Secrétariat Général
Direction générale des ressources humaines
Sous-direction du recrutement
Les rapports des jurys des concours sont établis sous la responsabilité des présidents de jury
2007 Source �DGRH� 1
Concours du second degré – Rapport de jury
Session 2007
CAPES et CAER
Concours internes
Section LETTRES MODERNES
Rapport de jury présenté par Paul RAUCY
Inspecteur général de l’éducation nationale
Président du jury
Présentation du rapport et des résultats
Les concours du CAPES interne et du CAER de Lettres modernes comportent, on le sait, une épreuve écrite d’admissibilité et une épreuve orale d’admission dont la définition est rappelée en tête de tous les rapports depuis 2001. Les deux exercices ont leurs exigences propres, qui n’ont pas changé ; le rapport de cette année s’inscrit dans la continuité de ceux qui ont paru les années précédentes et dont la lecture est vivement recommandée aux candidats de l’année prochaine. C’est en effet d’abord à eux que s’adresse ce rapport, qui rend compte de l’une et de l’autre épreuve en s’appuyant sur les remarques des membres du jury, et qui a pour but d’aider les candidats dans leur préparation. S’il pointe des erreurs, des ignorances ou des défauts de méthode, c’est pour indiquer plus concrètement quelles sont les attentes du jury et pour donner des conseils qui se veulent utiles. Rappelons que ce concours a pour objet de recruter des professeurs certifiés de Lettres modernes et que les épreuves visent à la fois à vérifier les connaissances des candidats dans ce qui définit la discipline enseignée, langue et littérature, et leurs compétences professionnelles. Les deux épreuves sont de nature didactique, c’est-à-dire qu’elles portent sur la transmission des connaissances et la mise en œuvre des apprentissages. Elles impliquent donc la maîtrise des programmes et instructions, mais aussi et d’abord celle des savoirs sans lesquels la « didactique perd tout simplement sa discipline », comme le souligne le rapport d’écrit ; on ne saurait, pour dire les choses autrement, didactiser ce qu’on ne connaît pas. Le travail de préparation du concours doit donc permettre aux candidats de consolider et d’approfondir, voire d’étendre leur culture littéraire : la lecture des œuvres majeures, la connaissance des grands mouvements de l’histoire littéraire et des repères qui sont nécessaires à leur situation, la maîtrise des éléments de poétique et de rhétorique qui permettent d’éclairer l’interprétation des textes, et celle des principaux exercices des études de Lettres constituent les fondements d’une préparation efficace. A l’écrit comme à l’oral, ce sont la compréhension des enjeux littéraires et culturels et la conscience de ce qui fait l’intérêt des textes et images proposés à l’attention des candidats qui sont les préalables à toute construction de la composition ou de l’exposé. Le rapport d’écrit insiste sur la nécessité de ces connaissances, et aussi sur celle d’une réflexion qui tienne ensemble les questions littéraires et les questions d’enseignement ; cette double contrainte définit l’épreuve, elle en fait la difficulté, mais aussi l’intérêt et, pour ainsi dire, la pleine légitimité intellectuelle en tant qu’épreuve de recrutement de professeurs de français. De même, le rapport d’oral souligne le primat des savoirs littéraires et ce qu’il y a de profondément insatisfaisant, et de contraire au sens même de l’épreuve, dans le traitement séparé du commentaire des textes, souvent très pauvre, et de celui des questions de l’appareil didactique. Il faut ajouter à ces réquisits la maîtrise de la langue et la connaissance de la grammaire, qui, en relation avec la lecture des textes, participent de l’identité de la discipline. Une conscience réflexive du système de la langue est indispensable à qui veut enseigner le français et aura donc à transmettre aux élèves le sens de la langue et à leur faire comprendre les règles qui en régissent l’usage. Les membres du jury ont déploré cette année, outre les maladresses et incorrections qui ont marqué trop de devoirs, l’absence ou le caractère très insuffisant de la séance d’étude de la langue expressément demandée par le sujet ; le rapport d’oral souligne également la difficulté éprouvée par beaucoup de candidats qui ont à traiter un
dossier centré sur la grammaire. La qualité de l’expression et celle de la réflexion sur la langue sont pour le jury des éléments d’évaluation de première importance. Si les deux épreuves du concours ont en commun leur caractère didactique, il n’est peut-être pas inutile de rappeler ici que l’épreuve d’admissibilité et l’épreuve d’admission sont néanmoins différentes : il s’agit à l’écrit d’élaborer une séquence didactique à partir d’un corpus de textes éventuellement accompagné d’images ; à l’oral, on attend du candidat qu’il analyse des documents didactiques déjà élaborés et en apprécie la pertinence. Il ne s’agit donc pas, pour le candidat admissible, de refaire en deux heures ce qu’on lui a demandé de faire en six heures à l’écrit, et d’aboutir à une proposition de séquence complète et détaillée. Pour compléter cette présentation, rappelons quelques chiffres : il y avait pour cette session 158 postes mis au concours au CAPES interne et 130 pour le CAER. Le nombre de candidats inscrits au CAPES était cette année de 1887 ; 1300 d’entre eux ont composé et 383 ont été déclarés admissibles, soit 29, 46 % de ceux qui ont effectivement passé l’épreuve sans être éliminés. Pour le CAER, 740 des 904 candidats inscrits ont composé, et 241 d’entre eux, c’est-à-dire 32, 57 % des candidats non éliminés, ont été admis à passer l’oral. Pour ce qui est du CAPES, la moyenne des candidats admissibles s’élève à 10, 21 ; elle est de 10, 11 pour les admissibles au CAER. On le voit, ces chiffres et ces moyennes sont très comparables, et le fait est que le jury a tenu à définir pour les deux concours, qui portent sur les mêmes épreuves, corrigées par les mêmes jurés, pour des candidats qui se destinent à faire le même métier, une barre d’admissibilité identique, fixée cette année à 7, 5. Le nombre des candidats inscrits et celui de ceux qui ont effectivement composé est en légère baisse pour les deux concours. Le nombre des postes est stable au CAPES interne, il a en revanche sensiblement diminué pour le CAER : l’écart qui existait l’an dernier entre le nombre de postes offerts et le nombre de ceux qui ont été pourvus dans ce concours du privé explique sans doute cette diminution. On constate en effet, cette année, que 119 postes sur 130 proposés ont été pourvus, au lieu de 119 sur 200 l’an dernier. Au CAPES, les 158 postes ont été pourvus. La moyenne des candidats reçus est de 10, 89 au CAPES, et de 10, 67 au CAER, ce qui, là encore, est très comparable, et la barre d’admission au CAPES est à 9, 17, et à 8, 67 pour le CAER. Cet écart de quelques dixièmes s’explique par la volonté de pourvoir autant que possible les postes mis au concours du CAER sans disjoindre les deux barres de manière trop importante. Les moyennes des reçus de l’an dernier étaient de 11, 26 au CAPES et de 10, 71 au CAER, pour un nombre d’admissibles total beaucoup plus important (948 au lieu de 618). La diminution du nombre d’admissibles a eu pour effet d’équilibrer les rôles de l’écrit et de l’oral tout en conservant, pour l’épreuve orale d’admission, un rôle prééminent, puisqu’elle est affectée d’un coefficient 2. La proportion des reçus par rapport aux admissibles, au CAPES du moins, est beaucoup plus importante que l’an dernier, l’écrit jouant un rôle de premier barrage et permettant de retenir pour l’oral les candidats dont le niveau est jugé conforme aux attentes du concours et au statut auquel il permet d’accéder. Ces éléments d’information et ces remarques doivent encourager les candidats à préparer avec sérieux mais aussi avec confiance un concours qui, certes, n’est pas facile, mais dont les épreuves sont très clairement définies par les rapports, et qui demandent des connaissances, des compétences et des qualités qui sont bien celles qu’on attend des professeurs de français, en collège ou en lycée. Nous voudrions pour terminer assurer les candidats qui n’ont pas été reçus cette année que ce sont leurs prestations qui ont été évaluées, et non pas leurs personnes, et que ces prestations sont très certainement susceptibles
d’amélioration. Nous voudrions également souligner que le jury est conscient des difficultés qu’il peut y avoir à se présenter à un concours tout en exerçant déjà une profession. La notation est très ouverte et le jury n’hésite pas à reconnaître par une note excellente, à l’écrit comme à l’oral, des travaux qui témoignent parfois de qualités tout à fait remarquables. Que chacun voie là une raison de tenter l’aventure du concours avec l’espoir, parfaitement raisonnable si l’on s’en donne les moyens, de réussir.
Paul RAUCY Président du jury
Dossier statistique Capes interne et Caer (voir annexes) Admissibilité
1- bilan de l’admissibilité 2- répartition par académie 3- titres-diplômes requis 4- répartition par profession 5- date de naissance 6- répartition des notes
Admission
1- bilan de l’admission 2- répartition par académie 3- titres-diplômes requis 4- répartition par profession 5- date de naissance
SUJET
ÉPREUVE DE DIDACTIQUE
Rapport présenté par Dominique Maillard
Définie dans le Bulletin Officiel N° 15 du 20 avril 2000, l’épreuve écrite de didactique a été
abondamment commentée dans les rapports des précédentes sessions. Nous aimerions rappeler à ce
sujet qu’une connaissance précise et approfondie de ces différents rapports constitue une étape
indispensable à la préparation du concours, tant il semble parfois, à la lecture des copies, que les
enjeux et les exigences de cette épreuve ne sont pas toujours connus et maîtrisés par tous les
candidats. Nous voudrions aussi insister sur l’importance pour les candidats de conduire un véritable
travail de réflexion sur ces rapports : leur dimension informative, mais surtout prescriptive, ne saurait
être sous-estimée. Depuis 2001, tous les rapports insistent en effet sur les principes fondamentaux,
tant méthodologiques que littéraires et culturels, requis par cette épreuve. Des pistes de réflexion, des
propositions de rédaction ou des copies jugées satisfaisantes complètent ces documents et visent à
exposer aux futurs candidats les attentes du jury. S’appuyant sur le compte-rendu de la correction des
copies de la session 2007, le présent rapport envisage, non sans quelques rappels inévitables, de
circonscrire la démarche méthodologique propre à l’épreuve de didactique afin d’aider les futurs
candidats dans leur préparation à l’écrit.
I. De l’analyse du corpus à la formulation de la problématique
L’épreuve de didactique implique une double réflexion qui se fonde à la fois sur une étude
précise des textes et du sujet et sur la mise en œuvre didactique proprement dite, c’est-à-dire un
travail spécifique de transposition des savoirs savants en savoirs à enseigner. Car il s’agit non
seulement de mobiliser des connaissances historiques et théoriques, des compétences d’analyse
littéraire, mais encore de conduire une réflexion sur la transmission de ces savoirs en fonction du
niveau de classe proposé et des objectifs visés par l’enseignement disciplinaire. L’analyse des textes
et du libellé doit permettre de dégager un projet défini et formulé dans une problématique précise,
laquelle détermine l’axe de travail structurant l’ensemble du devoir. Aussi est-il nécessaire de redire
que seuls les textes et leur analyse peuvent constituer le point de départ et la base d’une démarche
didactique cohérente. Rappelons encore qu’une prise en compte de la totalité des documents du
corpus est requise : un survol partiel ne saurait en aucun cas correspondre aux exigences de cette
épreuve. Le candidat a certes la possibilité de compléter le corpus par d’autres textes ou documents,
mais il s’abstiendra de recomposer un groupement en substituant aux textes proposés des textes de
son propre choix.
A. Le choix des textes et leurs enjeux
Le libellé du sujet inscrit le corpus constitué de cinq textes et d’un document iconographique
dans la perspective générale de l’histoire littéraire et culturelle visée par les programmes de lycée et
en particulier ceux de la classe de seconde1. Cette perspective générale impose une lecture de textes
1 Nous renvoyons sur la question au Document d’accompagnement des programmes des classes de seconde et de
première, CNDP, 2001. Voir en particulier les pages 12-14 et 25-28.
susceptible de fournir des éléments de contextualisation et d’aborder les mouvements littéraires et
culturels qui constituent des scansions majeures de l’histoire. L’approche plus réflexive de l’histoire
littéraire au lycée, objet d’étude à part entière, a entre autres pour finalité de construire, à partir des
textes, la notion même de mouvement littéraire.
Ce cadre général et l’absence de précision dans le libellé du sujet supposaient une
reconnaissance assez immédiate du mouvement littéraire auquel se rattachent les textes du corpus
ainsi que le document iconographique : le romantisme. L’amplitude chronologique restreinte à la
première moitié du XIXème siècle, plus exactement de 1804 à 1851 (dates de publication et non
d’écriture), fait apparaître un parcours qui va du préromantisme avec le texte de Senancour au
courant romantique proprement dit auquel sont associés les noms de Lamartine, Hugo,
Chateaubriand, Nerval et, pour l’art pictural, le grand peintre romantique Eugène Delacroix. On peut
dès lors s’étonner que l’identification du mouvement concerné ait constitué pour de nombreux
candidats un premier écueil. Identifier le réalisme, ou plus fréquemment encore le naturalisme, en se
fondant sur une lecture fautivement référentielle (des candidats justifient le naturalisme par le seul fait
de la présence de la nature dans la plupart des textes …), relevait d’une méconnaissance très
inquiétante de l’histoire littéraire et probablement aussi souvent d’une lecture trop superficielle des
textes. Et que penser de la proposition formulée par certains candidats d’étudier le « mouvement
littéraire existentialiste », et ceci sous prétexte que le corpus invitait à « une réflexion sur le moi » ?
Mais certaines copies ne témoignent pas seulement de lacunes d’ordre historique et culturel, elles se
signalent aussi par une fâcheuse confusion entre les notions de genre et de mouvement. Ainsi tel
candidat associe l’autobiographie à un mouvement. Certes, le récit de voyage épouse souvent le
genre autobiographique, mais construire une séquence sur l’étude de l’autobiographie conduisait à
manquer la spécificité des textes du corpus et surtout à occulter le cadre défini par le libellé : « la
perspective d’un mouvement littéraire et culturel ».
L’exposition de ces quelques exemples d’erreurs et de lacunes trop fréquemment rencontrées
dans les copies, et déplorées unanimement par le jury, nous force à réitérer les exigences minimales
attendues le jour d’un concours : des connaissances précises dans le domaine de l’histoire littéraire et
culturelle, une bonne maîtrise des notions de genre et de mouvement – et de ce que ces notions
recouvrent et impliquent – et une approche un peu informée des problèmes de la représentation et de
la référentialité dans le champ des arts du langage et des arts visuels. Autant de socles
indispensables à la démarche didactique. Sans eux la didactique perd tout simplement sa discipline.
Une seconde mise au point s’impose. On ne soulignera jamais suffisamment qu’une première
lecture critique du corpus doit permettre aux candidats de découvrir les orientations qui ont motivé le
choix des documents. Les candidats devraient toujours faire l’hypothèse que le corpus proposé a une
cohérence interne qui lui est propre et qu’iI est toujours risqué, pour ne pas dire audacieux, de se
lancer dans une critique ouverte des choix opérés. Certains n’ont pas vu le risque qu’il y avait, en se
fondant sur une conception très étroite de l’écriture romantique, à déplorer l’absence du genre
poétique, seul à même, selon eux, de circonscrire le mouvement en question. N’était-il pas plus
fécond d’envisager les enjeux du corpus sous des angles différents, en étudiant l’unité, la cohérence
mais aussi la diversité formelle qui ont présidé à ces choix ?
La cohérence historique et culturelle du corpus se double ici d’une cohérence thématique
puisque la totalité des documents propose une approche du mouvement littéraire et culturel du
romantisme à travers l’étude d’extraits évoquant un déplacement dans l’espace ou d’extraits de récits
viatiques. Ce lien fédérant l’ensemble du corpus met à jour que le romantisme invente un nouveau
rapport au monde déterminé par la recherche d’un ailleurs plus ou moins éloigné. La « Lettre XI » de
l’œuvre de Senancour, Oberman, met en scène la figure très rousseauiste du promeneur solitaire qui
trouve refuge dans la forêt de Fontainebleau. Des voyages en Europe, en Allemagne pour Victor
Hugo, en Italie pour Chateaubriand, sont par ailleurs convoqués. Enfin l’ailleurs le plus lointain et le
plus emblématique - en ce qu’il a nourri abondamment l’imaginaire littéraire et pictural des artistes
romantiques - est celui de l’Orient, illustré par les deux œuvres de Nerval et Lamartine, œuvres aux
titres significativement identiques (Voyage en Orient), mais également, bien sûr, par l’œuvre peinte de
Delacroix.
Une approche purement thématique restait toutefois insuffisante. L’ensemble du corpus
requiert, comme c’est toujours le cas, une articulation dialectique entre son unité thématique et sa
valeur problématique. Celle-ci n’est pas donnée : elle est à construire par les candidats. Elle n’est pas
le fruit d’une inspiration miraculeuse, mais le résultat d’un travail d’observation et d’analyse. Ainsi, il
fallait tout d’abord observer la diversité générique des textes : le roman psychologique de Senancour
épouse la forme épistolaire, mais il doit son mode d’organisation, ainsi que l’a bien montré Béatrice
Didier, aux différents déplacements opérés par le héros, à la recherche d’un absolu que le monde réel
ne permet pas d’atteindre ; les textes de Nerval et Lamartine sont extraits d’œuvres relevant du récit
de voyage qui devient, au XIXème siècle, un genre à part entière, tandis que le texte de
Chateaubriand est tiré des Mémoires d’outre-tombe ; enfin la préface auctoriale de Hugo à son journal
de voyage Le Rhin apporte au groupement l’originalité d’un texte argumentatif. Cette généricité
plurielle du corpus excluait donc, comme il a déjà été dit, de privilégier le genre autobiographique. Il
était par contre attendu des candidats qu’ils soient à même d’analyser la dimension réflexive de
chacun des textes : l’écriture du moi s’y constitue comme foyer de perception du réel à partir d’un
regard qui établit la relation entre une extériorité et une intériorité, ce que le tableau de Delacroix
permet aussi de comprendre, avec ses moyens propres. Certains textes orientent cette dimension
autoréflexive, parfois introspective, vers un questionnement sur le statut de l’écrivain et sa fonction
sociale et politique. Nous pouvons dès lors regretter que cet enjeu d’écriture, à la fois esthétique et
éthique, ait été masqué par des savoirs figés, des prises purement thématiques ou par un catalogue
de topoï sur le romantisme (le Moi dans son rapport à la nature, le « Mal du siècle », la mélancolie).
Loin des stéréotypes ou de la timidité théorique, le corpus requérait une interrogation sur la littérarité
de l’écriture romantique.
B. Les savoirs culturels et théoriques présupposés pour l’exploitation didactique du corpus
Aborder le mouvement littéraire et culturel du romantisme à partir de ce corpus suppose de
convoquer des savoirs précis permettant la contextualisation. Une connaissance historique minimale
est exigée, mais elle ne peut se réduire à un savoir théorique, abstrait et désincarné, qu’il s’agirait
simplement d’exposer en guise d’introduction sans le rattacher à l’ensemble du corpus. Ainsi, certains
candidats se sont égarés en proposant une longue mise au point historique et événementielle
détachée de toute considération littéraire et esthétique relative au corpus. Ce qui apparaît d’emblée
comme une longue digression explique sans doute la difficulté rencontrée ensuite dans l’analyse
précise des textes et parfois l’inachèvement du devoir. Faut-il préciser que la contextualisation
nécessaire à la compréhension des œuvres est inséparable d’une démarche réflexive qui vise à
dégager les relations qu’un texte entretient avec d’autres textes contemporains ou antérieurs. La
perception du mouvement littéraire et culturel passe par un ensemble de connaissances relatives à
l’évolution des sensibilités, de l’idéologie, mais aussi plus largement de l’esthétique et des
problématiques d’écriture. S’il convient de les rappeler, précisons que ces éléments sont à inscrire au
sein du projet didactique, qu’ils le fondent même, mais qu’ils ne sauraient faire l’objet d’un traitement
séparé. Les meilleures copies sont celles qui ont su mettre à profit leurs connaissances de l’histoire
littéraire en regard de l’analyse des textes. Si nous présentons ces données séparément, c’est
uniquement dans un souci d’aide méthodologique à l’attention des futurs candidats.
1. Le récit de voyage
Qu’il soit réel ou imaginaire, le voyage est au cœur de la sensibilité romantique et contribue à
la définir. Une mise au point rapide sur la littérature de voyage s’imposait afin de caractériser le récit
viatique qui se développe dans la première moitié du XIXème siècle. Les XVIIème et XVIIIème
siècles sont marqués par la rédaction de nombreux récits de voyage. L’époque est favorable aux
voyages en raison de la réalité historique, économique et culturelle. L’Orient est à la mode. Tavernier
publie ses Voyages en 1676, tandis que Chardin partage son expérience d’explorateur dans ses
Voyages en Perse (1686). La traduction des Mille et une Nuits par Galland, publiée de 1704 à 1717,
façonne l’image d’un Orient mythique qui fascine les écrivains comme les artistes. Au XVIIIème siècle
le voyage répond à un besoin de découverte, à une curiosité qui favorise l’enrichissement des
connaissances et nourrit la réflexion des écrivains. Que l’on songe à Diderot et son voyage en Russie
auprès de Catherine II, à Voltaire qui se rend auprès de Frédéric II de Prusse ou à Montesquieu qui
voyage en Europe. Les voyages forment l’esprit, stimulent la réflexion sur les différences et
permettent une ouverture sur les autres cultures et les civilisations lointaines.
Le récit de voyage au XIXème siècle s’inscrit dans cette longue tradition, mais il s’en
démarque aussi. L’écrivain romantique voyage avant tout pour écrire. Si le voyage satisfait un goût
pour l’exotisme très prononcé au XIXème siècle, il est surtout une expérience subjective moins
tournée vers une extériorité que vers une intériorité complexe et contradictoire. Les textes du corpus
rendent compte, à travers une écriture et une poétique du voyage ou de la rêverie, d’une expérience
chaque fois personnelle, d’un rapport intime et intériorisé au monde, à l’autre, à cet ailleurs tant
recherché et désiré qu’il prend la forme d’un absolu. L’écriture du voyage dessinerait alors les
contours ou les linéaments propres à la subjectivité des écrivains romantiques.
2. Le romantisme
Il serait vain de vouloir assigner au romantisme une datation rigoureuse tout autant d’ailleurs
qu’une définition précise tant ses manifestations revêtent une diversité singulière. Mais il est
généralement admis, et supposé connu, que le mouvement romantique connaît son apogée durant le
second quart du XIXème siècle et qu’il est profondément marqué par la fracture historique générée
par la révolution de 1789. Certes, le mouvement a une dimension européenne importante2 et
l’influence des romantiques allemands et anglais sur les romantiques français qu’ils précèdent de
quelques décennies est loin d’être négligeable. Voilà ce que quelques copies ont rappelé
judicieusement. Mais le libellé du sujet visait une démarche didactique relative à la classe de seconde.
Il était donc raisonnable que les candidats choisissent de s’en tenir au romantisme français, déjà
suffisamment imposant en lui-même, la réflexion sur la dimension européenne des mouvements
littéraires étant réservée, selon les programmes, à la classe de première.
Des signes annonciateurs du mouvement romantique sont lisibles dans l’œuvre de
Senancour, qualifié alors de préromantique. « Les thèmes essentiels du romantisme le plus profond,
le plus intérieur, Senancour les lance, en 1804 (…). Ce n’est pas un hasard si la génération de 1830
verra dans Oberman un bréviaire du romantisme »3 rappelle Béatrice Didier. Vaste mouvement de
sensibilité et d’idées, le romantisme connaît un épanouissement situé ainsi autour de 1830. Certains
tentent d’ailleurs de circonscrire plus exactement ce qu’ils appellent le vrai romantisme entre 1820 et
1840. La rupture de 1848 précipite les espoirs de 1830 dans la désillusion et radicalise le
2 Voir Georges Gusdorf, Le romantisme, Grande Bibliothèque Payot, 1982. 3 Senancour, Oberman, préface de Béatrice Didier, Le Livre de poche, p. 14, 1984.
désenchantement déjà caractéristique de certaines écritures romantiques. Le mouvement connaît
alors une deuxième phase qui fait apparaître dans les textes de manière plus évidente, dans les
années 1850, l’exil intérieur propre aux romantiques.
Tous les auteurs reconnus aujourd’hui par l’histoire littéraire comme des auteurs romantiques
n’ont pas forcément revendiqué leur appartenance au mouvement, ou pas immédiatement : Delacroix
sous la monarchie de Juillet refuse l’appellation de romantique alors même que ses contemporains,
que ce soit pour l’honorer ou le critiquer, voient en lui un symbole du romantisme en peinture. Certes
Victor Hugo revendiquera le terme dans sa Préface de Cromwell, texte qui passe pour le véritable
manifeste du romantisme et dans lequel il oppose « l’art moderne » à « l’art antique », « la forme
actuelle » à « la forme morte », en d’autres termes « la littérature romantique à la littérature
antique »4. Aussi, serait-il difficile de considérer les œuvres de Lamartine, de Chateaubriand ou de
Nerval comme des œuvres romantiques sans tenir compte de leurs spécificités et de leurs évolutions
respectives. Les romantiques appartiennent à une génération qui prend conscience d’elle-même et de
la nouveauté qui marque son siècle. C’est cette spécificité que les romantiques retrouvent dans des
expressions consacrées comme « le Mal du siècle » pour désigner la mélancolie moderne, ou encore
l’expression « enfant du siècle » qui perd sa connotation religieuse pour renvoyer à la génération de
1830 grâce au travail de Musset qui remotive ainsi l’expression dans son œuvre La Confession d’un enfant du siècle publiée en 1836. « Le romantisme n’est précisément ni dans le choix des sujets, ni
dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir »5, écrira Baudelaire dans son Salon de 1846.
On pourrait ajouter la manière de penser et de s’approprier l’histoire. Le rapport au monde est ainsi
médiatisé par un rapport à l’histoire et pour toute cette génération d’écrivains, le lien entre littérature et
histoire est fondamental.
À partir de ces quelques mises au point, la lecture des textes et de leurs relations commence
à s’éclairer. En effet, force est de constater que le besoin qu’éprouvent ces artistes de porter vers un
ailleurs proche ou lointain leur regard d’écrivain ou de peintre, se transforme en quêtes de l’intériorité,
que ce soit dans la forêt de Fontainebleau avec Senancour ou sur les routes de l’Orient avec Nerval et
Lamartine. Dans cette démarche qu’il faut bien qualifier d’introspective, les paysages décrits se
convertissent en paysages intérieurs au point que l’opposition entre extériorité et intériorité devient
caduque. L’écrivain voyageur ne regarde plus seulement le monde, mais se regarde lui-même en train
de le regarder et cherche à construire sa subjectivité à travers le regard qu’il porte sur un espace dès
lors transfiguré ou rêvé (Senancour et Nerval). Cette quête d’identité par l’altérité est déterminée par
un nouveau rapport au temps et à l’espace qu’elle conditionne à son tour : le lieu visité déclenche des
souvenirs de lectures; il peut aussi rappeler à soi des expériences artistiques et conférer ainsi au
regard une fonction esthétique (Chateaubriand) ; l’enjeu du voyage est alors étroitement lié à une
réflexion sur la fonction de l’écrivain et débouche sur une pensée de l’histoire, du social et du politique
(Hugo). Le voyage dans l’espace est enfin un voyage dans le temps : l’écrivain voyageur est devenu
un pèlerin, mais son pèlerinage est redéfini comme un retour aux sources de la civilisation qui
conditionne l’œuvre à venir (Lamartine).
C. Formuler une problématique, dégager les enjeux de la séquence
La problématique fixe la cohérence du projet didactique : chaque étape de la séquence doit
s’efforcer d’y répondre. En toute logique, la problématique ne peut être définie et posée qu’après une
4 Victor Hugo, Cromwell, préface, Œuvres complètes, Le Club français du Livre, 1967. 5 Baudelaire, Salon de 1846, Edition de La Pléiade, Gallimard 1976, p.420.
première analyse du corpus, ce qui limite les risques d’une problématique vague et passe-partout.
Pour de trop nombreux candidats l’objet d’étude, « un mouvement littéraire et culturel », constitue une
problématique en soi, ce qui conduit évidemment à l’absence de toute problématique et de projet
construit. La problématique conditionne la lecture du corpus et le met au service d’un ensemble
d’apprentissages. Les bonnes copies ont en général proposé des formulations de problématique
simples, acceptées par le jury : « à travers l’étude de ce corpus, on se demandera en quoi ces extraits
ayant pour thème dominant le voyage et la découverte de l’Ailleurs constituent des supports
privilégiés pour faire découvrir le mouvement littéraire et culturel du romantisme à une classe de
seconde ? ». Nous pourrions faire nôtre cet autre exemple, particulièrement apprécié par le jury en
raison de sa bonne perception des enjeux du corpus et de son attention portée à la spécificité
d’écriture des textes : « Notre objectif pour cette séquence sera d’analyser la dimension réflexive de la
plupart de ces textes, de montrer que derrière le thème du voyage, c’est bien la question de la
recherche d’une esthétique nouvelle, adaptée au monde moderne qui se profile ». Cette façon
éclairée de dégager le projet esthétique du romantisme conduisait le candidat à montrer en quoi, au-
delà de simples convergences stylistiques et thématiques, on peut réellement parler de « mouvement
littéraire et culturel ». Partir d’une problématique aussi précise et rigoureuse, parce qu’elle résulte
d’une lecture attentive et informée des textes et de leurs relations, garantissait la qualité de la
démarche didactique.
On l’aura compris : le corpus invite à construire la notion de romantisme à travers l’étude de
textes peu canoniques en raison de leur statut. La problématique choisie vise à comprendre ce qui
change réellement en ce deuxième quart du XIXème siècle, pour cette génération de romantiques.
Leur modernité ne réside-t-elle pas dans ce nouveau rapport au monde qu’ils instaurent ?
Consubstantielle à un désir d’absolu, la littérature romantique inaugure une nouvelle manière de vivre
ainsi qu’une interrogation sur le monde et l’histoire, inséparable d’un questionnement sur la
subjectivité. L’analyse des textes du corpus autorise alors une approche du romantisme qui ne se
réduit pas à une liste de clichés ou à des relevés thématiques seulement étayés par les sempiternels
champs lexicaux. La question centrale et l’enjeu du corpus n’est pas de savoir ce que cherchent les
écrivains-voyageurs du romantisme, encore moins de dessiner le prototype du romantique, au risque
d’ailleurs de le caricaturer, mais de questionner l’écriture elle-même comme recherche et organisation
du sujet, construction d’un sujet qu’on pourrait appeler le sujet romantique.
II. Élaboration de la séquence didactique
Les exigences de composition d’un devoir de didactique ont été clairement rappelées dans les
rapports précédents que les candidats liront avec profit, en particulier le rapport de l’année 2004.
Nous nous bornons à insister sur quelques défauts majeurs et récurrents rencontrés dans les copies
de la session 2007.
A. Une démarche progressive
L’étude d’un corpus de textes dans un cadre imposé par le libellé, (« la perspective d’un
mouvement littéraire et culturel »), et la prise en compte d’un niveau spécifique d’enseignement (ici la
classe de seconde) exigent, nous l’avons vu, une confrontation des textes en vue d’une
problématisation. Mais celle-ci doit aussi être exposée dans un devoir argumenté dont l’objet central
est de décrire et de motiver le parcours retenu tout en justifiant les choix didactiques qui doivent être
véritablement appropriés au niveau d’enseignement stipulé dans le sujet.
1. La dimension argumentative du devoir et sa rédaction
La composition du devoir de didactique répond à des principes d’organisation : elle suppose un
plan précis et une argumentation. La séquence problématisée à partir de la confrontation des textes
est présentée dans une introduction substantielle, composée avec rigueur. De nombreuses copies se
contentent d’une présentation linéaire des textes, reprenant l’ordre proposé par le sujet. Il va de soi
qu’une telle méthode ne donne pas à lire un projet didactique. Il est par ailleurs inutile de rédiger une
longue introduction en deux parties, la première présentant les textes dans leur succession initiale, la
seconde formulant la présentation problématisée du corpus. Rappelons que l’introduction amorce
l’étude par une entrée en matière qui ne doit pas être un rappel long et fastidieux des programmes de
lycée - on devrait d’ailleurs s’abstenir de l’appellation « nouveaux programmes » : à force d’être
nouveaux chaque année, ils finissent bien par vieillir - . L’entrée en matière a bien plutôt pour objet de
présenter la réflexion menée à partir d’une confrontation des textes qui conduit à identifier la
cohérence du corpus et à construire la problématisation de l’ensemble. Les choix didactiques
proposés s’appuient sur une prise en compte précise du libellé. Enfin la problématisation ne doit pas
prendre la forme d’une accumulation d’interrogations, mais être synthétisée en une question porteuse
et traversière, clairement formulée.
Le développement du devoir doit être intégralement rédigé. Aucun tableau et aucun plan de
séquence ne permettent de répondre à l’exigence de rédaction de cette épreuve. N’est-ce pas le
minimum que l’on est en droit d’exiger d’un enseignant de Lettres ? C’est enfin par un bilan des
savoirs et des compétences acquis que la composition doit s’achever. Des propositions de
prolongement (lectures cursives, travaux de recherche…) donnent à lire la continuité et la cohérence
du travail au sein de la progression annuelle.
Il semble encore nécessaire d’inviter les candidats à une plus grande vigilance lors de la relecture
de leurs copies. L’illisibilité graphique et les fautes de langue - parfois très nombreuses - nuisent
considérablement à la qualité du devoir et ne sont pas dignes d’un professeur de français. Le jury a
parfois regretté que certaines bonnes copies négligent la correction de la langue en commettant de
graves fautes de grammaire, et même quelques fautes de graphie pour les noms d’auteurs du corpus
(« Chateaubrillant » par exemple !).
2. Un parcours motivé par la problématique
Trop de copies ont encore cette année présenté un enchaînement de lectures analytiques qui
oublient, immédiatement ou progressivement, et la problématique et le parcours exposés dans
l’introduction. Faut-il rappeler que la démarche didactique n’est pas une addition de séances de
lecture. Souvent l’approche des textes est amorcée par un questionnement identique, répété d’un
extrait à l’autre, quand il n’est pas totalement stérile pour l’analyse (relevé des champs lexicaux et des
figures de style, sans exploitation). La présentation du déroulement de la séquence gagnerait en
clarté et en efficacité si les candidats ménageaient des transitions qui ont pour fonction de faire le
point sur les avancées, toujours en regard de la problématique.
3. Des choix didactiques appropriés
Cette année, le sujet proposait un corpus dans la perspective de l’étude d’un mouvement littéraire
et culturel. Les documents d’accompagnement des programmes des classes de seconde et de
première précisent que l’approche réflexive d’un mouvement littéraire, « notion jusque-là inconnue des
élèves » doit « constituer un des acquis à établir en seconde ». Il s’agit donc de construire la notion à
partir de l’analyse des textes. Dès lors cet impératif invalide toute démarche, encore rencontrée cette
année dans certaines copies, qui consiste à proposer en première séance une introduction générale
et historique sur le romantisme. Les séances d’analyse des textes se présentent alors comme une
illustration des propos tenus lors de ce pseudo-cours magistral, le texte devenant la simple vérification
de la validité d’une définition imposée aux élèves comme une vérité. De la même manière, la dérive
ou la facilité, trop souvent constatée dans les copies, qui consiste à proposer un travail préparatoire
de recherche au C.D.I conduit avec l’aide du professeur documentaliste, ne répond ni aux exigences
des programmes, ni à une démarche didactique raisonnée et témoigne d’une méconnaissance du rôle
de professeur de Lettres dans les apprentissages et leur acquisition. Aborder la séquence d’une telle
façon ne peut qu’orienter la découverte des textes et dénaturer leur lecture. Enfin la lecture intégrale
du corpus conduite en première séance afin de construire avec les élèves la problématique du
groupement, si elle s’avère parfois être pertinente, constituait pour ce groupement, en raison de la
longueur et de la complexité de certains textes, un travail fastidieux et improductif.
B. La prise en compte des exigences de l’épreuve
1. Les exigences explicites du sujet
a) La séance de langue
La séance de langue est exigée dans le libellé du sujet et dans la définition de l’épreuve. Elle ne
saurait être oubliée par le candidat. Sa présence au sein de la séquence se justifie de deux façons.
D’une part, l’expression de toute pensée procède d’une maîtrise de la syntaxe et du lexique. D’autre
part, dans le cadre de l’épreuve, il est nécessaire de pouvoir évaluer les connaissances et
compétences dans ce domaine. On attend donc que la leçon de langue montre la perspicacité du
candidat face à la singularité linguistique du texte et aux modalités grammaticales qui en régissent la
signification. En aucun cas un relevé des champs lexicaux ou des figures de style (souvent réduites à
une étude des images : métaphores, comparaisons) ne saurait constituer au lycée une véritable
séance de langue, d’autant que certains candidats se contentent de rappeler le fonctionnement de la
comparaison et sa différence syntaxique d’avec la métaphore. Le programme de lycée « demande de
poursuivre et d’approfondir » l’étude de la langue au-delà du collège, car son « apprentissage est
continu, progressif et ininterrompu, depuis l’école élémentaire jusqu’à la fin des études secondaires. »
Dans les classes de lycée, la leçon de langue prend une forme différente de celle proposée au
collège. Plus qu’à l’instauration des notions, elle vise à mettre à jour la fonction du fait de langue au
service du sens. Il est peut-être utile de rappeler les termes mêmes des documents
d’accompagnement des programmes de lycée. Il s’agit « d’enrichir le contact des élèves avec leur
langue, en leur faisant découvrir des phénomènes qu’ils n’ont pas étudiés jusque-là ou qui n’ont pu
être approfondis au collège et d’assurer et renforcer le lien entre la grammaire, les analyses de textes,
les pratiques orales et les réalisations écrites, qu’il s’agisse de commentaire et d’appréciation
esthétique, d’argumentation et d’efficacité persuasive, ou d’écriture d’invention liée à la maîtrise des
genres et des registres ainsi qu’à l’argumentation. »6.
On admettra alors que le temps consacré au développement des notions doit se limiter à leur
stricte réactivation, en sollicitant par exemple la participation de tous les élèves au sein de la classe.
L’analyse du texte de Senancour aurait donné lieu, dans une classe de troisième, à un récapitulatif
des différentes modalités syntaxiques d’expression du temps. En classe de seconde, cet examen
prend une dimension davantage stylistique et complète le travail du collège dans l’exploitation de la
notion grammaticale au service du sens du texte. Si des lacunes notionnelles subsistaient ou étaient
repérées, elles pourraient faire l’objet d’une séance d’aide individualisée.
b) La lecture de l’image
Le corpus intègre un document iconographique, ici un tableau du peintre Eugène Delacroix, qu’il
s’agit de prendre en compte dans le projet didactique. Trop souvent il est considéré comme une
simple illustration du groupement. Or une mise en rapport thématique ne suffit pas à rendre compte
des enjeux de ce tableau. Commentant le titre de l’œuvre, certains candidats se sont égarés dans une
vaine recherche de la mariée qui est absente de la scène représentée. Si le jury ne leur en a pas tenu
rigueur, il était toutefois dommageable que les longs développements suscités par la tentative
d’identification du personnage se soient substitués à l’analyse de la composition d’ensemble du
tableau et à la réflexion qu’elle appelait.
Certains candidats proposent d’entrer dans la séquence par l’analyse de l’œuvre peinte. Si la
pertinence d’une telle démarche n’est pas à remettre en cause dans l’absolu, il reste que l’étude du
tableau de Delacroix constituait trop souvent une approche indirecte de l’objet d’étude lorsque les
candidats s’en tenaient à une description purement référentielle. La représentation de l’Orient ne suffit
pas à elle seule à introduire la notion de romantisme, à moins que l’analyse du tableau puisse
conduire à une approche de la notion d’orientalisme qui prévaut au XIXème siècle. Mais une telle
problématique ne couvrait pas l’ensemble du corpus. Et comment envisager ensuite l’analyse du texte
de Senancour ou de Victor Hugo ? On aurait alors préféré une étude centrée sur l’importance du
regard à laquelle invite l’œuvre de Delacroix qui préfigure ainsi la réflexion centrale sur le rapport au
monde propre aux romantiques. L’analyse préalable d’un texte du corpus, celui de Nerval par
exemple, permet de poser l’intérêt et l’enjeu d’un voyage en Orient et rend plus facile l’étude de
l’œuvre peinte. L’élaboration de la séquence doit ici répondre à une progression qui vise à approfondir
et à complexifier la notion de romantisme.
2. Les présupposés didactiques
a) L’évaluation
L’évaluation est souvent proposée en fin d’étude du corpus et consiste en une évaluation
sommative qui doit s’attacher à vérifier les savoirs et les compétences acquises au cours de la
séquence. Trop souvent elle a fait l’objet d’une proposition de commentaire littéraire d’un texte du
groupement que les candidats, par manque de temps, n’ont pas pu développer. Rappelons qu’il est
trop ambitieux et même inapproprié de soumettre des élèves de seconde à la rédaction d’un
commentaire littéraire d’un texte trop long, comme certaines copies ont pu l’envisager sur les textes
de Chateaubriand ou de Victor Hugo. D’autres ont introduit un texte supplémentaire dans le corpus
6 Document d’accompagnement des programmes de seconde et de première, CNDP, 2001. Les candidats liront avec profit le chapitre « Etude raisonnée de la langue », p. 63 à 75.
pour les besoins de ce commentaire littéraire. Le choix d’un texte poétique, de Victor Hugo le plus
souvent, était l’occasion d’intégrer dans le groupement une étude maîtrisée d’un texte connu, mais qui
ne tenait pas compte malheureusement de la problématique du corpus et qui surtout présupposait des
connaissances génériques qui n’avaient pas été ciblées par le travail conduit dans la séquence.
Par ailleurs il était tout à fait inapproprié de soumettre aux élèves d’une classe de seconde un
sujet de dissertation en guise d’évaluation sommative. Il ne pouvait s’agir ici que d’une approche de
l’exercice de la dissertation. Une réflexion menée en cours, lors d’une séance bilan, pouvait toutefois
conduire les élèves à rédiger un ou plusieurs paragraphes argumentatifs.
Enfin les sujets d’écriture d’invention doivent s’inscrire de façon cohérente dans la démarche
didactique choisie. Proposer aux élèves l’écriture d’une description d’un lieu ou d’un espace visité
dans l’enfance n’a d’intérêt que si elle vise à vérifier les acquis et la maîtrise du discours descriptif. Or
cela ne constituait pas la problématique centrale de ce groupement. La proposition d’un sujet
d’écriture d’invention n’est pas un impératif inhérent à la séquence didactique. Un entraînement à
l’écriture argumentative ou à l’analyse textuelle en vue du commentaire littéraire apparaissait bien
davantage pertinent. Nous en fournissons des exemples dans la proposition de séquence faite à la fin
de ce rapport.
b) Séance orale
Au vu du corpus, il est possible d’envisager un prolongement à l’étude des textes par leur mise en
voix. L’occasion est alors donnée à l’enseignant d’évaluer les compétences de lecture et de diction
des élèves, orientées par l’analyse conduite avec eux. Une attention particulière accordée à la
ponctuation, au rythme et à la prosodie des textes – de Chateaubriand par exemple, nous y
reviendrons – permettra de faire entendre la prose poétique caractéristique des écrivains
romantiques.
On peut aussi mener avec profit un échange oral avec les élèves lors d’une séance finale que
nous préciserons plus avant.
c) Les prolongements
Des prolongements peuvent être proposés à la séquence sous forme soit de lectures cursives,
soit de travaux de recherche. Ce peut être l’occasion pour le candidat de valoriser ses connaissances
littéraires et culturelles. Certains textes poétiques des auteurs du groupement ont souvent été
judicieusement proposés en prolongement à l’étude du texte : « El Desdichado » de Nerval, un extrait
des Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau en comparaison avec le texte de Senancour, ou
encore un extrait du poème de Victor Hugo, « Fonction du poète », publié dans son œuvre Les Rayons et les ombres. Rappelons que ces choix n’ont de cohérence qu’à partir du moment où ils
permettent d’éclairer et d’approfondir l’analyse du corpus, et à condition aussi qu’ils répondent aux
compétences de lecture d’un élève de seconde.
III. Proposition d’un schéma de séquence
Aucun modèle de séquence n’est attendu par le jury et ne saurait donc préexister à l’analyse
du corpus. La qualité du devoir dépend principalement de la démarche et du projet choisis, lesquels
doivent être conservés tout au long de l’étude des textes. La proposition qui suit est donc une
approche possible, parmi d’autres.
A. Une séquence intégrée dans une progression annuelle
Une séquence argumentative centrée sur la question de l’altérité aurait pu constituer une
étude préalable pertinente. Elle aurait invité les élèves à réfléchir sur des textes portant sur la
découverte du Nouveau Monde, comme le proposent les programmes de seconde, et plus largement
sur la découverte de l’autre. Elle aurait ainsi permis, d’une part une première approche du récit de
voyage si l’on retient par exemple des extraits de l’œuvre de Jean de Léry, Histoire d’un voyage en la terre du Brésil, et d’autre part une approche diachronique (du XVIème au XIXème) de la notion même
d’altérité qui présente l’avantage de mettre en perspective l’évolution de cette problématique. L’étude
de la spécificité du rapport des écrivains romantiques au voyage n’en serait que facilitée.
On peut également penser à élaborer à la suite de l’étude de ce corpus une séquence centrée
sur le genre théâtral. Un groupement qui proposerait un extrait d’un drame romantique de Victor Hugo
complèterait l’approche du mouvement. On peut même envisager avec profit une séquence centrée
sur la scène à témoin caché, travail qui prolongera pour le genre dramatique la réflexion sur la
fonction du regard abordée dans notre corpus.
B. Objectifs et projet de la séquence
Proposer une approche du romantisme français à travers ces récits empêche toute
identification hâtive du mouvement au genre poétique. Elle conduit bien plutôt à privilégier un
questionnement sur le statut de l’écrivain en ce début du XIXème siècle, à redéfinir la sensibilité et
l’esthétique romantiques, sans succomber à la facilité de certains clichés qui méritent d’être
interrogés. Enfin construire la notion même de mouvement littéraire et culturel ouvre à une réflexion
sur l’histoire que certains textes sollicitent.
Dans cette proposition de schéma de séquence - située en milieu d’année, elle comprend
neuf séances -, on s’en tiendra à des synopsis d’exploitation des documents du corpus, à l’exception
de l’analyse du texte de Senancour, plus longuement développée en raison de l’accent que nous
souhaitons mettre sur l’étude de la langue.
1. Entrer dans la séquence par l’analyse du texte de Senancour :
une séance à dominante étude de la langue
L’œuvre de Senancour se caractérise par une généricité hybride, entre l’épistolaire fictif7 et le
roman autobiographique. Le héros, Oberman, « l’homme des hauteurs », double de l’écrivain, relate
dans la « Lettre XI » sa découverte de la forêt de Fontainebleau effectuée en plusieurs étapes qui
donnent au texte son mouvement. Sous la forme d’une longue méditation adressée à un destinataire
totalement absent de l’extrait, le texte met en jeu une double temporalité, passée et présente, signalée
dès l’incipit : « J’avais, je crois ». On pourra donc envisager un premier travail d’exploration du texte
appuyé sur l’observation de l’expression du temps. Le repérage des occurrences de temps et des
variations des modalités syntaxiques permet d’associer le voyage mémoriel à un voyage intérieur.
7 Les lettres qui composent ce roman s’adressent à un ami localisé à « Chessel », mais le récit livre très peu d’information sur ce mystérieux personnage. Ces imprécisions autorisent, derrière le « vous » du destinataire, une identification au lecteur. Dans notre extrait, l’énonciation reste à la première personne. Aussi en raison de sa dimension réflexive, il est aisé de reconnaître que son interlocuteur n’est autre que lui-même.
La chronologie du souvenir est jalonnée par l’emploi de compléments circonstanciels que les
élèves sont invités à repérer : « Après une enfance malheureuse », « La première fois », « L’année
suivante ». Placés en tête de phrase, ils structurent le texte. « Après une enfance malheureuse »
assure une fonction de cadre dans le déroulement de la narration en résumant et en caractérisant le
temps qui précède le récit, lui-même daté par les âges du narrateur : « quatorze, quinze et dix-sept
ans ». Entre « La première fois » et « L’année suivante », on peut remarquer l’évolution de la
psychologie du personnage : d’abord timide – « je n’allai point seul » –, puis amoureux de la solitude
– « je parcourus avidement ces solitudes ». Les étapes temporelles marquent ainsi le développement
progressif du caractère solitaire du héros romantique.
À un second niveau, l’étude des subordonnées temporelles permettra aux élèves d’accéder à
la dimension analytique de la démarche du promeneur. On relève ainsi cinq subordonnées introduites
par « quand » et dont les verbes sont conjugués à l’imparfait. Le phénomène anaphorique, renforcé
par la valeur itérative du verbe, introduit dans ce cas la notion de rituel, que l’écriture permet à la fois
de décrire et d’analyser. On pourra réserver une analyse particulière à la subordonnée « Quand le
soleil paraissait ». Reliée à la phrase précédente par le sens, elle entre dans le système syntaxique
d’indépendantes en parataxe, et vient ainsi en briser la cohérence, pour mieux mettre en avant un état
d’âme particulier : contradiction entre la naissance du jour, révélation de la lumière, et l’insatisfaction,
regret du héros romantique.
À partir d’un relevé des temps effectué par les élèves, l’analyse des valeurs temporelles fait
apparaître deux systèmes, celui du récit et celui de l’énonciation. Les temps du passé (imparfait, plus-
que-parfait et passé simple) renvoient au récit de l’expérience passée et le présent simple à l’écriture
de ce passé mais aussi à la réflexion introspective que l’auteur en tire. On peut alors dégager
l’organisation du texte en trois étapes. D’abord un bref portrait du narrateur enfant précède le récit de
l’expérience. Puis sa découverte de la forêt de Fontainebleau est restituée chronologiquement, deux
expériences fortes indiquées par les marqueurs temporels « une première fois » et « l’année
suivante ». Les passés simples (« il fut le seul où je désirai de retourner ») rendent compte du
caractère exceptionnel de l’expérience. Et enfin le dernier paragraphe du texte au présent
d’énonciation livre la réflexion rétrospective que l’écrivain tire de cette expérience.
Les élèves ont appris au collège à identifier les différents types de discours. C’est à partir de
ces acquis que le professeur fera étudier l’imbrication des discours narratif et descriptif, et l’analyse
introspective qui les accompagne. Ces deux éléments mettent en évidence la sensibilité du héros
romantique. Le regard distancié qu’il porte sur son passé révèle une profonde incertitude, soulignée
d’emblée par l’incise «je crois » et débouche sur la formulation consciente de ce qui deviendra un trait
propre au romantisme: « je n’avais d’autre caractère décidé que d’être inquiet et malheureux ». La
négation exceptive « ne…que » exclut de son champ toute autre possibilité d’être au monde.
L’alternance de rythmes syntaxiques à la fois ternaires et binaires, souvent antithétiques, impulsés par
la première phrase, (« homme » / « enfant » ; « pressentant tout » / « ne connaissant rien »)
(« J’avais, je crois, quatorze, quinze et dix-sept ans ») renforce le mouvement qui tente d’articuler le
récit des événements et l’analyse qui en résulte. La construction syntaxique fait apparaître cette
dynamique : les nombreuses subordonnées circonstancielles de temps qui scandent le passage
(« Quand j’atteignais », « quand je trouvais », «quand j’entendais un écureuil, quand je faisais partir
un daim ») précisent – comme on l’a suggéré plus avant – l’évocation de ce passé, tandis que les
principales portent à la réflexion les sensations et les transformations intérieures consécutives à ces
expériences. La reprise anaphorique du verbe « aimer », quatre occurrences au passé (« j’aimais »)
et deux au présent simple (« j’aime »), insiste sur la permanence des sensations du sujet romantique
qui explique ainsi sa destinée solitaire. Un relevé des sentiments exprimés complèterait l’analyse et
illustrerait l’harmonie entre les paysages décrits et la solitude sauvage qui caractérise le héros.
L’adéquation entre le paysage et ses différents états d’âme donne les premiers éléments
d’une esthétique préromantique. La figure du promeneur solitaire, cherchant l’apaisement d’un cœur
tourmenté au milieu d’une nature déshumanisée où « nul pas d’homme ne marquait l’aride surface
sillonnée ça et là par la trace inquiète de la biche ou du lièvre en fuite » rend sensible le
désenchantement et l’inadaptation au monde du héros. Certes, cette figure rappelle celle des
Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau, mais elle préfigure le vague à l’âme propre aux
romantiques. La découverte de la forêt de Fontainebleau suscite non seulement un apaisement en ce
que la nature offre au narrateur un miroir de ses états d’âme, mais aussi une recherche d’unité, une
« aspiration à la permanence »8 que seule l’écriture permet d’approcher. Le vague des passions, la
prédilection pour la solitude, le désir irrépressible d’une vie érémitique se transforment en désir
d’absolu. L’énergie de l’ennui se donne à lire dans l’expression oxymorique, que l’on demandera aux
élèves d’identifier dans le texte : « Je m’ennuyais en jouissant ». La correspondance entre la nature et
la sensibilité du narrateur trouve dans la figure du bouleau convoquée à la fin du texte un symbole.
Symbole de la solitude, de la fragilité en raison de la finesse de sa ramure, le bouleau entre alors
dans une mythologie intérieure, un imaginaire qui figure le destin du sujet, mais aussi le réconcilie
avec le monde.
À l’issue de cette première étude, on pourra dégager avec les élèves les caractéristiques
préfigurant le romantisme. L’adéquation entre la nature et l’état d’âme n’a pas été envisagé comme un
topos, mais comme l’invention d’un nouveau rapport au temps. L’écriture de cette « scène de
première rencontre » est aussi celle d’une réflexion introspective qui sera au centre de l’analyse des
textes du corpus et qui fonde la pensée d’une altérité intérieure. Il semble alors pertinent d’envisager
la lecture du texte de Nerval, figure de l’écrivain voyageant en Orient. Il apparaît très vite que les
notes de voyage mettent en perspective une interrogation personnelle plus qu’une découverte d’un
ailleurs pourtant recherché. Les liens entre topographie et imaginaire que l’on peut analyser dans cet
extrait du Voyage en Orient, prolonge ainsi la réflexion amorcée dès la première séance.
2. Lecture analytique du texte de Nerval
En décembre 1842, Nerval quitte Paris pour se rendre en Orient. Ses notes de voyage sont
publiées trois ans plus tard dans la Revue des Deux Mondes sous forme d’articles intitulés « Les
Femmes cophtes » et « Les Femmes du Caire », dont est tiré le texte du corpus. Repris en 1848 dans
les Scènes de la vie orientale, ils intègrent le Voyage en Orient édité en 1851.
Pour préparer cette séance, les élèves auront antérieurement lu le texte de Nerval en
répondant à la consigne suivante : « Identifiez les deux espaces décrits dans le texte et leur relation ».
En s’appuyant sur ce travail préparatoire, le professeur montrera que l’extrait est structuré par une
opposition entre deux lieux : Paris, représentant la patrie que le poète fuit, et Le Caire, répondant à
son désir d’ailleurs. De nombreuses copies ont, à partir d’un relevé lexical précis, bien illustré cet
antagonisme entre la représentation d’un monde confiné, voire claustral, qui explique l’urgence d’un
dépaysement, et celle d’un espace ouvert à une extériorité étrangère. L’analyse de la longue période
qui décrit les lieux fait apparaître un mode indirect d’appréhension du réel. Ainsi les lieux ne sont pas
décrits mais évoqués grâce aux sensations qu’ils provoquent. C’est sans doute ce qui explique que de
nombreux candidats se sont fourvoyés en situant la scène en Turquie en raison de l’expression « la
voix du Turc qui chante au minaret ». Or il s’agit bien de l’Orient et de la ville du Caire que la mention
« des plaines lumineuses du Nil » permettait d’identifier. L’approche sensitive du réel dévoile l’attitude
8 Senancour, Oberman, préface de Béatrice Didier, Le Livre de poche, p. 10, 1984.
surprenante d’un voyageur qui ne voyage pas, mais qui fait surgir, à partir des sens (auditif, tactile,
olfactif et visuel) la représentation d’un monde extérieur qui s’impose à lui et qu’il recompose à la
manière d’un peintre. Le voyage est donc intérieur. L’accumulation d’images du monde extérieur
compose par touches successives un tableau qui semble dans un premier temps enchanter le
narrateur. Contrairement au texte de Senancour, il n’y a pas adéquation entre le réel et l’état d’âme
mais une négation du réel par un rêve éveillé.
Certaines copies ont par ailleurs tiré profit d’une attention portée à la ponctuation qui marque
à travers les points de suspension le troisième temps du texte : « tout cela me surprend, me ravit…ou
m’attriste». L’occasion est donnée à l’enseignant de rappeler aux élèves l’importance et la fonction de
la ponctuation. Une analyse des points de suspension est ici nécessaire. Après l’évocation, dans le
second mouvement du texte, d’un Orient qui avive les sens, tout se passe comme si l’image de cet
Orient s’évanouissait, ou plutôt faisait l’objet d’un désenchantement, lequel trouve sa correspondance
dans l’œuvre bien connue de Dürer, Melancholia I. Le renversement du ravissement produit par les
impressions d’un monde nouveau en un reflet du monde quotidien dit l’incapacité du sujet à se
soustraire au désenchantement du monde. L’expérience du voyage renforce finalement la déception
suscitée par le réel et lie étrangement l’Europe et l’Orient.9 L’opposition entre les deux espaces
symbolise le déchirement intérieur du sujet qui poursuit sa méditation sur la vie aux confins de
l’Europe. Le professeur pourra alors demander aux élèves de relire l’incipit du texte et de commenter
l’exclamative : « Que la vie est quelque chose d’étrange ! ». L’expérience du voyage génère une prise
de conscience du mystère qui habite un sujet étranger à lui-même. On rappellera avec profit
l’étymologie de l’adjectif « étrange » qui désigne l’étranger, celui qui n’est pas du pays.
Très peu de candidats ont commenté la fin de l’extrait, si ce n’est pour rappeler l’importance
de la mélancolie dans l’œuvre de Nerval. Le renvoi pertinent au poème des Chimères « El
Desdichado » autorisé par l’expression « Le soleil noir de la mélancolie », constituait pour beaucoup
un intertexte, un prolongement de lecture, mais son enjeu a été mal cerné. Le Voyage en Orient est
moins un voyage dans l’espace qu’un voyage intérieur, un voyage initiatique. Prolonger l’analyse par
une lecture du poème « El Desdichado » permettrait d’approfondir la notion d’intertextualité que l’on
doit aborder en classe de seconde et de montrer que l’écriture du voyage constitue le ferment de
l’œuvre à venir, d’un imaginaire qui nourrit une mythologie personnelle que la poésie aura pour tâche
d’explorer.
3. Évaluation
Un entraînement au commentaire littéraire pourrait être proposé à partir de l’étude du texte de
Nerval. Cette évaluation formative consistera dans la rédaction partielle, soit d’un paragraphe, soit
d’une partie du commentaire. Ainsi on pourra proposer celle d’une grande partie qui mettrait en
évidence l’opposition entre les deux espaces évoqués dans le récit.
L’analyse du tableau de Delacroix, Noce juive dans le Maroc, trouve sa place logique à la
suite de cette lecture analytique, et ce pour plusieurs raisons. D’abord le travail d’écriture du texte de
Nerval entretient des rapports étroits avec la peinture, comme nous venons de l’indiquer. Ensuite une
ambivalence entre la joie et la tristesse marque l’œuvre picturale qui correspond à la période
orientaliste de l’artiste.
9 Nerval se confie à Jules Janin dans une lettre du 16 novembre 1848 : « l’Orient n’approche pas de ce rêve éveillé que j’en avais fait il y a deux ans, ou bien c’est que cet Orient-là est encore plus loin ou plus haut, j’en ai assez de courir après la poésie. ».
4. Lecture d’image : Delacroix, Noce juive dans le Maroc
Delacroix peint ce tableau à partir de notes prises dans ses carnets de voyage lorsqu’il
découvre le Maghreb en 1832, alors qu’il accompagne l’expédition du comte de Mornay. Sur un plan
purement référentiel, l’œuvre picturale représente une noce juive à Tanger. Et l’on sait que Delacroix
a effectivement assisté à une telle cérémonie le 21 février 1832.
À partir des observations des élèves que l’enseignant prend soin de guider, une analyse de la
composition d’ensemble de l’œuvre fait apparaître l’importance du puits de lumière, véritable trouée
autour de laquelle s’organise tout le tableau. Située dans une cour intérieure, cette scène de genre
distribue de part et d’autre de cet espace central l’assemblée des convives, composée de juifs et de
maures. Si l’on retrouve dans cette œuvre les couleurs chères à l’artiste (le vert, le rouge et le noir),
on fera aussi découvrir aux élèves qu’elles sont atténuées ici par le vélum tendu au-dessus de la cour
et qui adoucit la luminosité au point de plonger la partie gauche du tableau dans une certaine
pénombre. Gautier écrit d’ailleurs, en 1855, à propos de Noce juive dans le Maroc : « la couleur de ce
tableau est sobre, endormie, tranquille malgré sa richesse, et fait sentir qu’au-dehors pleut, sur les
terrasses blanches comme de la craie, un soleil aveuglant, implacable et torride »10
. Très souvent les
bonnes copies ont développé cette première approche de la lecture d’image, mais le lien direct avec
la problématique d’ensemble restait insuffisant.
Or il semble qu’un travail un peu attentif sur le cadre nous engage à penser l’importance de la
représentation du regard et des jeux de symétries qu’il implique. La cour intérieure circonscrit un
espace à la fois clos et ouvert, grâce notamment aux fenêtres représentées et à la cage d’escalier qui
constituent des points de fuite. Les visages qui se profilent dans l’ouverture de la fenêtre, à droite du
tableau par exemple, ou bien les personnages surplombant la scène à l’étage, figurent, à l’intérieur
même du tableau, une multiplicité de points de vue sur la scène représentée, un échange complexe
de regards au milieu desquels le spectateur est pris. Ils sont en quelque sorte des relais de notre
propre regard. Bien plus, les personnages situés au balcon en position d’observateurs curieux,
renforcent ce singulier théâtre du regard qui met le spectateur face à cette interrogation : qu’est-ce
que voir ? On pourra aussi considérer plus longuement le personnage debout appuyé contre le mur
au fond de la cour derrière les musiciens, et dont l’attitude suggère une profonde mélancolie. Au-delà
de la simple représentation d’un Orient qui fascine, d’un ailleurs qui donne à rêver, n’est-ce pas figurer
au sein même du tableau un questionnement sur la création elle-même ?11
L’œuvre n’est ni mimesis,
ni idéalisation du réel, mais une invitation à questionner le regard comme unité de l’œuvre et
l’essence même de la représentation en tant qu’elle n’existe que par la subjectivité d’un regard.
On pouvait aussi attirer l’attention des élèves sur l’impression ambiguë que laisse ce tableau
censé représenter une scène festive – les musiciens en action et la danseuse le justifient ainsi que le
titre - mais qui est pourtant marqué par une certaine langueur lisible sur les visages. Certes, la scène
figure une situation d’attente puisque la mariée n’est pas encore arrivée, mais rien ne semble motiver
la nonchalance, voire l’ennui ou la mélancolie que Delacroix exprime sur la plupart des visages qui
n’affichent aucun sourire. Aussi l’analyse des lignes de force du tableau, la disposition et l’attitude des
corps représentés mettent en évidence le vide central accentué par le puits de lumière et signalant
peut-être symboliquement l’absence de la mariée. Ce grand vide intérieur et cette mélancolie de
10 Théophile Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, 1855. 11 « On dirait que cette peinture, comme les sorciers et les magnétiseurs, projette sa pensée à distance », Baudelaire, Salon de 1846, Edition de La Pléiade, Gallimard 1976, p. 427.
l’absence représentée dans cette scène de genre, Baudelaire les qualifiera en ces termes que l’on
peut ici rappeler : si Delacroix est « le vrai peintre du XIXème siècle », c’est en raison de « cette
mélancolie singulière et opiniâtre qui s’exhale de toutes ses œuvres, et qui s’exprime et par le choix
des sujets, et par l’expression des figures, et par le geste, et par le style de la couleur »12
Les élèves pourront tirer un premier bilan de cette approche du romantisme. L’étude du
tableau de Delacroix que Baudelaire reconnaît comme « le chef de l’école moderne »13
complète ainsi
la découverte des récits de voyage romantiques et illustre la passion des artistes de cette génération
pour l’exotisme oriental. La séquence peut alors assez logiquement se poursuivre par l’étude du texte
de Chateaubriand dont la description pittoresque de Venise permet d’aborder les liens entre littérature
et peinture que l’esthétique romantique cherche à redéfinir.
4. Lecture analytique du texte de Chateaubriand
Chateaubriand se rend à Venise, « porte de l’Orient », à trois reprises. En 1806, son premier
séjour constitue une étape obligée sur le chemin de la Terre Sainte qui le fait passer par la Grèce pour
arriver à Jérusalem, où il va, écrit-il dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem, « chercher des images
en Orient ». Le deuxième séjour, plus long, effectué en 1833 alors qu’il a 65 ans, est consigné dans le
« Livre sur Venise », intégré dans les Mémoires d’outre-tombe dont est extrait le texte du corpus.
Chateaubriand se rend une dernière fois dans la ville des Doges en 1845, trois ans avant sa mort,
mais il laisse de ce dernier voyage très peu de traces écrites. Il n’en reste pas moins que Venise
occupe une place privilégiée. Trois axes principaux peuvent orienter l’analyse du texte.
Tout d’abord Venise est un espace culturel fortement symbolique. Un relevé précis des lieux
décrits constitue une véritable traversée de l’histoire occidentale. La ville recèle les vestiges d’un
passé qui font d’elle « une ville à part de toutes les autres cités, fille aînée de la civilisation antique »,
épargnée encore par les progrès de l’industrie. Chateaubriand invite à un voyage, sorte de nouveau
pèlerinage aux sources de la culture dont les nombreuses références mériteraient d’être approfondies
et complétées. À ce sujet redisons que la lecture analytique ne saurait faire l’économie d’une
contextualisation historique qui viendra éclairer le texte sans prendre le pas sur son explication.
Un deuxième axe d’analyse viserait à montrer comment Chateaubriand intègre Venise à son
imaginaire à partir d’une réflexion sur la fuite du temps et sur la mort. L’étude de leurs isotopies
conduira les élèves à dégager le lien qui unit l’auteur à cette cité : la magnificence et la grandeur de
Venise, mais en même temps son extrême fragilité en raison de sa situation au bord de la lagune qui
menace sa survie, renvoient à l’auteur l’image de sa propre destinée : « cette ville en harmonie avec
ma destinée » ; « Vous aimez à vous sentir mourir avec tout ce qui meurt autour de vous ».
L’expression du regret de ne pouvoir finir son œuvre dans cet espace idéal confère à la fin du texte un
registre pathétique. Le dernier paragraphe s’ouvre en effet sur un questionnement indirect de son
œuvre inachevée. Venise est la ville des poètes, les noms de Dante, Pétrarque et le poète romantique
Byron y sont associés. Chateaubriand exprime ici son regret mais aussi son désir d’intégrer cette
lignée prestigieuse d’écrivains qui lui sont si chers et dont les œuvres ont contribué au mythe de la
12 Ibid, p. 440. 13 Baudelaire écrit à propos du peintre dans le Salon de 1846 : « Le romantisme et la couleur me conduisent droit
à Eugène Delacroix. J’ignore s’il est fier de sa qualité de romantique ; mais sa place est ici, parce que la majorité
du public l’a depuis longtemps, et même dès sa première œuvre, constitué le chef de l’école moderne »13
, Ibid,
p. 427.
ville. Ce mythe d’une Venise où il ferait bon mourir est bien né au XIXème et trouvera un écho plus
tard dans l’œuvre de Thomas Mann, Mort à Venise (1912).
La séduction qu’opère Venise sur l’auteur trouvera dans l’étude du dernier paragraphe et en
particulier de la dernière phrase son point d’aboutissement. La description des lieux pittoresques et
mythiques de la cité transforme l’espace en une véritable vision : Venise fait l’objet d’une appropriation
subjective. La ville, personnifiée et comparée à une femme, se métamorphose sous le regard du
poète. Une analyse d’abord prosodique, et en particulier des nombreuses allitérations en [v] et en [s]
qui font un écho sonore au nom même de la cité, rend sensible la prose poétique si caractéristique de
ce texte. Une analyse stylistique détaillée de la dernière phrase du texte permettra en outre de rendre
compte de cette transformation. Le rythme devient plus ample par l’allongement progressif des
phrases et les nombreux vers blancs expriment une certaine solennité qui finit par conférer à la cité
une image d’éternité, moment d’apothéose qui clôt l’éloge développé dans le texte. À partir de
l’identification par les élèves de l’image de la comparaison et de la métaphore dans la dernière
phrase, on pourra conduire une analyse syntaxique très précise. La longue période enchaîne par
ailleurs la comparaison et la métaphore. L’analogie construite par la comparaison ne prend son sens
qu’à travers la métaphore qui la suit. Venise devient une femme sous les yeux et la plume de l’auteur.
Après la description des éléments épars qui la composent et qui précèdent cette phrase, le regard du
poète embrasse une dernière fois la ville : « Venise est là ». Le poète-peintre se l’est appropriée. Car,
si le regard porté sur Venise était jusqu’alors celui d’un amateur d’art qui se référait à la peinture pour
la décrire (« une lumière titienne »), il devient dans cette dernière phrase celui d’un peintre qui crée
par le langage un tableau et offre un bel exemple d’ekphrasis où le langage rivalise avec les arts
visuels. Cette analyse détaillée de la dernière phrase pourrait faire l’objet d’une mise en voix au moins
du dernier paragraphe du texte pour faire entendre la prose poétique de Chateaubriand.
La démarche retenue conduit enfin à une étude comparative des extraits de Lamartine et de
Hugo. Il s’agira de mettre à jour comment le voyage suscite une réflexion sur l’histoire et la culture. La
dimension réflexive des textes devient plus complexe. Le sujet romantique ne donne pas seulement à
lire une méditation sur son rapport au monde – elle a été abordée dans l’étude des textes de
Senancour et Nerval -, ni sur le rapport de l’écrivain à son œuvre - tel que Chateaubriand le construit
dans son texte -, elle ouvre plus largement à une conscience historique et politique. La singularité
générique et discursive des textes de Lamartine et Hugo dégage de manière différente, mais certaine,
une réflexion sur le statut de l’écrivain et sa fonction.
6. Une étude comparative des textes de Lamartine et de Victor Hugo
La longueur des textes oblige à des choix stratégiques et suppose une lecture et un travail
préparatoires à la séance. Dans notre perspective d’ensemble, il serait ambitieux de vouloir mener
une analyse exhaustive des extraits. Aussi l’étude comparative pourra suivre trois orientations,
d’abord celle qui permettra de définir le statut de l’écrivain, puis une seconde qui aura pour objet de
travailler sur le regard singulier que les auteurs portent sur l’espace visité, enfin une dernière qui
envisagera les enjeux culturels, historiques et politiques que nos deux écrivains romantiques
manifestent dans leurs textes.
À partir d’un relevé des systèmes énonciatifs des deux textes, effectué préalablement par les
élèves dans le but de préparer la séance, l’analyse s’attache à mettre d’abord en évidence leur
différence générique. La lecture du texte de Lamartine, extrait de son récit Voyage en Orient permet
de réinvestir les savoirs précédemment acquis en ce qui concerne le contexte culturel et la fascination
exercée par l’Orient d’une part, et les modalités d’écriture de l’expérience vécue d’autre part. L’étude
de l’énonciation à la première personne du récit relatant la découverte de Jérusalem confirme la
posture distanciée du voyageur face au monde qu’il découvre. Le pronom personnel tonique (« et
moi ») fonctionne à deux reprises dans le texte comme un embrayeur du récit. Dans le premier
paragraphe la description de l’espace visité implique une responsabilité de l’écrivain qui justifie
ensuite, dans le deuxième paragraphe, sa présence en ce lieu fondateur, justification que précise
l’accumulation des groupes prépositionnels, circonstanciels de but, et que la dernière phrase du
troisième paragraphe synthétise. Le professeur fera remarquer aux élèves, grâce à l’observation de
l’énonciation, que Lamartine prend soin de s’inscrire dans son époque puisqu’il révèle que ce voyage
vise à nourrir « la poésie grave et pensée de l’époque où nous vivons ». L’extrait du texte de Victor
Hugo, qui évoque son voyage au bord du Rhin, présente en revanche la particularité d’une
énonciation à la troisième personne. Le procédé d’une représentation du moi par les expressions
«celui qui trace ces lignes » et « l’écrivain qui parle ici », met à distance le sujet d’énonciation et
renforce la posture d’un écrivain s’adressant à ses lecteurs. La dimension réflexive de cet extrait sera
l’occasion d’aborder les fonctions du discours préfaciel et la dimension argumentative du texte. C’est
aussi en représentant de son siècle que l’auteur s’autorise à définir et à défendre l’action de
l’écrivain et la combativité propre à Hugo : « Dans l’illustre et grand siècle où nous sommes, n’avoir
pas reculé dès le premier jour devant la laborieuse mission de l’écrivain, c’est s’être imposé la loi de
ne reculer jamais ».
On pourra ensuite étudier avec profit, en s’appuyant sur les compétences des élèves
précédemment acquises, la fonction de la description au sein des deux textes. Lamartine voit, et
donne à voir, un espace qui devient en fait le symbole d’un passé perdu. Ce retour aux sources, qui
est aussi une découverte par le voyage de l’historicité du religieux, de sa permanence miraculeuse -
que donne à lire par exemple la métaphore fluviale : « remonter jusqu’à sa source le cours inconnu
d’une civilisation, d’une religion » - resitue le poète dans une tradition qu’il doit perpétuer. Il serait en
quelque sorte le medium d’un nouveau « religare » que seule la poésie permet d’instaurer. Donner à
voir, c’est avant tout donner à penser. Les élèves pourront analyser le troisième paragraphe et
repérer les différents symboles qui transforment la scène décrite en une allégorie des âges la poésie :
chaque acteur portant une part du passé immémorial que l’écriture du voyage permet de faire
émerger. Victor Hugo théorise plus directement « cette volonté de voir et d’observer » qui correspond
à un désir de faire émerger une vérité permettant de penser « le passé et l’avenir de l’Europe ». Le
spectacle qu’offre le Rhin ne produit pas une plongée dans l’imaginaire, mais opère le passage de la
« rêverie à la pensée ». Quelques précisions relatives au contexte politique de cette période
historique de l’Europe peuvent par ailleurs éclairer la lecture des élèves. Retenons avant tout que le
texte de Victor Hugo, véritable leçon inaugurale à la lecture de l’œuvre, transforme le récit de voyage
en « journal d’une pensée »14
. Découvrir le passé en visitant les bords du Rhin, c’est se donner les
moyens d’envisager l’avenir. Une dialectique similaire entre passé et futur doit être relevée dans le
texte de Lamartine qui se termine par une question interrogeant l’avenir de la poésie. Aussi le voyage
correspond-il pour l’auteur des Méditations poétiques à la fois à une plénitude mémorielle, mais aussi
paradoxalement à l’expérience d’une dépossession. L’excès engendre un malaise, sinon un vide,
assurément une interrogation inquiète : comment prolonger ce qu’on a recueilli, comment le faire vivre
authentiquement par l’écriture, en dehors de la seule auto-réflexion ? La contemplation de la grandeur
passée, fût-elle encore vivante sous forme de traces, n’est jamais loin de la méditation devant des
ruines et place l’auteur face à une responsabilité d’ordre éthique : la poésie méditative qui caractérise
les romantiques doit, à partir des « vérités historiques ou des pensées » qu’elle recueille, penser
l’avenir15
. Une réflexion identique clôt l’extrait de Victor Hugo, dont la métaphore de la fenêtre (« ouvrir
une fenêtre en soi ») apparaît à la fin du parcours comme emblématique.
14 L’expression est employée par Victor Hugo dans sa préface au Rhin. 15 Il est sans doute opportun d’évoquer l’engagement politique de Lamartine. Nicolas Courtinat rappelle que « le voyage en Orient scelle le véritable début de l’activité politique de Lamartine, laquelle prendra son essor tout au
7. Une séance de bilan
On ne saurait clore cette séquence sans tirer le bilan des acquis construits à travers les
analyses précédentes. Nous pourrions envisager cette séance en deux temps. Elle pourrait d’abord
prendre la forme d’un échange oral qui viserait à vérifier la représentation du romantisme que les
élèves se seront faite tout au long de ce parcours. Il apparaît que l’ensemble des auteurs étudiés
constitue une génération d’écrivains et d’artistes conscients d’appartenir à un grand siècle, habités par
une réflexion intérieure génératrice de mélancolie, et aspirant à rompre par le voyage - n’est-il pas
aussi une remontée vers le passé, une quête obstinée de l’origine ? – avec un quotidien décevant et à
retrouver ainsi l’énergie nécessaire à la création.
On peut ensuite envisager une réflexion à partir de la dernière phrase du texte de Victor
Hugo dont il s’agirait de montrer en quoi elle définit le mouvement romantique : « Le passé est là en
ruine ; l’avenir n’y est qu’en germe. On n’a qu’à ouvrir sa fenêtre sur le Rhin, on voit le passé ; pour
voir l’avenir, il faut, qu’on nous passe cette expression, ouvrir une fenêtre en soi ». Elle permettrait
sans aucun doute d’éclairer une relecture de l’ensemble du corpus et d’évaluer les savoirs acquis
durant la séquence.
8. Évaluation sommative
À partir du travail conduit lors de la séance précédente, la rédaction d’un ou de plusieurs
paragraphes argumentatifs pourraient faire l’objet d’une évaluation. Plus classiquement dans la
perspective de l’entraînement au commentaire littéraire, on pourrait aussi envisager de soumettre aux
élèves, sous la forme de deux ou trois questions, l’analyse d’un extrait de prose d’un écrivain
romantique, par exemple l’extrait de René de Chateaubriand dans lequel le héros, après la mort de
son père, se réfugie à la campagne.
9. Prolongement
Cette séquence qui a permis de construire avec les élèves la notion de romantisme à travers
l’analyse d’extraits de récits de voyage, trouvera un prolongement intéressant dans des lectures
cursives, à condition que les textes soient accessibles à des élèves de seconde. Il est peu
envisageable, comme l’ont proposé certains candidats, d’exiger une lecture des Mémoires d’outre-tombe. On pourrait cependant y choisir quelques chapitres ou bien encore proposer une lecture
intégrale de René ou Atala. Un professeur plus imaginatif choisira de compléter l’étude du romantisme
en demandant à ses élèves de constituer un dossier personnel dans lequel ils présenteraient des
poèmes des écrivains romantiques. Prolongeant la séquence telle qu’elle a été définie dans sa
démarche, on peut gager que la lecture et la découverte des œuvres poétiques des romantiques
seraient délestées de certains clichés. Une contrainte dans l’élaboration du dossier nous semble
nécessaire, mais d’autres peuvent être inventées : il s’agit de proposer aux élèves d’opérer un choix
de textes cohérent en fonction d’une thématique déterminée et d’une problématique qu’ils
long des années 1830 et culminera en 1848, avec le poste ministériel si longtemps attendu. L’auteur du Voyage devient l’un des meilleurs symboles de l’écriture romantique, fermement attaché à sa mission de guide des peuples, brûlant de prendre part aux luttes humaines, de réconcilier Poésie et action », Philosophie, histoire et
imaginaire dans le Voyage en Orient de Lamartine, Honoré Champion, Paris 2003, p. 442.
exposeraient dans un petit texte argumentatif. Ce travail pourrait se faire à partir de leur manuel
scolaire, ou mieux encore, à partir d’une anthologie de la poésie des écrivains romantiques16
.
Conclusion
Sans doute le sujet de cette année a-t-il pu déconcerter les candidats dans la mesure où il
offrait une approche peu habituelle du romantisme. Mais questionner les clichés que l’habitude ou un
enseignement insuffisamment raisonné peuvent générer est bien la démarche qui devrait présider à
toute approche de la didactique de la discipline. Le corpus a fait clairement apparaître l’exigence de
lecture et de culture que doit s’imposer de façon continue tout enseignant de Lettres en privilégiant les
textes authentiques, en tenant compte le plus possible de l’unité de l’œuvre d’un écrivain. Le sujet de
l’année 2007 avait pour ambition de rappeler combien les récits de voyage peuvent non seulement
contribuer à mieux définir un mouvement majeur de l’histoire littéraire, mais aussi éclairer et informer
l’œuvre poétique, théâtrale ou romanesque des écrivains romantiques.
16 Signalons par exemple la belle anthologie conçue et préfacée par le poète Bernard Vargaftig, Editions J’ai lu, collection « Librio », 1993.
Epreuve orale d’admission : épreuve professionnelle
Rapport présenté par Christine CRINQUAND-LORENT
Les précédents rapports construisent, en se complétant, une représentation claire et fidèle des
réalités de cette épreuve orale d’admission. Ainsi, on se référera utilement à l’analyse de la situation de
communication proposée dans le rapport 2005 par Madame Pinsart et à l’exposition des types de sujets
proposés aux candidats dans le rapport 2006 de Madame Fourtanier.
La composition de ce rapport s’appuie sur les remarques des jurés de la session et vise à aider
les candidats dans leur préparation de l’épreuve. Une fois encore, il cherche à élucider les constantes de
l’épreuve et à démystifier, voire à battre en brèche, les « légendes » ou « conseils » le plus souvent
contre-productifs qui sont lisibles sur certains sites sans compétence institutionnelle aucune. On peut ainsi
déplorer que l’application récurrente d’un protocole d’exposé, critiqué par les précédents rapports, ait
conduit à l’échec de nombreux candidats.
Ce rapport rappellera donc rapidement les exigences institutionnelles, disciplinaires et
professionnelles de l’épreuve et tentera d’apporter une ouverture supplémentaire à la somme des
excellentes remarques consignées par les rapporteurs des années précédentes.
I – Définition de l’épreuve :
La particularité de l’épreuve orale d’admission du CAPES interne repose sur une double attente.
Epreuve d’admission à un CAPES de Lettres, elle doit permettre au jury de mesurer les compétences
littéraires des candidats en termes de capacités de compréhension et d’analyse des textes, et de
connaissances culturelles liées à la contextualisation ou à la mise en perspective des œuvres entre elles
ou en rapport avec des arts conjoints. Dans le même temps, il s’agit d’une épreuve professionnelle au
cours de laquelle le candidat devra mettre en évidence des compétences de didacticien.
Pour ce faire, le candidat dispose d’un dossier correspondant au choix qui a été le sien au
moment de l’inscription – collège ou lycée.
Il convient ici de rappeler que les dossiers proposés par les jurés présentent une conformité
validée chaque jour par les membres du Directoire. Le nombre de pages – qui en tout état de cause reste
raisonnable – ne présage pas de la complexité. Les membres du jury veillent en effet à un équilibre entre
le nombre, la longueur et la difficulté d’analyse des textes. Il n’y a pas de dossiers plus faciles que
d’autres, pas plus qu’il n’y a de différences entre les niveaux collège ou lycée. Le choix que fait le
candidat en s’inscrivant ne doit donc pas reposer sur des présupposés de facilité – au niveau des textes à
analyser pour le collège par exemple – mais sur l’expérience qu’il a d’une pratique didactique, différente
en collège ou en lycée.
Le candidat dispose de deux heures de préparation au terme desquelles il est invité à présenter
son analyse critique du dossier en trente minutes maximum. Après un temps de concertation, le jury
procède à un entretien avec le candidat afin de reprendre, corriger, approfondir les éléments de l’exposé.
Que ce soit dans la première ou dans la seconde partie de l’épreuve, les champs de la littérature et de la
didactique sont convoqués et confrontés. Nous verrons plus loin les types de questions qui peuvent être
posées pour nourrir l’entretien.
II – Communiquer avec le jury
On pourra relire avec profit les pages du rapport de 20051 qui proposent une analyse pertinente
des mécanismes qui régissent cette situation de communication particulière.
Ajoutons à cela quelques points observés que les différentes commissions de cette session
souhaitent souligner :
• Se présenter devant une commission de jury, comme devant ses élèves, exige une
attitude décente, correcte et dynamique puisqu’il s’agit d’obtenir une écoute, de transmettre un intérêt,
voire une passion, pour la matière que l’on veut enseigner. Se montrer ouvert et réactif, ne pas donner
l’impression de la passivité et du découragement, s’adresser réellement aux membres du jury, sans
s’enfermer dans la lecture de ses notes ou regarder ailleurs, voilà qui peut contribuer à donner de soi
l’image d’un adulte référent capable de guider des élèves vers un apprentissage efficace.
• Tout comme dans une situation de classe, vouloir à toute force faire durer l’exposé
jusqu’au bout des trente minutes en diluant quelques éléments d’analyse ne peut aboutir qu’à une
lassitude de l’auditoire, néfaste dans tous les cas. Cette année, plus particulièrement, les jurés ont
observé cette tendance à vouloir « user de son temps » coûte que coûte, dans la paraphrase la plus
totale et la plus redondante souvent. Rappelons donc que les trente minutes d’exposé sont un maximum.
Un exposé clair, bien structuré et intelligent ne saurait être pénalisé de ne durer que vingt-cinq minutes.
• L’entretien vise à approfondir certains éléments de l’exposé ou à permettre au candidat
de corriger quelques erreurs, lapsus ou oublis le plus souvent liés à une anxiété assez légitime lors de la
prestation. En aucun cas, le jury ne cherche à déstabiliser le candidat. Cela est contraire à la déontologie
du concours. Il faut donc faire un sort à certaines légendes et inviter les candidats à éviter plusieurs cas
de figures répertoriés par les jurés :
� Face à la question, le candidat cherche le piège et mobilise toute son
énergie à trouver en vain une improbable réponse.
� Le candidat n’a pas compris la question mais n’ose en demander la
reformulation, ce qui serait bien préférable au fait de répondre par le
mutisme ou de manière vague.
� Tels candidats pensent qu’ils n’ont pas à se contredire et maintiennent
des allégations erronées que le jury espérait, par son questionnement,
pouvoir faire corriger. Cette attitude signale une difficulté à prendre du
recul et à se remettre en cause.
� Tel autre essaie de convaincre le jury qu’il a déjà répondu à la question
ou donné l’explication dans son exposé et sous-entend donc que les
jurés sont de grands inattentifs !
� Le candidat contourne le questionnement pour éviter d’entrer dans le
texte ou dans un domaine de connaissances qu’il ne maîtrise pas. Ce
faisant, il ne leurre personne, alors qu’il ne devrait y avoir aucune honte à
reconnaître un non-savoir.
� Le candidat montre des signes d’impatience lors de l’entretien et peut
aller jusqu’à une arrogance déplacée.
1 Rapport du jury 2005, pages 26,27 et 28
Toutes ces situations, observées au fil de la session traduisent une mauvaise appréhension et
compréhension de l’épreuve. L’entretien est une situation de dialogue et non d’inquisition. Les jurés
exploitent ce temps d’échange pour tenter de mieux cerner le candidat et inscrire sa prestation dans une
dimension professionnelle. Ils attendent d’être convaincus par une personnalité cultivée, motivée,
pragmatique et perfectible.
III – Entrer dans l’épreuve
A – L’analyse critique du dossier
Le jury tient à rappeler aux candidats qu’il n’existe aucun modèle d’analyse du dossier, aucune
procédure figée, immuable et attendue, contrairement à ce qui a pu être écrit ici ou là. Les observations
des commissions de ce jury regrettent unanimement la répétition de plans qui ont empêché toute analyse
constructive des dossiers. Le rapport 20062 condamnait déjà cette présentation en trois parties : analyse
du texte, observation de l’appareil didactique, proposition personnelle. Cette procédure figée exclut toute
confrontation entre le ou les textes et l’appareillage didactique et se termine souvent par une proposition
de séquence virtuelle – jusqu’à six séances parfois pour un dossier d’un ou deux textes – qui anéantit
toute crédibilité des compétences didactiques du candidat. D’autres procédures ternaires s’appuient à la
lettre sur les mots du libellé du sujet, et déroulent les objectifs - ou les savoirs en jeu -, les démarches,
l’exploitation personnelle sans procéder à l’examen du ou des textes concernés. On a alors une lecture
descriptive, souvent paraphrastique, du dossier, même lorsqu’il s’agit de comparer deux approches d’un
même texte dans deux manuels différents. L’intitulé expose pourtant l’articulation de la démarche
attendue : l’analyse du texte, la détermination de ses enjeux renvoient et sont confrontées à l’analyse de
l’appareil didactique afin de valider ou d’invalider les propositions de questionnement ou d’activités. C’est
sur ce point que porte la « critique », et cela ne se pose pas en termes de conformité aux Instructions
Officielles, mais en termes de pertinence par rapport à un projet de lecture et à des objectifs
d’apprentissages sous-tendus par cette lecture. Ici encore, il est bon de rappeler que les manuels sont
des produits éditoriaux qui s’appuient sur les exigences des textes de programmes, mais qu’aussi réussis
qu’ils puissent être, ils ne peuvent proposer un appareillage didactique capable de satisfaire à la lecture,
aux besoins et objectifs d’apprentissage arrêtés par le professeur dans une situation de classe donnée.
C’est cette démarche à la fois littéraire et didactique, celle qui préside à la préparation du cours, que le
candidat est invité à présenter afin que la proposition de traitement ne soit pas figée et reflète à la fois la
sensibilité littéraire, la pertinence didactique et l’expérience professionnelle du candidat.
A.1 – Le primat de l’analyse littéraire
Au terme de cette session de concours, la plupart des bulletins de passage des candidats
refusés portent la même mention : « analyse littéraire insuffisante ». Dans la mesure où l’analyse de
l’appareil didactique doit s’appuyer sur la lecture du texte, on comprend aisément que l’ensemble de la
prestation soit un échec. De plus, la normalisation des sujets impose la présence d’un ou plusieurs textes
littéraires. L’analyse littéraire est donc bien une dimension incontournable de l’épreuve. Mais quelle
analyse ?
2 Rapport du jury 2006, page 41
La longueur et/ou le nombre de textes proposés par le dossier ne sauraient permettre une
explication linéaire ou de type universitaire. Ces cas de figures apparaissent dans les prestations et
montrent deux dérives qu’il convient d’éviter. La première attitude amène le candidat à une lecture qui ne
rend pas compte du sens global du texte, de son mouvement, de ses enjeux. Les remarques se font
pointillistes, descriptives, voire paraphrastiques. Le second travers entraîne le candidat vers une lecture
en surplomb du texte qui devient prétexte à un jargon métalinguistique hors de propos. Tzveztan Todorov
s’en inquiète dans un ouvrage récent : « Je dois être initié à l’étude de la sémiotique et de la pragmatique, de la rhétorique et de la poétique. Sans vouloir dénigrer ces disciplines, on peut se demander : faut-il en faire la principale matière enseignée à l’école ? »3
. La question devrait être présente à l’esprit des
candidats. En effet, ces approches – mal maîtrisées ou utilisées de façon rigoriste ou exclusive –
conduisent finalement à une telle absence de considération du texte et de son sens qu’il est impossible de
penser pouvoir y associer le moindre projet didactique. Toutefois, il faut insister sur la nécessité de
maîtriser les outils d’analyse du texte littéraire. Cela semble un minimum qu’un candidat connaisse et
sache mettre en œuvre les éléments de rhétorique discursive répertoriés par les accompagnements de
programme de la classe de troisième4 ; qu’il sache identifier sans faille la morphologie et la valeur d’un
temps verbal ; qu’il possède des éléments de narratologie – autres que le schéma narratif, trop souvent
convoqué à mauvais escient comme outil systématique d’approche du récit – et qu’il soit capable de lire
des vers sans s’empêtrer dans la règle du « e muet ».
Une lecture de type analytique5 permettra de dégager les lignes de force qui structureront
l’exposé : quelle est la problématique du texte ? Quels en sont les enjeux ? Comment s’inscrit-il dans le
chapitre ou l’objet d’étude concerné ? Quels faits de langue participent de la construction du sens ? Et
plus simplement : Quel est son sens ? Que nous dit-il ? Autant de points fondamentaux à confronter à
l’appareil didactique établi et qui permettront au candidat de proposer un projet de lecture à la fois
littéraire, personnel et approprié à une situation de classe. Compte tenu de la diversité des sujets, et de la
richesse des activités proposées, il est difficile, voire impossible, de dresser une typologie de modèles
applicables en analyse, d’autant que cette modélisation ne permettrait plus aux candidats de réagir et de
construire leur exposé selon leur propre sensibilité littéraire. Nous donnerons cependant des pistes de
travail pour quatre types de dossier.
Exemple 1 : Dossier proposé - niveau collège - : La nouvelle en classe de troisième.
Deux nouvelles intégrales : La première machine à temps, de Frédéric Brown et Cycle de survie
de Richard Matheson. Pages 50 à 55, Manuel Bordas 2003.
Le candidat propose une analyse en trois points, dont le dernier consacré à ses propositions
personnelles. Dans un premier temps, le candidat met en évidence les caractéristiques des textes
(nouvelle et science-fiction). Il procède à un va et vient constant entre les éléments repérés et les
suggestions de l’appareil didactique. Il analyse avec précision la « chute » des nouvelles et associe à
cette lecture une étude des illustrations. Dans un second temps, il analyse la subversion des codes
traditionnels. Il met en évidence la temporalité particulière de la nouvelle, exploite la notion de point de
vue, analyse les topoï, le symbolisme des thèmes abordés et la tonalité. Comme on le voit, les deux
premières parties de son exposé s’organisent selon deux axes de l’analyse littéraire. Sans cesse, le
3 Tzvetan Todorov, La Littérature en péril, p. 20, Flammarion, 2007 4 Accompagnements des programmes de 3
ème, CRDP, 2000, Disponibles sur le site Eduscol. Voir pages utiles en annexe 3 de ce rapport. 5 Pour une définition de la démarche de lecture analytique, consulter le rapport de Jean Jordy ; extrait en Annexe 1 de ce rapport.
rapport est établi entre le sens des textes et l’appareil didactique associé. L’analyse textuelle est en
permanence le point d’ancrage de cette prestation réussie qui a obtenu 18/20, après un entretien qualifié
de pertinent et « réactif ».
Exemple 2 : Dossier proposé - niveau collège - : La poésie engagée en 3ème
.
Deux propositions didactiques du poème de Louis Aragon « La Rose et le réséda ».
Manuels :
– Français 3ème
, Livre unique, Hatier 2003, pages 236, 237
– Français 3ème
, Texto Collège, Hachette 2003, pages 138,139 ( hors iconographie)
Ce type de dossier qui invite à la confrontation de deux propositions didactiques dans deux
manuels différents est assez fréquent. Bien entendu, l’analyse du texte ne se fera qu’une seule fois et il
s’agira de comparer les deux appareils didactiques et de juger de leurs pertinences respectives en regard
de l’analyse du texte.
La candidate qui a traité ce dossier a d’abord proposé une introduction situant Aragon dans
l’histoire de la Résistance, et la place du recueil La Diane française . Elle a ensuite posé la problématique
de traitement suivante : « Comment faire percevoir et comprendre que la poésie peut être une arme
contre l’idéologie ? ». Elle a ensuite répondu à cette question en s’appuyant sur une analyse des
phénomènes d’oppositions, d’antithèses et de parallélismes qui concourent à révéler l’universalité de
l’oppression ; sur une mise en évidence de la présence de la nature et des symboles qui lui sont
associés ; enfin, elle a montré le caractère universel de la souffrance dénoncée en s’appuyant sur les
présents à valeur de vérité générale. Sans que la candidate s’attarde à des points de détail – la durée de
la prestation ne le permet pas – les grandes lignes du poème ont été abordées, quelques remarques
pertinentes ont été faites à propos des particularités de la versification (rythme, faux refrains, absence de
ponctuation) et le sens du texte a été éclairé. La prestation eût frôlé l’excellence si la candidate avait su
pleinement exploiter les propositions de l’appareil didactique en regard de l’analyse littéraire. Quoi qu’il en
soit, la moyenne a été dépassée et la note très suffisante pour l’admission.
Exemple 3 : Dossier proposé - niveau lycée - : Entraînement à l’EAF
Corpus d’image et de textes portant sur l’apologue.
Textes : La Fontaine : « Le Corbeau et le renard », et les 16 premiers vers de la fable I du livre VI.
Rousseau, extrait de Emile ou De l’éducation ; J. De Romilly, Lettre aux parents sur les choix scolaires. Image : F. Lorioux, illustration de la couverture des Fables, 1949.
Manuel lycée, Le Français méthodique, Hatier 2004, pages 266, 267.
L’exemple de ce dossier va permettre d’évoquer un type de travail qui peut interroger et inquiéter
le candidat :
• Comment analyser 4 textes et une image dans le temps imparti ?
• Comment traiter un appareil didactique composé d’un questionnement de type EAF ?
Bien entendu, il n’est pas envisageable de proposer une analyse complète de chacun des textes
et de l’image. Ici, comme dans tous les dossiers comportant plusieurs textes, il s’agit de dégager les
enjeux de chacun d’entre eux et de montrer comment ces différents enjeux construisent un intérêt à
la fois littéraire et didactique. S’agissant d’une proposition d’apprentissage de l’épreuve, comment le
dossier peut-il permettre une évaluation satisfaisante de la notion d’apologue chez un élève de première ?
En quoi ce type d’exercice va-t-il répondre à une volonté d’entraînement, comment va-t-il contribuer à
affermir les compétences et les connaissances littéraires de l’élève ?
Les quatre textes offrent une complémentarité intéressante pour traiter de l’apologue.
Le choix de la fable « Le corbeau et le renard » se justifie aisément comme un exemple
canonique d’une des formes majeures de l’apologue. Court récit, vivacité due aux paroles rapportées,
parole d’un moraliste inscrit dans son siècle et dénonciateur des travers des comportements sociaux de
son temps, morale explicite renvoyant le lecteur à la réflexion sur l’universalité et le caractère atemporel
de l’histoire. L’extrait donné en second texte permet à La Fontaine de s’exprimer sur la problématique de
l’écriture des Fables et d’argumenter en faveur d’un choix d’écriture qu’il revendique. On ne manquera
pas de relever « instruire et plaire » – « docere et placere » – formule qui renvoie à la convergence
classique de l’éthique et de l’esthétique. On fera aussi remarquer l’insistance sur l’origine des fables,
l’inscription du genre dans un patrimoine remontant à l’Antiquité, ce qui assoit sa légitimité. Enfin, on
montrera que la revendication de La Fontaine est ici celle de la brièveté, pour une efficacité plus grande,
ce dont la fable « Le corbeau et le renard » constitue une bonne illustration.
Ces deux premiers textes exposent donc la visée et la problématique d’écriture de l’apologue,
du point de vue de l’auteur.
Les documents suivants offrent des enjeux qui viennent compléter ce dossier en exposant deux
réceptions différentes du genre. La première est la célèbre condamnation des Fables par Rousseau qui
souligne ce qu’elles ont de dangereux pour un jeune lecteur, démontrant que les morales proposées dans
les fables peuvent être lues comme des exemples d’immoralité. Il exploite, pour mieux dénoncer ce
danger, l’argument de séduction qui préside à l’écriture du genre. La seconde, deux siècles plus tard, est
celle de Jacqueline de Romilly qui voit dans la séduction qu’exercent les fables un moyen efficace pour
initier les enfants à l’apprentissage d’un genre littéraire qui offre, par la mémorisation, l’opportunité de fixer
dans l’esprit des jeunes lecteurs un certain nombre de formules syntaxiques élégantes et variées. Les
fables deviennent alors une initiation au plaisir esthétique, plaisir qui ensuite permettra d’accéder au sens
et de reconnaître que les comportements contemporains se retrouvent dans ce qui, au départ, pouvait
paraître bien désuet. C’est ici le point de vue d’une Académicienne, qui défend en priorité les richesses de
la langue et d’un genre. Quant à l’illustration de Lorioux, elle propose une autre forme de lecture et
d’interprétation de la fable en se focalisant uniquement sur le personnage du corbeau, qu’elle semble
transformer en figure de la vanité bourgeoise. Quelle que soit l’analyse qu’on développe de cette image,
on pourra faire apparaître qu’elle déborde la simple fonction illustrative. Au sein du dossier, elle propose
un autre axe de réception, qui relève de la réécriture : les choix opérés par Lorioux, l’humanisation du
personnage et les éléments de contextualisation historique et sociale portés par l’attitude et le costume
donnent en effet à réfléchir sur les possibilités de réinterprétation et de réactualisation que la fable laisse
au lecteur.
Le dossier ainsi analysé fixe bien les enjeux des éléments textuels et graphiques qui le
constituent et qui fondent la problématique du dossier : en quoi ce dossier peut-il permettre d’évaluer
l’apprentissage de l’apologue en classe de première ? Comment peut-il contribuer à un entraînement
efficace à l’épreuve écrite de l’E.A.F. ? Ces éléments d’analyse et de problématique posés, il s’agira de
préparer l’exposé en confrontation avec l’appareil didactique, ce que nous verrons dans la prochaine
partie.
Exemple 4 : Le statut du texte dans un dossier issu d’un manuel de grammaire.
Dossier proposé – niveau collège – : Les paroles rapportées en classe de 4ème. Leçon du livre de grammaire Bordas, édition 2002, pages 26 à 31.
La leçon de grammaire est organisée en trois parties bien distinctes : un texte et son
questionnement, préliminaires à la leçon ; la leçon en tant que telle, énonçant la théorie appuyée sur des
exemples ; une batterie d’exercices classés selon trois objectifs : « appliquer la leçon », « lire et
comprendre », « s’exprimer à l’écrit et à l’oral ». Ce qui nous préoccupe ici est le statut qui doit être
donné au texte liminaire et le type d’analyse que l’on attend, puisque analyse littéraire il doit y avoir.
Le texte proposé par les concepteurs des manuels est un extrait du Grand Meaulnes, qui
reproduit un moment de conversation entre Meaulnes et « la jeune fille », échange qui permet de
reconstituer le passé. L’analyse de ce court texte mettra donc en évidence la présence et le rôle des
paroles rapportées dans la reconstitution du passé. Quels types de styles (direct, indirect, indirect libre…)
pour quels effets dans la narration ? Autrement dit, quelles fonctions esthétiques peuvent prendre les
différents modes d’expression de la parole ? Pourquoi recourir à ces modes d’expression et à leur variété
dans l’écriture d’un texte littéraire ?
Il s’avère ici que toutes les modalités de paroles rapportées sont présentes dans le texte.
L’analyse littéraire consistera donc, au-delà du repérage, à montrer comment leur emploi règle le rythme,
les silences, les interrogations concourant à la résurgence du passé. Cette analyse montrera que le fait
grammatical et discursif contribue à l’élaboration du sens du texte au lieu que ce dernier soit, comme
l’appareil didactique le suggère, un support – certes bien choisi ici – mais essentiellement dédié au
repérage des différentes formes d’expression de la parole.
Dans le cas de ces dossiers de grammaire, l’analyse pourra être plus rapide mais devra mettre en
évidence la pertinence de l’étude de la langue dans la démarche de construction du sens.
De plus, il est fréquent que dans ce type de dossier, des extraits littéraires soient proposés en
exercices, dont certains seraient plus pertinents pour mettre en œuvre la notion. Il est toujours bienvenu
que le candidat le fasse remarquer et prenne le temps de donner les grandes lignes d’analyse qui
justifieraient de projeter une modification de l’ordre de traitement des textes.
A.2 – Analyse du texte et appareil didactique : une confrontation essentielle
Une fois dégagées les grandes lignes de l’analyse littéraire, il convient de procéder à une lecture
critique de l’appareil didactique, non dans l’absolu, mais en regard de ce qui vient d’être reconnu dans le
ou les texte(s). Les questions à se poser sont des plus simples : En quoi cet appareil didactique sert-il
l’analyse littéraire ? Quelles sont les questions qui vont dans le sens d’une aide à l’exploration du texte ?
Quelles sont celles qui, trop déductives, trop fermées, peuvent entraver une approche personnelle et
sensible de l’extrait ? Quels exercices de langue correspondent à une réalité linguistique fondatrice de
sens ? Quels sont, a contrario, ceux qui semblent répondre à une obligation essentiellement éditoriale et
peuvent donc être mis de côté ?
Dans le cas où un document iconographique accompagne le texte : l’image va-t-elle permettre de
dévoiler un aspect du texte et d’accéder à son sens ? Comment ? Le questionnement associé sert-il bien
l’image ? Quel usage peut-on en faire ? A quel moment ?
Tous ces éléments d’analyse sont examinés et répertoriés lors de la préparation. Pour
l’élaboration du document support de l’exposé, on peut imaginer et suggérer au candidat de préparer un
tableau de confrontation qui lui permettra, au cours de son exposé, de procéder à un va et vient
permanent entre analyse textuelle et traitement didactique. Cette disposition exclut alors toute description
plate et artificielle de l’appareil didactique ainsi que la succession des deux exercices. En revanche, le
candidat pourra à la suite proposer ses amendements et sa propre démarche didactique inspirée par le
dossier. Dans cet esprit, nous allons reprendre deux exemples de dossiers pour lesquels nous avons
déjà proposé des pistes d’analyse littéraire.
1) Dossier sur l’apologue. Questions et travaux d’écriture de type EAF (Exemple 3 )
Proposition de tableau de confrontation support de la prestation :
Eléments et progression de l’analyse textuelle :
Introduction :
Les quatre textes offrent une complémentarité
intéressante pour traiter de l’apologue en classe de
première.
Analyse :
1) Problématique de l’écriture
« Le corbeau et le renard », lecture de la fable
Exemple canonique d’une des formes majeures de
l’apologue. Court récit (18 vers), vivacité due aux
paroles rapportées (jeu sur les échanges de
politesse, de civilité, rôle des majuscules, des
appellations flatteuses ; parole d’un moraliste inscrit
dans son siècle et dénonciateur des travers des
comportements sociaux de son temps (jeu
énonciatif à examiner dans les cinq derniers vers) ;
morale explicite renvoyant le lecteur à la réflexion
sur l’universalité et le caractère atemporel de
l’histoire (rôle et valeurs des temps).
Exploitation de l’appareil didactique :
Question 1 :
Après avoir identifié le genre littéraire des textes…
(repérage immédiat de l’appartenance au genre de
l’apologue)
Travail d’écriture : Commentaire
Dans la mesure où il s’agit d’un travail
d’entraînement à l’épreuve écrite de l’EAF, l’écriture
du commentaire est guidée par des questions qui
servent l’analyse de la fable : « Vous pouvez vous aider des pistes suivantes : un petit récit distrayant ; les éléments didactiques ; anecdote et précepte, un récit en vers mis au service d’un enseignement. »
Commentaire : L’exercice cible bien les points sur lesquels l’élève devra travailler pour rendre compte du
sens et de la fonction de la fable. Mais il mêle ce qui pourrait être un intitulé de partie de commentaire
(anecdote et précepte) et l’étude de la rhétorique (un récit en vers), ce qui pourrait nuire à la cohérence du
travail de l’élève. De la même façon, les éléments didactiques ne semblent pas devoir être dissociés de un récit en vers mis au service d’un enseignement. Un aménagement de la formulation peut donc être
envisagé.
Second texte : problématique de l’écriture des
Fables ; Question 1 portant sur le corpus : La troisième
sous-question est celle-ci :
argumentation en faveur d’un choix d’écriture
revendiqué.
On relève « instruire et plaire » – «docere et
placere» – formule qui, dans une conception
classique, définit l’utilité morale comme l’une des
fonctions majeures des Lettres et associe les
dimensions esthétique et éthique.
On fait aussi remarquer l’insistance sur l’origine
des fables, l’inscription du genre dans un patrimoine
remontant à l’Antiquité, ce qui assoit sa légitimité.
Enfin, on montre que la revendication de La
Fontaine est ici celle de la brièveté, pour une
efficacité plus grande.
Qu’a de particulier le texte 2 ?
Commentaire : on pourra faire remarquer que les concepteurs ont cherché à guider l’élève vers la
spécificité de ce texte, proche de l’art poétique, mais que la question appelle une analyse autonome de
l’élève qui doit définir ce que recouvre ici le mot « particulier ». Néanmoins, la question reste pertinente
dans l’approche globale du corpus.
Ces deux premiers textes exposent donc la visée et
la problématique d’écriture de l’apologue, du
point de vue de l’auteur.
Les documents suivants offrent des enjeux qui
viennent compléter ce dossier en exposant deux
réceptions différentes du genre.
Question 1 portant sur le corpus :
Après avoir identifié le genre littéraire des textes (…), expliquez le lien qui relie les cinq documents (iconographie comprise). En quoi les genres des textes 3 et 4 se prêtent-ils particulièrement bien au thème abordé ?
Commentaire : Le lien qui relie les textes et l’image est la réflexion proposée sur le genre de la fable, dans
un traitement textuel – fable et essai – et iconographique. La question ne fait cependant guère que
suggérer de manière très évasive la double problématique d’écriture et de lecture que présente bien le
corpus. Dans le cadre d’un travail d’entraînement à l’épreuve, il serait donc peut-être utile d’aider les
élèves en leur proposant une autre reformulation, d’autant que l’interrogation sur les « genres des textes
3 et 4 » mériterait une explication. Si le titre De l’éducation porte à penser au genre de l’essai, Lettre aux parents sur les choix scolaires peut entraîner l’élève vers l’épistolaire. Le mot « genre » est donc à
réenvisager dans la formulation de la question, dans l’optique d’une appropriation du corpus au sein de sa
classe.
2) Réception du genre :
La première est la célèbre condamnation des
Fables par Rousseau qui dénonce un danger réel
(a) pour un jeune lecteur, démontrant que les
morales proposées dans les fables peuvent être
lues comme des exemples d’immoralité.(a) Il
exploite, pour mieux dénoncer le danger, l’argument
de séduction qui préside à l’écriture du genre. La
seconde, deux siècles plus tard, est celle de
Jacqueline de Romilly qui reprend, elle aussi,
l’argument de séduction. Elle voit dans le plaisir que
peuvent donner les fables un moyen efficace pour
initier les enfants à l’apprentissage d’un genre
dont elle considère avant tout le caractère
Question 2 portant sur le corpus :
Concernant la valeur des fables, quelles sont les positions respectives de Rousseau et de J. de Romilly ? [Eléments de réponse codés (a)]
littéraire et qui offre, par la mémorisation,
l’opportunité de fixer dans l’esprit des jeunes
lecteurs un certain nombre de formules
syntaxiques élégantes et variées. Les fables
deviennent alors une initiation au plaisir esthétique,
plaisir qui ensuite leur permettra d’accéder au sens
et de reconnaître que les comportements
contemporains se retrouvent dans ce qui, au départ,
pouvait paraître bien désuet. C’est ici le point de
vue d’une Académicienne, qui défend en priorité
les richesses de la langue et de la littérature.(a)
Quelles qualités pédagogiques J. de Romilly trouve-t-elle aux fables de La Fontaine ?
Commentaire : Les deux auteurs proposent à deux siècles de distance, une réflexion sur la valeur
éducative des fables. Toutefois leur approche est, dans le choix de ces extraits, totalement différente : l’un
s’exprime sur le sujet de la morale, sur un plan axiologique, tandis que l’autre considère la fable sur un
plan essentiellement pédagogique, comme un outil d’apprentissage, ce que la 2ème question posée met
bien en évidence.
L’illustration de Lorioux propose une autre forme
de lecture et d’interprétation de la fable en se
focalisant uniquement sur le personnage du
corbeau. On pourra s’interroger sur le choix des
vêtements, riches, soignés, agrémentés d’une
montre au gousset. Le corbeau est ici
vraisemblablement représentatif de la bourgeoisie.
Il est manifestement impossible d’affirmer que cette
image n’a qu’une fonction illustrative. Au sein du
dossier, elle propose un autre axe de réception,
qui relève de la réécriture.
Question 3 portant sur le corpus :
Quel(s) rôle(s) l’illustration de Lorioux vous semble-t-elle jouer par rapport aux textes du corpus ?
On pourra montrer que les interrogations que suggère la représentation de Lorioux renvoient aux
interrogations sur les différentes visées des textes du corpus. Au-delà de l’illustration, quelles lectures et
quelles réceptions possibles de l’apologue ?
Conclusion :
Evaluer l’apprentissage de l’apologue :
Problématique de définition, inscription dans le
discours argumentatif .
Quelle fonction pour l’apologue ?
Ecriture – question 2 – dissertation
Pour Rousseau, les fables ne jouent pas leur rôle éducatif parce que, dit-il, elles donnent à voir ce qu’il ne faut pas faire. Vous discuterez le point de vue de Rousseau en prenant appui sur la fonction traditionnelle des apologues et sur les moyens mis en œuvre pour faire passer un message didactique et moral.
Commentaire : La question de la fonction de l’apologue peut paraître ici restreinte à un rôle éducatif. On
attendra donc de l’élève qu’il reconnaisse la fonction didactique de l’apologue, et qu’il élargisse son
propos à d’autres formes et d’autres cibles de l’apologue visant à montrer voire à dénoncer des
comportements sociaux et politiques, comme le font les contes philosophiques que l’élève aura pu lire en
classe ou en lecture cursive par exemple.
Cependant, un exercice conforme à l’exigence de l’épreuve a échappé à la confrontation. Il s’agit
du sujet d’invention ainsi libellé : Composez un apologue en prose d’une trentaine de lignes dont la moralité serait la suivante : « On ne peut répondre de son courage quand on n’a jamais été dans le péril. » (La Rochefoucauld). Insérez cet apologue dans un discours explicatif comportant une entrée en matière, une présentation de l’anecdote et une conclusion (–> texte p.265). La moralité peut-être donnée explicitement (et textuellement) ou rester implicite. (Le texte auquel l’élève est renvoyé à titre d’exemple
est « La dent d’or » de Fontenelle.)
Le candidat pourra faire remarquer avec profit que le libellé est de nature à complexifier la tâche
de l’élève. Les notions de discours sont confuses : l’explicatif devra comporter une part de narratif pour
l’anecdote. On ne sait où et comment devra apparaître la dimension argumentative, et la moralité pose
problème quant à l’insertion de la maxime de La Rochefoucauld. Le début du libellé suggèrerait qu’elle
soit reprise intégralement comme support du travail, alors que les possibilités offertes à la fin semblent
accepter que le lecteur la recompose par sa lecture. Pour le moins, le candidat se doit de souligner les
imprécisions de ce libellé, notamment en regard de la problématique d’évaluation de cet exercice.
Néanmoins, on pourra conclure l’analyse du dossier par une appréciation positive. Le choix du
corpus offre une perspective intéressante d’exploitation, soit en tant que document d’évaluation, soit en
tant que choix de textes pour travailler sur l’apologue, réflexions qui alimenteront les propositions
d’exploitation personnelle.
Cette proposition d’organisation du document de travail devrait donc, comme on le voit, permettre
d’alterner analyse littéraire et analyse critique de l’appareillage didactique. Ce document peut être
construit progressivement au cours de la préparation si l’on réserve une demi-page à l’analyse littéraire, la
seconde étant réservée à l’analyse de l’appareil didactique. Il ne s’agit là que d’une proposition qui vise à
éviter le travers dénoncé plus avant dans le rapport : travail sur le texte puis lecture descriptive des
questions conjointes.
2) Dossier de grammaire, « Les paroles rapportées »
Cet exemple est particulier, dans la mesure où le traitement didactique ne s’intéresse pas
directement à la compréhension du texte, mais à la mise en œuvre d’une leçon de grammaire.
On ne pourra donc travailler que sur les questions de « découverte » qui visent à repérer les
phénomènes grammaticaux, mais on pourra analyser et modifier ces questions pour qu’elles convoquent
à la fois le sens et le fait grammatical. Dans cette démarche, on proposera donc conjointement une
analyse du texte et une reprise critique de l’appareil didactique.
Questions Eléments du texte convoqués
Repérer des « répliques de dialogue, leurs signes
de reconnaissance »
Justifier « pourquoi il s’agit du discours rapporté
direct ».
– Ah ! faisait simplement Meaulnes «… Les poneys sont vendus aussi ? Il n’y a plus de chevaux au domaine ? … »
Commentaire : La question appelle une reconnaissance des signes typographiques caractéristiques de la
présence d’un style direct (et non discours rapporté direct), alors que dans cet extrait, le code est perverti.
Pas de guillemets pour la première intervention, pas de procédure d’introduction, ni de rappel du locuteur
pour la seconde. On aurait pu directement demander à l’élève de 4ème
de repérer ce qui relevait du style
direct, montrer l’intérêt du recours à ces tournures (présence affirmée des personnages, rythme du texte),
et l’amener à s’interroger sur le sens des écarts formels choisis par l’auteur. Ici la parcimonie des
échanges traduit l’intériorité de la quête du souvenir. On pouvait également interroger la présence des
points de suspension qui confortent cette impression de lenteur, d’hésitation à retrouver les bribes de
souvenirs.
Comparer les deux tournures (différences
syntaxiques) : Elle répondit qu’il n’y en avait plus et « Il n’y en a plus », répondit-elle. Quelle est la fonction de la proposition qu’il n’y en avait plus ?
Elle répondit qu’il n’y en avait plus. La phrase est simplement citée comme support de
l’exercice.
Commentaire : Pas de rapport au sens. La question s’intéresse exclusivement à la manipulation
syntaxique qui permet de passer du style direct au style indirect, par le principe de la subordination. La
comparaison pourrait également s’intéresser à l’effet produit par l’emploi de l’une ou l’autre structure
syntaxique, et montrer que l’emploi du style direct viendrait briser l’impression de calme et de lenteur.
Quel groupe de mots dans cette phrase exprime les
souvenirs de Meaulnes ? Quelles questions aurait-il
pu réellement se poser ?
Il demandait des renseignements sur tout ce qu’il avait vu autrefois : les petites filles, le conducteur de la vieille berline, les poneys de la course.
Commentaire : La question appelle la reconnaissance du discours narrativisé. Cependant, la terminologie
n’apparaîtra pas dans la leçon. On pourrait faire l’économie de cette question, dans la mesure où elle
n’aboutit à aucune notion nouvelle ni à aucun travail sur l’effet de sens.
La candidate qui a traité ce dossier s’est essentiellement attachée à l’analyse des textes du
dossier – exercices compris –, dans le sens qu’on vient de décrire. Elle n’a que fort peu évoqué « la
leçon », exposé théorique des définitions proposées à l’élève. L’examen de cette partie du dossier a
nourri l’entretien et permis de vérifier les connaissances grammaticales de cette candidate qui a obtenu
17/20.
A.3 – L’exploitation personnelle, une attitude critique et professionnelle.
Il faut rappeler que les propositions personnelles d’exploitation qui constituent un second temps
dans l’exposé ne doivent en aucun cas être le déroulement d’un projet de séquence virtuelle. Trop de
candidats s’obstinent dans cette attitude, pourtant récusée par les précédents rapports.
L’exercice de composition virtuelle d’une séquence appuyée sur un document de six pages
maximum - et parfois d’un seul texte, lorsqu’il s’agit d’une comparaison de traitement dans deux éditions
différentes - n’a aucun sens. Une telle réalisation va à l’encontre du bon sens et tendrait plutôt à
démontrer que le candidat a mal appréhendé les enjeux de l’organisation séquentielle. Le libellé des
sujets invite le candidat à dire « quelle exploitation, [il ferait] de tout ou partie de ces documents ». Ce
libellé implique donc qu’on fasse des choix : à quel moment, au sein de quelle séquence ces documents
peuvent-ils être exploités ? Prendra-t-on tous les textes ? Quelle dominante d’activité supporteront-ils :
lecture, écriture ? Pourront-ils permettre d’inciter les élèves à une lecture personnelle, de quels titres ?
La démarche attendue est professionnelle dans la mesure où le candidat doit se mettre dans la
posture de l’enseignant qui prépare un cours ou qui projette une séquence. Il dispose, dans le manuel de
sa classe, d’un certain nombre de propositions qu’il doit examiner, analyser, trier, amender, compléter par
des ajouts personnels, pour répondre à un objectif d’apprentissage dans la situation de classe qu’il
connaît. C’est cette démarche personnelle que le jury attend de percevoir.
A titre d’exemple, voici les questions que l’on aurait pu se proposer de résoudre à propos du
dossier « apologue » :
Il s’agit d’une proposition de démarche évaluative. Va-t-on la donner pour une évaluation sommative de la
séquence ? Si oui, va-t-on choisir de la donner en l’état, considérant que les élèves ont encore besoin
d’être guidés dans leur analyse ? Sinon, si l’on choisit d’en faire un sujet type épreuve EAF, il sera
nécessaire de réécrire la question (le plus souvent unique en série générale et sur 4 points). Quel libellé
pourra-t-on rédiger ?
Peut-on exploiter le dossier en dehors de la perspective évaluative ? Pourquoi ? Comment inscrire alors
l’exploitation du corpus, dans quelle problématique de séquence ? Que fait-on des questions proposées ?
Puisqu’on a critiqué l’énoncé du sujet d’écriture d’invention, que propose-t-on en remplacement ?
B – L’entretien
A l’issue de son étude du dossier, le candidat est prié de sortir quelques minutes pour permettre
aux jurés de se concerter. D’une part, une première évaluation est arrêtée sous la forme d’une « note
plancher » sous laquelle on ne descendra pas ; d’autre part, les membres de la commission s’entendent
sur un certain nombre de questions qu’ils jugent nécessaire de poser au candidat, le plus souvent en
reprise de ce qui a été exposé, et pour permettre de mieux juger de ses connaissances. Le candidat doit
donc s’attendre – et se préparer – à des questions portant sur les grands champs de la discipline que
reprennent d’ailleurs les programmes et leurs accompagnements : grandes scansions de l’histoire
littéraire, mouvements et courants, œuvres des écrivains majeurs de notre langue, éléments de
grammaire – discursive, textuelle et phrastique –, savoirs associant littérature et histoire, littérature et
arts : musique, danse, peinture, et cinéma.
Les questions posées peuvent être réunies selon les cas de figure suivants :
a) Pallier les manques ou les impasses :
• Retour sur l’analyse d’un texte du dossier qui a été occulté : questionnement visant à dégager les
enjeux, à mettre en perspective les éléments d’analyse et le reste du dossier.
• Correction de contresens. Reprise d’un passage, d’une phrase à l’origine de l’erreur de
compréhension. Vérification de la précision lexicale.
• Retour sur une ou plusieurs parties de l’appareil didactique : quelle pertinence ? Quel usage en
ferait-on ? Pourquoi a-t-on laissé de côté telle ou telle question ? Oubli ou réelle mise à l’écart ?
• Questionnement précis sur la rhétorique du texte, dans la mesure où des figures de rhétorique
significatives n’ont pas été mises en évidence.
• Interrogation fréquente sur la métrique et la prosodie quand l’analyse du texte poétique a été
faible.
• Retour sur l’analyse de l’iconographie si nécessaire.
b) Approfondir ou corriger une notion convoquée par le candidat :
• Précision d’une ou plusieurs notion(s), définition(s), notamment en grammaire.
• Redéfinition des notions de genre et de registre.
• Confirmation de l’inscription d’un texte dans un courant littéraire, ce qui revient à caractériser le
courant littéraire évoqué.
• Rapport du texte proposé à l’œuvre dont il est issu (si extrait d’une œuvre canonique), situation
de l’extrait, place dans l’économie de l’ensemble.
c) Evaluer les compétences didactiques du candidat :
• Mise en situation dans une perspective d’apprentissage : quels aménagements possibles ?
quelles difficultés envisageables dans la mise en œuvre du projet ?
• Quelles propositions de lecture faites à l’élève ? Pourquoi ?
• Quel projet d’évaluation ? Quelles activités orales ?
On le voit bien, l’épreuve requiert un certain nombre de connaissances, à acquérir ou à réactiver. La
partie suivante va donc tenter de donner quelques pistes pour un travail de préparation efficace.
C – Se préparer efficacement
Le CAPES interne est un concours ouvert aux personnels en situation d’enseignement. Chacun
connaît les contraintes et les difficultés que représente la préparation d’un concours dans ces conditions.
Cependant, le travail et la fréquentation des classes peuvent être pris comme des atouts.
C.1 – S’entraîner à l’analyse littéraire
De la sixième à la terminale, un texte littéraire reste un texte littéraire et, quel que soit le niveau, il
doit être traité à égale dignité. Le candidat qui exerce en collège comme en lycée peut s’entraîner avec
profit tout au long de l’année en préparant ses cours. S’il prend le temps de faire une véritable analyse
littéraire de chaque texte proposé à ses élèves, ce temps de préparation deviendra un temps
d’entraînement pour le jour de l’épreuve. La répétition de l’exercice qu’imposent les préparations de cours
sera bénéfique pour ce qui est de la rapidité de lecture, problème douloureux pour nombre de candidats
qui ont du mal à saisir les enjeux des textes qui composent leur dossier.
L’analyse littéraire faite, il conviendra de procéder aux ajustements nécessaires pour permettre aux
élèves de découvrir, de comprendre, d’apprécier l’extrait qui leur est proposé. C’est le travail de didactique
du maître, personnel d’abord puis confronté aux propositions du manuel. Et c’est aussi la démarche que
l’on sollicite le jour du concours.
Certains collègues ne sont pas en situation d’enseignement l’année où ils présentent le concours.
Il est souvent possible d’assister aux cours d’un ou de plusieurs collègues d’un établissement. Cette
démarche est primordiale. Assister à un cours permet de prendre du recul, de réfléchir aux choix
didactiques pris par le collègue, de les confronter aux textes proposés, bref, de faire ce qui est attendu le
jour de l’épreuve. Mais il faut songer que deux ou trois observations ne suffiront sans doute pas. Autant
que possible, il est souhaitable de s’imposer une certaine régularité.
Enfin, dans cet esprit de collaboration, le plus souvent bien accepté, il est intéressant de chercher
à s’associer au travail de préparation d’un collègue : lui demander quel texte il va traiter le jour de
l’observation, lui proposer de participer à l’élaboration de ses séquences, autant de temps passé à
travailler la didactique dans des situations concrètes qui permettront d’en parler plus à son aise le jour de
l’épreuve.
C.2 – Réviser sa grammaire
Le sujet de grammaire est souvent redouté des candidats. Pourtant, il est souvent à l’origine
d’excellentes notes, pour peu que l’on possède bien la matière.
Certains candidats se tranquillisent en s’assurant de la présence d’une grammaire de référence
dans la salle de préparation. Faux espoir ! Elle n’aura d’utilité que pour celui – ou celle – qui la connaît
bien, pour l’avoir fréquentée dans ses révisions, et qui n’y aura recours que pour vérifier ses
connaissances et non pour les acquérir en extrême urgence.
Que faire donc pour parer au « coup du sort » du sujet de grammaire ? Faire de la grammaire – et
ce n’est pas si simple. En situation d’exercice, on pourra approfondir systématiquement toute leçon
préparée pour les élèves, mais l’ensemble des notions ne sera pas balayé. Il faut donc faire acte de
volonté et se forcer si nécessaire à reprendre l’apprentissage des nomenclatures et terminologies.
Travailler avec des manuels scolaires est une bonne formule. On confrontera alors le contenu de la leçon
proposée à l’élève à celui de l’ouvrage théorique de référence. On pourra également s’intéresser aux
exercices pour juger de leur pertinence et de leur faisabilité.
En tout état de cause, on ne saurait que trop recommander de travailler des points qui sont
apparus comme gravement déficients dans les interrogations : identification et valeurs des temps,
discours ancré ou coupé de la situation d’énonciation, progressions thématiques, modalités des paroles
rapportées, outils linguistiques et grammaticaux mis en jeu dans la modalisation, construction et fonction
des subordonnées dans la phrase complexe.
Enfin il faut rappeler que l’étude de la langue est fondamentale dans la construction du sens et
que par conséquent, en dehors de la leçon telle qu’elle est présentée dans les manuels et parfois
interrogée au concours, le fait grammatical doit être sans cesse sollicité.
C.3 – Lire ou relire les œuvres canoniques
Un professeur certifié doit pouvoir enseigner de la sixième à la terminale. Il serait incongru
d’imaginer que les uns doivent être plus cultivés que les autres. Un temps de lecture ou de relecture
s’impose et doit donc être ménagé dans le programme de préparation que se fixe le candidat. Même s’il
est évident que personne ne peut avoir tout lu, et qu’on ne saurait se souvenir de tout, il y a un fonds
culturel incontournable qui permettra de se sentir à l’aise face aux corpus littéraires donnés le jour de
l’épreuve. Dans la mesure où les dossiers sont extraits de manuels, il est possible d’éviter les mauvaises
surprises. Les auteurs et les œuvres abordés sont ceux que recommandent les programmes et leurs
accompagnements6. On trouvera donc en annexe la liste de ces œuvres.
6 Voir quelques extraits en annexe 2 de ce rapport.
C.4 – S’approprier les grandes scansions de l’histoire littéraire
Deux démarches peuvent permettre de progresser dans cet apprentissage. D’une part, il peut être
utile de « faire le point » sur le contexte historique et littéraire de chacun des textes ou de chacune des
œuvres que l’on va (re)travailler. La présence du texte peut faciliter la mémorisation des dates et
évènements. Mais d’autre part, et conjointement, parce qu’il s’agit d’une phase d’apprentissage, on ne
pourra guère éviter une systématisation nécessaire à la mémorisation des connaissances. De nombreux
manuels, y compris à destination des lycéens, peuvent aider les candidats dans ce travail.
Ces tâches ainsi répertoriées peuvent paraître lourdes. Il n’est pas question de décourager les
candidats, mais au contraire de leur montrer qu’une discipline de travail peut les conduire à la réussite. Ce
CAPES interne est un concours, et tout concours équivaut à une compétition pour laquelle il faut
s’entraîner. Mais parce qu’il est un concours interne, la dimension professionnelle est un atout, dans la
mesure où l’exercice de la profession peut participer de la préparation.
Conclusion :
Ce rapport s’est efforcé de répondre, dans la continuité des précédents, à la fois aux carences
observées par les jurés et aux questions de méthode soulevées par les prestations des candidats. Il a
essayé de montrer comment pouvait être mise en œuvre l’articulation entre l’analyse littéraire et l’étude
de l’appareil didactique, articulation si souvent approximative et défaillante.
Volontairement pragmatique, il s’est appuyé sur les remarques précises rapportées par les
membres des différentes commissions qui y ont ainsi collaboré.
Nous espérons que ces pages aideront les candidats dans leur prochaine préparation et nous leur
adressons nos plus vifs encouragements.
Annexe 1 :
Pour une définition de la lecture analytique :
Extrait du rapport de M. Jean Jordy, IGEN, MEN, 20037
Nous nommerions « lecture analytique » la démarche souple et ouverte, dynamique, qui permet au groupe-classe de passer du stade premier d’une appréhension nécessairement limitée et insuffisante à la conscience et à l’énoncé d’une interprétation fondée, validée, approfondie. Les outils pour y accéder n’apparaissent dès lors que pour ce qu’ils sont : des moyens, des instruments, des adjuvants ; ils ne constituent en aucun cas une fin en soi ; ils n’apparaissent pas davantage comme imposés dans tel ou tel parcours. Tout ce qui permet à une classe de progresser d’une appropriation première – primaire – à la formulation maîtrisée d’un sens collectivement construit participe de la lecture analytique : aucun passage obligé, aucune exclusive. Cette définition a des conséquences pédagogiques et didactiques décisives. Une interprétation n’est pas donnée : elle se construit. Aucune lecture analytique ne peut se mettre en place sans que les élèves aient trouvé un espace pour exprimer leurs premières réactions, formuler leurs hypothèses, ébaucher un sens. Ce temps essentiel de l’apprentissage ne constitue pas un gadget, une phase dont on s’acquitterait parce qu’ « on nous l’a dit en stage » : il fonde la démarche qui valide, infirme, corrige, nuance, approfondit, reformule les éléments premiers et permet au fur et à mesure de justifier le bien fondé de l’interprétation nouvelle qui s’élabore. Les élèves sont placés en position de lecture consciente et exigeante, acteurs au sein de la démarche que met en place le professeur. Et il ne saurait y avoir de lecture analytique efficace sans que les élèves, à l’oral ou à l’écrit, tôt ou tard – en classe ou chez eux – n’aient l’obligation de rendre compte du sens construit. Cette conception met aussi en cause la légitimité de l’exercice de la « préparation », du moins sous sa forme la plus codifiée. Cette brève analyse de ce que peut être la lecture analytique est à mettre en relation avec un des objectifs de l’enseignement du français au lycée : former des lecteurs avertis, instruits, curieux, capables de rendre compte de leur lecture, et non des élèves assujettis à des notes plus ou moins bien prises et apprises.
7 http://www.education.gouv.fr/pid267/les-rapports-igen.html
Choisir « octobre 2003 »
Annexe 2 :
Propositions de lectures – extraits des documents d’accompagnements des programmes de lycée.
Lire et étudier un roman Romans des XIXe et XXe siècles : Balzac, Camus, Colette, Flaubert, Hugo, Maupassant, Perec, Queneau, Stendhal, Zola. – Mais aussi : Aragon, Beauvoir, Cendrars, Cohen, Dumas, Duras, Gautier, Gide, Giono, Gracq, Huysmans, Kourouma, Le Clézio, Malraux, Mauriac, Saint- Exupéry, Sand, Simenon, Sue, Tournier, Vallès, Vercors, Villiers de l’Isle-Adam, Vercel, Vian, Yacine. – Ainsi que, pour une initiation aux littératures étrangères, des romans de : Bradbury, Buzzati, Calvino, Cervantès, Conrad, Dickens, Dostoïevski, Garcia Marquez, Goethe, Gorki, Hemingway, Hesse, Huxley, Kafka, Kipling, Kundera, London, Mann, Orwell, Soljenitsyne, Steinbeck, Süsskind, Tolstoï, Tourgueniev, Wilde, Zweig. – Éventuellement, des œuvres moins attendues – outre des œuvres immédiatement contemporaines – pouvant susciter la curiosité et l’intérêt des élèves : Ben Jelloun, L’Enfant de sable ; Castillo, Tanguy, Rue des Archives ; Chraïbi, La Civilisation, ma mère !… ; Feraoun, Le Fils du pauvre ; Fitzgerald, Gatsby le magnifique ; Gary, La Vie devant soi ; Godbout, Salut Galarneau ! ; Greene, Le Troisième Homme ; Griffin, Dans la peau d’un noir ; Guilloux, La Maison du peuple, Le Sang noir ; Hampaté Bâ, Amkoullel, l’enfant peul ; Hardy, Tess d’Uberville ; Inoué, Le Fusil de chasse ; Jonquet, La Bête et la Belle ; Kristof, Le Grand Cahier ; Laye, L’Enfant noir ; Lewis, Pourquoi j’ai mangé mon père ; Modiano, Dora Bruder ; Paasilinna, Le Lièvre de Vatanen ; Pennac, La Fée Carabine, La Petite Marchande de prose ; Queffélec, Les Noces barbares ; Radiguet, Le Diable au corps ; Sepúlveda, Le vieux qui lisait des romans d’amour ; Tremblay, Chroniques du plateau Mont-Royal ; Zamiatine, L’Inondation ; Zobel, La Rue Cases-Nègres.
Nouvelles des XIXe-XXe siècles – Recueils de nouvelles françaises : Aymé, Barbey d’Aurevilly, Flaubert, Maupassant, Mérimée.
Poésie :
Villon, Charles d’Orléans, Marot, Louise Labé, Ronsard, Du Bellay, D’Aubigné, Théophile, Tristan l’Hermitte, Saint-Amant, La Fontaine, Hugo, Lamartine, Vigny, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, Apollinaire, Breton, Éluard, Aragon, Ponge, Saint-John Perse, Corbière, Laforgue, Desnos… Il est nécessaire de faire place aux poètes de langue française hors de France – notamment Senghor, Césaire, Miron, Maeterlinck, Verhaeren – et à des poètes européens – Dante, Goethe et les romantiques allemands, Rilke, Garcia Lorca… – et d’ailleurs – Neruda… Il est nécessaire également de faire place aux poètes contemporains (Bonnefoy par exemple) et aux poètes chanteurs. manifestes, préfaces, arts poétiques : Défense et illustration de la langue française de Du Bellay, Art poétique de Boileau, article « Poésie lyrique » de l’Encyclopédie, préfaces de Victor Hugo, « La Nuit de mai » de Musset, «Préface » aux Petits poèmes en prose de Baudelaire, «Art poétique » de Verlaine, Lettres du voyant de Rimbaud, Crise du vers de Mallarmé, Lettres à un jeune poète de Rilke, Manifeste Dada de Tzara, Manifeste du surréalisme de Breton, extraits de la «Première leçon» du Cours de poétique de Valéry, «L’évidence poétique » d’Éluard, Le Second Manifeste de l’OuLiPo de Le Lionnais.
Les genres : essai, dialogue, apologue, lettre ouverte Rabelais ; Montaigne ; Descartes ; Pascal ; La Fontaine ; Saint-Évremond, Dissertation sur Alexandre le Grand, Dissertation sur le mot «vaste»; Voltaire ; Marivaux, L’Île des esclaves, L’Île des femmes, La Colonie ; Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, Le Neveu de Rameau,
Lettre sur les aveugles, Paradoxe du comédien ; Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Émile, Du contrat social, Profession de foi du Vicaire savoyard ; Rivarol ; Chateaubriand ; Nizan ; Valéry ; Camus ; Paulhan ; Celan.
Théâtre : Des classiques : Molière, Dom Juan, une comédie-ballet étudiée dans son intégralité ; Marivaux, L’Île des esclaves, L’Île de la raison, Le Jeu de l’amour et du hasard ; Beaumarchais, Le Mariage de Figaro ; Hugo, Hernani, Ruy Blas, Le roi s’amuse ; Musset, Lorenzaccio, On ne badine pas avec l’amour ; Rostand, Cyrano de Bergerac ; Beckett, En attendant Godot, Fin de partie ; Shakespeare (au choix, hors tragédies). Moins classiques : Calderon, Lope de Vega, Valère Novarina, Koltès, Goldoni (œuvres au choix du professeur, en texte intégral ou en extraits), Michel Tremblay (Les Belles Sœurs), Jean Genet (Les Bonnes), Philippe Caubère (Le Vent du gouffre), etc. Texte et spectacle : Pour associer le travail sur le texte et sur l’interprétation scénique, la vision d’une réalisation d’une œuvre étudiée en classe peut recourir : – aux cassettes audiovisuelles diffusées par l’INA (collection «Voir et Savoir »), notamment : La Fausse Suivante, de Marivaux (Patrice Chéreau) ; La Cerisaie, de Tchekhov (Jean-Claude Carrière) ; La Vie de Galilée, de Brecht (Antoine Vitez) ; Oh! les beaux jours, de Beckett (Roger Blin) ; Dans la solitude des champs de coton, de Koltès (Patrice Chéreau); L’Hypothèse, de Pinget (Joël Jouanneau);
Annexe 3 :
Terminologie annexée aux accompagnements de programme de 3ème
(CRDP 2000)
Glossaire Les termes marqués d’un * sont réservés aux enseignants ; il n’est pas nécessaire de les enseigner aux élèves. Contenus généraux : lecture, écriture, oral *Applications. Mises en pratique de tous ordres, qui visent à construire les compétences, à amener l’élève à assimiler des savoirs et des savoir-faire. *Capacités. Ensemble de compétences. *Compétences. Séries de savoir-faire acquis en situation d’apprentissage et permettant de former des capacités. *Français langue seconde. Langue enseignée à des élèves de langue étrangère (ou allophones) plongés dans la communauté linguistique française, en prenant en compte les spécificités de cet enseignement en contexte scolaire. À la différence du français langue étrangère, exclusivement centré sur l’acquisition linguistique, la langue française est ici à la fois objet d’étude et outil d’apprentissage des autres disciplines. L’enseignement du français langue seconde (FLS) au collège, instrument d’intégration scolaire, fait l’objet d’un Document d’accompagnement spécifique. *Lecture analytique. On appelle lecture analytique une lecture qui se fonde sur une analyse, construite avec méthode, d’un extrait ou d’une œuvre courte. Elle amène l’élève à formuler des hypothèses que l’étude du texte permet d’infirmer ou de confirmer, dans un processus de construction du sens. On peut employer également, dans un sens équivalent, lecture détaillée ou méthodique. *Lecture cursive. On appelle lecture cursive la forme usuelle de la lecture. Elle se fait selon les besoins, la fantaisie, le gré de chacun, sans ordre ni rythme imposés, sans interruption autre que l’humeur, la disponibilité ou l’intérêt du lecteur. Le but de tout travail sur la lecture étant de rendre l’élève lecteur autonome, la lecture cursive est ce que les apprentissages scolaires visent à nourrir et enrichir. Tout élève qui entre au collège est déjà, si peu que ce soit, lecteur. Il est donc essentiel de prendre en compte ses compétences de lecture cursive et de les développer au lieu de les ignorer ou de les refouler.
*Lecture documentaire. On appelle lecture documentaire toute lecture visant la recherche d’informations et de renseignements. Pour être efficace, elle doit savoir sélectionner les documents en fonction d’un but, et y chercher des informations précises. *Projet pédagogique. Mise en œuvre du programme sur une année, dans et pour une classe déterminée. *Séquence, ou Séquence didactique. Ensemble de séances successives et continues visant un objectif commun. Situation de communication. Situation dans laquelle sont échangés des messages. Situation d’énonciation. Ensemble de facteurs (moment, nombre et personnalité des locuteurs, buts poursuivis…) qui déterminent la production d’un discours. *Usage. Ensemble des habitudes discursives façonnées par les communautés linguistiques et culturelles. Les schémas (narratifs, descriptifs, argumentatifs, etc.), les genres, les motifs, les topoï et les formes diverses de la stéréotypie sont des produits de l’usage.
Outils de la langue *Acte de parole. Action qu’accomplit la parole par son insertion dans le discours et son fonctionnement pragmatique. Dire, c’est non seulement représenter le monde mais aussi agir sur lui et sur autrui. Ex. : assertion, promesse, explication, demande… (en termes plus techniques, cf. « illocutoire »). On distingue les actes de parole directs (promettre, ordonner, etc.) et les actes de parole indirects. Apposition. Cette fonction exprime la relation entre le mot (ou groupe de mots) apposé et le mot auquel il est mis en apposition, relation identique pour le sens, à celle qui lie l’attribut et le terme auquel il renvoie, mais différente du point de vue syntaxique, car elle n’est pas établie par le verbe. Argumentation. Production de discours visant à convaincre ou persuader un auditoire. Résultat de cette production. Aspect. Catégorie grammaticale qui marque un point de vue sur le procès exprimé par le verbe, indépendamment du temps verbal. Le procès peut être ainsi envisagé comme accompli ou non accompli ; il peut aussi être envisagé dans son commencement (aspect inchoatif), dans son déroulement (aspect duratif), dans sa répétition (aspect itératif), dans son achèvement (aspect terminatif). Attribut du sujet. Mot (ou groupe de mots) qui désigne syntaxiquement une qualité attribuée au sujet par l’intermédiaire d’un verbe, appelé attributif. Auteur. Celui qui produit un texte ou une image. L’auteur est du domaine de la réalité sociale, par opposition au narrateur dans un récit, qui est construit par le texte. Axiologique. Désigne, d’une manière générale, les systèmes de valeurs, morales, esthétiques, intellectuelles, etc., et, plus spécifiquement, le lexique utilisé pour décrire des univers de valeurs ou exprimer des jugements de valeurs. Champ lexical. Ensemble de mots ou expressions se rapportant à un même thème ou à un même univers d’expérience. Complément d’agent. Complément du passif, introduit par les prépositions par ou de. Complément circonstanciel. Complément de phrase, que l’on peut supprimer ou déplacer. Complément essentiel. Complément du verbe, qui fait partie du groupe verbal, que l’on ne peut ni supprimer ni déplacer. Les compléments d’objet sont essentiels, mais également certains compléments de lieu ou de temps que l’on ne peut déplacer.
Complément de détermination. Mot ou groupe de mots qui détermine le sens d’un autre mot ou groupe de mots, en général pronominal ou adjectival, en spécifiant la destination, l’usage, le point de vue, la relation, la possession, etc. Complément d’objet premier et complément d’objet second. Complément essentiel du verbe, le complément d’objet désigne sémantiquement la personne ou la chose auxquelles s’applique le procès indiqué par ce verbe. Dans le cas où certains verbes admettent dans la même construction deux compléments d’objet (direct et indirect ou deux indirects), on distingue pour le sens le complément d’objet premier et le complément d’objet second. Connecteur. Mot ou locution de liaison qui joue le rôle d’organisateur textuel. Il existe des connecteurs spatiaux, temporels et logiques. *Déictiques. Éléments linguistiques qui se réfèrent aux coordonnées de la situation d’énonciation : la personne (« je », « tu »), l’espace (« ici »), le temps (« maintenant »). Pronoms, adverbes, locutions adverbiales, démonstratifs peuvent servir de déictiques lorsqu’ils sont marqueurs de l’énonciation. Leur sens se définissant par la situation d’emploi, ils constituent une inscription du discours dans la langue. Description. Production de discours rendant compte des composantes et caractéristiques d’un objet quel qu’il soit (être, chose, ensemble complexe). Résultat de cette production. Destinataire. a. Dans la communication, celui à qui est destiné le message. b. Dans le cas particulier du récit, personnage au profit duquel s’accomplit la mission réalisée par le protagoniste. Dialogue. Ensemble de répliques, mutuellement déterminées, qu’échangent des personnages. La présentation typographique du dialogue est différente s’il fait partie du récit (guillemets qui le bornent, tirets pour signaler les changements d’interlocuteurs) ou s’il appartient au théâtre (alinéas précédés des noms des personnages, et parfois de didascalies). *Didascalies. Indications scéniques données par le producteur du texte, et qui permettent d’imaginer, à la lecture de la pièce de théâtre, ce que voit le spectateur. Discours. Toute mise en pratique du langage dans une activité écrite ou orale. Par extension, on parle de discours iconique à propos des langages visuels.
Benveniste parle de discours au sens d’énoncé en prise avec la situation d’énonciation, donc dans un sens plus restrictif. Pour éviter les confusions, on gardera le sens général de discours, et l’opposition de Benveniste discours / récit est remplacée par : énoncé ancré dans la situation d’énonciation / énoncé coupé de la situation d’énonciation. Doublet. Couple de mots issus d’une même racine latine, l’un étant de formation populaire, l’autre de formation savante. *Ellipse narrative. Procédé qui consiste à omettre volontairement une étape dans la narration des événements. Émetteur. La personne (individuelle ou collective, humaine ou figurée) qui émet un message ; à distinguer de l’auteur d’un texte, avec lequel généralement il ne se confond pas. Énoncé. Par opposition à l’énonciation, comprise comme acte de mise en œuvre du langage, l’énoncé en est le résultat, indépendamment de sa dimension (phrase ou texte). Épithète. Fonction exercée par un mot ou un groupe de mots qui, sur le plan sémantique, indique une qualité de la personne ou de la chose dont on parle, et qui, sur le plan syntaxique, entre dans la constitution d’un groupe nominal. Explication. Production de discours visant à analyser et faire comprendre un processus. Résultat de cette production. Formes de discours. Suivant les finalités de l’énonciation, les discours adoptent des dominantes différentes : c’est en ce sens qu’on parle ici de discours narratif, descriptif, explicatif, argumentatif, pour les formes les plus évidentes. – Le discours narratif rapporte un ou des événements et les situe dans le temps. – Le discours descriptif vise à nommer, caractériser, qualifier. – Le discours explicatif cherche à faire comprendre. – Le discours argumentatif valorise un ou plusieurs points de vue, une ou plusieurs thèses. On peut trouver diverses formes de discours dans un même texte. Formes de phrases. Une phrase est obligatoirement soit à la forme affirmative soit à la forme négative. On dit qu’une phrase est à la forme négative quand la négation simple ou composée qui s’y trouve porte sur l’ensemble de l’énoncé. L’affirmation est repérable du point de vue formel au fait qu’il n’y a pas de marque négative dans l’énoncé.
Une phrase est à la forme emphatique quand un mot ou un groupe de mots est mis en relief par sa place inhabituelle (détachement ou anticipation) ou par une tournure grammaticale qui l’encadre ou le présente. *Formes de progression dans le texte. On distingue trois sortes de progressions, suivant lesquelles s’enchaînent les informations dans le texte. On les appelle progressions thématiques : a. la progression à thème constant : le thème reste le même, mais une série de propos apporte des informations différentes ; b. la progression linéaire : le propos du premier énoncé devient le thème du deuxième, le propos du deuxième énoncé devient le thème du troisième, et ainsi de suite ; c. la progression à thème éclaté : les différents thèmes se rattachent à un même thème qui les englobe tous, exprimé ou non : l’hyperthème. Genre. Grande catégorie de texte, définie par des propriétés formelles et sémantiques. Les genres ne sont pas exclusivement littéraires: le récit se trouve dans un article de journal ou dans une histoire drôle aussi bien que dans le roman ; la lettre, ou genre épistolaire, peut être celle du roman par lettres mais aussi bien celle de la correspondance privée ou d’affaires ; la poésie comme attention particulière portée au signifiant peut être dans la forme versifiée, mais aussi en prose, dans des chansons, des récits d’enfants, aussi bien que dans des recueils de poèmes… Une approche cohérente des genres veille donc à faire comparer leurs manifestations dans le quotidien et leurs réalisations littéraires dans une perspective de poétique générale. Groupe. Ensemble constitué autour d’une base (ou noyau, ou tête) suivie ou précédée de déterminants. Groupe nominal. Groupe de mots organisés syntaxiquement autour d’un nom. Le groupe nominal minimum est constitué par le déterminant et le nom commun. Histoire. Contenu du récit. Les principaux éléments qui font l’histoire sont le temps, le lieu, les personnages, les événements. *Hyperonyme. Mot qui en inclut sémantiquement un autre, qui est l’hyponyme du premier. La relation d’hyperonymie va du plus général au plus spécifique. Message. Objet et contenu de l’acte de communication. Modalisation. Ensemble des moyens d’expression qui permettent d’expliciter les attitudes du sujet d’énonciation par rapport à son énoncé. Plus spécifiquement, la modalisation désigne le degré d’adhésion du sujet à ce qu’il
énonce. Les moyens linguistiques de la modalisation sont variés : verbes modaux (pouvoir, devoir…), verbes à valeur modale (sembler, paraître…), valeurs et modes verbaux (conditionnel, indicatif, subjonctif), adverbes (peut-être, certainement…), adjectifs qualificatifs (certain, probable, possible, improbable…), guillemets (vous avez la « solution » ?), intonation, etc. Narrateur. Celui qui raconte. Le narrateur appartient au texte, par opposition à l’auteur. Narration. Production de discours rapportant des événements. Résultat de cette production. Niveaux de langage. On admet en général trois niveaux de langage : le niveau soutenu, le niveau courant ou neutre, le niveau familier. Ces différents niveaux de langage, qui renvoient à une situation de communication, sont donc tous trois acceptables, pourvu qu’ils soient en accord avec la situation donnée. On emploie aussi l’expression « registres de langue ». Personnage. Personne fictive représentée dans une œuvre, à ne pas confondre avec la personne réelle. Phrase. Structure grammaticale de l’énoncé minimal (il n’est pas de plus court énoncé que la phrase). Elle est ponctuée à l’oral par une forte pause de la voix. À l’écrit, elle est délimitée, dans les conventions actuelles de la ponctuation, au début par une majuscule et à la fin par un point. Phrase complexe. Phrase comportant plusieurs propositions, jointes par parataxe (juxtaposition ou coordination) ou hypotaxe (subordination). Phrase non verbale. Phrase ne comportant pas de verbe. Cette appellation inclut la phrase nominale, mais aussi les phrases constituées d’autres mots que le verbe et le nom. Phrase verbale. Phrase comportant un ou plusieurs verbes. Phrase simple. Phrase ne comportant qu’une proposition. On ne peut pas distinguer la phrase simple de la proposition indépendante. Point de vue. a. Dans le discours descriptif, angle de vue : situation particulière d’où regarde celui qui décrit. b. Dans le discours narratif, angle selon lequel on raconte. L’expression est alors synonyme de focalisation. Dans la focalisation externe, le regard du narrateur est objectif et s’en tient aux apparences, il en dit moins que ne sait le personnage ; dans la focalisation interne, le narrateur ne dit que ce que sait le personnage ;
dans la focalisation zéro, le narrateur en sait et en dit plus que ce que savent les personnages. c. Dans le discours argumentatif, point de vue signifie opinion, thèse que l’on défend. Propos. L’information nouvelle par rapport à l’information de départ. Ce qu’on dit du thème. Proposition. Groupe de mots qui constitue une unité de base de la phrase. Proposition subordonnée conjonctive circonstancielle. Proposition subordonnée introduite par une conjonction de subordination, ayant une fonction de complément circonstanciel de temps (subordonnée temporelle), de cause (subordonnée causale), de conséquence (subordonnée consécutive), de but (subordonnée finale), d’hypothèse ou de condition (subordonnée hypothétique ou conditionnelle), de concession ou d’opposition (subordonnée concessive), ou de comparaison (subordonnée comparative). Proposition subordonnée conjonctive complétive. Proposition subordonnée introduite par la conjonction de subordination que. Elle se caractérise par ses fonctions de complément d’objet, complément de détermination, sujet ou attribut du sujet. Récepteur. Celui qui reçoit et interprète un message. On le distingue du destinataire : on peut être récepteur d’un message qui ne vous était pas destiné. Récit. Énoncé dans lequel les différentes formes de discours sont mises en œuvre pour rapporter une histoire. Benveniste parle de récit au sens d’énoncé indépendant de la situation d’énonciation, donc dans un sens plus restrictif. Pour éviter les confusions, on gardera le sens général. Récit complexe. Récit où les différentes formes de discours s’entrecroisent, où la structure narrative classique est bouleversée, et qui peut être le produit de plusieurs narrations qui se juxtaposent ou se hiérarchisent. *Reprises. Désigne les divers moyens (anaphoriques, lexicaux) par lesquels le texte assure sa cohérence de phrase en phrase. *Structure narrative. La structure narrative élémentaire est la transformation d’une situation initiale (indiquée par un énoncé d’état) par une action (indiquée par un énoncé de « faire ») qui aboutit à une situation finale (indiquée par un nouvel énoncé d’état). Substitut du nom. Pronom ou groupe nominal
remplaçant un nom ou un groupe nominal identifiable dans l’énoncé sous une autre forme. La chaîne substitutive est formée par l’ensemble des substituts qui renvoient dans un énoncé à un même élément premier. Sujet. Mot (ou groupe de mots) qui, sur le plan syntaxique, commande l’accord du verbe. Texte. Forme concrète sous laquelle se présente un discours, ou un segment d’un discours. Tout texte, littéraire ou non, a un auteur et une structure qui l’organise comme un « tout de signification». On le distinguera d’œuvre, qui s’emploie pour les textes perçus comme littéraires, et qui donc implique un jugement de valeur. On le distinguera aussi de genre, qui désigne des grandes catégories de textes, même si le mot s’emploie parfois en ce sens. Un texte mêle diverses formes de discours ; il peut arriver qu’aucune n’y apparaisse comme dominante. Thème. Ce dont on parle. L’information de départ dans un énoncé. Types de phrases. On classe les phrases selon les différents actes de parole qu’elles permettent d’accomplir. On distingue ainsi le type déclaratif (l’assertion), le type impératif ou injonctif (l’ordre), le type interrogatif (l’interrogation), le type exclamatif (l’exclamation). Valeur des temps. Les temps (formes verbales) présentent le procès de façons différentes, suivant l’aspect et suivant la relation qui existe ou non, dans l’énoncé, avec la situation d’énonciation. Ce sont ces présentations que l’on appelle valeurs. Le passé simple ne s’emploie que dans l’énoncé indépendant de la situation d’énonciation (dans le « récit » selon Benveniste), le passé composé, pour son emploi classique, dans l’énoncé en prise avec celle-ci (dans le « discours » selon Benveniste). Ces deux temps ont donc des valeurs différentes du point de vue de l’énonciation. Leurs valeurs aspectuelles sont également différentes dans l’emploi classique, le passé composé impliquant une répercussion du procès sur le moment de l’énoncé. Dans l’usage contemporain, le passé composé a souvent aussi la même valeur que le passé simple : tous deux présentent le procès comme borné dans le temps et sous un éclairage de premier plan.
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