DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE 2012/2013
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Qu’est ce que la propriété intellectuelle ? La propriété intellectuelle comporte deux branches du droit privé. La
première est traditionnellement rattachée au droit civil : la propriété littéraire et artistique (PLA), tandis que l’autre
est rattachée au droit commercial : c’est la propriété industrielle (PI). Ces deux branches correspondent à
chacune des deux parties du Code de la Propriété Intellectuelle, institué par les lois du 1er juillet 1992 et par le
décret du 10 avril 1995.
La propriété littéraire et artistique comprend elle-même deux types de droit : le droit d’auteur et les droits
voisins du droit d’auteur. Les droits voisins du droit d’auteur sont les droits des artistes interprètes, qui ne sont
pas forcément auteurs, mais aussi les droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, et ceux
des entreprises de communication audiovisuelle.
La propriété industrielle regroupe quant à elle les brevets d’invention, les dessins et modèles, mais aussi les
marques de fabriques et les appellations d’origine. On distingue deux catégories au sein de la propriété
industrielle : d’un côté on trouve les créations industrielles (brevets, dessins et modèles) et de l’autre on trouve
les signes distinctifs (marques…).
Lorsque l’on parle de propriété intellectuelle, ce qui vient immédiatement à l’esprit est la notion de droit
intellectuel. Les droits réels portent directement sur une chose, à l’inverse des droits personnels, qui sont par
exemple une créance que l’on a sur une autre personne. A côté de ces deux catégories de droits, il existe une
nouvelle catégorie : la catégorie des droits intellectuels. En effet, la doctrine dominante considère que les droits
intellectuels sont tous les droits qu’il est impossible de ranger dans les deux autres catégories. Ils sont
impossibles à y ranger en raison de leur objet, à savoir qu’ils ne portent ni sur une chose, ni sur une créance : ils
ont un objet spécifique.
Deux doctrines existent :
-L’une, assez ancienne du doyen Roubier. Pour lui, les droits intellectuels seraient une sous-catégorie de la
propriété littéraire, artistique et industrielle. Cette sous-catégorie regrouperait le droit d’auteur, les brevets et les
dessins et modèles. L’autre sous-catégorie serait celle des signes distinctifs (la marque et l’appellation d’origine).
Si Roubier parle de ces droits intellectuels comme étant une sous-catégorie, c’est parce qu’il refuse d’assimiler
ces droits de propriété intellectuelle à une véritable propriété.
-L’autre, plus moderne. La doctrine plus moderne adopte une division plus simple de ces droits intellectuels. Pour
elle, on doit assimiler les droits intellectuels aux propriétés incorporelles, ce qui signifie que les droits intellectuels
sont tous ceux qui portent sur une incorporalité.
On peut se poser effectivement la question de savoir si les droits de propriété intellectuelle sont de véritables
droits de propriété. Cette question divise la doctrine. Il est très difficile d’assimiler propriété et incorporalité. Un
droit de propriété ne peut porter que sur un objet corporel, auquel cas il est réel, sinon, il s’agit d’un droit
personnel.
Néanmoins, le titulaire du droit de propriété comme le titulaire d’un droit intellectuel ont le fructus. Dans ce cas,
l’auteur va pouvoir exploiter son œuvre. Il va pouvoir aussi en autoriser l’exploitation. On retrouve également
l’abusus, avec le droit de retrait, ou le droit de repentir pour le droit d’auteur, quand l’auteur n’est plus satisfait de
l’ouvrage qu’il a mis en vente. L’usus est la notion la plus délicate pour les droits intellectuels : on peut être tenté
de dire que le droit d’user de l’œuvre appartient au public. D’un autre côté, rien n’empêche l’auteur de lire son
roman, il a donc l’usus. Dans tous les cas, un propriétaire n’a pas forcément l’usus, notamment lorsqu’il loue son
bien.
De même, on note l’existence d’une action particulière : l’action en contrefaçon. Elle permet de penser qu’on est
en présence d’une propriété en matière de droits intellectuels. Cette action va protéger de manière quasi absolue
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les droits de propriété littéraire et artistiques et les droits de propriété industriels. Cette action suggère que l’on
est en présence de droits opposables erga omnes.
D’un autre côté, le droit de propriété est un droit en principe perpétuel. Or, tous les droits intellectuels sont des
droits temporaires. Doit-on renoncer à qualifier ces droits de propriété ? Si on prend en considération ces
quelques éléments, il semble qu’on puisse effectivement parler de propriété intellectuelle. D’ailleurs, l’intitulé du
Code penche aussi dans ce sens.
La codification dans le CPI appelle une certaine réflexion. En effet, le Code regroupe des matières assez
éloignées les unes des autres. Le droit de la PI doit-il être considéré comme un droit unitaire ou finalement
comme la construction de deux droits distincts ayant chacun leur propre existence ? Le droit de l’auteur nait de
sa seule création, et lui confère un droit moral et un droit patrimonial sur son œuvre, tandis que l’inventeur va
devoir faire un dépôt de brevet de son invention et n’aura sur ce brevet aucun droit moral. Ainsi, les conditions de
naissance et d’existence de ces droits n’ont aucun point commun. Ce qui lie en réalité tous ces droits est leur
caractère exclusif, et l’incorporalité de l’objet sur lequel il porte. Tous confèrent à leur titulaire un droit exclusif
d’exploitation qui va être protégé par l’action en contrefaçon.
Le CPI est composé de trois parties législatives. La première concerne la propriété littéraire et artistique, la
deuxième la propriété industrielle, la troisième ne concerne que les DOM TOM. Le choix de la première place
relève sans doute plus du hasard que d’une véritable supériorité d’une matière sur l’autre.
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PREMIERE PARTIE : LA PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
La propriété littéraire et artistique est un droit récent et n’était pas connu des romains. Cela s’explique par le fait
que c’est l’invention de l’imprimerie qui va être décisive en la matière. En effet, avec l’imprimerie, une œuvre va
pouvoir être très largement diffusée. Elle va donc être source des bénéfices parfois substantiels. A partir de cette
période, il n’est plus possible de laisser des tiers contrefacteurs s’enrichir aux dépends de l’auteur.
Les droits d’auteurs vont naître grâce à la notion de privilège. Le premier privilège en la matière date de 1507. Il
fut accordé par Louis 12 à un imprimeur pour la diffusion des épitres de Saint-Paul. Ces privilèges, que l’on
appelle des privilèges de librairies, étaient accordés aux imprimeurs et non aux auteurs. Il faudra donc attendre le
18ème siècle pour qu’apparaisse véritablement le droit d’auteur.
Un tournant décisif est pris en 1777 lorsque deux arrêts du Conseil du Roi du 30 août préfigurent une sorte de
Code de la propriété littéraire en posant deux principes essentiels. L’un de ces principes accorde aux auteurs le
pouvoir de revendiquer à perpétuité le privilège d’éditer et de vendre les ouvrages. L’autre veut qu’une cession à
un éditeur ne puisse dépasser la durée de vie de l’auteur.
Après l’abolition des privilèges, deux lois sont promulguées : la loi des 13 et 19 janvier 1791 et la loi des 19 et 24
juillet 1793. Elles consacrent respectivement le droit de représentation pour les auteurs d’œuvres dramatiques et
le droit de reproduction pour les auteurs d’écrits en tout genre, pour les compositeurs de musique, pour les
peintres et pour les dessinateurs. L’avancée de ces deux lois restera modeste, mais c’est avec elle que nait
véritablement le droit d’auteur. Avec le temps, ces textes révolutionnaires vont être modifiés, mais de manière
assez insuffisante. En effet, depuis de nombreuses inventions sont apparues, inventions qui ont un effet direct
sur la diffusion d’une œuvre de l’esprit (photographie, cinéma, radio, disques, Internet…).
La jurisprudence a tenté de combler les vides de ces lois, mais une loi nouvelle était nécessaire. Elle fut adoptée
le 11 mars 1957. Cette loi consacre notamment le droit moral de l’auteur. Le législateur de 1957 n’avait toutefois
pas prévu la multiplication des œuvres audiovisuelles, le développement du câble, ni l’ascension de
l’informatique. Une loi du 3 juillet 1985 est venue moderniser cette loi de 1957 ; elle a également reconnu des
droits au profit des auxiliaires de la création (artistes interprètes, producteurs de disques,…). Cette loi a
également permis de rétablir un équilibre économique grâce à la rémunération des auteurs lorsque leur œuvre
est diffusée dans un lieu public. Enfin, cette loi s’attaque à la contrefaçon.
Le droit de la propriété littéraire et artistique sera finalement codifié dans le CPI en 1992. On y distingue le droit
d’auteur et les droits voisins des droits d’auteur.
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TITRE 1ER : LE DROIT D’AUTEUR
Selon le Code, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre du seul fait de sa création d’un droit de
propriété incorporel, exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral,
ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de
service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit reconnu à
l’auteur.
CHAPITRE 1 Ŕ LES ŒUVRES PROTEGEES
Le législateur n’a pas pris le soin de donner une définition précise d’une œuvre de l’esprit. En effet, le Code se
contente d’énoncer qu’il protège les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quel qu’en soit le genre,
la forme d’expression, le mérite ou la destination. Autrement dit, toutes les œuvres sont donc protégées par le
droit d’auteur à la condition qu’il s’agisse de créations originales.
SECTION 1 Ŕ NOTIONS GENERALES
La loi française proclame un principe : celui de l’attribution de droits d’auteurs sans l’accomplissement d’aucune
formalité. Pour que naisse un droit d’auteur, il faut tout de même qu’une œuvre de l’esprit existe, et que cette
œuvre de l’esprit soit originale.
PARAGRAPHE 1 Ŕ NOTION D’ŒUVRE DE L’ESPRIT
Il faut commencer par distinguer œuvre de l’esprit et idée. Le droit d’auteur ne protège pas les idées. C’est la
raison pour laquelle les recettes de cuisine ne sont pas protégées, ce qui explique que les grands chefs ne
révèlent jamais leur recette. En effet, cela est dû au fait que l’on ne peut pas s’approprier une idée. L’important
pour le législateur n’est pas l’idée mais la forme d’expression de celle-ci : sa mise en forme. Néanmoins, l’action
en concurrence déloyale permet de protéger les idées. Celle-ci est fondée sur l’article 1382 du Code Civil : il faut
donc réunir une faute et un lien de causalité. Donc, l’idée est protégée dans une moindre mesure.
Il faut également distinguer la notion d’œuvre de l’esprit du savoir-faire. Là encore, la mise en œuvre du savoir
faire n’est pas protégée par le droit d’auteur. Le seul moyen efficace de protéger le savoir faire est le secret,
comme le fait Coca-Cola. Une jurisprudence a refusé la qualité d’auteur à un réalisateur d’œuvres télévisuelles.
En effet, la Cour de Cassation a considéré que le savoir-faire d’un réalisateur n’était pas une création
intellectuelle propre. Dans le même sens, un travail de compilation d’informations n’est pas protégé par le droit
d’auteur. Evidemment, la protection ne peut pas non plus être accordée si l’œuvre en question est le fruit
d’un heureux hasard, puisque l’œuvre de l’esprit doit procéder d’une activité créatrice. Or, il n’y a pas
activité créatrice lorsqu’il y a révélation d’une œuvre (ex : archéologie).
Le problème de l’activité créatrice se pose en fait à propos de l’informatique. Il permet une automatisation qui
peut faire douter de l’existence d’une œuvre de l’esprit humain. Néanmoins, on considère que l’homme est
toujours à l’origine de l’œuvre, puisqu’avant l’informatique, il y a quand même l’homme qui a créé le logiciel, le
processus… On considère donc qu’il y a quand même œuvre de l’esprit. Le droit d’auteur est donc attribué à la
condition que celui qui met en œuvre ces moyens informatiques ait une notion suffisante du résultat à atteindre.
Une œuvre de l’esprit ne peut être protégée qu’à partir du moment où elle prend forme, c'est-à-dire à partir du
moment où elle est créée, selon les termes de la Cour de Cassation, par la réalisation de la conception de
l’auteur.
Il ne faut pas confondre non plus l’œuvre de l’esprit et l’information. Les prévisions météo sont des
informations et non des œuvres de l’esprit. A l’inverse, on ne peut pas nier un droit d’auteur sur une œuvre
musicale modifiée (remix par exemple). Il faut toutefois retenir que la protection par le droit d’auteur n’est pas
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subordonnée à l’achèvement de l’œuvre, puisque selon le CPI l’œuvre est réputée créée indépendamment de
toute divulgation publique du seul fait de sa réalisation même inachevée de la conception de l’auteur. Une simple
ébauche, comme un brouillon peut être protégée. Il est indifférent que l’œuvre ait été diffusée au public ou
gardée secrète. Il est à noter que l’œuvre peut être conçue par un artiste et réalisée par un autre. Dans ce cas,
on considère que le premier a un droit d’auteur (cf affaire Renoir).
PARAGRAPHE 2 Ŕ NOTION D’ORIGINALITE
L’originalité est l’élément décisif en matière de propriété littéraire et artistique. Il faut la distinguer de la
nouveauté. En effet, une création peut être originale sans être nouvelle. En effet, un élève qui copie l’œuvre de
son maître crée bien une œuvre originale, car il imprime sa personnalité dans l’œuvre, mais l’œuvre n’est pas
nouvelle parce qu’elle a été copiée. Dans tous les cas, la personnalité du copiste s’imprime inévitablement ; elle
ne pourra jamais être absente. La protection n’est pas non plus subordonnée à un minimum d’originalité, même
si l’on peut distinguer l’originalité absolue de l’originalité relative. Une œuvre pourra aussi être relativement
originale si elle emprunte des éléments à une œuvre préexistante (ex : mettre de la musique sur un poème).
Qu’elle soit absolue ou relative, il faut absolument qu’il y ait originalité. Au final, pour avoir une œuvre de l’esprit,
il y a trois étapes : une idée, la composition de l’œuvre, c'est-à-dire son plan (par exemple, la trame du roman)
et la création, l’expression personnelle mise par l’auteur dans son œuvre (la façon de l’auteur d’exprimer ses
idées) ; l’œuvre pourra être originale uniquement par l’expression de l’auteur, et non par sa structure ou par son
idée de départ.
SECTION 2 Ŕ LE GENRE DES ŒUVRES
La protection d’une œuvre de l’esprit va dépendre de son genre.
PARAGRAPHE 1 Ŕ LES ŒUVRES LITTERAIRES
Les actes officiels et les informations de presse ne sont pas protégés par le droit d’auteur. Il va sans dire que les
pouvoirs publics ne font pas acte de propriété lorsqu’ils créent ou promulguent des lois. La loi, comme les
décisions judiciaires, échappent à la protection du droit d’auteur. Dans le même sens, les informations et les
nouvelles de presse ne sont pas protégées par le droit d’auteur, car elles ne témoignent pas en général d’une
manifestation de la personnalité, ni dans leur composition, ni dans leur présentation. En revanche, un article de
presse est protégé.
I/ LES ŒUVRES ECRITES
Selon le CPI, doivent être considérés comme œuvre de l’esprit : les livres, les brochures, et tous les autres écrits
littéraires, artistiques et scientifiques. Autrement dit, la protection est accordée aussi bien aux œuvres
imaginaires qu’aux écrits scientifiques, et cela quelle qu’en soit la valeur. Un mauvais roman sera protégé par le
droit d’auteur à condition qu’il présente une certaine originalité. Sont également protégés les dictionnaires, les
guides, les catalogues, et même les programmes TV. Dans le même sens, le nom de certains personnages sera
protégé. Les œuvres écrites dérivées sont également protégées (traductions, adaptations, transformations ou
arrangements). Ces auteurs jouissent eux aussi de la protection du droit d’auteur, sans préjudice des droits de
l’auteur de l’œuvre originale.
II/ LES ŒUVRES ORALES
Les conférences, les allocutions, les sermons, les plaidoiries, et les autres œuvres de même nature sont
protégés. De ce fait, le cours d’un enseignant constitue une œuvre de l’esprit pour laquelle l’auteur dispose d’un
droit exclusif. Selon le TGI de Paris, l’originalité du cours d’un instituteur peut se situer au niveau du contenu du
cours, de la didactique ou des méthodes pédagogiques. En ce qui concerne l’allocution, le TGI de Paris a pu dire
que si les allocutions du Chef de l’Etat ont pour vocation de traduire les principales orientations de son action
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politique, et de refléter sa réflexion sur des questions de société, elles ne comportent aucune disposition
impérative ayant une valeur normative et ne constituent donc pas des actes officiels. Il y a bien un droit d’auteur
sur les allocutions du Chef de l’Etat.
III / LES TITRES
Dès lors que le titre d’une œuvre de l’esprit présente un caractère original, il est protégé comme l’œuvre elle-
même. En effet, même si l’œuvre n’est plus protégée, il sera impossible d’utiliser son titre pour individualiser une
œuvre du même genre. Attention, cette impossibilité n’est valable que si l’utilisation du titre est susceptible de
provoquer une confusion. Au delà de la protection du droit d’auteur, la protection des titres se réalise également
par le biais de l’action en concurrence déloyale. En application du droit d’auteur, le titre est protégé à partir du
moment où il présente un caractère original. Ont été considérés comme originaux des titres comme « à l’école de
la route », « la cage aux folles », « la septième face du dé »… Cette originalité du titre peut résulter d’une
combinaison insolite de mots (ex : « le père noël est une ordure »). C’est une création de l’esprit jugée originale
par la réunion de l’expression « le père noël » et de l’expression « ordure » qui sont antinomiques. Pour le TGI de
Paris, la première expression évoque la joie, la candeur de l’enfance. Tandis que le mot « ordure » évoque plutôt
une certaine turpitude.
A l’inverse, n’ont pas bénéficié de la protection du droit d’auteur « barbapapa » ou encore « tueur de flics ». La
distinction entre ces titres est d’autant plus difficile à faire que la Cour de Cassation refuse souvent d’exercer son
contrôle sur le point de savoir si le titre est original ou pas. Le titre peut également être protégé contre toute
concurrence déloyale mais pour cela, il faut que les deux œuvres soit du même genre. A titre d’exemple, ce ne
sera pas le cas pour un roman policier et une comédie ; un documentaire et une publicité. Pour que la
concurrence déloyale fonctionne, il faut qu’il y ait un risque de confusion. Par exemple, la Cour d’appel de Paris a
pu dire que « le missel » édité par une société et « la bible de Jérusalem » éditée par une autre société
appartiennent à la même catégorie. C’est donc à bon droit selon la CA de Paris que le tribunal a estimé que
l’ouvrage présenté sous le titre « le petit missel de Jérusalem » bénéficierait injustement de la renommée
attachée à l’école biblique de Jérusalem.
PARAGRAPHE 2 Ŕ LES ŒUVRES MUSICALES
Les œuvres dramatiques et dramatico-musicales ainsi que les compositions musicales avec ou sans paroles sont
protégées que l’œuvre soit originale ou dérivée.
I/ L’ŒUVRE ORIGINALE
L’originalité d’une composition musicale peut se révéler dans la mélodie, dans l’harmonie et dans le rythme. La
mélodie est en quelque sorte le thème musical. C’est une sorte de plan à partir duquel est composée l’œuvre
musicale. Si deux mélodies sont identiques, une simple différence de rythme ne suffira pas à donner à l’œuvre
seconde une véritable originalité. L’harmonie résulte de l’émission simultanée de plusieurs sons, ce sont les
accords. Les accords ne sont pas susceptibles d’appropriation, car ils sont en nombres limités. C’est la
juxtaposition de l’harmonie et de la mélodie qui fait naître l’élément protégé. Le rythme est défini comme la
sensation déterminée par les rapports de durée relative soit de différents sons consécutifs, soit de diverses
répercutions ou répétitions d’un même son, voir d’un même bruit. Le rythme ne peut pas être approprié ; c’est
l’association mélodie / rythme qui fait naître le droit.
En matière musicale, toutes les autres caractéristiques sont indifférentes. On peut avoir recours à des
instruments, à des outils… Tout ceci mène, si la création est originale, à une protection par le droit d’auteur. Dans
le même sens, le mérite et la destination de l’œuvre sont indifférentes. Une chansonnette, ou une œuvre
musicale bas de gamme seront protégés, de même qu’un court morceau.
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II/ L’ŒUVRE DERIVEE
Le CPI protège l’œuvre musicale dérivée. Cela signifie que si la condition d’originalité est remplie, les variations
musicales, les arrangements, les orchestrations etc. peuvent être protégées par le droit d’auteur. L’arrangement
a pour objet soit d’adapter une œuvre écrite pour un instrument à un autre instrument, soit de réduire une
symphonie a un seul instrument, soit d’orchestrer une œuvre écrite pour un instrument. La variation (remix)
implique plus d’indépendance de la part de son auteur, puisque dans le cadre d’une variation, le compositeur va
ajouter des éléments mélodiques, il va parfois modifier l’harmonie, ou le rythme de l’œuvre première.
PARAGRAPHE 3 Ŕ LES ŒUVRES D’ART
I/ L’ŒUVRE D’ART EN GENERAL
Le CPI cite comme œuvre de l’esprit pouvant être rangées sous la qualification d’œuvres d’art notamment les
œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie, mais également les
œuvres d’arts appliqué, les œuvres graphiques, et les œuvres typographiques. Sont ainsi susceptibles d’être
protégées par le droit d’auteur un dessin humoristique dont la protection sera indépendante de sa valeur
artistique. Sont encore protégées des peintures murales réalisées dans un théâtre. Est également protégée une
fontaine monumentale, tout comme une construction immobilière, en raison de la composition harmonieuse de
ses éléments. L’œuvre originale est protégée comme l’œuvre dérivée.
Qu’en est-il des copies d’œuvres d’art ? En matière d’œuvre d’art, l’originalité naît de la seule exécution
personnelle de l’auteur. Il y a là une différence avec les œuvres littéraires, puisqu’en matière d’œuvres littéraires,
une copie, même exécutée manuellement, ne sera pas originale. Une copie d’œuvre d’art est nécessairement
originale parce que la personnalité du copieur n’a pas pu disparaitre lors de l’exécution de la copie : on parle
d’œuvre « relativement originale ».
II/ LE CAS DES PHOTOGRAPHIES
Les œuvres photographiques ont posé de grandes difficultés et ont été au cœur de nombreuses controverses
afin d’être soumises en 1985 à la loi commune. Avant 1985, c'est-à-dire sous l’empire de la loi de 1957, seules
les photographies artistiques et documentaires pouvaient être protégées par le droit d’auteur. Pour les photos
artistiques, la définition du terme « artistique » posait problème. En effet, on était tenté d’associer l’artistique à
l’esthétique, si bien qu’un jugement de valeur s’imposait. Un tel jugement était contraire à la règle selon laquelle il
est interdit de tenir compte du caractère esthétique pour protéger une œuvre. L’œuvre doit être originale, elle n’a
pas besoin d’être esthétique.
Pour les photos documentaires, le terme « documentaire » ne fut pas facile à utiliser. La jurisprudence s’attacha
à juger la valeur du renseignement fourni dans le documentaire. Elle recherchait s’il y avait un intérêt à
l’information fournie par cette photo documentaire. Elle cherchait donc à savoir si la photo était rare ou non. En
prenant en considération le caractère documentaire, le législateur avait oublié une chose : le droit d’auteur
s’applique aux créations de forme, et cela indépendamment de la substance des idées ou de l’information.
Il était difficile de maintenir de telles conditions de protection, si bien qu’aujourd’hui, toutes les œuvres
photographiques sont protégées, sous réserve d’être originales. L’originalité de la photographie peut apparaitre
par le choix de la pose d’un mannequin, par une prise de vue très particulière, par un éclairage particulier ; tout
cela crée une originalité qui révèle la personnalité du photographe. En revanche, les photos d’une extrême
banalité ne sont pas protégées par le droit d’auteur (ex : photos de vacances, prise de vue en rafale à un point
fixe par un journaliste, etc.). Il faut que le photographe s’exprime à travers sa photographie.
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Pour terminer sur les œuvres protégées par le droit d’auteur, sont protégées les œuvres cinématographiques, les
créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure, un spectacle de pyrotechnie, ou encore un
bouquet de fleurs. A l’inverse, le parfum n’est pas protégé par le droit d’auteur : la fragrance d’un parfum qui
procède de la simple mise en œuvre d’un savoir faire n’est pas une création pouvant bénéficier de la protection
par le droit d’auteur. Avant le 13 juin 2006, le parfum était protégé (arrêt de la C. Cass). Comment protéger un
parfum ? Le plus simple est de le protéger par le secret, puisqu’on ne peut le protéger par la marque, ni par le
brevet (temporaire). Les parfumeurs ne déposent pas de brevets pour leur parfum ; seul le nom et le flacon sont
protégés.
CHAPITRE 2 Ŕ LES AUTEURS
L’auteur protégé par le droit est le créateur de l’œuvre. Nous verrons l’œuvre individuelle, l’œuvre de
collaboration, l’œuvre composite, et l’œuvre collective.
SECTION 1 Ŕ L’ŒUVRE INDIVIDUELLE
Dans la conception personnaliste du droit d’auteur, l’auteur ne peut être que celui dont la personnalité s’est
exprimée dans l’œuvre. Cette qualité ne peut donc pas être reconnue, ni à celui qui s’est limité à fournir l’idée, le
thème de l’œuvre, ni au simple exécutant matériel qui se contente, par exemple, d’appuyer sur le bouton de
l’appareil photo. Il faut donc que la personnalité de l’auteur s’exprime. Cela signifie donc que le monopole qui nait
par ce droit d’auteur ne peut naître que sur la tête d’une personne physique. Une personne morale ne peut
évidemment pas exprimer sa personnalité dans une œuvre de l’esprit ! Toutefois, une personne morale pourra
être titulaire de droits d’auteur. Lorsqu’une personne morale acquière des droits d’auteurs, elle n’acquière que les
droits patrimoniaux sur l’œuvre : le droit moral reste définitivement à l’auteur lui-même.
La qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.
La qualité d’auteur est donc présumée. C’est une présomption qui peut être combattue par tout moyen, puisque
de façon générale la preuve de la qualité d’auteur est libre. La présomption d’auteur va pouvoir être invoquée par
tous les créateurs dont le nom a été porté à la connaissance du public, et cela quelque soit la manière (par
exemple, le scénariste si son nom figure sur le scénario qui aura été divulgué).
SECTION 2 Ŕ L’ŒUVRE DE COLLABORATION
C’est celle à laquelle ont participé plusieurs personnes physiques. Il faut que leur contribution soit de nature à
leur donner la qualité d’auteur. C’est une participation qui doit être concertée. Autrement dit, cela doit être voulu.
La meilleure œuvre de collaboration est la chanson car l’un apporte les paroles, l’autre la musique. Deux
personnes se concertent et décident de produire une chanson ensemble. Cette œuvre de collaboration est alors
la propriété commune des co-auteurs, qui doivent exercer leur droit d’un commun accord. Lorsque la participation
de chacun des co-auteurs relève d’un genre différent, chacun des co-auteurs peut, sauf convention contraire,
exploiter séparément sa contribution personnelle, à condition de ne pas porter préjudice à l’œuvre commune.
En matière d’œuvre de collaboration, la propriété de l’œuvre commune appartient aux co-auteurs. La propriété
est commune et cela quelle que soit l’importance ou le mérite des apports respectifs. Concernant l’œuvre
audiovisuelle, elle est nécessairement une œuvre de collaboration parce que la loi le dit. En effet, sont présumés,
sauf preuve contraire, co-auteurs d’une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration l’auteur du scénario, de
l’adaptation, du texte parlé et des compositions musicales avec ou sans paroles, spécialement réalisées pour
l’œuvre, et le réalisateur. Autrement dit, c’est la loi elle-même qui énonce que l’œuvre audiovisuelle est une
œuvre de collaboration et non une œuvre composite.
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Les droits des différents co-auteurs sur l’œuvre commune sont évidemment ceux reconnus aux co-auteurs d’une
œuvre de collaboration. Pourtant, dans le cas d’une œuvre audiovisuelle, le CPI énonce que « l’œuvre
audiovisuelle est réputée achevée lorsque la version définitive a été établie d’un commun accord entre
d’une part le réalisateur ou éventuellement les co-auteurs, et d’autre part le producteur ». Le Code ajoute
que « les droits propres aux auteurs ne peuvent être exercés par eux que sur l’œuvre audiovisuelle
achevée ». Ainsi, le droit moral des co-auteurs va être paralysé jusqu’à l’achèvement de l’œuvre audiovisuelle ;
d’autre part, ce droit moral des co-auteurs est inférieur à celui du réalisateur puisque le réalisateur tout seul peut
décider que l’œuvre audio-visuelle est achevée.
SECTION 3 Ŕ L’ŒUVRE COMPOSITE
Il s’agit d’une œuvre nouvelle dans laquelle est incorporée une œuvre préexistante, mais sans la collaboration de
son auteur. On parle d’œuvres « secondes » ou d’œuvres « dérivées ». Il s’agit par exemple de l’insertion de
photographies dans un catalogue, mais également la mise en volumes de caricatures dessinées par un auteur
pour la fabrication de marionnettes pour une émission de télé. Il y a également œuvre composite dès qu’il y a
utilisation d’éléments formels empruntés à une œuvre protégée par le droit d’auteur. L’œuvre composite est la
propriété de l’auteur qui l’a réalisé, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante. Le législateur ne
dit pas expressément que l’auteur de l’œuvre première doit être associé au résultat de l’œuvre composite.
Toutefois, puisque l’auteur de l’œuvre préexistante peut opposer ses droits à l’auteur de l’œuvre composite, on
peut penser que l’exploitation sera subordonnée à l’autorisation de l’auteur de l’œuvre première.
SECTION 4 Ŕ L’ŒUVRE COLLECTIVE
L’œuvre est collective lorsqu’elle est créée sur l’initiative d’une personne physique ou d’une personne morale qui
l’édite, la publie, la divulgue sous sa direction et sous son nom. Dans une œuvre collective, la contribution
personnelle des différents auteurs va se fondre dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue. Il ne sera donc
pas possible d’attribuer à chacun des auteurs un droit distinct sur l’ensemble qui sera réalisé (par exemple le
dictionnaire de l’académie française). Si les contributions personnelles ne peuvent être dégagées, il n’y a pas de
droit personnel, donc pas de droit individuel.
L’œuvre collective se caractérise par l’initiative et le rôle moteur de son entrepreneur. L’œuvre collective n’exclut
pas l’existence d’un intermédiaire qui va être chargé de réaliser cette mission de création, sur la base d’un
contrat de travail. Pour la jurisprudence, la présence d’un bureau d’étude est le signe d’une œuvre collective. Ont
été reconnus comme étant des œuvres collectives un journal, un magazine, une rubrique de magasine, une
encyclopédie, un site internet, et même un parc de loisirs.
CHAPITRE 3 Ŕ LES DROITS DE L’AUTEUR
Les différentes prérogatives reconnues par la propriété littéraire et artistiques sont appelées « droits ». Il faut
toutefois veiller à distinguer ces droits de ceux que confère la propriété du support de l’œuvre. D’un côté, il y a les
droits sur le châssis, et de l’autre les droits sur la peinture fixée sur le châssis. Le CPI énonce que la propriété
incorporelle est indépendante de la propriété de l’objet matériel. Le droit d’auteur est d’abord et avant tout un
droit exclusif : le droit d’interdire. Le droit d’auteur comprend à la fois des attributs d’ordre intellectuel et moral,
mais aussi des attributs d’ordre patrimonial.
SECTION 1 Ŕ LE DROIT MORAL
Le CPI énonce que « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité, et de son œuvre ». Ce droit est
attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable, et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux
héritiers de l’auteur. L’exercice peut être conféré à un tiers, en vertu de dispositions testamentaires.
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Comme tous les droits extrapatrimoniaux, le droit moral est attaché à la personne de l’auteur. C’est donc un droit
de la personnalité. Le droit moral est par conséquent inaliénable. Ainsi, l’auteur ne peut pas céder son droit
moral. En revanche, il peut en confier la défense à un mandataire (par exemple une société d’auteurs). Il ne peut
pas renoncer à son droit moral, mais peut néanmoins consentir une modification de son œuvre à condition qu’il
agisse en toute connaissance de cause. On peut donc comparer le lien entre l’auteur et son droit moral avec le
lien qui unit toute personne avec son patrimoine.
Le droit moral est imprescriptible. Il existe d’autres caractères du droit moral, mais qui ne s’appliquent pas à
l’ensemble des éléments du droit moral. Par exemple, la perpétuité du droit moral de l’auteur ne s’applique pas
au droit de retrait et au droit de repentir. La perpétuité n’est pas non plus évidente pour le droit de divulgation. En
revanche, elle existe bien pour le droit à la paternité et pour le droit au respect de l’œuvre.
L’auteur dispose d’un droit moral sur son œuvre ; il peut donc en user, mais peut-il en abuser ? Il peut
évidemment en user, puisque pour ce qui est du droit de divulgation, on peut dire que le droit moral de l’auteur
relève de sa seule appréciation. Cette divulgation relève de sa seule appréciation, ce qui signifie que personne
ne peut obliger un auteur à publier son œuvre, ni même simplement à en révéler l’existence au public. Même les
créanciers de l’auteur ne pourraient pas l’obliger à publier son travail pour payer sa dette. C’est donc là une
exception à l’action paulienne que détiennent les créanciers envers leur débiteur. Autrement dit, le droit moral de
l’auteur est totalement discrétionnaire, tant que l’auteur est vivant. Ce droit n’est donc plus discrétionnaire après
la mort de l’auteur, il est donc susceptible d’abus.
PARAGRAPHE 1 Ŕ CONTENU DU DROIT
Ce droit moral contient un droit de divulgation, un droit de retrait, un droit de repentir, un droit à la paternité, au
respect de l’œuvre…
I/ LE DROIT DE DIVULGATION
Divulguer, c’est rendre public ; autrement dit, le droit de divulgation est le droit qu’a l’auteur de choisir quand et
comment il va communiquer son œuvre au public. On parle de divulgation, mais on peut éventuellement parler de
droit de publication. Le CPI est très clair « seul l’auteur a le droit de divulguer son œuvre ». Cela signifie qu’il en
a la possibilité, mais aussi qu’il peut s’y opposer.
Le droit de divulgation permet à l’auteur de livrer son œuvre quand il l’estime satisfaisante, autrement dit quand il
juge l’œuvre digne de sortir du secret. Il s’agit là d’un droit exclusif : personne ne peut prendre cette décision à sa
place.
Le droit de divulgation ne consiste pas pour autant en un droit d’être publié. Personne n’a l’obligation de publier
un auteur. L’auteur doit simplement avoir la possibilité de s’exprimer. La CA de Paris a ainsi pu dire que la
possibilité pour tout organisateur d’exposition de ne pas accueillir les œuvres d’un artiste n’est pas en soi
constitutive d’une atteinte au droit moral de l’auteur, puisqu’il n’existe pas de droit pour un créateur à la
divulgation de son œuvre. Ainsi, le droit de divulgation est d’abord le droit qu’à l’auteur de présenter son œuvre
au public.
C’est aussi pour l’auteur le droit de s’opposer à la publication de son œuvre. Il exerce ainsi le droit de ne pas
publier. Par exemple, un artiste peintre, mécontent de ses œuvres, les avaient lacérées et jetées aux ordures.
Quatre de ses toiles furent entièrement reconstituées et mises en vente. L’artiste fit saisir les quatre toiles. Selon
les vendeurs, l’artiste avait renoncé à tout droit sur ses œuvres à partir du moment où il les avait jetées. La CA ne
fut pas convaincue par cette argumentation ; selon elle, « la propriété littéraire et artistique comporte pour celui
qui en est titulaire un droit qui n’a rien de pécuniaire, mais qui, attaché à la personne même de l’auteur lui permet
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sa vie durant, de ne livrer son œuvre au public que de la manière et dans les conditions qu’il juge convenables,
que le geste du peintre, qui mécontent de son œuvre, lacère un tableau et en jette les morceaux à l’abandon ne
porte aucune atteinte à ce droit , que si celui qui en ramasse les morceaux en devient incontestablement
propriétaire par voie d’occupation, cette propriété se limite à la matérialité de ces morceaux, mais ne prive pas le
peintre du droit moral qu’il garde toujours sur son œuvre. Si celui-ci persiste à penser que son tableau ne doit pas
être mis en circulation, il est fondé à s’opposer à toute reconstitution de sa toile, et à en exiger le cas échéant, la
destruction ». On comprend ici qu’en vertu de son droit de divulgation, un peintre a qui l’on a passé commande
d’un tableau peut refuser de livrer la toile alors même qu’il a estimé le travail terminé. Autrement dit, en ce
domaine, toute exécution forcée en nature est impossible. L’obligation de peindre le tableau se résoudra donc
par des dommages-intérêts.
En réalité, le droit de divulgation est presque inutile dans ce cas, puisqu’on est dans un cas d’inexécution d’une
obligation de faire particulièrement personnelle, laquelle n’est donc pas susceptible d’exécution forcée et se
résoudra donc en dommages-intérêts. Autrement dit, le droit commun des contrats est suffisant pour résoudre le
problème sans avoir à faire appel à la notion spécifique de droit de divulgation.
L’exercice du droit moral de l’auteur revêt un caractère discrétionnaire, ce qui signifie que l’appréciation de la
légitimité de cet exercice échappe au juge.
La divulgation emporte-elle un épuisement du droit ? Si un dessinateur divulgue son dessin lors d’une exposition,
cela signifie t-il qu’il en autorise la reproduction, par exemple pour des cartes postales ? La réponse est
négative : l’auteur a autant de droits de divulgation qu’il existe de modes d’exploitation de son œuvre. La question
est intéressante pour les créanciers, puisque ceux-ci ne peuvent pas saisir une œuvre non divulguée. Autrement
dit, si l’auteur divulgue son œuvre sous une forme particulière, les créanciers vont pouvoir saisir les bénéfices de
cette divulgation, mais uniquement dans la forme de la divulgation. La divulgation a des conséquences
importantes puisque l’exercice du droit de divulgation fait entrer l’œuvre divulguée dans le commerce juridique.
C’est donc cet acte volontaire qui donne naissance au droit patrimonial et donc à la propriété incorporelle sur
l’œuvre. En pratique, il est souvent difficile de distinguer l’exercice du droit de divulgation de l’exercice du droit
patrimonial.
II/ LE DROIT DE REPENTI OU DE RETRAIT DE L’AUTEUR
Après avoir signé un contrat d’exploitation de son œuvre, l’auteur peut être pris de remords d’ordre artistique. Il a
le droit de retirer son œuvre du circuit économique, ou d’y apporter certaines retouches. Dans l’opinion générale,
le droit de retrait consiste à mettre fin à l’exploitation de l’œuvre, et le droit de repentir consiste à modifier
l’œuvre. Ce droit est minutieusement réglementé par le Code. Seul le droit d’exploitation est envisagé ; il faut
donc comprendre par là que seuls les contrats de représentation, de reproduction et d’adaptation sont visés. Ce
droit n’est pas opposable à tous les tiers ; il l’est uniquement au cessionnaire. L’auteur peut exercer son droit de
retrait ou de repentir même postérieurement à la publication de son œuvre. Cela signifie à contrario qu’il peut
aussi exercer cette faculté entre la signature du contrat de cession et la publication effective.
Dans tous les cas, le retrait comme le repentir suppose que la décision de divulguer l’œuvre ait été prise, et
surtout qu’elle ait été extériorisée. Autrement dit, le droit de retrait ou de repentir est toujours postérieur au droit
de divulgation.
Le repentir ne peut reposer que sur des raisons d’ordre intellectuel. C’est la raison pour laquelle un auteur ne
peut demander à ce que son nom soit retiré de l’œuvre. Dans le même sens, un auteur ne peut pas mettre en
avant des considérations d’ordre matériel pour mettre un terme à l’exploitation de son œuvre. Pour mettre en
œuvre le droit de retrait, l’auteur devra respecter un certain nombre de conditions :
-il va devoir indemniser le cessionnaire du préjudice que ce repentir peut lui causer. Ce préjudice correspond à la
fois aux pertes subies.
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-le cessionnaire doit être indemnisé préalablement au retrait ou au repentir. Ainsi, tant que l’auteur n’a pas versé
l’indemnisation au cessionnaire, celui-ci peut poursuivre l’exploitation de l’œuvre. L’auteur peut finalement
décider de reprendre l’exploitation de son œuvre après le retrait, mais dans ce cas la loi l’oblige à contracter de
nouveau avec le cessionnaire initial. Il s’agit en quelque sorte d’un droit de préemption légal. L’idée est qu’un
auteur pourrait signer avec un cessionnaire, puis trouver un éditeur qui le rémunérerait mieux.
III/ LE DROIT A LA PATERNITE
Ce droit comprend le droit au respect du nom de l’auteur, au respect du titre de l’auteur et au respect de sa
qualité. Le CPI indique en effet que l’auteur jouit du droit au respect de son nom. Il est en effet admis de manière
universelle que l’auteur peut exiger que l’œuvre soit diffusée sous son nom. Cela ne pose guère de difficultés
pour les œuvres littéraires. Pour les œuvres représentées, le diffuseur doit mentionner le nom de l’auteur pour les
œuvres audiovisuelles, sur l’affiche ou au générique. A la radio, le présentateur doit présenter le nom de l’artiste
interprète, ainsi que le nom de l’auteur ou du compositeur. Cette obligation est régulièrement violée à la radio,
mais aussi à la télévision où le générique est souvent coupé par la publicité.
L’omission du nom de l’auteur sur des ouvrages, même diffusés en nombre restreint, cause à l’auteur un
préjudice qui devra être réparé. L’auteur a d’ailleurs le droit d’être désigné par son nom, et nom par une vague
allusion. Un architecte peut exiger la mention de son nom sur ses plans, un photographe sur ses photos publiées
dans un magazine… Il n’est pas possible d’apposer son nom sur l’œuvre d’un auteur : il y aurait usurpation
d’œuvre.
Ainsi, le droit à la paternité pas plus que les autres attributs du droit moral ne peut faire l’objet d’une cession, ni
même d’une renonciation.
Puisqu’un auteur ne peut renoncer à la paternité de son œuvre, qu’en est-il des conventions de nègres ? Elles
sont illégales.
Le droit à la paternité est un droit, pas une obligation. L’auteur peut rester dans l’anonymat ou utiliser un
pseudonyme. Pour autant, il ne renonce pas à ses droits d’auteur. Ces auteurs vont être représentés dans
l’exercice de leur droit, notamment par leur éditeur.
Le droit à la paternité est aussi le droit au respect des titres et des qualités. Ainsi, si l’on oublie de donner le titre
de l’auteur, le TGI peut condamner à des indemnités.
IV/ LE DROIT AU RESPECT DE L’ŒUVRE
Le CPI pose le droit au respect de l’œuvre. Respecter l’œuvre d’un auteur revient à s’abstenir de lui porter
atteinte, de la dénaturer, ou de l’altérer. Ainsi, le respect de l’œuvre passe par le maintien de son intégrité ; il ne
faut donc pas déformer l’œuvre, soit en modifiant, en supprimant ou en ajoutant des éléments, soit en déformant
ou en trahissant l’esprit de l’œuvre. Le droit au respect de l’œuvre permet aussi de s’opposer à la modification de
la forme de l’œuvre (par exemple, publication dans une collection prestigieuse ou dans une collection de poche).
Ce respect de l’œuvre est un devoir qui ne s’applique pas qu’aux tiers, mais aussi au cocontractant de l’auteur.
Personne n’a le droit de porter atteinte à l’œuvre.
Constituent des atteintes à l’œuvre la publication d’un livre où certains passages ont été supprimés, le fait de
faire disparaitre un décor autour d’un personnage, le fait pour une danseuse d’exécuter un pas qui n’a pas été
prévu par son chorégraphe. Méconnait le droit d’auteur une pièce qui reprend les personnages des aventures de
Tintin, mais qui les placent dans des situations totalement différentes et qui modifie l’image du personnage. La
CA de Paris a reconnu le droit à un architecte de s’opposer à la pose d’antenne parabolique sur la façade de la
construction.
Le droit au respect de l’œuvre n’est pas sans limite ; d’une part, la nature de l’œuvre pose problème, et d’autre
part, le respect des droits des tiers est aussi un obstacle. Il faut donc tenir compte des prérogatives du
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propriétaire de l’objet matériel. Ce propriétaire a le droit d’user, et d’abuser de son droit de propriété, notamment
en détruisant l’objet. Par dérogation au droit commun de la propriété, il faudra justifier d’un juste motif pour
pouvoir détruire l’œuvre. Celui-ci sera apprécié in concreto. Par exemple, le curé de la paroisse de Juvisy avait
commandé à un peintre des fresques destinées à agrémenter les murs de la chapelle. Une fois terminées, il s’est
avéré qu’elles n’étaient pas du goût des fidèles. Le supérieur du curé a donc demandé à ce que ces fresques
soient repeintes, ce que le curé refusait. Ainsi, le supérieur fit repeindre les fresques sans l’accord du curé. Dans
cette affaire, le tribunal civil donna raison à l’auteur en lui accordant une condamnation symbolique ; la Cour
d’appel infirma ce jugement : l’intérêt de l’église était ici supérieur à l’intérêt de l’auteur.
L’auteur lui-même peut valider les atteintes à l’intégrité de son œuvre, à condition qu’il agisse en pleine
connaissance de cause.
PARAGRAPHE 2 Ŕ LE CAS DE L’ŒUVRE CREEE PAR PLUSIEURS AUTEURS
Dans ce cas, le droit moral comporte certaines particularités. Dans le cas d’une œuvre de collaboration, il y a
réunion de plusieurs contributions personnelles originales. Ces contributions peuvent être individualisées, et donc
exploitées séparément. En matière d’œuvre de collaboration, il existe un droit moral de chaque auteur sur
l’œuvre en général, et un droit moral de chaque auteur sur sa propre contribution au sein de l’œuvre. En ce qui
concerne la divulgation, elle ne pourra donc se faire qu’à l’unanimité pour l’œuvre dans sa globalité. L’acte de
divulgation peut en effet être assimilé à un acte de disposition. Pour les actes moins graves, comme par exemple
le droit au respect au nom, chaque auteur pourra exercer ce droit moral seul. En ce qui concerne le droit moral
de chaque auteur sur sa propre contribution, l’exercice de celui-ci est libre. Néanmoins, le droit de retrait et le
droit de repentir ne peuvent s’appliquer que si l’auteur indemnise préalablement le cessionnaire, mais également
dans le cadre d’une œuvre de collaboration les coauteurs de l’œuvre. En matière d’œuvre audiovisuelle, le droit
moral est encore plus réduit. Tant que l’œuvre n’est pas achevée, le droit moral de chaque auteur ne peut pas
être exercé. Le droit de divulgation, en revanche reste actif. Un coauteur peut refuser de livrer sa participation
aux autres ; selon le CPI, si l’un des auteurs refuse d’achever sa contribution à l’œuvre audiovisuelle ou se trouve
dans l’impossibilité d’achever cette contribution par suite de force majeure, il ne pourra pas s’opposer à
l’utilisation en vue de l’achèvement de l’œuvre de la partie de cette contribution déjà réalisée. Il aura sur cette
contribution la qualité d’auteur, et les droits qui en découlent. En matière audiovisuelle, le droit de divulgation est
donc limité. Ainsi, le droit moral des co-auteurs d’une œuvre audiovisuelle est plus ou moins facultatif.
Dans le cadre d’une œuvre collective, où le titulaire du droit d’auteur est l’entrepreneur de l’œuvre, plusieurs
personnes ont néanmoins contribué à la réalisation de cette œuvre. Toutes ces personnes ont donc sur leurs
propres contributions un droit d’auteur. On peut donc dire qu’il existe deux droits moraux sur l’œuvre, même si en
pratique il est difficile d’admettre qu’une personne morale puisse avoir un droit moral. Il faut que tous les auteurs,
plus l’entrepreneur, puissent vivre en harmonie. Ainsi, il faut permettre au propriétaire de l’œuvre collective de
pouvoir retoucher les contributions individuelles de chaque auteur, tout en prenant garde à ne pas les dénaturer.
Le droit moral est donc amoindri.
Dans le cadre de l’œuvre composite, qui est celle qui intègre une œuvre préexistante, l’auteur dispose d’un droit
moral sur son œuvre. Il doit toutefois prendre soin de respecter le droit moral de l’auteur de l’œuvre préexistante.
L’auteur de l’œuvre préexistante peut s’opposer à la divulgation de son œuvre au sein de l’œuvre composite,
puisqu’à chaque nouveau mode de divulgation publique, il y a divulgation nouvelle et donc nécessité d’une
autorisation. L’auteur de l’œuvre initiale peut exiger que son nom apparaisse dans l’œuvre composite ; il peut
également veiller au respect de son œuvre. En principe, l’auteur de l’œuvre composite aura préalablement
demandé l’autorisation d’utiliser l’œuvre initiale.
PARAGRAPHE 3 Ŕ LA DEVOLUTION SUCCESSORALE DU DROIT
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On peut hériter du droit moral. Le droit moral d’un auteur est en principe perpétuel. Néanmoins, il s’affaiblit après
la mort de l’auteur. Le droit de repentir et le droit de retrait disparaissent avec l’auteur. En effet, le CPI n’envisage
l’exercice de ce droit que par l’auteur lui-même. Le droit moral perd également de sa force en cas d’abus notoire
dans l’usage ou le non usage du droit de divulgation, et notamment de la part des représentants de l’auteur
décédé. Dans une telle hypothèse, le TGI peut ordonner une mesure appropriée.
En principe, le problème ne doit pouvoir se poser qu’en matière de droit de divulgation. La Cour de Cassation va
néanmoins plus loin, et souhaite donner une portée plus générale à cette possibilité d’adopter cette mesure
appropriée. Ainsi, au fil du temps, le droit moral de l’auteur prend en quelque sorte une dimension plus collective :
on le met au service de l’œuvre en général. Même après le décès de l’auteur, l’usage du droit moral doit tout de
même rester en accord avec la personnalité et la volonté de l’auteur, volonté qui avait pu être révélée ou
exprimée de son vivant.
Par exemple, dans l’arrêt Saint-Exupéry, il s’agissait d’une statuette en bronze originale, unique en son format,
sans exécution de copies, qui représentait le Petit Prince, qui avait été réalisée et signée par Consuelo de Saint-
Exupéry, et qui avait été volée à Grasse dans la maison du fils de l’auteur, lequel était légataire universel et
titulaire du droit moral. Quelques années plus tard, cette statuette a été achetée par le Syndicat d’Initiative de
Cabri, suffisamment longtemps après le vol pour que son propriétaire ne puisse la revendiquer. Le fils de l’auteur
voulait interdire au Syndicat d’Initiative de divulguer la statuette. La CA a refusé en expliquant que la statuette
était exposée de manière purement commémorative, sans aucun esprit lucratif, et qu’il appartenait à la juridiction
saisie, en cas d’abus notoire dans l’usage ou le non-usage du droit de divulgation d’ordonner toute mesure
appropriée. La mesure appropriée avait alors été l’autorisation de divulgation de la statue. La Cour de Cassation
ne fut pas de cet avis ; pour elle, en statuant ainsi, sans rechercher comme il était demandé par le demandeur si
sa mère qui avait notamment refusé de céder cette pièce à la mairie de Cabri et l’avait toujours conservé à son
domicile de Grasse n’avait pas manifesté ainsi sa volonté de ne pas la divulguer, la CA n’a pas donné de base
légale à sa décision. Ainsi, en matière de droit moral, lorsqu’il y a abus dans l’usage ou le non-usage du droit de
divulgation, la juridiction doit prendre une mesure appropriée. Cette mesure appropriée doit toutefois tenir compte
de la personnalité et de la volonté de l’auteur.
Qui hérite du droit moral d’un auteur après sa mort ? La dévolution successorale obéit en matière de droit
d’auteur à des règles spécifiques. En effet, après sa mort, le droit de divulgation de ses œuvres posthumes est
exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l’auteur. Le droit moral n’est donc
pas un droit héréditaire : il est possible de le confier par testament à une tierce personne. A défaut de testament,
le droit est exercé dans l’ordre suivant : les descendants, le conjoint à condition qu’il n’y ait pas un jugement
passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qu’il ne soit pas remarié, les autres héritiers qui ne sont
pas les descendants. Cette disposition particulière ne concerne que le droit de divulgation. Pour les autres
éléments du droit moral, le droit commun des successions s’applique.
SECTION 2 Ŕ LE DROIT PATRIMONIAL
Le CPI consacre un chapitre complet aux droits patrimoniaux de l’auteur. Suivant la terminologie du Code, ces
droits sont des attributs d’ordre patrimonial. Tous ces droits forment le droit d’exploitation. Le droit
d’exploitation est l’ensemble des prérogatives qui permettent à un auteur de subordonner l’utilisation de ses
œuvres au paiement d’une rémunération. Autrement dit, l’auteur ne délivrera son autorisation d’utiliser son œuvre
qu’à la condition d’obtenir l’engagement de la part de son cocontractant de lui verser une certaine somme
d’argent. Le droit d’exploitation est le droit d’autoriser. Il faut cependant le distinguer du droit de divulguer
l’œuvre. Le droit d’autoriser revient à permettre à l’auteur de tirer un revenu de son travail artistique. La
divulgation a une dimension plus philosophique.
Etudier les moyens dont dispose l’auteur pour exploiter son droit revient aussi à étudier les moyens qui
permettent à l’auteur de protéger son œuvre.
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PARAGRAPHE 1 Ŕ LE CONTENU DU DROIT
Selon le CPI, l’auteur peut exploiter ses œuvres sous quelque forme que ce soit. Il ajoute que ce droit
d’exploitation, qui appartient à l’auteur, comprend un droit de représentation et un droit de reproduction.
Suivant le type d’œuvre, l’exploitation va prendre diverses formes. Pour une œuvre littéraire, l’auteur va passer
un contrat d’édition ; pour une pièce de théâtre, il s’agira d’un contrat de représentation ; pour une musique, il
s’agira d’une interprétation vivante (concert, disque) ; pour les arts plastiques, il s’agira d’une exposition… Au
final, si l’on voulait imaginer des catégories de droits, on dirait que l’auteur a la possibilité d’autoriser la
communication de son œuvre au public (droit de représentation), la reproduction de son œuvre (droit de
reproduction). Il va également pouvoir céder son droit. Il pourra jouir sur son œuvre d’un droit de destination ; il
s’agit en quelque sorte de la possibilité offerte à l’auteur de limiter la divulgation de son œuvre à un ou à
plusieurs modes de communication au public. A côté de ce monopole, il existe de simples droits à rémunération :
c’est le cas du droit de suite, qui permet à un créateur de percevoir un pourcentage sur le prix de revente de son
œuvre.
I/ LE DROIT DE REPRODUCTION
La reproduction est définie par la loi comme la fixation matérielle de l’œuvre par tout procédé qui permette de la
communiquer au public d’une manière indirecte. Cette reproduction peut d’effectuer notamment par imprimerie,
dessin, gravure, photographie, moulage, et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement
mécanique, cinématographie, ou magnétique. Pour les œuvres d’architectures, la reproduction consiste dans
l’exécution répétée d’un plan ou d’un projet type. La reproduction permet donc une représentation indirecte et
cela quel que soit le procédé utilisé. Cette reproduction consiste soit à reconstituer à l’identique une œuvre déjà
matérialisée, soit à fixer une œuvre fugitive ou non matérialisée. On va par exemple transcrire sur une partition
une mélodie. La reproduction peut être la première fixation de l’œuvre, ou la reproduction en un grand nombre
d’exemplaires de l’œuvre. On parle aussi de reproduction lorsque l’auteur crée une œuvre seconde (adaptation,
traduction…). La dactylographie est un mode de reproduction, comme la photocopie, l’écriture braille… Ainsi, la
nature du support qui permet la reproduction est indifférente. Par exemple, sont des reproductions l’édition d’un
chapitre de livre dans un magazine, la mise en puzzle d’un dessin…
En revanche, le droit de reproduction n’existe que sur une œuvre protégée. Ainsi, la reproduction d’une idée ne
constitue pas une atteinte au droit d’auteur. Parfois, il est difficile de distinguer le droit de reproduction du droit de
représentation. Une CA a considéré que la diffusion publique d’une musique enregistrée sur phonographe
constituait une représentation. Pour la Cour de Cassation, la CA a fait une exacte application de la loi, mais en
retenant que le droit d’auteur est opposable à tous, une telle diffusion nécessitait une autorisation
complémentaire assortie d’une redevance relevant du droit de reproduction mécanique dès lors que les
phonographes utilisés étaient exclusivement destinés à l’utilisation privée.
II/ LE DROIT DE REPRESENTATION
Selon le CPI, la représentation consiste en la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque, et
notamment par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique, présentation publique,
projection publique, et transmission dans un lieu public de l’œuvre télédiffusée par télédiffusion. La télédiffusion
s’entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d’images, de documents, de données et
de messages de toute nature. Est assimilée à une représentation l’émission d’une œuvre vers un satellite. Le
droit de représentation est indépendant de la fabrication de nouveaux exemplaires de l’œuvre. Le droit de
représentation est la communication au public de l’œuvre par un procédé quelconque. La représentation peut
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être immédiate ou médiate ; elle est immédiate dans le cadre d’un concert, et médiate dans le cadre d’un disque.
Dans une discothèque, la représentation est médiate car le public n’est pas présent sur le lieu d’origine de la
représentation.
La représentation consiste à faire entendre ou voir une œuvre au public. Une même œuvre va pouvoir être
représentée de plusieurs façons ; soit cette représentation est simultanée, soit elle est successive. Puisqu’à
chaque mode de représentation correspond une redevance particulière, il y a aussi pour chaque mode une
autorisation particulière. Il y a autant de types de rémunération qu’il y aura de modes de représentation. Par
exemple, si un concert est diffusé en simultané à la radio, on est dans le cadre d’une représentation médiate
mais simultanée. On aura deux rémunérations : une pour l’interprétation elle-même, une pour la retransmission à
la radio. Normalement sont soumis au monopole de l’auteur le fait de diffuser des morceaux dans un magasin.
Comment fonctionne le droit de représentation en matière de télévision ? Parmi les modes de communication au
public existe la télévision classique par voie hertzienne (télédiffusion), la télévision par le câble, la télévision par
satellite… On a trois modes de communication de diffusion au public : télédiffusion, diffusion et distribution. Y’a-t-
il pour autant trois autorisations à obtenir de la part de l’auteur ? Cette théorie connait des exceptions. Tout
d’abord, une autorisation de l’auteur ne sera pas nécessaire si l’œuvre est diffusée en même temps par la voie
hertzienne et par la voie du câble. L’autorisation obtenue pour la voie hertzienne vaut pour le câble. Toutefois, il
faut pour que l’autorisation soit unique que la zone géographique de diffusion soit identique. Le CPI énonce que
« l’autorisation de télédiffuser une œuvre par voie hertzienne ne comprend pas la distribution par câble ou sa
télédiffusion à moins qu’elle ne soit faite en simultané et intégralement par l’organisme bénéficiaire de cette
autorisation et sans extension de la zone géographique contractuellement prévue ». En dehors de ce cas de
figure, il faudra deux autorisations distinctes, et il y aura deux redevances à payer.
Pour le satellite, une entreprise va émettre une émission télé vers le satellite qui va le renvoyer sur une autre
entreprise qui va la recevoir. L’émission et la réception valent pour un seul et même mode de diffusion.
Dans le cas des hôtels, la transmission des émissions de télévision a fait naître de nombreux litiges. Ceux-ci
opposaient les hôteliers aux entreprises de télévision qui agissaient en tant que cessionnaires des droits des
auteurs. Il s’agissait de savoir si la diffusion des émissions de télévision devait être considérée comme un mode
de représentation autonome, distinct de l’émission. Pour la télévision reçue chez les particuliers, l’émission
entraine une redevance, mais pas la réception. La chambre d’hôtel est elle assimilable au domicile du particulier
(l’émission donne droit à redevance, mais pas la réception). Dans l’affaire Novotel, la CA de Paris avait considéré
que la société Novotel, qui offrait à la clientèle de son hôtel la possibilité de capter dans les chambres les
programmes de télévision diffusés par CNN, ne devait pas être assujettie aux obligations découlant du droit
d’auteur. Elle considérait en effet qu’il n’y avait aucune retransmission nouvelle et autonome des émissions de
CNN. De plus, la CA considérait que la chambre d’hôtel était un lieu exclusivement privé, qui n’était pas
assimilable à un lieu accessible au public. La Cour de Cassation casse cet arrêt ; selon elle, l’ensemble des
clients de l’hôtel, bien que chacun occupe à titre privé une chambre individuelle, constitue un public à qui la
direction de l’établissement transmet les programmes de télévision dans l’exercice et pour les besoins de son
commerce et que cette communication constitue bien une représentation des œuvres télévisuelles. Ainsi, dans
les chambres d’hôtels, il faut payer une redevance pour l’émission et pour la réception.
III/ LE DROIT DE SUITE
Les auteurs des arts graphiques et plastiques et seulement ceux-là, disposent depuis une loi de 1920 du droit de
percevoir un pourcentage sur le prix de revente de leur œuvre. Ce droit de suite ne porte pas sur l’utilisation de
l’œuvre ; il s’agit d’un droit lié uniquement à la revente. Ainsi, il s’applique uniquement à l’objet matériel.
Les artistes qui ne sont pas encore connus sont souvent contraints de vendre leur œuvre pour vivre, et le font
souvent à un prix dérisoire. Une fois la célébrité acquise, l’objet prend une valeur bien supérieure. Le droit de
suite est fondé sur des considérations d’équité ; l’idée est de permettre à l’artiste de profiter de son travail. Selon
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le CPI, « les auteurs d’œuvres graphiques et plastiques bénéficient d’un droit de suite qui est un droit inaliénable
de participation aux produits de toute vente d’une œuvre après la première cession opérée par l’auteur
lorsqu’intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art. Ce droit ne
s’applique pas lorsque le vendeur a acquis l’œuvre directement de l’auteur moins de trois ans avant cette date. Il
n’y a pas non plus droit de suite lorsque le prix de vente ne dépasse pas 10 000€.
Le droit de suite est donc un droit purement virtuel, suspendu à la condition de revente de l’œuvre, uniquement
par l’acquéreur initial. Il est limité à l’œuvre originale, c'est-à-dire celle émanant de la main de l’artiste. D’après la
jurisprudence, le droit de suite s’applique autant de fois qu’il y a d’originaux.
La revente droit être faite par un professionnel du marché de l’art pour que le droit de suite soit effectif. Ainsi,
cette vente doit avoir lieu soit au cours d’enchères publiques (le professionnel est le commissaire-priseur), soit
par un commerçant professionnel du marché de l’art (dans une galerie d’art).
Avant le décret du 9 mai 2007, le tarif perçu par l’auteur était fixé à 3% du prix de vente de l’objet. Aujourd’hui, si
le prix de vente est inférieur à 750€, il n’y a pas droit de suite. Pour les ventes d’un montant inférieur ou égal à
50 000€, le pourcentage est de 4%. Pour les ventes entre 50 000€ et 500 000€, le taux varie entre 4 et 0,25%.
Dans tous les cas, le montant du droit de suite ne pourra pas excéder 12 500€.
IV/ LE DROIT DE DESTINATION
Le droit de destination est le droit qu’à l’auteur de contrôler les modes d’exploitation de son œuvre. Chaque mode
d’exploitation d’une œuvre doit être accompagné d’une autorisation, celle-ci devant être suivie d’une redevance.
Ce droit de destination permet à l’auteur de conserver le contrôle de son œuvre, et de s’opposer à certaines
formes d’utilisation secondaire. Par exemple, l’auteur, en vertu de son droit de destination, peut s’opposer à la
diffusion dans un grand magasin d’affiches qu’il avait autorisées pour la promotion d’un film.
La conséquence de ce droit est que lorsqu’un contrat comporte une cession du droit de représentation ou du droit
de reproduction, la portée de ce contrat va être limitée aux modes d’exploitation prévus par le contrat.
En ce qui concerne les livres, lorsqu’une œuvre a fait l’objet d’un contrat d’édition, soit pour sa publication, soit
pour sa diffusion, soit pour les deux, sous forme de livre, l’auteur ne peut pas s’opposer au prêt d’exemplaires
dans une bibliothèque accueillant du public. Il y a ici une sorte de « licence légale », c'est-à-dire une exploitation
de l’œuvre sans autorisation de l’auteur.
PARAGRAPHE 2 Ŕ LES EXCEPTIONS LEGALES AU DROIT D’AUTEUR
L’auteur n’a pas un droit totalement absolu.
Le monopole (droit de percevoir une redevance) peut disparaitre dans certaines hypothèses. Celles-ci sont
d’interprétation stricte, et sont énumérées par la loi de manière limitative.
-Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut pas interdire les représentations privées et gratuites qui sont
effectuées dans le cercle de famille. Le cercle de famille est constitué par la famille proche, les amis proches… et
toutes les personnes qui entretiennent des relations sociales habituelles. On sort du cercle de famille lorsqu’il y a
réunion des membres d’une association. La représentation doit également être gratuite : les proches ne paient
aucun frais pour cette représentation.
-Les copies ou les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une
utilisation collective constituent une autre exception. Pour que cela fonctionne, il faut que plusieurs conditions
soient réunies : la copie doit être effectuée par l’utilisateur et non par un tiers (le copiste est en principe la
personne qui a la possession du matériel de copie), la copie doit être destinée à un usage privé et individuel et
non professionnel et collectif (la copie sera donc illicite si elle est utilisée collectivement, même si le copiste l’a
copié personnellement). Ainsi, les échanges de fichiers musicaux sur Internet posent une grande difficulté,
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puisqu’il y a partage et donc pas usage privé. Pour pallier à l’absence de redevance dans le cadre du peer-to-
peer, diverses compensations sont mises en place : taxe sur les DVD par ex.
-L’auteur ne peut pas interdire, à la condition que son nom et que la source soit clairement indiqués les courtes
citations de son œuvre lorsque celles-ci sont justifiées par le caractère critique, pédagogique ou d’information de
l’œuvre. La citation doit être courte ; elle ne doit pas prendre le pas sur le contenu principal de l’œuvre qui cite
mais être l’accessoire de l’œuvre citante. Ces citations forment une œuvre composite, mais grâce à l’exception,
l’auteur de l’œuvre composite n’aura pas d’autorisation à demander à l’auteur de l’œuvre citée. En général, ces
citations doivent avoir un but particulier pour que l’on puisse accorder cette exception. Cette exception repose sur
le principe de la libre expression.
-L’auteur ne peut pas interdire les analyses et les revues de presse. Les analyses sont de courts exposés qui
relatent une œuvre et qui donnent un avis sur celle-ci. Elles sont bien souvent constituées d’un résumé de cette
œuvre. Une analyse est une critique : critique de spectacle par ex. Cela ne concerne que les analyses qui portent
sur les œuvres littéraires et audiovisuelles. L’analyse en elle-même est protégée par le droit d’auteur.
Les revues de presse sont des comptes-rendus d’articles parus dans les journaux, il ne s’agit pas d’une simple
compilation : elles font apparaitre différents points de vue sur un même sujet. Le fondement qui permet de se
passer de l’autorisation de l’auteur est celui de la liberté d’information et d’expression.
PARAGRAPHE 3 Ŕ LA DEVOLUTION SUCCESSORALE DES DROITS PATRIMONIAUX DE L’AUTEUR
Contrairement à la propriété de droit commun, la propriété littéraire et artistique est temporaire. Les droits
patrimoniaux durent toute la vie de l’auteur, et soixante dix ans après sa mort. Lorsque l’œuvre est une œuvre de
collaboration, on tient compte de la mort du dernier vivant des collaborateurs. Pour les œuvres collectives,
divulguées sous pseudonyme et anonymes, le point de départ du délai de protection correspond au 1er janvier de
l’année civile qui suit la publication de l’œuvre. Si l’auteur décide de lever l’anonymat, le droit s’éteint
effectivement 70 ans après sa mort. La dévolution des droits patrimoniaux obéit aux règles de droit commun.
Toutefois, le conjoint survivant bénéficie d’un usufruit spécial.
CHAPITRE 4 Ŕ L’EXPLOITATION DES DROITS DE L’AUTEUR
En pratique, l’auteur le plus souvent exploite ses droits en recherchant des partenaires à qui il va consentir une
cession. Il passe donc des contrats à titre onéreux, lesquels vont lui conférer une créance (ici, créance de
redevance) qu’il va avoir envers son cocontractant. L’auteur cède un ou plusieurs de ses droits ou cède
l’autorisation d’utiliser une ou plusieurs de ses œuvres. Ces contrats d’exploitation sont des contrats civils
spéciaux pour l’auteur, et des contrats commerciaux spéciaux pour le cocontractant. En réalité, dans l’essentiel
des cas, c’est le droit commun des contrats qui s’applique. Le CPI prévoit quelques dispositions particulières ; en
matière de droits intellectuels existent des règles spéciales, qui dérogent aux règles générales.
L’auteur cède ses droits à la fois grâce au contrat d’édition et au contrat de représentation. Ils ont des règles
communes, et des règles particulières.
SECTION 1 Ŕ LES REGLES COMMUNES A TOUS LES CONTRATS
Les contrats de représentation et les contrats d’édition doivent être constatés par écrit. Cela vaut même si le
contrat est fait à titre gratuit. L’écrit peut être remplacé par une télécopie ou par un moyen plus moderne. La
sanction de cette règle de l’écrit n’est pas précisée ; ainsi, la jurisprudence la considère comme une règle de
preuve. En l’absence d’un écrit, le recours au témoignage serait exclu.
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Sur le fond, le consentement personnel et donné par l’auteur est obligatoire. Cette règle est posée pour le contrat
d’édition, mais en pratique on l’applique à tous les contrats d’exploitation du droit d’auteur.
L’auteur va devoir également préciser si la cession porte sur le droit de représentation, ou sur le droit de
reproduction, ou sur les deux. L’auteur va devoir préciser également l’étendue de la cession (pour un livre de
poche, pour un livre relié…) ; il devra aussi préciser les territoires sur lesquels va s’appliquer la cession : vaut-elle
pour une région, pour le pays entier ? Il devra enfin préciser la durée de la cession.
Il peut s’agir d’une véritable cession, définitive : l’auteur vend ses droits ; sinon, il consent une licence
d’exploitation.
Le prix de la cession prend en principe la forme d’une rémunération, qui est proportionnelle au prix de vente au
public des exemplaires de l’œuvre. Cela est notamment le cas en matière d’édition. Il peut également s’agir d’un
pourcentage des recettes d’exploitation de l’œuvre, dans le cadre d’un contrat de représentation. Cette
rémunération n’est possible que si le cocontractant a l’obligation d’exploiter l’œuvre. Sinon, il s’agirait d’une
obligation purement potestative.
Par exception, la rémunération peut être forfaitaire. Ce sera notamment le cas lorsqu’il est impossible de
déterminer en pratique une base de calcul pour arriver à une participation proportionnelle. Le prix sera également
forfaitaire lorsque les frais des opérations de calcul risquent d’être hors de proportion ou bien plus couteux que le
résultat attendu. Dans le cadre du forfait, l’auteur dispose d’une révision en cas de lésion de plus de 7/12ème.
En principe, la cession globale des œuvres futures est nulle. Il s’agit ici de protéger l’auteur ; la nullité est donc
relative. Selon le texte, seules les cessions de la totalité des droits sur l’ensemble des œuvres futures sont
interdites. En pratique, on va plus loin : on considère que la prohibition doit s’appliquer à partir du moment où la
cession porte sur tout ou partie des droits d’auteurs, pour plus d’une œuvre future. Il y a des exceptions à ce
principe : *un auteur, par exception, a le droit d’accorder à un éditeur un droit de préférence pour l’édition de 5
œuvres futures portant sur un genre « nettement déterminé ». L’intérêt pour l’éditeur est de garder sous le coude
les débutants dont il a repéré qu’ils avaient un certain potentiel et dont il édite la première œuvre. Le droit de
préférence permet de protéger les éditeurs qui font confiance à un auteur. *La seconde exception concerne
l’entrepreneur de spectacle, qui peut conclure avec une société d’auteurs un contrat général de représentation.
Ce contrat est celui par lequel un organisme professionnel d’auteur va conférer à l’entrepreneur de spectacles la
faculté de représenter pendant la durée du contrat les œuvres actuelles ou futures du répertoire de cet
organisme d’auteur.
SECTION 2 Ŕ LE CONTRAT D’EDITION
Le contrat d’édition est celui par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit ou ses ayants-droits cède à des conditions
déterminées le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’œuvre à un éditeur, à
charge pour ce dernier d’en assurer la publication et la diffusion. Le contrat d’édition est un contrat de
participation, où l’auteur et l’éditeur mettent des choses en commun. L’auteur apporte le produit de son talent
littéraire, et l’éditeur apporte les capitaux, son potentiel commercial, dans le but de publier et de vendre l’œuvre.
Deux éléments essentiels doivent être réunis pour qu’il y ait contrat d’édition : il faut la cession du droit de
reproduction de l’œuvre et l’obligation faite à l’éditeur de publier et d’exploiter l’œuvre. Le contrat d’édition met à
la charge de l’auteur diverses obligations. La première est de mettre l’éditeur en mesure de fabriquer et de
diffuser l’œuvre. Pour cela, la première des obligations est de remettre à l’éditeur l’objet de l’édition, à savoir
l’œuvre, dans le délai prévu au contrat. La deuxième obligation de l’auteur est de remettre l’objet du contrat dans
une forme qui permette une fabrication normale (pas un manuscrit rédigé au brouillon par ex.).
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L’auteur doit également garantir à l’éditeur l’exercice paisible et exclusif du droit cédé. Il est donc tenu de faire
respecter son droit exclusif et de le défendre contre toute atteinte qui pourrait lui être porté. Peut-on être soi
même auteur et victime d’une contrefaçon sur une même œuvre ? En d’autres termes, peut-on se plagier soi
même ? Oui, on peut le faire si on a cédé ses droits à un éditeur.
En contrepartie, l’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie, et une diffusion
commerciale, et cela conformément aux usages de la profession. L’éditeur doit faire une publicité suffisante ; il va
devoir gérer les stocks, et procéder éventuellement à un nouveau tirage. Ici, l’éditeur s’engage à exploiter
l’œuvre.
L’éditeur doit également réaliser cette édition dans un délai fixé par les usages de la profession. Ici, la
jurisprudence et la doctrine voit dans cette obligation une obligation de moyen renforcée. Il est donc en faute s’il
n’exploite pas ou presque pas l’œuvre.
SECTION 3 Ŕ LE CONTRAT DE REPRESENTATION
C’est le contrat par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit autorise une personne physique et une personne
morale à représenter cette œuvre dans des conditions déterminées. En matière de contrat de représentation, le
cocontractant de l’auteur n’a pas d’obligation d’exploiter l’œuvre.
Le prix peut-il correspondre à un pourcentage des recettes alors même que le cocontractant n’a pas l’obligation
d’exploiter ? En matière de contrat de représentation, mieux vaut prévoir un minimum garanti.
Le contrat de représentation va être conclu pour une durée déterminée ou pour un nombre de représentation
déterminé. L’entrepreneur de spectacles est tenu de déclarer à l’auteur le programme exact des représentations
et il doit lui fournir un état justifié des recettes. Il doit garantir à l’auteur le respect de ses intérêts intellectuels et
moraux ; il doit respecter le droit moral de l’auteur.
CHAPITRE 5 Ŕ LA PROTECTION DU DROIT DE L’AUTEUR
SECTION 1 Ŕ L’ACTION EN CONTREFACON
L’infraction essentielle à l’encontre du droit d’auteur est la contrefaçon (ou plagiat), c'est-à-dire l’utilisation d’une
œuvre protégée sans autorisation. Selon le CPI la contrefaçon est définie comme étant : « toute édition d’écrit,
de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production imprimée ou gravée en
entier ou en partie au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs est une
contrefaçon, et toute contrefaçon est un délit. Est également un délit de contrefaçon toute reproduction,
représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des
droits de l’auteur ».
Qui peut agir ? Le premier susceptible d’agir en contrefaçon est l’auteur. Le cessionnaire peut aussi agir en
contrefaçon. L’action en contrefaçon est souvent précédée d’une action particulière, qui n’est pas obligatoire mais
vivement recommandée : c’est l’action spéciale de saisie-contrefaçon. Cette saisie n’est pas réelle, pleine et
entière : on ne prend pas le stock de produits contrefaits. Le but est de faciliter les éventuelles saisies réelles,
pour éviter tout risque de fuite : c’est une action de prévention. Elle est souvent faite par un commissaire de
police ou par un juge d’instance et est préventive : on ne sait pas encore s’il y a contrefaçon. Le commissaire de
police n’a aucun pouvoir d’appréciation : il se contente de vérifier que le demandeur de la saisie est bien l’auteur
de l’œuvre.
Une fois que la saisie contrefaçon a été réalisée, le saisissant va devoir saisir la juridiction compétente pour son
cas dans un bref délai, sinon le saisi pourra demander au président du TGI une mainlevée de la saisie
contrefaçon. L’auteur peut également, sur demande écrite, demander aux douanes de retenir les marchandises
qu’il soupçonne de contrefaçon. Cette saisie retenue a pour but de rassembler les preuves de contrefaçon. Pour
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être constituée en tant que délit pénal, la contrefaçon doit comporter un élément matériel (l’exploitation d’une
œuvre sans autorisation) et un élément moral.
La contrefaçon est constituée par la reproduction totale ou partielle de l’œuvre, que cette reproduction soit directe
ou par le biais d’une adaptation, sans autorisation. En matière de contrefaçon, la preuve est libre ; elle peut par
exemple être faite par la constatation de personnes assermentées. Pour savoir s’il y a ou non contrefaçon, tout
est question d’appréciation. En effet, le juge, pour apprécier s’il y a ou non contrefaçon, doit se fonder sur une
ressemblance, et non sur les différences. En matière musicale par exemple, il y a contrefaçon lors qu’à l’audition
des enregistrements superposés de deux œuvres, les deux chansons sont si faibles que l’on a l’impression
d’entendre la même personne. En droit civil, l’infraction est commise indépendamment de toute faute ou de
mauvaise foi. En droit pénal, l’élément moral doit exister. En matière de contrefaçon, il est présumé. Autrement
dit, l’intention coupable va être établie dès que la matérialité des faits sera établie. L’action peut être initiée par le
ministère public mais c’est rare. Il s’agit toutefois d’une présomption simple.
SECTION 2 Ŕ LES SANCTIONS
Elles ont été renforcées récemment. La contrefaçon est punie de 5 ans d’emprisonnement et 500 000 euros
d’amende. Le Tribunal va pouvoir également procéder à la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement
qui aura servi à commettre l’infraction. Il pourra également confisquer tout ou une partie des recettes procurées
par l’infraction. Il pourra également prononcer la confiscation des exemplaires contrefaisants, mais également du
matériel qui aura servi à l’infraction. Il pourra également, aux frais du condamné, ordonner l’affichage du
jugement, mais également sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux. Les personnes condamnées
pourront également être obligées à leur frais de retirer des circuits commerciaux l’objet contrefaisant.
Concernant les sanctions civiles, la réparation du préjudice se fait par dommages-intérêts. Pour les fixer, la
juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, et notamment le manque à gagner
subi par la partie lésée. Elle prend également en considération les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte au
droit auquel on ajoute des dommages-intérêts pour préjudice moral de l’auteur. Par dérogation, et sur demande
de la partie lésée, la juridiction peut allouer à titre de dommages-intérêts une somme forfaitaire qui correspond au
montant des redevances qui aurait été dues si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit.
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TITRE 2 Ŕ LES DROITS VOISINS DU DROIT D’AUTEUR
Dans cette catégorie, on distingue les droits des artistes interprètes, qui sont fortement apparentés au droit
d’auteur, et à côté, les droits des producteurs de phonogrammes, les producteurs de vidéogrammes, et les
entreprises de communication audiovisuelle.
Ces droits voisins sont des prérogatives accordées à des personnes qui ne sont pas créatrices d’une œuvre de
l’esprit, mais qui vivent dans le voisinage de la création. Dans le domaine de la musique, il s’agit des musiciens,
des chanteurs, des producteurs de disques, des télévisions… Toutes ces personnes contribuent à la
communication de l’œuvre musicale au public. Les premiers interprètent l’œuvre, les producteurs l’enregistrent,
et les télévisions et les radios la diffusent. Dans le domaine du spectacle, il s’agit des danseurs, comédiens, etc…
Ces droits voisins sont-ils comparables au droit d’auteur ? En réalité, le droit d’auteur jouit d’une supériorité par
rapport au droit d’auteur. Selon le CPI, « Les droits voisins ne portent pas atteinte au droit des auteurs ; en
conséquence, aucune disposition du présent titre ne doit être interprétée de manière à limiter l’exercice
du droit d’auteur par ses titulaires ». En cas de conflit entre les droits d’auteur et les droits voisins, c’est le droit
d’auteur qui l’emporte. Cette règle s’applique même en cas d’atteinte au droit moral de l’artiste interprète. Dans
cette hypothèse, le droit moral de l’artiste interprète s’efface par rapport au droit patrimonial de l’auteur ? Seuls
les artistes interprètes disposent d’un droit moral. Les autres titulaires de droit voisin bénéficient simplement d’un
droit patrimonial. En effet, toutes ces personnes ont une activité plus industrielle qu’intellectuelle.
CHAPITRE 1 Ŕ LE DROIT DES ARTISTES INTERPRETES
Selon le CPI, « à l’exclusion de l’artiste de complément, considéré comme tel par les usages professionnels,
l’artiste interprète ou exécutant est la personne qui représente, chante, récite, déclame ou exécute de toute autre
manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variété, de cirque ou de marionnettes ». L’artiste
interprète jouit d’un droit de propriété intellectuel sur son interprétation. Le CPI parle à la fois d’interprétation et de
prestation. Il est évident que l’interprétation (en matière musicale) de l’artiste ne se limite pas à sa prestation à un
concert. Autrement dit, avant d’interpréter l’œuvre en public, le musicien doit exécuter un travail de préparation,
au cours duquel il va concevoir sa propre interprétation. Il va en quelque sorte devenir un créateur. Ainsi, le
musicien devient auteur. Cette interprétation se compose d’une première phase qui est celle de la conception,
puis d’une deuxième phase d’exécution. Dans certains cas, il est difficile de définir si l’artiste interprète purement
et simplement ou s’il interprète en créant. En résumé, l’interprétation est à la fois la restitution de l’œuvre, tel que
l’auteur l’a conçu, mais aussi la conception qu’a l’interprète de l’œuvre.
L’artiste interprète est celui qui chante par contre l’artiste de complément n’a pas de droit. L’artiste de
complément, dans une première approche, est le figurant, c'est-à-dire l’artiste dont le texte ne dépasse pas 13
lignes. Dans un arrêt de 1993, la CA a donné quelques éléments permettant de distinguer l’artiste interprète de
l’artiste de complément. Pour la Cour, l’artiste de complément est celui dont le rôle est complémentaire,
accessoire, autrement dit dont la personnalité ne transparait pas dans sa prestation ; c’est donc celui qui est
interchangeable et non identifiable. La Cour de Cassation n’a pas suivi cette analyse : selon elle, le critère à
retenir est celui de l’originalité de la contribution de l’artiste. Si la contribution est originale, c’est un artiste
interprète, sinon, c’est un artiste de complément. Le problème est que le CPI ne mentionne pas cette condition ;
de plus, ce critère apparait comme fragile : on peut imaginer que chaque artiste a une personnalité différente et
que toute interprétation est donc originale. Selon la CA de Paris, l’artiste de complément est le mannequin : il ne
jour aucun rôle, se contente juste d’une vague présentation. Suivant cette idée, les personnes filmées dans leur
vie quotidienne ne sont pas des artistes interprètes, mais des artistes de complément.
DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE 2012/2013
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Enfin, pour qu’il y ait interprétation, il faut qu’il y ait une œuvre : les sportifs ne sont donc pas artistes interprètes.
Dans le même sens un technicien ou un caméraman ne se verra pas reconnaître cette qualité d’artiste interprète
car il n’est pas directement au service de l’œuvre.
Quels sont les droits de l’artiste interprète ? Les droits des artistes interprètes se composent d’un droit moral (1)
et d’un droit patrimonial (2).
1- Le droit moral sert à protéger sa réputation artistique, soit directement grâce au droit au respect de son nom, soit
indirectement en lui permettant de ne pas divulguer sa prestation.
2- Au niveau patrimonial, l’artiste interprète a la possibilité d’exploiter les enregistrements de ses prestations. La
prestation en public de l’artiste interprète se fait contre une rémunération, qui relève du droit du travail : c’est un
salaire. L’interprétation permet un profit pécuniaire une fois fixée ; cette utilisation seule relève des droits voisins.
La communication au public de l’interprétation de l’artiste interprète est soumise à son autorisation. En effet,
selon le CPI, « sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste interprète la fixation de sa prestation, sa
reproduction, et sa communication au public. Est également soumise à l’autorisation de l’artiste interprète toute
utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque cette prestation est fixée à la fois pour le son et
pour l’image ».
Comme pour l’auteur, le droit de l’artiste interprète connait certaines limites :
-en matière audiovisuelle, le simple fait de signer un contrat avec un producteur pour la réalisation d’une œuvre
audiovisuelle emporte autorisation de la part de l’artiste interprète de fixer, reproduire, et communiquer au public
sa prestation.
-les licences de phonogrammes : lorsqu’un disque est publié à des fins de commerce, les artistes interprètes
ne peuvent pas s’opposer à sa communication directe dans un lieu public à partir du moment où le
phonogramme n’est pas utilisé dans un spectacle. Ainsi, il ne peut pas s’opposer à ce que le disque passe à la
radio. En contrepartie de cette privation du droit d’autoriser les différentes utilisations faites de sa prestation,
l’artiste interprète a droit à une rémunération. Le barème de cette rémunération et les modalités de versement
sont établis grâce à des accords particuliers pour différentes branches d’activité. Cet accord est signé entre les
organisations représentatives des artistes interprètes, entre les producteurs et entre les personnes qui vont
utiliser le disque. Ce sont des sociétés de perception des droits des artistes interprètes qui vont être chargées de
reverser aux artistes interprètes leur rémunération. Ces sociétés le font en fonction de la diffusion de la prestation
de l’artiste interprète : soit la radio transmet son programme, soit des salariés de cette société écoutent les
programmes des radios et relèvent tous les titres diffusés. Pour cette raison, dans n’importe quelle manifestation
publique, l’artiste interprète a le droit à une rémunération. La durée des droits patrimoniaux de l’artiste interprète
est différente de celle du droit d’auteur : en effet, elle est fixée à 50 ans à compter du 1er janvier de l’année civile
suivant l’interprétation de l’artiste-interprète.
DEUXIEME PARTIE : LA PROPRIETE INDUSTRIELLE
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Le droit de la propriété industrielle est un droit jeune à l’échelle juridique. D’ailleurs, le Code Civil ne l’envisage
même pas, alors même qu’il consacre deux livres à la propriété. Il faut attendre le 18ème siècle pour que l’idée de
propriété industrielle commence à émerger. Celle-ci est née quelque peu fortuitement, en même temps que la
Révolution industrielle et l’avènement du libéralisme. Les droits de propriété industrielle ne se conçoivent que
dans des sociétés dont les systèmes économiques sont fondés sur la liberté d’entreprendre. Autrement dit, elle
n’aurait pu exister au Moyen-âge ou sous l’Ancien Régime où il n’y avait que des corporations.
Le premier texte français sur les brevets date de 1791. C’est à cette époque que pour la première fois on
constate une rupture avec le concept de privilège royal qui avait dominé le 16ème et le 17ème siècle. La loi du 7
janvier 1791 instaure un droit pour l’inventeur, lequel est rattaché à de la propriété. Le préambule de cette loi
rattache assez grossièrement la propriété intellectuelle à la propriété foncière. La loi de 1791 est remplacée en
1844 par une nouvelle loi, en raison de la Révolution industrielle et des nécessaires adaptations qu’elle induisait.
En effet, une plus importante protection était nécessaire pour permettre un important développement
économique.
Une loi de 1901 créé le premier organisme chargé des brevets (l’Office National de la Propriété Industrielle). A
cette même époque apparait le droit des dessins et modèles. Finalement, au siècle dernier, l’invention était le
fruit d’un chercheur isolé et devient au fil du temps le fruit de recherches collectives et couteuses, qui supposent
des moyens financiers, en personnels, en matériel… Cet état de fait va favoriser le rôle de plus en plus important
des structures publiques pour l’organisation et le financement de la recherche. Ainsi, au sein d’une économie
libérale, le droit de propriété industrielle permet à stimuler l’innovation technique et permet de récompenser le
créateur des efforts qu’il a fournis en lui assurant un monopole temporaire d’exploitation sur son invention (le
brevet) et en lui permettant d’individualiser ses produits ou ses services (la marque). Ainsi la propriété industrielle
va être vue comme un instrument d’incitation à l’innovation technologique et au développement social. Le droit de
propriété industrielle consiste ce sont des droits temporaires accordés par l’Etat et qui permettent à la fois la
protection des créations industrielles mais également la protection des signes de reconnaissance (ou signes
distinctifs).
TITRE 1 Ŕ LA PROTECTION DES CREATIONS INDUSTRIELLES
Les créations industrielles sont diverses. Il peut s’agir d’une technique nouvelle ou d’un produit nouveau. Un
moyen nouveau, un procédé nouveau. C’est ce qu’on appelle une invention. Il s’agit alors d’une invention
protégée par un brevet. Il peut s’agir d’un autre type d’invention, qui se situe dans la forme d’un produit, dans son
design… il s’agit alors d’un dessin ou d’un modèle.
CHAPITRE 1 Ŕ LE BREVET
Le brevet d’invention est un titre délivré par l’Etat à la demande du détenteur d’une création industrielle. Ce
brevet confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation de la création qui va être protégée. Pour se voir
reconnaître ce droit, le créateur va d’abord devoir accéder à la protection que lui confère ce brevet.
SECTION 1 Ŕ L’ACCES A LA PROTECTION
L’inventeur est bien un créateur comme l’auteur mais contrairement à l’auteur il ne jouit pas d’un droit sur son
invention du seul fait de sa création. Contrairement à l’auteur, le créateur va devoir demander à l’INPI un titre, car
son invention n’emporte en elle-même aucun droit, tandis que l’œuvre littéraire si. L’invention ouvre tout de
même le droit de demander le titre à l’INPI. Cela signifie que l’accès à la protection suppose :
-que l’invention soit brevetable ;
-d’obtenir le titre de brevet.
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PARAGRAPHE 1 Ŕ LES CRITERES DE LA BREVETABILITE
Dans l’intérêt général, le législateur a posé un ensemble de conditions de brevetabilité. En effet, pour que lui soit
octroyé ce monopole d’exploitation, l’inventeur doit présenter une invention, une innovation qui va devoir remplir
certaines conditions. Cette innovation doit enrichir l’état de la technique. Mais certaines inventions sont exclues
de la brevetabilité.
I/ LES CREATIONS EXCLUES DE LA PROTECTION PAR LE BREVET
Le CPI dit : « Ne sont pas brevetables les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à la
dignité de la personne humaine, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Cette contrariété ne pouvant
résulter du seul fait que cette exploitation est interdite par une disposition législative ou réglementaire ».
Ce qu’il faut comprendre de ce texte est que la contrariété à l’ordre public ou aux bonnes mœurs n’est pas le seul
fondement ; autrement dit, cette contrariété ne peut pas simplement être fondée sur une interdiction
réglementaire. Il est donc possible de breveter une invention, même si son utilisation est interdite. C’est la raison
pour laquelle la jurisprudence a par exemple refusé d’annuler un brevet qui portait sur un système d’accrochage
de remorque et qui était pourtant contraire à la législation du Code de la Route.
Ne sont pas non plus brevetables les inventions du domaine du vivant. Ni la loi de 1944 ni celle de 1968 ne se
sont occupées de la brevetabilité des matières vivantes. Selon l’article L.611-18 du CPI issu de la loi du 6 aout
2004, « le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la
simple découverte de ses éléments, y compris la séquence totale ou partielle d’un gène, ne peuvent
constituer des inventions brevetables ». Ainsi, ne sont pas brevetable les procédés de clonage humain, les
procédés de modification de l’identité génétique de l’être humain, ou encore l’utilisation des embryons humains à
des fins industrielles et commerciales. Ne sont pas non plus brevetables ni les races animales, ni les variétés
végétales, ni les procédés biologiques pour l’obtention de végétaux ou d’animaux, ni les procédés de
modification de l’identité génétique des animaux si cela est de nature à provoquer chez ces animaux des
souffrances sans utilité substantielle pour l’homme.
II/ LES CREATIONS ADMISES A LA PROTECTION PAR LE BREVET
Sont brevetables les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptible d’une application
industrielle.
A/ LES CREATIONS QUALIFIES D’INVENTION
Seules les créations qualifiées d’invention peuvent être brevetées. Les inventions sont des créations de
l’intelligence qui aboutissent à un résultat technique concret. Autrement dit, s’il n’y a pas création, il n’y a pas
invention. Une création qui ne peut être appliquée n’est pas non plus une invention. Selon le professeur
Mousseron, « l’invention est une solution technique apportée à un problème technique grâce à des
moyens techniques susceptibles de répétition ». Autrement dit une simple idée technique ne suffit pas à
constituer une invention qui sera l’objet d’un brevet.
Il faut noter que le législateur ne définit ni la notion d’invention, ni même celle d’innovation. Il se contente
d’énoncer dans une liste non limitative les créations qui ne sont pas des innovations. Ainsi ne sont pas des
innovations :
-les découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques ;
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-les créations esthétiques ;
-les plans, les principes et les méthodes dans l’exercice d’activité intellectuelle en matière de jeu, ou dans le
domaine des activités économiques ;
-les programmes d’ordinateur et les présentations d’information.
Découvrir n’est pas inventer car le produit existait déjà. Ce n’est donc pas le produit de l’auteur. Les découvertes
scientifiques aussi ne sont pas brevetables, car il ne s’agit pas de création. Par contre, si la découverte d’un
champignon permet la mise au point d’un produit, il est possible de demander un brevet. Les théories
scientifiques ne sont pas non plus brevetables, puisqu’il ne s’agit pas d’invention, car une théorie scientifique
n’est pas concrétisée : ce n’est pas une invention.
Les créations esthétiques sont en revanche des créations concrétisées, mais qui poursuivent un but esthétique.
Par contre, si l’objet est à la fois technique et esthétique et que les deux aspects sont séparables (l’esthétique ne
doit rien à la technique et inversement), on pourra breveter l’objet et protéger l’objet sur la base des dessins et
modèles. Si les deux ne sont pas séparables, seule la protection par le brevet sera possible. Les plans, les
principes et les méthodes ne sont pas brevetables car très abstraits. De plus, il n’y a pas vraiment de caractère
technique. Les programmes d’ordinateur ne sont pas brevetables car ils font appel à des logiciels, et que ceux-ci
disposent d’une protection particulière (droit d’auteur).
Enfin, la présentation d’information se limite souvent à une simple idée ; ce sont généralement des œuvres de
l’esprit là encore protégées par le droit d’auteur. Ainsi, pour être qualifié d’invention la création doit être technique
et non esthétique et concrétisée.
B/ LES INVENTIONS DOIVENT ETRE NOUVELLES
Une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique. L’état de la
technique, selon le CPI, est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la
demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Cela veut dire que la
divulgation va constituer « l’antériorité destructrice de la nouveauté ». Dans quelles circonstances la divulgation
va-telle entrainer la destruction de cette nouveauté ? L’auteur de la divulgation peut être n’importe qui, y compris
l’inventeur lui-même. Tant que la connaissance de l’invention reste limitée au cercle des personnes tenues au
secret, on considère que l’invention n’est pas accessible au public. Le lieu de la divulgation est sans importance.
L’essentiel est qu’il soit possible de prendre connaissance de l’invention en France.
La divulgation de l’invention qui empêche l’attribution d’un brevet doit avoir lieu avant la demande de brevet. On
peut donc dire que la nouveauté s’apprécie en tout lieu et en tout temps. Le moyen de la divulgation est sans
importance. Autrement dit, la divulgation peut avoir lieu dans une revus scientifique, une photo, une
conversation… Par exemple, la jurisprudence a considéré qu’un inventeur ayant envoyé par fac à un sous-
traitant un schéma pour un dispositif ne pouvait voir son invention brevetée. En effet, le sous-traitant n’était pas
tenu au secret. Il est sans importance que l’information technique sur le nouveau procédé ait été effectivement
portée à la connaissance des tiers ; ce qui compte est que cette information ait été mise à leur disposition,
autrement dit qu’elle ait été tout simplement accessible. Pour détruire la nouveauté, l’information doit être
suffisamment complète pour qu’un homme du métier puisse la reproduire matériellement. Cela veut dire qu’une
publication trop vague, trop imprécise ne constituera sans doute pas une antériorité détruisant la nouveauté.
Pour que la divulgation soit destructrice de nouveauté, l’antériorité doit être certaine. Il faudra donc prouver son
existence et sa date. Le doute profitera au breveté en vertu du principe « foi est due au titre ». Il est à noter que
le dépôt d’une demande de brevet s’assimile à une divulgation. Ainsi, le simple dépôt d’une demande de brevet
qui ne sera pas encore publiée constitue une antériorité. L’invention est nouvelle si elle n’a pas encore été
rendue accessible au public ou s’il n’y a pas eu de demande déposée avant par un tiers.
Toutefois, il y a des exceptions. En effet, le CPI prévoit différents cas où l’accessibilité au public ne va pas être
une condition suffisante pour constituer une antériorité :
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-Pour apprécier la nouveauté de l’invention on ne prendra pas en considération une divulgation qui va résulter
directement ou indirectement d’un abus évident à l’égard de l’inventeur ou éventuellement de l’ayant droit. L’abus
consistera essentiellement dans la violation d’un devoir de confidentialité. Il faut que l’abus soit manifeste.
L’abusé devra déposer une demande de brevet dans les six mois de la divulgation. Si l’usurpateur a déjà déposé
une demande de brevet, ce dépôt vaudra divulgation mais le véritable inventeur pourra revendiquer son invention
au plus tard dans les trois ans suivant la délivrance.
-L’inventeur qui a souvent besoin d’argent doit pour trouver des financements divulguer son invention. Dans ce
cas, il est utile de prévoir une clause de confidentialité, écrite ou orale. La jurisprudence admet même que cette
clause de confidentialité puisse être implicite lorsque la communication est faite à des personnes qui sont « les
agents nécessaires des expériences ». Il n’y a en revanche pas de clause de confidentialité implicite lorsque la
présentation est faite à des clients. Dans le même sens, le non-respect d’une clause de confidentialité
n’empêchera pas la perte de la nouveauté si les essais sont faits sans aucune discrétion à l’égard des tiers.
-La divulgation ne sera pas non plus prise en considération pour l’appréciation de la nouveauté si cette
divulgation a lieu dans les six mois qui précèdent le dépôt de la demande ou si la divulgation résulte d’une
présentation dans une exposition officielle ou exposition officiellement reconnue dans la convention sur les
expositions internationales. Si l’exposition n’est pas officielle ou ne fait pas partie des expositions officiellement
reconnues par la convention sur les expositions internationales, l’exposition ne sera pas immunisante.
Pour bénéficier de cette immunité, il y a tout de même des conditions : il faut déclarer l’exposition lors du dépôt
de la demande de brevet et fournir une attestation délivrée au cours de cette exposition par l’autorité chargée de
la protection de la propriété intellectuelle. Cette attestation constatera que l’invention a bel et bien été exposée.
-L’accessibilité au public n’est pas une condition suffisante en matière d’invention à but thérapeutique. Ainsi, il est
possible de breveter une première application thérapeutique à partie d’une substance déjà connue. C’est une
nouveauté qui vient du droit communautaire.
C/ UNE INVENTION IMPLIQUANT UNE ACTIVITE INVENTIVE
Cette exigence légale peut être vue comme redondante car exiger une invention, c’est exiger une activité
inventive. Pourtant, la redondance n’est que partielle. Une invention impliquant une activité inventive rappelle que
sont exclues les simples découvertes et cela introduit l’idée de nouveauté. Une invention est considérée comme
impliquant une activité inventive si pour un homme du métier elle ne découle par d’une manière évidente de l’état
de la technique.
Cette condition d’activité inventive est sans aucun doute la plus difficile à remplir puisqu’il est difficile de
distinguer la nouveauté de l’invention et son caractère inventif, puisqu’une invention pourra être nouvelle, c'est-à-
dire ne pas se trouver dans l’état de la technique sans pour autant enrichir l’état de la technique.
Pour tenter de savoir si une invention est inventive, si elle implique une activité inventive, il va falloir observer
deux choses :
-les connaissances de l’homme du métier
-et apprécier la non-évidence de l’invention.
L’homme du métier sert de référence en matière de brevet. C’est un technicien moyen qui possède les aptitudes
et les connaissances générales normales dans un secteur considéré. Il sait où chercher les informations ; en
revanche, on n’attend pas de lui qu’il connaisse ou qu’il étudie al totalité de l’état de la technique. Son niveau
varie selon le niveau de l’invention. L’homme du métier n’est pas l’utilisateur de la chose ; en règle générale, c’st
un fabricant, un constructeur du secteur de l’invention. La difficulté est de déterminer le métier en question,
notamment lorsque l’invention en cause fait appel à des techniques différentes. Dans ce cas, le métier retenu est
celui dans lequel se pose le problème que l’invention résout.
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L’invention ne doit pas non plus découler de manière évidente de l’état de la technique. L’invention doit être non-
évidente. La notion de non-évidence est une notion très complexe, d’autant plus qu’elle n’est pas définie par la
loi.
Pour tenter d’approcher cette notion, on va se fonder sur des critères à la fois objectifs et subjectifs. L’approche
subjective suppose que l’on va analyser l’origine intellectuelle de l’invention. On cherche à savoir quel a été
l’effort créateur de l’inventeur. Ici, on prend en considération la démarche de l’homme du métier confronté au
problème résolu par l’invention. La jurisprudence utilise des critères plus objectifs. Elle regarde un certain nombre
d’indices. Parmi ces indices, on trouve :
-la durée nécessaire à la réalisation de l’invention : si la réalisation a pris des années, l’invention est non-
évidente ;
-les difficultés vaincues qui sont révélées par le temps qui s’est écoulé entre la découverte (par exemple d’un
produit) et son application ;
-le préjugé vaincu : tout le monde considérait l’invention comme impossible ;
-l’effet de surprise.
D/ UNE INVENTION SUSCEPTIBLE D’APPLICATION INDUSTRIELLE
Une invention est considérée comme susceptible d’application industrielle si son objet peut être fabriqué ou
utilisé dans tout genre d’industrie y compris l’agriculture. Il n’est pas nécessaire que le résultat industriel soit de
premier ordre ni même qu’il soit techniquement parfait. Il est même indifférent que l’invention ait un grand intérêt.
A partir du moment om l’invention peut être fabriquée dans l’industrie, la condition d’application industrielle est
remplie. La condition est remplie même si l’invention ne vaut pas la peine d’être exploitée, soit parce que son
coût de revient sera tellement considérable, soit parce qu’elle est déjà obsolète. Pour que la condition soit
remplie, il suffit qu’il y ait un résultat technique, c'est-à-dire que l’objet puisse être fabriqué ou utilisé.
E/ LES GENRES D’INVENTION BREVETABLES
Il faut savoir qu’avant la codification de 1992, la loi de 1968 autorisait le brevet sur toute invention portant
notamment sur un produit, un procédé, une application ou une combinaison de moyens. Autrement dit, le
législateur de 68 offrait une classification ; or celle-ci n’existe plus. Toutefois, elle permet de bien comprendre
quelles sont les inventions brevetables.
-les produits : un produit est un corps certain ayant une composition mécanique ou une structure chimique
particulière qui les distingue des autres corps. Parmi les produits brevetés, les rubik’s cube, la suspension
oléopneumatique, un désherbant sélectif.
-les procédés : ce sont en majorité des procédés de fabrication. Il faut distinguer du procédé du produit ; si le
produit n’est pas breveté, seule l’utilisation du procédé breveté sans l’autorisation de son titulaire sera une
contrefaçon.
-l’application nouvelle de moyens connus : c’est l’emploi d’un moyen connu pour obtenir un résultat industriel
auquel ce moyen n’avait pas encore servi. C’est par exemple le cas d’un antibiotique qui était connu, et qui,
additionné à un certain type d’aliment, a permis de favoriser la croissance des animaux.
Les brevets sur les médicaments sont autorisés depuis 1968. L’objectif était de stimuler la création de nouveaux
médicaments. Un médicament générique porte le nom de sa molécule. Ce sont donc des médicaments sans
marque qui ne sont donc pas brevetés, et par conséquent pas soumis au monopole de la propriété industrielle.
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-la combinaison nouvelle de moyens connus : cette combinaison peut aboutir à l’invention de nouveaux
produits. Dans ce cas là, l’inventeur pourra déposer un brevet sur le produit, et un brevet de combinaison. Selon
la jurisprudence, il y a combinaison de moyens et non simple juxtaposition lorsque le nouvel ensemble a une
fonction propre qui se caractérise par la production d’un effet technique distinct de la somme des effets
techniques de ses composants.
PARAGRAPHE 2 Ŕ L’OBTENTION DU TITRE DE BREVET
Le monopole nécessite une demande devant l’autorité publique qui délivre le brevet : l’INPI. En général, le droit
au brevet appartient au premier déposant.
A/ LE CAS GENERAL
« Premier arrivé, premier servi ». Autrement dit, le droit au brevet appartient en règle générale à l’inventeur ou à
son ayant-cause. Le premier déposant est ici présumé être l’inventeur. Si le premier déposant est bien
l’inventeur, il n’y a pas de difficulté. Par le jeu de cette présomption, lors de la procédure devant le directeur de
l’INPI, le demandeur est réputé avoir droit au titre de propriété. Cela signifie que la procédure de délivrance d’un
brevet ne comporte aucune vérification de la qualité d’inventeur.
Le problème se pose lorsque la titularité a été soustraite à l’inventeur. C’est le cas d’usurpation d’invention. Dans
ce cas, l’inventeur pourra engager une action en revendication contre le déposant. Si le contrefacteur est de
mauvaise foi, l’inventeur pourra revendiquer le brevet au plus tard trois ans après l’expiration du brevet. L’intérêt
est que la revendication a pour effet de substituer le demandeur à l’action au défendeur. Ainsi, le véritable
inventeur va devenir titulaire du brevet de manière rétroactive. L’inventeur retrouve ses droits depuis le début.
Les choses peuvent se compliquer quand plusieurs personnes revendiquent un brevet sur une même invention,
et cela indépendamment les unes des autres, et si ces personnes sont toutes honnêtes. La première personne
qui déposera la demande sera titulaire des droits. Pour ne pas se montrer trop injuste, la loi accorde à celui qui a
déposé le dernier, la possibilité d’exploiter l’invention en même temps que le titulaire du brevet sans prendre le
risque d’être qualifié de contrefacteur.
B/ LE CAS PARTICULIER DES INVENTIONS DE SALARIES
Aujourd’hui, la très grande majorité des inventions sont réalisées par des salariés. Il existe donc un régime
spécial pour les inventions de salariés qui s’applique à défaut de stipulation contractuelle plus favorable. En
matière d’invention de salariés, il faut distinguer entre trois types d’inventions :
-les inventions de missions. Elles appartiennent ab initio à l’employeur car il s’agit d’inventions réalisées par le
salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. Ce contrat de travail comporte une mission
inventive, et l’invention en question correspond aux fonctions effectives d’étude et de recherche explicitement
confiées au salarié. Par conséquent, la mission inventive pourra être générale, spéciale ou ponctuelle. Cette
mission inventive ne résulte donc pas forcément d’une clause expresse. L’employeur devra donc prouver par
tous moyens le rôle du salarié, et surtout l’existence de la fameuse mission inventive. En contrepartie de son
invention, l’inventeur salarié aura droit à un complément de salaire qui sera fixé soit par son contrat de travail,
soit par un accord d’entrepris, soit par sa convention collective.
-les inventions hors missions. Elles peuvent elles aussi appartenir à l’employeur ; on parle d’invention
attribuable. Une invention hors mission est une invention réalisée par un salarié alors que ce n’est pas sa
mission, mais qui va être réalisée grâce aux moyens de l’entreprise, qui va être dans le domaine d’activité de
l’entreprise, et surtout qui va être réalisée pendant les heures de travail. Elles peuvent devenir la propriété de
l’employeur s’il en fait la déclaration à son salarié. Il va lui verser un juste prix pour son invention, qui sera le prix
d’une cession forcée, car il s’agit d’un cas de préemption légale au profit de l’employeur qui va pouvoir lever
l’option si l’invention l’intéresse. En pratique, on peut facilement imaginer que le salarié va être prudent et va
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garder pour lui son invention. Ce serait une erreur, puisqu’il a l’obligation de déclarer son invention, et cela
quelque soit le type d’invention.
-l’invention libre. C’est celle qui est réalisée par le salarié mais totalement en dehors de ses fonctions, et elle lui
appartient.
II/ LA PROCEDURE DE DELIVRANCE DU BREVET
A/ LE DEPOT DE LA DEMANDE DE BREVET
Elle peut être déposée soit à l’INPI, soit dans une préfecture (sauf celle de Paris). On peut également déposer la
demande de brevet via Internet. Le dépôt peut être fait par le demandeur personnellement ou par un mandataire,
à condition que ce mandataire ait son domicile, son siège ou un établissement dans un Etat membre de la
communauté européenne ou dans un Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen. Cette demande
de brevet est un dossier qui doit comporter un certain nombre d’éléments.
1/ LA REQUETE
C’est la demande qui vise à obtenir la délivrance du brevet. Elle indique donc le titre de l’invention. Ce titre doit
être un titre technique et non fantaisiste. Cette requête contient également la désignation de l’inventeur et
l’identification du demandeur. Elle doit le cas échéant identifier le mandataire. De façon facultative, la requête va
pouvoir être complétée d’un certain nombre d’éléments ; par exemple, on peut demander que soit différé
l’établissement du rapport de recherche. On peut également demander dans la requête des facilités de paiement
pour les redevances. On peut aussi profiter de la requête pour demander la revendication d’un droit de priorité.
C’est à ce moment là qu’il va falloir justifier de la présentation éventuelle de l’invention dans une exposition
officielle.
2/ LA DESCRIPTION
C’est la description qui réalise la divulgation et qui va participer à la délimitation du droit exclusif du brevet. La
description comprend l’indication du domaine technique auquel se rapporte l’invention. Elle indique également
l’état de la technique antérieure. Elle est ensuite accompagnée d’un exposé de l’invention telle qu’elle a été
caractérisée par les revendications. Cet exposé permet la compréhension du problème technique mais aussi la
solution qui lui est apportée. Cette description comporte également une brève description des dessins s’il y a lieu.
Cette description comporte également un exposé détaillé d’au moins un mode de réalisation de l’invention, et
surtout l’indication de la manière dont l’invention est susceptible d’application industrielle.
L’invention doit être exposée dans la demande de brevet de manière suffisamment claire et complète pour qu’un
homme du métier puisse l’exécuter. Cette règle est fondamentale : cette exigence de clarté permet une
certaine facilité dans l’examen de la demande de brevet. D’autre part, cette exigence de clarté est liée à la
fonction même du brevet, à savoir l’enrichissement de l’état de la technique. Autrement dit, lorsqu’il y a
méconnaissance de cette exigence de clarté, la demande est nulle.
3/ LES REVENDICATIONS
Ce sont les revendications qui définissent l’objet de la protection demandée. Autrement dit, ce sont les
revendications qui délimitent le monopole d’exploitation. Elles doivent être claires, concises, et fondées sur la
description. Autrement dit, il n’est pas possible de revendiquer ce qui n’est pas décrit. Ces revendications doivent
définir l’invention de façon suffisante pour qu’on puisse enclencher la procédure d’établissement du rapport de
recherche. Là encore, l’inobservation de cette règle est sanctionnée par le rejet de la demande. Ces
revendications énumèrent ce que le demandeur souhaite protéger par le brevet, c'est-à-dire les éléments pour
lesquels il demande un monopole. Si les revendications sont trop restrictives, un tiers pourra les contourner très
facilement. A l’inverse, si elles sont trop larges, le danger est d’encourir la nullité de la demande de brevet. On
aura donc pris le risque d’intégrer des solutions déjà connues.
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4/ LES DESSINS
Les dessins ne sont pas nécessaires à la demande de brevet. Ils sont facultatifs. Ils doivent être déposés que si
la description s’y réfère. Les dessins permettent une compréhension plus facile des descriptions et des
revendications.
5/ L’ABREGE
L’abrégé est un résumé des caractéristiques techniques de l’invention. Il est établi exclusivement à des fins
documentaires pour faciliter la consultation et le classement et à la consultation du brevet. C’est une pièce
accessoire qui ne peut donc pas être invoquée pour déterminer l’étendue de la protection ni même la
brevetabilité de l’invention. La demande de brevet ne doit porter que sur une seule invention mais par exception,
il est possible de déposer un ensemble d’inventions si celles-ci sont liées entre elles et qu’elles forment un seul
concept inventif. Mais si la demande est trop complexe, il faudra la diviser. Dans ce cas, les différentes
demandes bénéficieront de la date de dépôt de la première demande.
B/ PUBLICATION DE LA DEMANDE
C’est l’INPI qui s’en charge. En effet, c’est elle qui a l’obligation de publier la demande de brevet en vertu de son
obligation de diffusion légale des inventions. Cette publication devra être faite dans un délai de 18 mois à
compter de la date du dépôt de la demande. Cette publication consiste dans la mise à disposition du public du
dossier de demande de brevet.
Cette publication va être réalisée par une mention au BOPI (Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle) qui
indique que toute personne peut prendre connaissance du dossier à l’INPI. La date de la demande de brevet
détermine la personne qui va disposer du titre en cas d’invention concomitante. La date fixe également le point
de départ du délai de protection du brevet à la condition que la demande aboutisse. A compter de la date de
publication, le déposant peut protéger son droit. Il va donc pouvoir dès à présent engager une action en
contrefaçon et cela sans avoir à attendre la délivrance du brevet.
A partir de la publication de la demande de brevet, les tiers vont devoir s’abstenir d’exploiter l’invention.
Autrement dit, en pratique les industriels doivent surveiller les publications de dépôt dans leur secteur d’activité.
Dans les trois mois qui suivent la publication de la demande de brevet, les tiers peuvent présenter un certain
nombre d’observations.
C/ L’EXAMEN DE LA DEMANDE
La France a choisi de mettre en place un système d’examen préalable des conditions de brevetabilité. Cela
suppose que la délivrance du brevet soit précédée d’un examen administratif dont le but est de contrôler les
conditions d’obtention du brevet. Cet examen n’est pas exhaustif ; il ne peut donc pas garantir à 100% que
l’invention n’est pas antériorisée. Ce système manque donc de fiabilité, mais il a l’avantage de ne pas être trop
long, ce qui permet de ne pas trop retarder la date de délivrance du brevet. Il faut tout de même compter entre
deux et quatre ans entre le dépôt de la demande et la délivrance du brevet. Cet examen de la demande est
d’abord fait par les services de la défense nationale, puis on procède à un examen technique réalisé par l’INPI.
Si l’invention intéresse les services de la défense nationale, la loi réserve à l’Etat la faculté d’exproprier les
inventions pour les besoins de la défense nationale. Si cette administration garde le silence pendant 5 mois à
compter de la date de dépôt de la demande, l’autorisation sera acquise de plein droit. Le ministre de la défense
peut toutefois au cours de ces 5 mois proroger expressément le délai pendant lequel l’invention va être mise au
secret ; dans ce cas là, le déposant est indemnisé pour le retard.
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Lorsque les services de la défense nationale ne sont pas intéressés, l’INPI prend le relai et procède à un examen
technique qui va porter sur la forme et sur le fond. On ne sait pas ce que doit contrôler l’INPI : on a juste une
énumération de cas dans lesquels la demande doit être rejetée. Le rejet peut être partiel ou total. Il peut résulter
du non respect des règles de forme (revendications imprécises, description insuffisante…).
Sur le fond, l’examen de l’INPI est très limité. L’INPI ne peut rejeter la demande que pour certains vices de fond.
Assez curieusement, l’appréciation de l’activité inventive ne fait pas partie de l’examen opéré par l’INPI. Le rejet
de la demande peut intervenir lorsque l’invention de toute évidence n’est pas brevetable, car elle est
manifestement contraire à l’OP ou aux bonnes mœurs. Lorsqu’il y a défaut manifeste d’invention, ou que la
demande porte sur une méthode de traitement chirurgical, l’INPI ne peut que rejeter la demande. Enfin, l’INPI va
rejeter la demande de brevet lorsque le rapport de recherche va démontrer un défaut manifeste de nouveauté ou
que l’invention n’est pas susceptible d’application industrielle.
Si le directeur de l’INPI envisage de rejeter la demande de brevet, l’INPI va informer le déposant qui a ainsi la
possibilité de « revoir sa copie » ou éventuellement de compléter son dossier si une formalité manquait. Si le
déposant n’apporte pas d’explications convaincantes, le directeur de l’INPI va définitivement rejeter la demande
de brevet.
La procédure de délivrance des brevets comporte une recherche documentaire. Cette recherche vise à révéler
les éventuelles antériorités qui pourraient affecter la nouveauté ou nuire à la prétendue activité inventive. L’INPI
ne se charge pas de cette mission mais confie cette recherche documentaire à l’OEB (office européen des
brevets), parce que la nouveauté s’apprécie sans limite de temps ou de lieu. Dans un premier temps, on établit
un rapport préliminaire, lequel va être notifié au demandeur et être publié au BOPI. Si ce rapport fait état
d’antériorité, le demandeur peut modifier ses revendications ou présenter ses observations pour essayer de
maintenir ses revendications. Pour cela, il va critiquer les antériorités. Ce rapport va pouvoir être complété par les
observations de l’institution et du demandeur jusqu’à l’établissement du rapport définitif.
Le rapport définitif va donc renseigner sur la nouveauté de l’invention et sur l’activité inventive. Ce rapport est un
rapport documentaire, et n’a donc qu’un rôle documentaire, sans aucun effet juridique. Cela signifie que l’INPI
doit délivrer le brevet même si le rapport documentaire fait état de nombreuses antériorités. Ce rapport ne lie ni
l’INPI, ni le juge. Il n’est donc pas susceptible de recours. Il est établi à titre de simple informations. S’il y a
antériorité, pour qu’il y ait contestation du brevet, il faut que le titulaire de l’antériorité engage une action en
contrefaçon.
D/ LA DELIVRANCE DU BREVET
Une fois le rapport de recherche établi, l’instruction de l’INPI est terminée. L’INPI rend donc sa décision, qui est
soit positive, soit négative, et la notifie au déposant. Si la décision est négative, le déposant peut la contester
devant une Cour d’Appel et cela dans le mois qui suit la notification de la décision. Si la décision est positive, le
directeur de l’INPI adresse au déposant un exemplaire certifié conforme du titre de brevet et mentionne la
délivrance du brevet au BOPI. A ce moment là, le demandeur doit payer la redevance de délivrance. Une fois
qu’il y a eu délivrance du brevet, tout intéressé, y compris le titulaire du brevet, va pouvoir demander à l’INPI
l’avis documentaire qui cite les antériorités. Cet avis documentaire comporte également une opinion de l’INPI sur
la brevetabilité de l’invention. Le brevet offre une protection.
SECTION 2 Ŕ LES EFFETS DE LA PROTECTION
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Toute invention peut faire l’objet d’un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l’INPI qui confère à
son titulaire ou à ses ayants causes un droit exclusif d’exploitation. Cela signifie que le breveté dispose des
prérogatives classiquement attachées à la propriété (usus, fructus, abusus). Il va donc pouvoir user de l’invention
brevetée, en retirer les fruits, en disposer, mais surtout il peut interdire aux tiers l’exploitation de son invention ou
au contraire les y autoriser.
PARAGRAPHE 1 Ŕ LE DROIT EXCLUSIF D’EXPLOITATION
Ce droit exclusif d’exploitation a un caractère territorial et temporaire. Surtout, ce droit exclusif est soumis à
certaines restrictions.
I/ LE CONTENU DU DROIT
Le titre confère aux brevetés un droit de propriété incorporelle sur son invention. Néanmoins, un certain nombre
d’actes vont pouvoir être accomplis par des tiers sans l’autorisation du breveté.
A/ LES ACTES INCLUS DANS LE DROIT
L’étendue du droit d’exploitation est définie grâce à deux séries de notions :
- l’étendue de la protection résulte d’une part de la teneur de ses revendications. C’est donc le breveté qui définit
l’objet protégé et qui précise les éléments pour lesquels il souhaite obtenir un monopole.
- le législateur définit le monopole par voie négative. Il énonce les actes qui sont interdits aux tiers sans
l’autorisation du titulaire du droit.
Si la revendication concerne un produit, le droit d’exploitation va couvrir la fabrication, l’offre, la mise dans le
commerce, l’utilisation, l’importation ou la détention du produit. Si la revendication porte sur un procédé, le droit
d’exploitation couvre l’utilisation du procédé, et les produits qui sont directement obtenus par ce procédé. Si la
revendication porte sur l’application nouvelle d’un moyen connu, le monopole couvre uniquement l’exploitation de
l’application qui est revendiquée.
B/ LES ACTES EXCLUS DU DROIT EXCLUSIF D’EXPLOITATION
Le droit conféré par le brevet ne s’étend pas aux actes qui sont accomplis dans un cadre privé et à des fins non
commerciales. L’idée est la même pour les actes accomplis à titre expérimental et qui portent sur l’objet de
l’invention breveté. Sont exclus du droit du brevet la préparation de médicaments qui sera faite par unité dans les
pharmacies sur ordonnance médicale.
II/ LA DUREE DU DROIT EXCLUSIF D’EXCLUSIF D’EXPLOITATION
Le brevet confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation qui prend effet à compter de la date du dépôt pour
une durée de 20 ans. Pour maintenir son monopole pendant ce délai, le titulaire du droit va devoir s’acquitter du
paiement de redevances annuelles auprès de l’INPI. Le délai va être plus long en matière de médicaments. Cela
peut paraitre curieux au vue des impératifs de santé publique, mais s’explique par la procédure particulière qui
existe en matière de médicaments. Avant de commercialiser un médicament, le laboratoire doit obtenir
l’autorisation de mise sur le marché qui est délivrée par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de
santé. Cette agence met beaucoup de temps à délivrer cette autorisation ; pendant ce temps là, le breveté est
bloqué : il a son brevet, mais ne peut pas exploiter son médicament. Pendant ce temps, le délai court. Le brevet
de médicament est donc protégé par un autre titre : le certificat complémentaire de protection. La durée de ce
titre est de 7 ans à partir de l’expiration du délai de protection du brevet. Ainsi, le médicament est protégé 27 ans
à partir de la date de dépôt.
Un droit moral existe mais est très limité. L’inventeur dispose du droit de divulgation, et du droit à la paternité. Il
va pouvoir révéler son invention sans déposer de brevet ; de ce fait, l’invention ne sera plus brevetable. Personne
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d’autre ne pourra breveter son invention, car celle-ci ne sera plus nouvelle. L’inventeur a droit à la paternité : son
nom et sa qualité d’inventeur doivent être mentionnés sur le titre de brevet. Il peut préférer rester dans
l’anonymat.
III/ LES RESTRICTIONS LEGALES AU DROIT
L’exploitation du brevet échappe parfois à son titulaire ; c’est notamment radicalement le cas lorsqu’il y a une
expropriation. Dans ce cas, le breveté reçoit une indemnité fixée de manière conventionnelle ou par le TGI. Il
existe des cas moins radicaux de restrictions au droit.
A/ LA POSSESSION ANTERIEURE
Lorsqu’une personne de bonne foi était en possession de l’invention au moment du dépôt de la demande de
brevet, cette personne a le droit d’exploiter l’invention en dépit de l’existence du brevet mais uniquement à titre
personnel. Cela signifie que le possesseur pourra seulement exploiter la technique ; il ne pourra pas concéder de
licence d’exploitation. Cette possession devra évidemment être personnelle, elle devra être antérieure au dépôt
et devra être prouvée.
Pour prouver, le plus simple est d’utiliser une enveloppe Soleau1 qui permet de s’assurer une preuve d’une
possession sur une invention que l’on n’a pas l’intention de breveter et de la déposer à l’INPI. Sinon, on peut la
déposer auprès d’un notaire.
B/ LES LICENCES FORCEES
Si on octroie un monopole breveté, il faut tout de même une contrepartie. En contrepartie du monopole,
l’inventeur a l’obligation d’exploiter son invention. Le non respect de cette obligation n’est plus sanctionné par la
déchéance du droit mais par la possibilité d’imposer une licence obligatoire. Ces licences sanctionnent une
absence injustifiée d’exploitation de brevet, mais aussi le comportement abusif du breveté. Ainsi, toute personne
de droit public ou de droit privé peut à l’expiration d’un délai de 3 ans à compter de la délivrance du brevet obtenir
une licence obligatoire pour ce brevet.
Pour obtenir cette licence forcée, il faut qu’au moment de la requête le propriétaire n’ait pas commencé à
exploiter ou n’ait pas fait des préparatifs effectifs et sérieux pour exploiter son invention, ou encore qu’il n’ait pas
commercialisé le produit objet du brevet en quantité suffisante pour satisfaire les besoins du marché français.
Pour contrer la licence forcée, le propriétaire du brevet va se défendre et avancer des excuses légitimes. Par
exemple, il peut arguer d’une pénurie de matière première. Le demandeur doit faire la preuve qu’il a les moyens
d’exploiter l’invention. Si toutes les conditions sont réunies, le tribunal va pouvoir accorder la licence, déterminer
la durée de la licence, son champ d’application et le montant que va devoir payer le licencié au breveté. Dans ce
cas, la licence forcée ne peut être que non-exclusive. Ainsi, plusieurs personnes peuvent demander et se voir
reconnaitre une licence sur le produit.
1 L'enveloppe Soleau, du nom de son inventeur, est une preuve d'antériorité d'une invention que l'on peut utiliser en France pour obtenir de façon certaine la date d'une invention, d'une idée, d'une oeuvre en la déposant à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).Les modalités de fonctionnement de l'enveloppe sont définies par l'arrêté du 9 mai 1986, parus au journal officiel du 6 juin 1986. Elle est composée de deux parties, l'expéditeur doit inclure une description parfaitement identique de l'idée en question dans chaque partie de l'enveloppe. L'INPI poinçonne certaines parties au laser, pour en authentifier la date de réception, et renvoie un exemplaire au dépositaire. L'expéditeur doit garder fermée la partie qui lui revient; elle ne sera ouverte qu'en cas de litige. Le dépôt peut être effectué à l'INPI, par courrier ou dans les délégations régionales. Elle est conservée durant une période de cinq années, cette durée pouvant être prorogée pour une nouvelle période de 5 années supplémentaire. Son prix est de 15 euros. À la différence d'un brevet, d'un dépôt de modèle, le propriétaire de l'enveloppe n'a pas de droit exclusif sur l'invention ou le modèle. S'il s'agit d'une invention, il démontre qu'il connaissait l'invention avant qu'il n'y ait dépôt d'un brevet à l'INPI, ce qui lui permet de continuer à l'exploiter à titre personnel. La possibilité d'exploitation à titre personnel est très restreinte dans la pratique et ne peut pas être cédée à des tiers. Elle n'a de valeur qu'en France. Son objectif est de dater une œuvre, une idée ou un concept et non les protéger.
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Dans le cas d’un inventeur qui invente un perfectionnement pour une invention, invention dont le brevet est
détenu par une autre personne, pour exploiter ce perfectionnement, il va falloir reproduire l’invention de base.
L’inventeur va donc devoir demander l’autorisation au titulaire du brevet de l’invention de base. L’inventeur de
l’invention de base peut voir d’un mauvais œil ce perfectionnement, en pensant qu’il va perdre des parts de
marché : il peut donc refuser de donner son autorisation à l’inventeur perfectionniste.
Toutefois, le brevet a pour but de permettre le progrès ; or, une telle attitude va contre le progrès, et contre la
législation sur le brevet. Ainsi, sous certaines conditions, le législateur va organiser un système de licence forcée
de dépendance, en considération de l’intérêt général.
PARAGRAPHE 2 Ŕ LE DROIT D’AUTORISER LE DROIT D’EXPLOITATION AUX TIERS
Le droit que donne le brevet n’a de sens que dans l’exploitation pécuniaire. Le titulaire du brevet peut exploiter
lui-même son invention : il se réserve alors le monopole de la fabrication, de la vente de l’invention. Le brevet a
donc une indéniable valeur dans le patrimoine de son titulaire. Le breveté dispose sur le brevet d’un droit de
propriété et quoi qu’il fasse, il a l’obligation d’exploiter son invention. S’il ne veut pas exploiter lui-même son
invention, le brevet étant un bien, celui-ci va pouvoir être l’objet de différentes opérations juridiques. Le breveté
va donc monnayer la valeur de ce bien.
1/ LA CESSION DE BREVET
La cession de brevet est un contrat par lequel le breveté transfère son droit à un cessionnaire en contrepartie du
versement d’un prix en argent. Le cédant qui est dans la position du vendeur doit être titulaire du droit cédé et
doit surtout être capable d’en disposer. Le cessionnaire est une personne qui est apte à être titulaire d’un brevet
français. L’objet principal du contrat est le brevet ; la cession porte plus en réalité sur le titre ou sur la demande
de brevet et sur les droits que sur l’invention elle-même. Avant le dépôt de la demande, il est possible d’effectuer
une transaction ; cet accord porte sur le droit de demander un brevet n’est pas une vente, puisque le brevet
n’étant pas délivré, il n’existe pas encore de droit incorporel. On parle d’accord complexe par lequel l’inventeur
s’engage à transmettre la connaissance de l’invention, à ne pas la divulguer, et à ne pas en disposer lui-même.
La cession de brevet peut être partielle si elle porte seulement sur certains aspects de l’invention ou si elle est
territorialement limitée. Elle sera totale si la cession porte sur la totalité des droits qui découlent du brevet.
L’évaluation du prix est difficile, mais en cas de litige, l’évaluation doit se faire en se plaçant à l’époque de la
cession et non en tenant compte du succès ou de l’insuccès de l’exploitation. Ce prix peut avoir un caractère
forfaitaire, qui peut être payé en une ou plusieurs fois, il peut éventuellement y avoir une clause d’indexation,
mais le prix peut aussi être fixé en fonction du CA futur du cessionnaire. Cela suppose que le cessionnaire
exploite l’invention de manière sérieuse et loyale, c'est-à-dire en bon père de famille. La cession doit être
constatée par écrit, et cela à peine de nullité relative. Pour être opposable aux tiers, la cession doit être inscrite
au registre national des brevets. Cela n’est pas nécessaire si le tiers avait connaissance de l’acte publié. Le
cessionnaire d’un acte non publié ne pourra pas agir en contrefaçon.
II/ LA CONCESSION DE LICENCES DE BREVET
La licence de brevet est un contrat par lequel le breveté autorise l’exploitation de son droit par un licencié
moyennant le paiement d’une contrepartie. On est dans un cas très proche du contrat de louage de chose. Le
concédant doit être titulaire d’un droit sur le brevet concédé. Il peut donc avoir soit un droit réel, soit un droit
personnel, et dans ce cas là, il s’agit d’un licencié qui concède une sous-licence. Dans la plupart des cas, la
licence est consentie par le breveté, et cela en vertu de son droit de propriété. Il existe différents types de
propriétaires ; la licence va pouvoir être consentie par un usufruitier, qui est bien titulaire d’un droit réel sur la
chose. L’accord du concédant sera nécessaire pour concéder une sous licence. Chacune des parties doit avoir la
capacité de conclure un contrat de licence. La jurisprudence impose au licencié d’exploiter le brevet.
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CHAPITRE 2 Ŕ LES DESSINS ET MODELES (mardi 6 novembre)
Entre les créations utilitaires qui peuvent être protégées par le brevet et les créations artistiques qui sont
protégées par le droit d’auteur, il y a une situation intermédiaire qui concerne l’objet d’arts appliqués. Celui-ci est
un objet qui présente une forme fonctionnelle et industrielle mais aussi une forme esthétique. L’objet d’art
appliqué est par exemple le dessin d’un flacon de parfum, le modèle d’un vêtement, d’un bijou, d’un jouet, d’un
imprimé… Les dessins et modèles sont ceux qui sont protégés par le livre 5 du CPI : ce sont les dessins et les
modèles qui ont une vocation industrielle, c'est-à-dire ceux qui sont utilisés pour la fabrication en série de
produits commercialisés. On parle donc de l’art appliqué, et non pas d’art pur.
Les dessins et modèles sont protégés par deux législations : par le droit d’auteur et par la protection spécifique
des dessins et modèles, laquelle est subordonnée à la réunion de certaines conditions.
SECTION 1 Ŕ LES CONDITIONS D’ACCES A LA PROTECTION
Quel est l’objet de cette protection ?
PARAGRAPHE 1 Ŕ L’OBJET DE LA PROTECTION
Peut être protégée à titre de dessin et modèle l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit caractérisée en
particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture, ou ses matériaux. Le CPI énonce que
ces caractéristiques peuvent être celles du produit, ou de son ornementation.
Selon le CPI, est considéré comme un produit « tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues
pour être assemblées en un produit complexe, les emballages, les présentations, les symboles graphiques, et les
caractères typographiques et cela à l’exclusion des programmes d’ordinateur ». Seul peut être protégé le dessin
ou le modèle qui est nouveau et qui présente un caractère propre. Certains dessins et modèles sont
expressément exclus de la protection : ceux qui sont contraire à l’OP et aux bonnes mœurs (par exemple,
caricatures vraiment outrageantes, faux billets). Sont également exclus de la protection aux titres des dessins et
modèles une forme qui est exclusivement fonctionnelle. Dans ce cas, on se rapproche du brevet et non du dessin
ou du modèle. L’objet pour être protégé doit donc être un objet esthétique, qui doit être en plus nouveau et
présenter un caractère propre.
I/ UN OBJET ESTHETIQUE
Le dessin ou le modèle doit avoir un caractère esthétique, un caractère ornemental. Il ne doit donc pas être
purement utilitaire. Pour qu’il soit protégé, cet objet commercial doit avoir un « plus », lequel est son caractère
esthétique. Il est donc totalement indifférent que notre objet esthétique ait en plus une fonction utilitaire. Se pose
la question du cumul de régimes. Trois cas peuvent être envisagés :
-l’objet a une fonction purement utilitaire ; la création n’a donc aucun but ornemental : ce n’est donc pas une
création esthétique. Dans ce cas là, cet objet pourra éventuellement être breveté, mais il ne pourra pas être
protégé au titre des dessins et modèles.
-la création est purement ornementale ; l’objet peut éventuellement avoir une application industrielle mais sans
pour autant remplir les conditions du brevet. Ce peut être une couleur, une combinaison de couleurs… Dans ce
cas, la création sera protégeable par les dessins et modèles, mais pas par le brevet qui exclut les créations
artistiques.
-la création est à la fois utilitaire et ornementale (par exemple, une paire de skis avec un look particulier) ; la paire
de ski peut être brevetable si elle apporte une technique nouvelle. Dans cette hypothèse, l’invention est à la fois
DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE 2012/2013
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esthétique et utilitaire ; on observe si on peut dissocier la forme de l’objet de son résultat utilitaire. Ainsi, l’objet et
protégé à la fois par le brevet et par les dessins et modèles. Si les deux éléments sont inséparables, seul le
brevet trouvera à s’appliquer. En effet, la jurisprudence considère que les droits sur les dessins et modèles ne
s’appliquent jamais à partir du moment où la forme de l’objet se présente comme une pure nécessité
fonctionnelle et cela inséparable du résultat industriel. Si l’objet ne répond pas aux critères de brevetabilité, il
n’est pas protégé.
Quel sens faut t-il donner au terme « inséparables » ? On peut dire que les deux éléments esthétique et utilitaire
sont dissociables lorsque l’on peut obtenir un résultat l’un sans l’autre. En pratique, la jurisprudence applique un
critère, celui de la multiplicité des formes. Ainsi, si plusieurs formes permettent d’obtenir le même résultat
utilitaire, il y a séparabilité. A l’inverse, si la forme choisie est la seule qui permette d’obtenir un résultat utilitaire,
le droit sur les dessins et modèles ne s’appliquera pas.
II/ UN OBJET ESTHETIQUE A CARACTERE NOUVEAU
Un dessin ou un modèle est considéré comme nouveau si à la date de dépôt de la demande d’enregistrement
aucun autre dessin ou modèle identique n’a été divulgué. Les dessins ou les modèles sont considérés comme
identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants. Ainsi, la nouveauté
s’apprécie de manière objective ; il faut donc la comparer avec l’état antérieur, et une antériorité ne détruira la
nouveauté que si elle est absolument identique ou quasi identique. Cette nouveauté doit donc être absolue, c'est-
à-dire que l’on ne doit pas trouver une antériorité, et cela quel qu’en soit la date et le lieu. On peut donc dire que
l’appréciation de l’antériorité est du caractère nouveau du dessin ou du modèle n’est soumise à aucune limite
territoriale ou temporaire.
Un dessin ou un modèle est réputé avoir été divulgué si il a été rendu accessible au public par une publication,
un usage ou tout autre moyen. Il ne sera pas réputé avoir été divulgué si il a été divulgué par un tiers qui devait
implicitement ou explicitement garder le secret ; il n’y aura pas non plus divulgation si celle-ci a lieu dans les
douze mois qui précèdent la date du dépôt de la demande et qu’elle est le fait du créateur ; elle ne sera pas non
plus prise en compte si elle est consécutive à un comportement abusif à l’encontre du créateur.
III/ UN OBJET ESTHETIQUE A CARACTERE PROPRE
Un dessin ou un modèle va avoir un caractère propre lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez
l’observateur averti ou bien lorsque cette impression diffère de celle produite par tout dessin ou modèle qui aura
été divulgué avant la date du dépôt de la demande. Comme pour le brevet, ce caractère propre sert à renforcer
l’exigence de nouveauté. C’est un critère qui est autonome, que l’on peut rapprocher du critère d’activité inventive
pour le brevet.
La définition du caractère propre est semblable à celle de nouveauté, à une différence près : la nouveauté est
objective, alors que le caractère propre est un critère subjectif, puisque fondé sur une impression d’ensemble.
Ainsi, l’impression de déjà vu va exclure le caractère propre et cela même si le modèle ou le dessin est en réalité
totalement nouveau. Ainsi, l’appréciation du caractère propre se fait globalement à travers une impression
d’ensemble et non plus comme pour la nouveauté en observant les détails qui distinguent deux modèles quasi
identiques.
Tout ce qui est nouveau n’a pas forcément un caractère propre.
L’observateur averti est selon la jurisprudence un utilisateur doté d’une vigilance particulière qu’il doit à son
expérience personnelle ou à sa connaissance étendue du secteur considéré.
PARAGRAPHE 2 Ŕ LES MODALITES DE DEPOT
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Il va falloir faire un certain nombre de formalités pour obtenir la protection spécifique des dessins et modèles.
La première est de faire le dépôt de la demande avec une originalité, à savoir que ce dépôt peut être à la fois
ordinaire ou simplifié.
1/ LE DEPOT ORDINAIRE
Tout dépôt peut être fait personnellement par le déposant ou par un mandataire, qui, comme en matière de
brevet, aura son domicile, son siège, ou un établissement dans un Etat membre de la communauté européenne.
L’auteur de la demande sera considéré sauf preuve contraire comme le bénéficiaire de la protection et cela
jusqu’à preuve du contraire.
Là encore cette demande d’enregistrement va être déposée à peine de nullité à l’INPI lorsque le déposant aura
son domicile ou son siège social à Paris ou hors de France. Lorsque le déposant a son domicile ou son siège
social en France mais en dehors de Paris, il a le choix de déposer à l’INPI ou au greffe du tribunal de commerce,
et même en l’absence de TC, il peut déposer au greffe de la juridiction qui statue en matière commerciale. Elle
comporte à peine de recevabilité l’identification du déposant et une reproduction du dessin ou du modèle dont la
protection est demandée. Cette reproduction peut être graphique, mais aussi être photographique, et elle peut
également être accompagnée d’une brève description. Cette demande d’enregistrement doit être accompagnée
du paiement d’une redevance fixe et d’une redevance pour chaque reproduction. Si l’on a eu recours au service
d’un mandataire, la demande d’enregistrement doit aussi présenter le cas échéant le pouvoir du mandant.
Cette demande d’enregistrement sera rejetée par l’INPI si elle n’est pas présentée dans les conditions et dans les
formes qui sont prescrites et si la publication de la demande est de nature à porter atteinte à l’OP ou aux bonnes
mœurs. Ce rejet, comme en matière de brevet, ne peut être prononcé sans que le déposant ait été invité soit à
régulariser sa demande, soit à présenter ses observations. L’INPI ne cherche pas à voir si les autres conditions
de fond sont remplies. Il n’y a donc pas d’examen pour vérifier le caractère créatif, ornemental, le caractère
propre de l’objet… On ne cherche même pas à savoir s’il y a nouveauté. On ne cherche pas à vérifier que l’objet
nouveau a un caractère propre. Si le dépôt est vu comme étant conforme, il est publié. L’enregistrement est
publié par une mise à disposition de base de données en ligne, éventuellement sous forme de CD ROM, mais
surtout par une mention au registre national des dessins et modèles et par une insertion au BOPI. A partir de ce
moment là, toute personne intéressée va pouvoir obtenir de l’INPI un certificat d’identité du dessin ou du modèle,
et c’est ce certificat d’identité qui va permettre de prouver l’enregistrement et la publication.
Il y a une originalité : le déposant peut demander l’ajournement de cette publication pendant trois ans.
L’ajournement du dépôt ne peut porter que sur l’ensemble du dépôt.
Comme en matière de brevet, c’est la publicité au BOPI qui rend le dépôt opposable aux tiers. Ce n’est en
principe qu’à ce moment là que l’on peut agir en contrefaçon. C’est la publicité qui déplace la charge de la preuve
de la bonne ou de la mauvaise foi.
Entre la date du dépôt et celle de la publicité, le déposant peut agir en contrefaçon, mais il aura la charge de
prouver la mauvaise foi du prétendu contrefacteur. Après la publicité, c’est au prétendu contrefacteur de prouver
sa bonne foi.
2/ LE DEPOT SIMPLIFIE
Depuis une loi du 5 février 1994, il existe une possibilité de dépôt simplifié qui concerne les industries qui
renouvellent fréquemment la forme et le décor de leurs produits. Cela concerne essentiellement la mode.
Le déposant va être dispensé de fournir immédiatement les reproductions ; cela signifie qu’il n’est pas obligé de
répondre tout de suite aux exigences de présentation du dépôt ordinaire. Le second avantage est que dans la
forme simplifiée le déposant ne va payer qu’une redevance provisoire. Dans le cadre l’ajournement de la publicité
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est de droit ; le dépôt reste secret pendant trois ans. Six mois au plus avant la fin de cet ajournement, le
déposant devra compléter son dépôt et fournir tous les éléments qui manquent. Un dépôt simplifié et complété
revient à un dépôt ordinaire. L’avantage de la formule est un avantage en argent, mais surtout un avantage
matériel, puisque la formule permet de sélectionner après un temps de réflexion les dessins ou les modèles qui
vont effectivement être protégés.
SECTION 2 Ŕ L’OBTENTION D’UN DROIT EXCLUSIF SUR LES DESSINS ET MODELES
Le créateur d’un dessin ou d’un modèle qui n’est pas enregistré pourra obtenir sa protection en tant qu’œuvre
d’art. Selon la théorie de l’unité de l’art, le titulaire d’un dessin ou d’un modèle enregistré peut invoquer de
manière cumulative à la fois la protection par le droit d’auteur et de la législation sur les dessins et modèles.
La création dont la protection a expiré peut encore être protégé par le droit d’auteur.
PARAGRAPHE 1 Ŕ LE CONTENU DU DROIT
Sont interdits à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou du modèle la fabrication, l’offre, la mise sur
le marché, l’importation, l’exportation, l’utilisation ou la détention à ces fins d’un produit incorporant un dessin ou
un modèle. A contrario, cet article du CPI dit que le titulaire du droit exclusif dispose donc sur le dessin ou
modèle d’un droit exclusif sur la fabrication, l’offre, la mise sur le marché… d’un produit incorporant le dessin ou
modèle. Les droits conférés par l’enregistrement d’un dessin ou modèle ne s’exercent pas à l’égard d’actes
accomplis à titre privé et à des fins non commerciales, à l’égard d’actes accomplis à des fins expérimentales, et à
l’égard d’actes de reproduction à des fins d’illustration ou d’enseignement, à la condition que ces actes
mentionnent l’enregistrement et le nom du titulaire des droits, et qu’ils ne portent pas préjudice à l’exploitation
normale du dessin ou du modèle.
PARAGRAPHE 2 Ŕ LA DUREE DU DROIT
L’enregistrement produit ses effets à compter de la date du dépôt de la demande et cela pour une période de 5
ans qui peut être prorogée par période de 5 ans pour atteindre une durée maximum de 25 ans.
TITRE 2 Ŕ LA PROTECTION DES SIGNES DISTINCTIFS
Il n’y a pas de théorie des signes distinctifs. Un signe distinctif est ce qui permet au consommateur de distinguer
les entreprises, les produits, les prestations… Les droits sur les signes distinctifs confèrent à leur titulaire
l’exclusivité de l’emploi du signe.
Si ces droits confèrent bien un droit exclusif, on peut dire que les droits sur les signes distinctifs ne confèrent pas
de monopole absolu. Ainsi, les droits que l’on va acquérir ne font pas obstacles à l’utilisation du même signe,
mais font simplement obstacle à l’utilisation du même signe pour désigner des produits ou des services
identiques. L’idée est d’éviter une confusion, une déloyauté dans des domaines qui sont similaires. Cela signifie
que les signes distinctifs sont soumis au principe de spécialité. Toutefois, ce principe a des atténuations.
La marque est le signe distinctif le plus connu, mais il en existe d’autres : le label, les signes de provenance, de
qualité…
CHAPITRE UNIQUE Ŕ LA MARQUE
DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE 2012/2013
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La marque sert à distinguer les produits ou les services de son titulaire de ceux que proposent ses concurrents.
L’usage pour les artisans de marquer leur produits remonte à l’Antiquité. Au Moyen-âge, les corporations
apposaient leurs propres marques et elles garantissaient par ce biais la qualité des produits. La loi
révolutionnaire du 22 germinal an 11 institua le dépôt et la protection des marques particulières, que tout
manufacturier ou artisan a le droit d’appliquer sur les objets de sa fabrication. Le droit moderne des marques fut
institué par la loi du 23 juin 1857 qui fut abrogé par la loi du 31 décembre 1964 qui est entrée en vigueur le 1er
aout 1965. La principale innovation de la loi de 1964 fut l’attribution du droit par l’enregistrement. Sous la loi de
1857, le droit pouvait naître du simple usage du signe.
Aujourd’hui, le droit des marques trouve sa source dans la loi du 4 janvier 1991 qui a transposé une directive
européenne de 1988 et dont toutes les dispositions sont désormais dans le CPI. Les marques ont une
importance considérable en matière de concurrence, mais leur utilisation n’est en aucun cas obligatoire.
SECTION 1 Ŕ L’ACCES A LA PROTECTION
Tous les signes ne peuvent pas devenir une marque. La loi indique les conditions auxquelles doit satisfaire un
signe pour devenir une marque.
La première des conditions est de bien choisir son signe.
PARAGRAPHE 1 Ŕ LE CHOIX DU SIGNE
Le CPI énonce que la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de
représentation graphique servant à désigner le produit ou service d’une personne physique ou morale. Pour
constituer une marque valable, les signes choisis doivent être licites, distinctifs et disponibles.
1/ LE CARACTERE LICITE DU SIGNE
Le caractère susceptible d’être protégé comme marque résulte de la conjonction des articles L711-1 du CPI qui
définit la marque et de l’article L711-3 qui énumère les signes qui ne peuvent pas être adoptés comme marque.
A/ LES SIGNES AUTORISES
Les marques peuvent être constituées de mots, de formes ou de sons. Cela signifie que plusieurs catégories de
signes peuvent être choisies comme marque : les signes dénominatifs, les signes sonores et les signes
graphiques.
1/ LES SIGNES DENOMINATIFS
Les dénominations constituent environ 80% des marques. Elles sont perceptibles, à la fois par la vue, parce
qu’elles s’écrivent, et par l’ouïe : elles ne prononcent. En principe, toutes les dénominations peuvent être
déposées à titre de marque.
Il peut s’agir de termes courants, ainsi la marque n’a pas besoin d’être nouvelle ou originale. Elle peut aussi être
constituée par un assemblage de mots ordinaires « camping-gaz », « France Telecom ». Le terme choisi peut
être aussi un terme de fantaisie, avec ou sans signification.
Le terme peut aussi être une fantaisie, avec ou sans signification « Végétaline », « Michoko »Les lettres et les
chiffres peuvent former une marque « O », « 64 », « numéro 5 ».
Une personne physique peut aussi déposer son nom patronymique « Renault », son prénom, son pseudonyme.
DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE 2012/2013
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Une personne morale peut éventuellement déposer sa dénomination sociale à titre de marque « Galeries
Lafayette ».
Les noms géographiques peuvent être déposés à titre de marque, même si le nom géographique est connu en
tant que tel, il est possible de l’appliquer à un produit qui n’évoque aucunement sa provenance, de sorte que
finalement ce nom géographique va devenir une fantaisie « Mont-Blanc ». Cela est autorisé mais il existe une
exception lorsque le nom désigne une appellation d’origine, il est impossible de l’utiliser à titre de marque. On ne
peut pas non plus utiliser une appellation géographique lorsque l’appropriation qu’on va s’en faire est de nature à
porter atteinte au nom. Yves Saint Laurent a souvent des marques qui posent problème, comme
« Champagne », « Paris ». Le terme « Montagne » est également interdit à titre de marque.
Les slogans peuvent être protégés à titre de marque « avec carrefour je positive », « avec la SNCF, prenez le
temps d’aller vite ».
2/ LES SIGNES SONORES
Il est possible de choisir à titre de marque une suite ou un ensemble de sons : l’indicatif d’une émission, la
musique qui accompagne un slogan publicitaire ou le nom du produit, les signes auditifs à partir du moment où ils
sont susceptibles de représentation graphiques,
3/ LES SIGNES GRAPHIQUES
Une marque peut être constituée par un dessin ou un modèle : étiquette, cachet, logo… Ici, il n’est pas question
de protéger la forme du dessin ou du modèle en tant que tel ; le dessin ou le modèle est seulement le moyen de
distinguer le produit. La forme peut être une forme plane, une forme figurative, un bibendum, un point de couleur
sur un nom, une typographie particulière, une couleur à la condition de présenter des combinaisons particulières
(par exemple, le jaune kodak).
On admet dans les signes toute sorte de logos, mais aussi la forme de la bouteille de Perrier, la forme de la
bouteille de Coca-Cola, la forme d’un biscuit. Les modèles peuvent être des marques dites tridimensionnelles. Le
problème est que ce type de marque est plus vulnérable, parce qu’elle risque de tomber dans une certaine
banalité. En effet, la forme habituelle du produit n’est pas distinctive, elle est donc souvent fonctionnelle et donc
nécessaire. Par exemple, les pastilles de lave-vaisselle n’ont pas été reconnues comme étant une forme
susceptible d’être protégée à titre de marque.
B/ LES SIGNES INTERDITS
La marque contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs est frappée d’interdiction, elle n’est pas enregistrée
par l’Institut National de la Propriété Industrielle. Sont donc interdites les marques dont la publication ou
l’utilisation seraient particulièrement choquantes (exemple : des slogans subversifs ou des formules raciales). La
marque « Opium » est autorisée alors même qu’on prétendait qu’elle encourageait l’usage de la drogue.
A cette prohibition générale, s’ajoutent certaines interdictions plus particulières qui vont viser telle ou telle cible.
Sont interdits par exemple à titre de marque les emblèmes des Etats membres de l’Union de Paris, l’emblème de
la Croix-Rouge, les dénominations Croix-Rouge et Croix de Genève, les décorations françaises (légion d’honneur
par exemple). L’emblème et la devise olympiques sont protégés.
II/ LE CARACTERE DISTINCTIF DU SIGNE
La marque est un signe distinctif. C’est donc un signe servant à distinguer les produits ou les services d’une
personne physique ou morale. Ainsi, pour être valable, la marque doit être distinctive. Le caractère distinctif de la
marque c’est son aptitude à distinguer les objets auxquels elle s’applique. Autrement dit, un signe n’est pas
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considéré comme distinctif s’il constitue la désignation ordinaire de l’objet qu’il se borne à décrire l’objet,
s’il se borne à décrire les qualités essentielles du produit. Le signe constitutif d’une marque ne peut donc
pas constituer la désignation usuelle des produits ; il ne doit donc pas être simplement descriptif, ou figuratif.
Même si la marque n’a pas besoin d’être nouvelle et originale, ce critère de distinctivité pose quand même une
petite condition d’originalité. Le législateur donne des catégories de signes qui sont dépourvus de caractère
distinctif : les signes qui sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du
service. Un signe est nécessaire ou générique lorsque son emploi est imposé par la nature ou la fonction de
l’objet qu’il désigne. Exemple « Banquette-Lit », « Lessive » pour une lessive… On ne peut pas rendre
indisponibles les noms communs nécessaires à la désignation d’un produit. En revanche, un signe peut être
accepté à titre de marque s’il est simplement évocateur du produit qu’il désigne ; par exemple « Exquise » pour
des glaces et « Peau d’ange » pour des cosmétiques.
Ne sont pas non plus distinctifs mais descriptifs les signes ou les dénominations pouvant servir à désigner une
caractéristique du produit ou du service et notamment l’espèce, la qualité, la destination, la valeur, la
provenance géographique, et l’époque de la production du bien ou de la prestation de service. Pour le législateur,
il s’agit ici d’une pure description de l’objet ou du service ; autrement dit, le signe n’est donc pas distinctif car il
n’ajoute rien par rapport à la description. Autrement dit, une marque descriptive est une marque nulle. Ont été
jugée comme étant descriptive la marque « fraises de Plougastel », « Javel’isant ». A été admise la marque
« Espace » pour une voiture. Ici, ce qui a été retenue a été que le terme a en fait un caractère d’évocation, de
suggestion. Il n’est donc pas purement descriptif.
Le législateur écarte le caractère distinctif pour les signes qui sont constitués exclusivement par la forme
imposée par la nature, ou par la fonction du produit ou par la forme conférant à ce produit sa valeur
substantielle. Par exemple, on a refusé à titre de marque la division d’une tablette de chocolat en barres, qui est
utile pour le produit. A l’inverse, la bouteille de Perrier a pu être déposée à titre de marque.
Le caractère distinctif d’une marque s’apprécie à la date de demande de l’enregistrement. Une marque distinctive
à l’origine conserve son caractère distinctif même lorsque la marque devient notoire : sopalin, kleenex, bikini.
III / LE CARACTERE DISPONIBLE DU SIGNE
Pour qu’un signe puisse être choisi comme marque, il faut qu’il soit disponible. C’est-à-dire qu’il ne doit pas déjà
faire l’objet d’un droit exclusif. Cette exigence correspond à l’exigence de nouveauté étudiée précédemment. Le
signe qui va être choisi ne doit pas être utilisé pour désigner des produits ou des services ni faire l’objet d’un droit
de propriété, notamment d’un droit d’auteur.
A/ L’EXISTENCE D’UNE MARQUE ANTERIEURE
En matière de disponibilité du signe, le choix est soumis à deux principes :
-le principe de spécialité : un signe approprié à titre de marque n’est en réalité indisponible que pour désigner des
produits ou des services figurant dans l’acte de dépôt. Ainsi, ce signe va pouvoir être déposé par un tiers à titre
de marque pour désigner des produits ou des services différents.
-principe de territorialité : un signe qui va être approprié en France est indisponible seulement sur le territoire
français.
La jurisprudence a admis la coexistence de marques identiques au motif que ces produits ou ces services qu’elle
désignait était différents. On a admis Visa pour la carte bancaire et pour des livres de tourisme ; on a refusé
Saint-Michel pour des petits biscuits et des biscottes ; on a refusé « à fond la forme » pour des articles de sports
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et pour des produits de remise en forme. Ici, les juges du fond qui ont une appréciation souveraine en la matière
se sont fondées sur l’impression ressentie par le public. Il y a risque de confusion, même si les produits sont
différents.
Certaines marques peuvent échapper aux deux principes ; il s’agit des marques notoires, c'est-à-dire largement
connues du public et qui sont dotées d’un large pouvoir d’attraction et cela indépendamment du produit ou de
service qu’elle propose. La marque notoire par excellence est « Coca-Cola ». La marque notoire est en principe
soumise au principe de spécialité. Mais comme en contrepartie cette marque notoire bénéficie d’une protection
plus large qu’une marque ordinaire, le principe de spécialité va avoir tendance à soit être très réduit, soit
finalement à disparaitre. C’est finalement la notoriété de la marque qui va rendre indisponible le signe et
indisponible pour n’importe quel produit. Une marque pourra même être annulée à posteriori si le titulaire de la
marque notoire subit un préjudice ou si l’exploitation de cette marque constitue une exploitation injustifiée.
Les marques notoires échappent également au principe de territorialité. Cela signifie qu’une marque notoire sera
protégée en France même sans dépôt. Toute cette protection est fondée sur la théorie des agissements
parasitaires et finalement sur la théorie de l’abus de droit. C’est finalement l’utilisation avilissante du signe,
l’intention de nuire… qui permettent l’annulation de ces marques. Là encore, les juges ont un pouvoir
d’appréciation souverain : ils ont refusé les pâtisseries « Michelin », « Yquem » pour des montres, et « Chanel »
pour des boissons alcoolisés.
B/ L’EXISTENCE D’UN USAGE ANTERIEUR
Une entreprise peut être désignée soit par une enseigne, soit par un nom commercial ou par un nom de domaine
sur internet. Il s’agit de signes distinctifs, qui ne font pas tous l’objet d’un droit privatif.
Ils ne font pas l’objet de droit privatif, mais sont tout de même protégés par l’action en concurrence déloyale. La
dénomination sociale d’une personne et donc d’un tiers va pouvoir être choisie comme marque sauf s’il existe un
risque de confusion dans l’esprit du public. La confusion peut résulter de l’usage que le déposant veut faire du
signe pour des produits ou des services du même secteur d’activité, ou parce qu’il veut profiter de la notoriété du
signe. Ces signes constituent des antériorités qui pourront être opposables à une marque à condition d’avoir la
même portée territoriale de la marque, c'est-à-dire être connue sur l’ensemble du territoire national. En revanche,
il est difficile de savoir quand le droit sur le nom ou l’enseigne a été acquis, puisqu’il n’y a pas de dépôt. Un nom
de domaine peut constituer une antériorité mais la jurisprudence subordonne dans ce cas à l’opposabilité de ce
droit antérieur à une exploitation effective.
PARAGRAPHE 2 Ŕ L’ACQUISITION DU DROIT DE PROPRIETE SUR LE SIGNE
I/ LE DEPOT
L’acquisition du droit de propriété sur la marque est subordonnée à l’accomplissement d’une formalité de dépôt à
l’INPI. C’est le dépôt qui enregistre l’enregistrement. Le dépôt est l’acte par lequel une personne déclare
posséder un signe distinctif, pour lequel elle réclame une appropriation à titre de marque.
Toute personne physique ou morale est habilitée à acquérir un droit de marque. On peut avoir un seul déposant,
une pluralité de déposants ; ces déposants deviendront donc des indivisaires de la marque. Le dépôt se fait au
chois du déposant soit à l’INPI soit dans l’une des succursales de l’INPI en province, soit auprès du greffe du TC
du domicile du déposant. Le dossier de dépôt ne peut porter que sur une seule marque, e doit comporter
obligatoirement un certain nombre d’éléments : la demande d’enregistrement qui identifie le demandeur, un
modèle de la marque, mais aussi l’énumération des produits ou des services désignés par la marque, les
déclarations des classes que l’on souhaite réserver et la justification du paiement des redevances. Le dépôt qui
ne comporte pas au moins un exemplaire de la demande d’enregistrement et la justification du paiement des
redevances est irrecevable. La demande est publiée au BOPI dans les six semaines qui suivent la réception du
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dépôt. Les tiers qui ont un droit antérieur sur une marque déposée ou sur une marque enregistrée ou sur une
marque notoire disposent alors d’un délai de deux mois pour former opposition auprès du directeur de l’INPI.
L’INPI dispose d’un délai de huit mois pour statuer sur les éventuelles oppositions, au cours d’une procédure
contradictoire. On peut par la suite porter le recours devant la CA de Paris.
Même s’il existe des oppositions le déposant va pouvoir demander à ce que sa marque soit tout de même
enregistrée, au moins provisoirement, ce qui lui permet d’avoir au moins une protection provisoire surtout à
l’étranger. Si l’opposition est admise l’enregistrement sera annulé en tout ou partie.
II/ LA PROCEDURE D’ENREGISTREMENT
L’enregistrement de la marque est subordonné à un examen de validité par l’INPI. Cet examen touche à la fois la
forme et le fond. L’examen sur la forme porte sur la régularité du dépôt. En cas d’irrégularité, le déposant dispose
d’un délai d’un mois pour corriger ses erreurs. Il peut même corriger les erreurs qu’il a lui-même constaté.
S’agissant des conditions de fond, l’INPI examine le caractère autorisé du signe déposé (licite, conforme aux
bonnes mœurs, distinctif). L’INPI ne cherche pas en revanche à savoir s’il y a des antériorités. S’il y a un vide de
fond, la sanction est le rejet du dépôt. L’irrégularité est notifiée au déposant qui dispose d’un délai de trois mois
pour présenter d’éventuelles observations. L’enregistrement est décidé par le directeur de l’INPI qui va inscrire la
marque au registre national des marques. C’est à partie du moment où la marque est inscrite sur ce registre que
l’on peut dire qu’elle est valable. L’enregistrement de cette marque va prendre effet à la date du dépôt de la
demande. En pratique, il faut environ 6 mois à un an entre le dépôt et l’enregistrement. L’enregistrement est
publié au BOPI : c’est à partir de cette publication que le dépôt de la marque est opposable aux tiers. Comme les
tiers peuvent s’opposer au dépôt de la marque, ils peuvent également agir contre l’enregistrement de la marque.
Ils disposent pour cela de l’action en nullité et de l’action en revendication.
L’action en nullité peut avoir deux fondements :
-le non-respect des conditions de fond. La nullité est relative lorsqu’elle est fondée sur l’indisponibilité du signe,
elle est donc réservée au titulaire du droit antérieur. Elle est absolue dans les autres cas (le signe n’est pas licite,
pas distinctif…) : tout le monde peut agir.
-l’existence d’un dépôt abusif. Il s’agit là d’une action qui trouve sa source dans la jurisprudence ; elle est fondée
sur l’adage « fraus omnia corrumpit » : les marques qui sont déposées dans l’intention de nuire doivent être
annulées.
L’action en revendication est la seconde action ouverte aux tiers. Elle est fondée sur un droit antérieur ou sur la
fraude. Ici, la fraude consiste en un dépôt abusif de la marque ; il s’agira surtout de la violation d’une obligation
légale ou conventionnelle. Bien souvent, on a un licencié qui dépose la marque qu’il avait déposé pour la licence
pour d’autres articles. La différence avec l’action en nullité est que le revendiquant est substitué dans les droits
du déposant.
SECTION 2 Ŕ LE CONTENU DU DROIT SUR LA MARQUE
L’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété incorporel. Le contenu des
prérogatives du propriétaire de la marque est définit négativement par le législateur. C’est donc en précisant ce
que les tiers ne peuvent pas faire sans l’accord du titulaire de la marque que le législateur définit le contenu du
droit.
En matière de marque il n’y a pas de droit moral, mais le titulaire va pouvoir faire sanctionner tout de même les
atteintes à l’image de marque, sur le double fondement de l’article 713-3 du CPI et de l’article 1382 du Code Civil.
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Le propriétaire de la marque a seul le droit de l’exploiter. Le droit de la marque confère un droit privatif de
caractère réel, un droit exclusif d’exploitation. C’est un droit qui est opposable à tous sur le territoire national. Ce
caractère absolu de la marque s’apprécie par rapport au principe de spécialité et de territorialité.
Le législateur prévoit des hypothèses où les tiers vont pouvoir exploiter une marque sans l’autorisation de son
propriétaire :
-l’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe pour une dénomination sociale,
un nom commercial, une enseigne à condition que cette utilisation soit antérieure à l’enregistrement et que le
tiers soit de bonne soit. Il s’agit des tiers qui n’ont pas pu s’opposer à l’enregistrement de la marque, soit parce
qu’il n’y avait pas risque de confusion, ou parce que le rayonnement géographique de leur signe était trop faible.
Ces tiers de bonne foi continuent à utiliser leur signe. Le titulaire de la marque ne pourra pas s’y opposer sauf si
l’utilisation du signe porte atteinte à la marque.
-les fabricants de pièces détachées peuvent utiliser une marque sans autorisation du titulaire (exemple :
cartouches d’imprimante)
-en matière de publicité comparative.
Les contrats qui portent sur la marque permettent à un tiers d’exploiter la marque. C’est un des intérêts
économiques du droit de marque.
Le contrat de cession de marque est une convention par laquelle le titulaire de la marque transfère son droit sur
sa marque à un cessionnaire, moyennant le versement d’une contrepartie en argent. Il s’agit plus ou moins d’un
contrat de vente, avec quelques spécificités propres à la PI. Par opposition, la licence de marque est un contrat
où le titulaire de la marque permet à un licencié d’exploiter sa marque moyennant le versement d’une
contrepartie.
1- L’EXPLOITATION RESERVEE AU TITULAIRE DE LA MARQUE
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