UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
Projet de formation personnelle et professionnelle
Travail présenté dans le cadre du cours
DDM4600
Stage IV
À Louise Pépin
PAR
Lila Abdeddaim
Avril 2017
2
Introduction En enseignement, nous voulons souvent «faire» pour nos élèves. En effet,
nous croyons bénéfique de tout contrôler dans la classe afin de s’assurer d’une
gestion de classe optimale. Nous planifions tout au doigt et à l’œil, allant des
notions à enseigner, à l’heure de la collation. Nous enseignons normalement la
matière à l’ensemble de la classe en essayant fort bien de fusionner nos faibles
et nos forts. Nous ne jurons que par la différenciation afin de combiner
efficacement nos deux sous-groupes pour converger vers un but précis : la
réussite de tous. Cependant, quand est-ce que nous laissons du temps pour
l’élève lui-même ? Quand est-ce que nous lui laissons du temps pour découvrir
lui-même des notions à son goût ? Quand est-ce que nous lui laissons des
moments adaptés à sa vitesse d’apprentissage où celui-ci ne se sent pas
surchargé ou, à l’inverse, tiré vers le bas ? Comme l’a dit Regie Routman : « Les
enseignants ont l’habitude de faire faire un tas de travaux aux enfants. Je me
demande souvent si c’est ainsi qu’on leur apprend à lire et à écrire... »1 J’ai
l’impression qu’il y a plusieurs moyens permettant d’avoir autant une bonne
gestion de classe et une planification complète et rentable que des moments
laissés aux élèves favorisant leur autonomie, leur responsabilité, leur
engagement, etc.
La pédagogie ouverte Depuis trois mois, j’enseigne dans une classe de 2e année, et ce jusqu’à
la fin de l’année. J’ai été placée dans une classe n’ayant ni de système de
gestion de classe, ni de projets entamés, ni d’évaluations de faites et bien
encore. Ainsi, j’ai eu carte blanche en ce qui a trait à tout ce dont je voulais
développer dans cette classe. Après avoir instauré un système de motivation,
des routines, une organisation de classe et de pupitres, je me suis penchée sur
des projets à long terme. Un de ses projets est celui que je vais vous présenter
plus bas. En lisant les différents modèles d’enseignement, j’ai décidé de
1 Boushey, G. & Moser, J. (2015). Les 5 au quotidien: favoriser le développement de l'autonomie en littératie au primaire. Chenelière éducation.
3
m’appuyer sur la pédagogie ouverte pour développer mon projet. Cette
pédagogie s’insert bien dans une classe comme la mienne prônant la démocratie
et les interactions sociales entre les pairs et avec l’enseignant. Aussi, ma vision
de l’enseignement se base entre autres sur cette approche, car je mets toujours
l’élève au centre de mes préoccupations en priorisant le respect des différences.
En effet, le premier principe de cette pédagogie est de permettre à l’élève de
développer des talents multiples respectant son rythme et son style
d’apprentissage.2 Alors, comparativement à ce que j’expliquais plus haut, « j'ai
cette tendance à prioriser et à croire que l'enfant doit s'engager personnellement
pour assurer sa réussite. Pour moi, l'enseignant doit être un guide en montrant à
l'enfant à faire seul. Nous les outillons, au départ, en leur offrant des racines pour
finalement les laisser s'envoler par eux-mêmes à la fin du processus
d'apprentissage. Dans ma vision de l'enseignement, je vois une énorme liberté,
telle décrite par Rogers (1902-1987) sur laquelle je mets l'emphase, car c'est ce
qui permet à l'enfant de développer son plein potentiel. »3 Ainsi, dans la même
lancée que la pédagogie ouverte, le courant humaniste propose un rôle de
l’apprenant mettant de l’avant ses choix de sujets qu’il décide d’explorer ainsi
que la façon dont il est parvenu à les découvrir. L’interprétation personnelle qu’il
en fait donne lieu à un apprentissage intégré et signifiant. De plus, comme Bégin
et Paquette (1979) le disent dans un de leur article: «En choisissant de faire des
activités qui répondent à ses besoins et intérêts immédiats, en tentant de
résoudre les questions qu'il se pose et en évaluant ses apprentissages, l'enfant
fait des apprentissages significatifs et intégrés. » 4 Et, comme plusieurs auteurs
le constatent dans leur recherche, il existe une corrélation positive entre
l’enseignement significatif et la motivation et l’implication de l’élève dans son
cheminement scolaire. 5
La classe et le milieu scolaire 2 Tiré du document « tableau_ouverte» sur Moodle du cours DDM4600 3 Tiré de mon portfolio professionnel : http://www.lilaporlier.jimdo.com 4 Bégin, H. et Hermann, P. (1979). Apprentissage significatif et intégré dans une perspective d’éducation continue. Québec, vol. 36, p. 28-‐32. 5 Idem
4
Pour ma part, je devais opter pour un projet à long terme permettant aux
élèves de développer ou parfaire leur motivation scolaire. En effet, ceux-ci
avaient eu presque 7 enseignants depuis le début de l’année. Comme le
démontre Beaulieu (2007) dans sa mémoire, la motivation est une composante
déterminante de l’apprentissage influencée par plusieurs facteurs dont les
relations de l’élève avec autrui et son engagement dans une tâche.6 Comme le
soutiennent Viau et Bouchard (2000) : « la perception de la valeur accordée à la
tâche est le déterminant qui est associé le plus fortement à l'engagement et à la
persévérance dans une tâche d'apprentissage. »7 Alors, avant de développer
mon projet, je voulais absolument connaître mes élèves. Je voulais découvrir
leurs goûts, leurs forces et leurs faiblesses, car pour motiver ses élèves, il suffit
de leur proposer un enseignement significatif et près de leurs besoins et intérêts.
Ayant 9 plans d’intervention dans ma classe, 2 élèves diagnostiqués TDAH, 1
élève TDA et une élève DGA (ayant des difficultés graves d’apprentissage), je
savais qu’il serait difficile d’instaurer un projet adapté à tous. C’est d’ailleurs
pourquoi j’ai opté sur un projet suivant de près la pédagogie ouverte permettant
de suivre la progression des élèves et leur offrant un environnement soutenant
les différences individuelles. De plus, ces élèves devaient avoir un cadre sur
lequel ils pourraient développer des valeurs comme l’autonomie,
l’interdépendance, la responsabilisation, la démocratie et la participation. N’ayant
pas de responsabilités de classe, je voulais aussi prioriser une approche
permettant aux élèves d’apprendre à faire des choix, à assumer des
responsabilités, à gérer leur temps et à organiser leur travail.
Ensuite, après plusieurs dictées et quelques productions écrites, je me suis
rendu compte que le bagage de vocabulaire de mes élèves était pauvre et que
l’étude à la maison n’était pas aussi présente que je l’espérais. Cependant, la
collaboration des parents était présente et lorsque je communiquais avec eux, je
les sentais engagés et motivés de voir leur enfant réussir. Alors, qu’est-ce qui 6 Beaulieu, E. (2007). L’incidence de facteurs relationnels sur la motivation scolaire d’élèves des deuxièmes et troisièmes cycles du primaire. Mémoire de maîtrise inédit, Université du Québec à Montréal (UQAM). 7 Viau, R. et Bouchard, J. (2000). Validation d'un modèle de dynamique motivationnelle auprès d'élèves du secondaire. Revue canadienne de l’éducation, vol. 25(1), p. 16-‐26.
5
clochait avec l’étude à la maison ? Je réponds à cette question par un mot :
multiculturalisme. En effet, pour faire un portrait global de ma classe, il n’y a
qu’un enfant de parents québécois. En ce qui a trait à mes 23 autres élèves, il
est question de parents immigrants n’ayant pas le français comme langue
première. Ainsi, il s’avère difficile de développer le vocabulaire des enfants si à la
maison ceux-ci parlent arabe, créole, vietnamien ou espagnol. Lorsque j’ai
rencontré un parent pour lui faire part des difficultés de son enfant en écriture,
elle m’a répondu qu’elle n'avait jamais remarqué puisqu’à la maison, la famille ne
parle qu’arabe. Bref, je voulais surtout développer un projet en français pour
motiver mes élèves à lire et à écrire sans créer des automatismes comme
l’écriture des mots de vocabulaire 3 fois par jour en début de journée. Comme
expliqué plus haut, je voulais que mon projet fasse écho de créativité, de
dynamisme, de plaisir et permette de susciter la curiosité intellectuelle de mes
élèves.
Les trois au quotidien C’est grâce à toutes les raisons mentionnées ci-dessus que j’ai décidé
d’implanter les 3 au quotidien dans ma classe. La vraie approche normalement
se définit par le «5 au quotidien». Le «5 au quotidien» est un modèle de gestion
de classe fondé sur diverses recherches sur la motivation et centré sur le
développement de l’autonomie en littératie chez les élèves du primaire. Ce
modèle a été développé par Gail Boushey et Joan Moser. En effet, on parle de
cinq composantes : la lecture à soi, les travaux d’écriture, l’étude de mots,
l’écoute de la lecture et lecture à un autre. Pour ma part, j’ai décidé
quotidiennement d’exploiter trois des cinq composantes, soient la lecture à soi ou
la lecture à un autre, les travaux d’écriture et l’étude de mots. Je compte,
cependant, de temps à autre permettre l’écoute de la lecture, par exemple, lors
d’une période iPad ou lors d’une période d’informatique. Le manque de matériel
en classe ne m’a pas permis d’introduire quotidiennement cette composante.
Les nombreux avantages m’ont poussé à vouloir le développer dans ma classe.
Avant tout, cette structure permet la différenciation, un principe fondamental de
6
pédagogie. En effet, pendant que les élèves s’adonnent à ces activités
quotidiennement de façon autonome, l’enseignante peut recevoir un seul élève
ou un sous-groupe d’élèves afin de travailler selon des besoins propres à ceux-
ci. Ensuite, ce qui m’a remarquablement plu a été de mettre de l’avant des
périodes de littératie loin des manuels, des duotangs, des situations d’écriture
artificielles. En effet, j’ai eu un certain déclencheur, lorsqu’en suivant mes
collègues durant la période de Noël, j’ai donné une situation d’écriture mettant en
vedette le père Noël et la fête qui s’y rattache. Malgré les efforts que j’ai mis à les
préparer par le biais de la littérature jeunesse, des tempêtes d’idées, des
échanges entre eux, j’ai été déçue des résultats finaux. Lorsque je me suis
assise avec moi-même en faisant une rétrospection du projet, je me suis rendu
compte que cette situation n’était tout simplement pas significative pour les
élèves. Justement, aucun élève à l’exception d’une n’avait déjà fêté Noël. Alors,
comment leur demander de se faire des images mentales et de s’approprier la
situation d’écriture pour en faire un projet personnel ? Avec cette approche, nous
permettons à l’élève de choisir ses thèmes de situations d’écriture ce le qui
davantage à écrire et ce qui accroîtra son investissement intellectuel. Enfin, un
autre avantage est tout l’enseignement des stratégies en lecture que nous
faisons avec notre classe. Lors de mon premier mois de contrat, je suivais
exactement mes collègues et chaque semaine, il y avait une évaluation de
lecture. Je me questionne toujours à savoir comment enseigner explicitement les
stratégies de lecture. Avec la méthode du «5 au quotidien», « nous enseignons
des stratégies de lecture afin d’accroître la compréhension, l’exactitude et la
fluidité en lecture et d’enrichir le vocabulaire des élèves. C’est par la lecture à
haute voix que nous modelons pour eux, et par la lecture partagée, la lecture à
un autre, les rencontres en petits groupes et les entretiens individuels que nous
nous acquittons de cette tâche. »8
8 Boushey, G. & Moser, J. (2015). Les 5 au quotidien: favoriser le développement de l'autonomie
en littératie au primaire. Chenelière éducation.
7
Selon un article de Levasseur-Lortie et Rail, sur la banque de ressources
pédagogies en littératie pour l’élémentaire9, la structure du «5 au quotidien» se
distingue des autres modèles de gestions par sa façon de/d’ :
Ø développer la résistance et l’autonomie chez les élèves ;
Ø accroître la confiance en soi ;
Ø offrir des choix ;
Ø favoriser l’esprit de groupe ;
Ø communiquer et d’inculquer l’urgence d’apprendre
Ø favoriser l’engagement, la participation active et l’esprit de groupe.
Ce que j’ai noté en étudiant le sujet est qu’il faut accompagner de mini-leçons
cette approche.
Lecture à soi (10 à 12 minutes de résistance):
En effet, si je prends, par exemple, la lecture à soi, nous devons leur enseigner
qu’il existe trois façons de lire un livre (lire les images, lire les mots et faire le
rappel de l’histoire). Pourquoi leur préciser ? Plusieurs élèves associeront lecture
à la lecture de mots et leur préciser que ce n’est pas nécessairement que cela
permet d’éliminer le risque que certains élèves épuisent leur résistance
prématurément en se justifiant par leurs difficultés à décoder certains mots ou à
lire d’une manière non fluide. Par exemple, lorsque je leur ai présenté pour la
première fois un livre sans mots, ceux-ci m’ont immédiatement dit : « Mais
madame Lila, ce n’est pas un livre ça !» J’ai rapidement compris que plus ils sont
jeunes et plus leur conception de la lecture est erronée. Par contre, lorsque je
leur ai dit que je lisais les images, plusieurs se sont exclamés en disant : «Ahhh,
mais oui, j’ai déjà fait ça !!» Ensuite, il faut leur enseigner aussi qu’il existe
plusieurs types de livres, car certains élèves peuvent, par exemple, être toujours
tombés sur des contes de Disney et par la suite avoir développé une certaine
aversion de la lecture d’où l’importance de leur présenter des documentaires,
des revues scientifiques, des romans, des BD, etc. (et ce peu importe l’âge !). Il y
a aussi d’autres leçons comme comment choisir un livre à sa pointure, comment
9 http://www.litteratout.com/les-5-au-quotidien/
8
trouver un endroit dans la classe favorisant une période de lecture calme et
efficace, etc.
Étude de mots (environ 20 minutes):
Dans la composante de l’étude de mots, les élèves manipulent les mots afin
d’observer et d’utiliser les régularités orthographiques et grammaticales et
s’appliquent à mémoriser des mots fréquents et à enrichir leur vocabulaire par le
biais d’activités ludiques. Il faut préalablement préparer plusieurs façons
d’étudier les mots de vocabulaire loin de celle traditionnelle et leur trouver un
coin organisé dans la classe. Il va de soi qu’il faudra modéliser aux élèves
comment utiliser le matériel à leur portée et comment le ranger. Pour ma part,
j’utilise :
Ø des petits tableaux blancs et le gros de la classe ;
Ø le TNI ;
Ø des lettres aimantées (minuscules) ;
Ø les marqueurs de différentes couleurs et les gros cartons ;
Ø des lettres scrabbles et des petits dés de lettres en bois ;
Ø des éponges lettrées ;
Ø des gros cubes lettrés ;
Ø etc.
Les mots que les élèves ont à travailler sont ceux de la semaine, selon le thème
où nous sommes rendus. Les objectifs sont, entre autres, de développer leur
autonomie par le fait même de savoir où trouver le matériel dans la classe, de
comment fonctionner de façon autonome, seuls ou en dyade et de comment
organiser et gérer leur emploi du temps.
Travaux d’écriture :
Lors des travaux d’écriture, les élèves s’appliquent à une production écrite de
leur choix, individuellement ou en dyade. Avant tout, il faut préparer un cahier
d’écriture pour les élèves et leur proposer une banque d’idées de choix de sujets.
Pour ma part, c’est ce qu’on appelle le «jogging d’écriture». Chaque jour, les
9
élèves auront 20 minutes pour faire le jogging d’écriture. Pourquoi leur donner un
temps maximum ? Pour qu’ils deviennent des scripteurs efficaces. Il faut faire
attention ici pour ne pas confondre «ateliers d’écriture», qui sont des périodes
complètes allouées à l’enseignement des genres de textes, des stratégies, etc.,
et «travaux d’écriture» qui ont pour but de faire progresser le travail entrepris
dans l’atelier d’écriture. Ce que les élèves aiment bien est le choix du sujet. Les
sujets du mois de mars, par exemple, seront :
-Si je pouvais voyager ;
-J’ai hâte que la neige fonde pour... ;
-Raconte l’histoire du dernier livre que tu as lu ;
-Etc.
Je leur demande aussi, à l’aide d’un diagramme à bandes de compter leurs mots
à chaque fois, ce qui permettra de tenir compte de la progression (Voir l’annexe
2)
Je ne mets pas l’emphase sur les fautes d’orthographe, car mon but premier est
de leur donner le gout d’écrire et d’automatiser cette façon de raconter et de
mettre en place les stratégies préalablement enseignées. Pour tenir compte de
leur façon de s’autocorriger, je leur demande une fois par mois de choisir leur
meilleur jogging, de le mettre sur papier, de s’autocorriger et finalement de le lire
à un autre élève. Je prendrai compte de ce jogging dans le bulletin.
Autres petits projets :
Pour compléter mon 3 au quotidien, chaque semaine je prévois 2 périodes
d’ateliers d’écriture et une période de cercle de lecture. De plus, je prévois aussi
faire des entretiens de lecture. À ce jour, je n’ai pas encore commencé les
ateliers d’écriture, les cercles de lecture et le jogging d’écriture. J’ai commencé la
lecture à soi et l’étude de mots.
10
L’évaluation du projet Quelques semaines plus tard, me voici déjà à la fin de mon stage. Par
contre, considérant que mon contrat continue, mon projet continuera tout autant.
Alors, je conclue ce travail dans le cadre du cours, mais je prévois le poursuivre
jusqu’à la fin de l’année. Il est certain que c’était un gros projet à mettre en place
et qu’il faut beaucoup plus que 8 semaines pour apercevoir les bienfaits à long
terme chez les élèves. Cependant, je peux déjà dire qu’il y a eu un impact positif
depuis l’instauration des 3 au quotidien dans la classe autant pour les élèves que
pour moi.
L’impact du projet sur les élèves
• L’organisation, l’autonomie et la responsabilisation :
Comme mentionné plus haut, je ne peux pas dire concrètement l’impact à long
terme qu’a eu mon projet sur le cheminement scolaire de mes élèves, car il est
trop tôt pour apercevoir une différence en matière de notes scolaires. Par contre,
j’ai remarqué que ce projet a permis, entre autres, à responsabiliser mes élèves
et à les rendre autonome. En effet, ces aspects faisaient partie de mes objectifs
principaux, car les élèves étaient vraiment désorganisés à mon arrivée. J’avais
remarqué aussi que les élèves ne connaissaient même pas leur environnement.
J’étais outrée de voir des élèves me demander où était le matériel de base 10,
les dictionnaires, les outils de correction, etc. Pour favoriser la réussite des
élèves, nous devons leur apprendre à trouver des réponses dans leur
environnement premier : leur classe. Comment pouvons-nous s’attendre d’un
élève à ce qu’il réussisse s’il croit qu’il n’existe que ses propres connaissances
qui sont à sa portée ? Il faut prouver à l’élève que s’il ne connait pas une
information, il doit être capable de la trouver dans son environnement en
regardant, par exemple, les affiches de sons, le mur de mots, le lexique
mathématique accroché, les dictionnaires ou en utilisant le matériel
mathématique à sa portée comme les jetons. Ce constat s’étirait aussi dans
d’autres sphères de la vie en classe, comme l’horaire. Je trouvais que les élèves
dépendaient trop de moi pour fonctionner et que je n’avais de temps à moi pour
11
aider personnellement des élèves. Depuis que j’ai développé les 3 au quotidien,
les élèves savent ce qu’ils ont à faire, comment le faire et où aller chercher le
matériel pour le faire. Ce que j’ai fait ? J’ai dû expliquer le fonctionnement, le
modéliser et laisser du temps. On ne peut s’attendre à ce qu’un enfant de 7 ans
sache comment s’organiser seul si nous ne le modélisons pas pour lui. Bref,
maintenant, lorsque mes élèves voient à l’horaire les 3 au quotidien, ils savent où
aller chercher le matériel, où se placer et où regarder pour voir dans quel bloc ils
sont rendus. Je suis impressionnée de voir la différence, car même mes élèves
en difficulté sont capables de s’organiser dans leur environnement et de
fonctionner de manière optimale. J’ajoute à cela que j’ai accroché beaucoup de
pictogrammes et de référentiels visuels pour permettre aux élèves de s’orienter
par eux-mêmes.
• Le gout10 pour la lecture :
Avant que j’arrive dans la classe, il n’y avait pas de coin-lecture ni même de
bibliothèque. Lorsque j’ai imposé une période de lecture dans l’horaire, les
élèves n’étaient pas du tout emballés. Ils dérangeaient, ne lisaient pas ou se
couchaient sur leur bureau. J’ai alors vite remarqué que les élèves n’aimaient
pas nécessairement lire. Pourquoi cela ? Ils n’étaient pas motivés, ni par les
livres offerts, ni par l’activité de se retrouver seul dans un monde imaginaire,
celui de la lecture. Comme l’avance Marie-Josée Robitaille (2008) dans son
mémoire de maitrise: «Les attitudes des élèves jouent effectivement un rôle
important dans l'apprentissage de la lecture. Les élèves qui sont motivés lisent
davantage et, de ce fait, performent mieux en lecture. [Ceux] qui éprouvent des
difficultés dans l'apprentissage de la lecture prennent progressivement du retard
dans toutes les matières. Ces différences conduisent les garçons à des retards
scolaires et à du redoublement.» 11 Plusieurs études soutiennent, en effet,
l’apport crucial de la lecture dans un cheminement scolaire visant la réussite. Je
10 Gout ne s’écrit plus «goût» si l’on se fie à la nouvelle orthographe. 11 Robitaille, M.-J. (2008). Les attitudes des garçons et des filles du primaire envers la lecture, le coin-lecture et la période de lecture personnelle. Mémoire de maîtrise inédit, Université du Québec à Montréal (UQAM).
12
devais donc développer un projet mettant au centre de mes préoccupations la
motivation de mes élèves et leur gout pour la lecture, surtout pour les garçons.
En effet, les études démontrent que les garçons sont peu motivés par lecture par
le simple fait que cela ne soit pas dans leurs habitudes personnelles d’ouvrir un
livre pour le plaisir. Souvent, les enseignants, contre leur gré, briment ce gout
pour la lecture en imposant des lectures obligatoires aux élèves. En effet, si nous
ne laissons pas de choix aux élèves, on ne peut considérer que ceux-ci lisent
pour le plaisir. Pour appuyer mes propos, je me suis inspirée de Djider, Murat et
Robin (2003) disant que : «la différence entre les filles et les garçons, en ce qui
concerne leur performance en lecture, peut être due à leurs habitudes de lecture.
En fait, 40% des garçons disent ne jamais lire pour leur plaisir, ce qui est deux
fois plus que les filles (21 %).»12 Dans les 3 au quotidien, on diversifie la façon
de lire. En effet, les élèves peuvent lire ce qu’ils veulent, où ils veulent et avec
qui ils veulent. En plus de permettre les places flexibles, j’ai aussi mis beaucoup
d’énergie pour organiser une bibliothèque et un coin-lecture. (Voire annexe 3)
Cependant, il faut faire attention ici. Il faut comprendre qu’il n’y a pas de lien
direct entre l’installation d’un coin-lecture et la motivation en lecture. En effet,
selon le modèle McKenna et al. (1995) qui intègre le rôle des interventions de
l’enseignant dans l’acquisition des attitudes envers la lecture, « un enseignant
qui installe un coin-lecture dans sa classe et qui fournit aux élèves des temps de
lecture libre dans un environnement favorable n’affectera pas directement
l'attitude des enfants, mais la facilité d' accès aux livres influencera l'intention de
lire de l'élève, ce qui conduira à plus d'expériences de lecture et, par
conséquent, à une modification des attitudes.» 13 La lecture personnelle
traditionnelle à son bureau n’a plus sa place dans la classe d’aujourd’hui. J’ai,
aussi, dû montrer aux élèves comment se choisir un livre à leur pointure, car on
ne peut pas imposer un moment de lecture à un élève qui ne comprend pas son
livre ou qui n’est pas enchanté par ce qu’il lit. Il fallait aussi leur enseigner les
12 Djider, Z., Murat, F. et Robin, 1. (2003). Motivation et performances scolaires: les filles creusent l'écart. Insee Premiere, vol. 886, p.1-4. 13 McKenna, M. C., Kear, D. J. et Ellsworth, .R. A. (1995). Children's attitudes toward reading: A national survey. Reading Research Quarterley, 30 (4), p.934-954.
13
différents types de livre qui existent. Si je regarde mes garçons, ceux-ci ne
connaissaient généralement que les BD et les documentaires. Du côté de mes
filles, elles ne connaissaient généralement que les contes pour enfants.
Aujourd’hui, j’ai des filles qui lient des documentaires sur les requins, par
exemple, et des garçons qui lient des petits romans. Je me suis engagée dans
ce défi personnel et je crois, aujourd’hui, que j’ai réussi à donner le gout aux
élèves de lire et d’apprécier ce moment. Maintenant, ils sont conscients des
bienfaits de la lecture tant psychologiques que physiques. Je les sens désormais
enthousiasmes, engagés, motivés et surtout calmes. D’ailleurs, selon Gambrell
et Gillis (2007) : «un lecteur qui manifeste des attitudes positives envers la
lecture choisit de lire, trouve du plaisir à lire et applique de façon consciente des
connaissances et des stratégies pour mieux comprendre les textes qu'il lit. Les
enfants qui aiment lire accordent donc beaucoup de temps à cette activité et sont
de meilleurs lecteurs.» 14 Aujourd’hui, lors des périodes de lecture, mes élèves
partagent leur lecture avec un ami, sourient après avoir lu une page, viennent me
voir pour me lire un moment qu’ils apprécient, etc. Au début, lorsque j’ai permis
la lecture à 2 ou bien la lecture dans le corridor, c’était tout sauf organisé. Par
contre, j’ai compris qu’il faut leur laisser du temps et accepter qu’au début ce soit
bruyant et dérangeant. Si nous ne laissons pas le temps à l’élève pour s’adapter
à son environnement en essayant d’être sévère dès le début, celui-ci continuera
de déranger, de ne pas se concentrer lors de la tâche et n’aimera pas ce qu’on
lui propose.
Bref, je crois que c’est mon plus grand exploit dans ce projet parce que je suis
réellement fière de voir mes élèves autant impliqués lors de la période de lecture.
• L’étude de mots :
Quelle belle idée d’avoir présenté cette façon de faire à mes élèves ! J’avais
remarqué, au début de mon contrat, que beaucoup d’élèves, et par conséquent
de parents, n’étaient pas assidus dans l’étude à la maison. Plusieurs n’avaient 14 Gambrell, L. B. et Gillis, V. R. (2007). Classroom literacy assessment: making sense of what students know and do (pp.50-65). In 1. R. Paratore et R. L. McCormack (Eds), Solving problems in the teaching ofliterqcy. New York: Guilford.
14
même pas la fiche d’étude dans leur cartable et, alors, c’était le festival des
fautes lors de la dictée ! J’avais donc conscience que mes élèves n’étudiaient
pas ou peu ! Je leur ai demandé ce qu’ils n’aimaient pas dans l’étude des mots
de vocabulaire. Plusieurs m’ont répondu que c’était ennuyant ou qu’ils ne
savaient pas nécessairement comment étudier. En effet, ils étaient habitués à
écrire trois fois les mots de vocabulaire sur une feuille mobile et tenter de se
souvenir de la graphie des mots lorsque leurs parents les dicteraient. Lorsque je
leur ai montré qu’il existait une panoplie de façons intéressantes d’étudier des
mots de vocabulaire, j’ai immédiatement ressenti de l’excitation de leur part.
Avec des élèves de 7 ans, il faut toujours essayer de leur proposer des manières
ludiques de faire. D’ailleurs, une de mes élèves est déjà venue me dire qu’elle
aimait faire l’étude de mots, car «elle étudiait en s’amusant». À travers l’étude de
mots, en plus de leur présenter du matériel pour étudier les mots, je leur
partageais des stratégies intéressantes afin de retenir la l’orthographe des mots.
Parmi ses stratégies, je leur proposais, par exemple, de choisir une couleur de
billes, de crayons, de petits cubes selon les syllabes du mot ou bien d’échanger
de couleurs lorsqu’il y avait des voyelles dans le mot. J’ai, d’ailleurs, envoyé des
idées d’étude de mots à la maison. (Voir l’annexe 4) Je ne sais pas s’il y a une
corrélation directe entre les ateliers d’étude de mots et les résultats des dictées,
mais je remarque une grande amélioration généralisée dans ma classe depuis
l’instauration de ce projet.
Le développement personnel et professionnel
Avant tout, l’objectif principal de mon projet était de développer un projet
«permettant d’avoir autant une bonne gestion de classe et une planification
complète et rentable que des moments laissés aux élèves favorisant leur
autonomie, leur responsabilité, leur engagement, etc.» D’ailleurs, je mets
l’emphase sur le mot «rentable», car, personnellement et selon les besoins de la
classe, il était très important pour moi de développer un projet pour mes élèves
qui allait toucher et motiver l’ensemble de la classe (autant mes élèves forts que
mes élèves faibles). En effet, souvent à travers mon stage j’ai développé des
15
activités qui étaient très ennuyantes pour les élèves doués, car c’était trop facile
pour eux. Je sentais, donc, que je ne rentabilisais pas leur temps
d’apprentissage. Alors, en pensant au 3 au quotidien, je m’étais demandée si
c’était adéquat pour tous. À ma grande surprise, ce fut un projet très motivant
pour l’ensemble de la classe et pour moi. Durant ce temps accordé, je pouvais
rencontrer des élèves personnellement et travailler avec eux. Je n’étais pas
dérangée par des questions d’élèves ni par des comportements inadéquats
puisque j’avais développé l’autonomie chez mes élèves.
Professionnellement parlant, avant tout, ce projet m’a permis d’élargir mes
horizons en matière de gestion de classe. Je n’avais jamais travaillé dans un
environnement mettant de l’avant les 3 (5) au quotidien. Au début, c’était un défi
de coordonner tous les blocs et les étapes de ce projet, car il fallait aider les
élèves et surveiller les comportements inadéquats. Je n’étais jamais au bureau,
car je me promenais, j’aidais, je discutais et je guidais les élèves. Tranquillement,
j’ai pu me retirer complètement et m’attarder aux élèves dans le besoin. Par la
suite, ce projet m’a beaucoup apporté quant aux préoccupations pédagogiques
qui se développent en moi. En effet, en début de carrière, on apprend à
connaître nos intérêts, mais aussi ce qui nous préoccupe dans le monde de
l’éducation. À travers ce projet, j’ai pu découvrir un grand intérêt pour la lecture
et développer une préoccupation sur la place de celle-ci dans nos classes. J’ai
fait beaucoup de recherche sur la motivation en lecture et son impact sur le
cheminement scolaire des élèves. Cela m’a donc ouvert un nouveau champ
d’intérêts et je compte même orienter ma future maitrise vers cet enjeu. C’est
donc à suivre !
Conclusion : Finalement, l’apport de ce projet se divise en plusieurs composantes
comme expliquées plus haut. Il est certain que je vais reproduire le projet l’année
prochaine en ajoutant différentes ressources comme l’écoute de la lecture. Pour
ce stage, je devais adapter le projet à la classe et au matériel déjà existant. Dans
un futur rapproché, j’aimerais davantage utiliser les 5 au quotidien, car l’impact
16
sur les élèves est encore plus signifiant. L’année prochaine, je vais davantage
développer la partie écrite de ce projet, car je trouve que c’est ce que j’ai le plus
négligé dans le cadre du stage. Je trouvais plus important de miser sur les
besoins immédiats de mes élèves, soit l’étude de mots et la motivation en
lecture. D’ailleurs, je vais joindre en (Voir annexe 2) des exemples de travaux
d’écriture dirigés par mes collègues de cycle. D’un coté, il y a ma collègue
Sandrine qui fait des travaux d’écriture qui s’apparentent plus aux 5 au quotidien,
car elle travaille davantage les idées spontanées et la vitesse d’écriture sans se
soucier de l’orthographe des mots. Par contre, une fois par mois, elle demande
aux élèves de choisir leur meilleur «jogging du mois» et de le corriger. (Voir
annexe 2) C’est d’ailleurs ce qu’elle va comptabiliser au bulletin. De l’autre côté,
il y a ma collègue Marie-Tania qui, elle, se base davantage sur la collection «Les
ateliers d’écriture» de Chenelière Éducation. L’exemple de son élève en annexe
est tiré du premier processus qui s’intitule «Écrire des récits inspirés de nos
petits moments».15 Cette façon de faire motive grandement les élèves, car elle
n’impose pas de sujets aux élèves ! Ils doivent, en effet, se baser sur leur
quotidien pour développer leur compétence à écrire. Enfin, je crois bien que ces
deux modèles soient intéressants dans la mesure où ils sont travaillés
parallèlement, car ils n’ont pas les mêmes visées. Dans le cadre de mon projet
actuel, j’ai travaillé un peu le modèle de Sandrine, car je voulais automatiser le
geste d’écriture et développer l’écriture spontanée. Mais, je compte clairement
utiliser la méthode de Marie-Tania pour organiser ma planification annuelle en
écriture pour l’année prochaine.
Je clos ce merveilleux projet avec une citation d’Holtz :
« Les aptitudes sont ce que vous pouvez faire. La motivation détermine ce que vous faites. Votre attitude détermine votre degré de réussite. »16
15 Calkins, C., Oxenhorn Smith, A., et Rothman, R. (2016). Écrire des récits inspirés de nos petits moments. Chenelière éducation. 16 http://evene.lefigaro.fr/citations/mot.php?mot=motivation
17
Bibliographie Beaulieu, E. (2007). L’incidence de facteurs relationnels sur la motivation
scolaire d’élèves des deuxièmes et troisièmes cycles du primaire. Mémoire de
maîtrise inédit, Université du Québec à Montréal (UQAM).
Bégin, H. et Hermann, P. (1979). Apprentissage significatif et intégré dans une
perspective d’éducation continue. Québec, vol. 36, p. 28-32.
Boushey, G. et Moser, J. (2015). Les 5 au quotidien: favoriser le développement
de l'autonomie en littératie au primaire. Chenelière éducation.
Calkins, C., Oxenhorn Smith, A., et Rothman, R. (2016). Écrire des récits
inspirés de nos petits moments. Chenelière éducation.
Djider, Z., Murat, F. et Robin, 1. (2003). Motivation et performances scolaires: les
filles creusent l'écart. Insee Premiere, vol. 886, p.1-4.
Gambrell, L. B. et Gillis, V. R. (2007). Classroom literacy assessment: making
sense of what students know and do (pp.50-65). In 1. R. Paratore et R. L.
McCormack (Eds), Solving problems in the teaching ofliterqcy. New York:
Guilford.
McKenna, M. C., Kear, D. J. et Ellsworth, .R. A. (1995). Children's attitudes
toward reading: A national survey. Reading Research Quarterley, 30 (4), p.934-
954.
Robitaille, M.-J. (2008). Les attitudes des garçons et des filles du primaire envers
la lecture, le coin-lecture et la période de lecture personnelle. Mémoire de
maîtrise inédit, Université du Québec à Montréal (UQAM).
18
Viau, R. et Bouchard, J. (2000). Validation d'un modèle de dynamique
motivationnelle auprès d'élèves du secondaire. Revue canadienne de
l'éducation, vol. 25 (1), p. 16-26.
En ligne : Portfolio professionnel : https://lilaporlier.jimdo.com/
Moodle sur le cours DDM4600 : https://www.moodle2.uqam.ca/
Littératout : http://www.litteratout.com/les-5-au-quotidien/
Citation Évene : http://evene.lefigaro.fr/citations/mot.php?mot=motivation
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Annexes 1. Les photos en lien avec le projet
2. Les documents en lien avec le projet et les exemples de mes collègues
3. Le questionnaire pour le développement du coin-lecture
4. Les idées pour la maison en lien avec l’étude de mots
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1. Lecture à soi
Structurer son coin-lecture et sa bibliothèque
Les laisser s’asseoir où ils
veulent
Offrir des choix et proposer des livres vedettes
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2. L’étude de mots
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