux réalités complexes du terrain.

Sur le plan personnel, c'était une opportunité considérable d'acquérir une nouvelle ouverture d'esprit

en partageant le quotidien de populations aux coutumes totalement différentes.

Durant toutes mes recherches, le continent africain a toujours été privilégié. C'est donc tout

naturellement que j'ai répondu à une proposition de stage envoyée par l'université au sein de

l'association Lupajote.

La première raison qui a motivé mon choix de stage est le fait que celui-ci se déroulait dans

un pays africain considéré comme étant « un pays en développement ». L'étude des pays du Sud , de

leur gestion politique, des programmes de développement qui y sont entrepris, ont été autant de

connaissances théoriques dispensées durant cette année de Master 2. De la théorie qui se devait

d'être complétée par une expérience de terrain. Et cette confrontation au terrain passait, selon moi,

par l'accomplissement du stage dans un de ces pays-là. C'est pourquoi le Togo correspondait

parfaitement à cette requête.

Le second motif qui a véritablement assis le choix de ce stage est la thématique de la mission

proposée : j'avais effectivement émis le souhait de faire ce stage de gestion de projet dans le

domaine éducatif, et j'ai reçu une réponse positive émanant du directeur de l'association qui validait

cette demande.

L'orientation de mon stage était alors donnée, il allait s'agir de faire « de la gestion de projet

éducatif en milieu rural ».

Voici les différentes missions ciblées du stage proposées :

« Les principales tâches se reposent sur :

1 - Assistance au corps enseignants de l’école primaire d’Adjako dans le but de trouver des solutions appropriées aux problèmes de l’éducation dans le milieu.

2 - Réalisation d’étude de politique de l’éducation en milieu rural au Togo. (dossier utile pour demande de subvention dans le domaine éducationnel au profit de l’initiative scolaire rurale)

3 - Faire une seconde étude relevant les facteurs qui peuvent concourir à un bon pourcentage de réussite

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des enfants et enseignants à la fin d’une année scolaire.

4 - Proposition d’un micro projet visant l’amélioration des conditions de vies et de travail, des enfants et

des enseignants de l’école primaire d’Adjako.

5 - Participation à la vie quotidienne des enfants et enseignants pour se rendre compte des réalités afin de

mieux défendre le projet en question.

6 - Contribuer à l’organisation et à la réalisation des activités de l’école au profit des élèves. »

Mes précédentes expériences dans le milieu scolaire m'avaient donné envie de découvrir

cette même thématique sous d'autres horizons, dans des contextes (politique, économique et social)

totalement différents.

Après avoir effectué de rapides recherches sur les questions relatives à l'éducation en Afrique, je me

suis rapidement rendue compte des enjeux considérables qui régissaient le dossier.

Et lorsqu'on sait qu'aujourd'hui, un peu plus de 41% de la population du continent africain a moins

de 15 ans, on comprend aisément la place accordée aux politiques éducatives en Afrique.

Ce qui m'a amené à me poser la question suivante : « En quoi cette mission de stage a t-elle été

révélatrice de toute la complexité et des enjeux multiples qui entourent l'éducation

contemporaine dans les pays du Sud ? »

Il me paraissait en effet inconcevable de ne pas consacrer une partie de ce mémoire à la question

éducative spécifiquement dans les pays du Sud, pour ensuite se concentrer sur le cas togolais et

ainsi mieux pouvoir l'appréhender.

La partie suivante est elle encore plus concrète puisqu'elle détaille la mission effective du stage au

sein du village.

Enfin, la dernière partie est elle consacrée au bilan, aux ressentis de cette expérience.

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I- Un enjeu éducatif complexe dans les pays du Sud =

A) Une préoccupation placée au rang des propriétés des politiques de développement

:

« L'éducation pour tous d'ici à 2015 », les Objectifs du Millénaire

La vague d'accession aux indépendances dans les années 1960 des pays du Sud s'est

accompagnée d'une volonté, pour ces nouveaux gouvernements, d'investir pleinement l'éducation.

En parallèle, cette même thématique s'est retrouvée au centre des préoccupations des grands

organismes internationaux1.

De nombreux investissements éducatifs ont alors vu le jour dès le début des années 1960.

Un intérêt croissant émanant des acteurs nationaux ou internationaux qui va trouver son point

d'orgue en 1990 lors de la conférence de Jomtien, en Thaïlande. Ce sont alors plus de 155 pays ainsi

que 150 organisations-associations qui se sont concertées afin de définir et d'instaurer « un nouvel

ordre éducatif mondial ».

Une véritable course à la scolarisation est donc déclenchée. Il s'agit alors pour les pays du Sud de

tout mettre en œuvre pour atteindre des taux de scolarisation primaire frôlant les 100%.

Lors de cette conférence à Jomtien c'est surtout l'implication de l'ensemble de la communauté

internationale en faveur de l'éducation au Sud qui est à relever. Une implication qui s'est traduite par

la définition d'un cadre général relativement strict et par des orientations politiques toutes aussi

encadrées.

Une nouvelle ère éducative qui s'est matérialisée pour les pays du Sud, par l'imposition de

politiques, de normes et d'objectifs tous exogènes.

Comme le rappelle Marc Pilon2 (2006), « historiquement exogènes aux sociétés locales et l'étant

largement restés, les systèmes éducatifs des pays du Sud et les politiques éducatives qui les sous-

tendent s'avèrent de plus en plus définis et pilotés par les exigences de la communauté

internationale ».

Cette implication internationale massive dans les questions éducatives au Sud a concourut à

propager et à imposer une vision très standardisée et très occidentalisée des problématiques

1UNESCO ,OCDE, UNICEF, PNUD … 2 PILON Marc (chercheur à l'IRD), 2006. « Défis du développement en Afrique Subsaharienne : l'éducation en jeu »,

251 p

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scolaires.

L'initiative EPT est donc officiellement institutionnalisée dès 1990. Elle se manifeste à travers la

réalisation de 6 objectifs pour les pays concernés :

C'est lors de la Conférence – Bilan organisée à Dakar en 2000 que les première conclusions

des politiques de l' EPT ont été tiré.

« Le bilan fait ainsi l'état de la faiblesse globale des résultats obtenus par la politique de l' EPT

dans les pays sous-scolarisés »3.

Certes, la communauté internationale est consciente de certains progrès notables réalisés en la

matière, mais souligne cependant qu'il reste encore de nombreux points à perfectionner.

3 DARWISH Anne, mars 2006. « Au cœur de la transformation sociale » dans « L'éducation, un enjeu pour le

développement », Altermondes, n°5.

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L'éducation, présentée comme base incontournable du développement

D'après Anne Darwish (mars 2006)4, « l'éducation est la clé du développement humain et

social, sans même parler du développement économique ».

Cette citation illustre à elle seule l'ensemble des vertus que l'on assigne aujourd'hui à l'éducation

surtout dans les pays du Sud. Cela témoigne de la force et de la diversité des enjeux qui

accompagnent les politiques éducatives contemporaines dans les pays en développement.

L'éducation a volontairement été présenté comme le levier indispensable d'un quelconque processus

de développement. Pour la grande majorité des chercheurs, sans un accès garanti à une « éducation

de base », les opportunités de développement (économique, social, humain et politique) sont

fortement compromises.

« Dans sa formation la plus large, l'éducation fait partie du développement humain, condition

nécessaire de la mise en œuvre du développement durable et l'éradication de la pauvreté »5.

Les grands organismes internationaux ont donc fait de la formule « plus d'éducation =

développement certain du pays » un véritable leitmotiv.

L'éducation est effectivement une des voies privilégiées pour conditionner les individus, mais aussi

pour instaurer une dynamique participative des populations à l'économie, au bien-être social et à la

vie politique de leur pays.

En effet, des personnes qui ont eu un accès à un enseignement (même si il reste primaire),

auront, d'autant plus de clés pour affronter l'avenir. Quand on sait que la demande scolaire est avant

tout « une demande de capital social »6, on est plus apte à comprendre l'enjeu sociétal immense que

peut revêtir la scolarisation si elle est assurée convenablement.

L'éducation a deux visées principales : d'une part elle diffuse de nombreuses connaissances

(pratiques et théoriques), et d'autre part, elle facilite la future insertion professionnelle et sociale de

l'individu dans sa société.

Pour être davantage précis, l'éducation permettrait de baisser la mortalité infantile, d'améliorer

sensiblement les problématiques de la santé et de la nutrition. On lui prêterait également une

influence certaine sur l'atténuation du phénomène de « l'explosion démographique » (qu'ont

largement connu les pays du Sud, notamment ceux d' Afrique Subsaharienne).

L'éducation permet aussi un accroissement de la productivité du pays ainsi que l'adoption de

4 DARWISH Anne, mars 2006. « Au cœur de la transformation sociale » dans « L'éducation, un enjeu pour le

développement », Altermondes, n°5. 5 BANQUE MONDIALE, 2003. « Le système éducatif togolais,éléments d'analyse pour une revitalisation », 128 p.

6 GERARD Étienne (sociologue à l'IRD), 2001. « La demande d'éducation en Afrique : approches sociologiques », 19

p.

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nouveaux modes de comportement : l'école est une véritable source d'ouverture culturelle, d'autant

plus pour des populations qui sont en marge.

Un individu qui fréquente l'école serait donc plus apte à faire face aux nouveaux outils et au progrès

technique. Ces derniers éléments sont souvent corrélés à des développements économique et social.

D'après Antoine Doudjidingao (2009)7, « il est difficile d'améliorer ses conditions de vie en restant

à la marge de l'éducation moderne par le biais de l'école ».

Il ne faut pas perdre de vue l'idée que l'éducation et la croissance d'un pays ont une relation double :

– si un pays veut espérer avoir une croissance économique durable, il doit avoir à sa

disposition des « réserves éducatives » suffisantes

– de l'autre côté, le pays ne pourra pas tirer profit de ces richesses éducatives s'il n'investit pas

massivement le secteur de l'éducation.

Pour finir, le taux de croissance observé sur du long terme ne dépendrait plus exclusivement du

progrès technique, mais serait désormais fortement tributaire de ce que l'on appelle

« l'investissement en capital humain ». Un investissement qui passe, en grande partie, par des

efforts en matière de politiques éducatives et scolaires.

Tout cela explique qu'aujourd'hui il y ait autant d'efforts et de mobilisations qui soient

entrepris autour des questions éducatives dans les pays du Sud. Des réponses à ces questions

permettraient en effet une insertion dans le processus complexe « du développement ».

Cependant, à trop instrumentaliser l'école et à trop lui assigner de visées, ne court-on pas vers

l'inscription de l'école hors d'un vrai projet de société ? Alors même que c'était, en théorie, l'objectif

recherché.

B) Des besoins qui restent considérables :

D'après le CFPD, (2001)8, « L' Éducation Pour Tous en Afrique demeure un objectif lointain

pour nombre de pays africains. Pourtant les discours et le politiques ne manquent pas d'afficher le

caractère prioritaire de l'éducation, présentée à juste titre comme un facteur-clé du changement

démographique, économique et social ».

Comme évoqué précédemment, la conférence de Jomtien a vu la naissance de nombreuses

7 DOUDJIDINGAO Antoine, 24 avril 2009. « Étude et croissance en Afrique Subsaharienne. Une analyse

comparative des trajectoires socio économiques de trois groupes de pays anglophones, francophones et maghrébins »,

359 p. 8 Centre Français sur la population et le développement (juillet – septembre 2001). « Famille et scolarisation en

Afrique », n°42, 4 p.

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politiques, de plans décennaux, de mesure spécifiques afin de répondre à l'objectif de l' EPT.

Anne Darwish (2006)9, met elle sérieusement en doute la portée de telles implications : « en dépit

des nombreux textes et conventions internationales qui font de l'éducation un droit fondamental,

l'état des lieux demeure bien sombre. Sauf à se doter des moyens nécessaires, ces engagements

risquent bien de rester des déclarations sans lendemain ».

Personne ne peut nier la nature et l'ampleur des efforts alors entrepris, notamment par et pour les

gouvernements des pays du Sud, cependant, force est de constater que derrière des progrès certains

obtenus en la matière, les besoins en scolarisation restent encore immenses.

Source : UNESCO, Rapport Mondial de suivi sur l' EPT, 2007. « L'éducation pour tous en 2015 : un objectif accessible

? », 477 p.

Le bilan de l' EPT réalisé en 2000 à Dakar fait donc état « d'avancées sensibles, mais modestes »,

insistant sur les nombreuses lacunes qui caractérisent aujourd'hui les politiques éducatives des pays

du Sud.

Comme en témoigne la carte ci-dessus, il resterait ainsi environ moins de 10% d'enfants, soit 72

9 DARWISH Anne, mars 2006. « Au cœur de la transformation sociale » dans « L'éducation, un enjeu pour le

développement », Altermondes, n°5.

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millions (dont 60% de filles) qui n'auraient pas accès à l'enseignement primaire, encore aujourd'hui.

C'est le continent africain qui à l'heure actuelle concentre les taux de scolarisation les plus faibles.

L'envergure et la complexité du champ éducatif investit dans les années 1980 – 1990 étaient telles

que même vingt ans de politiques intensives menées (à des degrés différenciés selon les pays)

semblent loin d'être suffisantes.

Rattraper un tel retard général paraît très compliqué en si peu de temps, ne parlons même pas des

spécificités nationales qu'il faut appréhender lors de la mise en œuvre des politiques globales.

De plus, « l'accroissement des ressources consacrées à l'éducation ne peut avoir d'impact réel que

s'il accompagne les progrès de la scolarisation »10

.

En effet, une des conditions indispensables à la réalisation de l'EPT est que l'ensemble des enfants

qui sont en âge d'entrer à l'école, y rentrent effectivement. Si les politiques mises en place depuis les

conférences de Jomtien et de Dakar ont permis des progrès indéniables en matière d'accès à l'école,

les systèmes scolaires nationaux n'ont pas forcément été toujours capables d'absorber tous ces

nouveaux arrivants.

Dans le monde, les effectifs du primaire sont passés de 647 à 688 millions d'élèves (soit une

augmentation de 6,4%) entre 1999 et 2005.

Les progrès les plus spectaculaires sont à observer en Afrique Subsaharienne (avec un nombre

d'élèves en 2005 s'élevant à 29 millions, soit une augmentation de plus de 36% depuis 1999), et en

Asie avec une augmentation de plus de 22%.

Cependant, la question de la pression démographique y reste très problématique pour les décennies

à venir. Les prévisions laissent en effet entrevoir une augmentation importante de la population en

âge d'être scolarisée à travers le monde, notamment en Afrique Subsaharienne (avec une projection

de croissance qui s'élèverait à plus de 22%).

Les problèmes récurrents observés lors du bilan à Dakar relèvent : de l'assiduité scolaire, d'un

manque de progression régulière dans les cycles, de la faiblesse des résultats et des faibles niveaux

d'achèvement du primaire. C'est sur ces derniers points que les modifications des politiques vont

devoir principalement agir.

Enfin, le message explicite formulé à Dakar11

illustre le phénomène général de l'accroissement

double : d'une part des dépenses nationales en direction de l'éducation, et d'autre part, du volume de

10

HENAFF Nolwen, 2003. « Quel financement pour l'école en Afrique ? », Cahiers d' Études Africaines, n° 169-170,

p 166-188. 11« Si un gouvernement du Sud décide de prendre un engagement ferme en faveur de l'éducation de base dans son pays,

les donateurs étrangers se mobiliseront sans conteste ».

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l'aide extérieure allouée à la scolarisation des pays en développement.

C) Une gestion encore très précaire :

Carences de l'action publique :

Les diverses études réalisées suite aux engagements pris lors des grandes conférences ont

notamment souligné un problème récurrent : des interventions étatiques peu efficientes dans les

politiques éducatives. Bien entendu cette tendance reste très généraliste et ne reflète en aucun cas

les spécificités nationales.

L'ensemble des pays concernés par l' EPT est très hétérogène, à l'image des avancées plus ou moins

notables observées lors du bilan de Dakar.

Cependant, une des constantes majeures de la mise en oeuvre des nouvelles politiques éducatives

est les carences évidentes de l'action publique.

La notion d' « États fragiles » avancée par Thomas Poirier12

prend ici tout son sens : « pays pauvres

aux capacités institutionnelles faibles, sont en effet incapables de franchir le cap de la bonne

gouvernance aujourd'hui portée comme impératif universel des politiques de développement ».

En effet, la plupart des pays impliqués dans le processus de l' EPT souffrent souvent d'une

inefficacité réelle de leur puissance publique.

Des puissances publiques qui s'avèrent être incapables de faire face à leurs prérogatives, que ce soit

faute de moyens pour intervenir ou faute de volonté politique.

« L'éducation y est généralement sous-financée, d'une part en raison des priorités et des contraintes

des gouvernements, et d'autre part, à cause des défaillances des institutions politiques »13

.

En témoignent les propos de l'UNESCO en 200714

qui comparent les budgets alloués à l'éducation

dans un pays comme la France où les dépenses sont par exemple égales à celles de tous les pays

d'Afrique Subsaharienne réunis. Phénomène qui illustre donc cette quasi absence d'intervention

étatique dans les pays en développement.

Comme justifications premières à ce manque d'action, sont avancées :

– le manque général de ressources publiques de ces États. D'après Nolwen Henaff15

, « Dans

12

POIRIER Thomas, septembre 2009. « Éducation pour tous : l'aléa des États fragiles ? », (Institut de Recherche sur

l' Éducation), 22 p. 13 Ibid 14

UNESCO, Rapport Mondial de suivi sur l' EPT, 2007. « L'éducation pour tous en 2015 : un objectif accessible ? »,

477 p. 15

HENAFF Nolwen, 2003. « Quel financement pour l'école en Afrique ? », Cahiers d' Études Africaines, n° 169-170,

p 166-188.

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des pays où la plus grande partie de la population et des entreprises ne paie pas d'impôts, les

ressources publiques domestiques dépendent massivement de l'aide extérieure ». Une faiblesse des

ressources souvent imputée au poids de la dette extérieure partagée par ces pays-là qui limiterait

donc fortement l'action du gouvernement dans le secteur éducatif.

– La concurrence subie du secteur éducatif face à des secteurs tout aussi stratégiques et

primordiaux pour le pays : la santé, la défense, l'agriculture … Les États ne peuvent pas se

permettre d'investir trop massivement dans l'éducation par exemple, et négliger ainsi les autres axes

majeurs du développement de son économie.

– Enfin, un des points qui revient le plus souvent, c'est l'imposition des ajustements structurels

dans les années 1980 dans une majeure partie des pays du Sud. D'après Anne Darwish (2006)16

, « le

budget de l'éducation a été l'un des premiers à souffrir des plans d'ajustement structurels imposés

par le FMI aux gouvernements africains dans les années 1980 dans le cadre du remboursement de

la dette ». Ces ajustements structurels ont en effet contraint les États concernés à nettement resserrer

leurs dépenses publiques, sous peine d'être privés des aides multilatérales et bilatérales ou d'être

totalement exclus du marché économique mondial. Il s'agissait alors pour eux de tout mettre en

œuvre afin de baisser le ratio dépenses publiques/PIB.

Cela s'est directement traduit, dans une majeure partie de ces pays là, par : une baisse nette des

recrutements des professeurs, une diminution massive des investissement dans le secteur de

l'éducation, bien moins de financements pour de nouvelles infrastructures scolaires …

Un secteur éducatif qui en ressort donc fortement fragilisé.

Ce qui a conduit certains auteurs17

à évoquer aujourd'hui une « hybridation éducative » : avec une

redéfinition du rôle de l' État (un affaiblissement, très souvent) et une multiplication de nouveaux

acteurs.

Émergence des stratégies et des acteurs privés dans le secteur de l'éducation :

En réponse au constat de défaillance étatique évoqué précédemment, de nouveaux acteurs

ont fait leur apparition dans la nouvelle configuration de la gestion éducative.

Face à des États en apparence inaptes à répondre à leurs attributions régaliennes, la société civile va

alors être amenée à jouer un rôle prépondérant.

Une société civile majoritairement composée d'associations ou d'organisations non

16

DARWISH Anne, mars 2006. « Au cœur de la transformation sociale » dans « L'éducation, un enjeu pour le

développement », Altermondes, n°5. 17

PILON Marc (chercheur à l'IRD), 2006. « Défis du développement en Afrique Subsaharienne : l'éducation en jeu »,

251 p.

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gouvernementales, qu'elles soient étrangères ou locales.

La conférence de Jomtien a alors marqué un véritable tournant dans la gestion des politiques

éducatives, en étant le théâtre de l'arrivée massive de la communauté internationale et des

organismes multilatéraux de coopération.

D'après Anne Darwish (2006)18

, « dans un contexte où l'Etat ne peut financer seul

l'éducation (ou ne la met pas parmi ses priorités), de nombreuses initiatives éclosent hors de son

giron, portées par des communautés villageoises ou des associations. Elles sont une réponse à une

situation de carence et touchent des populations qui n'auraient pas été scolarisées autrement ».

On assiste en effet de plus en plus à ce que Thomas Poirier (2009)19

nomme « le nouveau

paradigme participatif » dans le secteur éducatif avec une implication accrue des associations.

Ces dernières ne se limitent plus à un simple statut d'assistantes ou collaboratrices, elles

interviennent désormais dans l'élaboration et la conception même des politiques éducatives.

Il s'agit donc d'atténuer (à un degré plus ou moins important) la centralité des politiques éducatives

au profit d'un pilotage croissant de la société civile.

Le rôle de ces organismes privés est d'autant plus prépondérant qu'ils interviennent souvent auprès

des populations considérées comme étant les plus vulnérables, des populations qui étaient jusque là

marginalisées des systèmes scolaires. De nombreuses ONG investissent souvent les localités

géographiques « reculées » afin d'y implanter de nouvelles infrastructures scolaires pour répondre à

une demande éducative non satisfaite.

Le champ scolaire des pays du Sud s'en trouve donc plus diversifié : les nouveaux acteurs privés

l'investissent pleinement.

Cela se traduit par une baisse significative de la part de l'enseignement public au profit de

l'enseignement privé (laïc, confessionnel, écoles communautaires …).

Cette arrivée massive du secteur privé, bien qu'elle soit largement prônée et encouragée par

les grands organismes internationaux (Banque Mondiale, UNESCO,FMI …), ne s'opère pas sans

interrogation.

A commencer par l'efficience réelle de ces nouveaux acteurs : ont-ils les moyens réels de prodiguer

« une éducation de base convenable » ?

Ces organismes spécialisés dans l'aide au développement, ne sont pas nécessairement fins

connaisseurs des questions éducatives. Une thématique éducative qui reste très complexe à

appréhender du fait de son rôle capital dans un pays.

18

DARWISH Anne, mars 2006. « Au cœur de la transformation sociale » dans « L'éducation, un enjeu pour le

développement », Altermondes, n°5. 19

POIRIER Thomas, septembre 2009. « Éducation pour tous : l'aléa des États fragiles ? », (Institut de Recherche sur l'

Éducation), 22 p.

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15

Ensuite, autre point souligné par Thomas Poirier (2009)20

, « assisterait-on alors à un double

langage où l'on verrait une communauté internationale d'un côté plaider pour des États forts

capables d'assurer la sécurité, et de l'autre, appeler à moins d' État dans des domaines symbolisant

pourtant le retour d'une puissance publique effective ? ».

En effet, n'encourt-on pas de risques en affaiblissant trop de puissances publiques (déjà fortement

fragilisées) alors qu'on attend justement d'elles qu'elles s'affirment et s'impliquent de façon

significative dans le développement de leur pays ?

20

POIRIER Thomas, septembre 2009. « Éducation pour tous : l'aléa des États fragiles ? », (Institut de Recherche sur l'

Éducation), 22 p.

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II- La thématique scolaire au Togo =

A) État des lieux général : quelle politique éducative au Togo ?

Bref rappel historique

Avant de débuter, il convient de préciser que jusqu'à la moitié du 19ème siècle au Togo, il

n'y avait aucune école moderne. L'éducation se limitait jusque là à un exercice familial et

traditionnel. La première école fut ouverte en 1842 à Aného par un commerçant de la ville.

Des missionnaires, déjà bien implantés sur le territoire togolais avant l'arrivée des colons,

avaient apporté en amont une sorte de trame scolaire. Leur objectif premier était clairement

d'éduquer au maximum la population togolaise afin de mieux l'évangéliser : plus les togolais étaient

instruits et plus ils étaient enclin à servir l'Église par la suite. Cette période fut marquée d'une part,

par des enseignements exclusivement dispensés en éwé, et d'autre part, par une implantation

littorale de ces missionnaires. Ce qui a eut pour conséquence directe l'instauration de profondes

disparités régionales dès les prémisses du système scolaire. Des disparités que l'on a retrouvé par la

suite et qui perdurent encore aujourd’hui.

Ces missionnaires n'avaient cependant pas instauré de « véritable système scolaire » à proprement

parler.

On peut difficilement décrire le système éducatif actuel sans évoquer les influences

exogènes, coloniales notamment, qui l'ont directement touché. En effet, l'ensemble de l'appareil

éducatif reste, même au jour d'aujourd'hui, profondément marqué par les colonisations européennes

qu'il a connu dans le passé. Une domination allemande (1884-1913) dans un premier temps, suivie

d'une domination anglaise (1913-1919), pour finir avec la colonisation française, la plus longue de

1919 à 1960. Des périodes de colonisation qui l'ont véritablement façonné.

On peut dire que c'est la colonisation allemande qui, la première, a vraiment structuré et organisé un

système scolaire. Cela s'est notamment traduit par la création et l'amélioration des structures, afin de

répondre au défi de l'éducation de base. Une éducation qui était alors avant tout confessionnelle.

L'arrivée des français s'est elle très vite traduite par une réforme en profondeur du système scolaire.

L'arrêté de 1922 illustre la volonté forte des colons français de calquer l'enseignement togolais et

son organisation sur ce qui se faisait alors en métropole. La langue alors dispensée était

logiquement le français.

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17

Cette question de la langue enseignée à l'école va par la suite devenir un véritable enjeu politique.

L'accession à l'indépendance s'est accompagnée dans les faits par un désir profond de

« décoloniser l'enseignement en ancrant l'école dans les réalités locales »21

.

En effet, l'instruction à l'occidentale avait été largement imposé par les différents colons, reléguant

ainsi l'école traditionnelle au second plan. Un modèle scolaire occidentalisé et donc totalement

exogène qui a nettement favorisé l'essor d'une élite scolaire togolaise, ce qui n'a fait que pérenniser

les disparités scolaires au sein du pays.

Jean-Yves Martin22

(2006) insiste d'ailleurs sur ce point là : « l'origine coloniale des systèmes

éducatifs actuels, particulièrement en Afrique Subsaharienne, qui ne s'enracine ni dans leur histoire

propre ni dans leur construction culturelle spécifique et demeure donc de nature totalement

importée tant au niveau de ses structures que de ses finalités ».

Évolutions majeures observées dans le secteur de l'éducation

La fin de la colonisation en 1960 a contraint les autorités togolaises à investir la thématique

scolaire. L'objectif était alors double : premièrement, il s'agissait pour un état nouvellement

indépendant d'assoir sa légitimité et son pouvoir, et deuxièmement, il fallait surtout en finir avec un

modèle scolaire occidental (destiné avant tout à remplir des objectifs coloniaux).

C'est surtout ce second point qui a semblé motiver les autorités togolaises à entreprendre une

réforme en profondeur. Après l'indépendance, le gouvernement avait comme ambition première

d'amener le plus de jeunes possibles vers le niveau d'études le plus élevé. Pour cela, beaucoup

d'initiatives ont alors été prises afin d'accroître considérablement les effectifs à tous les niveaux

d'enseignement, du primaire jusqu'à l'université.

Dès les premiers temps qui ont suivi l'obtention de l'indépendance, il fut reconnu que l'école « se

caractérisait par une incompatibilité fondamentale de ses objectifs avec ceux du développement

réel du pays […], une inadéquation de ses contenus et de ses méthodes aux réalités et aux besoins

nationaux »23

.

La prise en compte de tous ces paramètres a conduit à l'élaboration de la première réforme majeure

du système éducatif togolais :

21

ASSIMA – KPATCHA Essoham, 2007. « L'organisation de l'enseignement au Togo indépendant (1960-1992) »,

revue du CAMES, nouvelle série B, volume 009, n°2 – 2007, pp 77 – 91. 22

PILON Marc (chercheur à l'IRD), 2006. « Défis du développement en Afrique Subsaharienne : l'éducation en jeu »,

251 p. 23

ASSIMA – KPATCHA Essoham, 2007. « L'organisation de l'enseignement au Togo indépendant (1960-1992) »,

revue du CAMES, nouvelle série B, volume 009, n°2 – 2007, pp 77 – 91.

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18

– « la réforme de 1975 ». « Si l'on veut éviter que l'enseignement soit un frein au

développement économique et social, un énorme gaspillage, et que l'école devienne une fabrique de

chômeurs, il importe qu'une réforme fondamentale et profonde soit opérée »24

. Cette phrase illustre

à elle seule l'enjeu incarné par cette réforme de 1975.

L'école devint alors un outil au service du développement économique et social du pays.

Il s'agissait alors avant tout d'instaurer une école « véritablement démocratique », et surtout une

école adaptée aux réalités locales, avec pour mesures phares : la gratuité obligatoire de l'école pour

tous les enfants de 2 à 15 ans, la réintroduction des langues nationales dans les programmes (l' éwé

et le kabyè), un retour aux valeurs culturelles locales, et enfin la mixité à tous les niveaux scolaires.

Il y avait là une volonté appuyée de marquer « une rupture avec les valeurs transmises par l'école

coloniale qui avaient conduit au déracinement culturel des formés »25

. Enfin, la réussite de la

réforme passait par une gestion exclusivement nationale de ces réformes (sans recours ni aide

extérieures). Ce dernier aspect a été largement mis en avant par les autorités.

– « La politique sectorielle de l'éducation » en 1993. Cette politique fait directement suite

aux engagements pris à Jomtien en 1990. Le Togo a, en effet, dès 1991 organisé des séminaires afin

de décider avec les différents partenaires présents des modalités de mise en œuvre des objectifs de l'

EPT. Le Togo s'est alors vu dans l'obligation de procéder à la revitalisation de son secteur éducatif

dans le respect des normes émises à Jomtien. Cela s'est opéré dans un mouvement sans précédent de

décentralisation. A noter que la gestion et l'administration du système éducatif togolais étaient très

centralisés jusque là.

Décalage considérable entre la teneur des discours officiels et les réalités du terrain

VOICI LE PROGRAMME POLITIQUE DE SON EXCELLENCE FAURE ESSOZIMNA

GNASSINGBE : MA VISION POUR LE TOGO26

« PROMOTION D'UNE ÉDUCATION POPULAIRE ET D'UNE CULTURE SOCIALE :

Pour moi, le fait éducatif public doit être la priorité afin de transmettre à chaque génération un

éveil critique, une conscience historique et une culture universelle. C'est pourquoi, je reconnais le

rôle public premier et universel de l'instituteur dans l'éducation d'un être humain au sein de l'école

laïque.

24Texte extrait du Document présentant la réforme de 1975 instaurée par le Parti Unique 25

ADAMA Jean et NUAKEY Yao. « Le système éducatif au Togo », par Aide et Action, 9 p. 26Site Officiel de la Présidence du Togo :

http://www.presidencetogo.com/index.php?option=com_content&task=view&id=1116&Itemid=34

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19

Je m'engage, d'abord, à revaloriser la fonction enseignante à partir des reformes hardies qui

permettront de revoir les conditions de travail des instituteurs et professeurs de tous les degrés de

l'enseignement ainsi que leur formation. Je ferai, en outre, engager dans la fonction publique, et ce,

de façon progressive, tous les enseignants volontaires et auxiliaires. De la même manière, je

transformerai, toutes les Ecoles d'Initiative Locales (EDIL), en écoles publiques, réhabiliterai leurs

infrastructures et ferai construire des écoles pour que d'ici à cinq (5) ans ne subsiste dans notre

pays aucune école dans des locaux de fortune.

La gratuité de l'école sera totale pour le préscolaire et l'enseignement primaire. En ce qui concerne

les étudiants, les efforts déjà engagés seront poursuivis en vue d'améliorer les structures d'accueil

en milieu universitaire, tant en matière de construction que d'équipements, de ces hauts lieux du

savoir que sont l'Université de Lomé et l'Université de Kara. Je m'engage, dès que la croissance

économique de notre pays le permettra, à revaloriser les aides et les bourses accordées aux

étudiants, ainsi qu'à assurer leur payement régulier. »

Lorsqu'on regarde le bilan dressé par le parti majoritaire depuis l'arrivée au pouvoir de Mr Faure

Gnassingbé, les résultats sont montrés comme étant très probants. Cependant, force est de constater

que malgré des discours très volontaristes affichés, les résultats ne sont eux pas aussi clairement

visibles.

Au contraire, les analyses actuelles laissent plutôt entrevoir un État qui se décharge de plus en plus

de son rôle de pilote des politiques éducatives. Comme en témoignent les graphiques ci-dessous où

l'on voit que les dépenses éducatives ont très peu augmenté en 10ans.

Source : Institut de Statistique de l' UNESCO. Graphique à composer soi-même

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20

Source : Institut de Statistiques de l'UNESCO, 2011. « Le Financement de l'éducation en Afrique Subsaharienne.

Relever les défis de l'expansion, de l'équité et de la qualité », 130 p.

Le Togo fait en effet partie des pays où le taux de croissance moyen des dépenses publiques

allouées à l'éducation n'a que très peu augmenté entre 1999 et 2009. Le pays se situe assez

nettement en dessous de la moyenne avec seulement 2,9% de croissance (la moyenne se trouvant à

6,2%).

Ces graphiques contrastent de façon significative avec les discours étatiques qui font eux état d'un

investissement réel du pouvoir public dans la thématique scolaire.

On peut d'ores et déjà noter que l'engagement ferme pris par le président concernant la

transformation de toutes les EDIL en écoles publiques est très loin d'avoir été réalisé. Pour les

EDIL, comme j'ai directement pu le constater sur le terrain, un grand nombre d'entre elles sont

encore dans des situations très précaires.

Les travaux de réhabilitation et de reconnaissance de ces dernières vont s'avérer être très longs et

complexes à mettre en œuvre. Cela est principalement imputable à trois facteurs : un manque

évident de moyens publics, une volonté politique très fragile et un éparpillement géographique

considérable de ces établissements spécifiques.

Le gouvernement togolais étant, à l'heure actuelle, plus que jamais dépendant de l'aide extérieure, il

ne peut pas se permettre d'afficher une attitude indolente concernant le secteur éducatif, au risque de

perdre toutes ces aides conséquentes.

Ce qui explique que l'État togolais semble en apparence très concerné et très impliqué dans l'avenir

et la gestion de son système scolaire. Cependant, les réalités du terrain nous ramènent vite à la

raison : les efforts gouvernementaux sont relativement restreints et limités en la matière.

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21

B) Un pays marqué par de profondes disparités :

Des contrastes régionaux saisissants

Le Togo est caractérisé par la jeunesse de sa population : en effet 43% des togolais ont

moins de 15 ans.

Sur le plan administratif, le Togo n'est divisé qu'en 5 régions, alors que lorsqu'on considère les

données éducatives, 6 régions sont comptabilisées : Lomé-Golfe, Maritime, Plateaux, Centrale,

Kara et les Savanes. Seule la région de Lomé-Golfe est considérée comme « urbaine », les autres

étant majoritairement encore très rurales.

Comme évoqué précédemment, les prémices du système éducatif togolais ont, dès le départ, laissé

émerger de profondes disparités géographiques. Le Sud du pays a toujours été privilégié dans les

stratégies éducatives, que ce soit au niveau des infrastructures ou au niveau de l'affectation des

ressources.

D'après Claire Teyssier27

, « les régions qui participent le plus à la richesse du pays (zone de

production de café et de cacao ou préfectures très urbanisées) connaissent de forts taux de

scolarisation ».

27

TEYSSIER Claire, 2004-2005. « Le système scolaire togolais : institutionnalisation et évolution », 51 p.

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22

Source : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/afrique/togo-cartes.htm Source : REPUBLIQUE TOGOLAISE, juin

2009. « Document complet de stratégie de

réduction de la pauvreté 2009-2011 », 146 p.

En effet, la localisation géographique est considérée comme le second facteur le plus discriminant

au Togo dans le processus de scolarisation, après les variables économiques des ménages.

Les régions rurales souffrent dans les faits d'handicaps considérables : ces zones rassemblent

les franges de populations aux revenus les plus faibles (voir la carte ci-dessus à droite du

pourcentage de pauvreté selon les régions), ces espaces ruraux sont souvent uniquement orientés

vers le secteur agricole, elles ne disposent que de très peu d'infrastructures et sont, dans l'ensemble,

relativement délaissées par l' État central. Pour ne rien arranger à leur situation déjà précaire, ces

régions ont toujours été victimes de leur éloignement géographique de la côte.

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23

Source : MINISTERE TOGOLAIS DES ENSEIGNEMENTS PRIMAIRE ET SECONDAIRE ET DE L'ALPHABETISATION, 2004. « Rapport National du Togo sur les enseignements primaire et secondaire » à l'occasion

de la 47ème session de la Conférence Internationale de l'éducation, 36 p.

A l'image de ce tableau, les taux de scolarisation font ici état d'importants écarts entre les différentes

régions : ainsi la région de Lomé comptabilise un taux de scolarisation de 118,9 %, alors qu'à

l'opposé la région des Savanes (la plus rurale) voit elle son taux avoisiner « seulement » les 75,4% .

Les régions des Savanes et celle des Plateaux sont les deux régions les plus sévèrement touchées

par la « précarité scolaire » : très peu ou pas d'infrastructures, très faible mobilisation de ressources

pédagogiques, carences en enseignants …

Après avoir visité une école privée à Lomé, j'ai rapidement pu constater de nettes différences avec

les écoles situées plutôt en milieu rural.

À commencer par la nature des infrastructures : en dur pour Lomé et des équipements très basiques

en paille pour les zones rurales. Viennent ensuite les moyens pédagogiques à disposition : ils sont

littéralement inexistants dans la plupart des écoles des villages et assez limités dans les zones

urbaines. Une différence qui aura une importance cruciale dans la réussite des élèves.

« Un autre aspect parmi les plus visibles de cette inégalité est le développement des écoles

d'initiative locale en zones rurales. En effet, la localisation principalement rurale des EDIL signifie

que ce sont les populations les plus pauvres qui investissent le plus dans la scolarisation de leur

enfant. Ceci n'est pas de nature à baisser de façon significative l'inéquité entre les régions »28

.

Des disparités géographiques que l'on retrouve, de façon générale, dans beaucoup de pays d'Afrique

Subsaharienne qui ont été placé sous l'influence d'une puissance coloniale. Des colonisateurs qui

ont alors souvent privilégié une scolarisation massive et de qualité dans la capitale et ses alentours,

28

MINISTERE TOGOLAIS DES ENSEIGNEMENTS PRIMAIRE ET SECONDAIRE ET DE

L'ALPHABETISATION, 2004. « Rapport National du Togo sur les enseignements primaire et secondaire » à l'occasion

de la 47ème session de la Conférence Internationale de l'éducation, 36 p.

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24

négligeant ainsi les autres régions, à commencer par les espaces ruraux.

L'équité « garçon/fille » : un objectif encore lointain

Dès la grande réforme éducative de 1975, l'État togolais a semblé conscient et surtout

préoccupé par la question de l'équité garçon/fille, un objectif qui a ensuite été clairement repris lors

de la conférence de Jomtien.

Dans l'ensemble, il a fallu attendre les années 1990 pour assister à une amélioration conséquente

des indices de parité garçon/fille sur le plan scolaire au Togo. Des progrès notables ont ainsi pu être

observés (notamment dans l'enseignement primaire), mais il reste encore de nombreux points à

améliorer.

D'après Marie-France Lange (2003-2004)29

, « Le Togo apparaît comme l'un des pays africains où

les inégalités de réussite à l'école selon le sexe sont les plus fortes ».

Des différences dans l'accès à la scolarisation que l'on retrouve à tous les niveaux de

l'enseignement, pas seulement dans le primaire comme on aurait pu le penser. Cela témoigne des

obstacles multiples que l'État doit et devra continuer à combattre afin d'atteindre des taux de

scolarisation garçon/fille quasi égaux.

Source : MINISTERE TOGOLAIS DES ENSEIGNEMENTS PRIMAIRE ET SECONDAIRE ET DE

L'ALPHABETISATION, 2004. « Rapport National du Togo sur les enseignements primaire et secondaire » à l'occasion

de la 47ème session de la Conférence Internationale de l'éducation, 36 p.

La prégnance des croyances et de la tradition togolaises relèguent l'éducation des filles au

29

LANGE Marie-France, 2003. « Inégalités de genre et éducation au Togo », 22 p. Étude réalisée pour 2003/04 EFA

Monitoring Report UNESCO

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25

second plan, bien après celle des garçons.

Les filles, et plus tard les femmes, sont toujours maintenues dans une situation de subordination.

Une position que l'on retrouve par conséquent à l'école.

On recense principalement trois facteurs majeurs qui expliquent ces inégalités garçons/filles :

– le facteur socio-culturel : le poids des croyances religieuses ainsi que celui des traditions

avec notamment l'encouragement des mariages précoces (l'âge moyen au premier mariage pour les

filles étant de 17 ans en milieu rural contre 20 ans en zone urbaine). On assigne ainsi aux filles des

fonctions purement domestiques, elles sont en effet prédisposées à occuper le rôle majeur au sein du

foyer familial. Un rôle qui ne nécessite pas, selon la plupart des familles, une inscription à l'école.

– Le facteur socio-économique : la pauvreté qui régit la vie de beaucoup de ces familles

explique que ces dernières préfèrent scolariser leurs garçons, pensant qu'il vaut mieux miser le peu

d'économies sur l'entité masculine de la maison. « Les filles, volontiers décrites comme moins

douées pour les études, sont donc largement perçues comme ayant moins de probabilités de

réussir »30

. En terme de coûts directs, il apparaît donc bien plus rentable pour les parents d'investir

dans la scolarité des garçons.

– Enfin, le système éducatif togolais reste un système très discriminatoire : il n'y a

généralement pas d'infrastructures sanitaires spécifiques aux filles telles que les toilettes (ce que j'ai

pu observer lors de la mission dans le village), de nombreux stéréotypes sexistes persistent

notamment dans les manuels scolaires, et le point le plus important, on retrouve très peu de femmes

enseignantes.

Tous ces points n'encouragent pas le phénomène de scolarisation des filles, loin de là. Le Togo a

conduit une politique de discrimination positive à l'égard de la scolarité des filles (en abaissant

notamment leurs frais de scolarité vis à vis de ceux des garçons). Cependant, de nombreux obstacles

perdurent. Des obstacles majeurs, surtout d'ordres culturel et social qui nécessiteront des

changements de mœurs profonds et complexes.

Même avec un État qui voudrait œuvrer efficacement sur la question, il se trouvera confronté à une

inertie certaine de la population. Ce qui rend la question de la parité scolaire d'autant plus

problématique et d'autant plus complexe à combattre.

C) La question contemporaine des EDIL : essor des initiatives scolaires rurales

30

LANGE Marie-France, 2003. « Inégalités de genre et éducation au Togo », 22 p. Étude réalisée pour 2003/04 EFA

Monitoring Report UNESCO

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26

L'émergence des EDIL : une réponse face à l'inadéquation de l'offre éducative

Jean-Yves Martin (2003)31

définit les écoles d'initiative locale comme « des établissements à

vocation pédagogique crées sans plan préétabli et à l'initiative de petites communautés éparses et

de durée de vie aléatoire ».

Le terme EDIL est officiellement adopté en 1997, même si de tels établissements existaient déjà

depuis longtemps, les termes employés différaient simplement.

D'après l'UNESCO32

, le phénomène des EDIL « a pris de l'ampleur devant les difficultés des

pouvoirs publics à répondre quantitativement et qualitativement à la forte demande sociale pour

l'éducation ».

C'est en effet une « stagnation de l'offre éducative » face à une demande de scolarisation qui elle n'a

pas cessé de croître, qui est à la base directe de la création et de l'essor considérable de ces

établissements spécifiques.

Les conditions premières de l'émergence des EDIL sont :

→ une demande d'éducation non satisfaite

→ une carence avérée de l'État dans son rôle de pilote des politiques éducatives

→ un refus d'accepter le phénomène de la non-scolarisation

L'État togolais, notamment dans les années 1990, s'est vu totalement incapable de s'adapter à

une croissance démographique forte (avec des taux de natalité relativement élevés représentant tout

autant de futurs nouveaux élèves), et démuni face à l'élaboration de nouvelles politiques éducatives

adaptées à ce nouveau contexte. « La pause dans le rythme d'extension géographique de la carte

scolaire des écoles primaires publiques est nette au Togo dans les années 1990 »33

.

Sauf que le gouvernement togolais qui subissait alors de plein fouet les divers ajustements

structurels imposés, n'a donc pas eut ni les moyens financiers, ni la volonté politique d'investir le

champ scolaire.

Toujours d'après Jean-Yves Martin (2003)34

, « l'émergence des écoles spontanées, qui signifie à tout

le moins un affranchissement de l'État, marque aussi les limites atteintes par l'élargissement et la

diversification du champ éducatif ».

Le développement de ce nouveau mode parallèle éducatif a illustré la volonté de populations alors

31

MARTIN Jean-Yves, 2003. « Les Écoles spontanées en Afrique Subsaharienne », Cahiers d' Études Africaines, p

167 – 170, mis en ligne le 20 décembre 2006. 32

INSTITUT INTERNATIONAL DE PLANIFICATION DE L'EDUCATION, 2000. « Les écoles communautaires :

Mali, Sénégal, Togo », 213 p. 33Ibid 34

MARTIN Jean-Yves, 2003. « Les Écoles spontanées en Afrique Subsaharienne », Cahiers d' Études Africaines, p

167 – 170, mis en ligne le 20 décembre 2006.

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27

exclues du processus scolaire par les instances étatiques de s'inscrire dans un contexte éducatif

adapté à leurs modes de vie.

Source : INSTITUT INTERNATIONAL DE PLANIFICATION DE L'EDUCATION, 2000. « Les écoles d'initiative

locale au Togo », 169 p.

Le graphique ci-dessus illustre assez clairement la stagnation dans la création de nouvelles écoles

publiques primaires entre 1994 et 1998, période pendant laquelle le gouvernement togolais a

éprouvé de nombreuses difficultés (économiques surtout) à investir les politiques éducatives.

Le rythme de création des écoles communautaires ainsi que celui des écoles émanant du privé laïc a

donc été quasiment le même que celui des écoles publiques, ce qui témoigne de la baisse de

l'emprise étatique sur la thématique éducative.

D'où l'appellation de « contre – champ scolaire » formulée par Jean-Yves Martin.

On est donc face à des populations qui refusent d'être mises à l'écart par l'État et qui optent donc

pour l'instauration d'une éducation de base (conçue pour le développement de la communauté).

À la base de la gouvernance communautaire et de la dynamique rurale

Les EDIL sont avant tout « une réponse populaire » formulée face à l'absence ou face à

l'inadaptation de l'offre scolaire.

Comme évoqué précédemment, les EDIL se retrouvent très majoritairement dans les régions

rurales.

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Source : MINISTERE TOGOLAIS DES ENSEIGNEMENTS PRIMAIRE ET SECONDAIRE ET DE

L'ALPHABETISATION, 2004. « Rapport National du Togo sur les enseignements primaire et secondaire » à l'occasion

de la 47ème session de la Conférence Internationale de l'éducation, 36 p.

Ces écoles spécifiques incarnent parfaitement l'idée de « développement local », du

« développement à la base ». Elles sont très proches du lieu de vie des populations qui ont émis un

besoin de scolarisation : c'est d'ailleurs une des conditions sinéquanones de la réussite de ces

établissements. Les notions de « proximité sociale » et de « proximité géographique » sont aux

origines de leur création et de leur succès surtout.

Les liens directs entretenus avec l'école et avec les enseignants sans besoin d'avoir recours aux

services de l'État paraissent très prisés par l'ensemble des communautés rurales.

Ces établissements communautaires semblent jouir d'une image revalorisée de l'école et d'une

image de structures plus humaines et plus sociales.

« L'école communautaire possède une richesse : la qualité des relations pédagogiques et des

relations sociales, la forte implication des parents, la motivation et la forte intégration sociales des

enseignants »35

.

Elles sont ainsi devenues de véritables « projets sociétaux », reflétant un mode de vie et une

organisation spécifiques aux dynamiques rurales.

La gestion communautaire est le principe incontournable partagé par toutes les EDIL : c'est

principalement ce qui les distingue des autres établissements (qu'ils soient publics ou privés).

Ces écoles sont en effet placées sous l'autorité d'un Comité (de villageois ou de parents d'élèves) :

une autorité et une gestion participatives donc qui sont censées être davantage représentatives des

35

INSTITUT INTERNATIONAL DE PLANIFICATION DE L'EDUCATION, 2000. « Les écoles communautaires :

Mali, Sénégal, Togo », 213 p.

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29

réalités et aspirations de la communauté concernée.

Un Comité, qui directement implanté au sein du village, est par conséquent immergé au cœur des

réalités culturelles, économiques et politiques de ce dernier. Réalités qu'il peut donc mieux

appréhender et donc mieux répercuter sur le fonctionnement de l'école du village.

Ces établissements, bien que calqués sur le modèle des écoles primaires publiques, ont cependant

fait de leur autonomie à l'égard du gouvernement togolais une véritable force. En effet, les EDIL ont

bâti leur histoire sur la volonté de ne pas s'inscrire dans des rapports complexes et laborieux avec la

puissance publique.

Tout cela dans l'optique d'optimiser la notion de proximité et dans l'optique de s'inscrire dans un

système éducatif décentralisé.

Une solution efficace face à une gestion étatique en difficulté ?

Lorsqu'on observe le contexte d'apparition des EDIL, l'inertie des autorités publiques est

flagrante en matière de politiques éducatives.

Une inaction qui a donc encouragé la multiplication des initiatives locales et rurales.

Si l'on part du postulat qu'à un moment donné la demande d'offre scolaire n'a pas été

satisfaite, le fait que des communautés se mobilisent afin de combler ce « vide scolaire », on ne peut

que s'en réjouir.

En considérant donc que l'État s'est dégagé de son rôle de guide des politiques éducatives,

l'investissement de communautés locales en ce sens ne semble être donc que bénéfique.

Le développement des écoles communautaires s'est donc instauré parce que le gouvernement a

semblé incapable d'atteindre l'ensemble des « élèves potentiels » (notamment ceux situés dans les

zones les plus enclavées géographiquement et ceux marginalisés par le système classique).

L'essor considérable qu'ont connu les EDIL s'accompagne aujourd'hui de certaines questions quant

à leur fonctionnement particulier et quant à leur viabilité.

– Sont-elles aptes à prodiguer un enseignement en quantité tout en satisfaisant le souci d'un

enseignement de qualité ?

– « Faut-il maintenir les écoles communautaires comme un modèle éducatif spécifique ?36

»

Ces établissements communautaires restent avant tout l'expression d'une réponse spontanée et

endogène. Dans ce contexte, on est en mesure de s'interroger sur le caractère ponctuel voire

36

INSTITUT INTERNATIONAL DE PLANIFICATION DE L'EDUCATION, 2000. « Les écoles communautaires :

Mali, Sénégal, Togo », 213 p.

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éphémère de ces EDIL : peuvent-elles s'inscrire dans un processus scolaire durable, et viable sur du

long terme ? « Sont-elles un créneau porteur d'avenir ? »37

Crées avec les moyens du bord, ces écoles visent cependant l'acquisition des mêmes

connaissances (pratiques et théoriques) que les écoles classiques.

C'est ainsi un peu plus de 10% de l'ensemble des élèves scolarisés qui le sont dans les EDIL

togolaises, même si il ne faut pas perdre de vue que les statistiques restent relativement aléatoires et

floues. Le pourcentage d'élèves fréquentant les EDIL a tellement progressé, qu'il a apporté une

contribution majeure dans l'augmentation des taux de scolarisation. Un apport quantitatif indéniable

donc.

Malgré des caractéristiques spécifiques qui ont su séduire, il paraît évident que les communautés

n'ont pas les ressources nécessaires ni pour viabiliser le système communautaire, ni pour espérer

pouvoir étendre le réseau éducatif alternatif. Miser sur l'autofinancement de ces communautés

semble en effet peu viable.

Dans ce contexte, une intervention étatique semble incontournable si l'on veut accorder un statut

« de soutenabilité » à ces écoles spécifiques.

Pour tout développement d'un modèle éducatif parallèle, l'appui de l'État est indispensable : que ce

soit au niveau des aides financières, au niveau de la reconnaissance officielle ou au niveau de

l'appui administratif.

En plus de ce rapport assez paradoxal vis à vis des instances étatiques, certains points, et pas des

moindres, participent à la fragilisation de ces établissements atypiques :

– le coût élevé de la scolarisation pour les familles : en effet ce sont souvent elles qui doivent

assumer les coûts de fonctionnement des écoles faute de ressources financières extérieures

suffisantes. À commencer par le salaire des enseignants qui est en majorité financé par le paiement

des frais d'inscription des parents. Au final, cet aspect là ne fait que perdurer l'inégalité d'accès à

l'éducation (en excluant les familles aux revenus les plus faibles), alors que ces mêmes

établissements étaient censés à la base s'adresser aux exclus du système classique public.

– Le manque de professionnalisme évident des enseignants. Avec des salaires peu attractifs,

les candidats sont par conséquent beaucoup moins nombreux à vouloir exercer dans les EDIL, ce

qui explique que les Comités qui gèrent les écoles soient moins exigeants quant au niveau d'études

des professeurs

– La quasi absence de perspective d'ascension sociale pour ces professeurs combiné à des

37Ibid

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salaires qui restent très bas (entre 5 000 et 20 000 F CFA seulement /mois) concourent souvent à les

décourager

– Des infrastructures et des ressources qui restent très basiques et très précaires : aucune

construction en dur, pas de véritables tables – bancs, faible présence de manuels scolaires, aucune

ressource externe … Toutes ces conditions ne facilitent pas l'apprentissage des élèves et l'exercice

des instituteurs.

– Enfin, il y a souvent des problèmes avec les comités de gestion au niveau de l'organisation.

Les membres sont souvent analphabètes, ne possèdent aucune connaissance solide en matière de

gestions administrative et financière...

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32

IV – Bilan tiré après les diverses missions =

A) Difficultés récurrentes rencontrées :

Un cadre de travail aux contours flous

La principale caractéristique de cette mission de stage a certainement été le manque de

cadres rigides dans son accomplissement.

En effet, dès la présentation de l'école et de son fonctionnement, j'ai rapidement compris qu'il ne

fallait pas s'attendre à des conditions de travail aussi rigides que celles « à l'occidentale », avec des

horaires, des objectifs et des moyens bien déterminés.

Je ne savais pas exactement en quoi allait consister ma mission une fois au village, bien sur j'avais

été informé avant mon départ des principales tâches qui allaient jalonner mon stage, mais je ne

savais absolument pas à quoi m'attendre une fois sur place.

Les deux instituteurs présents sur place n'étaient pas informés de ma mission et de ses contenus.

C'est donc dans ces conditions que j'ai endossé le rôle d'institutrice à part entière, tâche qui n'était

cependant pas répertoriée dans mes missions à la base.

L'improvisation était alors ma principale alliée, lorsque je me suis retrouvée face aux CP1, je n'avais

aucune idée de là où ils s'en étaient arrêtés au niveau du programme, je ne savais pas ce que je

devais leur faire faire, quelle méthodologie et quelle pédagogie employées …

A l'image des deux autres professeurs, il a donc bien fallu s'en sortir toute seule et faire comme je le

pouvais.

Un cadre de travail où des règles et des contours bien délimités étaient alors souvent défaillants. En

témoignent par exemple les nombreuses absences répétées des instituteurs dénoncées par les

membres du Comité. En effet, lors de mon arrivée dans le village, cela faisait plus d'une semaine

que les élèves n'avaient pas eu cours, leurs instituteurs étant « en grève ».

Toujours d'après les membres du Comité, il arrivait assez régulièrement qu'un des instituteurs (celui

des CM) ne vienne pas enseigner sans que personne ne sache pourquoi et sans que quelqu'un ne

connaisse la durée de son absence.

De plus, comme j'ai pu le constater, certains jours il est arrivé qu'aucun des deux ne vienne assurer

les cours alors qu'ils m'avaient pourtant affirmé le contraire et alors que les élèves les attendaient

impatiemment dans la classe.

Certaines journées entières de cours ont également été écourté car les instituteurs devaient rentrer

plus tôt dans leur village (situé à plus de 10km d'Adjako) ou qu'ils devaient aller travailler dans

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leurs champs de culture.

Lorsque je me rendais à l'école, je ne savais donc jamais réellement à quoi m'attendre : est-ce que

j'allais vraiment faire cours ? Est-ce que les élèves seraient présents ? Est-ce que les autres

instituteurs seraient également là ? Est-ce qu'un élément ne viendrait pas perturber la journée ?...

Le quotidien était donc toujours plein d'incertitudes, de paramètres aléatoires, de cadres fluctuants

et surtout d'improvisation ! Le maître mot était donc une adaptation permanente.

Manque criant de matériel et de ressources

Le point qui m'a le plus freiné dans l'accomplissement de ma mission au sein de l'école a

clairement été le manque de matériel nécessaire.

En effet, pour faire simple, il m'a fallut gérer les différents apprentissages au CP1 sans le moindre

matériel. Seuls le tableau et les ardoises de chaque élève ont pu servir de support. Par exemple, il

m'a paru indispensable de fournir à chacun d'entre eux un chiffon en tissu afin qu'ils puissent effacer

correctement leurs ardoises38

.

Chaque jour au moins un des élèves venait réclamer une craie.

Le problème le plus récurrent a été celui des stylos : tous les après-midi environ une dizaine

d'élèves ne possédait pas de stylos pour écrire.

Nous essayions de trouver des alternatives : je leur prêtais des stylos m'appartenant, ils en

empruntaient aux élèves du CE et du CM, ils se les prêtaient entre eux …

Mais au final, il y avait toujours une poignée d'élèves qui se retrouvait sans stylo pour écrire et qui

passait donc l'après-midi à ne pas pouvoir travailler, faute d'avoir le matériel nécessaire.

Ceci était aussi frustrant pour eux que pour moi : voir des élèves, pourtant très motivés, ne pas

pouvoir s'entraîner parce qu'ils n'ont pas de stylo est très décevant. Je pouvais facilement lire de la

déconvenue dans leur attitude.

Lorsqu'il s'agissait de compter, nous nous appuyions sur de simples bouts de bois qui faisaient alors

office de bâtonnets. Pour des activités plus ludiques (par exemple lorsque nous avons organisé une

sorte « de loto » afin de leur faire mémoriser les nombres jusqu'à 20), il fallait également se

contenter « des moyens du bord » : des feuilles d'anciennes compositions, des cailloux ….

Le fait qu'ils soient dans l'obligation de s'entasser sur ces bouts de bois totalement instables et

spartiates rendait également l'enseignement et l'apprentissage d'autant plus complexes. En effet, les

38Ils effectuaient jusque là cette tâche avec leurs langues ou avec leurs mains, ce qui n'était par conséquent que très peu

pratique.

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enfants tombaient régulièrement par terre ou manifestaient souvent le besoin de se dégourdir (en se

levant ou en allant voir les autres camarades) : comment les réprimander pour cela alors qu'ils

étaient dans une situation inconfortable tout au long de leur journée ?

De plus, il n'y avait aucun sanitaire : les élèves se lèvent donc fréquemment pour aller faire leurs

besoins à seulement quelques mètres de là où nous faisions cours.

Ces situations, aussi cocasses pouvaient-elles être sur le moment, devenaient cependant rapidement

révoltantes à la longue.

Je me suis vite faite à l'idée qu'il n'y avait aucun matériel et qu'il fallait donc faire avec ce qui nous

entourait. Cela oblige clairement à faire preuve d'une plus grande imagination et à multiplier des

solutions alternatives adaptées au contexte local.

Accommodation à la vie villageoise

Lorsque je me suis rendue pour la toute première fois dans le village d' Adjako, c'est en

parcourant pendant plus d'une heure et quart les kilomètres de piste que j'ai réellement pris

conscience de là où je me rendais.

Arrivée sur place, les premières sensations furent multiples : l'étonnement (de voir le village en vrai

: maisons en paille, aucune construction en dur, des animaux partout en liberté …), l'appréhension

et la crainte de se retrouver seule « blanche » dans le village, et le sentiment fort d'être totalement

coupée du monde (comme si le village vivait en autarcie, replié sur lui-même) …

C'est cette sensation d'être marginalisée du reste de la civilisation qui a, de loin, été la plus difficile

à gérer. Même la question des conditions sommaires d'accueil (pas d'eau courante, pas d'électricité

…) me paraissait être bien secondaire à côté.

J'ai pris conscience du fait que le manque de confort pouvait ainsi être facilement surmonté, à la

différence du profond éloignement du village.

Le village qui est situé à plus d'une cinquantaine de kilomètres de piste de « la première ville » la

plus proche, ne bénéficiait d'aucun lien direct avec cette dernière : moyens de transport qui se

limitent aux motos et aux taxi-brousse, aucune information de ce qui se passe en dehors du village,

aucune source d'informations (hormis une seule radio appartenant à un villageois), aucune source de

distraction pour les habitants (pas d'activités de détente, la pratique du football le dimanche était la

seule animation du village) …

Tout cela rendait par conséquent les temps libres, le week-end notamment, relativement longs.

La barrière de la langue a été de surcroît un obstacle majeur et récurrent. Seuls le pasteur et

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les deux instituteurs pratiquaient et parlaient couramment le français au sein du village, ce qui

limitait fortement les échanges avec les villageois. Les élèves les plus grands (les CE et les CM)

eux aussi arrivaient également à le comprendre et à le parler. Mais après, personne dans le village

ne parlait le français, il fallait donc tout le temps faire appel à des traducteurs afin de pouvoir

instaurer un minimum de communication avec les habitants.

J'ai alors ressenti, très souvent, un sentiment profond de frustration : la plupart des villageois

paraissait avoir beaucoup de choses à me dire, beaucoup de questions à me poser .. mais il était très

difficile de pouvoir échanger avec eux

Il en était de même avec les élèves du CP1 qui semblaient toujours avoir une multitude de choses à

me dire chaque jour, choses que j'avais beaucoup de mal à comprendre.

Heureusement, la secrétaire de l'association qui était venue pour le premier voyage au village avec

moi a très souvent servie de traductrice, notamment pour les réunions avec les comités (de

villageois et de Parents d' Élèves).

La question de la religion est extrêmement présente au sein du village : les messes ( 2 à 3

fois par semaine en plus de la grande messe du dimanche matin) rythment véritablement leur vie.

Pour nous qui ne baignons pas dans cet univers très dévot, certains aspects peuvent sembler nous

dépasser : la prégnance de leur foi, le fait qu'ils remettent tous leurs espoirs en Dieu.

B) Bénéfices tirés de cette expérience :

Le difficile exercice de mise en œuvre d'une gestion de projet dans un pays en

développement

La gestion de projet menée dans un pays en développement se heurte souvent à des obstacles

de taille.

Il est vrai qu'avant de partir au Togo, j'avais une idée assez arrêtée et plutôt fermée du déroulement

futur de ma mission. Naïvement je pensais que l'intitulé du stage était assez concis pour aboutir à

des tâches et à des réalisations concrètes. Cependant, une fois arrivée sur le sol africain, force a été

de constater que les réalités du terrain sont totalement différentes, à commencer par les procédés de

fonctionnement.

Dans un pays où la pauvreté est extrêmement présente, les priorités et la valeur accordées aux

choses ne sont absolument pas les mêmes que chez nous.

Lorsqu'on évoque la notion de gestion de projet dans les pays du Nord, cela ne renvoie pas du tout

aux mêmes caractéristiques que la gestion de projet au Sud. En effet je m'attendais à des conditions

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d'organisation et de fonctionnement assez rigides durant ma mission, mais très vite je me suis

rendue compte qu'il n'en serait rien.

Les contextes politique, social, culturel, administratif et institutionnel sont totalement différents de

ceux que l'on peut connaître chez nous et ont donc une influence toute autre. La différence au

niveau des mœurs est ici particulièrement saisissante.

Dans un pays comme le Togo où le processus démocratique est, en théorie bien entendu, une valeur

acquise depuis un certain temps, mais où sur le terrain la réalité est toute autre, cela limite d'autant

plus l'avènement d'initiatives nouvelles. Des initiatives qui restent en effet toujours très encadrées

par le gouvernement en place, à l'image des actions entreprises ici par l'association pour laquelle j'ai

œuvré. C'est en tout cas ce que j'ai personnellement ressenti : la marge de manœuvre des actions

d'aide au développement sont tolérées tant qu'elles ne viennent pas perturber l'exercice de l' État.

J'ai également été confronté au manque d'organisation dans la gestion de projet : comme j'ai pu

l'évoquer précédemment, il ne faut pas s'attendre à une trop grande rigueur dans la structuration des

projets. Cette constatation reste une observation d'ensemble et surtout très personnelle, qui n'engage

que mon propre chef.

Ce manque de minutie, perceptible à tous les niveaux d'organisation, se traduit principalement par :

→ des lenteurs administratives et bureaucratiques manifestes et qui sont avant tout préjudiciables à

l'efficacité des projets de développement

→ le fait que les personnes concernées par la mise en œuvre du projet ne sachent jamais trop avec

précision le statut et le rôle qu'elles vont devoir endosser

→ le fait que « le sens de l'organisation » ne semble pas du tout correspondre au sens de

l'organisation des pays occidentaux : j'ai constaté que souvent, il fallait qu'une tierce personne

vienne et instaure des cadres pour aider à débuter. Cela n'enlève rien à leur volonté de faire avancer

les choses, ils semblent juste pâtir du manque de rigueur ambiant.

Il faut également être capable de s'adapter à exercer avec des personnes qui partagent des habitudes

et des mœurs différentes des siens. Les différences culturelles sont toujours très présentes, plus ou

moins fortes selon les périodes ou les personnes, il faut donc apprendre à composer avec en

s'adaptant au contexte dans lequel on évolue si l'on veut espérer pouvoir mener à bien sa mission.

En ce qui me concerne, je trouvais inconcevable de ne pas essayer de s'adapter au maximum aux

règles et aux traditions locales durant toute ma mission, même si cela n'a pas été évident tous les

jours.

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Bilan professionnel :

Sur le plan professionnel, cette expérience aura été plus que bénéfique. Pour commencer,

elle m'a permis de me rendre pour la première fois dans un « pays en développement », et de

partager le quotidien de la population. Quand on est inscrite en Master « Aménagement et

Gouvernance dans les pays du Sud », cela paraît difficile de ne pas se confronter directement et

concrètement aux réalités de ces pays là. De plus, comme j'aspire à occuper plus tard un poste de

« chef de mission », une première expérience à l'étranger (d'autant plus dans un pays africain où des

programmes de développement sont très nombreux) est plus que salutaire, et surtout indispensable

pour la suite.

Tant que l'on ne se retrouve pas immergé dans des pays du Sud, on ne peut qu'avoir de vagues idées,

souvent éloignées des réalités du terrain.

Cela m'aura permis de me conforter dans l'idée que c'est dans ces pays, notamment sur le continent

africain, que je souhaiterai œuvrer plus tard.

Le quotidien de ma mission au sein du village m'aura également procuré des sources de satisfaction

et de motivation considérables : j'ai ainsi pu me rendre compte que venir en aide à des populations

défavorisées, sentir que je pouvais leur être utile (même de façon modeste), était pour moi très

important.

Voir par exemple que mes élèves avaient une telle soif d'apprentissage, et surtout pouvoir mesurer

les progrès considérables qu'ils accomplissaient au fur et à mesure du déroulement du stage était

véritablement appréciable. Les sentir aussi impliqués dans les activités, aussi enthousiastes à l'idée

d'aller à l'école39

, permettait de dépasser les différents obstacles rencontrés au quotidien.

Le seul regret que je pourrais émettre concerne le caractère ponctuel et éphémère de mon

action au sein du village et de son école : en effet, ma fonction d'institutrice n'aura été que

temporaire. Les bénéfices que les élèves, et plus indirectement les villageois, ont pu tiré de

l'exercice de ma mission auront surtout été mesurables au moment où j'y étais, sur du court terme.

Je ne suis effectivement pas convaincue que les conditions, le fonctionnement, et la gestion de

l'école d'Adjako vont foncièrement changer dans un futur proche. La venue d'une personne

extérieure a indéniablement permis de provoquer des changements positifs, des prises de

conscience, notamment quant à l'importance à accorder à l'école et à la scolarisation. Cependant, je

ne suis pas crédule au point de croire que ma simple venue va permettre une amélioration certaine

39Jusqu'à réclamer des cours supplémentaires le mercredi après-midi ou le samedi matin, alors qu'ils n'avaient en théorie

par cours ces demies-journées là

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et incontestable des conditions de scolarisation au village.

Bilan sur les plans personnel et humain :

Non content d'avoir été une expérience riche d'enseignements sur le plan professionnel, ce

stage aura été surtout synonyme d'ouvertures humaine, culturelle et personnelle considérables.

Je pense en effet que les bénéfices les plus notables et les plus durables que j'ai pu retirer de cette

aventure se situent en effet davantage sur des champs hors de la thématique professionnelle.

Les multiples et diverses confrontations avec des personnes aux aspirations, aux mœurs, aux

quotidiens souvent très éloignés des miens, m'ont effectivement obligée à faire preuve d'une plus

grande ouverture d'esprit.

Toutes autant de nouvelles rencontres qui ont symbolisé des gains personnels. J'ai beaucoup appris

sur moi-même à travers les échanges avec ces personnes culturellement différentes : je me suis

rendue compte de certaines choses concernant ma vie française (du décalage considérable qu'il

pouvait y avoir par exemple entre ma vie française et ma vie au Togo). J'ai pris conscience que la

richesse et la chaleur des personnes avec qui j'étais alors en contact étaient de véritables sources de

réjouissance quotidienne, des sources d'épanouissement que je ne soupçonnais pas jusque là.

Même si il faut bien le reconnaître, la perception qu'ont les togolais « des blancs » est, dans un

premier temps, souvent erronée. En effet, les blancs sont avant tout perçus comme des personnes

ayant beaucoup d'argent et représentent alors une source d'intérêt conséquente. Une fois que l'on

parvient à dépasser cela et que l'on explique clairement que tous les blancs ne sont pas

nécessairement riches, des relations sincères peuvent alors voir le jour.

J'ai été touché par les nombreuses marques de respect et d'affection témoignées par les habitants d'

Adjako notamment à mon égard : offrande de nourriture, sacrifice d'animaux, salutations

quotidiennes. Des gestes anodins du quotidien mais qui révélaient pourtant une grande richesse

humaine.

Conclusion :

Les conférences ainsi que l'ensemble des aides financières internationales consacrées à la

thématique éducative à l'échelle mondiale ont instauré de nouvelles normes scolaires. On assiste en

effet de plus en plus à une uniformisation des pratiques scolaires mondiales.

Les pays du Sud, à l'image du continent africain illustrent bien le phénomène.

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Cependant, comme j'ai pu le constater sur le terrain, chaque pays a ses spécificités : une histoire,

des politiques éducatives et une gestion politique qui lui sont bien propres et qui admettent

difficilement des politiques généralistes.

Le Togo semble être bien représentatif des nombreux problèmes que rencontrent aujourd'hui bon

nombre de pays africains face aux exigences émanant des politiques mondiales de l' EPT

notamment.

Bien que le gouvernement semble accorder au champ éducatif une place et un rôle croissants, les

réalités sur le terrain paraissent être bien plus complexes. Un fait que j'ai pu constater tout au long

de m mission. L'éducation pâtit fortement du manque de moyens financiers et d'un investissement

politique significatif.

Dans un tel contexte, la société civile, à travers les associations humanitaires notamment, est amené

à endosser un rôle considérable dans le secteur éducatif, à l'image de ma mission au sein de l'école

du village que j'ai effectué.

Les actions entreprises par les différentes ONG dans le panorama scolaire togolais sont perçues au

premier abord comme étant des actions louables et nécessairement bénéfiques, dans le sens où ces

actions permettent de compléter une offre éducative incomplète ou insatisfaite.

Mais dans les faits, la réalités de ces projets ne se limite pas à cette lecture simpliste.

La prise de conscience que j'ai pu développer suite à la mission au sein de l'école m'a amené à me

questionner sur l'efficience réelle et sur la pérennité des projets éducatifs portés par les associations.

En effet, c'est surtout la question de la durabilité qui m'a interpellé : quel est l'impact sur le long

terme des programmes éducatifs de développement ?

J'ai pu mesurer la portée « limitée » de projets de développement ponctuels, qui sont certes efficaces

sur la période concernée mais qui n'ont cependant que des impacts restreints sur une période plus

longue.

Ce qui m'a poussé à m'interroger sur cet aspect là : l'arrivée et l'implication croissantes des ONG

dans la thématique scolaire ne risquent-elles pas à terme de placer l'éducation togolaise sous

perfusion ?

Une dépendance accrue donc aux interventions associative et humanitaire qui fragilisent d'autant

plus un sphère éducative togolaise déjà en difficultés.

Lors de ce stage de 4 mois, j'ai ainsi pu mettre en pratique les différentes connaissances

théoriques acquises durant cette année de Master 2 en ce qui concerne : la gestion de projet, le cadre

logique (élaboré pour appuyer la demande de subvention auprès de l'ambassade), l'arbre à

problèmes (qui m'a été utile pour établir un premier bilan après la découverte du fonctionnement de

l'école) et l'évaluation de projets de développement …

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Ce stage m'aura donc permis, d'une part, une première confrontation directe aux réalités complexes

des pays en développement, et d'autre part, la découverte d'une nouvelle culture, une expérience très

enrichissante et salutaire sur le plan personnel.

De plus, cette aventure aura confirmé ma volonté de travailler dans un pays en développement.

L'analyse et l'étude des dynamiques à l'œuvre dans ces pays m'intéressent effectivement beaucoup.

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Site de Lupajote : http://www.lupajote-togo.org/albums

Site de Togo-éducation : http://www.togo-education.tg/

Sites de l'UNESCO : http://www.unesco.org/new/fr/unesco/

http://www.unesco.tg.refer.org/

Site du PNUD : http://www.tg.undp.org/undptogo/index.htm

Site de la Présidence du Togo : http://www.presidencetogo.com/

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Annexe 1 : Réunion de sensibilisation organisée le 6 mai 2012 à Adjako : (entre

60 et 80 personnes présentes)

« Bonjour à toutes et à tous, je me présente je m'appelle Clémence. Je vais vivre dans votre village

durant 3mois car j'effectue une mission de stage avec l'ONG Lupajote autour de l'éducation.

Nous allons donc travailler avec l'école de votre village. Notre objectif est d'assister les enseignants

dans leur travail afin de mieux comprendre les difficultés que rencontrent votre école.

Nous avons vraiment envie de venir en aide à votre école, nous ferons tout ce que nous pourrons

pour tenter d'améliorer les conditions de scolarisation de vos enfants.

Parce que nous sommes réellement convaincues de l'importance pour tout le village de s'intéresser

à l'école.

Envoyer vos enfants à l'école aujourd'hui c'est un moyen sûr de leur assurer un avenir. Si vous ne

scolarisez pas vos enfants, c'est comme si vous les priviez d'un chemin qui leur ouvrirait plein de

portes sur leur avenir.

Vous avez la chance d'avoir une école dans votre village avec deux enseignants volontaires alors

que certains villages aux alentours n'ont pas d'école (ce qui oblige les enfants à parcourir des

kilomètres à pieds pour aller à l'école) : alors rendez-vous compte de la chance que vous avez eu

lorsque l' Église a construit cette école ici.

Tous les enfants devraient avoir le droit d'aller à l'école.

Il faut voir la scolarisation de vos enfants comme un don du Ciel : c'est en allant à l'école qu'ils

vont pouvoir apprendre à lire, à écrire, à parler le français …

Cela va leur permettre de s'ouvrir sur l'extérieur, sur les autres : vos enfants vont pouvoir

comprendre tout ce qui les entoure.

En allant à l'école, ils vont devenir des enfants responsables, l'école va les préparer à affronter le

monde des adultes. Ils vont pouvoir étudier pour exercer le métier qui leur plaît vraiment. Ne

seriez-vous pas fiers de dire que votre enfant travaille pour un métier qui l'intéresse et qui le motive

à se lever tous les matins ?

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La satisfaction pour vos enfants d'apprendre tous les jours de nouvelles choses, d'être avec ses

copains... est tellement importante pour son bien-être qu'il fait l'encourager à fréquenter l'école.

Vous imaginez la fierté que vous pourrez ressentir lorsque votre enfant passera en classe supérieure

et qu'il validera ses examens ?

La fréquentation de l'école c'est pour tous vos enfants une réelle chance de s'en sortir dans le futur,

de connaître autre chose que les travaux du champs … Car non la place d'un enfant n'est pas aux

champs avec ses parents mais bien à l'école : les travaux du champ sont trop durs pour eux.

L'école va leur permettre de pouvoir se débrouiller tout seul dans la vie : ils ne se feront pas

exploités car ils pourront discuter d'égal à égal avec d'autres adultes grâce à tout ce que l'école

leur aura enseigné.

C'est pour toutes ces raisons là qu'il faut que votre enfant aille à l'école et surtout qu'il y reste !

Nous voulons travailler pour améliorer les conditions de travail de votre école ici, mais pour cela il

faut que vous aussi nous aidiez en envoyant vos enfants.

Nous allons donc voir ce que nous pouvons faire à notre niveau pour faciliter le travail des

instituteurs.

Si vous avez des questions, n'hésitez pas ! »

BILAN APRES LA REUNION :

Les habitants semblaient très réceptifs, contents que l'on s'intéresse au sort de leur école

Du coup,ils ont l'air d'avoir pris conscience de l'importance de l'éducation. « On a compris que la

place de nos enfants est à l'école et non pas aux champs comme nous. Nous n'avons connu que les

travaux champêtres, mais on sait que les choses ont évolué et que maintenant nos enfants ne doivent

pas suivre le même chemin que nous ».

→ Notre intervention semble avoir provoqué un électrochoc chez les adultes, notamment chez les

hommes du village (qui prennent eux seuls la décision de scolariser leur enfant ou non). Comme si

si ils avaient eu besoin d'entendre tout ça de personnes extérieures.

Des villageois donc très enthousiastes à l'idée de nous venir en aide : dès le lendemain matin, une

grande partie des hommes du village est allée remettre en état la classe délabrée des CP (qui

n'avaient donc pas de classe à eux jusque là …).

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Annexe 2 : Entretien avec les deux instituteurs le vendredi 4 mai :

– En quelle année l'école a t-elle été construite et par qui ? L'école du village a été construite en 2007 par l'Église présente ici. Il y a actuellement 5 niveaux

différents et nous ne sommes que 2 enseignants. L'année dernière, l'enseignant qui était là a décidé

de partir.

– Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez au quotidien ? La première difficulté est clairement matérielle : l'école n'a aucun document. Nous devons

demander à des collègues (qui exercent dans d'autres villages voisins) de nous louer leur document.

Ces documents sont à la fois des livres pour les enfants et des guides pour nous les enseignants.

Nous louons chaque document 300 FCFA/an, nous en prenons environ une trentaine par an. Mais à

chaque fin d'année, il y a toujours des soucis pour payer. C'est le Comité des Parents d' Élèves qui

gèrent toutes les questions financières liées à la gestion de l'école : c'est eux qui récupèrent les frais

d'inscription normalement donnés par les parents pour la scolarisation de leurs enfants.

Les frais d'inscription s'élèvent ici à 4000 FCFA/enfant/an. Ces frais peuvent être versés en deux

fois.

Du coup, nous n'avons qu'un seul livre de lecture et qu'un seul manuel de calcul pour toute la classe.

Nous recopions donc chaque leçon au tableau pour que tous les élèves puissent avoir la leçon dans

leur cahier. Ici, nous n'avons pas de photocopieuse, sinon il faut aller jusqu'à Anié (située à une

cinquantaine de kilomètres du village).

Autre problème : le niveau des élèves. Globalement, c'est assez faible ! Ce qui nous inquiète le plus

c'est qu'une fois les élèves sortis de la classe, ils ne font plus aucune révision à la maison. Cela nous

paraît difficile de leur faire retenir les leçons si ils ne révisent jamais et ne s'entraînent pas chez eux.

Les leçons sont dans l'ensemble à peu près comprises en classe, mais sans révision elles s'oublient

vite.

Ils nous disent que sans lumière c'est difficile de réviser, mais on sait bien qu'ils ont tous au moins

une torche chez eux.

– Et au niveau salaire, ça se passe comment ? Alors là, il y a un gros problème pour nous avec le salaire. C'est le Comité des Parents d'élèves qui

nous paie. Sachant que le Comité nous doit 3 mois de salaires non payés jusque là …

Nous avons essayé de faire grève une semaine pour essayer de faire comprendre aux parents qu'ils

devaient payer les frais de scolarité, mais en vain. En fait, c'est à se demander si lorsque nous avons

fait grève cela n'a pas plutôt arrangé les parents : car du coup leurs enfants sont allés les aider aux

champs... Finalement, comme nous avons pitié des enfants nous avons repris le travail.

La grande majorité des parents considère que ces frais (de 4000 FCFA) sont bien trop élevés !

Et du coup, comme le Bénin est proche, certains préfèrent les envoyer de l'autre côté de la frontière

où ils disent que c'est moins cher !

Pour vous dire, certains parents n'ont pas encore déboursé 1 seul FCFA alors que leur enfant vient à

l'école tous les jours et que l'année scolaire touche bientôt à sa fin.

– Lors de la visite de l'école, vous nous avez mentionné les nombreux abandons

(début d'année : 125 élèves et aujourd'hui seulement 75) : comment l'expliquez-vous ? La cause de l'abandon c'est tout simplement les frais !! Les parents considèrent que c'est trop cher et

préfèrent retirer leurs enfants de l'école et les amener travailler aux champs toute la journée.

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C'est ici la seule école à environ 3 kilomètres à la ronde, on devrait donc avoir bien plus d'élèves

que ça, mais la question des frais empêche donc une fréquentation normale.

D'ailleurs on peut considérer qu'il y a aujourd'hui 2 à 3 fois plus d'élèves non scolarisés que ceux

inscrits à l'école.

– Sentez-vous quand même de l'intérêt chez les parents dont les enfants fréquentent

l'école ? Pour être honnête : pas du tout. Les parents sont bien trop occupés par leur travaux champêtres (ils

partent très tôt le matin et rentrent à la nuit), du coup ils négligent tout ce qui concerne l'école. Nous

avons organisé des réunions l'année dernière mais très peu de parents se sont déplacés ou ont trouvé

le temps de venir.

Si les parents ont des questions ou des réclamations : ils vont voir les membres du Comité et non

pas nous.

Des engagements avaient été signé en début d'année entre les parents, le Comité et nous même afin

que les élèves s'engagent à nous amener une certaine partie des récoltes des parents. Tout cela afin

de compenser notre salaire peu élevé.

Sauf que personne ne respecte le contrat. Que voulez-vous qu'on fasse ?

Il y a des jours où il me tarde vraiment que l'année scolaire se termine, et plus on avance et plus je

ressens ça …

Annexe 3 : Entretien avec l'instituteur des CM1 le lundi 11juin lors des

compositions finales :

– L'école n'est pas reconnue par l'État, mais vous avez quand même accès aux

compositions. Comment est-ce possible ?Et quelles sont les raisons qui peuvent expliquer

que vous n'êtes pas reconnus? Comment se Pour que l'école soit reconnue, il faut la réunion de plusieurs conditions :

Déjà,l'école doit avoir un cycle complet (du CP1 au CM2): ce qui n'est pas le cas ici

Ensuite, il doit y avoir un fonctionnaire officiel nommé en tant que directeur de l'école en

question

Enfin, il faut assister aux réunions (régionales, préfectorales) afin de se faire connaître à une

échelle administrative supérieure

Nous sommes jumelés avec l'école de Luwanda et travaillons en étroite collaboration avec son

directeur, c'est ce qui nous permet de pouvoir avoir accès aux compositions officielles. L'école de

Luwanda est elle une EPP (École Primaire Publique) et est donc reconnue par l'État. Son directeur

nous transmet donc les informations et les courriers officiels émanant de l'État lui-même et nous

sert également de coursier !

Nous espérons que l'année prochaine la situation change : lorsque nous rendrons les corrections des

compositions (le 7juillet), nous devons avoir une réunion avec les membres du Comité des Parents

d'élèves et le directeur de Luwanda. C'est à cette occasion que nous prendrons les grandes décisions

pour l'année scolaire prochaine. Comme nous aurons normalement toutes les classes l'année

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prochaine, nous espérons que lors de cette réunion, nous déciderons d'engager un 3ème instituteur!

Apparemment, l'année prochaine il devrait y avoir beaucoup d'élèves en CP1 (environ une

trentaine) : depuis votre arrivée, les gens dans le village semblent plus intéressés par ce qui se passe

au sein de l'école. On dirait qu'ils vont être plus nombreux à inscrire leur enfant. C'est pour cela que

nous aurions fortement besoin d'un 3ème instituteur à nos côtés !

– Comment se déroule le recrutement ? Y-a t-il des inspecteurs C'est lors de la réunion de fin d'année que cela va se décider, en accord avec les membres du Comité

et le directeur de Luwanda.

Si l'on décide d'engager un nouvel instituteur, les membres du Comité vont partir à sa recherche

dans les villages voisins (cela s'est déroulé comme ça pour notre propre recrutement à nous). Le

premier critère est celui du niveau d'études, ensuite si le candidat est retenu, il devra ensuite passer

un entretien avec le directeur de Luwanda qui validera ou pas sa candidature.

C'est donc à partir du 7juillet que nous en saurons officiellement plus pour l'année prochaine :

nombre exact d'instituteurs, montant des salaires, effectif des élèves...

Nous espérons vraiment qu'il y ait un autre instituteur pour nous aider. En ayant un cycle complet et

avec le respect des engagements pris lors de la réunion entre le Comité et les instituteurs40

, nous

espérons avoir de quoi être optimistes !

– Y-a t-il des inspecteurs qui passent parfois pour vérifier le bon déroulement des

compositions ? Non, presque jamais nous n'avons vu des inspecteurs venir lors des épreuves. Ils peuvent des fois

passer uniquement pour les compositions des CP2 ou CM2 (considérées comme les classes les plus

importantes ici), mais c'est tout. C'est la seule raison qui pourrait faire qu'ils viennent. Sinon, nous

on se débrouille comme on peut ici : on en a l'habitude maintenant !

40Le Comité s'est engagé lors de la réunion entre les membres du Comité des Parents d' Élèves et les instituteurs à

financer les déplacements des instituteurs pour qu'ils puissent se rendre aux réunions préfectorales en vue d'une

possible reconnaissance officielle par l' État

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Annexe 4 : Dossier de demande de subvention auprès de l'ambassade de France

AMBASSADE DE FRANCE AU TOGO

Fiche de description de projet

A remplir pour toute demande de financement dans le cadre du

Fonds Social de Développement (FSD) 2012 de l’Ambassade de France

La fiche remplie ne doit pas excéder 2 pages

A renvoyer obligatoirement par courrier électronique à [email protected] – objet « FSD 2012 »

Intitulé du projet

(2 lignes maximum)

" J'apprends correctement "

Secteur d’intervention

(plusieurs choix possibles)

droits de l’Homme citoyenneté

éducation et formation promotion des femmes

protection de l’enfance appui aux personnes handicapées

protection de l’environnement développement durable

énergies renouvelables innovations technologiques

activités génératrices de revenus appui au secteur agricole

arts, culture et artisanat tourisme

santé action sociale

bâtiments et infrastructures voirie et assainissement

Autre secteur :

Durée de réalisation

(nombre de mois, date de début et date de fin, 24 mois maximum)

Durée en mois (24 mois maximum) : 9 mois

Date de début : septembre 2012 Date de fin : juillet 2013

Contexte/Cadre Situation de départ (de la région ou de la localité, de la population, du groupe cible) :

Village d' Adjako, 50km au Nord-Ouest d' Anié. 400 habitants dans le village

Problèmes principaux que le projet entend résoudre : EDIL non reconnue : mauvaises conditions de travail, manque de ressources

financières, aucun matériel pédagogique, forts taux d'abandon

Localisation Précisez la zone d’intervention principale du projet :

Région : Région des Plateaux Préfecture : Ogou Nord

Ville ou village : Adjako Quartier :

Objectifs Objectif général du projet :

Instauration de meilleures conditions d'apprentissage à l'école

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Objectifs spécifiques devant permettre d’atteindre l’objectif général :

- Optimiser au maximum le temps passé par les élèves en classe - Eviter les forts

taux d'abandon - Fournir les ressources pédagogiques nécessaires

Principales activités prévues

- Dotation en manuels scolaires - Fournir des tables-bancs en dur

Parties prenantes à la mise en œuvre technique du projet

Précisez quels seront :

- Le maître d’ouvrage / responsable du projet :

Nom : Mr KUAGBENU Nestor-Joseph

Adresse : LUPAJOTE - Adidogomé, Rue Boukarou, local n° 262 BP

62065

Numéro de téléphone : 00228 23 38 03 72

Adresse électronique : [email protected]

- Le maître d’œuvre / responsable technique du projet (s’il diffère du maître d’ouvrage) :

Nom : Rieuneau Clémence

- Les bénéficiaires : indiquez quels sont les bénéficiaires auxquels s’adresse le projet, en apportant dans la mesure du possible des données chiffrées (ex : nombre d’habitants touchés, nombres de membres de groupements concernés…) : 73 élèves actuellement , plus environ 25 prévus en plus pour l'année

scolaire prochaine. Plus les 400 habitants du village

Indicateurs d’évaluation Précisez les indicateurs mesurables et vérifiables qui permettront d’évaluer si les objectifs spécifiques fixés dans le cadre de ce projet ont été atteints ou non. Ces indicateurs peuvent être quantitatifs et qualitatifs.

- Enquête de satisfaction auprès des principaux bénéficiaires : les élèves de l'école -

Enquête / Entretiens avec les instituteurs - Mesure et Comparaison des taux de

réussite aux compositions finales - Nombre d'inscriptions par rapport à celles

enregistrées l'année passée - Taux d'abandon en cours d'année

Partenaires financiers Précisez quels sont les autres partenaires financiers de ce projet

Pérennité Expliquer brièvement comment l’action mise en œuvre pourra perdurer au-delà de l’arrêt du financement du Fonds social de développement (FSD)

L'instauration de meilleures conditions se lira sur du long terme. La dotation en

manuels scolaires et en infrastructures en dur ne se limitera pas à un apport ponctuel,

tous deux seront réutilisables par les nombreuses générations à venir. De plus, cela

pourrait permettre de lancer le long processus de reconnaissance de l' EDIL par l'

État togolais

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Objectif général :

Améliorer les conditions d'apprentissage des 90 élèves de l'école d' Adjako

:

Objectifs spécifiques :

Optimiser au maximum le temps passé par les

élèves à l'école

Éviter les forts taux d'abandon et de désertion de

l'école

Réalisations :

Développement éducatif

Développement communautaire

Développement pédagogique

Ressources en matériaux pédagogiques

Moyens :

Coordinateur de projet, dotation en

infrastructures et en matériaux scolaires,

transport, enquête de satisfaction auprès des

élèves et des enseignants, suivi et évaluation du

projet de subvention ….

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Table des matières =

Remerciements

Table des sigles

Introduction

I ) Un enjeu éducatif complexe dans les pays du Sud =

A) Une préoccupation placée au rang des priorités des politiques de développement :

« L'éducation pour tous d'ici à 2015 », les Objectifs du Millénaire

L'éducation, présentée comme base incontournable du développement

B) Des besoins qui restent considérables :

C) Une gestion encore très précaire :

Carences de l'action publique

Émergence des acteurs et des stratégies privés dans le secteur de l'éducation

II ) La thématique scolaire au Togo =

A) État des lieux général : quelle politique éducative au Togo ?

Bref rappel historique

Évolutions majeures observées dans le secteur de l'éducation

Décalage considérable entre la teneur des discours officiels et les réalités du terrain

B) Un pays marqué par de profondes disparités :

Des contrastes régionaux saisissants

L'équité « garçon/fille » : un objectif encore lointain

C) La question contemporaine des EDIL : essor des initiatives scolaires rurales :

L'émergence des EDIL : une réponse face à l'inadéquation de l'offre éducative

A la base de la gouvernance communautaire et de la dynamique rurale

Une solution efficace face à une gestion étatique en difficulté ?

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III ) Projet de développement : la mission de gestion éducative effective =

A) Cadre général d'accomplissement du stage :

Présentation de LUPAJOTE

Le village d' Adjako et son école

B) Description des missions :

Organisation et Gestion des cours aux CP

Activités menées en parallèle

Conclusions tirées face à la situation de l'école

IV) Bilan tiré après les diverses missions =

A) Difficultés récurrentes rencontrées :

Un cadre de travail aux contours flous

Manque criant de matériel et de ressources

Accommodation à la vie villageoise

B) Bénéfices tirés de cette expérience :

Le difficile exercice de mise en œuvre d'une gestion de projet dans un pays en

développement

Bilan professionnel

Bilan sur les plans personnel et humain

Conclusion

Bibliographie

Table des Annexes

Annexe 1 : Réunion de sensibilisation organisée le 6 mai 2012 à Adjako

Annexe 2 : Entretien avec les deux instituteurs le vendredi 4 mai :

Annexe 3 : Entretien avec l'instituteur des CM1 le lundi 11juin lors des compositions finales

Annexe 4 : Annexe 4 : Dossier de demande de subvention auprès de l'ambassade de France

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III- Projet de développement : la mission de gestion

éducative effective =

A) Cadre général d'accomplissement du stage :

Présentation de LUPAJOTE et de ses diverses missions

LUPAJOTE (Lutte pour la Paix et la Joie sur Terre) est une association humanitaire dont le

but principal est de promouvoir la paix auprès de la population togolaise. Elle a vu le jour il y a

maintenant 3 ans, sous l'impulsion de son actuel directeur : Mr Nestor-Joseph KUAGBENU.

Les étudiants français intéressés par l'organisation et ses actions peuvent donc entreprendre un stage

dans leur domaine de prédilection. L'organisation propose ainsi des offres de stage qui couvrent des

domaines d'intervention très variés : cela va de la gestion des déchets, en passant par le management

d'entreprises, à des activités culturelles et éducatives.

Des séjours plus courts sont également proposés : des missions temporaires menées dans des

villages avec un objectif à atteindre dans un temps donné. Elles répondent à des besoins rapides en

infrastructures de base notamment et sont donc l'occasion pour un groupe de jeunes de satisfaire

leur volonté de venir en aide à des populations en difficultés.

Chaque année, l'association croît davantage afin d'accueillir un nombre plus important de stagiaires,

lui permettant ainsi de répondre à de nouveaux besoins de populations identifiées comme étant les

principales bénéficiaires des projets.

Cette année 2012 a vu par exemple plus d'une trentaine de stagiaires rejoindre l'association, le

nombre le plus important jamais atteint.

Les fonds de l'association proviennent exclusivement de fonds personnels, ceux du directeur.

L'organisation peut faire ponctuellement appel à des subventions extérieures (d'organismes français,

de certaines régions françaises, d'associations togolaises, …) pour appuyer des projets spécifiques.

L'association compte actuellement 3 membres au Togo : Mr Nestor-Joseph KUAGBENU, Mlle

Alice Deka (sa secrétaire) et Mr Koffa Moteste (logisticien), ainsi que des membres relais en France

qui eux se chargent de la promotion de l'association. Ce nombre peut varier en fonction des

missions à effectuer dans les villages : des personnes extérieures à l'organisation peuvent ainsi être

recrutées afin d'assister des stagiaires dans la traduction et la gestion de projet notamment.

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Le village d' Adjako et son école

Le village d' Adjako est situé à 50km de pistes de la ville d'Anié. Il compte actuellement

environ 400 habitants dont une part très importante d'enfants. Déterminer avec précision la

population du village s'avère tout simplement impossible du fait qu'aucun recensement n'est opéré

ici et qu'il n'y a aucun état civil.

Il est véritablement excentré et éloigné des services de base qui peuvent exister dans les environs.

D'où un ressenti d'une certaine auto-suffisance de la part de ces villageois, voire même d'autarcie à

certains moments.

Le village n'est pas électrifié, il n'y a pas d'eau courante, ni de dispensaire. Les seules infrastructures

que l'on peut retrouver ici sont l' Église et l'école. Il a cependant fallut attendre respectivement, l'été

2011 pour la construction de la première, et l'année 2007 pour la naissance de la seconde. L'école

ayant été construite grâce à l'œuvre de l' Église. En effet, elle joue ici un rôle prépondérant dans la

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dynamique villageoise, notamment à travers son pasteur qui s'investit pleinement dans les diverses

activités quotidiennes.

L'école appartient à la vaste catégorie des EDIL. Elle n'est, pour le moment, pas

officiellement reconnue par l'État togolais. Sa non-reconnaissance par les instances officielles

entraîne par conséquent de nombreux problèmes : à commencer par le recrutement des enseignants,

vient ensuite la très épineuse question des salaires, et enfin, celle du manque criant d'équipements

pédagogiques. La clandestinité de l'école est la principale raison qui explique ses difficultés

quotidiennes de fonctionnement.

C'est donc un Comité de Parents d' Élèves qui gère toutes les questions relatives au fonctionnement

de l'école : les frais de scolarité, les salaires des instituteurs, le paiement des frais de déplacement,

l'achat des cahiers pour les élèves, … Ce Comité est actuellement composé de 15 hommes du

village. Tous n'ont d'ailleurs pas nécessairement leurs enfants inscrits à l'école.

Cette année, l’école compte 5 niveaux différents pour 2 enseignants seulement. Chaque

enseignant a donc 2 voire 3 niveaux dans sa classe : CP2-CE1 et CE2 pour un instituteur, et CP1-

CM1 pour son homologue.

L’effectif y est actuellement de 73 élèves, en sachant qu’il s’élevait à 125 en tout début d’année

scolaire.

Après notre première visite à l'école, les instituteurs nous ont exposé un des problèmes majeurs

auquel ils sont confrontés : les abandons multiples des élèves en cours d'année. La justification

première avancée relève du montant jugé trop important des frais de scolarité.

Ces frais s'élèvent en effet à 4 000F CFA/enfant pour l'année, quel que soit leur niveau. Des frais

qui s'avèrent être très souvent trop élevés pour la plupart des parents.

Seul le bâtiment qui accueille la classe des CM1 est construite en dur (béton, toit, estrade

…). En ce qui concerne les autres classes, elles sont simplement conçues à base de paille.

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La classe des CP1 construite à partir de paille et dans laquelle j'ai enseigné durant toute la mission.

Sur la première photographie,est représentée en premier plan la classe des CE1-CE2. Sur la seconde : une partie des élèves de CP1 à gauche avec l'instituteur des CM1,les élèves de CP2 au milieu et enfin quelques uns des CE1 à droite.

Par conséquent, aucune d’entre elles n’est équipée de tables, ni de chaises : les enfants se courbent

sur les bancs devant eux pour écrire.

De plus, il n’y a aucun manuel (ni de lecture, ni de calcul) disponible pour les élèves : ce sont les

instituteurs qui recopient chaque leçon au tableau afin qu’ils les notent sur leur cahier. Les

instituteurs eux même n’ayant pas de guide pédagogique, ils se voient obligés de louer chaque mois

celui de leurs collègues du village voisin.

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Heureusement pour l'école d'Adjako, elle profite d'un jumelage avec l'école voisine de

Luwanda, qui est elle officiellement reconnue comme une EPP (École Primaire Publique). Ce

jumelage permet ainsi aux instituteurs du village d'avoir accès aux guides pédagogiques de leurs

collègues voisins, mais leur permet surtout de bénéficier des compositions officielles distribuées sur

l'ensemble des écoles du pays.

D'où l'enjeu crucial pour Adjako de mobiliser tous les moyens à sa disposition pour

enclencher le long processus de reconnaissance nationale de son école.

Cependant, la question de la reconnaissance a jusque là été mise à mal faute de ressources

financières nécessaires. En effet, pour espérer pouvoir entamer une possible reconnaissance, il est

indispensable pour les membres du Comité des Parents d' Élèves ainsi que pour les instituteurs de se

rendre aux réunions. C'est la première étape incontournable si l'école du village veut pouvoir être

connue par des entités supérieures.

Le problème étant que, depuis le début de l'année scolaire et jusqu'à notre arrivée, les instituteurs

n'ont pu se rendre à aucune de ces réunions là car ils ne disposaient pas des moyens financiers

nécessaires pour effectuer les trajets.

Nous avons évidemment bien compris que dans un tel contexte, la question des ressources

financières impose de multiples contraintes, freinant ainsi la naissance de dynamiques nouvelles.

Après avoir eu un entretien avec les instituteurs, cette question des moyens financières est

rapidement revenue sur le devant de la scène. Selon les professeurs, le problème de l'argent est ici

récurrent, il est en effet responsable de la majorité des problèmes qu'ils rencontrent.

Un fait avéré que j'ai rapidement pu constater à travers la réalisation des tâches quotidiennes.

B) Description des missions :

Différentes actions accomplies au village : Date de ces actions :

- Arrivée au village 02/05/12

- Visite de l'école 03/05/12

- Rencontre avec le Comité des Villageois 04/05/12

- 1ère rencontre avec les instituteurs du village 04/05/12

- Organisation d'une réunion de présentation à

l'ensemble du village et de sensibilisation autour

de l'enjeu éducatif

06/05/12

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- Accompagnement de l'instituteur des CM

durant toute sa journée de cours

07/05/12

- Début des cours assurés aux CP1 08/05/12

- Réunion avec le Comité des Parents d'élèves 11/05/12

- Réunion entre le Comité des Parents d'élèves et

les instituteurs

15/05/12

Photos : Réunion de sensibilisation organisée le 6/05/12 afin d'informer les habitants du village de ma mission au sein de l'école et de les mobiliser autour de l'enjeu éducatif.

Organisation et Gestion des cours aux CP

Dès la première visite effectuée à l'école, un constat évident émergea (outre la précarité

ambiante) : il manquait clairement un instituteur.

Un constat d'autant plus frappant lorsque j'ai suivi durant toute une journée l'instituteur des CM (en

théorie) qui devait en fait gérer ses CM ainsi que les 21 CP1 dans une seule et même classe.

Un exercice d'autant plus difficile pour cet instituteur qui devait alors, à la fois préparer

convenablement les CM à leurs futurs examens41

, et gérer en même temps des CP1 relativement

agités.

Face à ce constat, nous avons décidé (en accord avec les deux instituteurs) que j'allais prendre en

charge l'enseignement des CP1 et des CP2 afin de les laisser se consacrer entièrement à leurs

41Sachant que la classe des CM1 est ici considérée comme très importante puisque un certain nombre d'élèves achèvent

définitivement leur scolarité à la fin de cette année là.

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sections de classe d'origine (les CE pour l'un et les CM pour l'autre).

Il convient de souligner que, jusque là, les CP1 et les CP2 étaient chacun relativement mis de côté

par les enseignants principalement faute de temps.

Voici un tableau des différents effectifs des classes de l'école :

Nombre de

garçons dans

la classe :

Nombre de

filles dans la

classe :

Effectif total

de la classe :

CP 1 11 9 21

CP 2 5 1 6

CE 1 9 3 12

CE 2 10 3 13

CM 1 14 7 21

Effectifs totaux

:

49 23 73

Dès le mardi matin 8 mai 2012, j'ai débuté l'enseignement en direction des CP1 et des CP2

dans la nouvelle classe42

.

Pour le premier jour, les deux instituteurs n'avaient laissé pour instruction que les manuels

pédagogiques (des CP1 et CP2) qu'ils avaient alors en leur possession.

Il a donc fallut totalement improviser le programme à suivre pour la matinée et pour les deux

classes43

. Le plus compliqué a certainement été de se présenter à eux (même si la plupart étaient

déjà venus à notre rencontre dans le village), de leur expliquer ce que nous allions faire ensemble, et

surtout d'imposer mon autorité dans une langue qui n'était pas la leur44

.

Afin d'évaluer le niveau général des élèves, nous avons décidé de leur faire faire des exercices de

calcul et de comptage.

Très rapidement, il est apparu que leur niveau était extrêmement faible, quasiment aucun ne savait

résoudre des opérations de calcul pourtant simples. Tous se contentaient de recopier les énoncés du

tableau sur leurs ardoises sans essayer d'y répondre.

En ce qui concerne le français, j'ai tenté de leur faire reconnaître certaines lettres de l'alphabet, mais

42Classe réhabilitée pour l'occasion la veille, suite à notre réunion de présentation organisée le dimanche 6 mai. Tous les

hommes du village se sont ainsi proposés afin de participer à cette réhabilitation puisque la classe était désertée

depuis plus d'un an et demi. 43A la fin de la première semaine de cours, il m'est apparut difficile d'enseigner aux deux classes (CP1 et CP2) en même

temps : il était en effet très compliqué de s'occuper entièrement d'une classe tout en laissant des exercices à l'autre

section pour que les élèves 44En effet, la classe des CP1 est le premier lien des enfants avec l'institution scolaire togolaise (puisque très peu d'entre

eux ont la chance de fréquenter les jardins pré-scolaire, en sachant qu'il n'en existe pas dans les villages). Et donc le

premier contact aussi avec la langue française …

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en vain … Pourtant les instituteurs m'avaient assurés que les élèves étaient censés : savoir compter

jusqu'à 20, réaliser des additions et des soustractions avec des chiffres jusqu'à 10 et, connaître plus

de la moitié des lettres de l'alphabet.

Mais j'ai donc été forcée de constater qu'ils étaient bien loin de ces objectifs là.

Si j'avais du respecter le programme d'apprentissage officiel, il est clair qu'aucun d'entre eux n'aurait

pu suivre car c'était bien trop compliqué et parce qu'ils n'avaient pas du tout avancé au rythme

imposé par les manuels officiels (de l'école voisine).

Face au constat de lacunes considérables (en mathématiques et en français), où presque tout est à

faire, j'ai préféré reprendre les fondamentaux : à savoir la maîtrise et la reconnaissance des chiffres

jusqu'à 10 pour commencer, et la même chose pour les lettres de l'alphabet.

La première semaine, les cours se limitaient aux matinées (7h15 – 12h). Mais face aux

difficultés de taille rencontrées par les élèves et face au retard accumulé, j'ai décidé de mettre en

place des ateliers d'écriture tous les après-midi afin de consolider les apprentissages de la matinée.

Les matinées s'organisaient ainsi : jusqu'à la récréation de 10h nous faisions des mathématiques

avec une première heure consacrée à l'écriture des chiffres jusqu'à 10 et à leur reconnaissance. Et

ensuite, tentative d'apprentissage d'additions basiques avec ces mêmes nombres.

J'ai ainsi pu constater qu'à force de répétitions quotidiennes, ces chiffres commençaient par être

assimilés sans trop d'erreurs.

Pour l'approche des opérations de calcul, je me suis appuyée sur des bouts de bois qui faisaient

office de bâtonnets afin de les forcer à compter avec. Avec cette dernière tâche, le travail fut très

long et complexe : beaucoup d'élèves n'y arrivaient pas, même avec des heures entières et

quotidiennes consacrées à ces travaux.

Pour le français, j'ai décidé de leur apprendre une nouvelle lettre tous les deux ou trois jours (selon

la rapidité de leur assimilation) en commençant par les voyelles qu'ils semblaient mieux maitriser.

Pour bien leur faire apprendre, il fallait les faire recopier de nombreuses fois mais pas que, j'ai

également compris qu'en les sollicitant pour venir au tableau, cela marchait encore mieux.

Tous les après-midi, (de 14h ou 14h30 à 16h30 ou 17h), j'ai mis en place des ateliers

d'écriture, qui paraissaient plus qu'utiles au vu du niveau général en orthographe. En effet, les ¾

d'entre eux étaient incapables de former des lettres, d'écrire en suivant des lignes, et de recopier

correctement des lettres inscrites au tableau.

Des ateliers qui ont semblé beaucoup les intéresser, ils ont effectivement manifesté un enthousiasme

considérable face à l'idée d'écrire sur des cahiers, comme leurs aînés.

Depuis le début de leur année scolaire, ils n'avaient écrit que seulement sur 3 pages de leur cahier.

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Ainsi, on comprend mieux leur motivation pour cette activité qu'ils ne pratiquaient plus depuis un

certain temps. Ces séances d'écriture étaient pour eux une activité avant tout ludique où ils

pouvaient témoigner de leurs progrès quotidiens.

Cela permettait surtout de leur faire revoir les chiffres et lettres vus le matin même.

Activités menées en parallèle

En parallèle des cours donnés aux CP1, certains élèves du CM1 ont également manifesté la

volonté de travailler le soir après la fin de leur journée de cours.

Peu de temps après l'installation au village, la fille du chef du village qui venait très régulièrement

chez le pasteur (où j'étais accueillie) a demandé à ce qu'une sorte d'aide aux devoirs soit instaurée

avec elle. Un soutien scolaire qui a débuté à une fréquence de 2fois/ semaine, mais qui s'est ensuite

rapidement intensifié à l'approche de ses compositions finales pour arriver à un soutien quotidien

d'environ 1h – 1h15.

Il y avait alors un double objectif derrière ce soutien : le premier étant de s'assurer qu'elle allait

effectivement réviser les leçons du jour45

, le second étant l'apprentissage accéléré du français46

.

Comme avec les CP, je me suis rapidement rendue compte que les bases étaient quasi absentes : elle

ne maîtrisait aucun temps de conjugaison, aucune règle basique d'orthographe et surtout ne

connaissait que très peu les tables de multiplication (ce qui bien entendu posait de sérieux

problèmes lors de la résolution de problèmes). Il a donc fallut là aussi repasser par la révision des

fondamentaux. Cependant, au fil des semaines, les progrès réalisés étaient facilement perceptibles,

et surtout encourageants pour la suite.

Ce sont ensuite d'autres élèves de la même classe qui se sont portés eux-même volontaires pour la

réalisation d'exercices à la maison. Ils sont venus avec des cahiers qu'ils avaient acheté de leur

propre initiative afin que je leur prépare des exercices à faire quasi quotidiennement.

En effet, ils me suivaient très régulièrement dans le village pour solliciter mes exercices. Exercices

qu'ils réalisaient d'ailleurs à un rythme très soutenu : dès que je leur donnais, dans les l'heure qui

suivait, les devoirs étaient faits. Preuve de leur profonde motivation !

Un étonnant enthousiasme qui m'a fortement étonné, mais qui m'a surtout beaucoup motivé !

45Ce qui n'est absolument pas le cas pour tous les élèves de l'école, aucun d'entre eux ne révisaient le soir avant mon

arrivée. L'argument qu'ils mettaient alors en avant était le manque d'électricité qui les empêchait, selon eux, de

réviser … 46En effet, malgré des cours dispensés en français tous les jours, seulement un petit nombre d'élèves le maîtrise et le

comprenne. Leur langue maternelle étant l'éwé, c'est uniquement cette dernière qu'ils utilisent pour communiquer en

dehors de l'école. Ce qui explique que leur pratique du français se limite exclusivement à l'infrastructure scolaire.

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L'autre activité importante menée s'articule autour d'une demande de subvention auprès du

Service de Coopération et d' Action Culturelle de l'ambassade de France implantée à Lomé.

L'ambassade dispose donc, à travers ce service spécialisé de fonds à allouer à des programmes de

développement. Le fond social de développement (FSD) est ainsi celui qui répond à notre volonté

de financer de nouvelles infrastructures et du matériel pédagogique, afin de sortir l'école d' Adjako

et ses élèves des conditions très précaires dans lesquelles ils évoluent quotidiennement.

Pour résumer le projet, les financements sollicités devraient permettre : d'obtenir de véritables

tables-bancs (et en finir avec les morceaux de bois inadaptés, instables et inconfortables), des

manuels pour les élèves et pour les professeurs, le matériel pédagogique nécessaire (cahiers pour

écrire, stylos, tableaux neufs …), et d'assurer des revenus stables et certains pour chacun des deux

instituteurs (à savoir le versement des salaires qui s'élèvent à 10 000 F CFA/mois).

L'octroi de cette subvention permettrait d'améliorer considérablement les conditions d'enseignement

et d'apprentissage de l'école. Les impacts positifs seraient en effet appréciables sur le court terme,

mais aussi sur le long terme.

Les demandes de subvention sont actuellement en cours de traitement, afin de sélectionner les

projets éligibles en vue de procéder à une seconde sélection.

Constatations faites face à la situation de l'école

Après les premiers temps passés au sein de l'école d' Adjako et grâce aux entretiens réalisés,

j'ai facilement pu identifier les problèmes majeurs qu'elle est amenée à rencontrer.

Des problèmes que l'on va pouvoir regrouper en différentes catégories :

– les problèmes relevant de la gestion et de l'administration de l'école

– ceux dépendant de l'épineuse question financière

– ceux décrivant le fonctionnement quotidien de l'établissement

– et enfin, ceux qui concernent eux les carences en matériel pédagogique.

En ce qui concerne la gestion et l'administration de l'école du village, le problème majeur est

clairement celui du manque d'instituteur. En effet, avec 5 niveaux (CP1, CP2, CE1, CE2 et CM1)

pour seulement 2 instituteurs, cela semble très compliqué pour eux d'exercer dans de bonnes

conditions. Comment peuvent-ils gérer jusqu'à 3 niveaux différents dans une seule et même classe ?

Quand on sait que les classes à cours multiples sont répertoriées comme facteur négatif dans la

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réussite des élèves, n'imaginons même pas ce qu'il en est avec 3 sections différentes47

.

Ensuite, autre point qui peut interpeller : comme dans toutes les EDIL, c'est le Comité des Parents

d'Élèves qui gère donc tout le fonctionnement de l'école et toutes les questions qui peuvent s'y

rapporter. Sauf que, dès l'arrivée au village on a constaté qu'il n'y avait malheureusement aucune

entente entre les membres du Comité et les deux instituteurs. Ce qui constituait un problème

considérable : comment pouvait-on espérer un fonctionnement efficace de l'école si les deux parties

principales n'avaient instauré aucun dialogue ?

C'est l'avenir de l'infrastructure scolaire qui était alors en jeu.

C'est pourquoi nous avons décidé de réunir les deux parties afin de rétablir un semblant de

communication.

La question financière occupe donc, comme décrit précédemment, une place cruciale et

prépondérante : ici c'est le problème des salaires qui a été mis en avant.

En effet, avec des salaires très peu élevés d'une part (alors que le salaire moyen des instituteurs des

écoles publiques officielles est de 25 000 F CFA/mois), et d'autre part, avec des salaires qui ne sont

pas assurés tous les mois, comment les instituteurs ne pourraient pas être démotivés ?

Les salaires sont dérisoires faute de cotisations suffisantes et régulières versées par les parents.

S'il y avait des mésententes entre les membres du Comité et les instituteurs c'était uniquement à

cause de la question des salaires non versés en intégralité ou non versés à temps.

On peut donc ici mesurer la prégnance de la question financière.

Pour les problèmes qui ont à trait aux questions du fonctionnement quotidien, on va

retrouver différents points. Pour commencer, le niveau général très faible constaté pour l'ensemble

des classes (mauvaise compréhension du français, grosses lacunes en écriture …) est assez

problématique. Le climat qui entoure l'école n'est absolument pas propice à un bon apprentissage,

les élèves n'ont aucun matériel qui pourrait appuyer leurs leçons, ils ne révisent jamais le soir, ils

n'ont que très rarement de devoirs à la maison. Par conséquent, sans révision des leçons apprises le

jour même, il n'y a que très peu de chances que les élèves retiennent leurs cours et soient capables

de s'en souvenir quelques semaines après.

Les leçons ont beau être, dans l'ensemble, assez bien assimilées par les enfants en classe, sans

révision régulière, ces apprentissages sont vite oubliés. De plus, une fois de retour à la maison, une

très grande majorité des parents (pour ne pas dire tous) n'ayant jamais fréquenté l'école, elle est tout

simplement dans l'incapacité totale de pouvoir les aider. Après avoir pu parler avec certains parents,

ce n'est donc pas faute de volonté de venir en aide à leurs enfants, mais plutôt faute de moyens.

47Une seule et même classe où il n'y a même pas de séparation distincte entre les différents élèves de chaque niveau.

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Pour ne rien arranger, lorsqu'on sait que la nuit tombe à partir de 18h15 et qu'il n'y a pas

d'électricité, les révisions et les devoirs maison semblent fortement compromis.

Autres points qui posent problème : la ponctualité et le caractère rigide des horaires. En

effet, il n'y a aucun horaire précis à l'école : du côté des élèves autant que de celui des professeurs,

on ne retrouve aucune rigueur. On ne savait jamais avec exactitude à quelle heure allait débuter les

cours et encore moins à quelle heure ils allaient se terminer.

Il est arrivé très souvent que les instituteurs arrivent avec plus d'une ½ heure ou plus d'une heure de

retard le matin. Pour les récréations, il en est de même : il n'y a jamais d'heure fixe dans la matinée

pour le temps de pause, on ne sait pas combien de temps elle risque de durer et surtout, elle n'est

jamais assurée. Les instituteurs étant en retard dans les programmes, ils n'accordaient (les derniers

temps avant les compositions) aucune récréation, ce qui rendait les matinées très chargées pour les

élèves.

Comme une majorité des EDIL, l'école d'Adjako est extrêmement tributaire du climat. Les

infrastructures étant en paille et à l'extérieur, dès qu'il pleut, il devient très difficile d'enseigner : la

pluie passe à travers la paille, les cahiers sont mouillés …

Lorsqu'il pleut dès le matin, il n'y a souvent pas école de la journée. De plus, la période où j'étais

dans le village correspondait à le plein saison des pluies, période où la plantation et les récoltes sont

les plus fréquentes. Cela nécessite une main d'œuvre plus importante et plus disponible : les enfants

sont donc davantage sollicités pour les travaux aux champs de leurs parents et passent ainsi moins

de temps à l'école. Certains de mes élèves ont par exemple étaient absents durant une semaine

entière car ils étaient partis aider leurs parents aux champs.

Pour le matériel pédagogique, il est très limité. Les enseignants louent donc leurs guides à

ceux du village voisin, guides qui ne sont d'ailleurs pas en bon état (du fait du transport et de

l'usure). Les élèves ne disposent que de deux ou trois cahiers de 56 pages pour toutes les leçons, de

deux bics pour toute l'année et d'une ardoise. Bien entendu, les élèves qui perdent régulièrement

leurs affaires, se retrouvent donc très souvent sans le matériel nécessaire.

Ajouté à cela, les conditions dans lesquelles ils étudient ne sont clairement pas optimales : ils

passent leur journée courbés sur des bouts de bois devant eux pour écrire, ils sont souvent loin du

tableau.

Les professeurs étant contraints de recopier chaque leçon au tableau48

, cela représente une perte de

temps considérable chaque jour (environ 30 à 40 min de perdues par leçon recopiée), à la fois pour

les élèves et pour les enseignants. En plus de cette perte de temps, les fautes de recopiage sont très

48Étant donné qu'aucun des élèves ne possède ni de manuel de lecture ni de manuel de calcul

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nombreuses et les élèves apprennent donc des leçons pleines de fautes49

.

Il n'y a également aucun document d'appui pour les professeurs : aucun livre, aucune illustration,

aucune affiche, aucun dessin …

Pour toutes les leçons de sciences et vie de la terre, d'éducation civique et de géographie, il serait

bien plus pratique et bien plus efficace de s'appuyer sur des illustrations pertinentes qui

permettraient une compréhension facilitée des élèves.

L'effervescence et l'enthousiasme engendrés par la présentation de livres aux différentes classes

illustre bien cette carence en ressources pédagogiques qui handicape fortement le fonctionnement

de l'école au quotidien.

49Par exemple, lorsque j'ai débuté le soutien scolaire avec l'élève de CM1, j'ai relu toutes ses leçons et j'ai été frappé par

la quantité de fautes contenues dans chacune d'entre elles.